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La Vie Des Gens Mariez



LA VIE
DES
GENS MARIEZ.




LA VIE
DES
GENS MARIEZ,
ou
LES OBLIGATIONS
DE CEUX QUI S'ENGAGENT
DANS LE MARIAGE,
Prouvées par l'Ecriture, par les ſaints Peres,
& par les Conciles.

Par Mr Girard de Ville-Thierry,
Prêtre.

Nouvelle Edition, revûe, corrigée & augmentée. Fleuron. A PARIS,
Chez Antoine Damonneville, Quay
des Augustins, proche la rue Gille-Cœur,
à l'Image S. Eſtienne.
Filet simple.
M. DCC. XXI.
Avec Privilege et Approbation.


Bandeau à motif floral. PREFACE.

Lettrine "I".
IL n'y a point d'état plus
commun que celui du
Mariage : car toutes ſor-
tes de personnes, les ri-
ches & les pauvres , les jeunes
& les vieux, les Princes & les
peuples ſe marient : mais on peut
dire qu'il n'y en a point aussi
dont on ignore davantage les
devoirs & les obligations. On
s'y engage la plûpart du tems
tres - temerairement , & ſans y
faire aucune réflexion ; ou ſi on
en fait quelqu'une , ce n'eſt que
par rapport aux biens de la terre
& aux avantages temporels. On
ne penſe point à s'y préparer par
les pratiques de pieté dont par-
lent les ſaints Peres & les Con-
ciles ; on ne les connoît pas mê-
me; on ſe preſente au pied des
Autels avec un eſprit diſſipé &
ã iij

PREFACE.
plein de trouble pour y recevoir
la benediction du Prêtre : on s'a-
bandonne assez souvent à des ex-
cès honteux le jour même qu'on
ſe marie ; & on ſe prive ainſi des
graces que ce Sacrement auguſte
de la Loi nouvelle a coutume de
conferer.
On ſe conduit ordinairement
dans le Mariage , comme on y
eſt entré , c'eſt à-dire , d'une ma-
niere toute humaine. On s'ima-
gine qu'il donne droit de vivre
dans la moleſſe & dans le relâ-
chement ; qu'on peut y conten-
ter impunément ſes paſſions , &
qu'on a la liberté d'y ſuivre tous
les deſirs & tous les mouvemens
de l'homme charnel & animal.
La paix ne regne pas long-tems
entre des gens qui n'ont point
conſulté Dieu ſur l'alliance qu'ils
vouloient contracter , & qui ne ſe
sont unis que par des motifs d'in-
terêt , d'ambition, ou de ſenſua-
lité ; & bien loin de conſerver
entr'eux une ſainte union , ils ſe

PREFACE.
chagrinent les uns les autres par
leurs mauvaiſes humeurs & par
leurs impatiences ; ils devien-
nent même ennemis en plu-
ſieurs rencontres , & ils ſe perſe-
cutent avec toute ſorte d'animo-
ſité.
La plûpart des gens mariez
étant prévenus de l'eſprit du
monde, il arrive tous les jours
qu'ils commettent une infinité
d'injuſtices dans la diſpenſation
de leurs biens ; tantôt ils les ai-
ment avec excès , & tombent
dans l'avarice ; tantôt ils les dé-
penſent avec profuſion , & les
font ſervir à leurs débauches ; &
l'on en voit pluſieurs qui exci-
tent le trouble & la diviſion dans
leurs familles , par le partage in-
égal qu'ils en font entre leurs hé-
ritiers.
Ils négligent preſque toûjours
de s'appliquer à l'éducation de
leurs enfans , & pluſieurs d'en-
tr'eux leur en donnent une tou-
te païenne , & entierement op-
ã iiij

PREFACE.
poſée à l'eſprit de l'Evangile ; &
par ce moyen ils ſe rendent cou-
pables de la plûpart des abus qui
ſe commettent dans les differentes
conditions , ſoit Eccleſiaſtiques , ou
ſeculieres : car les enfans qu'ils éle-
vent mal , rempliſſent , lorſqu'ils
ſont parvenus à l'âge viril , les char-
ges & les emplois de l'Egliſe & de
la République , & ils y portent or-
dinairement les paſſions & les mau-
vaiſes inclinations dans leſquelles
ils les ont entretenus pendant leur
jeuneſſe.
C'eſt pour prévenir tous ces
maux différens , & pour en garan-
tir les Fideles , que j'ai entrepris
ce Traité. Je leur parle d'abord
de la grandeur & de l'excellence
du Mariage , afin de leur faire con-
cevoir qu'ils ſont obligez de s'y
préparer avec beaucoup de ſoin,
& qu'ils ne doivent y entrer qu'a-
vec des diſpoſitions ſaintes & chré-
tiennes. Je leur explique enſuite
leurs obligations communes , &
puis je deſcens aux devoirs parti-

PREFACE.
culiers des maris & des femmes.
Je leur enſeigne des moyens tres‑
efficaces pour entretenir entr'eux
une union parfaite. Je leur propo-
ſe des regles tres-certaines dont
ils peuvent ſe ſervir dans l'édu-
cation de leurs enfans ; & je leur
marque dans le détail tout ce qu'ils
doivent faire pour ſe ſanctifier dans
cet état.
Et afin de leur ôter tout pré-
texte de dire que je porte trop
loin les choſes , & que j'exige d'eux
une trop grande perfection , je n'a-
vance aucune maxime importan-
te , que je ne la confirme par les
oracles de l'Ecriture, & par les té-
moignages des ſaints Peres , & j'y
joins tres-ſouvent les Decrets des
Papes , & les décisions des Con-
ciles. Ainsi ils ne ſçauroient ſe
plaindre de moi , ni m'accuſer d'ê-
tre trop ſevere ; ou bien il faut
qu'ils s'en prennent à tout ce qu'il
y a de plus ſaint & de plus vene-
rable dans nôtre Religion.
L'état du Mariage étant tres‑
ã v

PREFACE.
commun , comme on l'a déja ob-
ſervé , il s'enſuit que ce Livre qui
traite des obligations qu'il impo-
ſe à ceux qui s'y engagent, re-
garde un tres-grand nombre de
perſonnes.
Ceux qui ſont déja mariez en
tireront pluſieurs avantages tres‑
conſiderables : car ils y verront
les dangers & les écueils qu'ils doi-
vent éviter : ils y apprendront leurs
devoirs les plus importans , &
comment il faut qu'ils ſe condui-
ſent pour ſe rendre agréables à la
divine Majeſté , & ils y trouve-
ront une infinité d'inſtructions &
de veritez qui ſerviront à ſoûtenir
leur foibleſſe , & qui les fortifie-
ront contre les mauvais exemples
de la plûpart des gens du monde,
qui deshonorent la ſainteté du Ma-
riage par leurs déreglemens , &
par leur vie toute payenne.
Les veuves & tous ceux qui ſont
rentrez dans leur premiere liberté
par la mort des perſonnes qu'ils
avoient épouſées , ne laiſſeront pas

PREFACE.
d'en profiter : car en y liſant l'o-
bligation des gens mariez , ils re-
connoîtront les fautes qu'ils ont
commiſes pendant leur Mariage ;
les connoiſſant , ils en demande-
ront pardon à Dieu , & ils auront
ſoin de les effacer par leurs lar-
mes, & de s'en purifier par les tra-
vaux de la penitence.
Les Vierges en pourront auſſi
être édifiées ; car la connoiſſan-
ce qu'elles y puiſeront des gran-
des obligations qu'impoſe le Ma-
riage , & des difficultez qu'on y
éprouve par rapport au ſalut , les
portera à benir ſans ceſſe Dieu
de les en avoir éloignées , & elles
en eſtimeront de plus en plus la
virginité qui les met à l'abri d'un
ſi grand nombre de dangers , &
qui leur fournit en même tems plu-
ſieurs moyens differens pour ſe ſan-
ctifier & pour tendre à la perfe-
ction.
Les jeunes gens qui ne ſe ſont
pas encore ſoumis au joug de la
vie conjugale, mais qui deſirent
ã vj

PREFACE.
de ſe pourvoir , pourront s'y in-
ſtruire des devoirs de cette condi-
tion , avant que de l'embraſſer, &
s'ils reconnoiſſent qu'ils ſont au-
deſſus de leurs forces , & qu'ils ne
pourroient pas s'en aquiter , ils fe-
ront tres-ſagement de s'en priver ,
& d'y renoncer pour toûjours ; &
ils demeureront d'accord qu'on
leur aura rendu un tres-bon office ,
en ne permettant pas qu'ils entraſ-
ſent dans un état , ſans ſçavoir à
quoi il les obligeroit , ni comment
il faut y vivre pour y operer ſon
ſalut.
L'on peut même dire que la
lecture de cet Ouvrage ne ſera
pas entierement inutile à pluſieurs
Eccleſiaſtiques , qui n'ayant pas
toûjours le tems & la commodité
de puiſer dans les ſources, les ma-
ximes qui doivent ſervir à regler
les mœurs & la conduite de ceux
qui vivent dans le Mariage , ſeront
bien-aiſes de les trouver recueillies
dans ce petit volume : car les ayant
preſentes à leur eſprit , ils pourront

PREFACE.
les appliquer ſelon qu'ils le juge-
ront à propos pour le bien des Fi-
deles ; & comme ils ſont pleins de
prudence & de diſcernement , ils
ne manqueront pas de les propor-
tionner à la portée de ceux qu'ils
inſtruiront. Ils ſuppléeront même
à nôtre peu de capacité ; ils for-
tifieront par leurs prieres les ve-
ritez que nous avons propoſées ;
ils les mettront en une plus gran-
de évidence par la force de leurs
diſcours , & par la ſolidité de
leurs raiſonnemens : ils les inſinue-
ront adroitement dans l'eſprit &
dans le cœur de ceux qui ſeront
ſoumis à leur direction.
Nous avons dit pluſieurs fois
dans la ſuite de ce Traité , que nous
ne voulons pas donner de vains
ſcrupules aux Fideles qui le liront ,
& que nous ne condamnions point
ceux qui n'ont pas ſuivi toutes les
maximes que nous avons expli-
quées , ſoit faute d'inſtruction , ou
parcequ'ils n'en ont pas eu le mou-
vement. Nous réiterons cette pro-

PREFACE.
testation en ce lieu ; & nous recon-
noiſſons que toutes les regles que
nous propoſons , ne ſont pas d'une
neceſſité abſolue , & qu'il y en a
pluſieurs qui ne ſont que de ſim-
ples conſeils. Mais comme nous
avions entrepris d'écrire pour tous
ceux qui s'engagent dans le Ma-
riage , il falloit leur parler , non
ſeulement de ce qu'ils ne ſçauroient
omettre , ſans ſe rendre criminels
aux yeux de Dieu , mais auſſi de
ce qui peut les conduire à une plus
grande perfection : car les Chré-
tiens ne doivent point mettre de
bornes à leur juſtice ; & les Paſteurs
& les Prêtres du Seigneur ſont o-
bligez de leur expliquer tout ce
qui eſt capable de contribuer à leur
avancement ſpirituel , à l'exemple
du grand Apôtre , qui diſoit aux
Fideles qu'il étoit pur & innocent
de leur ſang , parcequ'il leur avoit
annoncé tous les deſſeins & toutes
les volontez de Dieu , & qu'il ne
ceſſeroit point de les exhorter &
de leur prêcher les veritez du ſa-

PREFACE.
lut juſqu'à ce qu'il les eût conduit
à l'état de perfection.
Nous eſperons de la divine mi-
ſericorde , que pluſieurs de ceux
qui vivent dans le Mariage , au-
ront ſoin de profiter des ſaintes
maximes que nous leur avons ex-
pliquées , après les avoir nous-mê-
mes appriſes des Livres ſacrez &
des ſaints Peres de l'Eglise, & qu'ils
s'exerceront avec joye dans toutes
les pratiques de pieté que nous
leur avons propoſées. Nous croïons
même que ceux qui n'auront pas
aſſez de force & de zele pour s'y
ſoumettre maintenant , ne laiſſe-
ront pas d'en tirer quelque avan-
tage , parceque lorſqu'ils conſide-
reront qu'ils ſont ſi éloignez de la
perfection qui convient à l'état du
Mariage parmi les Chrétiens , ils
s'en humilieront à leurs propres
yeux , & en gémiront devant Dieu.
Il pourra même arriver dans la ſui-
te que ces veritez , comme une di-
vine ſemence , produiront des
fruits tres-abondans dans la terre

PREFACE.
de leur cœur , & qu'ils embraſſe-
ront avec une ſainte allegreſſe , les
inſtructions qu'ils auront d'abord
rejettées , ou au moins negligées ,
parcequ'ils s'imaginoient qu'elles
étoient trop fortes , & peu propor-
tionnées à leur foibleſſe. Voilà la
fin que nous nous ſommes propo-
ſée , lorſque nous avons entrepris
ce Traité ; & nous nous eſtimerons
tres-heureux , ſi nôtre Seigneur
daigne s'en ſervir pour l'édification
des Fideles.




Cul de lampe à motif floral.


Bandeau à motif floral. TABLE
DES CHAPITRES.
Filet gras. CHAPITRE PREMIER.

DE la grandeur & de l'excellence du
Mariage.
pag. 1
Chap. II. Qu'il n'y a rien de plus mal-
heureux que l'état de ceux qui entrent
mal dans le Mariage, & qui ne s'y con-
duiſent pas par les regles de la charité
& de la pieté chrétienne.
19
Chap. III. Quelles ſont les fins que les
Chrétiens doivent ſe propoſer, lorſqu'ils
s'engagent dans le Mariage.
26
Chap. IV. Que les Fideles qui ſe marient
doivent avoir ſoin de ne s'allier qu'avec
des perſonnes de probité , & qui vivent
d'une maniere chrétienne.
38
Chap. V. Que les ſaints Peres condam-
nent ceux qui voulant s'engager dans le
Mariage , ne ſe mettent en peine que
de trouver des partis riches, & qui leur
plaiſent, ne penſent nullement à la bonne
éducation que peuvent avoir eu les per-

TABLE
ſonnes qu'ils recherchent, & n'examinent
ni leurs mœurs, ni leur conduite.
54
Chap. VI. Que ſelon les ſaints Peres , il
ſeroit à ſouhaiter qu'il y eût égalité ,
ſoit pour l'âge , pour les biens & pour la
naiſſance, entre ceux qui contractent ma-
riage.
66
Chap. VII. Dans quelles diſpoſitions il
faut être pour entrer ſaintement dans le
Mariage ; & comment il faut s'y prepa-
rer.
75
Chap. VIII. Qu'il eſt honteux aux Chré-
tiens de paſſer le jour qu'ils ſe marient
dans des divertiſſements mondains & pro-
phanes , & encore plus dans la débauche
& dans la diſſolution.
84
Chap. IX. Comment ceux qui ont la
crainte de Dieu devant les yeux peuvent
ſe comporter le jour qu'ils ſe marient, afin
de ne rien faire d'indigne de la ſainteté
du Sacrement.
91
Chap. X. Que ceux qui s'engagent dans
le Mariage, doivent y vivre honnête-
ment, & n'y point rechercher le plai-
ſir.
100
Chap. XI. Qu'il faut que les gens ma-
riez ne s'aiment que d'un amour ſaint &
bien reglé , & qu'il y a pluſieurs défauts
qu'ils doivent éviter dans l'amour qu'ils
ont les uns pour les autres.
109
Chap. XII. Que les maris & les femmes
doivent s'exercer à la pieté , & ſe ſan-

DES CHAPITRES.
ctifier les uns les autres. 122
Chap. XIII. De la paix & de l'union
qui doit regner entre les maris & les fem-
mes. Ce qu'il faut qu'ils faſſent pour s'y
maintenir.
137
Chap. XIV. Que ceux qui s'engagent
dans le Mariage ne ſont plus maîtres de
leurs corps. Quelles consequences il faut
tirer de ce principe.
146
Chap. XV. Du peché d'adultere ; qu'il
eſt tres-énorme ; qu'il empêche ceux qui
l'ont commis de ſe marier enſemble ; que
l'un des deux , du mari ou de la femme,
ne peut pas s'y abandonner , même du
conſentement de l'autre ; qu'il eſt défen-
du auſſi-bien aux hommes qu'aux fem-
mes : ſçavoir ſi les maris qui y tombent
ſont aussi, ou moins coupables que les fem-
mes qui y ſuccombent.
155
Chap. XVI. Qu'il faut conſeiller aux
gens mariez de garder la continence les
jours qu'ils doivent approcher de la ſain-
te Euchariſtie. Que cette pratique eſt
autoriſée par l'Ecriture ſainte , par la
docrtine des ſaints Peres, par les Canons
de l'Egliſe , & par l'exemple des Saints,
& des perſonnes de pieté.
168
Chap. XVII. Qu'il faut auſſi conſeiller
aux gens mariez de garder la continence
les jours de jeûne & de penitence. Que
cela doit neanmoins ſe faire d'un com-
mun conſentement.
185

TABLE
Chap. XVIII. Qu'il est naturel aux gens
mariez de deſirer d'avoir des enfans ;
qu'il faut qu'ils reconnoiſſent qu'ils ſont
un don du Ciel. Pour quelle fin ils doi-
vent deſirer d'en avoir. Que les maris
& les femmes qui souhaittent qu'il n'en
naiſſe point de leur Mariage, ſont cou-
pables aux yeux de Dieu. Que ceux qui
éteignent le fruit qui est conçû , & qui
procurent des avortemens, ſont des ho-
micides.
202
Chap. XIX. Du ſoin que les peres & les
meres doivent avoir de faire baptiſer
leurs enfans nouveaux nez ; qu'ils ſont
obligez de choiſir d'honnêtes gens pour
être leurs parrains & marraines ; qu'il
faut qu'ils leur donnent des noms par des
ſentimens de pieté & de religion , & non
point par caprice , ni pour des raisons
humaines.
209
Chap. XX. Qu'il n'y a rien qui ſoit plus
recommandé aux peres & aux meres
dans l'Ecriture , par les ſaints Peres ,
& par les Conciles, que de donner une
bonne éducation à leurs enfans.
220
Chap. XXI. Suite de la même matiere.
L'on prouve par les principes de S. Jean
Chryſoſtome, que l'éducation chrétienne
des enfans est la plus grande & la plus
eſſentielle des obligations des Fideles qui
vivent dans le Mariage.
243
Chap. XXII. De quelle maniere il faut

DES CHAPITRES.
élever les enfans pour leur donner une
éducation chrétienne.
258
Chap. XXIII. Comment il faut que les
peres & les meres conduiſent leurs enfans
lorſqu'ils ſont grands ; qu'ils doivent les
aimer d'un amour non ſeulement naturel,
mais ſaint & chrétien ; qu'ils ſont obli-
gez de conſentir qu'ils les quittent , &
qu'ils ſe ſeparent d'eux pour ſervir
Dieu , & pour travailler à leur ſalut.
276
Chap. XXIV. Que les peres & les meres
ſont obligez d'avoir ſoin de pourvoir
leurs enfans, & de les marier, lorſqu'ils
ſont portez au Mariage. Mais qu'ils
ne doivent jamais les forcer, ni les con-
traindre dans le choix d'une condition.
298
Chap. XXV. Que les peres & les meres
ſont obligez de garder l'égalité entre
leurs enfans autant que cela leur eſt poſ-
ſible.
309
Chap. XXVI. Que les peres & les meres
doivent bien prendre garde de ne pas
tomber dans l'avarice à l'occasion de
leurs enfants ; & que l'amour qu'ils leur
portent ne juſtifie & n'excuſe point leur
avidité pour les biens de la terre.
322
Chap. XXVII. Comment les gens ma-
riez sont obligez de ſe conduire dans
leurs familles, & à l'égard de leurs do-
meſtiques.
339

TABLE
Chap. XXVIII. Les devoirs & les obli-
gations des maris envers leurs femmes ;
qu'ils doivent les aimer, les défendre , &
les proteger; leur témoigner de la douceur
& de la bonté , & qu'il leur est défendu
de les traiter d'une maniere imperieuſe ,
& de leur faire aucune violence.
357
Chap. XXIX. Suite de la même matiere :
Que les maris sont obligez de préceder
leurs femmes dans le chemin de la vertu;
qu'ils doivent pourvoir à leurs besoins
corporels & ſpirituels , & reprimer leurs
paſſions ; qu'il leur est défendu de les
mépriſer ; qu'ils doivent se familiariſer
avec elles , & prendre garde neanmoins
de ne se laiſſer pas conduire & dominer
par elles.
369
Chap. XXX. Les devoirs et les obliga-
tions des femmes envers leurs maris. El-
les ſont obligées de les honorer & de les
reſpecter ; elles doivent leur obéir & leur
être ſoumises , quand même ils ſeroient
fâcheux & de mauvaise humeur.
382
Chap. XXXI. Suite de la même matie-
re. Les femmes doivent porter leurs ma-
ris à la pieté , & les gagner à Dieu par
leurs diſcours , & encore plus par leur
ſagesse & par l'exemple de leur vie
ſainte & édifiante ; elles ne ſçauroient
faire des aumônes conſiderables, ni diſ-
poſer de leurs biens ſans leur conſente-
ment.
397

DES CHAPITRES.
Chap. XXXII. Comment les femmes ma-
riées doivent être vêtues ; ſçavoir ſi les
ornemens du monde leur ſont permis.
408
Chap. XXXIII. Qu'il y a beaucoup de
femmes qui ſe ſervent du prétexte de
leurs maris , & qui abuſent de leur nom
pour couvrir leur vanité, & pour excuſer
leur luxe ; qu'elles doivent chercher à
leur plaire, plûtôt par leurs mœurs & par
leur vertu , que par leurs habits , & par
leurs ornemens exterieurs.
419
Chap. XXXIV. Que les femmes ſont obli-
gées de ſe conſerver pendant leur groſ-
ſesse ; qu'il faut qu'elles regardent les
douleurs de l'enfantement comme une
partie de leur penitence. Quelles penſées
elles doivent avoir , lorſqu'elles ſe pre-
ſentent à l'Egliſe pour être purifiées
après leurs couches.
428
Chap. XXXV. Que les meres qui n'ont
point d'empêchement legitime, doivent
nourrir leurs enfans de leur propre lait;
que les ſaints Peres blâment celles qui
s'en exemptent par de vains prétextes,
& par des raiſons qui ne ſont fondées
que ſur leur amour propre.
436
Chap. XXXVI. Des tribulations qui
accompagnent preſque toujours le Ma-
riage ; & de l'uſage que les gens ma-
riez en doivent faire.
452
Chap. XXXVII. Pour quelles cauſes il
peut être permis aux gens mariez de ſe

TABLE DES CHAPITRES.
ſeparer & de faire divorce. 457
Chap. XXXVIII. Qu'il y a une eſpece
de ſeparation qui eſt tres-ſainte, parce
qu'elle ſe fait par pieté, & pour tendre
à la perfection.
469
Chap. XXXIX. Que les maris & les
femmes ne doivent point trop ſ'affliger à
la mort les uns des autres. Par quels
moyens ils peuvent faire connoître que
l'amour qu'ils ont eu les uns pour les au-
tres étoit ſincere & legitime.
476
Chap. XL. Regles de conduite pour les
gens mariez, tirées de tout ce qu'on leur
a repreſenté dans cet Ouvrage.
487
Fin de la Table.
Cul de lampe.


Bandeau décoratif. LA VIE
DES
GENS MARIEZ,
ou
LES OBLIGATIONS
DE CEUX QUI S'ENGAGENT
DANS LE MARIAGE,
Prouvées par l'Ecriture, par les ſaints Peres, &
par les Conciles.
Filet simple.

CHAPITRE PREMIER.

De la grandeur de l'excellence du Mariage.

Il s'eſt autrefois élevé pluſieurs
Héreſies differentes au ſujet du
Mariage.  Marcion & ſes Sec-
tateurs vouloient abſolument
l'abolir , & faiſoient tous leurs efforts
pour en détourner les hommes : ce qui
donna lieu à Tertullien de les comparer
A

2
La Vie
à Pharaon : en effet, ils étoient preſque
auſſi criminels que ce Prince réprouvé ;
parcequ'encore qu'ils ne trempaſſent
pas comme lui leurs mains dans le ſang
Lib. I
adverſ.
Marc. c.
29.
des enfans nouveaux-nez, ils les empê-
choient au moins de venir au monde ; ce
qui cauſoit un égal préjudice au genre
humain. Les Manichéens ſoûtenoient
que ceux qui avoient été baptiſez ne
Aug. lib.
de Morib.
Manich.
c.35.
pouvoient plus uſer du Mariage, ni des
biens de la terre.  Saint Auguſtin parle
de pluſieurs autres Hérétiques qui en té-
moignoient une extrême averſion parce-
qu'Adam s'en étoit abſtenu pendant l'é-
tat d'innocence , & n'en avoit uſé qu'a-
prés le peché ; il dit qu'ils le compa-
Lib. de
Hæreſ.
Hæreſ.
25.31.40.
roient même à la fornication.
Le Moine Jovinien tomba dans une
erreur toute oppoſée ; car il éleva telle-
ment le Mariage , qu'il oſa l'égaler à la
Virginité : il enſeigna publiquement que
les Vierges les plus pures n'ont pas plus
de mérite dans leur état que les femmes
Hier. lib.
I. adverſ.
Jovinien.
Aug. lib.
de Hæreſ.
Hæreſ.
82. & lib.
2. retract.
c. 22.
mariées qui se conduiſent avec honneur
dans le Mariage ; il ſéduiſit par ſes faux
raiſonnemens pluſieurs ſaintes filles dans
la Ville de Rome , & les porta à ſe mar-
rier : ce qui lui attira l'indignation de
tous les fideles , & obligea ſaint Jerôme
& ſaint Auguſtin à le refuter comme un
Héretique tres-pernicieux.
L'Egliſe Catholique ſ'est toûjours é-

3
des Gens Mariez Ch. I.
loignée avec beaucoup de ſoin de la doc-
trine corrompue de ces differens Hé-
retiques : car elle a ſoutenu d'un côté
que le Mariage est inferieur en gloire &
en mérite à la Virginité ; & de l'autre
elle a declaré qu'il est bon & permis ,
& même tres-ſaint, ſi on le conſidere en
lui-même , & qu'on en ſepare les dé-
fauts que les gens charnels ont coûtume
d'y mêler.  Et l'on voit que les ſaints
Peres
, même les plus auſteres , ont
également témoigné leur zele , lorſqu'il
a été queſtion de publier les louanges de
la Virginité, & de défendre l'honneur &
la gloire du Mariage.
Ce ſont deux erreurs, dit ſaint Au-
Lib. de
Virg. c.
19.
guſtin
; d'égaler le Mariage à la Virgi-
nité , ou de le condamner comme quel
que choſe de mauvais: car nous ſommes
certains par l'évidence de la raison &
par l'autorité des ſaintes Ecritures, que
les nôces ne ſont point un peché , &
qu'elles ne doivent pas être miſes en pa-
rallele avec la Virginté , ni même avec
la Viduité.
Les regles de la doctrine Apoſtolique,
Epiſt.
ad Ce-
lanc. c.
dit un autre Pere de l'Egliſe, n'égalent
point , comme fait l'Heretique Jovi-
nien
, le Mariage à la continence : mais
elles ne le condamnent pas auſſi avec
l'Héretique Manichéen. Saint Paul ce
Vaſe d'élection , le Maître des Gentils ,
A ij  4La Vie marche & tient le juſte milieu entre ces
deux extrémitez ; car d'une part il ac-
corde un remede à ceux qui ne ſont pas
en état de garder la continence , & de
l'autre il porte les hommes à cette vertu
par l'eſperance de la récompenſe qu'il
promet à ceux qui l'embraſſeront.
Ainſi comme j'ai employé les premiers
Chapitres du Traité de la Vie des Vier-
ges
, que j'ai ci-devant donné au public,
à expliquer la grandeur & l'excellence
de la Virginité , afin de faire compren-
dre aux Vierges Chrétiennes qu'elles
ſont obligées de mener une vie tres-
ſublime & tres parfaite , ſi elles veulent
répondre à la ſainteté de leur vocation :
je croi qu'il eſt à propos de faire main-
tenant la même choſe en faveur du Ma-
riage, & de prouver aux Fideles que cet
état eſt non ſeulement honnête & per-
mis, mais ſaint & d'un grand mérite de-
vant Dieu, lorſqu'on s'y conduit ſelon
les maximes de l'Evangile, afin que ceux
qui s'y engagent, ne puiſſent pas ſe plain-
dre de moi dans la ſuite , ni m'accuſer
d'être trop ſevere , lorſque je leur par-
lerai de la grandeur de leurs obligations.
Si l'antiquité & l'origine d'une choſe
ſert à la rendre recommandable , il eſt
certain que le mariage doit être dans une
grande véneration ; car il a commencé
avec le monde , comme on le voit dans

5
des Gens Mariez Ch. I.
l'Ecriture ; & c'eſt Dieu même qui en
eſt l'Auteur , puiſqu'il a donné Eve à
Adam pour lui ſervir d'aide , & pour le
ſecourir , & qu'il a voulu qu'ils fuſſent
deux dans une ſeule chair : ce qui mar-
que , diſent les ſaints Peres , l'union &
la ſocieté du mariage.
Si de l'état de la nature l'on paſſe à
la Loi écrite , l'on comprendra encore
plus parfaitement qu'il faut que ſa digni-
té ſoit bien grande, puiſque Dieu s'eſt ap-
pliqué à y marquer & à y regler tout ce
qui le concerne, qu'il l'a comblé de plu-
ſieurs benedictions differentes , qu'il a
fait des promeſſes magnifiques à ceux
qui y vivroient ſaintement , & qu'il a
menacé au contraire de ſupplices fort
grands ceux qui le ſoüilleroient & le des-
honoreroient par leur vie impure.
Mais c'eſt principalement ſous la Loi
Evangelique que le Mariage eſt monté
au comble de grandeur & de gloire où
nous le voyons maintenant : car JESUS‑
CHRIST  l'a honoré de ſa préſence ,
s'étant trouvé aux nôces de Cana ; il y
a fait un grand miracle , afin de mar-
quer qu'il l'aprouvoit ; il l'a élevé à la
dignité de Sacrement de ſon Egliſe , &
il a voulu qu'il fût une ſource de graces
Eph 5.37.
pour tous ceux qui s'en approcheroient
avec les diſpoſitions neceſſaires. Et auſſi
S. Paul n'en parle qu'en termes tres‑
A iij

6
La Vie
honorables ; il nous aſſure qu'il eſt le Sa-
crement & le ſigne de l'union ſacrée qui
Heb. 13.
4.
ſubſiſte entre JESUS-CHRIST & ſon
Egliſe ; il ſoûtient qu'il eſt ſaint, & qu'il
doit être traité avec toute ſorte d'hon-
neur & de reſpect.
Les ſaints Peres qui étoient inſtruits
des maximes & des veritez de l'Ecriture,
n'ont pas manqué de nous expliquer
fort au long toutes les prérogatives de
cet état , & de nous en faire des deſ-
criptions tres-amples & tres-propres à
nous donner une tres-haute idée de ſa
grandeur & ſon excellence.
Tertullien défendant la cauſe de l'E-
gliſe contre l'Hérétique Marcion qui
condamnoit le Mariage , comme on l'a
déja obſervé, dit qu'à la verité les nôces
Lib.I.ad-
verſus
Marc. c.
9.
ſont inférieures à la Virginité ; mais
qu'elles ne laiſſent pas d'être bonnes par
elles-mêmes , & dignes de toutes ſortes
de loüanges ; qu'on ne doit pas s'imagi-
ner qu'on ne les reçoive, & qu'on ne les
tolere que comme un moindre mal en
comparaiſon de la fornication & de l'a-
dultere qui ſont de grands crimes ; &
qu'il faut bien prendre garde de ne les
pas improuver , ſous prétexte qu'il y a
des gens qui en font un mauvais uſage,
& qui s'en ſervent pour contenter leurs
paſſions : comme on n'a pas droit de
condamner , ni de rejetter les alimens

7
des Gens Mariez Ch. I.
que l'on prend , & les habits que l'on
porte , parcequ'il y a des perſonnes dé-
reglées qui les font ſervir à leur ſenſua-
lité , à leur vanité & à leur ambition.
Saint Auguſtin dit auſſi que le Maria-
ge eſt un bien abſolument parlant , & en
le conſiderant en lui-même , & non pas
ſeulement en le comparant à l'impureté;
il ajoûte avec Tertullien qu'il y auroit
Lib. de
bono con-
jug. c. 8
de l'injuſtice à le condamner , à cauſe
qu'il ſe trouve des gens qui le deshono-
rent par leur conduite peu reglée , & qui
ne demeurent pas dans les bornes que
l'honnêteté preſcrit ; qu'on doit en ces
rencontres diſtinguer la ſainteté de l'é-
tat, de la corruption de ceux qui en abu-
ſent ; qu'il faut reconnoître qu'il ne laiſ-
ſe pas d'être ſaint , quoiqu'il y ait des
perſonnes qui s'y perdent; & qu'en juger
autrement , ce ſeroit confondre l'inno-
cent avec le coupable , & faire tomber
ſur le juſte la punition que merite le
pecheur.
Ce ſaint Docteur paſſe encore plus
avant; car il enſeigne que le Mariage eſt
ſi grand & ſi excellent , que bien loin de
mériter d'être condamné à cauſe du mau-
vais uſage que les hommes en peuvent
faire , il devient pour eux un remede ſa-
Lib. 9. de
Geneſ.ad.
Luter. c.
7.
lutaire ; qu'il guerit leurs paſſions , qu'il
modere leur concupiſcence, qu'il la con-
tient dans le devoir , qu'il la rend en
A iiij


8
La Vie
quelque maniere honnête & loüable , en
l'obligeant de ne ſervir qu'à la naiſſance
légitime des enfans ; & qu'il eſt pour eux
Lib. de
bono con-
jug. c. 3.
Ep. 287.
un lieu d'azile & un port aſſuré , où ils
ſont à l'abri des attaques de l'inconti-
nence, & où ils peuvent mener une vie
paiſible & tranquille.
Saint Jerôme demeurant auſſi d'accord
Lib. I.
adverſ.
Jovin.
qu'il eſt inferieur à la Virginité , dit in-
genieuſement qu'il en eſt neanmoins le
pere , parceque c'eſt dans ſon ſein que
les Vierges prennent naiſſance : ce qui
contribue merveilleuſement à ſa gloire.
Saint Auguſtin dit qu'au même tems
Lib.9. de
Geneſ.
ad Litt.
c.7.
qu'il reprime l'incontinence , il releve ,
il orne , il ſanctifie la fecondité de la na-
ture ; parcequ'il en tire des creatures in-
tellectuelles qui louent & qui beniſſent
le Createur de l'Univers.
Tertullien ajoûte que c'eſt lui qui fait
Lib.I.ad
uxor.c. 2.
ſubſiſter le genre humain , & que ſans
lui il périroit.
Saint Baſile nous aſſure qu'il rend ,
Lib. de
Virg.
pour ainſi dire, à chaque homme en par-
ticulier l'immortalité qu'il avoit perdue
en ſe révoltant contre Dieu ; parcequ'en
lui donnant des enfans, il le fait ſurvivre
à lui-même , & qu'il lui fournit le moien
de rendre en quelque maniere ſon nom
éternel, & de garantir ſon être de la cor-
ruption dans laquelle il devoit tomber
pour peine du peché.

9
des Gens Mariez Ch. I.
Mais les ſaints Peres nous parlent de
trois biens , & de trois grands avantages
qui accompagnent le Mariage , & qui
ſervent de fondement à la plûpart des
loüanges qu'ils lui donnent.  Il y a, dit
Lib.9.de
Geneſ. ad
5. & lib.
de bono
conjug. c.
24.
ſaint Auguſtin , trois choſes excellentes
dans les nôces , qui contribuent à leur
gloire , & qui font leur plus grand bon-
heur.  La foi que le mari & la femme ſe
gardent réciproquement; les enfans qu'ils
mettent au monde , & l'union ſainte
qu'ils contractent enſemble.
Les gens mariez ſont obligez de ſe ren-
dre mutuellement le devoir , d'obſerver
de certaines regles dans l'uſage du Ma-
riage, & de ne rien faire au préjudice de
la fidelité qu'ils ſe promettent.
Il faut qu'ils aient un grand amour pour
leurs enfans , afin de les ſuporter dans
leurs premieres foibleſſes ; & lorſqu'ils
ne ſont preſque diſtinguez des autres a-
nimaux , que par l'eſperance de ce qu'ils
doivent être un jour à venir; qu'ils ſoient
pleins de douceur & de patience , afin de
les élever chétiennement, & de ne ſe pas
rebuter des peines infinies qui ſont com-
me une ſuite neceſſaire de leur éduca-
tion ; & qu'ils s'appliquent de tout leur
pouvoir à les porter à honorer & à ſervir
Dieu pendant toute leur vie.
Il eſt enfin neceſſaire qu'ils ſoient unis
enſemble par un lien indiſſoluble , afin
A v

10
La Vie
que leurs enfans ne ſoient pas expoſez à
manquer de conduite, & à être abandon-
nez, ſur-tout dans leur premiere jeuneſ-
ſe ; & qu'ils ſoient eux-mêmes obligez
de ſe conſoler, & de s'aſſiſter les uns les
autres dans les diſgraces , dans les tribu-
lations & dans les maladies qui leur ſur-
viennent, & principalement dans la vieil-
leſſe, qui eſt la plus grande de toutes les
infirmitez.
Voilà, à proprement parler, en quoi
conſiſte la veritable grandeur & l'excel-
lence du Mariage. Il donne une ſainte
liberté à ceux qui le contractent , mais il
ne veut pas qu'ils en abuſent: il leur per-
met de ſe déſalterer dans le torrent des
eaux qui coulent dans le monde ; mais
il leur défend de les troubler par leur
conduite déréglée : il leur marque juſ-
ques où peut s'étendre la condeſcendan-
ce dont on uſe à leur égard ; mais il ne
les approuve pas lorſqu'ils la portent
trop loin ; il condamne au contraire
tout ce qu'ils font au-delà des bor-
nes qui leur ſont preſcrites.
Il leur donne des enfans; mais c'eſt à
condition qu'ils les donneront eux-mê-
mes à Dieu , & qu'ils auront ſoin de les
élever d'une maniere chrétienne, & de
les former à la vertu.
Il les unit par la plus étroite & la plus
inviolable de toutes les unions; mais c'eſt

11
des Gens Mariez Ch. I.
afin qu'ils ſoient indiſpenſablement en-
gagez à ſe ſecourir & à ſe ſervir les uns
les autres , & qu'ils entrent en partage
auſſi-bien de leur mauvaiſe que de leur
bonne fortune.
Et parcequ'ils ne ſeroient pas en état
par eux mêmes de ſatisfaire à tous ces
devoirs differens, il attire ſur eux les gra-
ces & les benedictions du Ciel , qui les
ſoûtiennent ; qui moderent l'ardeur de
leur concupiſcence , & qui leur donnent
la force de réſiſter à leurs paſſions , &
de les ſurmonter.
Les ſaints Peres ne ſe ſont pas conten-
tez de nous expliquer la grandeur & les
prérogatives du Mariage ; mais ils ont
réfuté ceux qui pour le faire moins eſti-
mer qu'il ne merite , affectoient de le
repreſenter comme un état dangereux
pour le ſalut , & qui en éloigne la plû-
part de ceux qui s'y engagent. C'eſt pour-
quoi ſaint Auguſtin déclare que ce ſe-
roit abuſer des termes de l'Ecriture ſain-
te
, que de ſe ſervir de ce qu'elle dit en
l'honneur des Vierges , pour blâmer le
Mariage, & pour en diminuer le mérite.
Lib.de
bono
conjug.
c.11.
Quoique l'Apôtre, écrit-il, ait dit qu'-
une Vierge & celle qui n'eſt point ma-
riée s'occupe du ſoin des choſes du Sei-
gneur, afin d'être ſainte de corps & d'eſ-
1. Cor.
c.34.
prit; il ne faut pas conclure qu'une fem-
me mariée qui garde la chaſteté conju-
A vj  12La Vie gale, ne ſoit pointe ſainte de corps: car
c'eſt à tous les fideles qu'il eſt dit : Ne
1. Cor.
c. 19.
ſçavez-vous pas que vos corps ſont le
Temple du Saint Eſprit , qui reſide en
vous, & qui vous a été donné de Dieu?

Les corps de gens mariez qui ſe gar-
dent la foi l'un à l'autre , & qui rendent
à Dieu ce qui lui eſt dû, ſont donc ſaints
& venerables. L'infidelité même de
l'un d'eux n'empêche point que l'autre
ne ſoit ſaint : le même Apôtre nous
apprend au contraire que la ſainteté de
la femme devient ſouvent utile à ſon ma-
ri infidele , & que la ſainteté du mari
ſert auſſi à ſa femme qui eſt infidele ;
1. Cor.
c.74.
car il eſt dit, que le mari infidele eſt ſancti-
fié par la femme fidele , & que la femme
infidele eſt ſanctifiée par le mari fidele.

Ainſi il faut demeurer d'accord que cette
parole de ſaint Paul marque ſeulement
que la ſainteté des Vierges eſt plus gran-
de que celle des femmes mariées ; mais
il ne s'enſuit point que celles-ci ne ſoient
pas ſaintes, & on auroit tort de prétendre
qu'elles ne s'occupent jamais des choſes
du Seigneur , ſous prétexte qu'elles ne
ſont pas en état de le faire auſſi ſouvent
que les Vierges.
Saint Jean Chryſoſtome parle de
Lib. de
Vin c.
10.
cette matiere avec beaucoup plus d'é-
tendue que les autres Peres ; c'eſt pour-
quoi il eſt bon d'expliquer en particulier

13
des Gens Mariez Ch. I.
ſa doctrine. Il dit que le Mariage eſt le
port de la continence pour ceux qui en
veulent bien uſer, & qu'il empêche que
nôtre nature ne devienne toute farouche
& toute ſauvage.
Il rapporte en une de ſes homelies ſur
l'Ecriture ſainte ces paroles du Chapitre
V.  de la Genèse , ſelon la verſion des
Septante : Henoch ayant vêcu cent ſoi-
Verſ. 21.
22. 23.
24.
xante & cinq ans engendra Mathusalem:
or Henoch plut à Dieu ; & après avoir en-
gendré Mathusalem , il vêcut deux cens
ans , & il engendra des fils & des filles.
Tout le tems qu'Henoch vêcut fut de trois
cens ſoixante & cinq ans , & Henoch plut
à Dieu , & il ne parut plus , parceque
Dieu le tranſporta ailleurs
; & enſuite il
parle ainſi: Que les hommes & les fem-
Homil.
21. 2.
Geneſ.
mes écoutent ce que dit l'Ecriture de
la grande vertu de cet homme juſte ,
& qu'ils ne s'imaginent pas aprés cela
que le Mariage empêche ceux qui s'y
engagent, de plaire à Dieu ; car le tex-
te ſacré dit par deux fois qu'il plut à
Dieu aprés avoir engendré Mathuſa-
lem
, & pluſieurs autres enfans, afin d'ô-
ter tout prétexte de croire que le Ma-
riage détourne de la vertu. En effet, ſi
nous veillons exactement ſur nous‑
mêmes , ni l'éducation des enfans , ni
le Mariage , ni rien autre choſe , ne
pourra nous faire encourir la diſgrace
 14La Vie de Dieu. Cet homme étoit de même
nature que nous , il n'avoit point lû la
loi , parce qu'elle n'étoit pas encore
promulguée ; il n'avoit point été in-
ſtruit par les Ecritures , puiſqu'elles
n'ont été données aux hommes que
tres-long tems aprés lui ; & il n'avoit
point reçû pluſieurs autres ſecours
ſemblables , qui auroient pû lui inſpi-
rer le deſir & l'amour de la vertu &
de la ſagesse: mais il s'y eſt porté com-
me de lui-même , & par ſon propre
choix; & il s'eſt tellement rendu agréa-
ble à Dieu qu'il vît encore , & qu'il
n'a point juſqu'à preſent été ſoûmis
à l'empire de la mort.
Si le Mariage, mes chers freres, ajoûte
ce ſaint Docteur, & l'éducation des en-
fans étoient un obſtacle à la vertu ,
Dieu n'auroit point voulu que les hom-
mes ſe mariaſſent ; au contraire il les
en auroit détournez, afin de les garan-
tir du préjudice qu'ils auroient pû re-
cevoir de la vie conjugale qui les en-
gage indiſpenſablement à tant de de-
voirs differens. Mais bien-loin que le
Mariage nous empêche de penſer à
Dieu , & de le ſervir , il nous pro-
cure de tres-grands avantages, lorſque
nous uſons de violence ſur nous-mê-
mes ; car en réprimant l'impetuoſité
de nôtre nature , il nous empêche d'ê-
 15des Gens Mariez Ch. I. tre troublez par nos paſſions comme
une mer orageuſe , & il nous fait arri-
ver heureuſement au port : c'eſt pour
cela que Dieu n'en a pas voulu priver
le genre-humain, & qu'il le lui a ac-
cordé pour lui ſervir de conſolation au
milieu des maux qui l'accablent de tou-
tes parts. La vie de cet homme juſte
rend témoignage à la verité de tout ce
que je dis ; car l'Ecriture marque qu'il
a plû à Dieu aprés même avoir engen-
dré Mathuſalem; & ce qui eſt tres-con-
ſiderable, elle ajoûte qu'il n'a pas ſeu-
lement marché pendant peu de tems
dans le chemin de la vertu ; mais qu'il
y a perſeveré tout le reſte de ſa vie, qui
a encore duré deux cens ans.
Saint Chryſoſtome combat encore tres‑
fortement dans une autre de ſes Home-
lies ceux qui s'imaginent que le Mariage
rend le Salut impoſſible , ou au moins
tres-difficile; & qui diſent, lorſqu'on les
preſſe de bien vivre , & de regler leurs
mœurs, qu'ils ne le peuvent faire à moins
qu'ils ne ſe ſeparent de leurs femmes ,
qu'ils n'abandonnent leurs enfans , &
qu'ils ne renoncent à toutes ſortes d'af-
faires. Il leur repreſente, pour les détrom-
per de cette erreur, que pluſieurs grands
perſonnages ayant été engagez dans la
vie conjugale, ſont cependant montez
au plus haut degré de la ſainteté & de la

16
La Vie
perfection Evangelique. Qu'Isaïe a été
Homil 4
de verb.
Iſaia ,
Vid. Do-
min.
marié, & que cependant cela ne l'a point
empêché d'être Prophete, & de recevoir
la plenitude de l'eſprit de Dieu ; que
Moïſe ayant auſſi été marié n'a pas laiſſé
d'operer de grands miracles , de fraper
le rocher, & d'en faire ſortir de l'eau,
d'obſcurcir l'air & le remplir de tenebres,
de parler familierement avec Dieu , &
d'arrêter le cours de ſa colere : qu'Abra-
ham
ayant une femme eſt neanmoins
devenu le pere de tous les fideles , & de
l'Egliſe même ; qu'Issac a été en même
tems le fruit de ſon mariage , & la ma-
tiere de ſon admirable ſacrifice; & qu'on a
vû en ſa perſonne qu'il n'eſt pas impoſſi-
ble d'avoir un grand amour, & pour Dieu
& pour ſes enfans ; que la mere des Ma-
chabées
, quoique mariée, s'eſt élevée au
deſſus de ſon ſexe , qu'elle a eu le cou-
rage d'exhorter ſes enfans au Martyre ;
qu'elle l'a ſouffert ſept fois en leur per-
ſonne par la generoſité de ſon zele, & par
la ferveur de ſa charité; & qu'elle a elle-
même enſuite verſé ſon ſang pour la dé-
fenſe de la loi de ſon Dieu ; que S. Pierre
aprés avoir eu une femme , a été choiſi
par J.C. pour conduire ſon Egliſe , &
pour en être le Chef; & que Philippe qui
avoit auſſi été marié , puiſqu'il eſt parlé
dans l'Ecriture de ſes quatre filles , fut
jugé digne par les Apôtres d'être élevé

17
des Gens Mariez Ch. I.
à la dignité de Diacre , de prêcher l'E-
Act. 21.
9.
vangile
, & de porter avec eux une partie
des travaux du miniſtere apoſtolique.
Ce ſaint Docteur enſeigne même , en
Hom. 20.
in Epiſt.
ad Eph.
expliquant l'Epitre aux Epheſiens , que
non ſeulement le Mariage n'eſt point
contraire à la pieté; mais que ceux qui y
entrent avec des diſpoſitions chrétien-
nes , & qui y vivent avec la chaſteté &
la retenue que demande un état ſi ſaint,
ne ſont pas beaucoup inférieurs aux Moi-
nes , ni à ceux qui paſſent toute leur vie
dans le célibat.
C'eſt ſans doute beaucoup dire, & re-
lever merveilleuſement le bonheur des
gens mariez. J'eſpere neanmoins que les
lecteurs qui conſidereront avec atten-
tion tout ce que je dois repreſenter dans
la ſuite de ce Traité , demeureront d'ac-
cord que ce Pere n'a pas pouſſé les cho-
ſes trop loin , & qu'il n'a rien dit qui ne
ſoit conforme à la verité : car la gran-
deur & la ſainteté du Mariage impoſe
de grandes obligations ; & quiconque
s'en acquittera avec fidelité , méritera
certainement beaucoup de louanges, &
pourra en quelque maniere être compa-
ré, non ſeulement aux Moines & aux So-
litaires ; mais auſſi aux plus ſaints per-
ſonnages de l'antiquité, qui ont ſçû allier
la vie conjugale avec une pieté exem-
plaire & éminente.

18
La Vie
S'il m'étoit permis d'ajoûter à ces au-
toritez de l'Ecriture ſainte & des Peres
de l'Egliſe
le témoignage des loix civiles,
je dirois qu'elles nous fourniſſent encore
des preuves de la grandeur & de l'excel-
Lib.11.ff.
de divor-
tiis &
repud. l.
2. ff. de
actione re-
rum amo-
tar. L. 2.
cod. re-
rum amo-
tar.
lence du Mariage : car elles veulent qu'-
on le reſpecte tellement , & qu'on lui
porte tant d'honneur, que pendant qu'il
dure, on ne permette pas à un mari d'ac-
cuſer ſa femme d'adultere , ni d'intenter
contre elle aucune action capitale , &
qui emporte infamie ; elles décident
que celui qui la veut pourſuivre extraor-
dinairement , doit auparavant la répu-
dier , & que s'il ne l'a pas fait , l'accuſa-
tion qu'il forme contre elle , emporte
avec ſoi la répudiation , & la tire de ſa
puiſſance.
Ces déciſions célebres font voir que
les anciens Romains avoient conçû une
haute opinion du Mariage , qui n'étoit
neanmoins parmi eux qu'une union na-
turelle & civile.  Que dire donc de ce-
lui des Chrétiens qui eſt ſaint , qui con-
fere la grace , & qui appartient à un or-
dre ſurnaturel ? Il eſt certain qu'il eſt
digne de toute ſorte de reſpect & de
veneration , & que ceux qui le desho-
norent & le traitent avec mépris , ſont
tres-coupables , & meritent une puni-
tion tres-ſevere.

19
des Gens Mariez Ch. II.
Bandeau.

CHAPITRE II.

Qu'il n'y a rien de plus malheureux que
l'état de ceux qui entrent mal dans le
Mariage , & qui ne s'y conduiſent pas
par les regles de la charité , & de la
pieté chrétienne.
AUTANT que le Mariage conſideré
en lui-même,eſt grand & excellent,
comme on vient de le voir dans le Cha-
pitre precedent, autant eſt grand & dé-
plorable le malheur de ceux qui s'y en-
gagent par de mauvais motifs, qui le pro-
phanent par leur vie dereglée , & qui
ne s'y conduiſent que par le mouvement
de leurs paſſions. Pour en être convaincu
il n'y a qu'à écouter le Sage ſur ce ſujet.
Il nous aſſure qu'il n'y a point d'état
plus rude ni plus fâcheux que celui d'un
mari & d'une femme qui ne s'accordent
pas enſemble , & qui vivent dans la diſ-
corde. La femme méchante, dit-il, eſt avec
Eccl. 26.
10. 11.
ſon mari , comme un joug de bœufs qui ſe
battent ensemble : celui qui la tient avec lui
eſt comme un homme qui prend un Scorpion.
La femme ſujette au vin ſera la colere &
la honte de ſon mari , & ſon infamie ne
ſera point cachée. La malignité de la fem-
Chap.25.
17 22.
me eſt une malice conſommée : il n'y a point
de tête plus méchante que la tête du Serpent, 20La Vie ni de colere plus aigre que la colere de la
Prov. 21.
9. 19.
femme. Il vaudroit mieux demeurer en un
coin ſur le haut d'un logis , & dans une ter-
re deſerte , que d'habiter dans une maiſon
commune avec une femme querelleuſe , &
Prov.27.
13.
colere. La femme querelleuſe eſt ſemblable
à un toît , d'où l'eau dégoute ſans ceſſe
pendant l'hiver.  Il eſt plus avantageux
,
dit-il encore, de demeurer avec un lion &
avec un dragon , que d'habiter avec une
Eccli. 25.
23. 31. &
32.
méchante femme.  Elle eſt l'affliction du
cœur , la triſteſſe du viſage , & la playe
mortelle de ſon mari, l'affoibliſſement de ſes
mains , & la debilité de ſes genou
; c'eſt‑
à-dire , qu'elle l'accable d'affliction , &
que la triſteſſe qu'elle lui cauſe , ruine ſa
Cap. 7.
27.
ſanté , & le jette dans la langueur. C'eſt
pourquoi il prononce qu'une telle fem-
me eſt plus amere & plus difficile à ſup-
porter que la mort même , & qu'elle ne
doit être le partage que des méchans &
Cap. 25.
26.
des pecheurs , afin de les punir & de les
tourmenter.
A la verité il n'eſt parlé dans ces lieux
de l'Ecriture que de la malice & du dé-
reglement des femmes : mais il eſt viſible
que la mauvaiſe humeur & les vices des
maris ne ſont pas moins à craindre , ni
moins propres à troubler l'union qui doit
regner entre des perſonnes ſi proches ; &
par conſequent il faut leur appliquer
tout ce que le S.Eſprit dit contre l'empor-

21
des Gens Mariez Ch. II.
tement de leurs femmes , & conclure de
toutes ces ſentences du Sage, qu'un Ma-
riage où ne regne pas la paix , eſt un
veritable ſupplice , & une eſpece d'en-
fer pour ceux qui s'y trouvent engagez.
Et auſſi les ſaints Peres ſoûtiennent que
le démon qui avoit dépoüillé Job de
tous ſes biens, & lui avoit enlevé ſes en-
fans, ne lui laiſſa ſa femme, qui étoit une
impie, que pour contribuer à le tourmen-
ter & à le perſecuter. Satan, dit ſaint
Tract.
6. in. E-
piſt. Jean.
Auguſtin, conſerva à Job ſa femme,
non pas pour le conſoler, mais pour le
tenter.  Il s'en ſervit comme d'un in-
ſtrument funeſte, dit auſſi ſaint Ambroi-
Libelle
de arbor
interd.
Lib. 23.
moral 6.
1.
ſe
, pour contenter ſa rage contre lui.

Saint Gregoire Pape déclare que ce ma-
lin eſprit ne crut pas que ce fut aſſez l'af-
fliger que de faire perir ſes troupeaux ,
de lui enlever ſes ſerviteurs , d'enſevelir
ſes enfans ſous la ruine d'une maiſon, &
de frapper tout ſon corps d'une playe
horrible; mais qu'il lui reſerva ſa femme
afin qu'elle mît le comble à ſes maux, &
qu'elle lui ſuſcitât la plus grande de tou-
tes les perſecutions.
En effet, ce ſaint homme ſouffrit en
paix toutes les diſgraces qui lui arrive-
rent: il n'en fut point ébranlé, il n'en fit
aucune plainte : mais il ne put garder le
ſilence, lorſqu'il entendit les diſcours im-
pies de ſa femme qui lui inſultoi t, & qui

22
La Vie
vouloit le porter à maudir Dieu ; il lui
dit , avec un zele plein de religion ,
mais qui témoignoit aſſez combien étoit
Job. 2.
10.
grand l'outrage qu'elle lui faiſoit : Vous
parlez comme une femme folle & inſenſée :
ſi nous avons reçû les biens que Dieu nous
a donnez, pourquoi ne recevrions-nous pas
auſſi les maux qu'il nous envoye
?
C'eſt en ſuivant ces maximes de l'Ecri-
ture
que ſaint Jean Chryſoſtome en-
ſeigne, que le mariage devient une ſour-
ce de malheurs pour ceux qui en uſent
Hom. de
libello re-
pudii.
mal. Comme il arrive ſouvent, dit-il,
que la femme qui a été créée pour ai-
der & ſecourir l'homme, lui dreſſe des
pieges, & lui cauſe du préjudice ; ainſi
le Mariage qui devroit ſervir à plu-
ſieurs de ports pour les mettre à cou-
vert de la tempête, les y précipite aſſez
ſouvent , non par ſa nature ; mais par
le mauvais uſage qu'ils en font.
Ceux qui s'y conduiſent d'une ma-
niere ſainte & légitime,
ajoûte ce
Pere, trouvent dans la retraite de leurs
maiſons & dans la compagnie de leurs
femmes de quoi ſe conſoler des maux
& des diſgraces qu'ils éprouvent dans
le public & dans l'agitation du ſiecle.
Mais lorſqu'on s'y engage témeraire-
ment, & ſans conſulter la volonté de
Dieu, on a beau joüir au dehors d'un
grand repos & d'une tranquillité par- 23des Gens Mariez Ch. II. faite , on n'éprouve dans ſa propre
maiſon que des rochers & des écueils.
Il ne faut pas s'étonner que ce ſaint
Docteur parle ainsi, ni qu'il uſe de ter-
mes ſi forts ; puiſqu'il ſoûtient dans ſon
Hom. 10.
Commentaire sur l'Epitre aux Coloſ-
ſiens
, qu'il n'y a rien de plus fâcheux ,
ni de plus difficile à ſupporter que les
differends qui ſurviennent entre les ma-
ris & les femmes : parceque devant être
unis par un amour pur & ſincere , ils
ſe portent aux derniers excès, lorſqu'ils
viennent à ſe diviſer , & à concevoir de
l'animoſité les uns contre les autres.
Mais il n'eſt pas necessaire de chercher
d'autres preuves dans l'Ecriture & dans
les ſaints Peres du malheur de ceux qui
entrent mal dans le Mariage , & qui n'y
vivent pas dans la crainte du Seigneur ;
car on n'en fait tous les jours que trop
de funeſtes experiences.  L'on voit des
maris & des femmes qui ſe deshonorent,
& qui ſe décrient dans le public ; qui ſe
perſecutent de la maniere la plus outra-
geuſe , & qui attentent quelquefois à la
vie les uns des autres.
Et lorſqu'ils ne ſe portent pas à ces ex-
trémitez , ſoit parcequ'ils ne ſont pas
aſſez corrompus pour s'abandonner en-
core à de tels crimes , ou qu'ils veuillent
ménager leur réputation, & éviter la ſe-
verité des loix qui puniſſent ces ſortes

24
La Vie
d'attentats , ils ſe chagrinent , ils ſe
fatiguent par leurs mauvaiſes humeurs,
ils n'ont point de déference les uns pour
les autres ; il ſuffit que l'un deſire une
choſe pour que l'autre s'y oppoſe ; ils
prétendent chacun que leur volonté
l'emporte , & ils aiment mieux tout
ruiner & tout renverſer dans leur mé-
nage , que de ſe ceder mutuellement
en quoi que ce ſoit.  Leurs paſſions ſe
trouvant preſque toûjours oppoſées, &
étant reſolus de les ſuivre , ils tombent
dans des égaremens déplorables ; ils ſe
regardent les uns les autres comme leurs
plus cruels ennemis ; ils ne cherchent
qu'à ſe faire de la peine , & à ſe venger
par toutes ſortes de moiens.
Ne trouvant point de paix dans leur
domeſtique , il ſe répandent dans les
compagnies du ſiecle ; il ſe plaiſent à
converſer avec des étrangers , ils lient
avec d'autres perſonnes des amitiez qui
leur deviennent dans la ſuite tres-funeſ-
tes.  De-là naiſſent les jeux immoderés ,
les divertiſſemens mondains, les ſpecta-
cles , les dépenſes ſuperflues , les froi-
deurs , les ſoupçons , les jalouſies , les
adulteres , & les autres déſordres qui
ne ſont que trop publics.
Ceux qui connoiſſent le monde & qui
le frequentent , en ſçavent encore plus
ſur cette matiere que je n'en puis dire.
Ainſi

25
des Gens Mariez Ch. II.
Ainſi sans s'y arreſter davantage, il faut
finir ce Chapitre par ces paroles de Sa-
lomon
: Un peu de pain avec la joie vaut
Prov.17.
1.
mieux qu'une maiſon pleine de victimes
avec des querelles
; c'eſt-à dire, que quel-
ques riches que ſoient les gens mariez ,
& quelques avantages qu'ils puiſſent poſ-
ſeder ſur la terre , s'ils n'ont pas la paix
entr'eux , & s'ils ſe laiſſent aller à des
querelles & à des diviſions frequentes ,
leurs dignitez , leurs richeſſes & toutes
leurs commoditez temporelles ne leur
ſervent preſque de rien, & ne ſçauroient
être miſes en parallele avec les peines &
les chagrins qu'ils éprouvent dans leurs
familles , & qu'ainſi elles n'empêchent
point qu'ils ne ſoient tres-malheureux :
car le même Salomon dit que la triſteſſe
1.Prov. 15.
13. &
cap 17.
21. &
cap. 25.
20.
de l'ame abbat l'eſprit , & deſſeiche les
os ; & que comme le ver mange le vête-
ment , & la pourriture le bois , de même
la triſteſſe de l'homme lui ronge le cœur.
Au contraire lorſqu'ils vivent en paix &
dans l'union , & qu'ils ſe conſolent &
s'aſſiſtent les uns les autres , ils peuvent
goûter une joie ſincere & veritable , &
être par conſequent heureux, quand mê-
me ils ſeroient tres-pauvres; parce que
Prov. 15.
13. 15. &
cap. 17.
22.
le Sage nous apprend encore que la joie
du cœur & de l'eſprit ſe répand ſur le vi
ſage, & rend le corps plein de vigueur, &
que l'ame tranquille eſt comme un feſtin
continuel.
B

26
La Vie
Bandeau.

CHAPITRE III.

Quelles ſont les fins que les Chrétiens doi-
vent ſe propoſer, lorſqu'ils s'engagent
dans le Mariage.
PUISQUE j'ai reſolu d'expliquer dans
ce Traité les obligations des gens
mariez , afin de contribuer autant que
j'en ſeray capable à leur ſanctification &
à leur ſalut éternel, je croi qu'il faut d'a-
bord leur marquer quelle eſt la fin légi-
time qu'ils peuvent ſe propoſer en s'en-
gageant dans le Mariage ; car quelque
ſaint que ſoit un état, on s'y perd, & on
s'y damne , lorſqu'on y entre par de
mauvais motifs , & qu'on s'en ſert pour
contenter ſes deſirs illicites. Or l'Ecritu-
re
& les ſaints Peres nous apprennent
qu'il y a deux fins pour leſquelles les
hommes peuvent ſe porter au Mariage :
l'une pour entretenir la ſuccession du
genre humain , & pour avoir des enfans
qui beniſſent & qui ſervent le Seigneur ;
l'autre pour mettre leur pureté à cou-
vert , & pour arréter l'impetuoſité de
leurs paſſions. La premiere eſt la princi-
pale & la plus légitime ; ainsi c'eſt par
elle que je commencerai ce Chapitre.
Nous liſons dans l'Histoire ſainte ,
qu'après que Dieu eut formé la femme,

27
des Gens Mariez C. III.
& qu'il l'eut donnée à Adam pour être
ſa compagne , il les benit l'un & l'autre,
& qu'il leur dit: Croiſſez , multipliez , &
Gen. 1.
28.
rempliſſez la terre
. Ce qui prouve que le
Mariage dans ſa premiere origine, a été
inſtitué pour la génération légitime des
enfans ; & que c'eſt la fin principale que
doivent avoir en vûe ceux qui deſirent
ſuivre l'inſtitution de Dieu , & ſe con-
duire par ſon eſprit , lorſqu'ils s'y en-
gagent.
Les Patriarches & tous les Juſtes de
l'ancien Teſtament1 en étoient tres forte-
ment perſuadez ; car les ſaints Peres re-
marquent qu'ils ne ſe marioient que dans
le deſſein d'avoir des enfans , & pour
obéir à la Loi écrite , qui vouloit que
chacun contribuât à augmenter le nom-
bre des ſerviteurs du grand Dieu vivant ,
& de ceux qui devoient avoir part à ſon
Lib. de
bono vi-
duitatis.
c. 7.
alliance. Afin, dit ſaint Auguſtin, que
le peuple de Dieu s'étendît & ſe multi-
pliât, la Loi prononçoit malédiction
contre tous ceux qui ne ſuſcitoient
point des enfans dans Iſraël. C'eſt pour-
quoi les ſaintes femmes de ce tems-là
ſe marioient, non pour ſuivre les de-
ſirs & les mouvemens de la chair, mais
afin d'avoir des enfans;& il y a tout lieu
de croire que ſi elles avoient pû en
avoir d'une autre maniere , elles n'au-
roient jamais penſé à uſer du Mariage.
B ij  28La Vie C'eſt pour cette même raiſon qu'il
étoit alors permis aux hommes d'avoir
pluſieurs femmes.
Les ſaints perſonnages de l'ancien
Lib. de
bono con-
jug. c.20.
Teſtament, dit encore ce Pere, ne cher-
choient en ſe mariant qu'à avoir des en-
fans , & ils ne deſiroient en avoir que
par rapport à Jesus-Christ , lequel
ils prophetiſoient par leurs Mariages,
ou qu'ils eſperoient en pouvoir naî-
tre ; ainſi nos Vierges bien loin de les
mépriſer , doivent croire qu'elles leur
ſont tres-inferieures.
Mais entre tous les Juſtes2 qui ont paru
avant nôtre Seigneur , Tobie eſt celui
qui a fait connoître plus clairement que
le deſir ſeul de donner naiſſance à des
enfans qui adoreroient le vrai Dieu , le
déterminoit à entrer dans le Mariage :
c'eſt pourquoi il faut rapporter en par-
ticulier ce que l'on voit dans l'Ecriture
touchant ſa conduite. Ayant appris que
la jeune Sara fille de Raguel , avoit déja
eu ſept maris , qui avoient tous été tuez
par le démon , il fit difficulté de l'épou-
ſer, de crainte qu'il ne lui en arrivât au-
tant. Mais l'Ange Raphaël qui l'accom-
pagnoit & le conduiſoit , lui déclara que
le démon n'a du pouvoir que ſur ceux
qui s'engagent par ſenſualité dans le Ma-
riage , & que pour lui , s'il n'avoit deſ-
ſein en prenant Sara pour ſa femme, que

29
des Gens Mariez Ch. III.
d'avoir des enfans , il ne devoit point
apprehender la cruauté de cet eſprit in-
fernal.  Ecoutez-moi, lui dit-il, & je
Tob. 6.
1. 17. 18.
22.
vous apprendrai qui ſont ceux ſur qui le dé-
mon a du pouvoir. Lorſque des perſonnes
s'engagent tellement dans le Mariage ,
qu'ils banniſſent Dieu de leur cœur & de
leur eſprit, & qu'ils ne penſent qu'à ſatis-
faire leur brutalité, comme les chevaux &
les mulets qui ſont ſans raiſon, le démon a
pouvoir ſur eux.  Mais pour vous , après
que vous aurez épouſé cette fille, étant en-
tré dans la chambre , vivez avec elle en
continence pendant trois jours , & ne pen-
ſez à autre chose qu'à prier Dieu avec elle.
La troiſiéme nuit étant paſſée , vous pren-
drez cette fille dans la crainte du Sei-
gneur , & dans le deſir d'avoir des enfans,
& non point par aucun mouvement de paſ-
ſion, afin que vous puiſſiez avoir part à la
benediction de Dieu, ayant des enfans de la
race d'Abraham.
Il ſuivit le conſeil de l'Ange ; car le
Texte ſacré porte qu'il dit à ſa femme
la premiere nuit de leurs nôces : Sara
Cap, 8.
4. 5. &
ſequens.
levez-vous , & prions Dieu aujourd'huy ,
& demain & après demain , parceque du-
rant ces trois nuits nous devons nous unir à
Dieu ; & après la troiſiéme nuit nous vi-
vrons dans notre Mariage , car nous ſom-
mes les enfans des Saints ; & nous ne de-
vons par nous marier comme les Payens

B iij

30
La Vie
qui ne connoiſſent point Dieu. Que s'étant
levez tous deux , ils prierent Dieu avec
grande inſtance , afin qu'il lui plût de les
conſerver en ſanté ; & qu'il fit cette ad-
mirable priere qui attira ſur lui tant
de bénédictions. Seigneur Dieu de nos
Peres , que le Ciel & la Terre , la Mer ,
les Fontaines & les Fleuves, avec toutes vos
creatures qu'ils renferment, vous beniſſent.
Vous avez fait Adam d'un peu de terre &
de boue , & vous lui avez donné Eve pour
le ſecourir.  Vous ſçavez , Seigneur , que
ce n'eſt point pour ſatisfaire ma paſſion que
je prens ma ſœur pour être ma femme ,
mais dans le deſir ſeul de laiſſer des en-
fans, par leſquels vôtre nom ſoit beni dans
tous les ſiecles.
Les ſaints Peres qui avoient toûjours
devant les yeux les exemples des Patriar-
ches
& des grands perſonnages dont il
eſt ſi ſouvent parlé dans l'Ecriture , ont
crû être obligez d'enſeigner à tous les
Fideles qui vivent dans le ſiecle , que
le deſir d'avoir des enfans , eſt la pre-
miere fin qu'ils doivent ſe propoſer dans
les Mariages qu'ils contractent.
Saint Ambroiſe expliquant cet endroit
de l'Evangile , où il eſt marqué que
ſainte Eliſabeth ayant conçû ſon fils
après pluſieurs années de ſterilité , dit
que Dieu l'avoit regardée avec des yeux
L. c.I.25.
de miſericorde, en la tirant de l'opprobre

31
des Gens Mariez Ch. III.
où elle étoit devant les hommes , ajoûte
qu'en effet c'eſt une eſpece d'opprobre
pour les femmes de ne voir point leur
Mariage honoré & récompenſé par la
In cap. 2.
Luc.
naiſſance des enfans , puiſque c'eſt pour
cela ſeul qu'elles doivent ſe marier. Pu-
dor est enim fœminis nuptiarum præmia
non habere, quibus hæc ſola eſt cauſa nu-
bendi.
Saint Auguſtin dit auſſi dans son Li-
Lib. de
ſancta
Virg. c.7.
vre de la Virginité, que les femmes ver-
tueuſes qui vivent dans la piété , ne
prennent des maris que pour avoir des
enfans , & qu'elles n'en deſirent que
pour les porter et les donner à Jesus‑
Christ.
Il déclare dans un autre de ſes Livres,
que la génération des enfans eſt la pre-
Lib.2.de
adulteri-
nis con-
jug. c.21.
miere fin , la fin naturelle , la fin legi-
time du Mariage : Propagatio filiorum
ipſa eſt prima , & naturalis , & legitima
cauſa nuptiarum.
Et lorſqu'il combat les Manichéens
qui interdiſoient l'uſage du Mariage aux
Lib. 19.
contra
Fauſtum
Manich.
c. 26. &
lib. 30. c.
6.
Chrétiens après leur Baptême , & qui
étoient ainſi cauſe qu'ils ſe portoient à
des adulteres & à d'autres deſordres
tres-criminels , il leur dit : Vous n'em-
pêchez pas par vôtre doctrine corrom-
pue , qu'ils ne ſe précipitent dans l'im-
pureté , mais vous les détournez ſeule-
ment du Mariage ; & par conſéquent
B iiij

32
La Vie
c'eſt à la naiſſance des enfans que vous
vous oppoſez : car c'eſt la volupté ſeule
qu'on recherche dans les conjonctions
illicites , mais on ne ſe marie que pour
avoir des enfans : cela eſt ſi vrai , qu'on
ne regarde qu'eux ſeuls dans la plûpart
des précautions qu'on prend , lorſqu'on
paſſe des Contrats en ces rencontres.
Le Catechiſme Romain parle en ces
termes de cette fin que doivent ſe pro-
poſer ceux qui ſe marient. Le Maria-
De Sa-
cramento
matrim.
§
ge,
dit-il , eſt appellé ainſi ſelon la ſi-
gnification du terme Latin , Matrimo-
nium
, parcequ'une femme ne doit
principalement ſe marier que pour de-
venir mere ; & que les devoirs d'une
mere ſont de concevoir , de mettre au
monde, & de nourrir des enfans. C'eſt‑
Ibid. 5.
là la véritable fin pour laquelle Dieu
a inſtitué le Mariage dès le commen-
cement du monde.
Quoique cette doctrine ſoit tres-con-
ſtante , il eſt neanmoins vrai de dire ,
qu'il y a une fin ſeconde & moins prin-
cipale qui peut porter les Fideles à ſe
marier. C'eſt lorſqu'ils ne ſont pas ca-
pables de la continence ; car le Maria-
I. Cor.7.
I. 2. &
ſequent.
ge devient pour eux un remede , & il
leur ſert à réprimer & à moderer leurs
paſſions. Je ne crains pas de le dire, puiſ-
que ſaint Paul leur conſeille d'en uſer
ainſi. Quant aux choſes, dit-il aux Corin-

33
des Gens Mariez Ch. III.
thiens , dont vous m'avez écrit ,  je vous
dirai qu'il eſt bon que l'homme ne touche
aucune femme. Neanmoins pour éviter la
fornication , que chaque homme vive avec
ſa femme, & chaque femme avec ſon mari.
Que le mari rende à ſa femme ce qu'il lui
doit, & la femme ce qu'elle doit à ſon mari.
Ne vous refuſez point l'un à l'autre ce de-
voir , ſi ce n'est d'un conſentement mutuel
pour un tems , afin de vous appliquer à la
priere ; & enſuite vivez enſemble comme
auparavant , de peur que le démon ne
prenne ſujet de vôtre incontinence de vous
tenter. Ce que je vous dis comme une choſe
qu'on vous pardonne , & non pas qu'on
vous commande: car je voudrois que tous
les hommes fuſſent en l'état où je ſuis moi‑
même; mais chacun a ſon don particulier;
ſelon qu'il le reçoit de Dieu, l'un d'une ma-
niere , l'autre d'une autre.
  Puis il ajoûte :
Pour ce qui eſt de ceux qui ne ſont point
mariez & des veuves ,  je leur déclare qu'il
leur eſt bon de demeurer en cet état, comme
j'y demeure moi-même ; que s'ils ſont trop
foibles pour garder la continence, qu'ils ſe
marient : car il vaut mieux ſe marier que
brûler.
Ces paroles du grand Apôtre juſtifient
clairement que ceux qui ſe ſentent foi-
bles , & qui croient n'avoir pas aſſez de
force pour paſſer leur vie dans la conti-
nence , peuvent ſe réfugier dans le Ma-
B v

34
La Vie
riage , comme dans un port aſſuré pour
ſe garantir du naufrage dont ils étoient
menacez. C'eſt à leur égard qu'a lieu cet-
te maxime de ſaintAuguſtin : Le Ma-
Lib. de
bono vi-
duit. c. 8.
riage étoit autrefois parmi le peuple de
Dieu un acte d'obéïſſance à la Loi ;
mais il eſt maintenant un remede à l'in-
firmité : In populo Dei fuit aliquando le-
gis obſequium, nunc eſt infirmitaris reme-
dium
: parceque les Juifs ſe marioient
pour obeïr à la Loi écrite , & pour ſui-
vre ſon eſprit ; au lieu que les Chré-
tiens ſe marient maintenant à cauſe
de leur foibleſſe , & de l'infirmité de
leur chair.
Il faut même obſerver que ce ſaint
Lib. de
ſancta
Virg.c. 9.
& lib. 2.
de adult.
conjugis.
6. 12.
Docteur a quelquefois dit , que c'eſt là la
principale raiſon qui doit porter les Chré-
tiens à ſe marier : que les Juifs pouvoient
s'engager dans le Mariage pour avoir des
enfans ; parcequ'il falloit contribuer à la
propagation du peuple de Dieu , & à la
naiſſance du Meſſie. Mais que les Fide-
les étant maintenant appellez au Roïau-
me de Dieu de toutes les parties du mon-
de , & de toutes les nations de la terre , il
n'eſt plus neceſſaire de deſirer d'avoir des
enfans ; que tous ceux qui ſont capables
de la virginité doivent l'embraſſer ; &
que le Mariage n'eſt à proprement par-
ler, que pour ceux qui ne ſont pas en état
de garder la continence.

35
des Gens Mariez Ch. III.
Cette penſée qui paroît un peu forte ,
prouve ſans doute que ce Pere avoit un
tres-grand zele pour la virginité , puis-
qu'il vouloit y porter toutes ſortes de
perſonnes ; mais elle juſtifie auſſi qu'il a
crû que les Fideles qui reconnoiſſent leur
foibleſſe peuvent avoir recours au Ma-
riage , comme à un remede ſalutaire de-
ſtiné de Dieu pour guerir leurs paſſions.
Cette fin eſt auſſi autoriſée par le Cate-
De Sa-
cram.
Matrim.
c. 3.
chiſme Romain
. Le troiſiéme motif,
dit-il, qui peut porter à ſe marier , &
qui n'a eu lieu que depuis le peché du
premier homme , eſt de chercher dans
le Mariage un remede contre les deſirs
de la chair , qui ſe revolte contre l'eſ-
prit & la raiſon , depuis la perte de la
juſtice dans laquelle l'homme avoit été
créé. Ainſi celui qui connoiſt ſa foibleſ-
ſe , & qui ne veut pas entreprendre de
combattre ſa chair , doit avoir recours
au Mariage comme à un remede pour
s'empêcher de tomber dans le peché de
l'impureté.   D'où vient que ſaint Paul
donne cet avis aux Corinthiens : Que
chaque homme vive avec ſa femme, &
que chaque femme vive avec ſon mari
pour éviter la fornication.
  Et enſuite
après leur avoir dit, qu'il eſt bon de s'ab-
ſtenir quelquefois de l'uſage du Mariage,
pour s'exercer à l'oraiſon,
il ajoûte auſ-
ſi-toſt : mais enſuite vivez enſemble com-
B vj 36La Vie me auparavant , de peur que le démon ne
prenne ſujet de vôtre incontinence de vous
tenter.
Voilà les deux fins pour leſquelles il eſt
permis , ſelon l'Ecriture & les ſaints Pe-
res
de contracter mariage.  Le Concile
de Cologne
de l'an 1536. a jugé qu'il eſt
Part. 7.
cap. 41.
abſolument neceſſaire que tous ceux qui
veulent s'y engager en ſoient inſtruits.
C'eſt pourquoi il ordonne aux Prêtres &
aux Paſteurs de les leur expliquer , & de
leur faire comprendre que s'ils s'en pro-
poſent d'autres , il pechent griévement,
& prophanent un Sacrement vénérable
de la Loi nouvelle3.
Il faut donc que les Fidelles ne ſe ma-
rient que dans la vûë de l'une ou de l'au-
tre de ces deux fins , s'ils deſirent entrer
dans cet état avec des intentions droites
& legitimes , & qui ſoient dignes de ceux
qui ont l'honneur d'être les enfans des Ss4.
Comme cette matiere eſt tres-impor-
tante , je ne veux rien omettre de ce qui
peut ſervir à l'éclaircir : ainſi je recon-
nois avec les Theologiens , qu'il y a de
certains avantages qui accompagnent
ſouvent le Mariage , & qui contribuënt
à rendre heureux ceux qui en joüiſſent ;
& je ne diſconviens pas qu'il ne ſoit per-
mis de les rechercher, pourvû qu'on n'en
faſſe pas ſon unique fin.  On peut , par
exemple, deſirer en ſe mariant, de trouver

37
des Gens Mariez Ch. III.
un mari ou une femme qui ſoit noble , ri-
che , ſociable , & de bonne humur , qui
ait de l'eſprit , de la ſageſſe & du diſcer-
nement , & dont on puiſſe eſperer d'être
ſecouru & aſſisté dans ſes besoins & dans
ſa vieilleſſe. Le Catechiſme Romain l'en-
ſeigne expreſſément : car après avoir
marqué les fins principales qu'il faut se
propoſer en s'engageant dans le Maria-
ge , il ajoûte : outre ces motifs , un
homme peut encore être porté à faire
choix d'une femme , & à la preferer à
une autre pour d'autres conſiderations,
comme peuvent être l'eſperance d'en
avoir des enfans plûtôt que d'une autre,
ou ſes richeſſes , ſa beauté , ſa nobleſ-
ſe , & la conformité de ſon humeur
avec la ſienne. Car toutes ces vûes ne
De Sa-
cram.
matri. §.
ſont point blâmables , puiſqu'elles ne
ſont point contraires à la ſainteté & à
la fin du Mariage. Et nous ne voyons
point que l'Ecriture ſainte condamne
le Patriarche Jacob , de ce que touché
de la beauté de Rachel, il la prefera à
Lia.
Mais ces differentes conſiderations
ſupposent qu'on s'eſt déterminé à em-
braſſer la vie conjugale par des motifs
plus nobles & plus puiſſans , & qui ayent
plus de rapport à l'inſtitution du Maria-
ge : car ces ſortes de biens & d'avantages
ne ſont pas aſſez conſiderables par eux-

38
La Vie
mêmes , pour ſervir de fin à des Chré-
tiens dans une action de ſi grande conſe-
quence , & qui peut tant contribuer à
In lib. 4.
ſentent.
diſtinct.
30. §. 9.
leur ſalut éternel ; & le ſçavant Eſtius
enſeigne , qu'encore que ceux qui ſe ma-
rient puiſſent les conſiderer , ils ne ſont
pas neanmoins la fin du Mariage.
Je puis donc conclure qu'il n'y a pro-
prement que les deux motifs qu'on a
marquez cy-deſſus , qui doivent déter-
miner les Chrétiens à entrer dans cet
état ; & que ceux qui s'y engagent par
des raiſons purement temporelles, com-
me pour devenir riches , pour monter
aux dignitez du ſiecle , & pour faire for-
tune , s'éloignent de la pureté des maxi-
mes de l'Ecriture ſainte , & des Peres de
l'Egliſe
: on en ſera encore plus perſuadé
lorſqu'on aura conſideré ce que je dois
repreſenter dans les Chapitres ſuivans.
Bandeau.

CHAPITRE IV.

Que les Fideles qui ſe marient doivent
avoir ſoin de ne s'allier qu'avec des per-
ſonnes de probité , & qui vivent d'une
maniere chrétienne.
IL ſeroit fort inutile de ſe propoſer
une fin droite & legitime en ſe ma-
riant , ſi on faiſoit enſuite un mauvais
choix , & ſi on s'allioit à une perſonne

39
des Gens Mariez Ch. IV.
qui ne fût pas de bonnes mœurs , & qui
n'eût pas les qualitez qui ſont neceſſaires
pour concourir à rendre un Mariage
heureux & chrétien. On peut même dire
qui ſi on choiſiſſoit volontairement un
tel parti , on n'auroit qu'une intention
corrompuë , & qu'il ſeroit impoſſible
qu'on ſe propoſaſt en cette rencontre une
bonne fin. C'eſt pourquoi il eſt tres-im-
portant de faire comprendre aux Fideles
qu'ils ſont obligez , lorſqu'ils croient
être deſtinez à cet état , de n'épouſer que
des perſonnes de vertu & de pieté , avec
qui ils puiſſent ſe ſanctifier , & vivre en
paix , & dans la crainte du Seigneur.
L'Ecriture le marque expreſſement
lorſqu'elle dit , Avez-vous une fille , ma-
riez-la , & donnez-la à un homme de
grand ſens: homini ſenſato da illam
. Elle
ne dit pas à un homme de grands biens ,
à un homme qui ait une grande charge ,
mais un homme de grand ſens , qui eſt
une qualité inſeparable de la crainte de
Dieu , & de la ſolide pieté , ſelon la mê-
me Ecriture.  Elle nous apprend qu'A-
braham
défendit à ſon fils Isaac de ſe ma-
rier avec aucune des filles des Chana-
néens
, qui étoient idolâtres & corrom-
pus dans leurs mœurs; qu'il lui ordonna
d'aller dans ſon païs , & de s'y choiſir
une femme dans ſa propre famille ; &
qu'il obligea même ſon ſerviteur de lui

40
La Vie
promettre avec ſerment , qu'il auroit
ſoin de ſuivre exactement ſa volonté ,
car il ſe repoſoit ſur lui de tout ce qui
concernoit le Mariage de ſon fils. Met-
Gen. 24.
2. 3. 4.
tez vôtre main ſur ma cuiſſe
, lui dit-il, &
jurez-moi par le Seigneur le Dieu du Ciel
& de la Terre , que vous ne prendrez au-
cune des filles des Chananéns parmi leſquels
j'habite , pour la faire épouſer à mon fils ;
mais que vous irez au pays où ſont mes pa-
rens , afin d'y prendre une femme pour mon
fils Isaac.
 Ce ſaint Patriarche crut être
obligé d'empêcher abſolument que ſon
fils n'entrât dans l'alliance des impies &
des infideles ; & il aima mieux qu'il allât
chercher bien loin une femme , & même
dans le païs qu'il avoit quitté par l'ordre
de Dieu.
Cela fut ponctuellement executé : car
ce fidele ſerviteur conduiſit Isaac dans la
Meſopotamie, & lui fit épouſer la chaſte
Rebecca ; & ce Mariage fut beni du Ciel,
& accompagné de toutes ſortes de proſ-
peritez.
C'eſt une preuve éclatante de l'obliga-
tion qu'ont tous ceux qui craignent
Dieu, d'éviter de s'allier avec des im-
pies, & de ne ſe marier au contraire que
dans des familles dont la pieté ſoit con-
ſtante & bien établie.
Dieu en fit dans la ſuite une loi , & il
défendit aux Juifs avant même qu'ils

41
des Gens Mariez Ch. IV.
fuſſent arrivez à la terre promiſe , de
choiſir des maris & des femmes pour
leurs enfans parmi les peuples infideles
qui habitoient ces Régions. Vous ne ferez
Exod , 34.
15. 16.
point d'alliance
, leur dit-il, avec les ha-
bitans de ce pays-là , de peur que lorſqu'ils
ſe ſeront corrompus avec leurs Dieux , &
qu'ils auront adoré leurs ſtatues, quelqu'un
d'entr'eux ne vous invite à manger avec lui
des viandes qu'il leur aura immolées. Vous
ne ferez point épouſer à vos fils des filles de
ce pays-là, de peur qu'après qu'elles ſe ſe-
ront corrompues elles-mêmes avec leurs
Dieux, elles ne portent vos fils à se corrom-
pre aussi comme elles. Vous ne contracterez
Deut. 7.
3. 4.
point de Mariage avec eux ; vous ne don-
nerez point vos filles à leurs fils , & vos
fils n'épouſeront points leurs filles; parceque
leurs filles ſeduiront vos fils , & leur per-
ſuaderont de m'abandonner , & d'adorer
au lieu de moi, des Dieux étrangers. Ain-
ſi la fureur du Seigneur s'allumera contre
vous , & vous exterminera dans peu de
tems.
Ce fut en vertu de cette loi , & de
peur de la tranſgreſſer, que le pere & la
mere de Samſon, qui étoient de vrais Iſ-
raelites
, ne voulurent pas d'abord lui
permettre d'épouſer une Philistine N'y
Judic.
14. 3.
a-t-il point
, lui dirent-ils, de femmes parmi
toutes les filles de vos freres, & parmi tout
vôtre peuple , pour vouloir prendre une


42
La Vie
femme d'entre les Philistins qui ſont incir-
concis ?
L'Ecriture marque qu'ils lui par-
lerent ainſi , & qu'ils s'oppoſerent à ſon
Mariage parcequ'ils ne ſçavoient pas
qu'il ne s'y portoit que par l'ordre de
verſ. 4.
Dieu, qui vouloit perdre les Philistins,
& qui avoit deſſein de ſe ſervir de lui
pour les punir. En effet n'étant pas in-
formez de ce myſtere , ils avoient raiſon
de rejetter cette alliance que leur fils leur
propoſoit de faire ; ils étoient même
obligez d'emploier toute l'autorité qu'ils
avoient ſur lui pour l'en détourner ; &
les Interpretes remarquent qu'ils n'y
conſentirent que parceque Dieu leur en
donna le mouvement par une inſpiration
ſecrette , ou qu'il leur fit connoître par
quelque ſigne exterieur qu'il le vouloit
ainſi.
Que l'on conſidere avec attention la
conduite de tous les Patriarches , & l'on
reconnoîtra qu'ils ont toujours eu ſoin
de ſuivre cette loi , & qu'ils ſe ſont fait
un point de religion, de ne contracter ni
alliance , ni mariage avec les infideles.
Tobie deſirant ſe marier, épouſa Anne
Tob.I. 9.
qui adoroit le vrai Dieu , & qui étoit de
c. 7.
ſa même Tribu. Son fils le jeune Tobie
ne voulut point prendre pour femme au-
cune des filles de Ninive où il étoit cap-
tif ; & profitant des conſeils de l'Ange
qui le conduiſoit pendant ſon voyage ,

43
des Gens Mariez Ch. IV.
il ſe maria avec Sara qui craignoit le Sei-
gneur , & qui étoit auſſi de ſa Tribu.
Tous les autres Juſtes de l'ancien Teſta-
ment
5 n'ont pas moins témoigné de zele
pour l'obſervation de cette même loi.
On en peut juger par ce qui arriva
après que les Juifs furent ſortis de Baby-
lone
, & retournez en Judée.  Eſdras
3. Eſdr.
9. 10.
ayant eſté averti par les Princes du peu-
ple, qu'un grand nombre d'entr'eux s'é-
toient mariez pendant leur éxil à des
femmes étrangeres & infideles , déchira
auſſi-tôt ſes vétemens , s'arracha la bar-
be & les cheveux , & ſe laiſſa aller à une
extrême douleur, dans la vûë d'une telle
prévarication. Il en demanda publique-
ment pardon à Dieu ; & il obligea tous
ceux qui avoient contracté ces ſortes de
Mariages, de ſe ſeparer de leurs femmes,
& de chaſſer de leurs maiſons les enfans
qu'ils en avoient eus.
Les Chrétiens ne ſont pas moins obli-
gez que les Juifs , d'éviter l'alliance des
infideles , c'eſt-à-dire , de ceux qui vi-
vent dans le deſordre & dans la corrup-
tion , & de ne ſe marier qu'à des perſon-
nes de probité , qui craignent & qui ſer-
vent le Seigneur : il est facile de le juſti-
fier par ſaint Paul. Il dit aux Corinthiens:
2. Cor. 6.
14. 15.
Ne contractez point d'alliance avec les In-
fideles pour porter le joug avec eux : car
quelle union peut-il y avoir entre la juſti-

44
La Vie
ce & l'iniquité ? Quel commerce entre la
lumiere & les tenebres ? Quel accord entre
JESUS-CHRIST & Belial ? Quelle ſo-
cieté entre le fidele & l'infidele ? Quel rap-
port entre le Temple de Dieu & les Idoles?
Et lorſqu'il parle des veuves qui veu-
I. Cor. 7.
39.
lent ſe marier , il dit : La femme eſt liée
à la loi du Mariage, tant que ſon mari eſt
vivant ; mais ſi ſon mari meurt , il lui eſt
libre de ſe marier à qui elle voudra, pourvû
que ce ſoit ſelon le Seigneur
: c'eſt-à-dire,
comme le remarquent pluſieurs Inter-
pretes , pourvû qu'elle épouſe un hom-
me fidele , & qui ſoit membre de l'E-
gliſe.
C'eſt ſur ce fondement que les Canons6
Concil.
Calced.
can. 14.
Iv. part.
8. c. 24.
Grat. 28.
q. I. c.
6. &.17.
condamnent les Mariages entre les Ca-
tholiques & les Heretiques ou les Infi-
deles, à moins que ceux-ci ne ſe conver-
tiſſent , & n'embraſſent la vraye foi ,
ou ne promettent de le faire au plûtôt.
Mais rien ne prouve mieux qu'il eſt
tres-important, & même neceſſaire, de
ne s'allier qu'avec d'honnêtes gens, que
les inconveniens & les malheurs qui
naiſſent ordinairement des Mariages
contractez avec des impies & avec des
infideles.
L'Ecriture nous en fournit pluſieurs
exemples funeſtes. Les deſcendans de
Seth qui avoient toujours gardé la juſ-
tice , & vêcu dans la pieté , n'eurent pas

45
des Gens Mariez Ch. IV.
plûtôt pris des femmes parmi les en-
fans de Caïn , qui étoient des impies ,
qu'ils ſe pervertirent & ſe corrompirent
juſqu'à un tel point , que toute la ter-
re ſe trouva en peu de tems couverte
de crimes & d'abominations ; ce qui
provoqua la colere de Dieu , attira le
déluge , & cauſa la perte du genre hu-
main. Les enfans de Seth, dit ſaint
Liv. 15.
de Civ.
Dei , c.
22.
Auguſtin, qui avoient été juſqu'alors
la race des Saints , & qui avoient mé-
rité par leur attachement à Dieu, que
l'Ecriture les appellât les enfans de
Dieu, ſe mêlerent par une alliance tres‑
indigne d'eux , avec la poſterité mal-
heureuſe de Caïn. Ils imiterent bien-tôt
l'impieté de ces filles nées impies d'une
race impie, auſquelles une paſſion vio-
lente les avoit aſſujettis ; & ils effa-
cerent de leur cœur tous les ſentimens
de religion & de vertu qu'ils avoient
appris de l'exemple & de l'inſtruction
de leur pere.
Saint Cyrille remarque que par un
effet digne de la juſtice de Dieu , les
enfans qui nâquirent de cette alliance
déteſtable , furent des monſtres effroya-
bles, non ſeulement par leur difformité
exterieure , mais par la dépravation de
leurs mœurs. Après que les enfans de
Lib. 3.
in Gen.
Seth,
dit ce Pere, eurent choiſi des
femmes de la race de Caïn , & imité
 46La Vie leurs ſacrilèges & leurs deſordres hon-
teux , il ſortit de ces Mariages crimi-
nels non des hommes, mais des mon-
ſtres : car ces Geants nez de l'alliance
de ces deux races qui n'auroient jamais
dû ſe mêler enſemble, étoient des mon-
ſtres horribles , non ſeulement par la
laideur de leur corps, mais encore plus
par l'excès de leur orgueil , de leur in-
humanité & de leur corruption.
Saint Ambroiſe & pluſieurs autres
Ambr.
Epiſt. 24.
Peres , ſoûtiennent que Dalila , que
Samſon épouſa après la Philiſtine , dont
on a déja parlé , étoit auſſi infidele : ils
diſent que l'on peut juger par cet exem-
ple , combien ces ſortes de Mariages
ſont capables d'irriter la colere de Dieu:
car cette malheureuſe femme ayant ſé-
duit l'eſprit , & corrompu le cœur de
ſon mary, le livra entre les mains de ſes
Jud. 16.
ennemis , & fut cauſe qu'il périt miſera-
blement.
Ce qui arriva à Salomon paroît en-
core plus déplorable : car ce Prince qui
étoit le plus ſage de tous les hommes ,
& qui avoit toujours paru ſi zelé pour
la gloire du vray Dieu , ayant épouſé
des femmes étrangeres & infideles ,
tomba dans une idolâtrie honteuſe, &
fut frappé d'un tel aveuglement qu'il
fléchit les genoux devant les Idoles de
ſes femmes, qu'il leur preſenta de l'en-

47
des Gens Mariez Ch. IV.
cens , & qu'il leur bâtit des Temples.
Voici comme l'Ecriture parle de ſa
chûte & de ſon infidelité.   Le Roy Salo-
3. Reg.12.
I. 2. &
ſequens.
mon
aima paſſionnément pluſieurs femmes
étrangeres , entr'autres la fille de Pharaon,
des femmes de MoabMoab & d'Ammon, des fem-
mes d'Idümée, des Sidoniennes7, & du pays
des Hethéens8,qui étoient toutes des nations
dont le Seigneur avoit dit aux enfans d'Iſ-
raël : Vous ne prendrez point pour vous de
ces femmes , & vos filles n'épouſeront point
des hommes de ce pays-là : car ces nations
vous pervertiront le cœur tres-certainement
pour vous faire adorer leurs Dieux.  Salo-
mon
s'attacha donc à ces femmes avec une
paſſion tres-ardente; & lorſqu'il étoit déja
vieux, les femmes lui corrompirent le cœur
pour lui faire ſuivre des Dieux étrangers ;
& ſon cœur n'étoit point parfait devant le
Seigneur son Dieu,comme avoit été le cœur
de David ſon pere.
Après toutes ces autoritez tirées de
l'Ecriture , il faut écouter Tertullien ,
lorſqu'il parle des Mariages que des
Chrétiens contractent avec des Payens.
Il dit que la femme qui épouſe un Infi-
Lib. 2.
ad uxor.
dele, ſe met en danger de l'imiter dans
ſon infidelité , & qu'elle eſt ſouvent
comme forcée de prendre part à ſes vo-
luptez & à ſes plaisirs criminels; qu'elle
lui devient ſuſpecte quand elle veut ſe
cacher de lui dans ſes dévotions ; &

48
La Vie
qu'elle l'irrite lorſqu'elle les pratique en
ſa preſence ; qu'étant à table avec lui ,
elle n'a pas la liberté de parler de Dieu,
d'invoquer JESUS-CHRIST , de
nourrir la foi pour la lecture des Livres
ſacrez , & de louer le Seigneur qui lui
fournit les alimens qu'elle prend : &
qu'au contraire tout ce qu'elle voit , &
tout ce qu'elle entend pendant les re-
pas eſt indigne d'elle, contraire au ſalut ,
& capable de lui faire encourir la dam-
nation éternelle ; qu'elle eſt expoſée à
ſes railleries, lorſqu'elle fait le ſigne de
la Croix ſur elle & ſur ſon lit ; qu'elle
ne peut ſe relever auſſi ſouvent qu'elle
voudroit pendant la nuit pour prier; &
qu'il l'accuſe de magie , lorſqu'il voit
qu'elle a ſoin de prendre à jeun, & avant
toute ſorte de nourriture , le Corps de
JESUS-CHRIST.
A la verité ce Pere ne parle dans le
Texte qu'on vient de rapporter, que de
celles qui contractent Mariage avec des
Infideles.  Mais il eſt viſible que tout
ce qu'il dit , fait voir avec évidence
qu'il n'eſt point permis aux Chrétiens
de s'allier avec des perſonnes dont la
vie & les mœurs ne ſoient pas bien re-
glées ; & que s'ils en uſent autrement,
ils ſe mettent en danger de déchoir inſen-
ſiblement de la vertu dont ils faiſoient
profeſſion , & même d'imiter les dé-
fauts

49
des Gens Mariez Ch. IV.
fauts & les paſſions de ceux qu'ils épou-
ſent.  Par exemple , ſi une fille ſage &
modeſte , & qui a toujours vêcu avec
beaucoup de retenue , vient à être ma-
riée à un homme qui aime la joie &
les plaiſirs & qui s'abandonne à la diſſo-
lution, elle ne peut preſque plus vaquer
à ſes exercices ordinaires de pieté ; & il
eſt fort à craindre qu'elle ne ſe relâche
& ne ſe pervertiſſe dans la ſuite , car il
ne lui donne pas le tems de prier : il
s'oppoſe à ſes jeûnes & à ſes mortifi-
cations ; il la contraint de porter ſur
elle des marques du luxe & de la vanité
du ſiecle ; il ne lui parle que de choſes
vaines & inutiles , pour ne pas dire cri-
minelles ; il l'oblige de voir des compa-
gnies dangereuſes pour le ſalut ; il ne
lui donne que de mauvais exemples; &
ſouvent même il veut qu'elle aſſiſte à
ſes divertiſſemens prophanes. Il eſt cer-
tain que c'eſt-là pour elle une tres‑
grande tentation ; & ſi elle s'y expoſe
volontairement, elle ne doit pas eſperer
que Dieu faſſe des miracles pour l'em-
pêcher d'y ſuccomber.
Les maris étant ordinairement les
maîtres dans leurs familles , & ayant
d'ailleurs plus de force d'eſprit que
leurs femmes , il ſembleroit qu'il n'y
auroit pas pour eux beaucoup de danger
à en prendre qui ſoient ſujettes à quel-
C

50
La Vie
ques paſſions extraordinaires , parce-
qu'ils peuvent facilement les réprimer,
& s'en garantir. Mais néanmoins il eſt
vrai de dire qu'ils ſont des témeraires,
lorſqu'ils choiſiſſent de telles femmes:
car qui eſt-ce qui leur a dit qu'ils au-
ront aſſez de fermeté pour les contre-
dire, & pour leur réſiſter ?  Qu'au lieu
de les inſtruire & de les reprendre , ils
ne demeureront point dans le ſilence par
une vaine complaiſance pour elles ;
qu'ils ne ſe laiſſeront pas gagner par
leurs diſcours pleins d'affectation , &
par leurs aſſiduitez ; & qu'ils ne ſe por-
teront point enfin à les imiter ?  L'e-
xemple d'Adam qui viola la Loi de Dieu
par complaiſance pour ſa femme , & de
peur de la contriſter , doit leur ſervir
d'inſtruction , & leur apprendre qu'il y
a toujours du danger pour des maris qui
ſont obligez de vivre & de converſer
continuellement avec des femmes peu
reglées , parceque leur ſexe les rend
adroites à s'inſinuer dans les eſprits , &
leur donne des charmes propres à gagner
& à captiver le cœurs.
Comme les contraires ne paroiſſent
jamais avec plus d'éclat que lorſqu'ils
Ibid.
ſont oppoſez à leurs contraires.  Ter-
tullien
décrit enſuite le bonheur d'un
Mariage contracté entre deux Fideles ;
& la deſcription qu'il en fait , prouve

51
des Gens Mariez Ch. IV.
que tous ceux qui penſent ſerieuſement
à ſe ſauver , doivent avoir ſoin de n'é-
pouſer que des perſonnes de probité. Il
dit qu'il n'y a rien de plus tranquille ,
de plus heureux , ni de plus accompli
qu'une telle alliance , parceque le mari
& la femme ont les mêmes penſées &
les mêmes deſirs ; parcequ'ils gardent
la même regle & la même diſcipline
dans la conduite de leur vie ; parce-
qu'ils ſervent & qu'ils reconnoiſſent le
même Maître ; parcequ'ils ſont veri-
tablement freres, ayant JESUS-CHRIST
pour pere ; parcequ'ils prient & qu'ils
jeûnent enſemble ; qu'ils offrent le mê-
me ſacrifice ; qu'ils font leurs aumônes
en commun, & qu'ils prennent le même
tems pour viſiter les pauvres & les ma-
lades ; parcequ'ils adorent Dieu , &
qu'ils s'acquittent librement en preſence
l'un de l'autre de tout ce qui regarde
ſon culte ; parcequ'ils ne rougiſſent
point de faire le ſigne de la Croix , &
de benir les viandes avant que de s'en
nourrir ; parcequ'ils ne ſont point obli-
gez de ſe cacher , & d'uſer de diſſimu-
lation dans la plûpart de leurs exercices
de pieté ; parcequ'enfin ils ſont unis de
l'union la plus intime & la plus par-
faite que l'on puiſſe deſirer , puiſque
non ſeulement ils ne ſont plus qu'une
même chair , mais qu'ils n'ont qu'un
C ij

52
La Vie
ſeul & même eſprit.
La doctrine de S. Ambroiſe eſt auſſi
tres-importante ſur ce ſujet : il faut
l'expliquer aux Lecteurs. Il dit que la
conduite qu'Abraham tint dans le Ma-
riage de ſon fils Iſaac , apprend à tous
les Chrétiens qu'ils doivent craindre de
s'allier avec des perſonnes dont la ré-
putation n'eſt pas bien établie. Il déclare
qu'étant écrit : Vous ſerez ſaint avec les
Lib. I de
Abrach.
6. 9.
ſaints , & vous deviendrez méchant avec
les méchans
; cela ſe trouve encore plus
veritable, & arrive plus facilement dans
le Mariage , que dans les autres états
où l'on peut entrer , parceque le mari
& la femme n'ont plus qu'une chair &
un eſprit.  Il ſoûtient qu'il ne peut y
avoir d'amour veritable & ſincere entre
ceux qui ont une foi differente ; & que
la chaſteté & la fidelité qui ſont les
loix fondamentales du Mariage, ne ſçau-
roient ſe trouver parmi ceux qui adorent
les faux Dieux dont on raconte les im-
puretez & les adulteres , & qui renon-
cent à JESUS-CHRIST qui prêche la
pureté , & qui la doit récompenſer.  Il
ajoûte que Salomon enſeigne que c'eſt
le Seigneur qui donne à l'homme une
Prov. 19.
24.
femme ſage ; mais que celui qui en
prend une infidele , ne peut pas croire
qu'il la reçoive des mains de Dieu ; &
qu'il y a même grand ſujet de craindre

53
des Gens Mariez Ch. IV.
qu'elle ne le pervertiſſe, parceque ſou-
vent les femmes corrompent & font
tomber les hommes qui paroiſſent les
plus forts & les plus affermis dans la
vertu. Il conclut que pour profiter de
l'exemple d'Abraham & des autres Pa-
triaches
, il faut n'avoir égard en ſe
mariant qu'à la vertu & aux bonnes qua-
litez, & non point aux richeſſes ni aux
avantages temporels.
Cette maxime ſurprendra peut-être
les Fideles , & leur paroîtra trop forte.
Mais il ne faut pas qu'ils la condam-
nent , & qu'ils la rejettent , puiſqu'elle
eſt fondée ſur l'autorité d'un Pere ſi con-
ſiderable , & je leur expliquerai dans la
ſuite en quel ſens elle doit être priſe, &
de quelle maniere les autres ſaints Peres
l'ont entenduë, lorſqu'ils ont traité de
cette matiere.
Petit fleuron
Ciij

54
La Vie
Bandeau.

CHAPITRE V.

Que les ſaints Peres condamnent ceux qui
voulant s'engager dans le Mariage , ne
ſe mettent en peine que de trouver des
partis riches , & qui leur plaiſent ; ne
penſent nullement à la bonne éducation
que peuvent avoir eu les perſonnes qu'ils
recherchent , & n'examinent ni leurs
mœurs , ni leur conduite.


CE que je dois repreſenter dans ce
Chapitre , ſervira à confirmer ce
que j'ai dit dans le précedent : car ſi
les ſaints Peres condamnent ceux qui
n'ont égard qu'aux biens & aux avan-
tages temporels dans les Mariages qu'ils
contractent , & qui negligent d'exami-
ner les mœurs & la pieté des perſonnes
qu'ils recherchent , il s'enſuit qu'ils ont
crû que les fideles ne doivent s'allier
que dans des familles d'honneur , & où
la pieté ſoit comme hereditaire.
Tertullien ſoûtient qu'une fille Chré-
Lib. 2.
ad uxor.
t. 8.
tienne doit préferer , lorſqu'elle prend
un mari , un homme pauvre , mais ver-
tueux , à celui qui étant riche , neglige
la vertu , & n'a pas ſoin de s'acquitter
des devoirs de la Religion : il dit que ſi
elle en uſe de la ſorte , elle ſera toû-
jours riche & heureuſe avec un tel ma-

55
des Gens Mariez Ch. V.
ri , parceque le Royaume des Cieux
eſt pour les pauvres , & qu'elle pourra
même participer dès cette vie à toutes
les bonnes qualitez de ſon époux. Ainſi
il eſt évident qu'il improuve les Maria-
ges où on conſidere moins la vertu que
la fortune.
Saint Ambroiſe cenſure tres-ſevere-
ment ceux qui ne prennent des femmes
que pour leur ſeule beauté , ſans conſi-
derer ſi elles poſſedent les qualitez qui
font les veritables Chrétiennes. Pour-
quoi,
dit-il, recherchez-vous plûtôt ,
Lib. de
Instit.
Virgin.
c. 4.
en prenant une femme , la beauté du
corps, que celle des mœurs ? Choiſiſſez
une épouſe qui vous plaiſe , non par
l'éclat de ſon visage , mais par la ſa-
geſſe de ſes mœurs & de ſa conduite ;
préferez à toute autre celle qui a ſoin
d'imiter Sara par la ſainteté de ſa vie.
Ce n'eſt pas un defaut à une femme de
n'être pas née belle, ni agreable, mais
c'en eſt un pour un homme de deſirer
de trouver dans la femme qu'il épouſe,
une vaine beauté qui lui devient ſou-
vent un sujet de tentation , & qui met
quelquefois ſa vie en danger.  On ne
doit pas à la verité condamner la beau-
té exterieure, puiſqu'elle eſt un don de
Dieu , & l'ouvrage de ſes mains : mais
il faut dire à ceux qui la conſiderent
uniquement dans les Mariages qu'ils
Ciiij 56La Vie contractent, qu'ils devraient beaucoup
plus eſtimer celle de l'ame , qui a été
faite à la reſſemblance de Dieu, & qui
porte ſon image.
C'eſt auſſi le ſentiment de S. Jerôme,
In cap.2.
Malach.
qu'il eſt honteux à un Chrétien de ſe
déterminer à prendre une femme par la
ſeule conſideration de ſon exterieur qui
paroît agreable.  Il dit qu'on ne recher-
che ordinairement la beauté que dans
les femmes proſtituées ; mais que pour
celles qui ſont legitimes , on les conſi-
dere à cauſe de leur vertu & de leurs au-
tres bonnes qualitez. Il ſoûtient même
qu'il eſt ſouvent avantageux d'en choiſir
Lib. I.
Jovin.
adverſ.
qui ſoient deſtituées de beauté , & des
autres agrémens extérieurs, parcequ'on
évite par là les ſoupçons , les jalouſies,
les impuretez , & pluſieurs autres in-
conveniens qui troublent la paix & la
concorde des Mariages.
Ce ſaint Docteur ſe plaint encore des
femmes & des filles Chrétiennes qui
n'épouſent des maris qu'à cauſe de leurs
richeſſes & de leur fortune : il dit qu'el-
les eſtiment moins la pureté , que des
biens vils & periſſables ; il les accuſe
d'imiter en quelque maniere les femmes
débauchées qui proſtituënt leurs corps
pour un peu d'argent : il rapporte pour
les confondre par un exemple ſenſible,
Epiſt. 16. la conduite que la celebre Marcelle tint

57
des Gens Mariez Ch. V.
en un occasion ſemblable. Etant demeu-
rée veuve tres-jeune , le Conſul Cerea-
lis
, illuſtre par ſa naiſſance & par ſes
grands Emplois , la rechercha en Ma-
riage ; & parcequ'il étoit fort âgé , il
promit de lui donner tous ſes biens ,
comme ſi elle eût été ſa propre fille.
Albine ſa mere ſouhaitoit fort qu'elle
écoutât cette propoſition , & qu'elle
conclût ce Mariage qu'elle lui jugeoit
tres-avantageux.  Mais elle rejetta ge-
nereuſement, & elle lui fit cette réponſe
pleine de ſageſſe & de diſcernement: Si
je n'avois pas reſolu de garder la continence
le reſte de mes jours, & ſi je voulois me ma-
rier, je chercherois un mari , & non pas
une ſucceſſion.
Mais ſans nous arrêter davantage aux
autres Peres de l'Egliſe , il faut paſſer
au grand S. Chryſoſtome; car il n'y en a
point qui ſe ſoient élevez avec plus de
zele contre ceux qui ne penſent dans les
Mariages qu'ils contractent , qu'à la
beauté , aux richeſſes , & à des choſes
de cette nature.
Il obſerve en expliquant la Geneſe,
qu'Abraham, comme on l'a déja remar-
Hom. 18.
in Gen.
qué, ne voulut pas permettre à ſon fils
Isaac de prendre pour femme une des
filles de Cananéens, qui étoient riches
& opulens , mais plongez dans l'idola-
trie , & qu'il lui ordonna d'en aller
C v

58
La Vie
chercher une dans ſon païs & dans ſa
famille : il dit que cet exemple apprend
aux Chrétiens qu'ils doivent conſiderer,
lorſqu'ils ſe marient , non les richeſſes
& les avantages temporels, mais la vertu
& les bonnes mœurs de ceux avec qui
ils ont deſſein de contracter alliance.
Il exhorte tous les fideles à faire une
attention particuliere à la conduite du
Patriarche Jacob , qui épouſa les deux
filles de Laban , Lia & Rachel , ſans
faire aucune paction pour leur dot, ni
s'informer de ce qu'on leur donneroit
en Mariage. Voyez, dit-il, combien les
Hom.
57. in
Gen.
mœurs de ces ſaints perſonnages
étoient pures & bien reglées : ils ne
parloient point des troupeaux qu'on
leur donneroit ; ils ne faiſoient point
de contrats , & ils ne prenoient point
toutes les précautions qui ſont ſi ordi-
naires aux gens du monde ; ils ne di-
ſoient point comme eux : Si telle &
telle choſe arrive , ſi nous avons des
enfans , ou ſi nous n'en avons point :
ils ne faiſoient pas conſiſter leur pru-
dence à prévoir tous les cas qui pou-
voient arriver dans la ſuite des tems.
Il condamne auſſi-bien que S. Jerôme,
Hom.20.
in Epiſt.
ad Eph.
ceux qui ne prennent des femmes que
pour leur beauté : il dit qu'ils ſont bien
aveuglez de rechercher avec tant d'em-
preſſement une choſe ſi vaine , & qui ne

59
des Gens Mariez Ch. V.
dure qu'un tres-peu de tems, qui eſt ſu-
jette à être détruite & corrompuë par
mille accidens differens; qui les expoſe à
former contre leurs femmes des juge-
mens tres-deſavantageux à leur condui-
te ; qui leur devient tres - ſouvent une
ſource de troubles & de diſcordes, & qui
leur attire quelquefois des tres-grands
malheurs.
Il declare que celui qui n'entre dans
Ibid.
le Mariage que pour s'enrichir des biens
de ſa femme , & pour faire fortune , ſe
deshonore lui-même, parcequ'il dépend
de celle qui lui eſt inferieure en toutes
manieres; & que contre l'ordre de la na-
ture il reçoit ſe grandeur9, & tient ſon
élevation de celle dont il devroit lui‑
même faire toute la gloire.
Il enſeigne qu'un pere qui voulant ma-
Hom. 12.
in Epiſt.
ad Coloſſ.
rier ſa fille , ne penſe qu'à lui procurer
un parti riche & puiſſant , cherche à
lui donner un maître & un tyran , &
non pas un mari; parceque cet homme
riche & opulent ne l'a pas plûtôt épou-
ſée , qu'il la neglige , qu'il la mépriſe ,
qu'il la domine , & qu'il la traite com-
me une ſervante & une eſclave.
Il accuſe de prophaner le Mariage ,
tous ceux qui s'y engagent par des vûës
purement temporelles , & qui n'ont
point d'égard à la vertu & à la pieté de
ceux avec qui ils veulent s'allier. Et de
C vj

60
La Vie
peur qu'on ne me ſoupçonne d'exagerer
dans une matiere ſi importante , & de
repreſenter ſes ſentimens autrement
qu'ils ne ſont, je rapporterai ſes propres
paroles, afin que les Lecteurs en puiſſent
eux mêmes juger. Qui eſt le jeune hom-
Hom. 73.
in Matth.
me,
dit il, qui ayant deſſein de ſe ma-
rier, ſe met en peine d'examiner, quelle
eſt la femme qu'il va prendre ; com-
ment elle a été élevée ; ſi ſes mœurs
ſont reglées ; ſi ſa vie eſt ſans repro-
ches? tous ſes ſoins ſe terminent à ſça-
voir ce qu'elle a de bien, & quels ſont
ſes fonds de terre, ou ſes meubles. Il
ſemble qu'il achete une femme ; l'on
donne même au Mariage le nom de
contrat. J'en vois pluſieurs aujourd'hui
qui diſent: Un tel a contracté avec une
telle , pour dire qu'il l'a épouſée.  On
deſhore ainſi le don de Dieu, & on trai-
te un Sacrement ſi ſaint comme un tra-
fic, où l'on ſe vend, & où l'on s'achet-
te. Il faut même dans ces contrats être
extrémement ſur ſes gardes ; parcequ'-
on tâche encore plus d'y ſurprendre
que dans tous les autres.
Voici , mes freres , comment on ſe
marioit autrefois parmi les Chrétiens:
on n'avoit point d'égard au bien, ni aux
avantages temporels. On cherchoit une
fille qui eût été bien élevée , qui eût de
la ſageſſe & de la vertu , dont la vie fût
 61des Gens Mariez Ch. V. reglée & honnête.  Quand on l'avoit
trouvée, le Mariage étoit conclu : on
n'avoit pas beſoin ni de contrat , ni
d'articles, ni de Notaires.  On ne dé-
pendoit ni de l'encre, ni des écritures.
On ne vouloit point d'autre ſûreté que
la vertu & la pieté de l'un & de l'au-
tre.
C'eſt pourquoi je vous conjure , mes
freres , de ne vous arrêter point à ces
vûës si baſſes , lorſque vous vous ma-
rierez; mais de ne vous mettre en peine
que de trouver des filles ſages, reglées,
honnêtes & vertueuſes; & elles vous ſe-
ront plus précieuſes que tous les tréſors
du monde. Si vous ne cherchez que Dieu
dans le Mariage, il aura ſoin de vous y
faire trouver avantageusement tout le
reſte. Mais ſi vous n'y cherchez que les
biens du monde , ſans vous mettre en
peine de ceux qui doivent être les plus
chers à un Chrétien, vous n'y trouverez
ni les uns ni les autres.
Enfin ce ſaint Docteur prédit à ceux
qui en ſe mariant, ne penſent qu'à trou-
ver des femmes riches , que les richeſ-
ſes qu'ils deſirent avec tant d'ardeur, ne
leur ſerviront de rien , ſi leurs femmes
ne ſont pas ſages ni bien reglées, parce-
qu'elles les diſſiperont en peu de tems ,
Homil. 8.
in Matt.
& les reduiront enſuite eux mêmes à une
honteuſe pauvreté.  A quoi ſert, leur

62
La Vie
dit-il, cette grande dot qu'une femme
apporte , lorſque ſon luxe & ſes pro-
fuſions diſſipent tout; ou lorſqu'elle ſe
plaît à être vûë & a être aimée? Si elle
eſt portée à la dépenſe & à la bonne
chere, elle a beau être riche,elle ruinera
bien-tôt ſon mari.
Après tous ces rai-
ſonnemens il établit cette grande & im-
portante maxime , que ce n'eſt point le
bien d'une femme , mais ſa vertu qui
enrichit ſon mari & ſa maiſon.
Il eſt donc conſtant que les ſaints Peres
condamnent les Chrétiens, qui en ſe ma-
riant , ne conſiderent point la vertu , &
ne penſent qu'à la beauté , à la fortune
& à des choſes temporelles.  Mais il ne
faut pas inferer de leur doctrine , qu'il
ne ſoit point permis en ces rencontres
d'avoir quelque égard aux biens: car ce
ſeroit porter les choſes trop loin , &
tomber dans un excès blâmable. En effet
le Mariage uniſſant pour toûjours ceux
qui s'y ſoumettent, & les obligeant à ſe
ſecourir mutuellement , & à pourvoir
à l'éducation & à la ſubſiſtance des en-
fans que Dieu leur donne , il eſt juſte
qu'ils examinent avant que de s'y enga-
ger , s'ils pourront en ſoutenir les char-
ges , & qu'ils prennent les meſures ne-
ceſſaires pour ſe mettre en état de ſatis-
faire aux obligations qu'il leur impoſe ;
& comme les bien temporels ſont un

63
des Gens Mariez Ch. V.
des moyens ordinaires dont la divine
Providence a coûtume de ſe ſervir pour
faire ſubſiſter ceux qui vivent dans le
ſiecle, on n'a pas droit de leur en inter-
dire la poſſeſſion , ni de les empêcher
d'y penſer , & de les conſiderer lorſ-
qu'ils entrent dans le Mariage, pourvû
qu'ils ne faſſent rien d'illegitime , &
qu'ils ne s'en occupent pas uniquement.
Ainſi les Fideles ne meritent aucun
blâme , lorſqu'ils recherchent des par-
tis qui ayent du bien , & qui puiſſent
contribuer à la ſubſiſtance de leurs fa-
milles ; mais ils doivent avant toutes
choſes , examiner leurs mœurs & leur
pieté , & tâcher de découvrir ſi leurs
poſſeſſions ne ſont point un fruit de
leur injuſtice , ou de celle de leurs an-
cêtres : & s'ils en trouvent de riches &
de puiſſans , mais dont la conduite ne
ſoit pas bien reglée ni édifiante , ils
doivent les rejetter , & ſe déterminer à
en prendre de moins conſiderables, qui
ayent la crainte de Dieu devant les yeux,
& qui ſe conduiſent par les regles & par
les maximes de l'Évangile.  Car puiſqu'il
eſt écrit: Cherchez premierement le royau-
Matth.6.
11.
me & la juſtice de Dieu , & toutes les au-
tres choſes vous ſeront données par ſurcroît
;
ils ſont obligez de ſe ſoumettre à cet
oracle , auſſi-bien dans leurs Mariages,
que dans toutes les autres actions impor-

64
La Vie
tantes de leur vie ; & s'ils y manquent,
& qu'ils preferent quelques avantages
temporels à une alliance honnête &
chrétienne , on a droit de juger qu'ils
n'ont pas une pieté ſolide , & que la
parole de JESUS-CHRIST qui eſt
une parole de verité & de ſainteté, n'ha-
bite pas en eux avec plenitude , comme
l'ordonne S. Paul dans ſon Epître aux
Coloſſiens
.
L'on mépriſe tres-ſouvent ces ſaintes
Cap. 3.
16.
maximes , pour ſe conformer au genie
du ſiecle ; l'on marie l'argent à l'argent,
& non la perſonne avec la perſonne ;
& l'on prefere une fille riche qui a peu
de ſens naturel, beaucoup d'inclination
pour le monde , & en laquelle il ne pa-
roît aucune trace de l'eſprit de Dieu ;
& l'on en rejette une autre qui a de l'eſ-
prit & de la pieté , & qui donne lieu
de former de grandes eſperances de ſes
bonnes diſpoſitions. Et auſſi on ne voit
autre choſe que des deſordres qui naiſ-
ſent de ces Mariages , plus digne de
Payens, que de Chrétiens.
De là vient, dit un Auteur celebre,
que l'on voit ſi ſouvent des hommes ,
qui ayant épouſé une fille avec de grands
biens, ont épouſé en même tems des
chagrins mortels , & des maux ſans reſ-
ſource & ſans remede ; qui ſe ſentent
liez pour toute la vie à une perſonne

65
des Gens Mariez Ch. V.
hautaine & legere , qui n'aïant nulle
crainte de Dieu tâche de prendre l'em-
pire ſur celui à qui Dieu l'a ſoumise par
une obligation indiſpenſable; qui eſt ido-
lâtre d'elle-même , qui s'emporte dans
la fureur du jeu , d'où naît ſouvent la
ruine des maiſons les mieux établies, &
qui croit au-deſſous d'elle d'avoir le
moindre ſoin , où de l'éducation de ſes
enfans, ou du reglement de ſa famille.
De là vient encore que l'on voit d'autre
part des filles aſſervies à un joug de fer,
dont la ſeule mort les peut délivrer ;
qui ſont obligées de déteſter la vie cri-
minelle, & de ſouffrir les emportemens
& les mépris outrageans de celui à qui
elles doivent un reſpect tres-ſincere; qui
ſont traitées comme des eſclaves ; qui
voyent perir à leurs yeux leurs enfans ,
par l'exemple & par les diſcours liber-
tins & inſenſez d'un pere qui ſe hâte de
leur inſpirer le mal avant même qu'ils
le connoiſſent ; & ces perſonnes ſi di-
gnes de compaſſion ne peuvent s'empê-
cher d'accuſer quelquefois en ſecret, ou
un pere ou un mere qui les ont ſacrifiez
ou à leur ambition , ou à leur avarice ,
ſans ſe mettre en peine de leur procurer
un établiſſement ſolide & chrétien , qui
pût les rendre vraiment heureuſes.

66
La Vie
Bandeau.

CHAPITRE VI.

Que ſelon les ſaints Peres, il ſeroit à ſou-
haiter qu'il y eût égalité, ſoit pour l'â-
ge, pour les biens & pour la naiſſance ,
entre ceux qui contractent Mariage.

AFIN de ne troubler pas mal à pro-
pos les Fideles , & de ne leur don-
ner point de vains ſcrupules , je declare
dès le commencement de ce Chapitre,
que ce que je me propoſe d'y expliquer
de l'égalité entre ceux qui ſe marient,
n'eſt pas d'une neceſſité abſoluë , mais
que c'eſt un conſeil tres-utile , & qui
peut beaucoup contribuer à la paix & à
l'union qui doit regner entre les gens
mariez ; j'eſpere que ceux qui conſi-
dereront attentivement les preuves que
j'en donnerai , en demeureront facile-
ment d'accord.
Il faut d'abord obſerver que la plûpart
des Auteurs qui traitent de l'amitié, di-
ſent qu'il doit y avoir une eſpece d'éga-
lité entre les amis ; que ſans cela elle ne
peut ſubſiſter long-tems, & qu'elle dege-
nere tres-ſouvent en une vaine flaterie ,
ou en une injuſte domination : c'eſt ce
que l'on voit arriver tous les jours.
Le pauvre qui a un ami riche, lui rend
mille aſſiduitez baſſes & intereſſées; il

67
des Gens Mariez Ch. VI.
rampe devant lui , & il s'humilie avec
excès en ſa preſence ; il n'a point d'au-
tre application, que d'étudier toutes ſes
inclinations pour s'y conformer , & il
n'en contredit aucunes, quand même el-
les ne ſeroient pas legitimes ; il lui ap-
plaudit au contraire en toutes rencon-
tres ; il exagere ſes bonnes qualitez ; il
diſſimule ſes vices , & quelquefois mê-
me il les excuſe & les juſtifie.  En un
mot il ne penſe qu'à lui plaire , & à
captiver ſes bonnes graces ; & au lieu
d'agir avec lui auſſi librement que doit
faire un veritable ami, il ſuit aveuglé-
ment toutes ſes volontez , & ſe rend ,
pour ainſi dire, ſon eſclave.
Celui au contraire qui eſt beaucoup
élevé au deſſus de ſes amis , s'en fait fa-
cilement accroire; voyant qu'ils lui ſont
ſoumis, il éxige d'eux des déferences qui
ne lui ſont point dûës ; il veut que ſes
ſentimens prévalent toûjours à leurs
penſées : il trouve même mauvais qu'ils
en ayent de differentes des ſiennes ; il
s'accoûtume à les traiter avec empire; il
s'imagine qu'ils ne ſont au monde que
pour lui ; ſ'il les aſſiſte , c'eſt par amour
propre , & pour les attacher de plus en
plus à ſa perſonne ; il leur vend preſque
toûjours ſes bienfaits au prix de leur li-
berté.
Cette maxime qui a été enſeignée auſſi‑

68
La Vie
bien par les ſaints Peres de l'Egliſe, que
par les Philoſopes, pourroit ſuffire tou-
te ſeule, pour prouver qu'il eſt tres-utile
qu'il y ait de l'égalité entre ceux qui ſe
marient enſemble ; parceque c'eſt un
moyen tres - propre pour prévenir les
troubles & les differends qui les pou-
roient diviſer , pour rendre leur amitié
ferme & conſtante , & pour empêcher
qu'elle ne ſoit alterée , ni corrompuë
par des vûës d'intereſts ou d'ambition.
Mais il faut entrer dans un plus grand
détail ſur cette matiere, & expliquer en
particulier les inconveniens qui ſont à
craindre de la trop grande inégalité en-
tre ceux qui s'uniſſent par le Mariage.
Il eſt certain qu'à moins que la grace
n'agiſſe fortement ſur le cœur d'un mari
& d'une femme, il eſt bien difficile qu'ils
vivent dans une grande union , & dans
une paix parfaite , quand il y a entr'eux
trop de diſproportion d'âge : car alors
ils ont des inclinations differentes; & ce
qui convient à l'un , eſt à charge à l'au-
tre , & le fatigue.  Ceux, par exemple ,
qui ſont jeunes , aiment la joie & les
plaiſirs , ſont ennemis du repos & de la
vie tranquille,& ſe plaiſent dans le trou-
ble & dans l'agitation. Ils ont des mou-
vemens violens qui les portent à former
de grands deſſeins , & qui les rendent
curieux & entreprenans.  Ils regardent

69
des Gens Mariez Ch. VI.
le luxe & la vanité du ſiecle , comme
des choſes permiſes aux gens de leur âge,
& qu'on n'a pas droit de leur interdire ;
ils s'imaginent que leurs biens ne ſont
deſtinez qu'à ſatiſfaire leurs paſſions; &
qu'en uſer autrement, c'eſt tomber dans
l'avarice , & ne ſçavoir pas vivre.  C'eſt
pourquoi ils ſont ordinairement prodi-
gues, & ne veulent point entendre par-
ler d'épargner , ni de reſerver rien pour
les beſoins à venir.
Mais ceux qui ſont vieux, ſe trouvent
preſque toûjours dans des diſpoſitions
toutes oppoſées. Leurs corps étant uſez
& leurs forces diminuées , ils ont de
l'averſion pour la joye & pour les plai-
ſirs; ils fuyent le trouble & le tumulte;
ils aiment le repos & la tranquilité.
Leurs paſſions étant amorties, ils ne for-
ment pas facilement de nouvelles entre-
priſes; & tout ce qui pourroit leur coû-
ter de la peine & les fatiguer, les rebute,
& leur ſemble inſupportable.  N'étant
plus propre pour le monde , le luxe &
les vains ornemens leur paroiſſent ridi-
cules : il ne ſçauroient concevoir com-
ment on peut ſe reſoudre à s'en parer. Et
par un effet de l'aveuglement que le pe-
ché a répandu ſur le genre humain , il
n'arrive que trop ſouvent que moins ils
ont de tems à vivre , plus ils ſont atta-
chez à leurs richeſſes ; & que la défail-

70
La Vie
lance où ils ſont prêts de tomber, leur
inſpire un amour deſordonné pour les
biens de la terre.
On peut juger après cela s'il y a lieu
de ſe promettre qu'un mari & une fem-
me qui ſont d'un âge fort different , &
dont l'un eſt jeune & l'autre eſt vieux ,
paſſent leurs jours dans une grande union;
& ſi au contraire , on ne doit pas crain-
dre que cette inégalité ne les précipite en
une infinité de querelles & de conteſta-
tions.
Il peut même en naître pluſieurs de-
ſordres par rapport à la pureté : car le
plus jeune , s'il n'eſt fort ſage , & pene-
tré de la crainte de Dieu , ne regardera
qu'avec mépris celui qui eſt fort âgé ; il
fuira ſa converſation ; il ſe dégoûtera
facilement de sa perſonne ; & peut-être
qu'enſuite il s'abandonnera à l'impetuo-
ſité de ſes paſſions , & qu'il tombera
dans l'impureté. Il n'eſt pas beſoin d'en
dire davantage ſur ce ſujet: car ceux qui
ont quelque experience de ce qui ſe paſ-
ſe dans le ſiecle , ſçavent fort bien que
cela n'arrive que trop ſouvent.
Ce fut pour prévenir & pour empê-
cher tous ces deſordres qui deshonorent
le Mariage , & qui en troublent la paix
& l'union, que les Peres du Concile de
Friuli
de l'an 791. témoignerent qu'ils
jugeoient à propos qu'on ne mariât

71
des Gens Mariez Ch. VI.
enſemble que des perſonnes qui fuſſent
à peu près de même âge: car, diſent-ils,
Gan. 90
lorſqu'il y a une trop grande inégalité ,
cela cauſe ſouvent la perte des ames, &
produit de grandes impuretez.
Il faut neanmoins ajoûter que ce que
je viens de dire de l'égalité de l'âge en-
tre ceux qui contractent mariage, n'em-
pêche pas que le mari ne puiſſe & ne
doive même avoir quelques années plus
que ſa femme; car cela lui eſt en quelque
maniere neceſſaire pour la conduire ,
pour s'en faire reſpecter , & pour main-
tenir l'autorité qu'il doit avoir dans ſa
famille & dans ſon domeſtique.  J'ai
ſeulement eu intention de faire voir
qu'à en juger par les regles ordinaires ,
il n'eſt pas expedient que ceux qui ſont
encore jeunes ſe marient avec des per-
ſonnes fort âgées , à cauſe des mauvais
effets que de telles alliances produiſent
tres-ſouvent.
L'inégalité des biens & de la naiſſan-
ce peut auſſi avoir des ſuites tres fâ-
cheuſes ; pour en être convaincu , il
n'y a qu'à écouter ſaint Jean Chryſo-
ſtome
lorſqu'il parle du Mariage ; car
il explique avec beaucoup d'étenduë
tous les inconveniens qu'il y a à épou-
ſer un parti plus riche & plus puiſſant
que ſoi.  Il repreſente dans ſon Livre
de la Virginité que ſi la femme a plus

72
La Vie
de bien que ſon mari , elle devient
inſolente, emportée & inſuportable, &
Cap. 53.
54. 55.
qu'au contraire ſi c'eſt le mari qui eſt le
plus riche & le plus puiſſant , ſa fem-
me eſt dans ſa maiſon comme une eſcla-
ve; qu'elle n'oſeroit parler ni manifeſter
ſes ſentimens ; qu'il ne faut pas qu'el-
le prenne la liberté de commander rien
aux domeſtiques , ni de les reprendre ;
qu'elle n'a ni la force , ni le courage de
ſe plaindre des débauches de ſon mari,
& de s'y oppoſer , & que ſi elle l'entre-
prend , il la chaſſe du logis , & la ré-
duit à la mendicité.
Celui, dit-il ailleurs, qui épouſe
Hom 73.
in Matt.
une femme plus riche que ſoi, prend
plutôt une maîtreſſe qu'une femme.
En effet ſi les femmes ne ſont déja que
trop remplies d'orgueil , & ſuſcepti-
bles de l'amour de la vanité , quand
même elles ne ſont pas riches , com-
ment celles qui ont l'avantage des ri-
cheſſes , pourroient-elles être ſuppor-
tables aux hommes qui ſont obligez
de vivre avec elles ?
Il ajoûte enſuite que lorſqu'un hom-
me prend une femme qui n'a pas plus
de bien que lui , il trouve en ſa perſon-
ne un puiſſant ſecours & une fidele
compagne, & que par ce moyen il fait
entrer en ſa maison tous les biens ima-
ginables ; parceque la conſideration
de

73
des Gens Mariez Ch. VI.
de ſon état l'empêche d'exciter des que-
relles & des diſputes, & la porte à ſervir
& à reſpecter ſon mari, à lui ceder, & à
ſe ſoumettre en toutes choſes à ſa vo-
lonté.
Saint Ambroiſe témoigne auſſi n'a-
prouver pas que les femmes ſoient plus
riches & plus nobles que leurs maris ,
parcequ'elles en prennent ſouvent oc-
caſion de les mépriſer , & d'en conce-
voir de la vanité.  Il dit au contraire
qu'elles les reſpectent , & qu'elles leur
ſont beaucoup plus affectionnées, lorſ-
qu'elles ne les ſurpaſſent ni en bien ,
ni en qualité.  Pour le prouver il rap-
porte l'exemple de Sara , qui n'ayant
Lib. I. de
Abra-
ham. c.
20.
pas plus de bien qu'Abraham ſon mari,
& n'étant pas iſſuë d'une race plus il-
luſtre que la ſienne, l'aima tres-tendre-
ment , le regarda toûjours comme ſon
maître & ſon Seigneur , le ſuivit dans
tous ſes voyages , s'expoſa aux mêmes
perils que lui , & voulut bien même ,
allant en une terre étrangere, cacher ſa
qualité de femme legitime , & ne pren-
dre par excès de bonté & de tendreſſe
que celle de ſa ſœur, afin de contribuer
par là à ſa ſûreté.
Les anciens Romains ont auſſi été
dans cette penſée, qu'il eſt en quelque
maniere neceſſaire pour le bien de la
paix , qu'il y ait de l'égalité & de la
D

74
La Vie
proportion entre ceux qui ſe marient.
C'eſt pourquoi ils avoient fait des loix
par leſquelles il étoit défendu aux Se-
nateurs & à ceux qui étoient revêtus
des premieres dignitez, d'épouſer des
femmes d'une condition vile & abjec-
te ; & ces loix ont long-tems ſubſiſté ,
comme on le voit dans le Code & dans
Cod. de
Incert.
nuptiis
Novell.
1. 6. c.6.
les Novelles de Juſtinien , qui les ont
interpretées , & y ont enſuite apporté
quelque temperament.
Je finirai ce Chapitre comme je
l'ai commencé : c'eſt-à-dire, en aver-
tiſſant les lecteurs que tout ce que j'y
ai dit de l'égalité entre ceux qui ſe
marient , n'eſt qu'un conseil de pru-
dence qui n'oblige pas abſolument. Car
je reconnois qu'il y a pluſieurs Mariages
où cette proportion n'eſt pas gardée, &
qui ne laiſſent pas neanmoins d'être heu-
reux & fort accomplis; nôtre Hiſtoire de
France nous en fournit même pluſieurs
exemples. Mais comme j'ai entrepris de
propoſer aux fideles qui s'engagent dans
la vie conjugale , tout ce qui peut con-
tribuer à leur ſanctification; & leur faire
éviter les peines & les chagrins qui tour-
mentent & qui affligent tant de maris &
de femmes , & qui cauſent quelquefois
même leur damnation éternelle, j'ai crû
qu'il étoit néceſſaire de leur expliquer les
ſentimens des ſaints Peres ſur ce ſujet ,

75
des Gens Mariez Ch. VI.
afin qu'ils puiſſent en profiter , & qu'ils
ne contractent pas inconſiderément des
Mariages inégaux qui pourroient les jet-
ter dans le trouble & dans l'affliction.
Car quoiqu'il y en ait quelques-uns qui
réüſſiſſent , il s'en trouve d'autres qui
ſont tres-infortunez; cela ſeul ſuffit pour
juſtifier que j'ai raiſon de leur conſeiller
de s'en abſtenir.
Bandeau.

CHAPITRE VII.

Dans quelles diſpoſitions il faut être
pour entrer ſaintement dans le Mariage; &
comment il faut s'y preparer.

IL me ſemble important de marquer
aux fideles dans quelles diſpoſitions
ils doivent être lorſqu'ils s'engagent
dans le Mariage ; car ils ne ſont pas toû-
jours aſſez inſtruits ſur ce ſujet, ce qui eſt
ſouvent cauſe qu'ils ne ſe preſentent pas
à ce Sacrement avec toute la pieté &
toute l'humilité qu'on auroit droit d'exi-
ger d'eux , & qu'ils pechent même ,
comme dit le troiſiéme Concile de Mi-
lan
, dans cette ceremonie auguſte , qui
eſt ſi ſainte par elle-même, & à laquelle
ils ne devroient ſe porter que par un eſ-
prit de pieté.  J'expliquerai d'abord les
diſpoſitions qui regardent l'eſprit , par-
ce qu'elles ſont les plus importantes , &
D ij

76
La Vie
qu'elles doivent ſervir de fondement à
toutes les autres.
1º. Les ſaints Peres diſent ſouvent
que les Patriarches qui ſe ſont ſignalez
par leur éminente pieté du tems de l'an-
cien Teſtament
, ſe marioient, non pour
ſuivre les mouvemens de la chair, mais
par obéïſſance à la loi , qui vouloit
que tout le monde ſe mît en état de con-
Chap. 3.
tribuer à la propagation du peuple de
Dieu , comme on l'a déja obſervé. C'eſt
pourquoi ils enſeignent qu'ils étoient
plus chaſtes & plus parfaits que nos
Vierges les plus pures.
Il faut que les fideles qui ſe marient
maintenant ſoient dans une pareille diſ-
poſition d'obéïſſance , & qu'ils ayent
deſſein de ſe ſoûmettre , non à la loi é-
crite qui ne ſubſiſte plus , mais aux or-
dres de la divine Providence qui veille
sur eux, & qui les conduit. Il faut qu'a-
prés s'être examiné ſerieuſement devant
Dieu , & avoir fait tout ce qui étoit né-
ceſſaire pour connoître s'il les appelle à
cet état , ils y entrent avec reſpect , &
pour honorer ſa ſageſſe infinie qui diſ-
poſe de ſes creatures comme il lui plaît,
& qui leur marque la voie qu'elles doi-
vent tenir pour aller à lui. Il faut qu'ils
faſſent du Mariage un acte de Religion,
en ne s'y engageant que pour lui plaire,
le ſervir, & ſuivre ſa volonté.

77
des Gens Mariez Ch. VII.
2º. Ils doivent s'y preſenter avec une
profonde humilité , dans la vûë de leur
foibleſſe qui ne leur permet pas de garder
la continence , ni d'embraſſer la ſainte
virginité. Ils doivent ſe croire inferieurs
aux vierges & aux veuves , leur ceder en
toutes rencontres, & leur rendre toutes
ſortes d'honneurs & de déferences ; ils
doivent témoigner par leur conduite ſage
& modeſte qu'ils ſont aneantis à leurs
propres yeux , & qu'ils ſe ſouviennent
qu'ils n'ont pas été dignes de ſe donner
tout entiers à Dieu , c'est-à-dire , de ne
s'occuper que de lui, de ne ſervir que lui
ſeul, & de lui conſacrer non ſeulement
leur eſprit, mais auſſi leur corps, ce qui
eſt le propre & l'appanage des vierges
chrétiennes.
3º. Il faut qu'ils aiment tellement la
juſtice & la ſincerité qu'ils ne ſe ſervent
d'aucun artifice pour ſurprendre & pour
tromper ceux avec qui ils veulent s'al-
lier. Les gens du monde ne font point de
ſcrupule d'uſer de déguiſement en ces
rencontres ; ils diſſimulent les défauts
corporels qu'ils peuvent avoir : ils ca-
chent tout ce qu'il y a de peu honorable
dans leur famille ; ils repreſentent leurs
biens comme beaucoup plus grands &
plus conſiderables qu'ils ne ſont effecti-
vement ; & ils s'imaginent que c'eſt une
adreſſe digne de loüanges , de parvenir
D iij

78
La Vie
par ces ſortes de moïens à des Mariages
qu'ils ne pouroient pas eſperer de faire
réüſſir, si ceux avec qui ils traitent, étoient
informez de l'état de leurs affaires.
Mais les juſtes & tous ceux qui cher-
chent veritablement Dieu , doivent ſe
conduire d'une maniere toute oppoſée.
Il faut qu'ils ne bleſſent jamais la verité,
qu'ils diſent toutes choſes dans la der-
niere exactitude , & qu'ils ne cachent
rien à ceux qu'ils recherchent, de tout ce
qu'ils ont interêt de ſçavoir, avant que de
ſe déterminer dans une affaire de cette
importance.  Saint Ambroiſe dit qu'ils
doivent imiter la ſincerité & la bonne
foi de Raguel , qui ſçachant que ſa fille
Sara avoit déja eu ſept maris que le dé-
mon
avoit tous tuez la premiere nuit de
leurs nôces, craignoit de tromper le jeu-
ne Tobie qui la recherchoit en Mariage,
s'il la lui donnoit pour femme ; & ne la
lui accorda qu'aprés que l'Ange lui eut
aſſuré qu'ils étoient informez de ce qui
s'étoit paſſé , & qu'il ne devoit point
douter de la marier à Tobie, parcequ'il
avoit la crainte de Dieu devant les yeux,
& que le malin eſprit ne pourroit par
Lib. I. de
offic. cap.
14.
conſequent lui donner la mort , ni lui
cauſer aucun préjudice.
4º. Ils doivent ſçavoir non ſeulement
les principaux Myſteres de nôtre Reli-
gion, comme ſont ceux de la Trinité, de

79
des Gens Mariez Ch. VII.
la chute de l'homme , & de l'Incarna-
tion, mais auſſi les Sacremens, & ce qui
regarde en particulier les obligations
des perſonnes mariées ; il eſt si neceſſai-
re qu'ils en ſoient inſtruits , que la plû-
part des Rituels obligent les Paſteurs de
les interroger pour s'en aſſurer ; & ſaint
Charles
défend expreſſement aux Cu-
Concil.
Mediol 5.
de Matr.
rez de donner la Benediction nuptiale à
ceux qu'ils reconnoîtront être dans une
ignorance groſſiere à l'égard de leurs dé-
voirs , & des points de la Foi les plus
importans.
Voilà les principales diſpoſitions par
rapport à l'eſprit , où doivent être ceux
qui veulent ſe marier chrétiennement.
Pour ce qui eſt de celles du corps , les
ſaints Peres les reduiſent à un ſeul point,
qui eſt que le mari & la femme entrent,
autant que cela ſe peut, dans le mariage
avec un grande pureté exterieure , &
qu'ils ne ſoient point auparavant ſoüil-
lez par aucune diſſolution. Puiſque vous
avec deſſein de vous marier,
dit ſaint
Serm.
132.
Auguſtin
en s'adreſſant à un jeune hom
me, conſervez-vous pur pour la femme
que vous prendrez, & aïez ſoin de vous
donner à elle au même état que vous
deſirez qu'elle ſe donne à vous.  Vous
voulez en trouver une dont la vie ſoit
ſanſ tache ; faites donc en ſorte que la
vôtre ſoit auſſi innocente. Vous en cher-
D iiij 80La Vie chez une qui ſoit chaſte, abſtenez vous
par conſequent de toute ſorte d'impu-
reté.
Saint Jean Chrysostome enſeigne auſſi
Hom. 79.
in Matt.
qu'il eſt tres-important pour l'honneur
du Mariage , de s'y preſenter avec un
corps chaſte, & il fait de grandes plaintes
contre ceux qui ne s'y engagent qu'aprés
avoir mené une vie diſſoluë , & s'être
abandonnez au torrent de leurs paſſions.
On ne veut pas neanmoins conclure de
ce que diſent ces deux grand Docteurs
de l'Egliſe , que ceux qui ſont tombez
dans quelqu'impureté , ne doivent point
enſuite penſer à ſe marier ; car ce ſeroit
abuſer de leur doctrine , & la prendre
à contre-ſens: mais on ſoûtient avec eux
que les fideles qui ſont bien perſuadez
de la grandeur & de l'excellence du Ma-
riage , doivent s'y préparer par une vie
chaſte & pure ; & que s'ils tiennent une
autre conduite , ils ne témoignent pas
reſpecter aſſez ce Sacrement auguſte.
Il ne ſuffit pas d'être dans toutes ces
diſpoſitions tant de l'eſprit que du corps
pour recevoir ſaintement & avec fruit la
Benediction nuptiale ; il faut outre cela
s'y preparer par les pratiques particulie-
res dont il eſt parlé dans les Peres &
dans les Conciles.
S. Jean Chryſoſtome veut que les fide-
les s'appliquent beaucoup à la priere im-

81
des Gens Mariez Ch. VII.
médiatement avant que de ſe marier, afin
d'attirer sur eux les graces du Ciel , & de
meriter par leur pieté que Dieu beniſſe
leur Mariage.  Lorſque vous voulez
Tom. 5.
Ser. 28.
choiſir une femme, dit-il, ne vous adreſ-
ſez point aux hommes, & ne conſultez
pas ces femmes qui font commerce de
la miſere des autres , & qui n'ont point
d'autre deſſein que de recevoir le ſalai-
re de leur entremiſe; mais aïez recours
à Dieu.  Il n'aura pas de honte d'être
lui-même l'entremetteur de vôtre Ma-
riage , puiſqu'il a dit : Cherchez le
Royaume des Cieux,& toutes les autres
choſes vous ſeront données par sur-
croît.
Il y a auſſi pluſieurs Conciles qui or-
Concil.
Colon
.
part. 7.
c. 41.
Synod.
Auguſt.
c. 21.
Concil.
Medial. 5.
de Matr.
& Conc.
6. Med.
ibid.
donnent à ceux qui ont deſſein de ſe ma-
rier , de vaquer à la priere , & d'en fai-
re leur occupation pluſieurs jours avant
que de venir à l'Egliſe pour y recevoir
la Benediction du Prêtre , & qui en joi-
gnent aux Paſteurs de les avertir de s'ac-
quitter de ce devoir de pieté.
Comme la penitence fortifie la priere,
& qu'elle lui donne, pour ainſi dire, des
aîles auſſi bien que l'aumône, afin qu'elle
puiſſe s'élever juſqu'aux pieds du Trône
de Dieu , les Conciles qui enjoignent
aux fideles de se preparer au Mariage
par la priere , diſent auſſi qu'ils doivent
s'y diſpoſer par une abſtinence de plu-
D v

82
La Vie
ſieurs jours, par des jeûnes, & par d'au-
tres mortifications.
Et afin qu'ils ſoient plus en état de
participer aux graces que Dieu a atta-
chées à ce Sacrement , l'Egliſe leur or-
donne d'avoir ſoin de confeſſer leurs pe-
chez à leur propre Prêtre avant que de
le recevoir , comme on le peut voir dans
les Statuts de Guillaume ancien Evêque
de Paris
, & dans le Concile Provincial
In Decr.
Morum.
c. 29.
Seſſ. 23.
de Refor.
c. 39.
de Sens
de l'an 1528.  Le S. Concile de
Trente
paſſe même plus avant; car il les
exhorte, non ſeulement à confeſſer leurs
pechez , mais auſſi à s'approcher de la
ſainte Euchariſtie deux ou trois jours
avant la celebration , ou la conſomma-
tion de leur Mariage.
Que dire après cela de ceux qui ne
prennent aucun tems avant que d'être
mariez pour vaquer à la priere, & pour
ſe purifier par la penitence , & qui au
contraire ſe laiſſent aller à la diſſipation;
qui n'ont l'eſprit occupé que des va-
nitez du ſiecle , & de la ſomptuoſité de
leurs meubles & de leurs habits ; qui
paſſent dans les feſtins & dans la bonne
chere les jours qui précedent immediate-
ment leur Mariage , & qui au ſortir du
jeu , du Bal , ou de la Comedie , ne
font point de ſcrupule de ſe preſenter
aux pied des Autels pour y recevoir la
Benediction nuptiale? Il eſt certain qu'ils

83
des Gens Mariez Ch. VII.
n'honorent par la ſainteté du Mariage
comme ils devroient, & qu'ils ſe privent
de pluſieurs graces qui leur ſeroient con-
ferées par ce Sacrement , s'ils y appor-
toient les diſpositions neceſſaires, & s'ils
avoient ſoin de s'y preparer comme les
ſaints Peres & les Conciles l'ordonnent.
La plûpart à la verité ne s'y preſen-
tent qu'après s'être confeſſez , & avoir
reçû la ſainte Euchariſtie ; mais c'eſt
ſouvent par pure ceremonie , & ſeule-
ment parceque les Paſteurs y tiennent
la main , & ne leur permettroient pas
ſans cela de ſe marier : car au même
tems qu'ils ſemblent vouloir attirer sur
eux par ces exercices de pieté les bene-
dictions du Ciel, ils s'en rendent indi-
gnes par leurs diſſolutions & par leurs
déreglemens.  Il arrive de là qu'ils ne
tirent preſque point de fruit de ces Con-
seſſions & de ces Communions qu'ils
ne font que par contrainte , & qu'ils
entrent dans le Mariage d'une maniere
toute payenne, & entierement oppoſée
à l'eſprit du Chriſtianiſme , qui veut
qu'on traite ſaintement les choſes ſaintes,
& qu'on ne s'en approche qu'avec reſ-
pect & beaucoup de preparation.

84
La Vie
Bandeau.

CHAPITRE VIII.

Qu'il eſt honteux aux Chrétiens de paſſer le
jour qu'ilſ ſe marient dans des divertiſ-
ſemens mondains & prophanes, & enco-
re plus dans la débauche & dans la diſ-
ſolution.

A Considerer de quelle maniere la
plûpart des Chrétiens ſe condui-
ſent le premier jour de leurs nôces , on
auroit peine à ſe perſuader qu'ils croient
que le Mariage ſoit un Sacrement de la
Loi nouvelle10, ou bien on auroit droit de
les regarder comme des impies, qui me-
priſent la Religion , & qui ne font au-
cun état de tout ce qu'elle a de plus
ſaint & de plus venerable: car ils ne par-
lent que de plaisirs & de voluptez ; ils
paſſent d'un divertiſſement à un autre ;
ils ne gardent aucune meſure dans leurs
repas ; ils proferent des paroles des-
honnêtes & contraires à la pureté ; &
ils s'emportent quelquefois à de tres‑
grands excès. C'eſt un deſordre qui doit
faire gemir tous ceux qui ont quelque
pieté , & qui aiment la beauté de la
Maiſon du Seigneur. Les ſaints Peres
l'ont condamné dans leurs écrits , & les
Conciles dans leurs Canons ; & c'eſt par
leurs maximes & par leurs ordonnances

85
des Gens Mariez Ch. VIII.
que je prétens les combattre dans ce
Chapitre.
Saint Cyprien ſe plaint hautement des
Vierges qui ont la temerité d'aſſiſter à
des nôces, & ce qu'il leur allegue pour les
en détourner, prouve qu'il croit que tous
ceux qui font du jour de leur Mariage
un jour d'intemperance & de débauche ,
ſont tres-criminels. Il y a, dit il, des
Lib. de
diſcip.
& habitii.
Virg.
Vierges qui n'ont pas de honte de ſe
trouver dans les aſſemblées que font
ceux qui ſe marient , de ſe mêler dans
leurs entretiens impures & laſcifs , de
prêter l'oreil aux diſcours diſſolus &
criminels qu'ils tiennent & de prendre
place à leurs feſtins, où les regles de la
ſobrieté ſont preſque toujours violées ,
où la concupiſcence eſt excitée & for-
tifiée de plus en plus, & où la nouvelle
épouſe voit tant de diſſolutions qu'on
diroit qu'on auroit deſſein de la prepa
rer à ſouffrir toutes ſortes d'impuretez.
Saint Jean Chryſoſtome parlant du
Hom. 48.
in Gen.
Mariage d'Iſaac , obſerve que l'Ecriture
porte qu'ayant rencontré Rebecca dans
un champ qui venoit le trouver , il l'in-
troduiſit dans la maiſon ou dans la tente
de Sara ſa mere , & qu'il la prit pour
ſa femme ; mais qu'elle ne marque point
qu'on ait joüé en cette rencontre d'au-
cuns inſtrumens, qu'on n'y ait vû aucune
pompe mondaine , ni qu'on y ait fait pa-

86
La Vie
roître quelque diſſolution dans les fes-
tins.  Il ajoûte enſuite que les femmes
doivent imiter la modeſtie & la retenuë
de Rebecca , & les maris ſuivre l'exem-
ple de ce ſaint Patriarche , lorſqu'ils re-
çoivent leurs épouſes dans leurs maiſons;
puis s'adreſſant à ceux qui s'abandonnent
le jour de leurs nôces à la debauche &
à l'intemperance, il leur dit: Pourquoi
ſouffrez-vous que les oreilles des jeu-
nes filles que vous avez épouſées ,
ſoient ſoüillées dès le premier jour de
vôtre Mariage par des chanſons impu-
res, & que leur eſprit ſoit rempli d'une
pompe ſeculiere que vous expoſez à
leurs yeux ? Ne ſçavez-vous pas que la
jeuneſſe n'eſt déja que trop portée au
mal & à la corruption ?  & pourquoi
deſhonorez-vous ainſi le Mariage qui
eſt ſi ſaint & ſi recommandable ? Vous
devriez bannir tous ces deſordres de
vôtre maiſon , & vous appliquer de
bonne heure à inſtruire vos épouſes des
regles de la pudeur & de l'honnêteté.
Il faudroit ſur-tout appeller chez vous
les Prêtres du Seigneur & les engager
à demander à Dieu par des prieres fer-
ventes que la paix regne dans vos fa-
milles , que vous aimiez chastement
vos épouſes, & qu'elles ſuivent la ver-
tu & vous ſoient fideles.
Le même Saint conſiderant que lorſ-

87
des Gens Mariez Ch. VIII.
que l'Ecriture parle du Mariage de Ja-
Gen. 29. cob
avec Rachel , elle ſe contente de di-
re que Laban ſon beau-pere fit les nô-
ces , ayant invité au feſtin ſes amis qui
étoient en fort grand nombre, remarque
encore qu'il n'y eut en ce Mariage ni
danſes , ni concerts de Muſiques , & que
tout s'y paſſa avec beaucoup d'honnêteté
& de moderation ; il prend de là occa-
Hem. 56.
in Gen.
ſion de parler contre ceux qui le jour de
leurs nôces s'abandonnent au luxe & à
la vanité , proferent des paroles impures,
& prennent des libertez qui bleſſent la
bienſéance. Il dit que c'eſt le démon qui
les porte à tous ces excès, afin de les cor-
rompre, d'exciter leurs paſſions, & d'em-
pêcher qu'ils ne vivent en paix , & qu'ils
ne s'entr'aiment comme ils y ſont obli-
gez.
Il ajoûte qu'on n'en fait tous les jours
que trop de funeſtes experiences; que les
maris aprés avoir goûté tant de plaiſirs
differens, & vû une infinité d'objets qui
les attirent , & qui plaiſent à leurs sens ,
n'ont plus que de l'indifference , & mê-
me du mépris pour leurs femmes, & que
celles-ci au milieu des ſpectacles & des
feſtins diſſolus auſquels on les contraint
d'aſſiſter , s'accoûtument à prendre des
libertez qui les rendent ſuſpectes à leurs
maris , & produiſent enſuite des divor-
ces & des répudiations. Il prévient ceux

88
La Vie
qui pourroient dire que c'eſt la coutume
de prendre ces ſortes de divertiſſemens
lorſqu'on ſe marie ; & il leur répond
qu'il faut combattre cette mauvaiſe cou-
tume par l'exemple ſi loüable des anciens
Patriarches , qui faiſoient paroître tant
de ſageſſe & de moderation dans leurs
Mariages. Il dit enfin que c'eſt une honte
à des Chrétiens d'avoir en ces rencontres
moins de modeſtie & de retenuë que
n'en témoigna Laban qui étoit un Payen,
lorſqu'il maria ſa fille Rachel.
Ce ſaint Docteur parle encore tres‑
Hom. 12.
fortement contre ce deſordre dans ſon
Commentaire ſur la premiere Epître aux
Corinthiens
. Il dit que les maris qui des-
honorent la ſolemnité de leurs nôces
par les diſſolutions dont on vient de par-
ler , corrompent eux-mêmes leurs fem-
mes , les portent au luxe & à la vanité ,
les font en quelque maniere renoncer à
la pudeur qui eſt ſi convenable aux per-
ſonnes de leur ſexe , leur apprennent à
être hardies & impudentes,& ſont par ce
moyen cauſe qu'elles ne peuvent plus ſe
conduire comme de bonnes meres de
famille, & qu'elles tombent quelquefois
dans de grands deſordres , qui ruinent
leur fortune , & les deſhonorent devant
les hommes.
Les Conciles ſe ſont auſſi expliquez ſur
ce ſujet, & n'ont pas manqué de blâmer

89
des Gens Mariez Ch. VIII.
ceux qui profanent la ſainteté du Ma-
riage par leur immodeſtie & par leurs dé-
bauches. Celui de Laodicée défend aux
fideles qui ſe trouvent aux nôces, de dan-
Cap. 53.
ſer , & de rien faire qui puiſſe bleſſer la
gravité qui convient à des Chrétiens. Ce-
lui de Mayence qui fut tenu l'an 1549.
Cap. 38.
défend aussi, non ſeulement les danſes,
mais toutes ſortes d'intemperances, ſoit
dans le boire ou dans le manger.
Comme il ſe trouve quelquefois des
gens qui portent leur inſolence juſqu'à
commettre des irréverences même dans
les Egliſes, lorſqu'on celebre les Maria-
ges , les Conciles ont eu ſoin de s'oppo-
ſer à leur temerité, & de la reprimer par
leurs Decrets. Ainſi les Peres qui tinrent
celui de Sens l'an 1528. firent cette Or-
donnance celebre: Puiſqu'il eſt certain
In decre-
tis mor. c.
39.
que le Mariage a été inſtitué par le Crea-
teur univerſel de toutes choſes dans le
Paradis Terreſtre pendant l'état d'inno-
cence, & que l'Apôtre nous aſſure qu'il
eſt un Sacrement , il eſt indubitable
qu'on ne doit en approcher qu'avec
beaucoup de réverence & de devotion,
afin de recevoir la grace qu'il confere
auſſi - bien que les autres Sacremens.
C'eſt pourquoi nous défendons expreſ-
ſément à tous les fideles de rire , de
faire des railleries, de proferer des pa-
roles ridicules , & de commettre au-
 90La Vie cunes immodeſties pendant qu'on fait
les fiançailles , ou qu'on donne la be-
nediction nuptiale. Il faut au contrai-
re avertir ceux que l'on fiance qu'ils
ſont obligez de ne ſe preſenter à ce
Sacrement qu'avec reſpect , étant à
jeun , & après avoir conçu une verita-
ble contrition de leurs pechez, & s'en
être confeſſez.
Le Concile de Mayence de l'an 1549.
défend de tirer & de pouſſer le marié
Cap. 38.
dans l'Egliſe , & de faire d'autres cho-
ſes de cette nature qui procedent d'une
grande legereté d'eſprit , & qui ſont
contraires au reſpect qui eſt dû à la ſain-
teté du Sacrement.
Il s'étoit introduit un autre abus en Ita-
Qua ad
Sacram.
matrim.
pertin.
lie.  On buvoit dans l'Egliſe lorſqu'on
faiſoit un Mariage , & on caſſoit enſuite
les verres. Le premier Concile de Milan
ſous ſaint Charles le corrigea , & défen-
dit de rien faire de ſemblable.
Le ſecond Concile tenu au même lieu
Titul. 1.
decret.38.
& par le même Prelat enjoint aux Cu-
rez d'empêcher qu'on ne jouë d'aucun
inſtrument de Muſique dans l'Egliſe
pendant qu'on ſe marie , & de refuſer la
Benediction nuptiale à ceux qui ne vou-
dront pas faire retirer ceux qu'ils avoient
fait venir pour les coucher.
L'on peut juger après cela que j'ai eu
raiſon de dire qu'il eſt honteux à des

91
des Gens Mariez Ch. VIII.
Chrétiens de ſe laiſſer aller à des joyes
immoderées , & de s'abandonner à la
débauche le jour même qu'ils ſe marient;
qu'ils ſe rendent coupables de la propha-
nation d'un Sacrement tres-auguſte ,
lorſqu'ils tombent en de ſemblables dé-
reglemens ; qu'ils ne ſçauroient s'ex-
cuſer ni ſe juſtifier par la coûtume des
gens du monde, parcequ'elle est abusive,
& contraire aux bonnes mœurs, & qu'on
ne peut preſcrire contre l'honnêteté &
la vertu.
Bandeau.

CHAPITRE IX.

Comment ceux qui ont la crainte de Dieu
devant les yeux peuvent ſe comporter le
jour qu'ils ſe marient, afin de ne rien fai-
re d'indigne de la ſaintete du Sacrement.

APrés avoir expliqué les défauts
& les abus que les fideles sont obli-
gez d'éviter lorſqu'ils ſe marient , il eſt
juſte de leur marquer en particulier com-
ment ils doivent ſe conduire le premier
jour de leurs nôces, afin de le paſſer d'une
maniere ſainte , & de ne pas profaner
un ſacrement si auguſte.
Il faut d'abord leur dire qu'ils ſont
obligez de s'abſtenir ce jour-là de toute
ſorte de vanité, & de ſe vêtir avec beau-

92
La Vie
coup de modeſtie. Car devant paroître
au pied des Autels pour y aſſiſter au
ſaint Sacrifice, & pour y contracter une
alliance ſainte, il n'eſt nullement conve-
nable qu'ils s'y preſentent avec des mar-
ques du luxe & des pompes du ſiecle, qui
ne ſont propres qu'à irriter Dieu, & qui
pourroient l'empêcher de donner ſa be-
nediction à leur Mariage.
J'ai fait voir au Chapitre ſeptiéme que
ſaint Jean Chryſoſtome & les Conciles
veulent que ceux qui ont deſſein de s'en-
gager dans le Mariage, s'y préparent par
de frequentes prieres , afin d'attirer ſur
eux les graces du Ciel , & de ſe diſpoſer
à les recevoir. J'ajoûte maintenant que
la conſideraton des graces qui leur ſont
communiquées par la benediction du
Prêtre & par la vertu du Sacrement ,
doit les porter à prier beaucoup le pre-
mier jour de leur mariage , & à prendre
quelque tems pour s'appliquer à des lec-
tures de pieté qui regardent leur état
pour s'affermir dans les bonnes reſolu-
tions qu'ils ont formées, pour remercier
Dieu des miſericordes qu'il a répanduës
ſur eux, & pour lui demander les forces
qui leur ſont neceſſaires pour s'acquiter
dignement de leurs devoirs & de leurs
obligations.
Cependant la plûpart des fideles ne-
gligent ces exercices de pieté le jour

93
des Gens Mariez Ch. IX.
qu'ils ſont mariez, & il n'y en a preſque
point qui penſe alors à prier ; c'eſt ce
qui juſtifie qu'ils manquent de lumie-
res , & qu'ils n'ont pas une aſſez haute
idée du Mariage. Ils demeurent d'accord
qu'il faut prier, pratiquer de bonnes œu-
vres , & vivre dans le recueillement le
jour qu'on participe aux autres Sacre-
mens , & ils ont raison. Mais pourquoi
ne font - ils pas la même chose le jour
qu'ils contractent Mariage au pied des
Autels , puiſqu'ils reçoivent un Sacre-
ment qui eſt tres-ſaint , & qui confe-
re la grace ? & d'où vient qu'ils met-
tent cette difference entre des Sacre-
mens qui ont été également inſtituez
par nôtre-Seigneur JESUS-CHRIST, &
qui ont tous la force de ſanctifier ceux
qui en approchent avec les diſpoſitions
neceſſaires ?
J'ai auſſi prouvé dans le Chapitre
precedent qu'il eſt honteux à des Chré-
tiens de s'abandonner à la joie & à la
débauche le jour de leur Mariage. Mais
il ne faut pas conclure de ce que j'y ai
repreſenté, qu'il ne ſoit point permis de
ſe réjoüir , ni de faire aucun feſtin en
cette rencontre ; car ce n'eſt pas là ma
penſée , & les Peres & les Conciles que
j'ai citez ne le défendent point.
En effet on ne ſçauroit blâmer ceux
qui invitent leurs parens & leurs amis à

94
La Vie
la ceremonie de leurs nôces , & qui se
réjoüiſſent avec eux d'une maniere hon-
nête & chrétienne , puiſque l'Ecriture
marque expreſſement qu'il y eut un
Gen. 24.
54.
feſtin lorſqu'Iſaac épouſa Rebecca ; que
Laban en fit auſſi un où il convia un
grand nombre de ſes amis pour cele-
Gen. 29.
22.
brer le Mariage de ſa fille Rachel avec
le Patriarche Jacob ; que les nôces du
12.& cap.
12. 21.
jeune Tobie furent auſſi accompagnées
d'un feſtin, & que ſon pere le vieux To-
bie
traita ſes parens & ſes amis pen-
dant ſept jours à l'occaſſion de ſon Ma-
Joan. 2.
riage ; que JESUS-CHRIST a bien
voulu aſſiſter au feſtin des nôces de Ca-
na
, & qu'il y a même fait un miracle
celebre en faveur des mariez.  Mais il
faut ſe ſouvenir que ces ſortes de réjoüiſ-
ſances doivent ſe paſſer avec beaucoup
de modeſtie & de retenuë , comme l'or-
donne le Concile de Mayence dont j'ai
déjà parlé , afin d'être agreables aux
yeux de Dieu; & ceux qui s'y trouvent,
doivent imiter les parens & les amis de
Tobie, qui aſſiſtant au feſtin de ſes nôces,
eurent ſoin, dit l'Ecriture, de s'y conduire
Tob.
12.
avec la crainte du Seigneur : Cum timore
Domini nuptiarum convivium exercebant
.
Ce que je viens de dire des feſtins ,
peut être appliqué aux promenades &
aux recreations.  On n'a pas droit de les
interdire à ceux qui ſe marient ; mais il

95
des Gens Mariez Ch. IX.
faut qu'ils s'y comportent avec la gra-
vité & la retenuë qui convient au Sa-
crement qu'ils ont reçû.
Il est ſur-tout tres-important d'avertir
les nouveaux époux de veiller en ce
jour avec beaucoup d'exactitude ſur eux-
mêmes , & d'être fort appliquez à la
garde de leurs sens & de leur ame , de
peur que le démon ne les ſurprenne, &
ne les engage à rien faire qui ſoit indigne
de ce Sacrement.  Car il ſe ſert ſouvent
du déreglement & de la diſſolution de
ceux qui aſſiſtent à leurs nôces, pour les
corrompre & pour les porter à prendre
entre-eux des libertez indécentes, & qui
ne conviennent pas à la ſainteté du Ma-
riage.
Il leur ſera tres-avantageux de pen-
ſer alors à la retenuë & à la pudeur de
Rebecca , qui ſe voyant sur le point de
paroître pour la premiere fois en pre-
sence d'Isaac son mari , se voila auſſi-
tôt , & baiſſa la vûë en terre par un
ſentiment de modeſtie : car l'exemple
de cette ſainte femme , s'ils y font une
reflexion ſerieuſe , leur inſpirera de l'é-
loignement de tout ce qui n'eſt pas aſſez
modeſte , & leur apprendra qu'ils ne
doivent en ce jour ſe regarder qu'avec
des yeux chaſtes & purs , & qu'ils ſont
obligez de reſpecter leurs corps , & de
ne les pas deshonorer par aucune choſe

96
La Vie
qui puiſſe reſſentir l'impureté, ou même
y diſpoſer.
L'Ecriture marque que l'Ange qui
conduiſoit Tobie dans ſon voyage , l'in-
ſtruit de tout ce qu'il devoit faire , &
qu'il lui conſeilla entr'autres choſes, de
garder la continence les premiers jours
Tob. 6.
18.
de ſon Mariage. Après que vous aurez
épouſé Sara
, lui dit-il, vivez avec elle
pendant trois jours, & ne penſez à autre
choſe qu'à prier Dieu avec elle.
Ce jeune
au chap.
3.
homme , comme on l'a déja obſervé ,
fut tres-exact à ſuivre ſon conſeil : car
l'on voit dans le Texte ſacré qu'il a dit à
ſa femme la premiere nuit de leurs nô-
ces : Sara, levez-vous , & prions Dieu au-
jourd'huy & demain , & après demain ,
parceque durant ces trois jours nous devons
nous unir à Dieu ; & après la troiſiéme
nuit nous vivrons dans nôtre Mariage.

C'eſt encore là un exemple memorable
de ce que pourroient faire les gens ma-
riez pour attirer ſur eux les graces du
Ciel , & pour honorer la grandeur & la
ſainteté du Mariage.  Il eſt même bon
d'obſerver qu'il y a des Canons qui or-
donnent aux fideles d'imiter cette con-
duite de Tobie.
Le quatriéme Concile de Carthage
Cap. 13.
veut qu'ils gardent la continence la pre-
miere nuit de leurs nôces. Il faut,
dit-il,
que l'époux & l'épouſe qui doivent être
benis 97des Gens Mariez Ch. IX. benis par le Prêtre lui ſoient preſentez
par leurs parens, ou par ceux qui ont
ſoin d'eux. Et après qu'il les aura benis,
ils paſſeront la nuit ſuivante dans la
pureté & dans la continence , afin de
témoigner qu'ils reſpectent & qu'ils
honorent la Benediction nuptiale qu'ils
ont reçûë.
L'Ordonnance de ce Concile a été
jugée si importante dans la Morale
Diſtinct.
23. c. 33-
30. q. 5.
c. 5.
Chrétienne, qu'elle a été inſerée dans le
corps du Droit Canonique ; & l'on
voit dans les fragmens qui nous reſtent
d'un Concile de Valence tenu au ſixié-
me ſiecle , qu'elle y fut renouvellée , &
qu'on l'y avoit inſerée ſans y rien chan-
ger.
Les Capitulaires de Charlemagne
Lib. 7. c.
463.
portent les choſes encore plus loin , car
ils veulent que les nouveaux époux va-
quent à la priere , & gardent la conti-
nence pendant les deux ou trois premiers
jours de leur Mariage.
Herald Archevêque de Tours , or-
donne la même choſe dans ses Capitu-
laires. Et il ne faut pas s'en étonner ,
>c. 89. car cette pratique a toujours été en uſage
dans la France ; & l'Auteur de la Vie
Surius
die 27.
Aug. c.
29.
de ſaint Cesaire d'Arles rapporte ,
qu'il fit un Statut exprès pour obliger
les nouveaux mariez à garder la conti-
nence les trois premiers jours de leurs
nôces.
E

98
La Vie
Balſamon témoigne que cette diſci-
ad Can.
4. Carth.
pline s'obſervoit auſſi parmi le Grecs ,
& qu'ils décernoient des peines contre
ceux qui ne paſſoient pas dans la conti-
nence le premier jour de leur Mariage.
Enfin le cinquiéme Concile de Mi-
lan
tenu ſous ſaint Charles, marque ex-
preſſément que les Paſteurs doivent
avertir les fideles de ne conſommer leur
Mariage que trois jours après qu'ils ont
reçû la Benediction nuptiale. Voici ſon
Que ad
Maper-
tim.
Decret : Que le Curé avant que de
publier comme l'ordonne le Concile
de Trente
, les trois bans de ceux qui
veulent ſe marier , ne manque pas de
les avertir & de les exhorter de tout
son pouvoir , de s'y preparer par des
jeûnes & par des prieres ; d'avoir en-
core ſoin de vaquer à la priere, après
qu'ils auront reçû la Benediction nup-
tiale de la main de leur propre Paſteur,
& de garder la continence pendant trois
jours de ſuite par reſpect pour ce Sacre-
ment.
Quoique cette diſcipline ſoit tres‑
ſainte , & qu'il fût fort à ſouhaiter que
tout le monde l'obſervât : je ne pré-
tens pas neanmoins condamner ceux qui
ont tenu une autre conduite en ſe ma-
riant ; ſoit faute d'inſtruction, ou parce-
qu'ils n'en ont pas eû le movement ;
je ne dis point non plus qu'on soit ab-

99
des Gens Mariez Ch. IX.
ſolument obligé d'embraſſer cette prati-
que : car mon intention n'eſt par de gê-
ner en ce point les fideles , ni de leur
faire entendre que tous ceux qui en uſent
autrement faſſent mal : mais j'ai crû
qu'il étoit bon de leur repreſenter la
doctrine des Conciles ſur ce ſujet , afin
qu'ils ſçachent au moins ce qui eſt
d'une plus grande perfection ; & que
ceux d'entr'eux qu ne ſont pas encore
mariez , puiſſent s'y ſoumettre , s'ils s'y
ſentent portez interieurement de part &
d'autre.
Voilà en general ce que j'avois à
leur dire , pour leur marquer comment
ils peuvent ſe comporter le jour de leur
Mariage , afin de le paſſer chrétienne-
ment , & de le ſanctifier. Mais s'ils ſont
fideles à Dieu , & ſi leur cœur eſt pene-
tré de la grandeur & de la ſainteté de
nos Myſteres, ils n'en demeureront pas
là ; & au lieu de s'abandonner à la
joie & à la diſſolution comme la plû-
part des gens du monde, ils trouveront
pluſieurs autres pratiques ſpirituelles qui
contribuëront à les édifier , & à les por-
ter à la pieté.  Ainsi je ne m'étendrai
pas davantage ſur cette matiere , afin
de continuer l'explication de leurs de-
voirs.
E ij

100
La Vie
Bandeau.

CHAPITRE X.

Que ceux qui s'engagent dans le Mariage
doivent y vivre honnêtement, & n'y
point rechercher le plaiſir.

Tout ce que j'ai juſqu'à preſent
repreſenté , regarde la preparation
& les diſpoſitions au Mariage.  Je vas
maintenant parler des obligations eſ-
ſentielles de ceux qui y ſont déja enga-
gez , & j'expliquerai deſormais com-
ment ils doivent ſe conduire, s'ils veu-
lent ſuivre les veritables maximes de
l'Évangile.  Or je croi qu'il n'y a rien
de plus important , que de leur faire
comprendre qu'ils ſont obligez d'y vivre
d'une maniere pure & honnête , & qu'il
ne leur eſt point permis d'y rechercher
le plaiſir; c'eſt ce qu'il me ſera tres-facile
de leur prouver par l'Ecriture & par les
ſaints Peres.
Tobie qui peut ſervir de modele à tous
les gens mariez , dit à Sara ſa femme la
premiere nuit de leurs nôces : Nous ſom-
mes les enfans des Saints , & nous ne de-

Tob. 8. 5.
& 9.
vons pas nous marier comme les Payens qui
ne connoiſſent point Dieu.
  Il fit enſuite
cette admirable priere : Vous ſçavez ,
Seigneur , que ce n'eſt point pour ſatisfaire
ma paſſion que je prens ma ſœur pour être
ma femme , mais que je m'y porte par le

101
des Gens Mariez Ch. X.
ſeul deſir de laiſſer des enfans qui beniſſent
vôtre Nom dans tous les ſiecles.
Saint Paul dans ſon Epître aux He-
Cap. 13. 4.
breux
, prononce cette Sentence celebre,
Que le Mariage ſoit traité de tous avec
honnêteté , & que le lit nuptial ſoit ſans
tache.
  Et lorſqu'il écrit aux Theſſaloni-
ciens
, il leur dit , ſelon l'interpretation
de S. Auguſtin , & de pluſieurs autres
Peres : La volonté de Dieu eſt que vous
1. Theſſ.
4. 4.
soyez saints & purs , que vous vous abste-
niez de la fornication , & que chacun de
Lib. 1. de
nupt. &
concupisc.
c. 8.
vous sçache se conduire envers sa femme
avec sainteté & avec respect.
Saint Pierre dit aux Maris : Vivez
sagement avec vos femmes , afin que vos
1. Pet. 3.
7.
prieres ne soient point interrompues.
Ce sont là sans doute autant de preuves
éclatantes qui justifient qu'il faut respec-
ter le Mariage ;  & que ceux-là s'éloi-
gnent de l'esprit & de la conduite des
Saints, qui ne se proposent point d'autre
fin , lorsqu'ils s'y engagent , que de con-
tenter leurs passions. Mais écoutons les
Peres de l'Eglise sur ce sujet : car ils l'ont
traité avec beaucoup de soin , & ils l'ont
regardé comme une des points les plus
importans de la Morale Chrétienne.
Tertullien voulant détourner les fem-
Lib. 2.
ad uxor.
c. 3.
mes chrétiennes d'épouser des hommes
infideles , leur représente qu'ils les por-
teront à plusieurs choses qui les soüille-
E iij

102
La Vie
ront , & qui deshonoreront leurs corps,
& qu'ils ne leur permettront pas de vivre
dans le Mariage comme doivent faire les
Saints , c'eſt-à-dire les fideles , qui n'en
uſent qu'avec beaucoup de modeſtie &
de retenue , & ſeulement pour obéir aux
neceſſitez de la nature , & qui s'y con-
duiſent en toutes rencontres comme des
perſonnes qui penſent continuellement à
Dieu , & qui ſe tiennent toujours en ſa
preſence. Ce Pere marque ainſi en peu
de paroles , comment ceux qui travail-
lent ſerieuſement à operer leur ſalut ,
doivent ſe comporter dans le Mariage.
Bien loin de ſe laiſſer aller à aucune diſ-
ſolution , ils aiment la pudeur ; ils ne
font rien que de ſage & de bien reglé ;
ils n'en uſent que pour ſuivre l'ordre de
la nature ; ils s'acquittent de ce devoir
avec toute ſorte de modeſtie , parcequ'ils
ſçavent que Dieu les voit , & qu'il ſera
le Juge de leur conduite.
Saint Clement Alexandrin inſtruiſant
les gens mariez , les avertit qu'ils ne
doivent pas s'imaginer que les tenebres
de la nuit ſoient pour couvrir & pour
cacher leur immodeſtie & leur intem-
perance ; qu'il faut au contraire que la
pudeur qui eſt comme une étincelle de
Lib. 2.
padag.
cap. 10.
la raiſon , leur ſerve alors de flambeau
pour les conduire , & pour leur faire
éviter les précipices où l'incontinence

103
des Gens Mariez Ch. X.
pourroit les faire tomber.
Et parceque ce ſont ordinairement
les hommes qui ne gardent pas les regles
de l'honnêteté dans l'uſage du Mariage ,
& qui ſe portent à des excès condamna-
bles , il leur repreſente , qu'étant les ſu-
perieurs de leurs femmes , ils doivent
leur apprendre , par leur exemple, la re-
tenue & la modeſtie chrétienne dans le
commerce conjugal. S'il ne vous eſt ja-
Ibid.
mais permis ,
dit-il, en s'adreſſant à un
mari , de rien faire contre l'honnêteté,
à plus forte raiſon êtes-vous obligé de
donner à vôtre épouſe des exemples de
pudeur, & d'éviter toute ſorte de turpi-
tude dans le commerce que vous avez
avec elle. Il faut que ce qui ſe paſſe dans
vôtre propre maiſon, lui ſoit un témoi-
gnage que vous vivez chaſtement avec
les autres. Et ſoyez perſuadé qu'elle au-
ra peine à croire que vous vous condui-
ſiez bien , & que vous ſoyez chaſte , ſi
dans les plaiſirs que vous prenez avec
elle , vous lui donnez des marques de
vôtre incontinence.
Il déclare enſuite à ceux qui vivent
dans le Mariage , que pour y ſuivre les
regles que la nature preſcrit, il faut s'ac-
coutumer de bonne heure à dompter ſes
paſſions ; que la raison eſt un tres-bon
moyen pour ſurmonter l'impureté; mais
que la vie ſobre eſt le meilleur remede
E iiij

104
La Vie
dont on puiſſe ſe ſervir pour terraſſer
entierement ce vice ; parceque c'eſt or-
dinairement la bonne chair qui irrite la
concupiſcence, & qui inſpire l'amour
du plaiſir.
C'eſt en ſuivant ce même eſprit, que
Lib. de
contin. c.
ſaint Auguſtin dit que le Mariage a été
inſtitué , non pour donner toute ſorte
de liberté à la concupiſcence, mais pour
l'empêcher de ſe porter à des excès,
pour la regler, pour la contenir en de
certaines bornes, & pour la faire ſervir
à une fin honnête & legitime ; que les
Lib. de
bono con-
jug. c. 20.
Patriarches & les ſaintes femmes qui vi-
voient ſous l'ancien Teſtament, ſe ma-
rioient , non par ſenſualité comme on
l'a déja remarqué, mais pour obéir à la
Loi écrite, & pour ſe mettre en état de
donner naiſſance au Meſſie; que les Juſtes11
Lib. 2. de
nupt. &
concupis.
c. 31.
qui ne recherchent point de plaiſir dans
le Mariage, s'affligent & gemiſſent de
ne pouvoir en uſer ſans en reſſentir, &
regardent cela comme un tres-grand
ſupplice ; & que s'engager dans cet état,
non pour avoir des enfans, mais pour
& Lib.
1. eodem
Tit. c. 4.
ſuivre les mouvemens de la chair, c'eſt
imiter le bêtes , & ſe reduire, pour ainſi
dire, à leur condition.
On peut encore juger combien ce Pere
étoit éloigné de croire qu'on puiſſe s'en-
gager dans le Mariage pour contenter
ſes paſſions , puisqu'il enſeigne en une

105
des Gens Mariez Ch. X.
infinité d'endroits de ſes Ouvages , que
ceux qui en uſent dans la ſeule vûe du
plaiſir , commettent toujours quelque
peché , non pas à la verité mortel , mais
au moins veniel, & qu'ils ont beſoin que
Dieu leur pardonue ces ſortes de fautes
& d'imperfections.
Enfin ce ſaint Docteur déclare que les
Lib. 2.
contra
Julian. c.
7.
gens mariez ſont abſolument obligez de
garder pluſieurs regles dans l'uſage du
Mariage ; & que s'ils y manquent , non
ſeulement ils pechent , mais ils ſe ren-
dent indignes de porter la qualité de ma-
ris & de femmes.  Il prononce même
après S. Ambroiſe , qu'un homme qui
vit avec incontinence dans le Mariage ,
devient en quelque maniere l'adultere de
ſa propre femme.  Cette expreſſion eſt
tres remarquable , & elle juſtifie claire-
ment que ces deux grands Docteurs de
l'Egliſe n'ont pas regardé le Mariage
comme un voile deſtiné à cacher & à
couvrir les diſſolutions de ceux qui s'y
engagent.
Il faut encore rapporter en ce lieu, ce
que le même S. Auguſtin dit pour com-
battre les Manichéens , qui vouloient
que les maris ne s'approchaſſent de leurs
femmes que lorſqu'ils croyoient qu'elles
n'étoient pas en état de concevoir. Ils les
regarde comme des gens ſenſuels qui
n'ont point d'autre intention que de ſa-
E v

106
La Vie
tisfaire leurs cupiditez.  Il les accuſe de
deshonorer le Mariage par cette conduite
brutale.  Il ſoutient qu'ils traitent leurs
Lib.
morib.
Manich.
c. 18.
femmes comme des concubines , qu'on
ne recherche que pour le plaiſir, & pour
contenter ſes paſſions , & non pour en
avoir des enfans.
L'on peut ajouter qu'on vit en Eſpa-
gne ſur la fin du ſixéme ſiecle , un exem-
ple encore plus funeſte , des excès auſ-
quels ſe portent ceux qui ne penſent qu'à
ſatisfaire leur ſenſualité dans le Maria-
ge : car il ſe trouva des gens qui tuoient
leurs propres enfans après leur naiſſance,
& qui trempoient leurs mains parricides
dans leur ſang. Les Peres du troiſiéme
Concile de Tolede avertis d'une telle in-
humanité, prirent toutes les précautions
neceſſaires pour l'arrêter ; & pour pré-
Chap. 27.
venir tant de crimes déteſtables , ils en-
gagerent le Roy Reccareda qui gouver-
noit alors les Eſpagnes, à employer ſon
autorité ſouveraine pour réprimer cette
barbarie monſtrueuse.
La Doctrine du Catechiſme du Con-
cile de Trente
eſt trop importante ſur ce
ſujet , pour être obmiſe. Il faut, dit-il,
Daſacra-
mento
matrim.
§. 7.
avertir les Fideles , qu'ils ne doivent
point uſer du Mariage pour ſatisfaire
leur ſenſualité , mais pour les fins que
nous avons ci-devant marquées , pour
leſquelles Dieu l'a inſtitué.  Car ils doi-  107des Gens Mariez Ch. X. vent ſe ſouvenir continuellement de ce
que dit l'Apôtre : Que ceux qui ont des
femmes , ſoient comme n'en ayant point;

& de ce que dit S. Jerôme , qu'afin
qu'un homme ſage ſoit le maître de ſa
ſenſualité dans l'uſage du Mariage, ce
doit être la raiſon , & non ſa paſſion ,
qui regle l'amour qu'il a pour ſa fem-
me; n'y ayant rien de plus honteux que
d'aimer ſa femme avec autant de paſ-
ſion & de déreglement qu'on feroit une
adultere.
Je croi que les lecteurs demeureront
maintenant d'accord , qu'il n'eſt point
permis de rechercher le plaiſir , ni de
ſuivre les mouvemens de la chair dans
l'uſage du Mariage ; & qu'on eſt au
contraire obligé de s'y conduire avec
beaucoup de retenue & de modeſtie.
Je prévois neanmoins que quelques-uns
pourront dire que cela eſt tres-difficile;
que les hommes ſont foibles ; qu'ils
n'ont pas toujours la force de ſe ſurmon-
ter ; & que ſouvent ils ſont emportez
par l'impétuoſité de leurs paſſions. Mais
je leur répondrai que ce qui paroît diffi-
cile , & même impoſſible aux hommes
mondains & charnels , leur deviendra
doux & facile , s'ils ont ſoin de s'éloi-
gner de la corruption du ſiecle , s'ils ſe
mortifient , s'ils font penitence , s'ils ſe
chargent de la Croix de JESUS-CHRIST,
E vj

108
La Vie
& s'ils ont ſouvent recours à la priere.
Car ces ſaints exercices fortifieront leur
homme interieur , & les mettront en
état de reſiſter à leurs paſſions ; lors-
qu'elles entreprendront de les porter à
quelques excès qui pourroient deshono-
rer leurs corps , & bleſſer l'honneur du
Mariage.
C'eſt le conſeil que ſaint Ceſaire
d'Arles
donnoit autrefois aux gens ma-
riez , qui prétendoient ne pouvoir gar-
der les regles de la continence qu'il leur
preſcrivoit. Vous alleguez , leur diſoit‑
il, qu'il vous eſt impoſſible d'obſerver
ſerm. 88.
ce que je vous ordonne ; mais ne vous
y trompez pas , cela vient de ce que
vous mangez avec excès ; que vous
vous rempliſſez de vin; que vous don-
nez trop de liberté à vos penſées , &
que vous vous accoutumez à proferer
des paroles ſales & deshonnêtes. Abſte-
nez vous de toutes ces choſes; veillez
la nuit, mortifiez-vous, priez, donnez
l'aumône, pardonnez à vos ennemis ;
& enſuite vous n'aurez pas de peine à
vous ſoumettre à tout ce que je vous dis
de la maniere dont il faut ſe conduire
dans le Mariage.
Et avant lui ſaint Auguſtin avoit dit,
Lib. 3.
contra
Julian.
c. 21.
en parlant de cette matiere , que la con-
tinence conjugale eſt obligée de ſoutenir
pluſieurs combats auſſi-bien que la vir-

109
des Gens Mariez Ch. X.
ginité , parcequ'elle doit ſe défendre
d'une infinité d'ennemis qui l'attaquent
de toutes parts , & qui veulent lui per-
ſuader de paſſer les bornes qui lui ont
été marquées.
Ainsi on peut conclure ſans craindre
de ſe tromper , qu'il faut que tous les
Fideles ſe conduiſent d'une maniere ſage
& honnête dans le Mariage , & qu'ils
ne doivent point y rechercher le plaiſir ;
mais que pour être capables d'y vivre
avec la regularité que je viens d'expli-
quer , il eſt abſolument neceſſaire qu'ils
s'abſtiennent des plaiſirs & des voluptez
du ſiecle ; qu'ils ſe ſoumettent aux auſte-
ritez & aux mortifications de la peni-
tence , & qu'ils adreſſent à Dieu de fre-
quentes prieres , afin d'obtenir de ſon
infinie miſericorde, tous les ſecours dont
ils ont beſoin , pour ne rien faire d'in-
digne de la ſainteté de leur état.
Bandeau.

CHAPITRE XI.

Qu'il faut que les gens mariez ne s'aiment
que d'un amour ſaint & bien reglé , &
qu'il y a pluſieurs defauts qu'ils doivent
éviter dans l'amour qu'ils ont les uns
pour les autres.

Je ne m'arrêterai pas ici à prouver aux
maris & aux femmes qu'ils ſont obli-

110
La Vie
gez de s'entr'aimer , car la nature les y
porte aſſez : ils n'en ſont eux - mêmes
que trop convaincus ; & dans la ſuite
de ce Traité j'aurai lieu de parler en par-
ticulier de l'amour que le mari doit avoir
pour ſa femme , & la femme pour ſon
mari.  Mais il me ſemble neceſſaire de
leur faire comprendre , avant que d'en-
trer davantage en matiere , que leur
amour doit être ſaint & bien reglé ; &
qu'il eſt abſolument neceſſaire qu'ils
évitent pluſieurs defauts qui s'y gliſſent
tres-ſouvent , & qui le défigurent & le
corrompent.
Qu'il faille que leur amour ſoit ſaint,
Eph. 5.
82.
qui en pourroit douter ? puiſque S. Paul
dit que le Mariage eſt un grand Sacre-
ment en JESUS-CHRIST & en l'E-
gliſe , c'eſt-à-dire que l'union du mari &
de la femme eſt deſtinée à repreſenter
celle de JESUS-CHRIST avec ſon Egliſe.
Or ce divin Sauveur aime l'Egliſe d'un
amour ſaint & ſpirituel ; & qui ne tend
qu'à la ſanctifier & à la perfectionner ;
cette chaſte Epouſe a auſſi pour lui un
amour ſaint & ſpirituel , qui fait qu'elle
l'adore en eſprit & en verité ; qu'elle lui
eſt ſoumiſe ; qu'elle lui obéit , & qu'el-
le met en lui toute ſon eſperance.  Par
conſequent les gens mariez ſont obligez
de ne s'aimer que dans la vue de Dieu ,
& d'un amour qui ne ſoit fondé que ſur

111
des Gens Mariez Ch. X.
la pieté.  C'eſt ce que ce ſaint Apôtre
ordonne expreſſément aux Epheſiens :
Comme l'Egliſe, leur dit-il, eſt ſoumiſe à
Jesus-Christ, les femmes doivent auſſi être
ſoumiſes en tout à leurs maris ; & vous
maris , aimez vos femmes comme Jesus‑
Christ a aimé l'Egliſe , & s'eſt livré lui‑
même à la mort pour elle, afin de la ſanti-
fier, & de la faire paroître devant lui pleine
de gloire, n'ayant ni tache, ni ride, ni rien
de ſemblable ; mais étant ſainte & irre-
préhenſible.
Les ſaints Peres ont parlé conformé-
ment aux principes de ce ſaint Docteur
des nations , lorſqu'ils ont traité du
Mariage.  Saint Jerôme enſeigne que
In Epiſt.
ad Epheſ.
c. 5. v.
24.
l'union entre le mari & la femme doit
être ſainte & tres pure, & ne tenir rien
de la chair & du ſang.  Saint Auguſtin
declare qu'il ne ſuffit pas aux maris de
ne point concevoir de deſirs illicites
Lib. 21.
de Civit.
Dei c.26.
pour des femmes étrangeres, mais qu'ils
ne doivent aimer les leurs propres que
d'une amour ſaint, & conforme aux ma-
ximes les plus pures de l'Evangile ; &
que s'ils y mêlent quelque choſe de
charnel , ils ont beſoin de paſſer par le
feu des tribulations & des afflictions
de la penitence , dont parle ſaint Paul,
afin d'être purifiez de ces ſortes de ta-
1. Cor. 3.
15.
ches , & de pouvoir enſuite entrer dans
le Royaume des Cieux.   Et le Cate-

112
La Vie
chiſme Romain dit que la fidelité con-
De Sa-
cram.
Matri.
§. 5.
jugale oblige le mari & la femme à s'ai-
mer , non en la maniere que s'aiment
les adulteres , mais d'un amour pur ,
ſaint , & comme J. C. aime l'Egliſe ,
parceque l'Apôtre ne leur prescrit point
d'autre regle de leur amour , que celui
que ce divin Sauveur a eu pour ſa ſainte
& chaſte Epouſe.
A l'égard des défauts qu'ils doivent
éviter, on peut les reduire à quatre prin-
cipaux.
1. L'on voit ſouvent des gens mariez
qui ſe laissant dominer par l'amour qu'ils
ont les uns pour les autres , s'éloignent
du ſervice de Dieu , violent ſa loy , &
tombent dans de grands deſordres.
Il y a des maris qui ſous prétexte qu'ils
aiment leurs femmes, tolerent leurs paſ-
ſions & les fomentent ; qui ſouffrent
qu'elles s'adonnent au jeu avec excès ;
qui les laiſſent vivre d'une maniere trop
libre ; qui les entretiennent dans la
vanité du ſiecle ; & qui de peur de les
contriſter , ne les contrediſent en rien,
& ne reſiſtent à aucune de leurs volon-
tez, quelques déreglées qu'elles puiſſent
être.
Il ſe trouve auſſi des femmes , qui
ayant un faux amour pour leurs maris,
approuvent leur vie licentieuſe , pren-
nent part à leurs égaremens , & leur

113
des Gens Mariez Ch. XI.
obéiſſent en pluſieurs choſes qui beſ-
ſent l'honneur de Dieu , & leur propre
conſcience.
Les ſaints Peres regardent cela com-
me un grand deſordre : cependant ils
diſent que c'eſt un malheur dont il eſt
tres difficile que les maris & les fem-
mes ſe garantiſſent , à moins qu'ils ne
veillent exactement ſur eux-mêmes , &
qu'ils n'ayent ſoin de purifier leur amour
& de le ſanctifier par la meditation de
la Loy de Dieu.  Ils obſervent même
qu'Adam & Salomon ſuccomberent à
cette tentation: ils ſoutiennent qu'ils ne
pecherent que parcequ'ils n'eurent pas
la force de s'élever au deſſus des fauſſes
perſuaſions de leurs femmes. Eſt-il
Lib. 11.
de Gen.
ad Lit. o.
41.
croyable,
dit ſaint Auguſtin, que Sa-
lomon
, cet homme ſi ſage & si éclai-
ré , ait été perſuadé qu'il y eût quelque
avantage à adorer les Idoles ?  Il n'y a
point ſans doute d'apparence ; mais ſa
chute vint de ce qu'il ne put ſe défendre
de l'amour de ſes femmes qui lui pro-
poſoient d'adorer leurs faux Dieux :
la crainte de les contriſter l'emporta
dans ſon eſprit ſur la conſideration de
ſon devoir , & lui fit faire ce qu'il
ſçavoit être illégitime. Tout de même
Adam ne mangea du fruit défendu, que
de peur de contriſter ſa femme qui avoit
été ſeduite par le demon , & qui le lui  114La Vie preſentoit. Ce ne fut point la révolte de
ſa chair, ni de ſa partie inferieure contre
la loy de ſon eſprit qui le fit tomber :
car il n'en avoit encore ſenti aucune ;
mais il pecha par une trop grande faci-
lité, & par une certaine amitié mal re-
reglée qui fait qu'on aime mieux offen-
ſer Dieu , que d'encourir la haine &
l'inimitié des hommes.
Il faut que les Fideles qui vivent dans
le Mariage , faſſent tous leurs efforts
pour ne pas tomber dans ce précipice.
Ils doivent à la veritê s'entr'aimer ; mais
l'amour qu'ils ont les uns pour les au-
tres , doit être ſoûmis à celui de Dieu ,
& s'y rapporter. Il faut qu'ils faſſent
reflexion que JESUS-CHRIST a dit
dans l'Evangile : Si quelqu'un vient à
moi , & ne hait pas ſon pere & ſa me-
re , ſa femme , ſes enfans , ſes freres &
ſes ſœurs , & même ſa propre vie , il ne
peut être mon diſciple. Car cette parole
apprend aux maris , que bien loin que
l'amour de leurs femmes doivent les dé-
tourner de la pieté & du ſervice de
Dieu , ils ſont au contraire obligez de
ne les pas écouter , & de les haïr tou-
tes les fois qu'elles les portent au relâ-
chement, & qu'elles les mettent quelque
obſtacle à leur ſalut.
Il faut dire la même choſe aux fem-
mes Chrétiennes.  Elles ſont obligées

115
des Gens Mariez Ch. XI.
d'aimer leurs maris ; mais ſi l'amour
qu'elles ont pour eux , ſe trouve en
concurrence avec celui qu'elles doivent
à Dieu , il n'y a point à douter ; il faut
qu'elles conçoivent pour eux une ſainte
haine , & qu'elles prennent la reſolution
de leur reſiſter , & de s'éloigner de leurs
mauvais exemples, afin de ſuivre les ma-
ximes ſaintes de l'Evangile , & de mar-
cher avec ſûreté dans la voie du ſalut.
C'eſt en cette rencontre qu'a lieu cette
autre parole du Sauveur du monde :
L'homme aura pour ennemis ceux de ſa
Matth.
10. 36.
propre maiſon
: car les Fideles ſont obli-
gez de garder comme leurs veritables
ennemis , tous ceux qui les détournent
de la vertu , quand même ils ſeroient
leurs parens les plus proches , & qu'ils
leur ſeroient unis par la qualité de maris
& de femmes.
2. Il arrive quelquefois que ce ne
ſont ni les femmes , ni les enfans qui
sollicitent leurs maris & leurs peres de
faire quelque choiſe d'illégitime , mais
que ceux-ci s'y portent d'eux-mêmes ,
par la tendreſſe naturelle qu'ils ont pour
leurs femmes & pour leurs enfans.  Ils
s'occupent de ce qui pourra leur arriver
après leur mort ; ils craignent de les
laiſſer ſans biens & ſans appui ; ils
s'imaginent les voir déja réduits à la
derniere miſere : ce qui eſt ſouvent

116
La Vie
cauſe qu'ils commettent des injuſtices,
& qu'ils violent la Loy de Dieu pour
leur amaſſer des richeſſes , & pour
leur procurer un établiſſement avanta-
geux. C'eſt-là une autre eſpece de ten-
tation à laquelle il faut que les Fideles
reſiſtent genereuſement.  Ils doivent
pour la ſurmonter , conſiderer que l'a-
mour qu'ils ſont obligez d'avoir pour
leurs femmes & pour leurs enfans, doit
être ſaint & chrêtien ; & que par con-
ſequent il ne faut pas qu'il leur ſoit une
occaſion de bleſſer les regles de la juſtice.
Il ſera même bon qu'ils faſſent refle-
xion que Dieu a promis dans les Ecri-
tures
de proteger les veuves & les or-
phelins, & de pourvoir à leur ſubſiſtan-
ce : car cette penſée, que leurs femmes
& leurs enfans ne ſeront pas abandon-
nez après leur mort , & que la divine
Providence aura ſoin d'eux , & leur
fournira tout ce qui leur ſera neceſſaire,
les empêchera d'avoir recours à des
moyens illicites pour les tirer de la
miſere , & pour aſſurer leur fortune.
3. Il y a des maris & des femmes
qui font dégenerer l'amour qu'ils ſe por-
tent à une attache ridicule ; qui ne
ſçauroient ſe paſſer de ſe voir , qui veu-
lent être toujours enſemble , qui ſe té-
moignent en toutes rencontres de vai-
nes complaiſances , & qui s'applaudiſ-

117
des Gens Mariez Ch. XI.
ſent les uns aux autres dans tout ce qu'ils
font , & même dans les choſes les plus
indifferentes.
Seneque , au rapport de ſaint Jerô-
Lib. 1.
adverſus
Jovintam
me
, parle même d'un homme de qua-
lité, qui ne pouvoit ſe resoudre à faire
un ſeul pas , ſans être accompagné de
ſa femme; qui l'attachoit à ſa ceinture
avec un cordon , lorſqu'il ſortoit dans
les rues , qui vouloit toujours l'avoir
ſous ſes yeux , qui ne beuvoit jamais
qu'elle n'eut touché du bout de ſes le-
vres au verre & à la coupe où il de-
voit boire.
Ce défaut procede d'une affection
mal reglée , & qui mérite pluôt le
nom de cupidité que celui d'amour.
Ceux qui ſe conduiſent par les lumie-
res de la droite raiſon, & qui craignent
veritablement Dieu , n'en ſont point
susceptibles. Ils se voient quand il est
neceſſaire & que l'occaſion s'en preſen-
te ; mais ils s'en paſſent auſſi tres‑
volontiers pour vacquer à leurs affai-
res & à leurs emplois ordinaires : ils
ſe tiennent compagnie , lorſque la so-
cieté civile , & les devoirs de la vie
conjugale les y obligent ; mais cela ne
les détourne point de leurs occupations
ſerieuſes. Ils ont de l'eſtime les uns pour
les autres , mais ils ne la témoignent pas
en toutes rencontres ; & ils n'affectent

118
La Vie
point de ſe donner des louanges à contre‑
temps , & par pure complaiſance.  Ils
s'aſſistent, & ſe ſecourent dans leurs ve-
ritables beſoins , mais ils ne les exage-
rent pas ; & ils n'entreprennent point
de les faire paroître plus grands qu'ils
ne ſont effectivement.  Ils agiſſent ſe-
rieuſement enſemble ; ils évitent les
amuſemens , & ne ſe laiſſent point aller
à la bagatelle. Ils ſe donnent les uns aux
autres une honnête liberté ; ils commu-
niquent avec le monde ; ils ſortent ſelon
que leurs affaires le demandent ; & l'a-
mour qu'ils ſe portent, ne les rend point
eſclaves.
Les Fideles qui ſont mariez doivent
faire une attention ſerieuſe à ceci, afin
que l'amour qu'ils ont les uns pour les
autres , ſoit pur & digne de l'union
ſainte qu'ils ont contractée.  Ils ſont
obligez de s'aimer , on l'avoue ; mais
il faut que leur amour ſoit fondé sur
la charité , & n'ait point d'autre mou-
vement que celui qu'elle lui donne.
Or cette vertu ne ſouffre point que
ceux qu'elle unit tombent dans de tel-
les foibleſſes ; qu'ils ſuivent leur ſen-
ſualité ſous prétexte de s'aimer, ni qu'ils
ſe conduiſent d'une maniere toute hu-
maine les uns envers les autres.  Elle
veut au contraire , qu'ils ne penſent
point à contenter leur amour propre ;

119
des Gens Mariez Ch. XI.
qu'ils ſoient détachez de toutes choſes;
qu'ils mortifient leurs ſens ; qu'ils faſ-
ſent une guerre continuelle à leur vieil
homme, & qu'ils ne s'aiment que dans
la vûe de plaire à Dieu , & de le ſervir.
C'eſt ce que ſaint Paul appelle avoir
c. Corint.
7. 29.
une femme , comme ſi on n'en avoit
point , c'eſt-à-dire , vivre dans le Ma-
riage preſqu'avec autant de pureté &
de détachement que ſi on n'étoit point
marié.
4. Le défaut dont on vient de par-
ler en produit ſouvent un autre , qui
précipite les gens mariez dans une infi-
nité de malheurs & de diſgraces.  Car
lorſqu'ils s'aiment avec trop d'empreſ-
ſement & d'attache , ils tombent facile-
ment dans la jalouſie ; ils ſont ſujets à
mille ſoupçons mal fondez ; ils ſe dé-
fient continuellement de la conduite les
uns des autres.
Si le mari voit ſortir ſa femme, il
croit qu'elle va à un rendez-vous ; ſi
elle parle à un homme, il ſe figure qu'el-
le veut lui être infidele ; ſi elle ſe mêle
de la moindre affaire, il s'imagine qu'elle
conduit une intrigue pour couvrir ſes
impuretez ; ſous ce prétexte il la tient
captive: il n'a pour elle que de l'aigreur
& de la dureté , & ſouvent même il
la maltraite , & lui fait de grandes vio-
lences.

120
La Vie
Si la femme de ſon côté remarque
que ſon mari regarde une fille ou une
femme, elle dit auſſi-tôt qu'il a de mau-
vais deſirs ; qu'il la mépriſe , & qu'il a
placé autre part ſon cœur & ſes affec-
tions ; & ne pouvant l'outrager en ſa
perſonne , elle le chagrine par ſes pa-
roles aigres & piquantes ; elle ne lui
témoigne que de la mauvaiſe humeur ;
elle affecte de lui faire comprendre que
ſon amitié lui eſt indifferente ; & elle
agit avec lui d'une maniere qui n'eſt pro-
pre qu'à l'irriter, & à l'indiſposer contre
elle.
L'on peut juger après cela , s'il eſt
poſſible qu'il y ait du repos & de la
tranquillité dans une telle famille ; &
ſi la condition d'un mari & d'une fem-
me qui ſe trouvent dans cet état , n'eſt
pas tres - malheureuſe , puiſque tout
contribue à les tourmenter , même les
choſes les plus innocentes , & qui ne
font pas la moindre peine à ceux qui
ne ſont pas prévenus d'une telle paſſion.
Et auſſi le Sage met la jalouſie au
rang de plus grands maux qu'un hom-
me puiſſe ſouffrir de la part de ſa fem-
Ecel. 26.
6. & ſeq.
me. Mon cœur, dit-il, a aprehendé trois
choſes ; & la quatriéme fait pâlir mon
viſage. La haine injuſte de toute une Ville,
l'émotion ſeditieuſe d'un peuple & la ca-
lomnie inventée fauſſement, ſont trois choſes
plus

121
des Gens Mariez Ch. XI.
plus inſuportables que la mort.  Mais la
femme jalouſe eſt la douleur & l'affliction
du cœur. La langue de la femme eſt per-
çante , & elle ſe plaint ſans ceſſe à tous
ceux qu'elle rencontre.
Il faut donc que ceux qui s'engagent
dans le Mariage , ſe conduiſent avec
tant de ſageſſe , de modeſtie & de re-
retenue , qu'ils ne ſe donnent pas lieu
les uns aux autres de concevoir de la
jalouſie , & qu'ils n'en ſoient pas non
plus ſuſceptibles. Il faut qu'ils évitent
avec ſoin tout ce qui pourroit donner
quelque ſoupçon à ceux avec qui ils
ſont unis, & qu'ils n'entreprennent pas
eux-mêmes de juger témerairement de
leurs actions exterieures , & encore
moins de leurs intentions les plus ſe-
cretes. Il faut qu'ils agiſſent avec bonté
& avec ſimplicité les uns avec les au-
tres ; qu'ils ne ſe laiſſent point prévenir
mal à propos , & qu'ils ſoient toujours
plus diſpoſez à excuſer qu'à condam-
ner ce qui ſe paſſe dans leur domeſti-
que ; & par ce moyen ils éviteront les
troubles & les agitations , qui ſont les
ſuites ordinaires de la jalouſie : ils vi-
vront dans la paix & dans l'union ; &
ils pourront jouir du bonheur & des
benedictions qui accompagnent les Ma-
riages Chrétiens.
F

122
La Vie
Bandeau.

CHAPITRE XII.

Que les maris & les femmes doivent s'exercer
à la pieté, & ſe ſanctifier les uns
les autres.

On ne doit pas être ſurpris que je
prétende que les Fideles qui vivent
dans le Mariage , ſont obligez de s'exer-
cer à la pieté , & de travailler mutuel-
lement à ſe sanctifier : car c'eſt une
ſuite de ce que j'ai dit dans le Chapitre
précedent, qu'ils ne doivent s'aimer que
d'un amour ſaint & chrétien.  Et d'ail-
leurs cette maxime eſt tres-indubitable;
& l'on trouve dans les ſaints Peres une
infinité de témoignages qui ſervent à
la prouver , & qui la mettent dans la
derniere évidence.
Tertullien dit que les Fideles de la
primitive Egliſe , même ceux qui con-
tractoient Mariage , étoient ſi fervens,
& ſi appliquez à la priere , qu'ils ſe re-
levoient au milieu de la nuit pour ré-
citer des Pſeaumes, & pour vaquer à la
contemplation des biens éternels.  Ce
Pere ſe ſervoit en plusieurs rencontres
Lib. 2. ad
uxor. c. 5.
de cette conſideration pour détourner
les femmes chrétiennes d'épouſer des
hommes infideles ; & il leur repreſen-
toit, comme on l'a déja obſervé , que ſi
elles s'engageoient dans ces ſortes de

123
des Gens Mariez Ch. XII.
Mariages, elles n'auroient plus la liberté
de paſſer une partie de la nuit en prieres;
que leurs maris s'y oppoſeroient , & les
troubleroient dans la pratique de plu-
ſieurs autres bonnes œuvres qu'elles de-
voient embraſſer pour ſe ſanctifier dans
leur état.
Ainſi l'on peut dire que bien loin de
croire que le mariage ſoit une occaſion
aux Fideles de ſe relâcher de leurs pra-
tiques de pieté, il étoit au contraire tres‑
perſuadé qu'ils devoient y perſeverer
avec fidelité , puiſqu'il ne vouloit pas
qu'ils contractaſſent des alliances qui
auroient pû les en détourner.
Le conſeil qu'un ancien Pere donne
à Celancie12 de prendre toûjours quelque
tems pour penſer à elle-même , & de
ſe ſeparer ſouvent des occupations ex-
terieures , pour vaquer en ſecret à la
priere & aux affaires de ſon ſalut , con-
vient à tous les gens mariez ; ainſi il
faut le leur propoſer en ce lieu,afin qu'ils
puiſſent en être édifiez , & en profiter.
Epiſt. 14.
inter Ep.
Hier. c.
15.
Le ſoin que vous prendrez de vôtre
maiſon , dit cet Auteur à cette Dame
celebre, ne vous occupera pas de telle
ſorte, que vous ne puiſſiez auſſi prendre
du tems pour penſer à vous.  Vous de-
vez choiſir un lieu un peu éloigné du
bruit importun de vôtre famille, afin de
vous y retirer quelquefois du milieu de
F ij 124La Vie l'agitation de ſes ſoins, & de ces diſtrac-
tions domeſtiques,comme dans un port
favorable qui puiſſe calmer par ſa tran-
quilité , l'agitation que la tempête des
occupations du monde aura excité dans
vos penſées. Là vous vous appliquerez
avec tant de ferveur à la lecture des
Livres ſaints ; vous l'entremêlerez si
ſouvent de prieres & d'élevations de
vôtre cœur à Dieu ; & vôtre eſprit
s'occupera avec tant d'attention à medi-
ter l'avenir , que cet exercice ſalutaire
récompenſera facilement tout le tems
que vous aurez employé aux affaires ex-
terieures.  Ce n'eſt pas que je veuille
par là vous retirer du ſoin de vôtre fa-
mille ; mais au contraire je deſire que
vous y penſiez dans cette retraite , &
que vous y appreniez la maniere dont
vous devez vous conduire avec tous
ceux de vôtre famille.
Il n'y a rien auſſi de plus édifiant
que la conduite que ſaint Jean Chry-
ſtome
veut que tiennent les maris pour
établir la pieté dans leurs familles.  Il
leur ordonne de lire ſouvent les ſaintes
Ecritures
en preſence de leurs femmes
& de leurs enfans , & de leur repe-
ter à la maiſon les inſtructions que
les Prêtres & les Paſteurs ont pronon-
cées dans l'Egliſe : il leur conſeille de
ne s'appliquer pas aux affaires du mon-

125
des Gens Mariez Ch. XII.
de immédiatement après qu'ils ont aſ-
ſiſté a la prédication de l'Évangile, mais
de prendre quelque tems pour s'occu-
Homil. 5.
in Matt.
per devant Dieu des veritez qu'on leur
a annoncées. Il n'eſt point à propos,
leur dit-il, qu'au ſortir de l'Egliſe vous
vous entreteniez de choſes diſpropor-
tionnées à ce que vous y avez enten-
du. Vous devriez au contraire, lorſque
vous retournez chez vous, prendre le
livre des ſaintes Ecritures , & aſſem-
bler vos femmes & vos enfans , pour
repeter enſemble ce qu'on vous a dit;
& après cela vous pourriez repren-
dre le ſoin de vos occupations tempo-
relles.  Si vous évitez de vous trouver
dans des lieux d'affaires en ſortant du
bain, de peur d'en empêcher l'effet par
une trop grande application: combien
cette précaution vous eſt-elle plus ne-
ceſſaire, lorſque vous ſortez de l'Egliſe
pour aller chez vous? Mais nous faiſons
tout le contraire, & nous perdons ainſi
tout le fruit de cette divine ſemence
(c'eſt-à-dire de la parole de Dieu:) car
avant qu'elle ait eu le temps de prendre
racine dans notre ame, un torrent d'af-
faires l'emporte , & l'arrache de nôtre
cœur. Afin donc que cela n'arrive plus,
ne croyez rien de plus important, lors-
que vous vous retirez chez vous après
que cette aſſemblée eſt finie, que de me-
F iij  126La Vie diter en vôtre particulier ce que vous y
avec appris.
Homil. 2.
in Genes.
Ce ſaint Docteur dit encore en ex-
pliquant la Geneſe , qu'après que la
Prédication eſt finie , & que les Fideles
ſont retournez dans leurs maiſons , le
mari doit faire une récapitulation de ce
qu'on y a dit de plus important en pre-
ſence de ſa femme , de ſes enfans & de
ſes domestiques , afin de leur en rafraî-
chir la memoire.
Il veut même qu'il faſſe dans ſon
logis des queſtions à ſa femme ſur les
veritez que les Paſteurs ont expliquées
devant le peuple , & que la femme en
faſſe auſſi à ſon mari , afin de ſe les
rendre plus familieres: il ajoûte que s'ils
en uſent ainsi , leurs maiſons particu-
lieres deviendront des Temples & des
Egliſes.
Le même ſaint Chryſoſtome ſoutient
en pluſieurs de ſes Homelies , que la
principale obligation des gens mariez
conſiſte à ſe ſanctifier les uns les au-
tres , & à procurer mutuellement leur
ſalut: il fait de grandes plaintes contre
les maris & les femmes qui n'ont pas
ſoin de ſe porter à Dieu, & de s'avertir
Homil.
73. in
Matt.
de leurs défauts. Quelle femme, dit‑
il, s'efforce aujourd'hui de retirer ſon
mari de ſes excès , & de le rendre un
veritable Chrétien ? Qui eſt l'homme  127des Gens Mariez Ch. XII. qui s'efforce de rendre ſa femme auſſi
reglée & auſſi vertueuſe qu'elle le doit
être? Ces ſoins & ces empreſſemens de
charité ſont maintenant inconnus au
monde.Les femmes s'occupent de leurs
ameublemens , de leurs habits , & de
tout ce qui contribue aux delices & au
luxe , & elles ſouhaitent pour cela d'ê-
tre plus riches.  Les hommes s'occu-
pent auſſi de ces mêmes bagatelles , &
de mille choſes semblables , qui ne re-
gardent toutes que l'accroiſſement de
leur bien, & les commoditez de la vie.
Et pour leur faire mieux compren-
Hom. in
illud Pſ.
48. Noti
timero
eum. & c.
dre qu'ils ſont obligez de s'appliquer
d'un commun conſentement à la prati-
que des bonnes œuvres , il leur repre-
ſente qu'Abraham & Sara travaillerent
également pour bien recevoir les hôtes
qui vinrent loger chez eux ; qu'Abra-
ham
alla lui - même à ſes troupeaux
pour y choiſir quelque piece de bétail
digne de leur être preſentée ; & que ſa
femme eut ſoin de pétrir du pain pour
leur en ſervir ; qu'ayant trois cens dix‑
huit ſerviteurs , ils ne ſe déchargerent
point ſur eux du ſoin de traiter leurs
hôtes, & qu'ils regarderent comme un
honneur de les pouvoir ſervir eux-mê-
mes.
Il ajoûte que cette conduite d'Abra-
ham
& de Sara eſt un exemple illuſtre
F iiij

128
La Vie
du zele avec lequel les maris & les
femmes doivent ſe porter à la vertu &
aux œuvres de charité.  Il veut qu'ils
ayent ſoin de l'imiter en toutes rencon-
tres. Il leur ordonne de penſer ſouvent
à la pieté & à la charité ardente de ces
deux perſonnes qui ont vécu dans le
Mariage , afin d'exciter leur ferveur ,
lorſqu'il s'agit de pratiquer la charité :
il dit qu'ils doivent apprendre de cette
Hiſtoire que le Mariage qui rend com-
muns entr'eux tous les avantages tem-
porels , les oblige à plus forte raiſon à
contracter une ſainte communauté de
vertus , & à s'animer les uns les autres
à la perfection chrétienne par leurs pa-
roles , & encore plus par leurs actions.
On dira peut - être que ce genre de
vie ne convient pas à des gens mariez ;
qu'on n'a pas raiſon de prétendre qu'ils
ſoient obligez de s'exercer continuelle-
ment à la pieté , & que cette regula-
rité regarde plutôt les Religieux &
les Eccleſiaſtiques , que les perſonnes
qui ſont engagées dans le monde , &
qui ſont chargées du ſoin & de la con-
duite d'une famille. Mais il me ſera fa-
cile de répondre à cette objection , &
& de faire voir qu'on ne doit point l'é-
couter , ni s'y arrêter , car les ſaints Pe-
res
l'ont refutée dans leurs Ecrits ; & je
n'ai qu'à me ſervir de leurs raiſonnemens

129
des Gens Mariez Ch. XII.
pour convaincre les lecteurs de ſon peu
de ſolidité.
Saint Jean Chryſoſtome après avoir
prouvé dans ſon Commentaire ſur ſaint
Matthieu , que les gens du monde , &
ceux mêmes qui contractent mariage,
ſont obligez d'être chaſtes , de s'abſte-
nir des ſpectacles & des divertiſſemens
illicites , & de mener une vie reglée &
conforme aux maximes de l'Évangile,
ſe propoſe cette même objection de la
part de ſes auditeurs ; & leur ayant fait
dire : Que voulez-vous donc que nous
Homil 7.
in Matt.
faſſions ? Irons-nous ſur les montagnes
pour nous faire Moines ?
Il leur ré-
pond en des termes qui juſtifient, qu'ex-
cepté quelques obſervances regulieres,
il ne fait aucune diſtinction entre les
gens mariez & les ſolitaires , lorſqu'il
s'agit d'obſerver les Commandemens
de Dieu
, & de pratiquer les vertus qui
ſont eſſentielles au Chriſtianiſme. C'eſt
cela même , leur dit - il , que je dé-
plore , que vous vous imaginiez qu'il
faille être ſolitaire pour être chaſte.
Les loix que JESUS-CHRIST a
établies ſont communes à tous les hom-
mes , lorſqu'il dit : Si quelqu'un voit
Matt. 5.
28.
une femme avec un mauvais deſir
, il ne
le dit pas à un ſolitaire , mais à celui
qui eſt engagé dans le mariage, puiſque
la montagne où il donnoit ces divines
F v  130La Vie loix, n'étoit pleine alors que de perſon-
nes mariées. Conſiderez par les yeux
de la foy ce qui ſe paſſe ſur les thea-
tres , & renoncez pour toujours à ces
ſpectacles diaboliques. N'accuſez point
la ſeverité de mes paroles.  Je ne vous
interdis point le Mariage ; je ne vous
empêche point de vous divertir , mais
je souhaite seulement que ce soit avec
modeſtie , & non d'une maniere bru-
tale & honteuſe.  Je ne vous oblige
point de vous retirer dans les deſerts ,
ni ſur les montages , mais d'être mo-
deſtes , bien reglez , humbles & chari-
tables au milieu des Villes.  Tous les
préceptes de l'Évangile nous ſont com-
muns avec les Religieux, excepté le ma-
riage ; & en ce point même S. Paul
veut vous égaler à eux , lorſqu'il dit ,
Que ceux qui ont des femmes ſoient comme
s'il13 n'en avoient point.
Ce ſaint Docteur combat encore dans
1. Cor. 7.
29.
un autre de ſes Ouvrages, ceux qui pré-
tendent qu'il n'y ait que les Moines qui
doivent ſe ſoumettre aux maximes de
l'Evangile , s'exercer à la pieté , & s'é-
tudier à la perfection ; & que les gens
mariez peuvent s'en diſpenſer , & me-
ner une vie mondaine et relâchée. Vous
vous trompez vous même
, dit-il, en
s'adreſſant à ceux qui vivent dans le ſie-
Lib. 3.
cle , ſi vous vous imaginez que les Moi-  131des Gens Mariez Ch. XII. nes ayent des obligations differentes de
advers.
vitupe-
rant. vit.
Monas.c.
12.
celles des gens du monde : car il n'y a
que cette difference entr'eux, que ceux‑
ci ſe ſoumettent aux liens du Mariage,
& que les autres en ſont exempts; mais
dans tout le reſte ils ſont obligez de vivre
de même maniere , & les fautes qu'ils
commettent , meritent les mêmes pei-
nes. En effet, qu'un Moine, ou qu'un
ſeculier ſe mette en colere ſans ſujet
contre ſon frere , c'eſt toujours le mê-
me peché : & quiconque regarde une
femme avec un mauvais deſir, ſera pu-
ni comme un adultere , en quelque
état qu'il ſoit , & quelque genre de vie
qu'il profeſſe. Tout de même tous ceux
qui jurent pour un ſujet ou pour un
autre, ſeront également punis: car lorſ-
que JESUS-CHRIST inſtruiſoit les
Diſciples ſur la matiere du jurement,
& qu'il publioit ſes loix , il n'a point
fait de diſtinction , & il n'a point dit :
Si celui qui jure eſt Moine , ſon jure-
ment eſt un mal ; & s'il n'eſt point
Moine , ce n'en eſt point un ; mais il
Matt. 5.
34. Luc.
6. 25.
dit abſolument : Et moi je vous dis que
vous ne juriez en aucune maniere
. Lorſ-
auſſi qu'il a dit: Malheur à vous qui riez:
il n'a point adreſſé son diſcours aux
ſeuls Moines, mais il a parlé generale-
ment à tous les hommes.
Il en a uſé de même dans tous les
F vj 132La Vie autres Commandemens qu'il a faits :
Matth.
5. v 3. &
ſeq.
car quand il a dit : Heureux les pauvres
d'eſprit ; heureux ceux qui pleurent ; heu-
reux ceux qui ſont doux; heureux ceux qui
ſont affamez & alterez de la juſtice; heu-
reux ceux qui ſont miſericordieux ; heu-
reux ceux qui ſont pacifiques ; heureux
ceux qui ſouffrent perſecution pour la ju-
ſtice !
il n'a point nommé les Moines
ni les ſeculiers , & il a parlé en gene-
ral. Et au fond la diſtinction qu'on fait
ordinairement entre les Moines & les
ſeculiers, ne vient que du caprice des
hommes ; les ſaintes Ecritures ne la
reconnoiſſent point ; & elles veulent
que tous les Fideles , même ceux qui
ſont mariez , vivent auſſi reguliere-
ment que les Moines.
Ecoutez auſſi, ajoute ce Pere , com-
ment parle ſaint Paul , lorſqu'il écrit
aux Fideles qui ſont mariez, & qui ont
des enfans à nourrir : il éxige d'eux
qu'ils ſe conduiſent d'une maniere auſſi
exacte & auſſi reguliere que les Moi-
nes : car il leur interdit non ſeulement
les delices & les voluptez en ce qui re-
garde la nourriture & les alimens ,
1. Tim. 2
9. ib. c. 5.
6. Ibid c.
6, 8.
mais toute ſorte de pompe & de ſomp-
tuoſité , par rapport aux vêtemens &
aux habits. Que les femmes, dit-il, ſoient
vêtues comme l'honnêteté le demande :
qu'elles ſe parent de modeſtie & de chaſ-
 133des Gens Mariez Ch. XII. teté , & non avec des cheveux friſez , ni
des ornemens d'or, ni des perles, ni des ha-
bits ſomptueux. Celle
, ajoute t-il, qui vit
dans les delices eſt morte, quoiqu'elle pa-
roiſſe vivante.  Ayant
, dit-il encore de
quoi nous nourrir & de quoi nous couvrir,
nous devons être contens
. Pourroit on éxi-
ger des Moines mêmes quelque choſe
de plus parfait ?
Ce ſaint Docteur parle enſuite des
vertus chrétiennes les plus éminentes ;
il fait voir que l'Ecriture oblige ceux
qui vivent dans le ſiecle à s'y exercer
comme les Moines ; & qu'elle deman-
de qu'ils soient auſſi reſervez dans leurs
paroles, auſſi vigilans pour étouffer tous
les mouvemens de la colere , auſſi éloi-
gnez de la vengeance , aussi appliquez
aux exercices de la charité , que le peu-
vent être tous les Solitaires : puis il con-
clut que la corruption du ſiecle , & le
relâchement qui regne parmi les Fideles,
ne vient que de ce qu'on s'imagine qu'il
faut que les Moines ſoient exacts & cir-
conſpects en toutes choſes ; & que les
gens du monde au contraire , peuvent
vivre dans la negligence , & ne ſont pas
obligez de veiller ſur eux-mêmes , ni de
ſe contraindre en aucune choſe.
Cette morale n'eſt pas particuliere à
Lib. de
abdicat.
rerum.
ſaint Jean Chryſoſtome ; ſaint Baſile la
ſuit auſſi : car il enſeigne dans plu-

134
La Vie
ſieurs de ſes Traitez , qu'il faut que les
gens mariez obéiſſent auſſi exactement
à l'Évangile que les Moines, parcequ'il
a été écrit également pour les uns &
pour les autres, & que c'eſt une loy qui
doit regler les mœurs de tous les Fi-
deles.  Il s'éleve avec force contre les
Homil. in
diteſcen-
tes.
peres & les meres qui ſe ſervent de la
conſideration des enfans dont ils ſont
chargez , comme d'une excuſe legitime
pour s'exempter de faire l'aumône , &
qui alleguent les prétendues neceſſitez
de leurs familles pour juſtifier leurs
épargnes , qui ne ſont qu'un effet de
leur cupidité: il leur demande s'ils peu-
vent ſe figurer que les préceptes de l'É-
vangile
qui condamnent l'avarice , ne
les regardent point , & qu'ils n'ayent
été faits que pour les Moines & les So-
litaires.
Il dit même que ceux qui vivent
Lib. de
abdicat.
rerum.
dans le monde doivent s'obſerver , &
veiller ſur eux - mêmes avec plus de
ſoin & plus d'exactitude que les Soli-
taires ; parceque le lieu qu'ils ont
choiſi pour leur demeure ſe trouve au
milieu des piéges , & dans l'empire
des puiſſances infernales qui ſe ſont
revoltées contre Dieu ; qu'ils ont con-
tinuellement devant les yeux les amor-
ces de toutes ſortes de pechez ; & que
des objets pernicieux excitent jour &

135
des Gens Mariez Ch. XII.
nuit tous leurs ſens , troublent leur
imagination & leur inſpirent une in-
finité de mauvais deſirs.
Il eſt donc conſtant que les per-
ſonnes mariées ſont obligées de s'exer-
cer à la pieté, & de s'appliquer à la
pratique des bonnes œuvres , & qu'ils
doivent ſe porter mutuellement à Dieu,
& cooperer au ſalut les uns des autres.
Il faut neanmoins ajoûter , que cette
obligation qui leur eſt commune , re-
garde les femmes d'une maniere encore
plus particuliere , parcequ'elles ont
plus de tems & de repos , & qu'elles ne
ſont pas deſtinées à des affaires fort im-
portantes , & qui occupent beaucoup
l'eſprit. Un homme, dit ſaint Jean
Homil.
60. in
Joan.
Chryſoſtome
, qui eſt obligé de paroî-
tre dans le barreau, & devant les tribu-
naux des Juges, eſt environné du trou-
ble & du tumulte du dehors , comme
d'autant de flots differens.  Mais une
femme qui eſt aſſiſe paiſiblement dans
ſa maison comme dans une école de
Philoſophie , & qui fait une reflexion
ſerieuſe ſur elle-même , peut s'appli-
quer à la prière, à la lecture, & à tous
les autres exerciſes de la pieté chré-
tienne. Comme les Solitaires qui ha-
bitent les deſerts n'ont perſonne qui
les trouble , ainſi une femme gardant
toujours la maison , peut jouir d'une  136La Vie tranquillité continuelle ; & quand mê-
me elle eſt obligée de ſortir , c'eſt
pour des occaſions qui ne lui donnent
pas d'inquietude ; & par conſequent
elle eſt toujours en état de vaquer aux
œuvres de pieté, & de cultiver la vertu.
Il faut donc que les femmes chré-
tiennes regardent le repos dont elles
joüiſſent , comme un moyen que Dieu
leur donne pour travailler à leur pro-
pre ſanctification avec plus de ſoin &
d'exactitude que ne peuvent faire leurs
maris, qui vivent presque toujours dans
l'embarras , & qui ſont redevables à
une infinité de perſonnes.  Il faut qu'el-
les fassent de frequentes prieres; qu'elles
adorent Dieu tres - ſouvent ; qu'elles ſe
mortifient en toutes rencontres ; qu'el-
les s'appliquent à des lectures spiri-
tuelles; qu'elles entendent aſſiduement
la parole de Dieu ; qu'elles élevent
leurs mains vers le Ciel, pendant que
leurs maris vaquent à leurs occupa-
tions exterieures, & qu'elles donnent à la
pieté & à la Religion , tout le tems
qui leur reſte après qu'elles ont ſatiſ-
fait à leurs devoirs ; & qu'elles ſoient
d'autant plus ſerventes dans le ſervice
de Dieu , qu'elles ſont moins chargées
d'affaires, & plus éloignées du tumulte
du monde.

137
des Gens Mariez Ch. XIII.
Bandeau.

CHAPITRE XIII.

De la paix & de l'union, qui doit regner
entre les maris & les femmes. Ce qu'il
faut qu'ils faſſent pour s'y maintenir.

Trois choſes, dit le Sage, plaiſent à
Eccl. 25.
1. 2.
mon eſprit , qui ſont approuvées de
Dieu & des hommes : l'union des freres ;
l'amour du prochain; un mari & une femme
qui s'accordent bien enſemble.
  C'eſt de
cette paix & de cette bonne intelligence
entre les perſonnes mariées , que j'ai
deſſein de parler dans ce Chapitre ; je
me propoſe de leur prouver , qu'il n'y a
rien qui leur ſoit plus neceſſaire , & qui
puiſſe davantage contribuer à leur veri-
table bonheur.
Un mari & une femme qui vivent
dans l'union , s'aſſiſtent & ſe conſolent
mutuellement , ils ſe parlent à cœur
ouvert , & ne ſe cachent rien de ce qui
les concerne; ils entrent dans les peines
& dans les afflictions les uns des au-
tres; ils y compatiſſent; & par ce moyen
ils les diminuent , & les rendent plus
legeres & plus faciles à ſupporter. Ils
s'appliquent enſemble , dit ſaint Jean
Chyſoſtome
, à donner une éducation
chrétienne à leurs enfans ; ils veillent
ſur leurs domeſtiques , & les maintien-

138
La Vie
nent dans le devoir ; ils édifient leurs
parens , leurs amis & leurs voisins, par
leur ſage conduite ; ils répandent par
tout la bonne odeur de JESUS-CHRIST.
Mais au contraire , lorſque la diſ-
corde regne entr'eux , ils uſent de re-
ſerve & de diſſimulation les uns envers
les autres; ils vivent dans une continuel-
le défiance; ils ne cherchent qu'à ſe faire
de la peine , & à ſe deſobliger ; ils ne
penſent ni à leurs enfans , ni à leurs do-
meſtiques ; ils n'écoutent & ne conſul-
tent que leurs paſſions dans tout ce
qu'ils entreprennent ; ils ſcandalisent
tout le monde par leurs querelles & par
leurs emportemens. C'eſt pourquoi on
ne ſçauroit rien faire de plus avanta-
geux pour eux & pour leurs familles ,
que de leur marquer en particulier ,
quels ſont les moyens par leſquels ils
peuvent ſe maintenir dans la paix &
dans l'union.
Il faut premierement qu'ils n'ayent
point d'attache à leur propre volonté ,
& qu'ils ſoient toujours prêts d'y renon-
cer, pour ſuivre celle de leurs époux. Si
une femme, par exemple, deſire de faire
une choſe, & qu'elle remarque que ſon
mari n'en ſoit pas d'avis , & qu'il y ait
de la repugnance , elle doit s'en priver
& s'en abſtenir , afin de lui plaire.  Si
le mari de ſon côté a des inclinations

139
des Gens Mariez Ch. XIII.
qui ſoient contraires à celles de ſa fem-
me , il faut qu'il y renonce pour le bien
de la paix , & afin de s'accommoder à
ſon humeur.
Ils ne doivent point dire qu'étant
libres , ils peuvent faire tout ce qu'ils
veulent , & qu'ils ne ſont pas obligez
de mortifier ainſi leurs volontez , lorſ-
qu'elles ſont legitimes en elles-mêmes,
& qu'elles ne les portent à rien de
mauvais: car ce ne ſont pas là des pen-
ſées dignes de Chrétiens : ils doivent,
pour obéir à l'Evangile , ſe faire une
violence continuelle , reconcer à eux-
mêmes , & acheter la paix au dépens
de leur humeur , de leurs inclinations,
de leur propre volonté , & de tout ce
qu'ils ont de plus cher & de plus pré-
cieux.
2. Ils doivent n'avoir point d'autre
intention que de concourir au bien de
leur famille ; n'agir que pour leurs in-
tereſts communs , & ne travailler que
pour leur utilité reciproque. Car c'eſt-
là un moyen tres-efficace pour entrete-
nir entr'eux une paix veritable , & une
union ſincere. On en peut juger par l'état
où ſe trouvoient les premiers Chrétiens;
n'ayant rien en leur particulier , & poſ-
ſedant tout en commun , ils vivoient
dans une union si parfaite ; que l'Ecri-
Act. 4.
32.
ture dit qu'ils n'avoient qu'un cœur &
une ame.

140
La Vie
Mais au contraire, s'ils viennent à
ſe propoſer des fins differentes ; s'ils
n'ont plus les mêmes intereſts , & s'ils
ne penſent qu'à s'enrichir chacun de
leur côté , & à faire des reſerves au
préjudice de leur famille , & pour en
profiter en leur particulier ; il eſt im-
poſſible qu'il y ait entr'eux une paix
ſolide & durable, parcequ'ils n'auront
point de confiance les uns pur les au-
tres ; qu'ils tomberont tous les jours
dans de nouveaux ſoupçons; qu'ils ne
s'appliqueront qu'à ſe ſurprendre & à
ſe tromper ; & qu'ils n'agiront jamais
enſemble avec la ſincerité & la ſimpli-
cité qui ſont neceſſaires à tous ceux
qui deſirent vivre dans la paix & dans
l'union.
3. Lorſque l'un des deux eſt en colere,
& prévenu de quelque paſſion , il faut
que l'autre évite de le contredire, & de
lui reſiſter ouvertement , de peur de
l'irriter encore davantage , & de n'ê-
tre cauſe qu'il s'emporte à quelque ex-
trémité fâcheuſe.  Il faut qu'il garde
un ſilence reſpectueux , ou qu'il ne
parle qu'avec beaucoup de prudence,
en ſorte qu'il ne condeſcende point à
ſa paſſion , & qu'il ne l'augmente pas
auſſi par une reſiſtance à contre tems.
Il faut en ces rencontres donner lieu à
la colere , c'eſt-à-dire , ſelon les ſaints

141
des Gens Mariez Ch. I.
Peres
, attendre qu'elle ſoit amortie ,
S. Baſil.
Hom. 10.
& par-
var. re-
gul.quaſt.
244.
ou même entierement paſſée , avant
que de rien dire, ni de faire aucune re-
montrance. Quand on voit qu'elle eſt
appaiſée , que le calme a ſuccedé à la
tempête , & que la raiſon s'eſt élevée
au deſſus de la paſſion qui l'avoit trou-
blée , on peut expliquer ſes intentions,
juſtifier ſa conduite , & tâcher de faire
rentrer en lui même, celui qui étoit tom-
bé dans l'emportement. Mais prévenir
ce tems , c'eſt en uſer , dit ſaint Baſile ,
comme un homme qui voudroit s'oppo-
ſer à l'impetuoſité d'un torrent , & qui
Ibid.
par ce moyen ſe mettroit en un danger
évident d'en être ſubmergé.
4. Non ſeulement ils ne doivent pas
reſiſter à celui d'entr'eux qui eſt en co-
lere , comme on vient de le dire , mais
ils ſont obligez de moderer la leur pro-
pre , de ſe contenir , & de ne rien faire
d'extraordinaire toutes les fois qu'ils ſe
ſentent émus & agitez de quelque paſ-
ſion.  Car alors ils ne ſont pas maîtres
d'eux-mêmes , ils ne jugent pas ſaine-
ment des choſes ; & tout ce qui leur
déplaît , & qui contrarie tant ſoit peu
leur volonté , les offenſe , les irrite &
Homil.
26. in
Matth.
les porte à la vengeance. Quand nous
ſommes en colere, dit ſaint Jean Chy
ſoſtome
, les moindres choſes nous im-
patientent ; & ce qui eſt le moins inju-  142La Vie rieux ſe groſſit à nos yeux , & nous pa-
roît un outrage ſanglant. Comme lorſ-
que nous aimons quelqu'un, les choſes
les plus inſuportables nous ſemblent
legeres ; de même lorſque nous haïſ-
ſons une perſonne , les choſes les plus
legeres nous paroiſſent inſuportables :
quoiqu'une parole ſoit dite ſans aucun
deſſein , nous nous imaginons qu'elle
part d'un cœur envenimé contre nous.
Il nous arrive alors ce que nous voyons
arriver au feu.  Tant qu'une étincelle
demeure petite elle ne conſume jamais
le bois; mais si elle ſe change en flamme,
elle dévore non ſeulement le bois, mais
les pierres mêmes; elle reduit en cendre
tout ce qu'elle rencontre ; & l'eau qui
éteint ordinairement le feu, ne ſert qu'à
l'allumer davantage , & lui donne une
nouvelle activité.  C'eſt ce qui ſe voit
dans la colere ; quoiqu'on nous puiſſe
dire en cet état , nous en abuſons , &
nôtre paſſion ſe nourrit de ce qui auroit
dû l'éteindre.
Ainſi lorſque les maris ou les fem-
mes ſentent de l'émotion dans leur cœur,
& qu'ils s'apperçoivent que quelque
mouvement de colere s'éleve dans leur
ame , il faut qu'ils veillent sur eux-
mêmes avec beaucoup de ſoin , de peur
que la paſſion ne les domine , & ne les
faſſe tomber dans quelque excès: il faut

143
des Gens Mariez Ch. XIII.
qu'ils demeurent en repos, & ſans rien
entreprendre , de crainte de paſſer les
bornes de la moderation , & de bleſſer
la juſtice.  Il faut qu'à l'exemple du
Prophete, ils prient Dieu de mettre un
Pſ. 140.
3.
frein à leur langue , & de tenir leur
bouche fermée, afin qu'ils ne proferent
aucune parole indiſcrette ; il faut qu'ils
attendent pour former quelque reſolu-
tion , & pour ſe déterminer à agir ,
que leur colere ſoit amortie , & leur
raiſon affranchie des paſſions qui l'ob-
ſcurciſſoient, & qui la jettoient dans le
trouble.
5. Il eſt sur-tout neceſſaire qu'ils ayent
ſoin de ſuivre en toutes rencontres ,
l'eſprit & les maximes de la charité ;
qu'ils ne faſſent rien dans leur domesti-
que ſans l'avoir auparavant conſultée ,
& qu'ils ne s'entr'aiment que dans la
vûe de plaire à Dieu , qui eſt la charité
même.
Or s'ils ſe conduiſent par les regles
de cette divine vertu,ils auront de grands
égards les uns pour les autres; ils ſe trai-
teront mutuellement avec beaucoup de
bonté ; ils ſe préviendront par des té-
moignages reſpectifs d'honneur & de
déference ; ils auront une patience infa-
tigable , quand il s'agira de s'entreſup-
porter ; ils diſſimuleront mille choſes
differentes qui arrivent dans les familles

144
La Vie
les plus unies , & qui ne laiſſeroient pas
de les troubler ſi on s'y arrêtoit trop ; ils
ſe parleront avec douceur ; ils éviteront
de s'aigrir & de s'offenſer les uns les
autres , & ils n'auront point d'autre in-
tention que de conſerver ent'eux une
paix inviolable.
6. S'il arrive pendant qu'un des
deux , du mari ou de la femme , ſe
conduit ſelon les regles & les maximes
qu'on vient de propoſer , que l'autre
ſe laiſſe aller à ſa mauvaiſe humeur ,
& même qu'il tombe dans le déregle-
ment , & qu'il s'emporte à quelques
excès ; il faut que celui qui eſt inno-
cent , reçoive cela en eſprit de peni-
tence , & qu'il s'en faſſe un ſujet de
merite. Il faut qu'il ſoit perſuadé que
Dieu veut l'éprouver par là , & qu'il
ſe ſert de la malice & des paſſions de
l'autre, comme d'un remede ſalutaire
pour le purifier de ſes propres pechez,
& pour le perfectionner dans la vertu.
In Pſ.34.
Il faut , dit ſaint Jean Chryſoſtome ,
qu'un pere qui ſe voit des enfans des-
obéiſſans & rebelles à ſes volontez ,
regarde leur revolte comme une peine
du peché qu'il a lui - même commis ,
en ſe revoltant contre Dieu.  Il faut
qu'un mari qui a une femme fâcheuſe
& incommode , conſidere qu'il a peut-
être autrefois abuſé de ſon pouvoir
contre

145
des Gens Mariez Ch. XIII.
contre d'autres femmes, & qu'il eſt juſte
que la ſienne l'exerce & l'afflige à son
tour.  Il faut que tous ceux qui éprou-
vent des peines & des afflictions dans
leurs propres familles, faſſent reflexion
qu'ils ont peut - être excité du trouble
& de la division dans celles de leurs
freres , & qu'ils meritent d'en être pu-
nis , & de ſouffrir ce qu'ils ont eux-
mêmes fait ſouffrir aux autres.
Voilà de quelle maniere les gens ma-
riez ſont obligez de ſe conduire pour
entretenir entr'eux l'union & la concor-
de; voilà auſſi l'uſage qu'ils doivent faire
des diſgraces & des tribulations qui les
affligent dans le ſecret de leurs familles.
S'ils ſont fideles à Dieu , & s'ils ont
un deſir ſincere de ſe ſauver, rien de tout
cela ne leur paroîtra difficile. Ils évite-
ront tout ce qui pourroit indiſpoſer &
offenſer les autres : ils ſouffriront eux-
mêmes avec humilité , & en eſprit de
penitence, toutes les peines & toutes les
mortifications qu'ils éprouveront de la
part de ceux pour qui ils ont tant d'é-
gards , & qu'ils épargnent avec tant de
ſoin. Et par conſequent ils ſeront toû-
jours dans la paix , & rien ne ſera ca-
pable de troubler leur union.




G

146
La Vie
Bandeau.

CHAPITRE XIV.


Que ceux qui s'engagent dans le Ma-
riage ne ſont plus maîtres de leurs corps.
Quelles conſequences il faut tirer de ce
principe.

Que les gens mariez ne ſoient plus
maîtres de leurs corps, & qu'il ne
leur ſoit pas permis d'en diſpoſer ſelon
leur volonté , c'eſt ce qu'il paroîtra évi-
dent à tous ceux qui ſeront inſtruits de
la nature & de l'eſſence du Mariage :
car elle conſiſte dans le droit que ceux
qui entrent dans cet état, ſe donnent les
uns aux autres ſur leurs propres corps :
c'eſt pourquoi S. Paul nous aſſure que
1. Cor. 7.
4.
le corps de la femme n'eſt point en ſa puiſ-
ſance , mais en celle du mari ; & que le
corps du mari n'eſt point en ſa puiſſance,
mais en celle de la femme.
  Cette ma-
xime étant conſtante , & n'ayant pas be-
ſoin d'être prouvée après l'autorité du
grand Apôtre , il n'eſt pas neceſſaire de
s'y arrêter davantage: il faut ſeulement
examiner quelles ſont les conclusions
qu'on en doit tirer.
Il s'enfuit 1. Que la femme qui eſt
ſoumiſe & inferieure à ſon mari dans
l'adminiſtration du bien , dans la con-
duite des affaires , & dans tout ce qui
concerne la vie civile, lui devient égale,

147
des Gens Mariez Ch. XIV.
lorſqu'il s'agit de l'uſage du Mariage,
c'eſt-à-dire, qu'elle a autant de droit
ſur le corps de ſon mari, qu'il en a ſur
Hom. 19.
in 1. ad
Cor.
le sien.  Saint Jean Chryſoſtome par-
lant de cette matiere , obſerve que l'E-
criture
, ſoit dans l'ancien , ou dans le
nouveau Teſtament, marque expressé-
ment que dans tout le reſte, le mari eſt
le maître & le ſuperieur ; que Dieu dit
à la femme dans la Geneſe : Vous ſerez
Cap.3.16.
ſous la puiſſance de vôtre mari, & il vous
dominera
; que ſaint Paul ordonne aux
femmes d'être ſoumiſes à leurs maris
comme au Seigneur , qu'il dit que le
mari eſt le chef de la femme , comme
JESUS-CHRIST eſt le chef de l'É-
Epheſ. 5.
22. & ſe-
quent. 6.
gliſe ; qu'ainſi que l'Egliſe eſt ſoumiſe
à JESUS-CHRIST, les femmes
doivent être ſoumiſes en tout à leurs
maris ; qu'il veut que le mari aime ſa
femme comme lui - même , & que la
femme craigne & reſpecte ſon mari.
Mais il ajoute que dans ce qui regarde
le Mariage l'on voit dans le même
Apôtre , que la femme eſt égale à ſon
mari, & qu'elle eſt maîtreſſe du corps
de ſon époux, comme il eſt maître de
celui de ſon épouſe.  Il conclut qu'on
peut dire qu'elle eſt en même tems la
maîtreſſe & la ſervante de ſon mari :
la maîtreſſe , puiſqu'elle a pouvoir ſur
ſon corps , & qu'elle en peut diſpoſer :
G ij

148
La Vie
la ſervante , parcequ'elle doit lui obéir
dans tout ce qui concerne la conduite
de ſa vie.
Lib. 22.
contra
Fauſtum
Manich.
c. 31.
Saint Auguſtin reconnoît auſſi cette
égalité entre le mari & la femme , par
rapport au Mariage , & ſe ſert de ce
principe, pour prouver que Sara ne fit
rien d'illégitime, lorſqu'elle porta Abra-
ham
à épouſer Agar ſa ſervante.  Il dit
même qu'elle le lui commanda , &
qu'elle n'exceda point en cela ſon pou-
voir , parcequ'ayant droit ſur le corps
de ſon mari , elle pouvoit , ſe voyant
ſterile, l'obliger à prendre une ſeconde
femme , ſelon l'uſage de ce tems-là, &
conformément à la diſpenſe que Dieu
avoit accordée à ſon peuple au sujet de
la poligamie , afin de donner naiſſance
à des enfans, & d'augmenter le nombre
de ceux qui adoroient le vrai Dieu.
2.  Le mari & la femme n'étant plus
maîtres de leurs corps, ils ſont obligez
de ſe rendre une déference reciproque,
& de ſe ſoumettre à la volonté l'un
de l'autre dans l'uſage du Mariage.
C'eſt ce que S. Paul veut nous marquer.
1. Cor. 7.
3.
lorſqu'il dit : Que le mari rende à ſa fem-
me ce qu'il lui doit , & la femme ce
qu'elle doit à ſon mari.
  Sur quoi il
Lib. de
Virg. c.
48. & in
Ps . 50.
faut obſerver avec ſaint Jean Chryſoſ-
tome
, que l'Apôtre appelle cela une
dette , afin de nous faire comprendre

149
des Gens Mariez Ch. XIV.
que celui du mari ou de la femme qui
reſiſte à l'autre dans ce point , lorſqu'il
n'a pas de raiſon legitime qui le diſpenſe
de lui obéir , commet une injuſtice vi-
ſible envers lui , ſe rend coupable des
plaintes , des impatiences & des mur-
mures où il tombe , & répond devant
Dieu des adulteres & des autres impu-
retez auſquelles il s'abandonne dans la
ſuite.
3.  Il ne leur eſt point permis de s'ab-
ſenter , ni d'entreprendre des voyages,
ſans un mutuel conſentement , parce-
qu'ils ne peuvent plus diſpoſer d'eux-
mêmes ; qu'ils ſont ſoumis l'un à l'au-
tre dans ce qui eſt une ſuite du Mariage;
& qu'ils ne doivent pas ſe priver du
droit que l'Apôtre nomme une dette ,
comme on vient de le dire.
4.  Il ne faut pas qu'ils ſe laiſſent
éblouir par un faux prétexte de pieté ,
ni qu'ils s'imaginent pouvoir s'engager
en aucune maniere à garder la conti-
nence ſans un conſentement récipro-
que : car les ſaints Peres declarent que
toutes les promeſſes qu'ils peuvent faire
à cet égard , ſont nulles & illicites , à
moins que les uns & les autres n'en
ſoient d'accord. Il ſe trouva une fem-
me du tems de S. Auguſtin , qui fit vœu
de continence ſans la participation de
ſon mari.  Ce Pere l'en reprit , & lui
G iij

150
La Vie
declara qu'elle avoit manqué en cette
rencontre , & qu'elle n'avoit pû s'en-
gager à cela que par la permiſſion de
Epiſt.
262.
ſon mari. Si votre époux , lui dit-il,
avoit voulu garder la continence , &
que vous n'y euſſiez pas conſenti , il
auroit été obligé de vous rendre le de-
voir, & il auroit eu devant Dieu le me-
rite de la continence , s'il avoit uſé en-
ſuite du Mariage, non pour ſuivre les
mouvemens de ſa concupiſcence, mais
pour s'accommoder à vôtre foibleſſe ,
& pour vous empêcher de tomber dans
l'adultere.  A plus forte raiſon êtiez-
vous obligée, vous qui avez la ſoumiſ-
ſion pour partage , de lui obéir dans
ce qui regarde l'uſage du Mariage, de
peur que le démon ne le portât à com-
mettre adultere ; & Dieu qui auroit vû
que vous deſiriez de garder la conti-
nence, & que la penſée ſeule de procu-
rer le ſalut de vôtre ami , vous en au-
roit détournée , auroit accepté vôtre
bonne volonté , & vous auroit récom-
pensée , comme ſi vous l'aviez effecti-
vement gardée.
Ce ſaint Docteur fit encore connoî-
tre en une autre occaſion , combien il
improuvoit la conduite des perſonnes
mariées qui s'engagent sans le consen-
tement les uns des autres à garder la
continence. Ayant été averti qu'un mari

151
des Gens Mariez Ch. XIV.
& une femme avoient fait vœu de ne
Ep. 127.
plus uſer du Mariage , il leur écrivit
pour les fortifier dans cette ſainte re-
ſolution , il leur repreſenta que cette
promeſſe qu'ils avoient faite à Dieu ,
leur lioit abſolument les mains ; qu'ils
ne pouvoient plus vivre enſemble com-
me autrefois ; & que ce qui leur avoit
été auparavant permis & licite , leur
ſeroit deſormais interdit.  S'adreſſant
enſuite au mari , il le congratula de ce
qu'il s'étoit ainſi imposé une heureuſe
neceſſité qui l'obligeroit à être meilleur,
& à ſuivre la perfection ; & il lui dit
qu'il ne devoit plus penſer qu'à accom-
plir le vœu que ſon cœur avoit formé ,
& que ſes levres avoient prononcé en
preſence du Seigneur.
Il ajouta neanmoins à la fin de ſa
Lettre une clause tres-importante , &
qui regarde la matiere dont nous par-
lons. Il ne pourroit y avoir , dit-il à
ce mari, qu'une ſeule raison qui m'em-
pêcheroit de vous porter à executer ce
vœu, & qui me détermineroit même à
vous en détourner.  Ce ſeroit , ſi vôtre
femme n'en étoit pas d'avis , & n'a-
voit pas voulu s'y ſoumettre , parce-
qu'elle ſe ſentoit foible & infirme. Car
ces ſortes de vœux ne ſe doivent faire
par les gens mariez que d'un commun
conſentement; & s'ils s'y portent incon-
G iiij 152La Vie ſiderément , & ſans l'avis l'un de l'au-
tre , bien loin qu'ils ſoient obligez de
les accomplir , il faut s'y oppoſer , &
arrêter leur temerité indiſcrete , parce
que Dieu défend d'uſurper le bien d'au-
trui , & qu'il ne veut pas qu'on exe-
cute les vœux qu'on a faits d'une choſe
dont on n'eſt pas maître ; & l'on ſçait
que ſelon l'Apôtre, les corps des maris
& des femmes ne ſont pas en leur puiſ-
ſance.
Le Pape Alexandre II. établit la mê-
me maxime dans la réponſe qu'il fit à
un mari, qui avoit forcé ſa femme en la
menaçant de la mort, à conſentir qu'il
33. q. 5.
c. 2.
ſe retirât dans un Monaſtere.  Car il
l'obligea de retourner avec elle , & il
lui déclara qu'il n'avoit pû la quitter
ſans ſon conſentement, & qu'il n'avoit
pas dû l'extorquer par des menaces &
par violence.
Mais on ne peut rien deſirer de plus
fort , ni de plus précis , que ce qu'un
ancien Pere
écrivit à Celancie14 pour
l'inſtruire ſur ce ſujet. J'ai appris , lui
Ep. 14.
in Ep.
Hier. c.8.
dit-il, que depuis quelques années l'ar-
deur admirable & toute extraordinaire
de vôtre foy vous avoit portée à pren-
dre reſolution de garder la continence,
& à conſacrer le reſte de vos jours à la
pureté. Ce deſſein marque la grandeur  153des Gens Mariez Ch. XIV. de vôtre eſprit, & l'excellence de vôtre
vertu, puiſque vous avez la force de re-
noncer tout d'un coup aux voluptez
que vous avez éprouvées, & d'étouffer
les flammes dont la jeuneſſe eſt ordinai-
rement embraſée. Mais j'ai appris en
même tems , non ſans beaucoup de
peine & de déplaiſir , que vous avez
commencé d'executer ce grand deſſein
ſans le conſentement de vôtre mari, &
contre la défenſe expreſſe de l'Apôtre,
qui en cela ſoumet non ſeulement la
femme à la volonté de ſon mari, mais
auſſi le mari à celle de ſa femme, lorſ-
qu'il dit : Le corps de la femme n'eſt point
1. Cor. 7.
4.
en ſa puiſſance, mais en celle de ſon mari;
& le corps du mari n'eſt point en ſa puiſ-
ſance, mais en celle de ſa femme.
Pour
vous , comme si vous aviez oublié les
loix & les promeſſes du Mariage , &
que vous euſſiez entierement perdu la
memoire de ſes droits & de ſes devoirs,
vous avez fait vœu à Dieu de garder la
chaſteté ſans l'avis & le conſentement
de vôtre mari. Certes l'on fait une pro-
meſſe bien témeraire & bien dangereu-
ſe quand on promet ce qui eſt encore au
pouvoir d'autrui ; & un preſent ne peut
être fort agreable, lorſqu'une ſeule per-
ſonne offre une choſe qui eſt à deux.
Auſſi avons nous appris & reconnu avec
beaucoup de regret, que pluſieurs Ma-
G v 154La Vie riages ont été troublez par cette igno-
rance, & que cette chaſteté inconſide-
rée a fait commettre des adulteres; par-
ceque durant que l'un des deux s'ab-
ſtient des choſes qui ſont permiſes ,
l'autre ſe porte à celles qui ſont défen-
duës.  Or je ne ſçai pas qui eſt le plus
coupable en cette rencontre, ou le ma-
ri qui étant rejetté de ſa femme, tombe
dans l'adultere, ou la femme qui en l'é-
loignant d'elle , le porte en quelque
façon à le commettre.
5. Puiſque ceux qui ſe marient ne
ſont plus maîtres de leurs corps , il eſt
évident qu'ils pechent fort griévement,
& qu'ils ſe rendent tres criminels, toutes
les fois qu'ils s'approchent d'une per-
ſonne étrangere , & qu'ils commettent
adultere, parcequ'ils manquent à la fide-
lité qu'ils se sont promise ; qu'ils dispo-
ſent de ce qui n'eſt plus à eux , & qu'ils
violent ouvertement la juſtice.  Mais
comme cette matiere eſt d'une fort gran-
de étendue , & qu'elle ne peut pas être
éclaircie en peu de paroles , il en faut
faire un Chapitre particulier.
Cul de lampe.

155
des Gens Mariez Ch. XV.
Bandeau.

CHAPITRE XV.

Du peché d'adultere; qu'il eſt tres-énorme;
qu'il empêche ceux qui l'ont commis de
ſe marier enſemble; que l'un des deux, du
mari ou de la femme , ne peut pas s'y
abandonner, même du conſentement de
l'autre ; qu'il eſt défendu auſſi-bien aux
hommes qu'aux femmes : ſçavoir si les
maris qui y tombent ſont auſſi, ou moins
coupables que les femmes qui y ſuccom-
bent.

Tous ceux qui feront une reflexion
ſerieuse aux conſiderations ſuivan-
tes, demeureront d'accord de l'énormité
du peché d'adultere.
Il eſt directement oppoſé à la pro-
meſſe ſolemnelle que ſe font ceux qui
ſe marient, de ſe garder une fidelité in-
violable.
Il combat l'ordre de la juſtice , qui
veut qu'on ne dépouille perſonne du
droit qui lui eſt acquis.  Or on a vû au
Chapitre précedent, que le corps du ma-
ri n'eſt plus en ſa puiſſance, mais en celle
de ſa femme , & que celui de la femme
eſt auſſi en la puiſſance de ſon mari ; &
par conſequent ils violent cette vertu ,
lorſqu'ils les proſtituent à des perſonnes
étrangeres , parcequ'ils diſpoſent d'une
G vj

156
La Vie
choſe dont ils ne ſont plus les maîtres, &
qui appartient à autrui.
Il fait injure aux enfans , parcequ'il
rend leur naiſſance incertaine.
Il remplit les familles de trouble & de
confuſion, parcequ'il y introduit des per-
ſonnes qui n'en ſont pas , & qu'il eſt cau-
ſe qu'ils recueillent des ſucceſſions qui
ne devroient point leur appartenir.
Il met la mesintelligence entre les ma-
ris & les femmes ; il les rend ennemis
mortels ; & ſouvent même il les engage
à ſe porter aux dernieres extrémitez.
Qu'on liſe après cela les ſaintes Ecri-
tures
, on y trouvera par tout des preu-
ves de ſon énormité. L'Ecclesiaſtique dit
qu'il produit la plûpart des deſordres
qu'on vient de marquer. Car après avoir
parlé de la punition d'un homme qui
tombe dans ce crime, il ajoute.
Ainſi perira encore toute femme qui aban-
Eccl. 23.
32. seq.
donne ſon mari, & qui lui donne pour heri-
tier celui d'un autre: car premierement elle
a deſobéi à la Loi du tres-Haut.  Seconde-
ment elle a peché contre ſon mari. Troiſié-
mement elle a commis un adultere ; & elle
s'eſt donnée des enfans d'un autre que de
ſon mari.
Il décrit enſuite comment tout le mon-
de s'élevera contre elle : il nous aſſure
que ſes enfans ſeront marquez d'une no-
te perpetuelle d'infamie , & qu'ils ne

157
des Gens Mariez Ch. XV.
proſpereront jamais. Cette femme, dit-il,
ſera amenée dans l'aſſemblée, & on exami-
nera l'état de ſes enfans. Ils ne prendront
point racine , & ſes branches ne porteront
point de fruit. Sa memoire ſera en maledic-
tion, & ſon infamie ne s'effacera jamais.
Le Prophete Malachie déclare que ce
peché irrite Dieu , l'oblige de détourner
ſa face de deſſus les hommes,& le porte à
rejetter leurs offrandes & leurs ſacrifices.
Vous avez, dit Dieu aux Juifs par la bou-
che de ce Prophete , couvert l'Autel du
Seigneur de larmes & de pleurs ; vous
Malac.
2. 13. 4.
15.
l'avez fait retenir de cris : c'eſt pourquoi
je ne regarderai plus vos ſacrifices;& quoi-
que vous faſſiez pour m'appaiſer, je ne re-
cevrai point de preſent de vôtre main. Et
pourquoi , me direz-vous , nous traiterez-
vous de la ſorte ? Parceque le Seigneur a
été le témoin de l'union que vous avez con-
tractée avec la femme que vous avez épou-
ſée dans vôtre jeuneſſe , & qu'après cela
vous l'avez mépriſée, quoiqu'elle fût vôtre
compagne & vôtre femme legitime par le
contrat que vous aviez fait avec elle. N'eſt-
elle pas l'ouvrage du même Dieu ; & n'eſt-
ce pas ſon ſouffle qui l'a animée comme
vous ? Et que demande cet Auteur unique
de l'un & de l'autre , ſinon qu'il ſorte de
vous une race d'enfans de Dieu? Conſervez
donc vôtre eſprit pur & ne mépriſez pas la
femme que vous avez priſe dans vôtre jeu-
neſſe.

158
La Vie
La Loy écrite puniſſoit même de mort
les adulteres.  Si quelqu'un , dit Moïſe
Cap. 20.
10.
dans le Levitique, abuſe de la femme d'un
autre , & commet adultere avec la femme
de ſon prochain , que l'homme adultere &
la femme adultere meurent tous deux.
L'Evangile qui eſt une Loy de grace,
Matth.5.
32.
ne prononce pas à la verité la peine de
mort contre ceux qui ſont coupables de
ce peché ; mais JESUS-CHRIST
nous enſeigne qu'il eſt une cauſe ſuffi-
ſante de ſéparation & de divorce entre
un mari & une femme. Sur quoi ſaint
Auguſtin
dit que l'adultere eſt un ſi
Lib. 1. de
ſerm.
dom. in
monte. c,
16.
grand mal , qu'encore qu'il n'y ait rien
au monde de ſi indiſſoluble que le Ma-
riage , il en cauſe neanmoins la diſſolu-
tion. (Ce qui ne s'entend que d'une diſ-
ſolution exterieure : car le lien demeure
toujours, & n'eſt rompu que par la mort
de l'une ou de l'autre des parties. )
Enfin S. Paul nous aſſure que les adul-
3. Cor. c.
10.
teres ne ſeront point heritiers du royau-
me de Dieu.
Le Seigneur nous a aſſez marqué par
les châtimens qu'il a pris de David , que
ce peché eſt tres-grand & tres-grief : car
après avoir touché ce Prince d'un re-
pentir tres-ſincere, il vengea neanmoins
l'injure qu'il avoit faite à Urie , par une
infinité de plaies dont il le frappa , &

159
des Gens Mariez Ch. XV.
dans ſa perſonne, & dans celle de ſes en-
fans, juſqu'à le mettre dans un extrême
peril de perdre tout enſemble & la cou-
ronne & la vie.
Les peines que l'Egliſe veut que l'on
impoſe à ceux qui commettent ce cri-
me , juſtifient encore qu'on a toujours
crû qu'il eſt tres-énorme : car il y a des
Canons qui ordonnent qu'on les met-
Conc.
Ancir. c.
20.
tent en penitence pendant ſept ans , &
quelquefois davantage ; & même dans
les premiers ſiecles on leur refuſoit ab-
ſolument la grace de la reconciliation,
Albas ſp.
obſerv. l.
2. obſerv,
17.
& on les traitoit avec la même ſéverité
que les homicides & les idolâtres, c'eſt-à-
dire , ceux qui ayant renoncé à la foy
ſacrifioient aux Idoles.
L'on voit même par les Loix Romai-
nes, que ce crime a toujours été conſide-
ré comme un des plus griefs & des plus
dangereux à la ſocieté civile , & qu'on
ne vouloit point qu'on fiſt aucune grace
à ceux qui en étoient coupables. Car il
Cod. de
tranſact.
l. 18.
n'étoit point permis d'en tranſiger ; &
les Empereurs ayant coutume de faire
élargir les Priſonniers à la ſolemnité de
Pâque15 , ils en exceptoient les adulteres,
& les jugeoient indignes d'être mis en
Cod.de.
Epiſcop.
aud. l. 3.
liberté aux approches de cette grande
Fête , parcequ'ils la deshonoroient par
leur perſidie & par leur impureté.
C'a auſſi été pour inſpirer aux hom-

160
La Vie
mes de l'horreur de ce crime , que les
loix tant civiles qu'Eccleſiaſtiques , ont
L Claud.
Seluc. ff.
de his qua
ut indign.
défendu à ceux qui y étoient tombez, de
ſe marier enſemble. Le celebre Juriſcon-
ſulte Papinien , conſulté à l'occaſion
d'un homme qui ayant été condamné
comme adultere , épouſa enſuite la fem-
me qu'il avoit corrompue , & lui laiſſa
même tous ſes biens par ſon teſtament ,
répondit que ce Mariage avoit été nul &
illégitime, & qu'il falloit priver cette fem-
me de la ſuccession du défunt, & l'appli-
quer au Fiſc. L'on trouve dans Gratien plu-
3. q, I. c.
1. & e.
Ibid c. 4.
ſieurs Decrets qui interdiſent le Mariage
à ceux qui ſe ſont abandonnez à ce cri-
me. Et quoique cette défenſe ait été dans
la ſuite reſtrainte à ceux & à celles qui
Cap. Lau-
dab. de
conv. in-
fidel.
ont conſpiré contre la vie de leurs époux
pour ſe marier avec leurs adulteres , ou
qui ſe ſont engagez par ſerment à les
épouſer ; il eſt toujours vrai de dire que
ces anciennes Conſtitutions prouvent
que ce peché eſt tres-énorme en lui-mê-
me.
La deſcription que Saint Hilaire fait
d'un homme qui s'y abandonne , le juſ-
tifie encore. Combien, dit-il, celui qui
ſe laiſſe dominer par ſes paſſions, & qui
ſuit aveuglément les mouvemens de ſa
concupiſcence , ne ſe deshonore-t il
point lui-même? Il eſt toujours attentif
à trouver des occaſions de commettre 161des Gens Mariez Ch. XV. des adulteres,& il ne cherche qu'à pou-
voir aſſouvir en ſecret , & comme à la
In. Ph?
25.
dérobée , ſa brutalité. Ses yeux ne s'oc-
cupent qu'à découvrir des lieux de pro-
ſtitution ; ſon eſprit ne penſe à rien au-
tre choſe ; & il y abandonne ſon corps
ſans aucune reſerve. Entendant conti-
nuellement parler des loix que les hom-
mes ont faites contre ceux qui commet-
tent des adulteres , & les voyant affi-
chées dans les places publiques , il en
prend occaſion de penſer a des impu-
retez & à des adulteres.  Il craint au
milieu des crimes qu'il commet, & ce-
pendant il n'a pas soin d'éviter ce
qu'il craint.
L'on a dit ci-deſſus qu'une des cir-
conſtances qui aggrave le plus ce crime,
c'eſt que celui du mari ou de la femme
qui le commet , fait injure à l'autre , &
viole la juſtice à ſon égard , uſant de ſon
corps contre ſa volonté.  Il ne faut pas
neanmoins s'imaginer que quand l'un
des deux y conſentiroit , l'autre puiſſe
s'abandonner à une perſonne étrangere:
car ſi alors celui qui donneroit ſon con-
ſentement ne recevoit point d'injure ,
ſuivant cette maxime commune , volenti
non fit injuria
, on n'eſt point cenſé faire
injure à celui qui conſent à ce que l'on exe-
cute
; l'autre qui ſe proſtitueroit ne laiſſe-
roit pas de pecher , & de ſe deshonorer

162
La Vie
lui-même: car ſaint Paul nous aſſure que
1. Cor. 6.
28.
celui qui commet fornication, & qui ſuit
l'impureté , peche contre ſon propre
corps, & viole le Temple du ſaint Eſprit:
outre cela il feroit tort & injure aux en-
fans qui pourroient naître d'une telle
conjonction.
C'eſt pourquoi ſaint Auguſtin enſei-
gne qu'il n'eſt point permis à une fem-
Lib. 22.
contra
Fauſt.
c. 3.
& Lill.1.
de ſerm.
Dom. in
monte c.
16.ſerm.
392.
me de ſe proſtituer à un homme, quand
même ſon mari y conſentiroit , & que
le mari ne doit pas non plus s'approcher
d'une autre femme , même avec la per-
miſſion de la ſienne. Il ſoutient au con-
traire que les femmes ſont obligées de
reſiſter à leurs maris en ces rencontres, &
de faire tout leur poſſible pour les dé-
tourner de l'impureté ; qu'elles ne doi-
vent chercher à être loüées d'eux , ni à
leur plaire en diſſimulant , & en ſouf-
frant leurs débauches, parcequ'une telle
patience eſt indigne des Chrétiens ; qu'il
faut qu'elles ſoient jalouſes de leurs ma-
ris , non par des motifs humains & char-
nels , mais par le deſir de procurer leur
bien ſpirituel , & parcequ'elles ſçavent
qu'ils ne peuvent s'abandonner au li-
bertinage, ſans mettre leur ſalut en dan-
ger ; que dans tout le reſte elles doivent
leur être ſoumiſes , leur obéir exacte-
ment , ſe regarder comme leurs ſervan-
tes, & ſouffrir leurs mauvaiſes humeurs

163
des Gens Mariez Ch. XV.
& leurs emportemens ; mais que lors-
qu'elles voyent qu'ils deshonorent leur
Mariage par des commerces illicites ,
elles ſont obligées d'en gémir , de s'en
plaindre, de ſoutenir leurs droits, & de
s'oppoſer à leur vie licentieuſe.
Il y a eu quelques Auteurs prophanes
qui ont dit que l'adultere n'eſt défendu
qu'aux femmes. Mais ce qu'on vient de
repreſenter de ſaint Auguſtin juſtifie aſ-
ſez le contraire ; il ſeroit facile de rap-
porter pluſieurs autres paſſages de ce
ſaint Docteur , où il dit en termes pré-
cis , qu'il n'eſt permis ni aux hommes
ni aux femmes de commettre des adul-
teres.
Lactance qui a défendu nôtre Reli-
gion contre les infideles, remarque qu'il
ne faut pas s'arrêter à leurs loix , qui
n'étoient fondées que ſur une politique
corrompue , & qu'on doit s'en tenir à
la loy de Dieu , qui n'a mis aucune dif-
ference en ce point entre le mari & la
femme. Après , dit-il , qu'un homme
Lib. 6.
divin.
Inſtit.
cap. 20.
eſt marié , il eſt obligé de garder la fi-
delité à ſon épouſe , & il ne lui eſt
point permis de frequenter aucune autre
femme , de quelque condition qu'elle
puisse être , libre ou eſclave. Car il ne
faut pas avoir égard à cette loy pro-
phane & politique, qui condamne une
femme d'adultere , lorſqu'elle s'aban- 164La Vie donne à d'autres qu'à ſon mari; & qui
ne regarde pas comme un adultere, un
mari qui ſe corrompt avec pluſieurs
femmes.  En effet , puiſque la loy de
Dieu unit le mari & la femme par le
lien du Mariage , & qu'elle fait qu'ils
ne ſont plus qu'un ſeul & même corps,
il eſt certain que celui-là eſt adultere
qui rompt cette ſainte union par ſon
impudicité.
La Doctrine de S. Jerôme ſert encore
Epiſt.30.
à refuſer cette erreur. Parmi-nous , dit-
il , & dans notre ſainte Religion, ce qui
eſt défendu aux femmes , l'eſt auſſi aux
hommes; & en ce qui regarde la pureté,
les uns & les autres ont les mêmes obli-
gations.
Saint Gregoire de Nazianze & ſaint
Ambroiſe
ſe ſont auſſi élevez contre les
maris qui prétendent avoir droit d'obli-
ger leurs femmes à leur garder la fideli-
Orat. 31.
té , pendant qu'ils leur ſont eux mêmes
infideles. Avec quel front , leur dit le
premier, éxigez-vous la pureté de vos
épouſes, puiſque vous ne la gardez pas
vous-même? Que perſonne ne ſe flatte,
dit S. Ambroiſe, & ne ſe croye en aſſu-
Lib. 1. de
Amb. c.
4.
rance , ſous prétexte qu'il y a des loix
humaines trop favorables aux maris.
Le commerce qu'ils ont avec d'autres
femmes, eſt un veritable adultere : ce
qui eſt défendu à la femme , ne peut  165des Gens Mariez Ch. XV. être permis au mari , il eſt obligé à la
même pureté qu'elle.
Mais il ſeroit inutile de chercher d'au-
tres autoritez ſur ce ſujet : car l'on a vû
ci-deſſus , que la Loy écrite condamnoit
à la mort, non ſeulement la femme adul-
tere, mais auſſi l'homme qui s'abandon-
noit à ce crime.  Le Sage avant que de
décrire la punition de la femme adulte-
re , parle de celle du mari qui commet
ce même peché.  L'homme , dit-il, qui
viole la foy du lit conjugal , mépriſe ſon
ame. Il ſera puni dans les places publiques.
Eccli. 1.
23. 25.
30. 31.
Il ſera mis en fuite comme le poulain de la
cavale ; & il ſera pris lorſqu'il s'y atten-
doit le moins. Il ſera deshonoré devant tout
le monde, parcequ'il n'a pas compris ce que
c'étoit que de craindre le Seigneur.
  Et
S. Paul prononce que le corps de la femme
n'eſt pas en ſa puiſſance , mais en celle de
ſon mari ; & que de même le corps du mari
n'eſt pas en ſa puiſſance, mais en celle de ſa
femme.
Ainsi il est certain que l'adultere
eſt également défendu au mari & à la
femme ; & qu'un homme qui s'abandon-
ne à l'impureté, peche tres-griévement,
& viole la loy de Dieu , puiſqu'il fait un
mauvais uſage de ſon corps , & qu'il en
diſpoſe au préjudice de celle à qui il ap-
partient.
Quant à la queſtion que l'on propoſe
ordinairement , ſçavoir lequel des deux,

166
La Vie
du mari ou de la femme qui commet
adultere , eſt le plus criminel , on pour-
roit dire que la conſideration des enfans
dont la naiſſance eſt incertaine , lorſque
la femme a commerce avec pluſieurs
hommes , aggrave ſon peché : car on
ne peut pas diſcerner quel eſt le pere des
enfans qu'elle met au monde , ce qui est
un inconvenient tres-conſiderable , &
qui trouble la ſocieté civile. Mais nean-
moins il faut répondre avec les ſaints
Peres
, que le mari qui tombe dans l'im-
pureté , eſt plus coupable que la fem-
me qui commet le même peché ; parce-
qu'ayant plus de force d'esprit , il doit
être plus maître de ſes paſſions ; parce-
que connoiſſant plus parfaitement la dif-
formité du peché , il lui eſt plus hon-
teux d'y ſuccomber ; parcequ'étant le
chef de ſa femme , il doit la préceder
dans le chemin de la vertu , & lui en
donner l'exemple , comme le déclarent
les ſaints Docteurs de l'Egliſe. Les ma-
Lib. 2. de
adulter.
conjug. c.
8.
ris dit S. Augustin , s'indignent contre
nous, lorſque nous leur diſons qu'ils ſe-
ront punis de la même maniere que les
femmes, s'ils commettent adultere. Ils
prétendent que leur étant ſuperieurs
ils ne doivent pas être ſoumis aux mê-
mes peines qu'elles dans cette rencon-
tre : comme ſi leur état & leur condi-
tion ne les obligeoit pas encore plus que 167des Gens Mariez Ch. XV. les femmes à réprimer leurs paſſions, à
ne ſe pas laiſſer dominer par leur chair,
& à marcher dans les voies de la juſti-
ce ? Ainſi bien loin de trouver mauvais
qu'on les avertiſſent qu'ils ſouffriront
les mêmes peines que les femmes, s'ils
s'abandonnent à l'adultere, ils doivent
ſçavoir qu'ils en méritent de bien plus
griéves qu'elles, parcequ'ils ſont obli-
gez de les ſurpaſſer en vertu , & de les
conduire par l'exemple de leur vie &
de leur actions innocentes. Tantò gra-
viùs eos puniri oportet, quantò magis ad
eos pertinet, & virtute vincere, & exem-
plo regere fœminas.
Mais ſans s'arrêter davantage à cette
queſtion, il faut conclure en finiſſant ce
Chapitre , que l'adultere eſt tres-crimi-
nel ; que tous les Fideles doivent s'en
éloigner comme d'un tres-grand peché,
& que les hommes y ſont obligez auſſi-
bien que les femmes , parceque la loy
de Dieu eſt generale, & ne ſouffre point
d'exception : que cette parole, non mœ-
chaberis
, Vous ne commettez point d'a-
Exod. 20.
14.
Matth.5.
27.
Heb. 15.
4.
dultere
, regarde tout le monde ; & que
S. Paul déclare que Dieu condamnera à
ſon Jugement dernier tous les fornica-
teurs & tous les adulteres.

168
La Vie
Bandeau.

CHAPITRE XVI.

Qu'il faut conſeiller aux gens mariez de
garder la continence les jours qu'ils doi-
vent approcher de la ſainte Euchariſtie.
Que cette pratique est autorisée par L'E-
criture ſainte
, par la doctrine des ſaints
Peres
, par les Canons de l'Egliſe, & par
l'exemple des Saints, & des perſonnes
de pieté.

CE que je dois repreſenter dans ce
Chapitre , regarde à la verité tous
les Sacremens de l'Egliſe , car ils ſont
tous tres-ſaints , & il n'y en a aucun qui
ne merite qu'on y apporte une tres-gran-
de préparation. Mais neanmoins comme
il y en a deux auſquels nous participons
plus ſouvent qu'à tous les autres , c'eſt
à eux particulierement qu'il faut s'arrê-
ter , lorſqu'on traite de la continence
conjugale, & qu'on a deſſein d'inſtruire
les gens du monde de la pureté qui leur
convient, & qu'ils doivent garder dans
l'état du Mariage.  Les ſaints Peres en
ont uſé de cette maniere ; & l'on recon-
noît , en liſant leurs Ouvrages , que
c'eſt preſque toujours par rapport à l'Eu-
chariſtie & à la Penitence qu'ils parlent,
lorſqu'ils enseignent que pour se prépa-
rer à la reception des Sacremens, il faut
redoubler

169
des Gens Mariez Ch. XVI.
redoubler ſon affection pour la pureté, &
s'abſtenir pendant quelques jours de
l'uſage du Mariage.
Je rapporterai dans le Chapitre ſui-
vant ce qu'ils ont dit de la Penitence ;
ainſi je me contenterai d'expliquer dans
celui - ci ce qui regarde la ſainte Eucha-
riſtie.
L'Ecriture nous apprend, que lorſque
Dieu voulut donner la Loy écrite aux
Juifs , il leur commanda de ſe purifier
auparavant pendant pluſieurs jours. Al-
lez trouver le peuple
, dit-il à Moïse, pu-
Exod. 19.
10.
rifiez & ſanctifiez - les aujourd'hui , &
demain qu'ils lavent leurs vêtemens
. Ce
ſaint Prophete
qui étoit porteur des or-
dres de Dieu
, leur marqua en particulier,
que c'étoit par la continence qu'ils de-
voient ſe preparer à recevoir cette inſi-
gne faveur du Ciel.  Soyez prêts pour le
troiſiéme jour
, leur dit - il , & ne vous
approchez point de vos femmes.
En effet,
il n'y a rien qui ſoit plus capable d'attirer
ſur nous les graces de Dieu que la pu-
reté , & qui nous mette plus en état
de les recevoir, & d'en profiter.
Mais il faut paſſer à quelque choſe qui
ait plus de rapport à la ſainte Euchariſtie.
Tout le monde ſçait que les Pains de
propoſition16 en étoient la figure. Or il
falloit avoit gardé la continence pen-
dant pluſieurs jours avant que d'en man-
H

170
La Vie
ger.  Ce qui arriva à David en eſt une
c. Reg.21.
preuve certaine.  Ce Prince ayant été
obligé de prendre la fuite, pour éviter la
colere injuſte de Saül , ſe retira dans la
Ville de Nobé ; & ſe ſentant preſſé de la
faim, il demanda au Prêtre Achimelech
s'il n'avoit rien qu'il pût lui donner à
manger. Celui - ci lui répondit qu'il
n'avoit point de pains communs qui puſ-
ſent être mangez par le peuple ; qu'il ne
lui en reſtoit que de ſaints qui avoient
été preſentez au Seigneur ; mais que
pour en manger , il falloit être pur , &
ne s'être approché d'aucune femme de-
puis pluſieurs jours. Et David lui ayant
aſſuré qu'il y avoit trois jours qu'il n'a-
voit eu la compagnie d'aucune femme ,
il lui donna de ces Pains de propoſition17.
L'on voit encore dans les Livres de
Num. 9.
Moïſe , que ceux qui avoient quelque
impureté legale, ne pouvoient pas man-
ger l'Agneau Paſcal18 avec les autres Iſraë-
lites
; & qu'on leur remettoit la Pâque19 à
un autre tems , afin qu'ils euſſent le loi-
ſir de se purifier , & de s'y preparer.
S'il falloit tant de pureté pour manger
des Pains & un Agneau , qui n'étoient
que la figure de l'Echariſtie ; que l'on
juge s'il n'eſt pas convenable que ceux
qui veulent ſe preſenter à l'Autel sacré
qui porte l'Agneau ſans tache , & parti-
ciper à la veritable Pâque20, ſoient tres-

171
des Gens Mariez Ch. XVI.
purs , & qu'ils ayent gardé la continence
pendant quelques jours.
Il n'eſt pas même beſoin d'avoir re-
cours à cette comparaiſon des Pains de
propoſition21 & de l'Agneau Paſcal22 , pour
prouver cette verité , puiſque S. Paul
l'établit en termes clairs & précis. Que
1. Cor. 7.
3. 5.
le mari
, dit-il, rende à ſa femme ce qu'il
lui doit; & la femme ce qu'elle doit à ſon
mari. Ne vous refuſez point l'un à l'autre
ce devoir, ſi ce n'eſt d'un commun conſente-
ment, afin de vous exercer à l'oraiſon ; vi-
vez enſuite enſemble comme auparavant, de
peur que le démon ne prenne ſujet de vôtre
incontinence de vous tenter.
Cet oracle prononcé par ce grand
Apôtre
, oblige ſans doute les gens ma-
riez à garder la continence , lorſqu'ils
ont deſein d'approcher des choſes ſain-
tes, & particulierement du Sacrement
auguſte de nos Autels , qui eſt le Saint
des Saints , & que les Peres de l'Egliſe
ſoutiennent que ce Docteur des Nations
a voulu déſigner, quand il a parlé de va-
quer à la priere : parcequ'en effet l'Eu-
chariſtie eſt conſacrée par une priere
toute myſterieuſe; qu'il faut faire beau-
coup de prieres avant que d'y partici-
per; & qu'elle eſt elle-même une priere
tres - efficace , puiſqu'elle contient le
Corps, l'Ame & la Divinité de celui qui
eſt toujours vivant pour interceder en
notre faveur.
Hij

172
La Vie
Pour ce qui eſt des ſaints Peres, l'on
trouve dans les Ecrits qu'ils nous ont laiſ-
ſez , une infinité de témoignages , qui
prouvent avec évidence, qu'ils ont con-
ſeillé aux Fideles de ſe purifier avec beau-
coup de ſoin , & de garder la continence ,
avant que de ſe preſenter à la ſainte Ta-
ble.
Saint Clement Alexandrin , dans les
Inſtructions qu'il a dreſſées pour tous les
Pedag.
Lib. 2. c.
10.
Fideles , marque expreſſément qu'il faut
ſe priver de l'uſage du Mariage pendant
les tems de la priere , de la lecture , &
des bonnes œuvres.
Saint Jean Chryſoſtome obſerve qu'en-
core que les Juifs fuſſent charnels &
groſſiers, ils s'abſtinrent neanmoins par
ordre de Moïſe , ou plutôt de Dieu mê-
Lib. de
Virginit.
c. 30. 31.
32.
me, de tout commerce conjugal pendant
pluſieurs jours , pour ſe préparer à rece-
voir la loy , comme on l'a vû ci deſſus :
il dit aux Fideles, que cela leur apprend,
que puiſqu'ils ſont appellez à une plus
grande perfection que cet ancien peu-
ple, ils doivent à plus forte raiſon vivre
dans la continence toutes les fois qu'ils
veulent participer aux ſaints Myſteres.
Ce ſaint Docteur rapporte même qu'il
y avoit de ſon tems pluſieurs perſonnes
qui n'oſoient entrer dans les Egliſes après
avoir uſé du Mariage: il ſe ſert de l'exem-
ple de leur pieté & de leur retenue , pour

173
des Gens Mariez Ch. XVI.
combattre la témerité de ceux qui ne
craignent point de ſe preſenter à Dieu
dans la priere, après avoir prophané leurs
langues par des médiſances & des blaſ-
phêmes , & ſouillé leurs mains par des
actions criminelles. Vous n'oſez venir,
Homil.5.
in Matt.
leur dit-il, dans nos Egliſes pour y prier
Dieu après l'uſage d'un legitime Ma-
riage, encore qu'en cela vous ne com-
mettiez aucun peché ; & vous avez la
hardieſſe de lever vos mains au Ciel ,
après être tombez dans de noires
médiſances, & des calomnies qui vous
font mériter l'enfer ?  Comment ne
tremblez-vous pas de crainte ? N'en-
tendez-vous pas Saint Paul qui vous dit
que le lit nuptial eſt pur , & que le Ma
riage eſt honorable ? Que si vous n'oſez
neanmoins en sortant de ce lit pur &
de cette couche honorable , lever vos
mains vers Dieu : Comment en ſortant
du lit des démons , oſez-vous pronon-
cer ce nom adorable qui eſt également
ſaint & terrible ? Car le démon ſe plaît
dans les médiſances & dans les outra-
ges ; c'eſt comme un lit delicieux où
il ſe repoſe.
Saint Jerôme dit auſſi que pluſieurs Fi-
deles n'entroient point par reſpect dans
les Egliſes , & ne viſitoient pas les tom-
beaux des Martyrs les jours qu'ils avoient
uſé du Mariage ; mais il s'en trouvoit
F iij

174
La Vie
quelques-uns parmi eux , qui en ces mê-
mes jours ne faisoient point de difficulté
de manger en ſecret l'Euchariſtie dans
leurs maiſons (car en ce tems là les Chré-
tiens emportoient chez eux ce Pain ſa-
cré , pour s'en nourrir dans leurs beſoins
particuliers. )  Ce ſaint Docteur s'éleva
fortement contre eux: il leur dit que s'ils
croyoient qu'il ne leur fût par permis en
ces rencontres d'entrer dans les Egliſes,
ils devoient encore moins entreprendre
de manger la ſainte Euchariſtie.  Il leur
demanda ſi le Corps de JESUS-CHRIST
qu'ils prenoient dans leurs maiſons, étoit
In Apol.
pro libris
uis . ſeu
Epiſt.50.
autre que celui qu'on recevoit dans les
Egliſes, & s'il méritoit moins de reſpect.
Il leur repeta pluſieurs fois qu'ils ne de-
voient pas faire dans le ſecret ce qui leur
étoit interdit dans le public. An alius in
publico, alius in domo Christus est? quod
in Ecclesia non licet , nec domi licet.
Lib. 12.
Epist. in-
dict. 7.
Epist. 31.
Le Pape S. Gregoire rend pareillement
témoignage que c'étoit un ancienne cou-
tume parmi les Romains , de s'abſtenir
de l'entrée de l'Egliſe , après même l'u-
ſage legitime du Mariage , de ſe laver &
de ſe purifier dans de l'eau avant que de
s'y preſenter. Bien loin de blâmer ceux
qui ſe conduiſoient ainſi, il les loue, & il
en parle comme des gens pleins de pieté,
qui avoient un grand reſpect pour tout
ce qui regarde la Religion.

175
des Gens Mariez Ch. I.
Mon intention n'eſt pas , lorſque je
rapporte cet exemple , d'obliger tous
ceux qui uſent maintenant du Mariage ,
de ſe priver de l'entrée de nos Temples,
& de s'en éloigner: car je reconnois qu'il
ne faut pas faire une loy generale d'une
ſimple pratique de pieté , qui a été au-
trefois embraſſée par quelques Fideles ,
dont le zele & la ferveur étoient extra-
ordinaires. Mais je ſuis perſuadé qu'on
peut au moins conclure de cette ancien-
ne coutume , qu'il faut ſe préparer
à la ſainte Communion par la continen-
ce; & que ceux qui ne la veulent pas gar-
der pendant quelques jours pour s'y diſ-
poſer , ne portent pas aſſez de reſpect
au Sacrement auguſte de nos Autels.
C'eſt ce qui paroîtra encore avec plus
d'évidence , si l'on conſidere attentive-
ment ce que les autres ſaints Peres de
l'Egliſe
ont dit sur ce ſujet.
Saint Gregoire de Nazianze inſtruiſant
des Adultes qui ſe préparoient au Baptê-
me, ne manque pas de leur dire qu'ils ſe-
ront obligez de paſſer dans la continen-
ce les tems deſtinez à la priere , c'eſt-à-
dire, de ſe ſeparer d'un commun conſen-
tement , lorſqu'ils voudront approcher
de nos ſaints Myſteres.
J'ai déja parlé du ſentiment de ſaint
Jerôme
; il faut ajoûter à ce que j'en ai
rapporté , que lorſqu'il explique ces pa-
H iiij

176
La Vie
roles du Sage , Il y a un tems d'embraſ-
Eccl. 35.
In Eccl.
ſer, & un tems de s'éloigner des embraſſe-
mens.
  Il prétend que ce tems de s'éloi-
gner des embraſſemens , eſt celui de l'o-
raiſon & de la participation des choſes
ſaintes dont parle S. Paul quand il dit :
1. Cor. 7.
5.
Ne vous refuſez point l'un à l'autre le de-
voir, si ce n'eſt d'un commun conſentement,
afin de vous exercer à l'oraiſon.
Saint Ambroiſe diſoit publiquement
dans ſes Sermons, aux Fideles qui étoient
ſoumis à ſa conduite , qu'ils devoient
garder la continence avec leurs propres
Serm.26.
de Temp.
femmes , avant que de ſe preſenter à
l'Autel du Seigneur pour s'y nourrir du
pain des Anges ; & que la veritable diſ-
poſition qu'il faut apporter à l'Eucha-
riſtie , eſt d'en approcher avec un cœur
pur & un corps chaſte.
L'illuſtre Archevêque d'Arles ſaint
Ceſaire
, a auſſi en pluſieurs rencontres,
rendu témoignage à cette verité de mo-
rale. Il enſeigne que les Catechumenes
Serm. 68.
ſont obligez de ſe préparer au Baptême
par des mortifications , par des jeûnes,
& par d'autres œuvres de pieté ; & qu'il
faut ſur-tout qu'ils paſſent pluſieurs jours
dans la continence avant que de ſe pré-
ſenter à ce Sacrement , & après l'avoir
reçu. Or s'il exige une si grande pureté
de ceux qui doivent être baptiſez, n'eſt-
il pas juſte de preſcrire la même choſe

177
des Gens Mariez Ch. XVI.
à ceux qui veulent approcher de l'Eu-
chariſtie , qui eſt le plus ſaint & le plus
auguſte de nos Sacremens. Mais ce ſaint
Docteur s'en eſt expliqué en des termes
tres-clairs & tres précis. Ainsi il n'eſt pas
neceſſaire de raiſonner pour nous aſſurer
de ſon ſentiment. Toutes les fois, dit il
à ſes Auditeurs dans un de ſes Sermons,
qu'on celebre le jour de la Naiſſance du
Sauveur , ou quelque autre Fête , ayez
ſoin , comme je vous ai déja ſouvent
avertis , non ſeulement de vous ſéparer
des concubines que vous frequentez ,
ce qui eſt un commerce criminel, mais
de vous abſtenir de vos propres femmes
pendant pluſieurs jours.  Lorſque vous
venez à l'Egliſe à l'occaſion de quelque
ſolemnité , leur dit-il encore , & que
vous voulez participer aux Sacremens
que JESUS-CHRIST a inſtituez, ne
manquez pas de vous y préparer en gar
dant la continence pendant pluſieurs
jours , afin que vous puiſſiez enſuite
vous preſenter avec confiance à l'Autel
du Seigneur. Obſervez la même choſe
durant tout le Carême , & juſqu'aux
derniers jours de l'Octave de Pâque,
afin de celebrer ce grand Myſtere avec
un corps pur & chaſte.
Saint Eloy Evêque de Noyon, enſei-
Serm. 163.
gne auſſi à ſes peuples , qu'ils doivent
garder la continence pendant quelques
H v

178
La Vie
jours avant les Fêtes & les Dimanches ,
afin d'aſſiſter à la Meſſe avec un cœur
pur & un corps chaſte , & de recevoir
avec reſpect le Corps & le Sang de nô-
tre Seigneur.
Le Pape ſaint Gregoire après avoir
expliqué cette ancienne coutume des
Romains , dont on a déja parlé , de
Ep. l. 12.
indict. 7.
Ep. 31.
s'abſtenir de l'entrée de l'Egliſe après
avoir uſé du Mariage , ajoute que ſi les
Juifs furent obligez de vivre en conti-
nence avec leurs propres femmes, pour
ſe preparer à recevoir la Loy , les Chré-
tiens doivent à plus forte raiſon s'exer-
cer à la pureté pendant pluſieurs jours,
lorſqu'ils veulent manger la ſainte Eu-
Lib. 1.
dial 6.
10.
chariſtie. Pour en convaincre les Fide-
les , & pour les y engager , il rapporte
l'hiſtoire d'une jeune femme, qui ayant
eu la témerité d'aſſister à la Dedicace
d'une Eglise de ſaint Sebaſtien après
avoir uſé du Mariage avec ſon mari la
nuit précedente , en fut punie sur le
champ , parceque dès que les Reliques
de ce ſaint Martyr arriverent, le démon
s'empara de ſon corps, & la poſſeda.
Saint Gregoire de Tours ayant parlé
Lib. 2. de
Mirac.
de la maniere miraculeuſe dont un en-
fant avoit été gueri d'un mal tres-dan-
gereux , ajoute que ſes parens reconnu-
rent avec larmes, que leur incontinence
lui avoit attiré cette infirmité , parce-

179
des Gens Mariez Ch. XVI.
qu'il avoit été conçu la nuit d'un Diman-
che. Ce ſaint Prélat prend de là occaſion
d'exhorter les Fideles de s'abſtenir du
commerce conjugal les jours de Fêtes ,
& de les paſſer uniquement dans la prie-
re, dans la pratique des bonnes œuvres,23
J'ai reſervé en ce lieu à parler de
ſaint Auguſtin , parcequ'il paſſe encore
plus avant que tous les autres Peres
dont j'ai déjà rapporté les autoritez. Il
ne ſe contente pas d'avancer que les
Gens Mariez ſont obligez de garder la
continence pour vaquer à la priere; mais
Lib de
bono con-
jug. c.10.
il ſemble dire qu'ils pechent mortelle-
ment , lorſqu'ils uſent ſi frequemment
du Mariage , qu'ils ne laiſſent jamais au-
cuns jours de libres auſquels ils puiſſent
prier, & participer aux ſaints Myſteres.
L'on trouve auſſi dans les Conciles &
dans les Epîtres des Papes, pluſieurs De-
crets qui juſtifient que ç'a toujours été
l'eſprit de l'Egliſe , que ceux qui vivent
dans le Mariage s'en abſtiennent , avant
que de participer à la ſainte Euchariſtie.
Comme les Dimanches ſont des jours
Conc. 13.
de Communion, le Concile de Frioul de
l'an 791. ordonne que les gens mariez
paſſent la nuit qui les précede dans la
continence.
Le Pape Leon IV. veut que les Prê-
In Ep.
tres & les Paſteurs déclarent aux peu-
ples , qu'ils ſont obligez de communier
H vj

180
La Vie
quatre fois l'année ; ſçavoir , à Noёl , le
Jeudy Saint, à Pâque & à la Pentecôte ;
& qu'ils exhortent ceux qui ſont mariez
à garder la continence pendant certains
jours. Ce ſont ſans doute ceux auſquels
ils devoient recevoir le Corps de notre
Seigneur JESUS-CHRIST.
Les Bulgares nouvellement convertis
In reſp.
ad con-
ſult. Bul-
gar.c.60.
à la Foy , ayant conſulté le Pape Nico-
las I.
sur ce ſujet , & ſur pluſieurs autres
points importants ; ce ſaint Pontiſe leur
répondit que les Fideles étant obligez de
s'abſtenir les Dimanches de toutes ſortes
d'œuvres ſerviles , ils doivent à plus for-
te raiſon s'éloigner du commerce conju-
gal en ces ſaints jours, afin de les donner
tout entier à la prière & au ſervice de
Dieu.
Theodulphe Evêque d'Orleans , dit
c. 44
expreſſément dans ſes Inſtructions Pa-
ſtorales , qu'il faut avertir les Fideles de
ne s'approcher pas avec indifference du
Sacrement du Corps & du Sang de
JESUS-CHRIST, & auſſi de ne s'en
éloigner pas trop long-tems, & d'avoir
ſoin de s'abſtenir de l'uſage du Mariage
aux jours qu'ils veulent y participer.
C'eſt dans ce même eſprit que le ſe-
cond Concile d'Aix-la-Chapelle
, celui
de Salingeſtat de l'an 1022. & pluſieurs
c. 17.
c. 3.
autres, défendent aux Fideles de ſe ma-
rier les Dimanches , qui ſont des jours

181
des Gens Mariez Ch. XVI.
deſtinez à la prière & à la continence.
Gratien rapporte pluſieurs témoigna-
33. q. 43.
ges de Papes & de Peres de l'Egliſe , qui
parlent tous de la continence conjugale,
comme d'une diſpoſition tres-convena-
Tit. 7. ?
20.
ble à la sainte Communion.
Antonius Auguſtinus a publié un Pe-
nitentiel Romain qui eſt tres-rigoureux
à cet égard : car il condamne à jeûner
au pain & à l'eau pendant vingt jours ,
ceux qui n'ont pas paſſé dans la pureté &
dans la continence, les cinq ou ſept jours
qui ont précedé immédiatement celui de
leur Communion.
On peut encore confirmer cette verité
par les Rituels de preſque toutes les
Egliſes , qui enjoignent aux Paſteurs de
déclarer à ceux qui s'engagent dans le
Mariage , qu'ils ſont obligez de s'abſte-
nir de tems en tems du commerce con-
jugal , afin de vaquer à la priere , & de
participer aux Sacremens.
Cette matiere ſe trouve auſſi traitée
dans ſaint Thomas. Ayant demandé sur
le quatriéme Livre des Sentences, s'il eſt
permis de demander le devoir conjugal
In 4. Sen.
tent. dict.
32. art. 5.
les jours de Fêtes ; il répond qu'encore
que cette action ne ſoit pas un peché par
elle-même , elle rend neanmoins l'hom-
me moins propre aux choſes ſpirituelles;
& qu'ainſi il eſt à propos de s'en abſtenir
en ces ſaints jours , auſquels on ne doit

182
La Vie
s'appliquer qu'aux exercices de pieté. Il
reconnoît neanmoins au même lieu ,
que celui du mari ou de la femme qui
veut uſer de ſon droit en ces jours , ne
peche par mortellement , parceque la
circonſtance du tems ne change pas l'es-
pece du peché, & ne l'aggrave pas à l'in-
fini.
Ce Saint Docteur décide encore dans
3.p. q.
80. art.
7. ad 2.
ſa Somme , qu'on ne doit pas recevoir
la ſainte Euchariſtie le jour qu'on a uſé
du Mariage, parceque le commerce con-
jugal , lors même qu'il eſt ſans peché, ne
laiſſe pas neanmoins de cauſer quelque
impureté dans le corps , & des diſtrac-
tions dans l'eſprit.
Saint Charles déclare que la dignité
du Sacrement de l'Euchariſtie demande
In actis
instructio.
Euchar.
que les gens mariez s'abſtiennent pen-
dant quelques jours de l'uſage du Maria-
ge , pour ſe mettre en état d'en appro-
cher , à l'exemple de David , qui avant
de recevoir les Pains de propoſition24 de
la main du grand Prêtre , lui déclara
qu'il y avoit trois jours que lui & ceux
de ſa compagnie n'avoient approché
d'aucunes femmes.
Ce grand Cardinal confirme encore
Ca. omnis
homo de
cons. diſt.
3.
cette verité par l'autorité d'un Canon ,
qui porte que toutes ſortes de perſonnes
doivent avant que de communier , vivre
dans la continence pendant trois, quatre
ou huit jours.

183
des Gens Mariez Ch. XVI.
Enfin le Catechiſme du Concile de
Trente
veut que les Gens Mariez gar-
dent la continence au moins trois jours
avant que de communier. Le ſecond
avis dit il, qu'il faut donner aux Fideles
qui ſe marient, eſt que comme on n'ob-
tient de Dieu les graces dont on a be-
ſoin, que par de ſaintes prieres, il faut
qu'ils ſe privent de tems en tems de l'u-
ſage du Mariage pour vaquer à ce ſaint
De Sa-
cram.
Matr. §.
7.
exercice, & particulierement qu'ils s'en
abſtiennent au moins trois jours avant
que de s'approcher de l'Euchariſtie, &
même encore plus ſouvent pendant le
tems ſolemnel du Carême , ainſi que
l'ont ſagement & ſaintement ordonné
les ſaints Peres. Car par ce moyen ils
verront augmenter de jours en jours
dans leur famille les biens du Mariage;
Dieu les comblera de graces & de be-
nedictions ; & non ſeulement ils me-
neront une vie paiſible & tranquille ,
mais encore ils auront cette ferme &
veritable eſperance ce qui ne trompe
point , d'obtenir de la miſericorde de
Dieu la vie éternelle & bienheureuſe.
Il faut ajouter que cette coutume de
garder la continence les jours de com-
munion , a été ſuivie dans tous les ſie-
cles par les plus grands Saints , & par
une infinité de perſonnes de pieté, com-
me on le peut voir dans les hiſtoires; &

184
La Vie
ſans en faire une longue énumeration ,
je me contenterai de propoſer aux lec-
teurs l'exemple de ſaint Loüis Roy de
France
. Ce grand Prince n'approchoit
point de la Communion , qu'il n'eût
Du Chê-
ne tome 5.
p. 148.
vêcu dans la continence pluſieurs jours
auparavant , & il la gardoit encore plu-
ſieurs jours après, afin d'honorer ce Sa-
crement auguſte qui contient le Corps
d'un Dieu , qui eſt la pureté même , &
qui par conſequent ne doit être reçu que
par des ames chaſtes & pures.
Je n'en dirai pas davantage ſur ce ſu-
jet , parcequ'il ſeroit inutile d'alleguer
d'autres preuves à ceux qui ne ſe ren-
dront pas à celles que j'ai expliquées
dans ce chapitre: car elles ſont ſi claires
& ſi évidentes, qu'on peut regarder tous
ceux qui n'en ſeront pas convaincus ,
comme des aveugles volontaires , qui
ſe plaiſent dans les tenebres , & qui dé-
tournent leurs yeux de peur d'apperce-
voir les lumieres de la verité qui ſe pré-
ſente à eux pour les éclairer & pour les
inſtruire.
Cul de lampe.

185
des Gens Mariez Ch. XVII.
Bandeau.

CHAPITRE XVII.

Qu'il faut auſſi conſeiller aux gens mariez
de garder la continence les jours de jeûne
& de penitence. Que cela doit neanmoins
ſe faire d'un commun conſentement.

Les Fideles qui auront une juſte idée
 du jeûne & de la penitence , de-
meureront facilement d'accord de la ve-
rité de cette propoſition , qu'il eſt tres-
à propos de paſſer dans la continence,
les jours auſquels on s'applique à ces
ſaints exercices ; car jeûner & faire pe-
nitence, n'eſt autre choſe que s'éloigner
des plaiſirs & des voluptez , mortifier
ſa chair , crucifier ſon vieil homme ,
gémir de ſes pechez dans le ſecret de
ſon cœur , en ſentir le poids & l'énor-
mité; les effacer par des larmes frequen-
tes & abondantes , & les punir avec ſe-
verité. Or il eſt viſible que tout cela ne
s'accorde pas avec l'uſage du Mariage ;
& par conſequent il eſt vrai de dire que
tous ceux qui ſont veritablement peni-
tens , doivent s'en abſtenir au moins
pendant quelque tems , & ſur-tout aux
jours qu'ils travaillent plus particulie-
rement à fléchir la Juſtice divine.
Auſſi voyons - nous que lorſque l'E-
criture
parle du jeûne & de la peniten-

186
La Vie
ce , elle y joint preſque toûjours la con-
Joël 2.
12. 13. &
ſequent.
tinence conjugale. Convertiſſez - vous à
moi de tout vôtre cœur , dit le Seigneur,
dans les jeûnes , dans les larmes & dans
les gémiſſemens.
A quoi le Prophete ajou-
te : Déchirez vos cœurs , & non pas vos
vêtemens. Faites retenir la trompette dans
Sion ; ordonnez un jeûne ſaint ; publiez
une aſſemblée ſolemnelle ; faites venir tout
le peuple ; avertiſſez - le qu'il ſe purifie ;
aſſemblez les vieillards , amenez même les
enfans , & ceux qui ſont encore à la ma-
melle.
Voilà ſans doute un grand appareil de
penitence ; mais ce n'eſt pas tout , car le
Prophete dit enſuite: Que l'époux ſorte de
ſa couche , & l'épouſe de ſon lit nuptial
:
marquant par là que les gens mariez
doivent vivre dans la continence , lorſ-
qu'ils veulent appaiſer la colere de Dieu
par leurs larmes & par leurs mortifica-
tions.
Saint Paul dans le paſſage qu'on a déja
allegué au chapitre précedent , dit aux
gens mariez , ſelon le Texte Grec25: Ne
I. Cor. 7.
?
vous refuſez point l'un à l'autre le devoir ,
ſi ce n'eſt d'un commun conſentement, pour
un tems , afin de vous exercer au jeûne &
à l'oraiſon.
  Ainſi il leur ordonne égale-
ment de garder la continence aux jours
qui ſont deſtinez au jeûne & à la priere.
Lorſque les ſaints Peres expliquent

187
des Gens Mariez Ch. XVII.
les devoirs & les obligations des peni-
tens , ils ſuivent ces maximes de l'Ecri-
ture
, & diſent toûjours que ceux qui
ſont engagez dans le mariage , doivent
s'éloigner du commerce conjugal pen-
dant le tems de la ſainte Quarantaine26,
& aux jours qui ſont conſacrez aux lar-
mes & à la penitence.
Origene parlant de la maniere dont il
faut paſſer le Carême , dit que la conti-
Homil.
I in Lc.
vit.
nence doit accompagner le jeûne, & que
pour être en état de garder la continen-
ce, il faut obſerver le jeûne.
Ce qui nous fait comprendre que le
jeûne & la continence ſont deux vertus
qui ſe ſoutiennent & ſe fortifient réci-
proquement ; que la premiere étant ſe-
parée de la ſeconde , perd beaucoup de
ſon mérite ; & que l'autre ſans le ſe-
cours de la premiere , ne ſçauroit ſub-
ſiſter long-tems.
Saint Epiphane enſeigne auſſi que le
jeûne a beſoin d'être fortifié par plu-
ſieurs exercices de pieté ; & ſans nous
arrêter à les décrire en particulier : il
ſuffit de dire qu'il y comprend la conti-
Hares.
75. n. 31.
nence , & qu'il enſeigne que ceux qui
pour jeûner , croyent être obligez de ſe
retrancher quelques alimens , doivent à
plus forte raiſon s'abſtenir de l'uſage du
Mariage.
Saint Jean Chryſoſtome obſerve que

188
La Vie
ceux qui ſe diſpoſent à paroître devant
leur Prince pour lui demander quelque
grace , & que les criminels qui ſe voyent
ſur le point d'être preſentez aux pieds de
leurs Juges , ſont continuellement dans
la crainte & dans le tremblement ; qu'ils
ſe privent de toutes ſortes de plaiſirs & de
voluptez ; qu'ils vivent dans les larmes
Lib. de
Virg. c.
30.31.32.
& dans la triſteſſe : il dit que c'eſt ainſi
que ſont obligez de ſe conduire ceux
qui penſent à faire penitence. Qu'ils ont
offenſé une ſouveraine Majeſté ; que le
Juge devant qui ils doivent être preſen-
tez, eſt plein de ſeverité ; qu'ils ont une
faveur bien extraordinaire à lui deman-
der ; que s'il les traitoit ſelon leurs mé-
rites , ils ne pourroient ſupporter le
poids de ſa colere ; qu'il auroit droit de
les rejetter pour toujours , ſans qu'ils
puſſent s'en plaindre ; qu'ils n'ont que
des larmes & des gemiſſemens à lui pré-
ſenter ; que ce n'eſt qu'en s'affligeant &
en s'humiliant , qu'ils peuvent trouver
grace en ſa preſence ; & que par conſe-
quent ils doivent s'abſtenir d'une infini-
té de choſes qui pourroient leur être per-
miſes en un autre tems ; qu'il n'eſt pas
à propos qu'ils uſent alors du Mariage ;
& que la continence qui n'eſt qu'un ſim-
ple conſeil pour les autres , leur devient
d'une obligation tres-étroite , juſqu'à ce
qu'ils ayent effacé leurs pechez par leurs

189
des Gens Mariez Ch. XVI.
larmes , & ſatifait à la juſtice de Dieu.
Le grand Saint Ambroiſe dit à ſes peu-
Serm.26.
de temps.
ples , qu'il eſt de ſon devoir de les aver-
tir de garder la continence pendant tout
le Carême, & juſqu'à la fin de la ſolem-
nité de Pâque, afin qu'ils puiſſent à cette
grande Fête ſe preſenter à JESUS-
CHRIST
, ornez de pureté & de bon-
nes œuvres.
Saint Jerôme enſeigne auſſi que les
penitens ſont obligez de s'abſtenir de
l'uſage du Mariage , & le prouve par
ces paroles du Prophete Zacharie : En
ce tems-là il y aura un grand deuil dans
Cap. 12.
11. 12.
& ſeq.
Jeruſalem : tout le pays ſera dans les lar-
mes ; une famille à part , & une autre à
part ; les familles de la maiſon de David
à part , & leurs femmes à part ;  les fa-
milles de la maiſon de Nathan à part, &
leurs femmes à part ; & toutes les autres
familles chacune à part , & leurs femmes à
part.
  Ces paroles , dit ce Pere , Tout le
In hun?
locum.
pays ſera dans les larmes ; une famille à
part , & une autre à part ; les familles de
la maiſon de David à part, & leurs femmes
à part
,  ſignifient que dans les tems de
tribulations & d'afflictions il ne faut pas
uſer du Mariage.  C'eſt pourquoi les
Juifs étant ſur le point d'être menez en
captivité , le Prophete Joël leur dit de
la part de Dieu : Que l'époux ſorte de ſa
Cap. 2.
16.
couche , & l'épouſe de ſon lit nuptial.
Et 190La Vie l'on voit dans un autre lieu de l'Ecritu-
re
, qu'aux approches du déluge , Dieu
fit ce commandement à Noé : Entrez
Geneſ. 7.
dans l'arche, vous & vos fils, vôtre fem-
me , & les femmes de vos fils
; & qu'au
contraire il lui dit , lorſque le déluge
fut fini , Sortez de l'arche , vous & vô-
tre femme, vos fils & les femmes de vos
Ibid. 8.
16.
fils.
  Ce qui fait connoître que tant que
le danger dura, les maris & les femmes
garderent la continence dans l'arche ,
& qu'ils n'uſerent du Mariage qu'après
en être ſortis , & s'être répandus dans
le monde.
Ce ſaint Docteur expliquant ces pa-
roles du Prophete Joël , qu'on a déja
In cap. 2.
Joëlis.
citées pluſieurs fois ;  Faites retenir la
trompette dans Sion; ordonnez un jeûne
ſaint ; que l'époux ſorte de ſa couche , &
l'épouſe de ſon lit nuptial
, déclare encore
à tous les Fideles que pour faire peniten-
ce , il ne leur ſuffit pas de ſe punir dans
le boire & dans le manger , de jeûner &
de donner l'aumône , mais qu'ils doi-
vent garder la continence , & s'abſtenir
de leurs propres femmes.
Saint Auguſtin après avoir prouvé
par l'Ecriture que les Chrétiens doi-
vent ſe mortifier , ſe faire violence , &
porter la croix durant tout le cours de
leur vie , dit qu'il eſt certain qu'ils y
ſont encore plus obligez pendant le Ca-

191
des Gens Mariez Ch. XVII.
rême , qui eſt particulierement conſa-
cré à la penitence ; puis il ajoûte , en
s'adreſſant à ſes auditeurs: En un autre
tems on ſe contente quelquefois de vous
dire, Prenez garde à vous , de peur que
Serm.
205.
Luc.
24. 31.
vos cœurs ne s'appeſantiſſent par l'excès
des viandes & du vin
: mais en celui-
cy , c'eſt-à-dire , pendant le Carême,
il faut que vous jeûniez ; en autre tems
il vous ſuffit d'éviter les adulteres , les
fornications , & les autres impuretez ;
mais en celui-ci vous devez vous abſ-
tenir de vos propres femmes. Ajoûtez
à vos aumônes ordinaires, ce que vous
vous retranchez par le jeûne ; & don-
nez à la priere le tems que vous aviez
coûtume d'employer aux devoirs du
Mariage.
Ce ſaint Pere dit encore pluſieurs
Serm.
210.
fois dans un autre de ſes Sermons , que
les Fideles doivent garder la continence
pendant tout le Carême ; il leur parle
de cette pratique comme d'une choſe
tres conſtante , & dont perſonne ne dou-
toit en ſon ſiecle.
On peut ajoûter qu'il n'avoit garde
Lib. de
fide &
operibus
cap. 6.
d'exempter les penitens de la conti-
nence , puiſqu'il témoigne qu'on y obli-
geoit même ceux qui ſe diſpoſoient au
Baptême , & qu'on ne leur adminiſtroit
ce Sacrement, qu'après qu'ils s'y étoient
preparez pendant pluſieurs jours par des

192
La Vie
jeûnes, par des prieres , par des aumô-
nes , & ſur tout en ſe ſeparant de leurs
femmes.
Saint Ceſaire parle auſſi de l'obliga-
Serm. 6.
tion qu'avoient ceux qui aſpiroient au
Baptême , de s'abſtenir du commerce
conjugal avant que de s'y preſenter , &
après l'avoir reçû. Et lorſqu'il inſtruit
ſes peuples dans le quatriéme de ſes
Sermons , de la maniere dont ils de-
voient paſſer la penitence du Carême,
il tient le même langage que les autres
ſaints Peres ; car les deux avis les plus
importans qu'il leur donne, regardent
la priere & la pureté.   A l'égard de la
priere il leur dit : Je vous conſeille,
mes freres , & je vous prie de tout
mon cœur de vous lever plus matin que
de coûtume, afin d'aſſiſter aux Vigiles,
( c'eſt-à-dire aux Matines, ) & de vous
rendre exactement aux Heures de Tier-
ce, de Sexte & de None27.
Et pour ce
qui eſt de la pureté , il leur recom-
mande de garder la continence avec
leurs propres femmes pendant tout le
Carême , & juſqu'à la fin de la ſolem-
nité de Pâque.
Il témoigne dans un autre de ſes Ho-
Hom. 2.
melies , que les Fideles de ſon Dioceſe
étoient ſi exacts à paſſer dans la conti-
nence tout le Carême , & les autres
jours de jeûne , qu'il croyoit inutile de
les

193
des Gens Mariez Ch. XVII.
les y exhorter ; & que s'il leur en par-
loit , c'étoit ſeulement par occaſion , &
pour les fortifier de plus en plus dans
cette ſainte coutume.
Le celebre Evêque de Noyon ſaint
Nom. 16.
Eloy
portoit même ſi loin cette obliga-
tion de la continence durant le Carême,
qu'il diſoit après un ancien Auteur Ec-
cleſiaſtique
, qu'il y avoit preſque au-
tant de mal à uſer du Mariage , qu'à
manger de la chair pendant ce ſaint tems.
J'avoue que cette expreſſion eſt un
peu forte, & je ne voudrois pas m'en ſer-
vir dans la conduite ordinaire des Fide-
les; & pour juger de la grandeur de leurs
fautes , & de la qualité des penitences
qu'il eſt à propos de leur impoſer. Mais
elle prouve au moins qu'on étoit tres-
perſuadé dans les premiers ſiecles de
l'Egliſe , de la maxime que j'explique
dans ce chapitre , & qu'on ne croyoit
pas que refuſer de s'y ſoumettre , fût
une faute peu conſiderable.
Ratherius Evêque de Veronne , qui
Spicilog.
tom. 2.
vivoit au dixiéme ſiecle, publia une Let-
tre Synodique , dans laquelle il mar-
quoit que les gens mariez devoient s'ab-
ſtenir de l'uſage du Mariage pendant
l'Avent , le Carême , les Octaves de
Pâques & de la Pentecôte, dans les tems
des prieres publiques,les veilles de tou-
tes les Fêtes tous les Vendredis . & les
Dimanches.
I

194
La Vie
Theodulphe Evêque d'Orleans, dont
on a déja parlé dans le Chapitre préce-
dent , exhorte auſſi ſes peuples à paſſer
le Carême dans la continence. Il déclare
Cap. 41.
même dans ſes Instructions Paſtorales ,
que le jeûne perd beaucoup de ſa force ,
lorſqu'on ne s'abſtient point de l'œuvre
du Mariage , & qu'on n'a pas ſoin de
l'accompagner de prieres , de veilles &
d'aumônes.
Herard Archevêque de Tours, ordon-
Inst. Syn.
Cap. 62.
ne auſſi aux Fideles de ſon Diocese , de
paſſer dans la pureté & dans l'éloigne-
ment du commerce conjugal , les jours
de jeûne & de penitence.
Le Pape Nicolas I. inſtruiſant les Bul-
Ad con-
ſult a Bul-
garor. c.
9.
gares , leur repreſente que ſi les gens
mariez qui ont de la pieté, s'abſtiennent
en pluſieurs rencontres de l'uſage du
Mariage, afin de vaquer plus particulie-
rement à la priere ; ils ſont à plus forte
raiſon obligez de garder la continence
pendant le Carême , qui eſt un tems au-
quel on ſe retranche pluſieurs choſes qui
ſeroient permiſes en un autre , & que
l'on doit regarder comme une dixme28 de
mortification que l'on offre à Dieu pour
tout le reſte de l'année.  Il paſſe même
Cap. 48
plus avant dans la ſuite : car il leur dé-
clare qu'il ne faut point celebrer de Ma-
riages , ni faire de feſtins pendant ces
ſaints jours.

195
des Gens Mariez Ch. XVII.
L'on peut juger que ces peuples étoient
tres-exacts à obſerver cette ſainte diſci-
pline , puiſque s'étant trouvé parmi eux
Cap. 54.
un homme qui avoit eu la témerité d'ha-
biter avec ſa femme pendant le cours de
la ſainte Quarantaine29, ils s'éleverent con-
tre lui , & conſulterent ce grand Pape
touchant la penitence qu'il falloit lui
impoſer.  Mais ce ſaint Pontife ne vou-
lant rien déterminer là deſſus , les ren-
voya à leur Evêque , & à leurs Paſteurs
ordinaires, qui connoiſſant la condition,
l'âge & le temperament de cet homme
& de ſa femme , étoient plus en état de
juger de la faute qu'ils avoient commi-
se, & de la penitence qu'ils méritoient.
Il y a une infinité de Decrets qui dé-
fendent de celebrer des Mariages pen-
dant l'Avent & le Carême. On peut dire
que ce ſont autant de témoignages qui
juſtifient que ç'a toujours été l'inten-
tion de l'Egliſe de porter les Fideles à
garder la continence aux jours de jeûne :
car comme dit le Concile de Tolede de
l'an 1473. cette sainte Epouse de JESUS-
CHRIST , en faiſant ces ſortes de défen-
ſes , n'a pas tant eu deſſein d'interdire la
ſolemnité des Nôces & du Mariage , que
d'empêcher, ou plutôt de ſuſpendre pen-
dant quelque tems le commerce conju-
gal.
Eſtienne Poncher Evêque de Paris
I ij

196
La Vie
s'eſt expliqué fort nettement ſur ce ſu-
De Sa-
cram ento
Matr im
jet dans les Statuts Synodaux qu'il pu-
blia au commencement du ſeiziéme ſie-
cle : car il y exhorte tous les maris de
n'approcher point de leurs femmes aux
jours de jeûne , de Fêtes , & de proceſ-
ſions ſolemnelles , afin dit-il, que leurs
prieres ſoient plus agreables à Dieu , &
plus facilement exaucées de ſa ſouve-
raine Majeſté.
Le cinquiéme Concile de Milan main-
tint auſſi cette diſcipline : car ſaint
Charles
y déclara qu'il faut ſanctifier le
Carême par pluſieurs pratiques de pieté,
telles que ſont l'abſtinence de la viande ,
les jeûnes , l'aumône , la priere & la con-
tinence.
Il ne faut pas obmettre l'exemple du
Roy ſaint Louis , dont on a déja parlé
au chapitre précedent à l'occaſion de
la ſainte Euchariſtie.  Ses Hiſtoriens
Du Cheſ-
ne Tom.
S. p. 448.
nous apprennent qu'il gardoit la conti-
nence avec la Reine Marguerite ſa fem-
me pendant tout l'Avent & le Carême ,
& même qu'il choiſiſſoit quelques jours
chaque ſemaine pour les conſacrer à la
pureté.
L'on peut ajouter à l'exemple de ce
Concil.
Remens.
an.1092.
grand Roy , celui de Robert Comte de
Flandres30, qui ſe retiroit tous les ans
pendant le Carême dans le Monaſtere
de ſaint Bertin
, afin d'y paſſer ce ſaint

197
des Gens Mariez Ch. XVII.
tems dans la priere & dans la conti-
nence.
L'on ſçait enfin qu'autrefois on obli-
geoit ceux qu'on ſoumettoit a la peni-
tence publique, de ſe ſéparer de leurs
femmes, & de vivre dans la continence
juſqu'à ce qu'ils euſſent ſatisfait à la Juſ-
tice divine pour leurs pechez. C'eſt en-
core là une nouvelle preuve de ce que je
viens d'établir par tant d'autoritez dif-
ferentes : car si on ordonnoit aux pre-
miers Fideles de s'abſtenir du commer-
ce conjugal pendant le cours de leur
penitence, pourquoi n'exigeroit-on pas
maintenant la même choſe de ceux qui
ont besoin de ſe laver dans la Piſcine sa-
crée de l'Egliſe pour ſe purifier de leurs
fautes? Et quelle raiſon auroit-on de les
diſpenſer de cette ſainte pratique pen-
dant le Carême,qui eſt le tems de la peni-
tence generale de tous les Fideles? La
cendre dont on couvre leurs têtes ; l'ab-
ſtinence des viandes qu'on leur preſcrit;
la parole de Dieu qu'on leur annonce
tres-ſouvent ; les prieres extraordinai-
res qu'on leur fait reciter ; les lon-
gues veilles qu'on leur conſeille ; les
aumônes abondantes qu'on les oblige
de faire ; la fuite des plaiſirs & des di-
vertiſſemens mondains qu'on leur re-
commande ; la vigilance chrétienne
dans laquelle on s'efforce de les mainte-
I iij

198
La Vie
nir ; la Fête de la Reſurrection triom-
phante de JESUS-CHRIST, qu'ils
doivent bien-tôt celebrer ; le Corps &
le Sang31 de ce divin Sauveur dont ils ſe-
ront nourris & raſſaſiez à cette grande
ſolemnité : tout cela , dis-je, ne deman-
de-t-il pas qu'ils gardent la continence ,
afin d'aſſiſter , comme diſent les ſaints
Peres
, avec un cœur pur & un corps
chaſte à nos ſaints & redoutables My-
ſteres.
Avant que de finir ce chapitre , il
faut avertir les lecteurs de deux choſes
importantes. La premiere, que les ſaints
Peres de l'Egliſe
conſeillent encore en
quelques autres occaſions aux gens ma-
riez de garder la continence.  On ne les
marquera pas en particulier dans cet Ou-
vrage , parceque la délicateſſe de notre
langue ne permet pas d'entrer dans un
ſi grand détail, lorſque l'on traite de ces
ſortes de queſtions.  Mais si l'on garde
le ſilence ſur ce ſujet , on croit au moins
être obligé de conſeiller aux Fideles de
s'inſtruire de leurs devoirs par rapport à
cette matiere ; ſoit en liſant les ſaints
Peres de l'Egliſe
, & les Auteurs qui en
ont traité ; ſoit en conſultant leur Di-
recteurs , & de pieux & ſçavans Eccle-
ſiaſtiques, qui leur marqueront ce qu'ils
doivent éviter pour vivre ſaintement
dans le Mariage.

199
des Gens Mariez Ch. XVII.
La ſeconde choſe dont il eſt neceſſai-
re d'avertir ceux qui liront ce Traité ,
c'eſt que tout ce qu'on a repreſenté dans
ce chapitre & dans le précedent , pour
porter les Fideles à paſſer dans la conti-
nence les jours de jeûne & de commu-
nion , n'a lieu que lorſque les deux par-
ties qui y ont intereſt, y consentent.  Le
reſpect qui eſt dû au Sacrement auguſte
de nos Autels, & l'eſprit de penitence, de-
mandent que les gens mariez gardent la
continence lorſqu'ils ont deſſein de com-
munier , ou qu'ils jeûnent ; mais il faut
que le mari & la femme s'y ſoumettent
chacun de leur côté , & qu'ils veuillent
bien embraſſer cette ſainte pratique ;
ſans cela il n'y a point d'obligation , &
tout ce qu'on vient d'expliquer ne doit
point être obſervé.
Quand je parle ainſi , je ne fais que
ſuivre S. Paul & l'eſprit de l'Egliſe : car
ce grand Apôtre ordonnant aux maris
& aux femmes de ne pas uſer du Maria-
ge aux jours de jeûne & de priere , leur
marque en même tems que cela ſe doit
faire d'un commun conſentement.  Ne
vous refuſez point l'un à l'autre
, leur-dit-
1. Cor. 7.
5.
il, le devoir, ſi ce n'eſt d'un commun con-
ſentement, afin de vous exercer au jeûne
& à l'Oraiſon.
Saint Gregoire de Nazianze dit con-
Orat. 40. formément à cette déciſion de S. Paul,
I iiij

200
La Vie
qu'encore qu'il ſoit tres-à-propos que
les gens mariez vivent dans la continen-
ce , lorſqu'ils veulent prier & commu-
nier , ils ne doivent pas neanmoins l'en-
treprendre , à moins qu'ils n'en ſoient
d'accord de part & d'autre. C'eſt pour-
quoi il leur dit que cette abſtinence
qu'il leur propoſe , n'eſt pas une loy in-
diſpenſable , mais un conſeil qu'il leur
donne pour leur utilité commune.
Le Pape Nicolas I. ordonnant aux Bul-
gares de garder la continence aux jours
de priere & pendant le Carême , leur
déclare qu'il ne faut pourtant pas que
les maris & les femmes s'y engagent
témerairement , & ſans un conſente-
ment mutuel.
Les Hiſtoriens de S. Louis qui parlent
Du Ches-
ne Tom.
S.p. 448.
de ſa continence pendant le Carême ,
obſervent que la Reine ſon épouſe y
conſentoit, & s'y portoit elle-même par
un ſentiment de pieté & de penitence.
Ainſi quoique cette pratique ſoit tres-
ſainte , & qu'il faille la conſeiller autant
qu'on le peut aux Fideles qui vivent dans
le Mariage : on doit neanmoins les aver-
tir qu'ils ont besoin du conſentement les
uns des autres pour l'obſerver ; que ſi
l'un des deux y réſiſte , l'autre en eſt diſ-
penſé , & peut legitiment lui rendre le
devoir ; & que cela ne doit pas l'empê-
cher d'approcher des choſes ſaintes , &

201
des Gens Mariez Ch. XVII.
ne le prive point du mérite de ſon jeûne,
parceque Dieu qui voit ſa diſpoſition
& les deſirs de ſon cœur , ſe contente
alors de ſa bonne volonté , & le regarde
comme s'il vivoit effectivement dans la
continence. L'on peut, dit S. Bonaventu-
Lib 4.
Dist. 32.
Art. 3.q.
2.
re
, ſans commettre aucun peché , ren-
dre le devoir en ces jours , c'eſt-à-dire ,
pendant les jeûnes & les Fêtes , pourvû
que celui qui le rend en ait de la peine
& de la douleur. Ce ſaint Docteur blâme
à la verité ceux qui en ces rencontres ,
veulent ſe ſervir de leur droit, & refuſent
de garder la continence ; mais il excuſe ,
& il juſtifie ceux qui n'uſent du Mariage
que par obéiſſance : il ſoutient qu'ils ſont
exempts de toute ſorte de faute.
Voilà ce que j'ai cru devoir repreſen-
ter aux gens mariez , pour leur faire
comprendre que le reſpect qu'ils doi-
vent à la ſainte Euchariſtie , & que les
regles de la penitence les engagent à vi-
vre dans la pureté, & à garder la conti-
nence aux jours de jeûne & de commu-
nion. Je n'ai fait que leur expoſer les ve-
ritez de l'Ecriture , & les ſentimens des
ſaints Peres : c'eſt pourquoi j'eſpere
qu'ils recevront avec docilité tout ce qui[sic]
je leur ai dit , & qu'ils auront ſoin d'en
profiter.
I v.

202
La Vie
Bandeau.

CHAPITRE XVIII.

Qu'il eſt naturel aux gens mariez de deſi-
rer d'avoir des enfans ; qu'il faut qu'ils
reconnoiſſent qu'ils ſont un don du Ciel.
Pour quelle fin ils doivent deſirer d'en
avoir. Que les maris & les femmes qui
ſouhaitent qu'il n'en naiſſe point de leur
Mariage, ſont coupables aux yeux de
Dieu. Que ceux qui éteignent le fruit
qui eſt conçu, & qui procurent des avor-
temens, ſont des homocides.

On demeurera facilement d'accord
qu'il eſt naturel à ceux qui s'en-
gagent dans la vie conjugale, de deſirer
d'avoir de la poſterité , ſi l'on conſidere
avec attention pour quelle fin les Fide-
les doivent principalement contracter
Cap. 3.
Mariage.  Or on a prouvé ci - deſſus ,
que ce doit être dans la vûe de mettre des
enfans au monde , qui beniſſent & qui
ſervent le Seigneur ; & par conſequent
ils peuvent , ou plutôt ils doivent en de-
Auguſt.
lib. I. de
Civit.
Dei cap.
21. Lib.
ſirer.  C'eſt pourquoi bien loin que les
ſaints Peres blâment les gens mariez qui
en ſouhaitent , ils les en louent au con-
traire , & même ils les y exhortent , lorſ-
qu'ils leur diſent que la naiſſance des en-
fans fait la gloire principale du Mariage ;
qu'on ne ſe marie que pour avoir des en-

203
des Gens Mariez Ch. XVIII.
?. q. Ev.
ueſt.49.
Lib 4
contra
Julian.
cap. I.
Trait. 13.
in Joan.
fans qui entretiennent la ſuccession
du genre humain ; que ceux qui ont de
la pieté n'entrent dans cet état que pour
donner des enfans à l'Egliſe ; & que ce
fut le ſeul deſir d'avoir de la poſterité ,
qui porta Abraham à épouſer la ſervan-
te de ſa femme Sara.
Non ſeulement les Fideles qui ſe ma-
rient doivent deſirer des enfans , mais
il faut qu'ils reconnoiſſent qu'ils ſont un
don de Dieu. Eve notre mere commune,
Homil.
18 in Ge-
neſ.
remarque S. Jean Chryſoſtome , ayant
enfanté un fils aîné , n'attribua point ſa
naiſſance aux forces de la nature, ni à ſa
propre fecondité , mais à Dieu ſeul.  Je
poſſede
, dit-elle, un homme par la grace
de Dieu.
  Les perſonnes mariées qui ſe
Geneſ. 4.
voyent des enfans , doivent , pour l'imi-
ter , proteſter qu'ils les tiennent de la
ſeule bonté de Dieu , & dire avec le
Pſ. 126.
4.
Prophete : Ecce hareditas Domini , filii
merces fructus ventris
; les enfans ſont un
heritage qui vient du Seigneur , & le fruit
des entrailles eſt une récompenſe.
S'ils ſont bien perſuadez que les en-
fans ſont un don de Dieu , ils doivent
lorſqu'ils n'en ont point , lui en deman-
der par des prieres humbles & ſervantes,
à l'exemple d'Anne & de Zacharie : car
il eſt marqué dans les Livres des Rois32,
11. Reg. 11.
20. 14. ?
que cette ſainte femme étant ſtérile ,
avoit le cœur plein d'amertume , qu'elle
I vj

204
La Vie
Je
pria le Seigneur avec une grand effuſion
de larmes, & qu'elle fit un vœu, en diſant :
Seigneur des armées , ſi vous daignez re-
garder l'affliction de vôtre ſervante ; ſi
vous vous ſouvenez de moi ; ſi vous n'ou-
bliez point votre ſervante , & ſi vous don-
nez à vôtre eſclave un enfant mâle, je vous
le donnerai pour tous les jours de sa vie.

Luc. 1.
L'Evangile porte auſſi que Zacharie
n'ayant point d'enfans , faiſoit des prie-
res continuelles pour en obtenir du Ciel.
Et l'Ecriture nous aprend qu'ils furent
l'un & l'autre exaucez ; qu'Anne devint
mere de Samuel , & Zacharie pere de
S. Jean Baptiſte ; & que l'Ange dit à
celui- ci , en lui annonçant qu'il auroit
un fils, Vôtre priere a été exaucée ; par-
ce qu'en effet la naiſſance de ce ſaint
Précurſeur étoit la récompenſe de ſa
pieté,& le fruit de ſes prieres. C'eſt ce qui
doit perſuader à tous les Fideles que pour
avoir des enfans , il faut s'adreſſer à ce-
lui qui eſt l'Auteur de la nature , & qui
peut la rendre feconde , quand il le ju-
ge à propos pour ſa gloire & pour l'exe-
cution de ſes divines volontez.
Après qu'on en a obtenu de ſa bonté
ineffable , on doit avoir ſoin de lui en
rendre graces , & de lui en faire hom-
mage.  Car lui demander des enfans
avec empreſſement , & negliger enſuite
de l'en remercier , c'eſt une tres-grande

205
des Gens Mariez Ch. XVIII.
ingratitude , & une marque infaillible
qu'on ſe recherchoit ſoi-même, & qu'on
ne penſoit qu'à contenter ſon amour
propre.
Il ne ſuffit pas d'avoir montré qu'il eſt
naturel aux gens mariez de deſirer d'a-
voir des enfans , & qu'ils doivent re-
connoître qu'ils ſont un preſent du Ciel.
Il faut outre cela leur expliquer quelle
eſt la fin pour laquelle ils peuvent legi-
timement en deſirer.
Ce n'eſt point certainement par ambi-
tion , pour faire parler d'eux, pour per-
petuer la memoire de leur nom, & pour
Tert. lib.
de exhort.
caſtit. c.
12. Hier.
l. 1. adv.
Jovi-
nian.
avoir des heritiers de leurs biens , qu'ils
doivent en ſouhaiter , & en demander
à Dieu : car toutes ces fins n'étant que
temporelles , ne méritent pas que des
Chrétiens ſe les propoſent , ni qu'ils s'y
arrêtent. Et auſſi Tertullien & S. Jerôme
blâment ceux qui ne ſe déterminent à se
marier que par des motifs de cette nature.
Mais ils doivent en deſirer , afin que
Dieu en ſoit beni & honoré , & qu'il
Tob. 8.
s'en serve dans la ſuite pour procurer le
bien de ſon Egliſe , & même de la pa-
trie.  Tobie étoit dans cette diſpoſition,
lorſqu'il diſoit à Dieu : Vous ſçavez ,
Seigneur, que je prens ma ſœur pour être
ma femme, non pour ſatiſfaire ma paſſion,
mais parceque je deſire de laiſſer des en-
fans par leſquels vôtre nom ſoit beni dans

206
La Vie
tous les ſiecles.  L'on a vû ci-deſſus, que
la ſainte femme Anne n'avoit point d'au-
tre penſée ni d'autre intention, lorſqu'el-
le demandoit un fils à Dieu , puiſqu'elle
fit en même tems vœu de le lui conſa-
crer pour toujours. En effet , elle le pre-
ſenta au Prêtre Heli , afin qu'il ſervît
ſous lui dans le Tabernacle ; cela attira
1. Reg. 2.
21.
ſur elle de nouvelles benedictions , car
le Ciel lui donna encore trois fils &
deux filles.
C'eſt pour faire entrer les Fideles dans
Lib.1. de
nupt. &
concup. c.
17.
de pareils ſentimens , que S. Auguſtin
leur dit , qu'ils ne doivent deſirer de
donner naiſſance à des enfans , qu'afin
de les faire renaître dans les eaux ſalu-
Lib. de
sancta
virg. c.7.
taires du Baptême , que les femmes ver-
tueuſes ne prennent des maris , & n'u-
ſent du Mariage que pour avoir des en-
fans ; & qu'elles n'en ſouhaitent que
pour les offrir à Dieu, & pour les conſa-
crer à J. C.
Voilà la veritable fin pour laquelle on
peut deſirer d'avoir des enfans. Toutes
les autres ne conviennent pas à des Chré-
tiens qui ayant renoncé au monde , &
s'y regardant comme des étrangers, doi-
vent n'avoir plus de complaiſance pour
lui , & ne point rechercher par conſe-
quent à y perpetuer leur nom , & à y
laiſſer des heritiers de leurs richeſſes &
de leurs dignitez.

207
des Gens Mariez Ch. XVIII.
Après avoir expliqué la fin que doi-
vent ſe propoſer les gens mariez qui de-
sirent des enfans, il faut maintenant par-
ler de ceux qui craignent d'en avoir , &
qui voudroient pouvoir user du Maria-
ge , ſans devenir peres & meres. Il eſt
certain qu'ils pechent griévement , &
qu'ils ſont tres-criminels devant Dieu :
Lib. 4.
Conf.c.16
Lib.2. de
mor. Ma-
nic. c. 18.
Lib. 2. de
adult.
conjug. c.
12. Gen.
38. Lib.
15. contra
Faust.
Man. c.
7. Lib. 1.
de nupt.
& concup.
c. 15.
il eſt facile de le prouver.
Saint Auguſtin dit que ce n'eſt que
dans le concubinage & dans les con-
jonctions illicites que l'on craint d'a-
voir des enfans. Il enſeigne que les ma-
ris qui approchant de leurs femmes ,
voudroient n'en avoir point de poſte-
rité , les traitent , pour ainſi dire, com-
me des proſtituées. Il déclare que ceux-
là uſent du Mariage d'une maniere illi-
cite & honteuſe , qui évitent la con-
ception des enfans. Il les accuſe d'imi-
ter le peché d'Ona fils de Juda , que
Dieu frappa de mort. Il prétend qu'ils
deviennent en quelque maniere des
adulteres; & qu'à juger des choſes ſelon
les regles & les intentions de la nature,
ils ne doivent plus être conſiderez com-
me des maris & des femmes.
Saint Jerôme dit la même choſe dans
ſon Epître 22.La plûpart des autres Peres
ſoutiennent auſſi que ceux-là pechent ,
qui vivant dans le commerce conjugal ,
deſirent qu'il n'en naiſſe point d'en-

208
La Vie
fans. Mais il n'eſt pas neceſſaire de rap-
porter en particulier leurs autoritez: car
il eſt évident que ces ſortes de perſon-
nes ſont tres-coupables aux yeux de
Dieu , puiſqu'elles s'oppoſent à la fin
pour laquelle il a inſtitué le Mariage ,
& qu'elles reſiſtent aux deſirs & aux in-
clinations de la nature, qui veut ſe ſervir
des gens mariez pour faire ſubſiſter le
genre humain.
A l'égard de ceux qui procurent des
avortemens , qui attentent contre la vie
des enfans qui ſont encore dans le ſein
de leurs meres, & qui non ſeulement les
empêchent de voir le jour , mais les pri-
Lib. 2.
pedag. c.
20.
vent des biens éternels, S. Clement Ale-
xandrin
dit qu'ils ſe dépoüillent de tous
les ſentimens de l'humanité; S. Auguſtin
Lib. 1. de.
nupt. &
concup. c.
15.
les accuſe d'homocide ; les autres SS.Pe-
res
enſeignent qu'ils commettent un cri-
me déteſtable , & qu'ils ſont en horreur
à tous les hommes. C'eſt pourquoi leur
condamnation eſt certaine, & on ne s'ar-
rêtera pas davantage à les combattre.
Cul de lampe.

209
des Gens Mariez Ch. XIX.
Bandeau.

CHAPITRE XIX.

Du ſoin que les peres & les meres doivent
avoir de faire baptiſer leurs enfans nou-
veaux nez ; qu'ils ſont obligez de choiſir
d'honnêtes gens pour être leurs parrains
& marraines ; qu'il faut qu'ils leur don-
nent des noms par des ſentimens de pie-
té & de religion, & non point par ca-
price, ni pour des raiſons humaines.

La Foy nous apprend que nous ſom-
mes tous morts en Adam ; que nous
participons à ſon peché ; & que nous
ſommes tombez avec lui dans la diſ-
grace & dans l'indignation de Dieu.
C'eſt ce que S. Paul veut nous marquer,
Epheſ. 23
3.  1. Cor.
15. 22.
Gal. 3.
27.  2.
Cor. 5. 17.
1. Cor. 6.
11.
lorſqu'il dit , que nous ſommes tous par
nôtre nature enfans de colere
. Mais la mê-
me foy nous enſeigne que comme nous
ſommes tous morts en Adam , nous re-
naiſſons auſſi tous en JESUS-CHRIST;
qu'étant baptiſez en JESUS-CHRIST,
nous ſommes revêtus de JESUS-CHRIST;
que nous devenons en lui une nouvelle
creature , & que nous ſommes lavez &
ſanctifiez dans les eaux du Baptême.
C'eſt ce qui doit porter les peres &
les meres à preſenter le plutôt qu'ils
peuvent leurs enfans à cette Piſcine ſa-

210
La Vie
crée , afin qu'ils y ſoient gueris & re-
generez.  Et en effet, s'ils ont une pie-
té ſolide , ils doivent gémir & reſſentir
une vive douleur de ce que leurs enfans
ſont dans la captivité du démon , & de
ce que ce malin eſprit habite dans leurs
corps , comme dans ſon propre herita-
ge ; ils ſont obligez de faire tout ce qu'ils
peuvent pour l'en chaſſer au plutôt , &
pour lui enlever ces miſerables creatures
qu'il tyraniſe ; & par conſequent ils ne
doivent point differer leur Baptême ,
puiſque c'eſt le ſeul moyen de les affran-
chir de cette horrible ſervitude.
Cependant combien y a-t-il de per-
ſonnes qui negligent de leur faire ap-
pliquer ce remede ſalutaire , qui diffe-
rent leur Baptême pendant un tems con-
ſiderable , ſous prétexte d'attendre des
gens de qualité qu'ils veulent leur don-
ner pour parrains & pour marraines ,
& qui ſont quelquefois cauſe par ce re-
tardement , qu'ils periſſent dans la diſ-
grace de Dieu , & qu'ils ſont privez de
ſa vision beatifique.
Ces peres & ces meres ſont-ils mala-
des ? ils ont auſſi-tôt recours au Mede-
cin ; ils le conſultent ſur tous leurs
maux ; ils ne manquent pas de prendre
tous les remedes qu'il leur preſcrit , par-
cequ'ils ſont dans l'impatience de gue-
rir , & de recouvrer leur ſanté.  Le feu

211
des Gens Mariez Ch. XIX.
prend-il à leurs maiſons ? ils travaillent
auſſi-tôt à l'éteindre, & ils mettent tout
en œuvre pour y réuſſir.  Voyent-ils ve-
nir les ennemis ? ils prennent aussi-tôt la
fuite , & ils cherchent un lieu de retraite,
pour ſe mettre à couvert de leur fureur.
Ont-ils occaſion de faire fortune , & de
monter aux charges & aux dignitez ?
ils s'en réjouiſſent, ils s'y apliquent, & ils
n'y perdent pas un ſeul moment.
Pourquoi n'ont-ils pas la même acti-
vité & le même zele , lorſqu'il s'agit
de ſecourir leurs enfans , dont l'ame eſt
malade , ou plutôt morte aux yeux de
Dieu ? Pourquoi negligent-ils d'étein-
dre le feu du peché qui eſt allumé dans
leur cœur , & qui les dévore ? Pourquoi
ne pensent-ils pas à repouſſer & à chaſſer
l'ennemi infernal qui les domine , &
qui les tient captifs ? Pourquoi diffe-
rent - ils de les preſenter au Baptême ,
où ils ſeront lavez & purifiez de toutes
leurs iniquitez , reçus au nombre des
enfans de Dieu , ornez des vertus chré-
tiennes ? Il eſt certain que cette diffe-
rente conduite qu'ils tiennent , lorſqu'il
s'agit de leurs interêts , ou de la gene-
ration de leurs enfans , fait connoître
qu'ils n'ont33 preſque point de ſen-
timent pour les choses de Dieu , qu'ils
ſont tout charnels , & qu'ils n'agiſſent
que par amour propre.  Car enfin, s'ils

212
La Vie
ſuivoient les lumieres de la foy , & s'ils
avoient de la pieté & de la religion , ne
penſeroient - ils pas autant au ſalut de
ceux à qui ils ont donné la naiſſance cor-
porelle , qu'à leur propre ſanté , & à
l'avancement de leurs affaires temporel-
les.  La juſtice demanderoit ſans doute
qu'ils en fuſſent beaucoup plus occupez:
mais enfin pour s'accommoder à leur
foibleſſe , on ſe contente de les avertir
de n'avoir pas moins de soin de la sanc-
tification de leurs enfans , qu'ils n'en
ont de ce qui les concerne en leur par-
ticulier.
Les loix de l'Egliſe & la coutume ,
veulent que l'on donne des Parrains &
des Marraines aux enfans qui ſont bap-
tiſez.  Cela s'obſerve par tout fort re-
gulierement , les Paſteurs y tenant la
main , & les peuples y étant d'ailleurs
aſſez portez d'eux - mêmes. C'eſt pour-
quoi il n'eſt pas beſoin de prouver qu'on
doit maintenir cette ſainte pratique : il
faut ſeulement marquer aux peres & aux
meres, quelles perſonnes ils ſont obligez
de choiſir pour cette ſainte fonction.
L'eſprit du monde les porte ordinaire-
ment à jetter les yeux ſur ceux qui ſont
riches , qui ont du credit , & qui poſ-
ſedent de grands emplois ; ou bien ils
prennent de leurs parens & de leurs amis,
ſans ſe mettre en peine d'examiner

213
des Gens Mariez Ch. XIX.
quelles ſont leurs mœurs , ni s'ils ont
de la pieté & de la religion. C'eſt un abus
qui eſt tres-commun , & auquel nean-
moins peu de gens font reflexion. Ainſi
je croi qu'il eſt important d'en avertir
les Fideles afin qu'ils ne s'y laiſſent point
aller , & qu'ils ne ſuivent point en cela
le torrent du ſiecle.
Tertullien dit que les enfans n'étant
Lib. de.
Bapt. c.
18.
pas encore capables de renoncer à Sa-
tan
, ni de faire des vœux & des promeſ-
ſes , on leur donne des parrains & des
marraines qui y renoncent pour eux , &
qui promettent à Dieu & à l'Egliſe en
leur nom, qu'ils vivront conformément
aux regles & aux maximes de l'Évangile.
Saint Auguſtin appelle les parrains &
Ser. 115
Epist. 90.
le marraines , tantôt les tuteurs des en-
fans qu'ils preſentent à l'Egliſe , & tan-
tôt leurs maîtres & leurs docteurs.
Saint Ceſaire Archevêque d'Arles ,
Serm. 66.
& 68.
enſeigne qu'ils répondent pour eux aux
demandes que l'Egliſe leur fait, & qu'ils
ſont leur caution auprès de cette ſainte
Epouſe de JESUS-CHRIST.
D'autres ſaints Docteurs les regardent
comme leurs ſeconds peres , & diſent
qu'ils ſont chargez de leur inſtruction &
de leur éducation.
C'en eſt aſſez pour faire comprendre
aux Fideles qu'ils ne doivent point don-
ner pour parrains & pour marraines à

214
La Vie
leurs enfans , des perſonnes dont la vie
ne ſoit pas bien reglée, qui ne ſe condui-
ſent pas ſelon l'eſprit de l'Evangile ,
qui ſoient idolâtres du monde , & qui
s'abandonnent à des déreglemens conſi-
derables.
En effet , quelle apparence de choiſir
à des enfans pour tuteurs dans la vie
ſpirituelle, des perſonnes qui ſont elles-
mêmes foibles , qui ne ſçavent pas ſe
conduire , qui croupiſſent dans le vice,
& qui s'abandonnent à la débauche ?
Quelle apparence de donner à l'Egliſe
pour caution de la foy des enfans , des
perſonnes qui y renoncent elles-mêmes
par leurs œuvres , & par toute leur con-
duite exterieure , comme dit le grand
Epit.1.16.
Apôtre
? Quelle apparence de preſen-
ter à nôtre Mere la ſainte Egliſe , pour
faire des vœux & des promeſſes au nom
de ces petits enfans , des perſonnes qui
ont elles - mêmes cent fois violé les
vœux & les promeſſes de leur Baptême,
& qui ne ſe mettent pas encore en peine
de les executer ? Quelle apparence lorſ-
qu'il s'agit de renoncer pour des enfans
aux pompes du monde , de ſe ſervir de
perſonnes qui les aiment , qui les ſui-
vent , & qui en ſont idolâtres ? Quelle
apparence de prépoſer , pour inſtruire
les enfans des principes de la foy & des
veritez de l'Évangile, des perſonnes qui

215
des Gens Mariez Ch. XIX.
les ignorent, & qui n'en ont pas le cœur
penetré? Quelle apparence enfin que des
parens Chrétiens choiſiſſent des perſon-
nes mondaines & vicieuſes pour tenir
leur place auprés de leurs enfans , lors-
qu'ils viendront à mourir , & qu'ils
veuillent bien ſe repoſer ſur eux de leur
éducation ? Il eſt certain que cela re-
pugne à la droite raiſon ; & l'on peut
dire que tous ceux qui feront une atten-
tion ſerieuſe aux motifs qui ont déter-
miné l'Egliſe à ordonner qu'on donne
aux enfans des Parrains & des Marrai-
nes, éviteront avec ſoin de leur en choi-
ſir qui ſoient ſujets à des vices groſſiers,
& dont l'exemple puiſſe leur être con-
tagieux.
Si l'on me demande quelles perſonnes
il faut donc prendre pour cette fonction,
je répondrai qu'on ne doit point ſe con-
duire en ces rencontres par des vûes hu-
maines , ni conſulter la chair & le ſang ;
mais qu'il faut jetter les yeux ſur ceux
qui peuvent ſecourir les enfans dans la
vie chrétienne , les inſtruire de leurs
devoirs & de leurs obligations , les édi-
fier par leur bonne vie & les faire ren-
trer en eux - mêmes , s'ils viennent ja-
mais à ſe détourner des voyes du ſalut.
C'est ſaint Charles qui me donne cette
idée : car il dit dans le premier Concile
de Milan
, que les Fideles doivent don-

216
La Vie
ner à leurs enfans des Parrains qui ſoient
plus en état de procurer leur bien ſpiri-
tuel , que de les ſecourir dans leur pau-
vreté temporelle : il ordonne aux Curez
d'en inſtruire leurs Paroiſſiens , & de les
avertir de choiſir pour ce ſaint Miniſte-
re , des perſonnes dont la foy & les
mœurs ſont ſi éprouvées, qu'on puiſſe ſe
promettre qu'ils en rempliront toutes
les obligations.
Non ſeulement les parens ſont obligez
d'avoir égard à la vertu & aux bonnes
mœurs, lorſqu'ils donnent des Parrains
& des Marraines à leurs enfans ; mais
il faut que ceux-ci ne leur impoſent des
noms que par des ſentimens de pieté &
de religion ; qu'ils ayent deſſein, en leur
choiſiſſant un Saint pour patron , de les
engager à imiter ſes vertus , & à le ſui-
vre dans les voyes du ſalut ; & qu'ils
s'efforcent d'obtenir de ce Saint, par
leurs prieres, qu'il ſe rende leur protec-
teur, & qu'il demande à Dieu pour eux
les graces qui leur ſont neceſſaires pour
ſe ſanctifier.  Ce ſont là les veritables
motifs qui doivent déterminer les Fi-
deles à donner des noms aux enfans
qu'ils tiennent sur les fonts du Baptême.
Tous les autres qu'ils peuvent ſe propo-
ſer , n'étant ordinairement fondez que
ſur des raiſons de famille , & ſur des in-
terêts temporels, ne ſont pas legitimes,
&

217
des Gens Mariez Ch. XIX.
& ne doivent point être conſiderez dans
le Chriſtianiſme.
Cette reflexion eſt fondée ſur la doc-
trine du grand ſaint Chryſoſtome , qui
remarque que les Juſtes de l'ancien Te-
ſtament
34 donnoient des noms à leurs en-
fans, non par caprice, ni par oſtenta-
tion, mais pour manifeſter les graces
qu'ils avoient reçûes du Ciel, & pour
porter les autres à admirer les merveilles
que Dieu avoit operées en leur faveur.
Ils leur imposoient , dit ce Pere , des
Homil.
21. in
Geneſ.
noms qui les avertiſſoient de ſuivre la
vertu; ils ne ſe conduiſoient pas comme
l'on fait preſentement dans le monde :
car pour l'ordinaire l'on donne des
noms aux enfans par un pur hazard, &
ſans en avoir aucune raiſon legitime,
l'on ſe contente de dire, l'ayeul & le
biſayeul ſe nommoient ainſi, il faut
donner le même nom à cet enfant.
Mais les anciens n'en uſoient pas de la
ſorte: ils avoient ſoin d'impoſer à leurs
enfans des noms qui les portoient à
marcher dans les ſentiers de la vertu,
& qui étoient propres à inſtruire & à
édifier ceux qui devoient vivre dans les
ſiecles futurs.
Ce ſaint Docteur en donne des exem-
ples tirez de l'Ecriture : car il obſerve
qu'Eve nomma ſon fils aîné Caïn, pour
faire connoître qu'elle le tenoit de la
K

218
La Vie
ſeule grace de Dieu ; que Seth donna le
nom d'Enos à ſon premier né , parce-
qu'il devoit être un homme extraordi-
naire ; & que ce fut auſſi par myſtere ,
que Lamech nomma Noé ſon fils aîné.
L'on pourroit ajouter à ces exemples ,
Gen. 29.
& 30.
que Lia & Rachel , femmes du Patriar-
che Jacob, eurent ſoin de choiſir des
noms à leurs enfans , par leſquels elles
proteſtoient qu'elles les tenoient de Dieu
ſeul.
L'on ſçait encore que le Prophete
Oſée 1. 4.
6. 4.
Oſée nomma par l'ordre du Ciel ſon fils
aîné, Jezrahel , pour marquer que dans
peu de tems Dieu devoit venger le ſang
de Jezrahel ſur la maiſon de Jehu ; qu'il
appella une de ſes filles ,  ſans miſeri-
corde
, pour annoncer aux hommes qu'à
l'avenir Dieu ne ſeroit plus touché de
miſericorde pour la Maiſon d'Iſraël ; &
qu'il donna à une autre de ſes filles ce
nom myſterieux, non mon peuple, pour
apprendre aux enfans d'Iſraël, que Dieu
les rejetteroit bien-tôt , & qu'ils ne ſe-
roient plus ſon peuple.
Saint Chryſoſtome conclut enſuite
qu'il ne faut pas donner témerairement
des noms aux enfans , & ſeulement par-
ceque leurs ancêtres les ont portez , mais
pour les mettre sous la protection de
quelques Saints ; pour les engager à ſui-
vre leurs vertus , & pour attirer ſur eux

219
des Gens Mariez Ch. XIX.
les graces du Ciel par l'interceſſion de
leurs ſaints Patrons.
Le Catechiſme du Concile de Trente
propoſe les mêmes maximes à ceux qui
preſentent au Baptême un enfant nou-
veau né. On lui impose, dit-il, un nom
De Sa-
cram.
bapt. 6.
qui doit être celui de quelqu'un qui ait
merité par l'excellence de ſa pieté &
de ſa fidelité pour Dieu, d'être mis au
nombre des Saints , afin que par la reſ-
ſemblance du nom qu'il a avec lui , il
puiſſe être excité davantage à imiter
ſa vertu & ſa ſainteté ; qu'en s'effor-
çant de l'imiter il le prie , & qu'il eſpe-
re qu'il lui ſervira de Protecteur & d'A-
vocat auprès de Dieu pour le ſalut de
ſon ame & de ſon corps. Ainſi ceux qui
affectent de donner ou de faire donner
des noms de Payens ; & particuliere-
ment de ceux qui ont été les plus im-
pies , à ceux que l'on baptiſe , ſont fort
blâmables.  Car ils font connoître par
là le peu d'eſtime qu'ils font de la pieté
chrétienne , puiſqu'ils prennent plaiſir
à renouveller la memoire de ces hom-
mes impies , & qu'ils veulent que les
oreilles des Fideles ſoient continuelle-
ment frappées de ces noms prophanes.
Cette remarque ne paroîtra peut être
pas fort importante aux gens du monde,
qui ſe laiſſent ordinairement conduire
par la coutume , & qui croyent n'être
K ij

220
La Vie
obligez de faire attention qu'aux choſes
qui ſont abſolument mauvaiſes , & auſ-
quelles on ne pourroit ſe porter ſans ſe
rendre tres-criminel. Mais j'eſpere que
les perſonnes de pieté n'en jugeront pas
ainſi ; car ils ſçavent qu'il n'y a rien de
petit dans la Religion chrétienne ; que
toutes ses ceremonies ſont auguſtes , &
renferment tres-ſouvent des myſteres ;
& que l'impoſition d'un nom n'eſt pas
peu importante aux enfans , puiſqu'il
s'agit de ler choiſir un Protecteur au-
près Dieu , de leur donner un Avocat
qui intercede pour eux , & de leur met-
tre devant les yeux un modele de per-
fection qu'ils puiſſent imiter , afin de
marquer avec plus de ſûreté dans les
voyes du ſalut.

Bandeau.

CHAPITRE XX.

Qu'il n'y a rien qui ſoit plus recommandé
aux peres & aux meres dans l'Ecritu-
re
, par les ſaints Peres , & par les
Conciles, que de donner une bonne édu-
cation à leurs enfans.

Comme il n'y a rien de plus impor-
tant dans la Religion chrétienne
que l'éducation des enfans , il faut en
parler avec quelque étendue, non ſeule-

221
des Gens Mariez Ch. XX.
ment dans ce chapitre , mais dans les
ſuivans , afin de convaincre ceux qui
s'engagent dans le Mariage , qu'ils ſont
obligez d'y donner tous leurs ſoins , &
de leur marquer en même tems comment
ils doivent ſe conduire pour s'en bien ac-
quitter.
Tobie ayant obtenu un fils du Ciel ,
crut que la premiere de ſes obligations
étoit de le former de bonne heure à la
vertu , & de lui apprendre dés ſes plus
tendres années , à craindre & à ſervir
Tob. 1. 9.
10.
celui dont il tenoit l'être.  Lorſqu'il fut
devenu homme
, dit l'Ecriture, il épouſa
une femme de ſa Tribu nommée Anne; il
en eut un fils auquel il donna ſon nom. Et
il lui apprit dés ſon enfance à craindre
Dieu, & à s'abſtenir de tout peché.
Ce ſaint homme n'avoit garde de
negliger l'éducation de ſon fils , puiſ-
qu'il avoit lui-même toujours vêcu dans
la pieté , & que ſa premiere jeuneſſe
avoit été conſacrée au culte de Dieu.
Le Texte ſacré témoigne que s'étant
ainſi accoutumé de bonne heure à porter
le joug du Seigneur , il fut inébranlable
au milieu des plus grandes tribulations;
& qu'ayant perdu la vûe , il n'en conçut
aucune triſteſſe. Ayant toujours craint
Dieu dés ſon enfance
, dit l'Ecriture , &
cap. 2. 13.
ayant gardé tous ſes Commandemens, il
ne s'attriſta point de ce que Dieu l'avoit
K iij

222
La Vie
frappé par cette playe de l'aveuglement :
mais il demeura ferme & immobile dans la
crainte du Seigneur , rendant graces à
Dieu tous les jours de ſa vie.
L'on peut juger que Job avoit auſſi
été élevé dans la pieté & dans la crainte
du Seigneur dés ſa premiere enfance ,
puiſqu'il dit en parlant de lui - même :
La compaſſion eſt crûe avec moi dés mon
Job. 31.
28.
enfance, & elle eſt ſortie avec moi du ſein
de ma mere.
Salomon rapporte que David ſon pere
lui avoit donné une tres-bonne éduca-
Prov. 4.
3. 4. &
sequent.
tion , & qu'il l'avoit inſtruit de la veri-
table ſageſſe & de la Loy de Dieu.  Je
ſuis fils , dit-il , d'un pere qui m'a élevé,
& d'une mere qui m'a aimé tendrement,
comme ſi j'euſſe été ſon fils unique. Mon
pere m'enſeignoit & me diſoit, que vôtre
cœur reçoive mes paroles; gardez mes pré-
ceptes , & vous vivrez ; travaillez à ac-
querir la ſageſſe; n'oubliez point les paro-
les de ma bouche , & ne vous en détour-
nez point; n'abandonnez point la ſageſſe,
& elle vous gardera ; aimez - la , & elle
vous conſervera. Travaillez à acquerir la
ſageſſe ; travaillez à acquerir la prudence
aux dépens de tout ce que vous pouvez poſ-
ſeder. Faites effort pour atteindre juſqu'à
elle , & elle vous élevera.  Elle deviendra
vôtre gloire lorſque vous l'aurez embraſſée,
elle mettra ſur vôtre tête un accroiſſement

223
des Gens Mariez Ch. XX.
de grace , & elle vous couvrira d'une écla-
tante couronne
.
Le Prophete Ezechiel donne auſſi à
entendre que ſes parens l'avoient inſtruit
de la Loy du Seigneur dés que ſa raiſon
Ezech. 4.
14.
avoit commencé à ſe déveloper : car il
proteſte à Dieu qu'il n'a jamais mangé
d'aucue choſe impure ;  & que depuis
ſon enfance rien de ſouillé n'eſt entré
dans ſa bouche.
Et ſaint Paul dit que ſon Diſciple Ti-
2. Tim. 3.
15.
mothée
nourri dés ſon enfance dans les
lettres ſaintes.
Outre tous ces exemples qui ſont tres-
conſiderables, l'on trouve dans l'Ecritu-
re
des préceptes poſitifs sur l'éducation
& ſur l'inſtruction des enfans. Moïſe ce
grand conducteur du peuple de Dieu ,
ne ſe contenta pas d'inſtruire les Iſraëli-
tes
, & de leur expliquer la Loy de Dieu,
mais il leur enjoignit d'en inſtruire eux-
mêmes leurs enfans , & toute leur poſ-
terité.   N'oubliez point , leur dit-il, les
Deut. 4.
9.
grandes choſes que vos yeux ont vûes, qu'el-
les ne s'effacent point de vôtre cœur & de
votre eſprit tous les jours de vôtre vie. En-
ſeignez-les à vos enfans & à vos petits en-
fans. Gravez mes paroles dans vos cœurs
Cap. 11.
18. 19.
& dans vos eſprits , & tenez-les ſuſpen-
dues comme un ſigne dans vos mains & ſur
vôtre front entre vos yeux ; apprenez à
vos enfans à les mediter lorſque vous êtes
K iiij

224
La Vie
aſſis en vôtre maiſon, ou que vous marchez
dans le chemin, lorſque vous vous couchez,
ou que vous vous levez.
Il ajoute que Dieu
lui parlant , lui adreſſa ces paroles :  Fai-
tes venir tout le peuple devant moi , afin
qu'il entende mes paroles , & qu'il appren-
ne à me craindre tout le tems qu'il vivra
ſur la terre , & qu'il apprenne à ſes enfans
ce que vous lui aurez appris.
L'Eccleſiaſtique ordonne auſſi aux pe-
Eccli. 7.
25.
res de s'appliquer de tout leur pouvoir
à l'inſtruction & à l'éducation de leurs
enfans.   Avez-vous , leur dit-il , des fils,
inſtruiſez-les bien , & accoutumez-les au
joug dés leur enfance : le cheval qui n'a
point été dompté deviendra intraitable, &
Ibid. 11.
30. 8.
l'enfant abandonné à ſa volonté devient in-
ſolent.
Ne rendez point vôtre fils maître de lui-
Verſ. 11.
même dans ſa jeuneſſe, & ne negligez point
ce qu'il fait & ce qu'il penſe.
Courbez-lui le cou pendant qu'il eſt jeune,
Verſ. 12.
& châtiez-le de verges pendant qu'il eſt en-
fant , de peur qu'il ne s'endurciſſe , qu'il ne
veille35 plus vous obéir, & que votre ame ne
ſoit percée de douleur.
Inſtruiſez votre fils , travaillez à le for-
Verſ. 13.
mer, de peur qu'il ne vous deshonore par ſa
vie honteuſe.
Non ſeulement les peres & les meres
ſont obligez par la Loy de Dieu de bien
élever leurs enfans , mais leurs propres

225
des Gens Mariez Ch. XX.
interêts les y engagent : car l'Eccleſiaſti-
que
enſeigne que ceux qui s'y applique-
ront ſérieuſement, en tireront de grands
avantages  Celui , dit-il , qui inſtruit ſon
fils , y trouvera ſa joye , & ſe glorifiera
en lui parmi ses proches: celui qui enſeigne
ſon fils , rendra ſon ennemi jaloux de ſon
bonheur , & il ſe glorifiera en lui parmi ſes
amis.   Corrigez & inſtruisez votre fils
, dit
Verſ. 2.
& 3.
Prov.29.
17.
auſſi Salomon , & il vous conſolera , &
deviendra les delices de votre ame.
Nous apprenons au contraire des Li-
vres des Rois
, que les peres qui negli-
gent l'éducation de leurs enfans , ſont
tres - criminels , & qu'ils meritent une
tres-grande punition: car ils portent que
le Prêtre Heli n'ayant pas bien inſtruit
ſes fils, ou ne s'étant pas au moins oppo-
sé aſſez fortement à leurs déreglemens,
Reg. 4.
Dieu en fut tellement irrité , qu'il per-
mit que les Israëlites fussent taillez en
pieces , & que l'Arche d'Alliance tom-
bât entre les mains des Philistins , &
qu'il le punit lui - même d'une maniere
terrible , & par une mort violente, quoi-
qu'il fût fort âgé : car à la nouvelle de la
prise de l'Arche , il tomba à la renverse;
& s'étant cassé la tête , il mourut sur le
champ.
Il eſt certain que ſaint Paul a crû que
1. Tim.
2. 15.
l'éducation des enfans eſt un des devoirs
les plus eſſentiels des peres & des meres:
K v

226
La Vie
car dit que les femmes ſe ſauveront par
les enfans qu'elles mettront au monde ,
pourvû qu'elles procurent , en leur don-
nant une bonne éducation , qu'ils de-
meurent dans la foy , dans la charité ,
dans la ſainteté , & dans une vie bien re-
glée.
Il veut qu'on examine ſi celles qui ſe
Ibid. c.5.
10.
preſentent pour être reçûes au nombre
des veuves que l'Egliſe nourrit, & qu'elle
employe à de ſaints Miniſteres , ont eu
ſoin de bien élever leurs enfans.
Il défend d'ordonner Evêque celui qui
ne gouverne pas bien ſa famille , & qui
ne donne pas une bonne éducation à ſes
enfans.  Il faut, dit-il, que l'Evêque gou-
Ibid. c. 3.
v. 4. 5.
verne bien ſa propre famille, & qu'il main-
tienne ſes enfans dans l'obéiſſance & dans
toute ſorte d'honnêteté : car ſi quelqu'un
ne ſçait pas gouverner ſa propre famille,
comment pourra-t-il conduire l'Egliſe de
Dieu ?
Il avertit avant toutes choſes le36 peres
Eph. 6.4.
& les meres de bien élever leurs enfans ,
en les corrigeant & les inſtruiſant ſelon
le Seigneur.
Il ſoutient que celui qui n'a pas ſoin
2 Tim. 5.
8.
des ſiens , & particulierement de ceux de
ſa maiſon , renonce à la foy , & qu'il eſt
pire qu'un Infidele.
Prov.22.
6.
Enfin Salomon ayant dit que le jeune
homme qui s'accoutume à ſuivre ſes voyes
,

227
des Gens Mariez Ch. XX.
ne les quittera point même dans ſa vieil-
leſſe
: Il faut conclure qu'il n'y a rien de
plus important que de veiller ſur les
enfans dés leur plus tendre jeuneſſe , &
de leur donner une bonne éducation :
car ſi l'on ſouffre qu'ils contractent de
mauvaiſes habitudes , il les conſervent
toute leur vie ; ils demeurent tels qu'ils
ont d'abord été ; & on ne doit pas s'at-
tendre qu'ils ſurmontent dans la ſuite
leurs premieres inclinations , qui ayant
crû avec eux, leur ſont devenues comme
naturelles.
L'on trouve auſſi dans les ſaints Peres
de l'Egliſe
, une infinité d'autoritez qui
confirment la verité que nous avons en-
trepris d'établir.
Le grand ſaint Basile juſtifiant ſa foy
Epiſt. 77.
& ſes ſentimens contre ceux qui le ca-
lomnioient , & qui le décrioient dans le
public , dit qu'il a été inſtruit dans la ve-
ritable foy par ſa nourrice Macrine ,
cette femme si illustre , qui lui appre-
noit les veritez que le bienheureux Gre-
goire
avoit autrefois enſeignées , & qui
ſe conſervoient encore par tradition dans
pluſieurs Egliſes. Cela prouve que dans les
premiers ſiecles on avoit un tres-grand
ſoin de bien élever les enfans ; & que
dés qu'ils pouvoient parler , leurs meres
ou leurs nourrices les inſtruiſoient des
dogmes de la Foy , & des maximes de
K vj

228
La Vie
la Morale Chrétienne.
On ne ſçauroit douter que S. Jerôme
n'ait été tres-perſuadé que l'obligation
la plus indiſpenſable des peres & meres
ne ſoit de donner une bonne éducation à
leurs enfans , puiſque voulant inſtruire
Læta37 , & la former dans la pieté chré-
tienne , il compoſa un Traité exprès ,
pour lui apprendre comment elle de-
voit élever la jeune Paule ſa fille. Il faut
donc voir les avis qu'il lui donne ſur ce
ſujet.
Il lui dit qu'elle doit avoir ſoin que
Ep. 7.
les Maîtres qu'elle choiſira pour l'in-
ſtruire , ſoient de bonnes mœurs , &
exempts de defauts , parceque les en-
fans ſont beaucoup plus ſuſceptibles du
vice que de la vertu ; qu'ils imitent tres-
facilement le mal qu'ils voyent faire , &
qu'ils retiennent tres-ſouvent toute leur
vie les mauvaiſes impreſſions qu'on leur
a données dans leur premiere jeuneſſe.
Il lui allegue à ce propos l'exemple d'A-
lexandre le Grand
, qui étant ſi puiſſant,
& ayant dompté le monde entier , ne
put jamais , au rapport de Plutarque ,
ſurmonter les vices qu'il avoit remar-
quez étant fort jeune dans Leonidas son
Precepteur , ni ſe défaire d'une poſture
mal ſéante à laquelle il s'étoit accoutu-
mé, en le voyant marcher.
Il lui conſeille même de l'obſerver de

229
des Gens Mariez Ch. XX.
ſi près , & d'être ſi attentive à ſa con-
duite , qu'elle ſoit aſſurée qu'elle ne
voye & qu'elle n'entende jamais rien
que d'édifiant. Faites en ſorte, lui dit-
il , qu'elle n'entende et qu'elle ne tien-
ne elle-même que des diſcours qui lui
inſpirent la crainte de Dieu ; qu'on ne
prononce jamais en ſa preſence aucu-
nes paroles deshonnêtes ; & qu'on ne
lui apprenne point des airs & des chan-
ſons du monde. Il faut au contraire, que
vous la portiez à reciter des Pſaumes
& des Cantiques ſpirituels, & que vous
l'éloigniez de la compagnie des autres
enfans qui ſont ordinairement fort mal
élevez.  Vous devez même empêcher
les filles & les ſervantes qui ſont au-
tour d'elle, de frequenter des perſonnes
du monde , de peur qu'elles ne lui ap-
prennent le mal qu'elles auront elles-
mêmes appris en ſe répandant dans le
ſiecle.
Et parcequ'elle ne pouvoit pas être
toujours avec ſa fille , il l'avertit de lui
donner une Gouvernante ſage & diſ-
crette , qui ait toujours l'œil ſur elle ,
qui ne la quitte point , & qui la forme
de bonne heure à tous les exercices de la
pieté chrétienne. Mettez auprès d'elle,
lui dit il , une Vierge déja âgée , dont
la foy , la pureté & les mœurs ſoient
éprouvées, qui l'accoutume , & qui lui 230La Vie apprenne par ſon exemple à ſe relever
Il entend
par là les
heures de
Tierce, de
Sexte, &
de None,
& les Vê-
pres.
la nuit pour prier & pour reciter des
Pſeaumes, à chanter des Hymnes dés
le grand matin, à ſe preſenter dans le
champ de bataille comme une gene-
reuſe athlete de JESUS-CHRIST, à la troi-
ſiéme , à la ſixiéme & à la neuviéme
heure, & à offrir au Seigneur le ſacrifi-
ce du ſoir lorſqu'on allume les lampes38.
Il lui marque qu'il faut qu'elle ſoit
toujours occupée ; qu'elle file de la laine
& de l'étaim39 ; qu'elle faſſe ſucceder la
lecture à la priere , & la priere à la lec-
ture ; qu'elle s'exerce à la temperance &
à la ſobrieté ; & qu'elle liſe aſſiduement
l'Ecriture ſainte , afin qu'elle y apprenne
à regler ſes mœurs , à mépriſer le mon-
de, à pratiquer la patience, & à ſurmon-
ter ſes paſſions.
Il dit enſuite que c'eſt à elle à répon-
dre de toutes les démarches de ſa fille ;
& que ſi elle eſt obligée de prendre tou-
tes ſortes de précautions pour empê-
cher qu'elle ne ſoit piquée par des vipe-
peres , elle doit avoir encore plus de
ſoin de la garantir des morſures du ſer-
pent infernal , & de la détourner de boi-
re dans le calice de Babylone, c'eſt-à-
dire, de prendre part aux plaiſirs & aux
vanitez du ſiecle.
Il lui déclare enfin que ſi elle veut
être utile à ſa fille , & lui donner une

231
des Gens Mariez Ch. XX.
bonne éducation , elle doit l'édifier par
l'innocence de ſa vie , & par la ſainteté
de ſa conduite. Que vôtre fille, lui dit-
il, ne voye rien dans vous & dans ſon
pere , qu'elle ne puiſſe imiter ſans pe-
cher: ſoyez perſuadez, vous qui êtes ſes
parens , que vous êtes obligez de l'in-
ſtruire plutôt par vos exemples que par
vos paroles.
Ce ſaint Docteur enſeigne en un autre
In cap. 3.
Epiſt. ad
Tit.
lieu , que les peres & les meres aiment
veritablement leurs enfans, lorſqu'ils les
inſtruiſent de leurs devoirs , & qu'ils les
élevent dans la crainte du Seigneur: mais
que s'ils ſouffrent qu'ils pechent, & qu'ils
ne les reprennent pas de leurs défauts ,
ils n'ont que de la haine pour eux , &
qu'ils ſont leurs veritables ennemis. En
effet il eſt écrit , Que celui qui épargne
Prov. 13.
24.
la verge , hait ſon fils ; mais que celui
qui l'aime, s'applique à le corriger.
Saint Ambroiſe obſerve que Dieu avoit
In cap.
12. Levit.
assez fait connoître ſous la Loy écrite ,
qu'il vouloit que les peres & les meres
lui offriſſent leurs fils dés qu'ils étoient
nez , qu'ils les élevaſſent dans la pieté ,
& qu'ils euſſent soin de leur inſpirer de
bonne heure des ſentimens de Religion,
puiſqu'il leur avoit ordonné de les faire
circoncire le huitiéme jour après leur
naiſſance : car , dit-il , il ne les obli-
geoit à faire ſi - tôt cette ceremonie ,

232
La Vie
qu'afin que leurs enfans lui fuſſent con-
ſacrez dés le commencement de leur
naiſſance; que la Religion crût avec eux;
& qu'ils fuſſent accoutumez de bonne
heure à la douleur & aux ſouffrances.
Il faudroit tranſcrire une grande par-
tie des Confeſſions de ſaint Auguſtin, ſi
l'on vouloit rapporter tout ce qu'il dit
contre les parens qui negligent de s'ap-
pliquer à l'éducation de leurs enfans, ou
qui leur en donnent une mauvaiſe. Par-
cequ'il avoit lui-même éprouvé ce mal-
heur dans ſa premiere jeuneſſe, il en ge-
mit , & s'en plaint amoureuſement à
Dieu par ces paroles ſi tendres & ſi édi-
Lib. 1.
Conf. c.
9.
fiantes. N'ai-je pas ſujet , mon Dieu ,
de déplorer les miſeres & les trompe-
ries que j'ai éprouvées en cet âge, puiſ-
qu'on ne me propoſoit point d'autre
regle de bien vivre , que de ſuivre la
conduite & les avertiſſemens de ceux
qui ne travailloient qu'à m'inſpirer le
deſir & l'ambition de paroître un jour
avec éclat dans le monde , & d'excel-
ler dans l'art de l'éloquence , qui fait
acquerir de l'honneur parmi les hom-
mes , & des richeſſes fauſſes & trom-
peuſes.
On m'obligeoit , pourſuit-il , de me
ſouvenir des vaines & fabuleuſes avan-
tures d'un Prince errant tel qu'étoit
Enée, lorſque j'oubliois mes égaremens 233des Gens Mariez Ch. XX. & mes erreurs. On m'enſeignoit à pleu-
Ibid. c.13.
rer la mort de Didon, à cauſe qu'elle s'é-
toit tuée par un tranſport violent de ſon
amour, pendant que j'étois ſi miſerable
que de regarder d'un œil ſec la mort
que je me donnois à moi-même, en m'at-
tachant à ces fictions, & en m'éloignant
de vous , mon Dieu , qui êtes ma vie.
Car y a-t-il une plus grande miſere ,
que d'être miſerable ſans reconnoître,
& ſans plaindre ſoi - même ſa propre
miſere, que de pleurer la mort de Di-
don
, laquelle eſt venuë de l'excès de ſon
amour pour Enée, & de ne pleurer pas
ſa propre mort, qui vient du defaut d'a-
mour pour vous ?
Il repreſente comment au lieu de le
détourner de l'amour du monde, on l'y
exhortoit , & on l'y portoit par de vains
applaudiſſemens. Je ne vous aimois
pas, ô mon Dieu ! vous qui êtes la lu-
miere de mon cœur , la nourriture in-
terieure de mon eſprit , & l'Epoux qui
ſoutenez et fortifiez mon ame.  Je ne
vous aimois pas , & j'étois ſeparé de
vous par un adultere ſpirituel; & dans
cette fornication j'entendois de tous cô-
tez retentir cette voix à mes oreilles :
Courage, courage, car l'amour qu'on a
pour le monde eſt un amour d'adultere
qui nous éloigne de vous; & l'on nous
crie, courage , courage , afin qu'étant  234La Vie hommes comme les autres, nous ayons
honte de n'être pas auſſi enchantez de
ce fol amour, & auſſi perdues que le ſont
les autres.
Il gemit de ce que ſon pere qui vou-
loit bien faire une dépenſe extraordi-
naire , pour l'envoyer étudier dans une
Ville fort éloignée , ne penſoit point à
Ibid. l.2.
c. 3.
le porter à la pieté, ni à l'y exercer. Il
ſe dispoſoit , dit-il , à m'envoyer à
Carthage, plutôt par un effort de l'am-
bition qu'il avoit pour moi, que par le
pouvoir que ſon bien lui en donnoit ,
n'étant qu'un des moindres Bourgeois
de Thagaſte.  Cependant il ne ſe met-
toit nullement en peine , mon Dieu ,
que j'avançaſſe dans vôtre crainte , à
meſure que j'avançois en âge , ni que
je fuſſe chaſte. Il ne desiroit autre cho-
ſe ſinon , que je devinſſe éloquent , &
que je ſçuſſe compoſer un diſcours fleu-
ri, pendant que j'étois moi-même une
terre deſerte & infructueuſe , & que le
champ de mon ame , dont vous êtiez,
mon Dieu , le ſeul maître , & le veri-
table poſſeſſeur , ne recevoit aucune
culture de vôtre main , ni aucune in-
fluance de vôtre grace.
Il ſoutient qu'il eſt de la derniere
conſequence de corriger les enfans dés
qu'ils ſont capables de raiſon , & de les
reprendre des défauts qu'on remarque

235
des Gens Mariez Ch. XX.
en eux ; parceque ſi on les diſſimule ,
ſous prétexte qu'ils ne paroiſſent pas
conſiderables, ils croiſſent dans la ſuite,
& les portent même à de grands crimes.
La premiere corruption de leur eſprit
Ibid. l. 3.
c. 13.
& de leur cœur , dit-il , paſſe enſuite
dans tout le reſte de leur vie. Tels
qu'ils ont été à l'égard de leurs Pré-
cepteurs & de leurs Maîtres , il le ſont
à l'égard des Rois & des Magiſtrats :
après avoir commis de petites injuſtices
pour avoir des noix , des balles & des
moineaux , ils en commettent de gran-
des pour amaſſer de l'argent , pour ac-
querir de belles maiſons, & pour avoir
un grand nombre de ſerviteurs.  Leur
déreglement croît avec l'âge , comme
les grands ſupplices que les loix ordon-
nent , ſuccedent aux legeres peines des
enfans.
Il dit qu'il eſt comme impoſſible de
bien élever des enfans , & de les garan-
tir de la corruption du siecle , à moins
qu'on ne les separe de la compagnie des
Ibid. l. 3.
c. 3. 4.
autres enfans qui frequentent le monde;
& pour le prouver , il ſe ſert encore de
ſon propre exemple : car il aſſure qu'il
ne ſe fût jamais porté à voler des fruits,
ni à commettre d'autres deſordres , s'il
n'y eût été engagé par l'exemple des
jeunes gens avec qui il ſe divertiſſoit ,
& qui diſputoient entr-eux à qui ſeroit

236
La Vie
le plus méchant & le plus libertin.
Enfin pour faire voir qu'il eſt tres-
important de donner une bonne éduca-
tion aux enfans , ce ſaint Pere rapporte
que ſa mere l'ayant accoutumé dès ſes
plus tendres années à prononcer & à
venerer le Nom de JESUS, ce fut ce
Nom adorable qui le détacha & le dé-
gouta dans la ſuite de ſa vie de la lec-
ture de Ciceron; & particulierement de
Ibid. l. 3.
c. 4.
son Livre intitulé, Hortensius.J'étois,
dit-il , tout ravi & tout embraſé lorſ-
que je liſois ce Traité : mais ce qui me
refroidiſſoit & rallantiſſoit mon ardeur,
étoit que je ne voyois point le Nom de
JESUS écrit dans ce Livre. Car par
vôtre miſericerde, mon Dieu, ce Nom
de mon Sauveur vôtre Fils étoit entré
dans mon cœur dés mes plus tendres
années avec le lait de ma mere; & il y
étoit demeuré gravé ſi profondément,
que tous les diſcours où je ne trouvois
point ce Nom, quelques remplis d'élo-
quence, de doctrine & de veritez qu'ils
puſſent être , ne me raviſſoient pas en-
tierement.
Saint Gregoire parlant auſſi de la ma-
Lib. 6.
Ep. in-
dict. 15.
23.
niere dont il faut élever les enfans , dit
qu'il eſt tres - dangereux de commettre
leur éducation à des perſonnes mal re-
glées ; parceque leurs actions & leurs
diſcours font de fortes impreſſions ſur

237
des Gens Mariez Ch. XX.
leurs eſprits , & les infectent tres - ſou-
vent comme un poiſon mortel.
Il obſerve dans ſes Dialogues , qu'un
Lib. 4.
c. 18.
pere ayant ſouffert que ſon fils qui n'é-
toit encore âgé que de cinq ans , s'ac-
coutumât à jurer, cet enfant en contrac-
ta une ſi forte habitude , qu'il ne pou-
voit preſque plus s'en abſtenir , & qu'il
blaſphemoit en toutes rencontres. Etant
un jour fort malade , ajoute-t-il , on re-
marqua qu'il avoit de grandes frayeurs ,
& qu'il s'agitoit extraordinairement ; &
comme on en étoit ſurpris , il fit enten-
dre à ceux qui l'environnoient , & à son
pere même qui le tenoit dans ſon ſein ,
qu'il voyoit des ſpectres & des hommes
tout noirs qui vouloient l'emporter ;
& un moment aprés ayant redoublé
ſes blaſphêmes , il mourut d'un manie-
re tres violente : ce qui fit juger à tout
le monde que l'eſprit malin lui étoit ap-
paru , & étoit venu le troubler au mo-
ment même qu'il avoit rendu l'eſprit.
Ce ſaint Pape s'étant ſervi de l'exem-
ple funeſte de cette homme impie, pour
intimider les peres & les meres qui ne-
gligent d'inſtruire & de corriger leurs
enfans , il leur en allegue un autre
tres - édifiant pour fortifier leur zele ,
& pour les porter à s'appliquer de tout
leur pouvoir à procurer leur ſalut. Car
il leur parle dans une de ſes Homelies,

238
La Vie
de l'illuſtre ſainte Felicité , qui anima
elle - même ſes ſept fils au martyre , &
qui aima mieux les voir mourir en ſa
preſence dans la confeſſion du Nom de
JESUS-CHRIST, que de les laiſſer en vie
après elle dans le danger de renoncer à
la Religion , & de faire miſerablement
Hom. 3.
in Ev.
naufrage dans la Foy. Elle craignoit
autant , dit-il , de laiſſer en vie après
elle ſes ſept enfans, que les peres char-
nels craignent ordinairement de voir
mourir les leurs avant eux. C'eſt pour-
quoi ayant été priſe pendant le fort
de la perſecution , elle les exhorta par
des paroles pleines de ferveur , à de-
meurer fermes dans l'amour de la
celeſte patrie.  Ainſi elle devint mere
ſelon l'eſprit , de ceux dont elle l'étoit
déja ſelon la chair ; & elle les enfanta
pour Dieu par ſes ſaintes exhortations,
après les avoir déja enfantez pour le
monde par les douleurs de la chair.
Elle apprehenda , ajoute-t-il , de per-
dre la lumiere de la verité dans ſes en-
fans, ſi elle ne les perdoit point.  Elle
craignit qu'ils ne demeuraſſent ici-bas
après elle , elle ſe réjouit au contraire
de les voir mourir ; & elle deſira avec
ardeur de n'en laiſſer aucun vivant
après elle , de peur de ne pas avoir
pour compagnon de ſon martyre ce-
lui qui lui ſurvivroit. Elle a aimé ſes  239des Gens Mariez Ch. XX. enfans ; mais l'amour de la celeſte pa-
trie l'a fait reſoudre à voir mourir en
ſa preſence ceux qu'elle aimoit.
Je puis ajouter que la France nous a
autrefois fourni un pareil exemple de
zele & de religion : car nos Hiſtoriens
rapportent , que la Reine Blanche mere
de Saint Loüis, avoit coutume de dire
aux Princes ſes fils : Dieu ſçait , mes
enfans , combien je vous aime ; mais
j'aimerois cent mille fois mieux vous
voir porter en terre, que de vous voir
commettre un ſeul peché mortel.
Cette parole ſortie de la bouche d'une
Reine , doit couvrir de confuſion une
infinité de Chrétiens, car cette grande
Princeſſe ne travailloit qu'à établir le
regne de Dieu dans le cœur de ſes en-
fans ; elle ne penſoit qu'à les rendre
vertueux ; elle eût donné mille Royau-
mes pour procurer leur ſalut ; & elle
les eût conduit avec joye au tombeau,
ſi elle n'avoit point eu d'autre moyen
de les garantir du peché.  La plûpart
des peres & des meres de ce tems s'em-
preſſent au contraire de faire avancer
leurs enfans dans la fortune ; ils leur
cherchent de tous côtez des établiſſe-
mens avantageux ; ils ne leur parlent
que de grandeurs & de dignitez ; & ce-
pendant ils ne s'informent point s'ils
s'acquittent des devoirs du Chriſtianis-

240
La Vie
me ; ils ne les exhortent point à la ver-
tu ; ou s'ils le font , ce n'eſt que foible-
ment , & ne témoignent que de l'in-
difference pour leur ſalut. Il s'en trouve
même qui ſont plus contens de les voir
riches & puiſſans, que vertueux ; qui ne
ſe ſoucient pas qu'ils ſuivent leurs paſ-
ſions , & qu'ils s'abandonnent à des pe-
chez tres - conſiderables , lorſque cela
peut les faire monter aux honneurs, &
les conduire à de grands emplois ; &
qui imitant l'ambition de cette mere for-
cenée de l'antiquité, diroient volontiers,
qu'ils tuent leur ame pourvû qu'ils re-
gnent.
Je finirai ce Chapitre par les Decrets
de deux Conciles , & par la doctrine du
Catechiſme , dreſſé par ordre de celui
de Trente.  Le Concile de Gangres de
l'an 32440 veut que l'on fulmine les ana-
thêmes de l'Egliſe contre ceux qui aban-
donnent leurs enfans , qui ne ſe met-
tent pas en peine de les nourrir, qui ne
penſent point à les porter à la pieté,
ni à les inſtruire de la Religion , & qui
negligent de s'appliquer à leur éduca-
tion , ſous prétexte qu'ils ſont chargez
d'affaires, & qu'ils ont d'autres occupa-
tions.
L'on peut juger par ce Canon , que
les peres & les meres qui n'ont pas ſoin
d'élever chrétiennement leurs enfans ,
ſont

241
des Gens Mariez Ch. XX.
ſont tres - criminels. La peine de l'ex-
communication dont les Evêques de ce
Concile les menacent , le juſtifie aſſez :
car on ne la fait ſouffrir qu'à ceux qui
ſont coupables de grands pechez.
Le troiſiéme Concile de Milan , tenu
ſous ſaint Charles Boromée, s'explique
auſſi fort nettement sur ce ſujet : car il
Titul. de
his qua
ad Ma-
trim. Sa-
cram.
pertinent.
déclare que comme un pere de famille
qui aura élevé ſes enfans , & tous ceux
de ſa famille dans la crainte & dans
l'amour de Dieu, & qui les aura portez
à la pratique de la pieté & des autres
vertus chrétiennes, recevra une grande
récompenſe de tous ſes travaux ; auſſi
celui qui aura manqué , ou negligé de
s'acquitter de ce devoir paternel , doit
s'attendre d'éprouver un jugement tres-
rigoureux au jour du Seigneur.
Le Catechiſme du Concile de Trente
ne parle pas moins clairement de cette
obligation des peres & des meres.  Les
enfans, dit-il , qui naiſſent d'une femme
legitime, ſont le premier des trois biens
qui accompagnent le mariage.  L'Apô-
tre
fait tant d'état de ce bien , qu'il dé-
clare que les femmes ſe ſauveront par les
enfans qu'elles mettront au monde
. Ce qui
ſe doit entendre non ſeulement de leur
naiſſance , mais encore de leur éduca-
tion , & du ſoin qu'elles doivent avoir
de les élever dans la pieté. Ainſi il ajoute
L

242
La Vie
immédiatement après, en procurant qu'ils
demeurent dans la foy
.  C'est ce que l'E-
criture
veut marquer par ces paroles :
Avez-vous des enfans ? inſtruiſez-les bien,
& accoutumez-les au joug dés leur enfance
.
L'Apôtre nous enſeigne la même chose ;
De Sa-
cramento
Matrim.
§. 5.
& l'Ecriture nous fournit dans Tobie ,
dans Job & dans pluſieurs autres peres
tres-ſaints , des exemples tres-excellens
d'une ſainte éducation.
Ainſi l'autorité de l'Ecriture , celle
des ſaints Peres & des Conciles , & tou-
tes ſortes de raiſons , obligent les Fide-
les à s'appliquer ſerieuſement à procu-
rer une bonne éducation à leurs enfans,
à les inſtruire de tous leurs devoirs , &
à les porter à la vertu , afin d'être les
peres aussi - bien de leur eſprit que de
leurs corps , comme dit un Auteur ce-
lebre de notre ſiecle ; s'ils y manquent,
ils ſe rendent dignes des cenſures de
l'Egliſe , & certainement ils en ſeront
tres - ſeverement punis en l'autre mon-
de.
Cul de lampe.

243
des Gens Mariez Ch. XXI.
Bandeau.

CHAPITRE XXI.

Suite de la même matiere.  L'on prouve
par les principes de ſaint Jean Chryſoſto-
me
, que l'éducation des enfans eſt la
plus grande & la plus eſſentielle des obli-
gations des Fideles qui vivent dans le
Mariage.

Saint Jean Chryſoſtome a ſi ſouvent
parlé de l'éducation chrétienne des
enfans, & l'on trouve dans ſes differens
Ouvrages tant de maximes importantes
ſur ce ſujet , que j'ai crû qu'il étoit à
propos d'expliquer ſes ſentimens aux
lecteurs dans un chapitre particulier ,
afin qu'ils puiſſent s'en inſtruire plus fa-
cilement , & qu'ils y faſſent toutes les
reflexions neceſſaires.
1°. Il enſeigne que les enfans appar-
tiennent à Dieu ſeul , & qu'il eſt leur ve-
ritable Pere & leur Seigneur legitime ,
Hom. 9.
in 1. ad
Timoth.
puiſqu'il leur a donné l'être par ſa toute-
puiſſance , & qu'il le leur conſerve par
les influences continuelles de ſa bonté &
de ſa miſericorde : il ajoute que ceux
qu'on regarde ordinairement comme
leurs parens , n'en ſont à proprement
parler que les adminiſtrateurs & les dé-
poſitaires , parcequ'ils ne les ont reçûs
que comme un dépôt qu'ils doivent con-
L ij

244
La Vie
ſerver avec ſoin , afin d'en pouvoir ren-
dre un compte fidele à celui qui en a la
ſouveraine diſpoſition , & qui ne l'a mis
que pour un tems entre leurs mains.
C'eſt - là le grand principe dont il ſe
ſert , pour prouver que les peres & les
meres ſont indiſpenſablement obligez
de donner une éducation chrétienne à
leurs enfans.  Il leur dit ſouvent qu'ils
ſont de mauvais adminiſtrateurs, s'ils ne
les élevent , & ne les conduiſent pas ſe-
lon les intentions de celui qui les leur a
confiez : il les accuſe de violer la loy du
dépôt , lorſqu'ils les portent au luxe &
aux vanitez du ſiecle.
En effet , les tuteurs & les adminiſtra-
teurs doivent être exacts à ſuivre ce
qu'on leur a preſcrit , lorſqu 'on les a
chargez de cette commiſſon ; & les dé-
poſitaires ſont obligez de conſerver le
dépôt tel qu'ils l'ont reçû , ſans l'alte-
rer ni le corrompre ; & s'ils en uſent
autrement, ils paſſent pour être de mau-
vaiſe foy , & meritent d'être punis.  Or
Dieu n'a confié les enfans à leurs parens,
& ne les en a rendu les dépoſitaires ,
qu'à condition qu'ils les éleveroient dans
la pieté ; qu'ils leur apprendroient à le
ſervir ; qu'ils les conſerveroient purs &
exempts de la corruption du ſiecle; & par
conſequent ils pechent, & ſe rendent cri-

245
des Gens Mariez. Ch. XXI.
minels toutes les fois qu'ils negligent
de leur donner une bonne éducation ;
qu'ils ne leur apprennent pas à crain-
dre , & à ſervir le Seigneur ; qu'ils fo-
mentent leurs paſſions , & qu'ils rem-
pliſſent leur eſprit des fauſſes maximes
du ſiecle. Cela eſt certain & évident ; &
tous ceux qui y feront une attention ſe-
rieuſe, en demeureront facilement d'ac-
cord.
Que les gens du monde s'examinent
donc par rapport à ce principe de ſaint
Jean Chryſoſtome
, & qu'ils voyent ce
qu'ils pourront répondre à Dieu au jour
du jugement , lorſqu'il leur deman-
dera compte des enfans dont il leur
avoit donné la conduite.  Pourront-ils
les lui rendre tels qu'ils les ont reçûs de
ſa main au ſortir des eaux du Baptême,
eux qui ne travaillent qu'à effacer de
leur eſprit le ſouvenir des promeſſes
qu'ils lui ont faites , & qui ne penſent
qu'à leur inſpirer l'amour du monde ?
N'auront- ils pas au contraire ſujet de
craindre qu'il ne les accuſe d'avoir al-
teré le dépôt qu'il leur avoit confié, puiſ-
qu'ils ne s'àppliquent qu'à pervertir &
à corrompre ces jeunes perſonnes qu'il
avoit lavées & purifiées dans le ſang de
l'Agneau ſans tache ? Il eſt certain que
cette penſée doit les effrayer, & les faire
trembler , à moins qu'ils n'ayent perdu
L iij

246
La Vie
toute crainte du Siegneur , & qu'ils ne
ſoient déja tombez dans l'aveuglement;
ce qui ſeroit pour eux la derniere des mi-
ſeres.
2°. Ce ſaint Docteur expliquant ces
I. Tim.
5.3.4.
paroles de ſaint Paul : Honorez - les veu-
ves qui ſont vraiment veuves ; & s'il y en
a quelqu'une qui ait un des fils, ou des petits
fils, qu'elle apprenne avant toutes choſes à
conduire ſa famille , & à rendre à ſon
pere & à ſa mere ce qu'elle a reçû d'eux ,

dit que ſelon ce grand Apôtre , ceux
qui élevent bien leurs enfans , rendent
en quelque maniere la pareille à leurs
peres , & qu'ils reconnoiſſent par-là les
obligations qu'ils leur ont.  Ils ne peu-
vent pas à la verité leur donner une bon-
ne éducation , puiſqu'au contraire ils
l'ont reçûe d'eux ; mais s'ils s'appli-
quent à inſtruire leurs propres enfans ,
& à les porter à la pieté; leurs peres s'en
tiennent , pour ainſi dire , obligez , &
s'en réjouiſſent , parcequ'ils reconnoiſ-
ſent qu'ils n'ont pas travaillé en vain ,
& qu'ils voyent que ceux qu'ils ont inſ-
truits , en inſtruiſent eux-mêmes d'au-
tres , & établiſſent ainſi dans leurs fa-
milles une ſucceſſion de pieté & de Re-
ligion.
Ce ſecond motif que propoſe ce ſaint
Prélat
, & qui eſt fondé ſur la gratitude,
doit avoir beaucoup de pouvoir ſur l'eſ

247
des Gens Mariez. Ch. XXI.
prit des fideles, pour les porter à s'ap-
pliquer ſerieuſement à l'éducation de
leurs enfans : car quoi de plus juſte &
de plus raiſonable, que de tranſmettre
aux autres ce qu'ils ont eux-mêmes reçû?
d'avoir autant de ſoin de leurs propres
enfans, qu'on en a eu d'eux, lorſqu'ils
étoient dans un pariel état , & de re-
connoitre les bienfaits que leurs peres
ont répandus ſur eux, en les communi-
quant à leurs deſcendans ?
3°. Cette grande lumiere de l'Egliſe re-
preſente que ceux qui donnent une bon-
ne éducation à leurs enfans , travaillent
non ſeulement pour eux-mêmes & pour
leurs propres familles , mais pour la re-
publique, & pour toute la ſocieté civile,
parce que les enfans qu'ils auront bien
élevez , en éleveront eux-mêmes d'au-
tres d'une maniere tres chretienne, s'al-
lieront dans des familles où ils porte-
ront la bonne odeur de JESUS-CHRIST,
& exerceront un jour à venir , ſoit dans
l'Egliſe , ou dans l'Etat, les emplois les
plus importans , avec une approbation
Ser. 46.
Tom. 5.
generale. Si vous élevez bien vôtre fils,
dit ce ſaint Docteur à un pere chrétien,
il élevera auſſi le ſien de la même ſorte;
&ſon fils s'appliquant à l'éducation de
ſes enfans en cette maniere toute chré-
tienne, il ſe formera comme une chaîne
& une ſuite précieuſe de cette bonne
L iiij  248 La Vie conduite dont vous ſerez le commence-
ment & la racine , &qui vous fera re-
cueillir les fruits du ſoin que vous au-
rez pris de bien inſtruire vos enfans.
Homil.9.
in 1. ad
Timoth.
Il dit encore à ce propres41 que les meres
qui ont ſoin d'élever chrétiennement
leurs filles, procurent par là un tresgrand-
avantage au public , parceque lorſqu'el-
les viennent à être mariées, elles ſancti-
fient leurs maris ; elles vivent en paix
evec eux, & dans une parfaite intelligen-
ce; elles forment leurs enfans pour tous
les états & pour toutes les conditions où
ils ſe trouvent dans la ſuite engagez par
les ordres de la divine Providence.
Ibid.
Serm.46.
Il ajoute même que que ſi les peres s'ap-
pliquoient exactement à l'éducation de
leurs enfans, les loix & les jugements,
les punitions,les ſupplices, & les exe-
cutions publiques & exemplaires des cri-
minels ne ſeroient plus neceſſaires, par-
ceque S. Paul dit que la loy n'eſt pas
établie pour le juſte.
Ainſi les peres & les meres qui élevent
bien leurs enfans, ſervent l'Egliſe & l'E-
tat, procurent la tranquillité publique,
& ſont cauſe que Dieu eſt ſervi & hono-
ré dans tous les état & dans toutes les
conditions.
4°. Saint Jean Chryſoſtome dit que
pour travailler utilement à l'éducation
des enfans, il faut s'y appliquer de bonne

249
des Gens Mariez. Ch. XXI.
heure, & dès qu'ils commencent d'être
ſuſceptibles de quelque raiſon , parce-
qu'alors ils ſont plus dociles que dans un
âge plus avancé ; que leur cœur reſſem-
ble à une cire molle , où l'on imprime
tout ce que l'on veut ; & qu'ils retien-
nent plus facilement les avis & les pré-
ceptes qu'on leur donne, pendant que
leur eſprit n'eſt pas encore préoccupé
d'autres penſées, & que leur memoire
ne ſe trouve pas chargées des phantômes,
& des imaginations qui troublent ordi-
nairement celles des perſonnes qui ont
déja vêcu quelque tems dans le monde.
Auſſi le Sage dit, comme on l'a ci-devant
remarqué: Avez-vous des fils, inſtruiſez-
Eccl.7.
25.
les bien, & accoutumez-les au joug dés leur
enfance.
  Et on a vû dans le chapitre pré-
cedent, combien il fut avantageux à ſaint
Auguſtin
d'avoir entendu parler du Nom
de JESUS dés ſes plus tendres années.
5°. Plus ce grand Archevêque connoît
combien il eſt important de donner une
bonne éducation aux enfans, plus ſa dou-
leur eſt grande, quand il conſidere la ne-
gligence de la plûpart des peres & des
meres, qui ne penſent preſque jamais à
s'acquiter de ce devoir, & qui ſont nean-
moins pleins d'ardeur & d'activité, tou-
tes les fois qu'il s'agit de leurs interêts
temporels. Il ne peut alors contenir ſon
zele; il fait de tres-grandes plaintes con-
L v

250
La Vie
tre eux; il les accuſe non ſeulement de
pareſſe, mais de folie & d'inhumanité;
il ſoutient qu'ils eſtiment moins leurs
enfans , que leurs chevaux & que les
animaux domeſtiques qu'ils nourriſſent
Homil.
59.
in Matth.
dans leurs maiſons. Si ces perſonnes,
dit-il, ont de jeunes chevaux, ils don-
nent ordre qu'on employe tout l'art
poſſible pour les dreſſer. Ils apprehen-
dent fort qu'ils ne deviennent vicieux:
ils veulent qu'on les accoutume de
bonne heure au frein & à l'éperon, afin
qu'étant prêts au moindre mouvement,
ils répondent à tout ce que l'on deman-
de d'eux. Cependant ils n'ont pas pour
leurs enfans le même ſoin qu'ils ont
pour ces bêtes. Ils ſouſſrent qu'étant
ſans frein , ſans loy & ſans retenue ,
ils courent où la fougue de leurs paſ-
ſions les emporte, ou dans des Acade-
mies de jeu, ou à la Comedie & aux
ſpectacles, ou dans des lieux détaſta-
bles.
Nous traitons nos enfans encore plus
mal que nos eſclaves : car nous corri-
geons ceux-ci, & nous negligeons nos
enfans, comme s'ils nous étoient plus
indifferens que ceux qui ne nous ont
couté qu'un peu d'argent; nous les met-
tons ainſi au deſſous de nos eſclaves ;
nous les rabaiſſons même au deſſous des
bêtes. Si vous choiſiſſez un cocher, un
 251 des Gens Mariez Ch. XXI. valet d'écurie, vous prenez garde qu'il
ne ſoit pas ſujet au vin ; qu'il ne ſoit
pas voleur, qu'il ſçache bien panſer &
bienconduire des chevaux. Et ſi vous
voulez donner à vos enfans un Préce-
pteur pour les former & pour les con-
duire, vous ne vous mettez point en
peine de ce choix.  Le premier qui ſe
preſente n'eſt que trop bon: cependant
il n'y a point d'employ , ni plus grand,
ni plus difficile que celui-là.  Car qu'y
a-t-il de plus important que de former
l'eſprit & le coeur, & de regler toute la
conduite d'un jeune homme ? On eſti-
me un grand Peintre & un grand Scul-
pteur ; mais qu'eſt-ce que leur art au
prix de l'excellence de celui qui tra-
vaille, non ſur la toile au ſur le mar-
bre, mais fur les eſprits.  Nous negli-
geons neanmoins toutes ces choſes;
nous ne nous mettons pas en peine de
rendre nos enfans Chrétiens, mais élo-
quens ; & ce deſir même eſt intereſſé :
car la fin que nous nous propoſons ,
n'eſt pas ſimplement qu'ils ſoient élo-
quens, mais qu'ils s'enrichiſſent par
leur éloquence.
Hom. 9.
in I. ad
Timoth.
Il dit encore dans une de ſes Home-
lies, qu'il y a beaucoup de Chrétiens
qui ont moins de ſoin de leurs enfans,
que de leurs poſſeſſions & de leurs he-
ritages.  Car ont-ils une terre à faire
L vj

252
La Vie
valoir , ils choiſiſſent un fermier qui
ſoit exact & diligent , qui ſçache culti-
ver la terre, & témoigne être affection-
né à leur ſervice. Mais ils ne font pas la
même choſe pour l'éducation de leurs
enfans ; ils prennent au hazard une per-
ſonne pour les élever, ils ne ſe mettent
preſque point en peine d'examiner ſes
moeurs ni ſa pieté.
Il paſſe même plus avant dans les Li-
vres qu'il a compoſez pour la défenſe de
la vie Monaſtique : car pour faire voir
combien ſont coupables ceux qui negli-
l'éducation de leurs enfans , ou qui
leur en donnent une mauvaiſe , il ſou-
tient qu'ils ſont plus criminels, que s'ils
ſe ſerviſſent du fer & du poiſon pour
Lib.3.
adverſ
vituper-
rant.
Vitam,
Monaf.
tic.6.4
leur ôter la vie. Que l'on ne s'imagine
pas, écrit-il, que je me laiſſe emporter
à la colere, ſi je dis que ces peres ſont
plus cruels que des parricides. Car les
peres qui donnent la mort à leurs en-
fans, ne font autre choſe que de ſepa-
rer leurs ames de leurs corps: mais ces
malheureux peres qui negligent l'édu-
cation de leurs enfans , livrent leurs
corps & leurs ames au feu de l'enfer.
Un enfant qui perd la vie par la cruau-
té de ſon propre pere, ſeroit toujours
mort par la loy neceſſaire & inévita-
ble de la nature : au lieu que celui qui
 253 des Gens Mariez Ch. XXI. ſe damne par la negligence de ſon pere,
auroit pû ſe garantir des ſupplices éter-
nels , ſi l'on n'eût pas abandonné le
ſoin de ſon éducation.  De plus la mort
du corps ſera détruire en un inſtant par
la gloire de la reſurrection : mais la
perte de l'ame ne reçoit aucune conſo-
lation, puiſqu'il n'y a plus d'eſperan-
ce de ſalut dans ce malheureux état ,
& qu'il n'y reſte que la ſeule neceſſité
d'y ſouffrir des ſupplices éternels.  Ce
n'eſt donc pas ſans raiſon que nous di-
ſons que ces peres ſont plus cruels que
des parricides, puiſque ce n'eſt pas une
ſi grande cruauté d'armer ſa main
d'une épée pour la plonger dans le ſein
de ſon propre fils, que de perdre & de
corrompre ſon ame.

6°. Comme la plûpart des hommes
ſont dſpoſez de telle maniere, que les
raiſons les plus ſolides ne font pas tou-
jours beaucoup d'impreſſions ſur leurs
eſprits ; & que ce qui ſe paſſe dans le
monde les touche ſouvent davantage
S. Jean Chryſoſtome propoſe à ſes peu-
ples l'exemple de plusieurs Juſtes42 qui ont
vêcu parmi les Iſraëlites, & qui avoient
ſoin d'inſtruire leurs deſcendants des mer-
veilles que Dieu avoit operées en leur fa-
veur.  Seigneur , dit le prophete , nous
pf.43.
2.
avons oui de nos oreilles, & nos peres nous
ont raconté les actions que vous avez faites


254
La Vie
dans leur ſiecle, & dans les ſiecles paſſez.
Sur quoi ce ſaint Docteur fait cette re-
In Pſ.
43.
flexion : Ecoutez ceci vous tous qui
n'avez aucun ſoin de vos enfans, & qui
chantant des chanſons diaboliques, ne-
gligez & mépriſez de vous entretenir
des choſes de Dieu.  Les anciens d'I-
raël
n'en uſoient pas de la forte : mais
ils s'occupoient continuellement à
parler des prodiges que Dieu avoit
faits pour délivrer & pour défendre
leur nation ; ils ſe les racontoient les
uns aux autres , & ils tiroient deux
avantages conſiderables de cette ſainte
pratique : car ceux qui avoient reçû
ces bienfaits, s'édifioient en s'en ra-
fraîchiſſant la memoire; & leurs def-
cedans entendant ſouvent parler de
ces merveilles, ſe les inculquoient dans
l'eſprit, connoiſſoient de plus en plus la
grandeur de Dieu , & étoient excitez
par ce recit, à imiter les vertus de leurs
peres.  Ainſi ceux qui les avoient mis
au monde leur tenoient lieu de livres,
puiſqu'ils les inſtruiſoient de tous ces
prodiges.
Ce ſaint Docteur expoſe encore aux
yeux des Fideles de ſon Dioceſe, la con-
duite édifiante de Job, qui offroit con-
tinuellement des ſacrifices pour ſes fils,
& les purifioit de leurs pechez , crai-
gnant qu'ils n'offenſaſſent Dieu, ſoit par

255
des Gens Mariez. Ch.XXI.
leurs paroles, ou par leurs penſées. Ce
Hom.
in Epiſt.
ad Phi-
lip.
ſaint homme , ajoûte-t-il , ne diſoit
point comme font la plupart des hom-
mes : Je laiſſerai à mes enfans de gran-
des richeſſes ; je les rendrai illuſtres &
puiſſans dans le monde ; je leur achete-
rai de grands domaines ; je leur ferai
avoir des principautez. A quoi aboutiſ-
ſoient donc tous ſes ſoins? je crains, di-
ſoit-il, qu'ils n'offenſent Dieu, ſoit par
leurs paroles, ou par leurs penſées ? Je
m'efforcerai de leur rendre favorable
le Roy de tout l'univers, & de les recon-
cilier avec lui ; je ſuis aſſuré qu'ils ne
manqueront après cela d'aucune cho-
ſe.  Et auſſi , pourſuit ce grand Saint,
le Roi Prophete dit : Le Seigneur me
conduit & me nourrit, c'eſt pourquoi je
Pſ. 21.1.
ne manquerai de rien.

L'on a rapporté au chapitre préce-
dent, pluſieurs autres exemples tirez de
l'Ecriture ſainte , qui juſtifient que les
Juſtes43 ont toujours ſoin d'élever leurs
enfans dans la crainte du Seigneur: mais
S. Jean Chryſoſtome ſe ſert particuliere-
ment de ceux de Job & des Iſraëlites ,
pour faire comprendre à tous les Fideles
qu'ils y ſont indiſpenſablement obligez ;
ils ſont en effet tres-confiderables , & ils
meritent qu'on y ſaſſe une attention tou-
te particuliere : car ſi un homme qui a
vecû avant la loy de Moïſe, & qui par

256
La Vie
conſequent n'avoit été inſtruit par au-
cun des Prophetes, étoit ſi appliqué à
la ſanctification de ſes fils, & s'il crai-
gnoit tant qu'ils n'irritaſſent la colere de
Dieu par quelque peché : ſi les Juifs ,
ce peuple imparfait & charnel , avoit
tant de ſoin de publier les merveilles &
les grandeurs de Dieu, & d'en inſtruire
leurs enfans, & toute leur poſterité, que
ne doivent point faire des Chretiens qui
ont reçû du Ciel tant de graces diffe-
rentes? qui ſçavent ce que les Prophetes,
les Apôtres, & tous les Saints ont dit ſur
ce ſujet , & qui font appellez à une plus
grande perfection , que n'a été celle de
tous ceux qui ont veçû ſous la nature ,
ou ſous la Loy écrite ?
7°. Quoique l'éducation Chrétienne
des enfans regarde generalement tous
ceux qui s'engagent dans le Mariage ,
S. Jean Chryſoſtome enſeigne nean-
moins que les meres ſont plus étroite-
ment obligées que les peres de s'y ap-
pliquer; parce qu'elles ont plus de repos
qu'eux ; qu'elles ſont plus maîtreſſes de
leur tems , & qu'elles ne ſont pas dé-
tournées par les occupations exterieures
qui ſont ordinairement le partage des
Homil. I.
de An-
na.
hommes. Les femmes, dit-il , y ſont
d'autant plus obligées , qu'elles ſont
plus ſedentaires dans leurs maiſons
que leurs maris.  Car les voyages, les
 257 des Gens Mariez. Ch. XXI. ſollicitations du barreau, & les affaires
de la ville , cauſent beaucoup de diſ-
traction aux hommes. Mais les femmes
peuvent d'autant plus s'appliquer à
l'éducation de leurs enfans , qu'elles
en ont plus de loiſir, n'étant nullement
diſtraites par ces embarras exterieurs.

Il obſerve même que l'Ecriture infi-
nue aſſez que le ſoin de bien élever les
enfans eſt particulierement deſtiné aux
I. Tim. 2.
10.
femmes , puiſque Saint Paul veut qu'en
choiſiſſant une veuve pour l'attacher au
ſervice de l'Egliſe , on examine ſi elle a
bien élevé ſes enfans ; qu'il dit que les
Ibid. c.2.
15.
femmes ſe ſauveront par les enfans
qu'elles mettront au monde , pourvû
qu'elles procurent qu'ils demeurent dans
la foy , dans la charité , dans la ſainteté,
& dans une vie reglée ; ce qui ſignifie
ſans doute que leur ſalut eſt attaché à
l'éducation de leurs enfans.
L'on peut ajoûter que la nature même
ſemble les avoir deſtinées à cet emploi,
parcequ'elle leur a donné un coeur plus
tendre, un eſprit plus adroit, un naturel
plus inſinuant , & une patience plus
grande qu'aux hommes, & qu'elle les a
rendu plus capables d'entrer dans un
certain détail d'actions & de choſes, qui
pourroient rebuter & fatiguer leurs ma-
ris ; & ce ſont-là des diſpoſitions qui les
rendent tres-propres à un tel miniſtere.

258
La Vie
Ce ſaint Docteur explique en détail
dans pluſieurs endroits de ſes Ouvrages,
ce qu'il faut faire pour bien élever les
enfans.  Mais comme les autres ſaints
Peres
ont auſſi traité ce ſujet ; & que
d'ailleurs ce chapitre n'eſt déja que trop
long , il faut reſerver cette matiere pour
le ſuivant.
Bandeau.

CHAPITRE XXII.

De quelle maniere il faut élever les enfans
pour leur donner une éducation chrétienne.

Il ne ſuffit pas d'avoir prouvé aux pe-
res & aux meres qu'ils ſont obligez
d'élever chrétiennement leurs enfans, &
qu'ils ſe rendent coupables , lorſqu'ils
negligent de s'y appliquer ; il faut ou-
tre cela leur marquer ce qu'il eſt à pro-
pos qu'ils faſſent pour s'acquiter de ce
devoir ſi important.
Homil.
12. in I.
ad Cor.
1°. Ils doivent , ſelon S. Jean Chry-
ſoſtome
, les accoutumer dès leurs plus
tendres années à faire le ſigne de la
Croix , afin que ce ſigne ſacré les pro-
tege, & leur ſerve d'armes ſpirituelles
contre la malice du démon, qui ne cher-
che qu'à leur nuire, & à les perdre.
Il faut auſſi , lorſqu'ils commencent
à articuler quelques mots , qu'ils leur
faſſent ſouvent prononcer le Nom de 

259
des Gens Mariez. Ch. XXII.
JESUS, & qu'ils les portent à l'adorer
en la maniere qu'ils en ſont capables. Ils
conſacreront par-là leurs langues à Dieu,
ils leur feront contracter une ſainte ha-
bitude pour la pieté, & ils jetteront dans
leurs coeurs d'heureuſes ſemences qui
germeront un jour à venir , & produi-
ront des fruits en abondance.
2°. Il faut qu'ils ayent de ſoin de ne leur
ſouſſrir aucune mauvaiſe inclination; &
dés qu'ils en découvrent quelqu'une en
eux , ils doivent la combattre de tout
leur pouvoir, & s'efforcer de la détruire
par leurs avis ſalutaires , & même par
des reprimandes accompagnée de ſeve-
rité & de prudence.  Saint Auguſtin ſe
plaint dans ſes Confeſſions de ce qu'on
n'en avoit pas uſé de la ſorte à ſon égard
dans ſon bas àge , & de ce qu'on ne s'é-
toit pas oppoſé à ſes deſirs illicites & à
ſes déſordres. Les ronces & les épines
Lib.
Confeſ.
cap. 3.
du peché , dit-il , croiſſoient dans mon
coeur, & s'élevoient pardeſſus ma tête,
ſans qu'il ſe trouvât aucune main favo-
rable pour les arracher: Exceſſerunt ca-
put meum vepres libidinum, & nulla erat
eradicans manus.

C'eſt-là une des principales obliga-
tions des peres & des meres. Ils doivent
toujours veiller ſur leurs enfans , & ob-
ſerver toutes leurs actions & toutes leurs
démarches , afin de juger à quoi ſe por-

260
La Vie
tent leurs affections , de diſcerner de
quel côté panche leur coeur , & de pe-
netrer quelles pourront être leurs paſ-
ſions, afin d'y apporter remede de bonne
heure, & de prévenir le mal avant qu'il
puiſſe jetter de profondes racines dans
leur coeur.
S'ils voyent qu'ils ſoient trop prompts
& qu'il y ait à craindre qu'ils ne devien-
nent dans la ſuite impatiens, vindicatifs,
ils doivent les exercer à la douceur, leur
faire pratiquer la patience , les accoûtu-
mer à ſouffrir, & punir leurs petites re-
voltes, afin de dompter leur volonté, &
de faire en ſorte qu'ils n'y ayent point
d'attache, lorſqu'ils ſeront dans un âge
plus avancé.
S'ils remarquent en eux quelques com-
mencemens d'orgueil & d'ambition , ils
doivent les humilier en differentes ma-
nieres : comme par exemple, en leur in-
terdiſant ce qui peut les élever & les
diſtinguer des autres , en les appliquant
à des miniſteres bas & ravalez, & en les
obligeant de ceder & de ſe ſoumettre aux
autres enfans.
S'ils apperçoivent qu'ils ayent du pen-
chant pour la vanité & pour le luxe , il
eſt de leur devoir de réprimer de bonne
heure en eux cette inclination corrom-
pue, de les éloigner des pompes du ſie-

261
des Gens Mariez Ch.XXII.
cle, & de leur apprendre la modeſtie
chrétienne.
S'ils découvrent enfin qu'ils ſoient
portez à d'autres paſſions , ils ſont obli-
gez de es combattre & de les étouffer
pendant qu'elles ſont encore foibles, &
qu'elles n'ont pas encore eu le tems de
ſe fortifier. Ils peuvent alors facilement
les arrêter & les ſupprimer , comme on
éteint ſans beaucoup de peine un feu qui
n'eſt pas encore entierement allumé ;
mais s'ils ſouſſrent qu'elles croiſſent, ils
n'en ſeront plus les maîtres ; elles em-
porteront leurs enfans dans des excés ,
& dans des précipices , d'où il leur ſera
peut-être impoſſible dans la ſuite de les
retirer & de les délivrer.
3°. Les peres & les meres ſont obli-
gez d'être circonſpects dans toute leur
conduite, ne diſant & ne faiſant jamais
rien en preſence de leurs enfans , qui
puiſſe les détourner de la vertu, & leur
inſpirer l'eſprit & l'amour du monde.
Sans cela tous les ſoins qu'ils prennent
de leur éducation, ſont preſque toujours
inutiles, parcequ'ils détruiſent d'un côté
ce qu'ils s'efforcent d'édifier de l'autre ;
& que leurs paroles & leurs actions
ruinent tout le bien qu'ils pourroient
eſperer d'établir dans leurs familles.
C'eſt S. Jean Chryſoſtome qui l'en-
ſeigne dans un de ſes Traitez.  Il s'y

262
La Vie
plaint en des termes tres-forts de l'in-
diſcretion des peres qui ſe flattant d'éle-
lever chrétiennent leurs enfans , ne
leur parlent cependant que des biens de
la terre , & des avantages temporels ; il
les accuſe de combatre par leurs propres
discours les inſtructions qu'ils leur don-
nent ; il ſoûtient qu'ils ſont coupables de
leur perte , quoiqu'ils témoignent à
l'exterieur ſouhaiter leur ſalut. Mais il
faut l'entendre parler lui-même ſur ce
sujet.
Il rapporte d'abord les diſcours que la
plûpart des parens tiennent à leurs en-
Lib. 3.
adverſ.
vitupe-
rant.Vi-
tam Mo-
naſtic. c.
5.
fans. Car homme qui étoit de baſſe
naiſſance, dit l'un de ces Peres, s'étant
rendu conſiderable par ſon éloquence,
a été élevé aux charges les plus illuſ-
tres, a acquis de grandes richeſſes; s'eſt
marié à une femme tres - opulente ;
a bâti une ſuperbe maiſon ; il ſe fait
craindre maintenant; il vit dans l'éclat
& dans la ſplendeur. Un autre dit à ſon
fils, un tel pour avoir appris la Langue
Latine, s'eſt rendu illuſtre dans la Cour
de l'Empereur , & la gouverne abſo-
lument.  Un autre pere propoſe quel-
que autre example à ſes enfans. Mais
on ne leur donne pour modelle que
les perſonnes qui tiennent un rang
conſiderable dans le monde, & on ne
les entretient jamais de ceux qui re-
 263 des Gens Mariez Ch.XXII. gnent dans le Ciel ; ou ſi quelqu'un en-
trepend de leur en parler, on le rebute
comme s'il vouloit tout gâter.

Ce ſaint Docteur ajoûte enſuite , que
de tels diſcours empoiſonnent preſque
toujours l'eſprit des enfans qui les enten-
dent , & les empêchent de profiter des
veritez qu'on leur donne.  Il eſt viſi-
ble , dit-il , qu'un jeune homme n'eſt
pas capable de ſe former lui-même aux
exercices de la vertu, ſans être ſecouru
d'ailleurs.  Mais quand il auroit déja
conçû quelque grand & generaux deſ-
ſein, les mauvais diſcours de ſon pro-
pre pere ſeroient comme une pluye
violente qui étouſſeroit cette ſemence
avant qu'elle produiſit aucun fruit. Car
comme il eſt impoſſible que le corps
à qui on refuſe les bons alimens, & que
l'on ne nourrit que de viandes malſai-
nes ſubſiſte long-tems : ainſi lorſque
l'ame d'un jeune homme a été nourrie
de cette doctrine corrompue , & rem-
plie des fauſſes maximes du monde , il
eſt comme impoſſible qu'elle conçoive
rien de grand, ni de genereux. Elle de-
vient au contraire foible & languiſſan-
te, par la continuelle corruption que
la malice cauſe en elle comme une
peſte pernicieuse ; & il eſt à craindre
qu'elle ne ſoit un jour à venir livrée
 264 La Vie aux ſupplices l'enfer , & à la dam-
nation éternelle.

Il faut dire la même choſe des actions
peu regulieres ds peres & des meres; el-
les font une forte impreſſion ſur l'eſprit
de leurs enfans ; elles corrompent leur
coeur ; elles leur rendent inutiles toutes
les inſtructions qu'ils leur donnent. Car
ils ont beau leur parler de la vertu , &
les y exhorter , s'ils ne la ſuivent pas
eux-mêmes , ils parlent & ils exhor-
tent en vain; & leurs enfans faiſant plus
d'attention à leurs actions qu'à leurs pa-
roles, mépriſent tout ce qu'ils leur di-
ſent, ou au moins n'en tiennent aucun
compte.
Il arrive même de là que dans la ſuite
de leur vie lis ne ſont plus ſuſceptibles
des plus ſaintes veritez de l'Evangile ,
& qu'ils ſe revoltent contre ceux qui les
leur propoſent.  En effet , combien ſe
trouve-t'il de perſonnes, qui après avoir
vû leurs peres & leurs meres paſſionnez
pour les biens de la terre , attachez aux
plaiſirs ſenſuels, ſujets à la colere, pleins
de vengeance , ne ſçauroient ſouſſrir
qu'on leur parle de la pauvreté Evan-
gelique, de la penitence, de la patience
& de la douceur chrétienne ; & qui re-
gardent tout ce qu'on leur en dit, com-
me des maximes trop auſteres ; & qui
étant peut-être belles dans la ſpecula-
tion,

265
des Gens Mariez Ch. XXII.
tion, ſont impoſſibles dans la pratique.
Ainſi il eſt abſolument neceſſaire que
ceux qui ont des enfans, vivent dans une
grande vigilance ſur eux-mêmes ; qu'ils
ayent ſoin de les inſtruire encore plus par
leurs actions que par leurs paroles, com-
me on l'a déja remarqué après S. Jerôme
au Chapitre XX.  & qu'ils prennent
bien garde que ce qu'ils diſent & ce
qu'ils font ne puiſſe leur nuire, & ne leur
devienne pas une pierre de ſcandale, qui
les faſſe tomber au milieu de leur courſe.
4. Non ſeulement ils ne doivent pas
Titul. de
his qua
ad matr.
Sacram.
pertin.
Titul. de
ſcholis.
c. 1.
donner de mauvais exemples à leurs en-
fans , mais ils ſont obligez de les in-
ſtruire des principes de la Religion ,
comme il eſt ordonné par le troiſiéme
Concile de Milan, & par celui de Cam-
bray
de l'an 1565. de leur donner de
bons livres où ils puiſſent puiſer une
ſaine doctrine, & de les porter ſur-tout
à lire les divines Ecritures, qui leur ap-
prendront leurs devoirs & leurs obliga-
tions, & leur fourniront des exemples
de toutes les vertus qui leur ſeront ne-
ceſſaires dans les differens états de la
Homil.
21. in
Ep. ad
Eph.
vie civile & politique. Ne vous imagi-
nez pas, dit ſaint Chryſoſtome, que l'é-
tude des ſaintes Ecritures ne regarde
que les Solitaires. Elle eſt en quelque
maniere encore plus neceſſaire aux en-
fans qui ſont ſur le point d'entrer dans
M  266 La Vie le monde.  Un homme qui eſt toujours
dans le port, n'a pas tant beſoin d'avoir
un vaiſſeau bien équippé, un excellent
Pilote, & un grand nombre de Mate-
lots , que celui qui vogue toujours en
pleine mer. L'on peut remarquer une
pareille difference entre un homme du
monde & un Solitaire.  Celui-ci eſt
comme dans un port paiſible & tran-
quille , où il mene une vie dégagée de
tout embarras , & nullement expoſée
aux agitations & aux orages.
Mais un
homme du monde paſſe toute ſa vie ſur
une mer orageuſe ; il eſt obligé de com-
battre continuellement contre les vagues
& les tempêtes. Et c'eſt la conſideration
du danger où il vit, qui doit l'engager à
lire ſouvent l'Ecriture ſainte , afin de s'y
fortitier, & d'y trouver des remedes à ſes
maux.
5. Il eſt certain qu'il n'y a rien de
plus pernicieux pour les enfans , que les
mauvaiſes compagnies, & la frequen-
tation des autres enfans , qui ſont ſou-
bent portrez au libertinage , & qui y
portent les autres par leurs diſcours &
par leurs exemples. C'eſt pourquoi ſaint
Jerôme
conſeilloit à Læta de ne point
ſouffrir que ſa jeune fille Paule fît ami-
tié avec les enfans des gens du monde,
comme on l'a déja obſervé.44 Il ordon-
Cap 20.
noit auſſi à Gaudence d'empêcher que

267
des Gens Mariez. Ch.XXII.
ſa fille ne ſe divertît avec les autres jeu-
nes filles qui ſuivoient les modes & les
coutumes du ſiecle, de crainte qu'elle ne
ſe portât à les imiter , & ne ſe corrom-
pît avec elles, comme cela arrive preſ-
que toujours45.
On a vû au Chapitre XX. combien
S. Auguſtin reçut de préjudice dans ſa
jeuneſſe, de la ſocieté qu'il entretenoit
avec d'autres jeunes hommes, qui l'en-
gageoient à voler des fruits , & à com-
mettre pluſieurs autres déſordres.
Mais on ne ſçauroit rien deſirer de
plus fort ſur ce ſujet, & qui faſſe mieux
connoître combien il eſt dangereux pour
des enfans, d'en frequenter d'autres qui
ne ſoient pas élevez & nourris dans la
pieté, que ce que dit ſainte Thereſe ,
lorſqu'elle décrit elle-même comment
elle ſe relâche & ſe pervertit dans la
compagnie de ſes jeunes couſins , &
d'une autre fille de ſes parentes qu'elle
voyoit tres-ſouvent; ainſi il faut rappor-
ter ſes propres paroles. Comme mon
In ſua
vita c.2.
pere , dit elle , étoit extrément pru-
dent, il ne permettoit l'entrée de ſa mai-
ſon qu'à ſes neveux mes couſins ger-
mains ; & plût à Dieu qu'il la leur eût
refuſée auſſi-bien qu'aux autres. Car je
connois maintenant combien il y a de
peril dans un âge où l'on doit commen-
cer à ſe former à la vertu , de conver-
M ij  268 La Vie ſer avec des perſonnes , qui non feu-
lement ne connoiſſent point que la va-
nité du monde eſt tres mépriſable, mais
qui portent les autres à l'aimer.  Ces
parens dont je parle , étoient preſque
de mon âge ; ils avoient neanmoins
quelques années plus que moi. Nous
étions toujours enſemble ; ils m'ai-
moient extrémement ; mon entretien
leur étoit tres-agreable ; ils me par-
loient du ſuccès de leurs inclinations
& de leurs folies; & qui pis eſt, j'y pre-
nois plaiſir, ce qui fut la cauſe de tout
mon mal.
Que ſi j'avois à donner conſeil aux
peres & aux meres, ajoûte-t-elle, je les
exhorterois à prendre bien garde de ne
laiſſer voir à leurs enfans en cet âge ,
que ceux dont la compagnie peut leur
être utile; rien n'étant plus important à
cauſe que nôtre naturel nous porte
plûtot au mal qu'au bien. Je le ſçai
par ma propre experience.  Car ayant
une ſœur plus âgée que moi, fort ſage
& fort vertueuſe , je ne profitai point
de ſon exemple ; & je reçus un grand
préjudice des mauvaiſes qualitez d'une
de mes parentes qui venoit ſouvent
nous voir. Comme ſi ma mere qui con-
noiſſoit la legereté de ſon eſprit , eût
prévû le dommage qu'elle me devoit
cauſer , il n'y a rien qu'elle n'eût vo-
 269 des Gens Mariez. Ch. XXII. lontiers fait pour fermer l'entrée
de ſa maiſon, mais elle ne le pouvoit
à cauſe du prétexte qu'elle avoit d'y
venir.  Je m'affectionnai fort à elle,
& je ne me laſſois point de l'entretenir,
parcequ'elle contribuoit à mes di-
vertiſſements, & me rendoit compte
de toutes les occupations que lui don-
noit ſa vanité.
Je ne ſçaurois, dit elle enſuite, pen-
ſer ſans étonnement , au préjudice
qu'apporte une mauvaiſe compagnie,
& je ne le pourrois croire , ſi je n'en
avois fait moi-même une funeſte
experience , lorſque j'étois dans une
ſi grande jeuneſſe. Je ſouhaiterois
que mon exemple pût ſervir aux
peres & aux meres , & les portât
à veiller attentivement ſur leurs en-
fans. Car il eſt vrai que la converſa-
de cette parente me changea de
telle ſorte , que l'on ne reconnoiſſoit
plus en moi aucunes marques des in-
clinations vertueuſes que mon naturel
me donnoit ; & qu'elle & une autre qui
étoit de ſon humeur, m'inſpirerent leurs
mauvaiſes inclinations. C'eſt ce qui me
fait connoître combien il importe de
ne frequenter que de bonnes compa-
gnies ; & je ne doute point que ſi j'en
euſſe rencontré à cet âge une telle qu'il
eût été à deſirer, & que l'on m'eût
M iij  270 La Vie inſtruite dans la crainte de Dieu , je
me ſerois entierement portée à la ver-
tu , & que j'aurois ſurmonté les foi-
bleſſes dans leſquelles je ſuis tombée.
Il eſt donc du devoir des peres & des
meres de ſéparer autant qu'ils le peu-
vent, leurs enfans de la compagnie des
jeunes gens , qui ſont élevez ſelon les
maximes du monde, & dont la conduite
n'eſt pas bien reglée, afin de les garantir
de la corruption du ſiecle, & de les con-
ſerver purs & ſans tache aux yeux de
Dieu.
6. Ils ſont obligez d'uſer de ſerverité,
& d'employer les châtiments , lorſqu'ils
voyent que leurs enfans ſont indociles,
& qu'ils ne profitent pas des inſtructions
qu'ils leur donnent; & s'ils y manquent,
ils ſe rendent eux-mêmes coupables, &
répondent de tous les deſordres auſquels
leurs enfans ſe portent dans la ſuite.
Tout le monde ſçait l'histoire du Prêtre
Heli , dont on a déja parlé , qui fut pu-
ni de Dieu d'une maniere ſi terrible ,
pour avoir negligé ce devoir. Il avoit à
la verité repris ſes fils de leurs deſordres,
& leur avoit dit : Pourquoi faites-vous
toutes ces choſes que j'entens , ces crimes
déteſtables que j'apprens de tout le peuple?
ne faites plus cela, mes enfans.
Mais parce-
qu'il ne les corrigea pas avec aſſez de ſé-
verité, & autant que leurs crimes le de-

271
des Gens Mariez. Ch. XXII.
mandoient, il perit auſſi - bien qu'eux
tres-miſerablement.
Dieu témoigne lui-même dans l'Ecri-
ture
, que ce fut lui, & qu'il priva ſa fa-
1.Reg.3.
11.12.13
14.
mille de la dignité ſacerdotale : Je vas
faire ,
dit-il à Samuël , une choſe dans
Iſraël, que nul ne pourra entendre ſans être
frappé d'un profond étonnement.  En ce
jour-là je verifierai tout ce que j'ai dit
contre Heli & contre ſa maiſon ; je com-
mencerai & j'acheverai. Car je lui ai pré-
dit que je punirois ſa maiſon pour jamais, à
cauſe de ſon iniquité , parceque ſçachant
que ſes fils ſe conduiſoient d'une maniere
indigne, il ne les a point punis. C'eſt pour-
quoi j'ai juré à la maiſon d'Heli , que l'i-
niquité de cette maiſon ne ſera jamais ex-
piée ni par des victimes , ni par des pre-
ſens.

C'eſt la conſideration d'un tel châ-
Hieron.
l. 1. dial.
Aug.in
Pſ. 50.
Gregor.
Paſtor.
cura part.
2. 1. 6.
timent qui porte les ſaints Docteurs de
L'Egliſe
à dire , que ceux qui ne puniſ-
ſent pas leurs enfans lorſqu'ils commet-
tent des fautes, & qu'ils s'abandonnent
au deſordre , n'ont pas une veritable
douceur , mais une fauſſe ; qu'ils parti-
cipent aux pechez qu'ils n'ont pas ſoin
de corriger ; qu'ils attirent la colere
de Dieu ſur eux-mêmes , & ſur ceux
qu'ils épargnent mal à propos.
Les Livres de la Sageſſe contiennent
M iiij

272
La Vie
auſſi pluſieurs Sentences qui ſervent à
prouver cette obligation des peres &
Prov. 13
24.
des meres. Celui qui ne châtie pas ſon fils,
dit Salomon , le hait veritablement , &
celui qui l'aime ne lui pardonne rien. N'é-
pargnez point la correction à l'enfant: car

Cap. 23
13. 14
Cap. 22.
25.
Cap. 29
15
ſi vous le frappez avec la verge , il ne
mourra point ? vous le frapperez avec la
verge, & vous délivrerez ſon ame de l'en-
fer. La folie eſt liée au coeur de l'enfant, la
verge de la discipline l'en chaſſera. La verge
& la correction donnent la ſageſſe ; mais
l'enfant qui eſt abandonné à ſa volonté, cou-
vrira ſa mere de confusion.

Celui qui aime ſon fils , dit auſſi l'Ec-
Eccl. 30
1. 8. &
ſequent.
cleſiaſtique
, le châtie ſouvent , afin qu'il
en reçoive de la joye quand il ſera grand.
Le cheval qui n'a point été dompté , de-
viendra intraitable, & l'enfant abandonné
à ſa volonté devient inſolent ; flattez vô-
tre fils , & il vous cauſera de grandes
frayeurs ; jouez avec lui, & il vous attriſ-
tera: ne vous amuſez point à rire avec lui,
de peur que vous n'en ayez de la douleur.
Ne le rendez point maitre de lui - même
dans ſa jeuneſſe , & ne negligez point ce
qu'il fait & ce qu'il penſe. Courbez-lui le
coû pendant qu'il eſt jeune , & châtiez-le
de verges pendant qu'il eſt enfant, de peur
qu'il ne s'endurciſſe , qu'il ne veuille plus
vous obéir, & que vôtre ame ne ſoit percée
de douleur.


273
des Gens Mariez. Ch. XXII.
Il eſt donc certain par l'Ecriture, que
les peres qui diſſimulent les deſordres
de leurs enfans, & qui negligent de les
punir lorſqu'ils pechent, les haïſſent &
font leurs veritables ennemis ; & qu'au
contraire ils les aiment, & ils les traitent
comme de bons peres, toutes les fois
qu'ils les reprennent de leurs fautes ,
qu'ils ne leur pardonnent rien, & qu'ils
leur font porter les peines qu'ils ont juſ-
tement meritées.
7. Il ne faut pas que les peres & les
meres , ſous prétexte de les reprendre,
lorſqu'ils ont manqué , ſe laiſſent aller
à leur mauvaiſe humeur, qu'ils leur par-
lent toujours en colere, & qu'ils ne leur
témoignent que de la rigueur & de la ſe-
verité.  Un tel procedé rebuteroit leur
eſprit, les troubleroit, les feroit tomber
dans le découragement, & les porteroit
même au deſeſpoir : car il n'y a rien de
plus capable de les empêcher de faire
leur devoir, & de profiter es avis qu'on
leur donne, & que d'entendre continuelle-
ment des paroles aigres & piquantes, de
voir qu'on ne les regarde qu'avec un vi-
ſage ſevere & plein d'indignation, & de
ne recevoir aucuns commandements qui
ne ſoient accompagnez de menaces.
Et auſſi ſaint Paul défend à tous les
Fideles de traiter leurs enfans en cette
M v

274
LA VIE
maniere , & leur interdit cette auſterité
imperieuſe & rebutnate. Vous peres, leur
Epheſ.6.
4. Coleſſ.
3. 21.
dit-il, n'irritez point vos enfans, de peur
qu'ils ne tombent dans l'abattement; mais
ayez ſoin de les bien élever en les corri-
geant & les inſtruiſant ſelon le Seigneur.

Il veut leur marquer par ces paroles ,
qu'ils ſont à la verité obligez d'inſtruire
leurs enfans, & de les corriger lorſqu'ils
manquent; mais qu'ils doivent s'acqui-
ter de cette obligation dans la ſeule vûe
de faire leur devoir , & de plaire au
Seigneur ; qu'ils doivent bien prendre
garde ne pas irriter leur eſprit , parce-
que cela pourroit les empêcher de tirer
aucun fruit de leurs inſtructions ; &
qu'ils doivent ſe conduire en ces ren-
contres avec tant de prudence , de ſa-
geſſe & de moderation , que bien loin
de les rebuter , ils les gagnent & les
attirent à eux, afin de leur être plus uti-
les, & de les porter enſuite à Dieu, qui
eſt leur veritable pere & leur ſouve-
rain Seigneur.
Il faut même ajoûter qu'ils ne doi-
vent pas les punir pour toutes ſortes de
fautes ; qu'il y en a de legeres qu'ils peu-
vent paſſer ſous ſilence , ſur-tout lorſ-
qu'elles ne ſont pas accompagnées de
malice ; & qu'ils ſont obligez de n'uſer
des reprimandes que rarement & avec
beaucoup de prudence, de peur de les

275
des Gens Mariez. Ch. XXII.
rendre inutiles , en les employant trop
ſouvent & ſans une veritable neceſſité.
Car on s'accoutume aux reprehenſions
& aux corrections , comme à toutes les
autres choſes de la vie ; & à force de
les éprouver continuellement , on n'y
penſe plus , & on en perd le ſentiment.
Cela eſt évident , & on en fait tous les
jours l'experience ; les peres qui repren-
nent & qui querellent inceſſament leurs
enfans , en ſont bien moins obéis que
les autres, & n'ont preſque point de cré-
dit ſur leur eſprit. C'eſt pourquoi ceux
qui veulent conſerver leur autorité ,
doivent la ménager , & n'avoir recours
aux reprimandes & aux peines que dans
des occaſions importantes , & lorſqu'ils
y ſont obligez , pour venger la gloire
de Dieu que l'on outrage , pour répri-
primer les excès qui ſe commettent
dans leurs familles , & pour procurer
le bien de leurs enfans.
Ce ſont-là les avis que j'ai crû devoir
donner aux peres & aux meres touchant
l'éducation de leurs enfans.  On pour-
roit encore en ajoûter pluſieurs autres,
car cette matiere eſt tres abondante ;
& les ſaints Peres en ont traité en plu-
ſieurs de leurs Ouvrages.
Mais ceux que j'ai expliquez ſont les
plus importantes , & ſuſſiſent pour le
commun des Fideles. Ceux qui voudront
M vj

276
La Vie
en ſçavoir davantage , pourront conſul-
ter pluſieurs livres excellens, qui ont été
compoſez pour apprendre aux gens ma-
riez de quelle maniere ils doivent éle-
ver & inſtruire leurs enfans. Ils y trou-
veront tout ce qu'on peut deſirer ſur ce
ſujet, & l'on eſpere qu'ils en ſeront édi-
fiez.
Bandeau.

CHAPITRE. XXIII.


Comme il faut que les peres & les meres
conduiſent leurs enfans lorſqu'ils ſont
grands ; qu'ils doivent les aimer d'un
amour non ſeulement naturel, mais ſaint
& chrétien ; qu'ils ſont obligez de con-
ſentir qu'ils les quittent , & qu'ils ſe
ſeparent d'eux pour ſervir Dieu , &
pour travailler à leur ſalut.

C'Eſt proprement pendant les pre-
mieres années de la vie des enfans,
& lorſqu'ils ſont encore fort jeunes, que
leurs parens ſont obligez de veiller ſur
eux ; qu'ils peuvent les conduire avec
une autorité abſolue , & qu'ils doivent
s'appliquer particulierement à leur don-
ner une bonne éducation ; car alors ils
ont plus de pouvoir ſur eux , & il leur
eſt plus facile fe de dompter leurs paſſions,
& de leur inſpirer des ſentiments chré-

277
des Gens Mariez. Ch. XXIII
tiens , & conformes aux maximes de
l'Evangile. Mais après ce tems-là leurs
enfans étant plus raiſonnables , & plus
maîtres d'eux-mêmes, ils doivent chan-
ger de conduite à leur égard , & les
traiter d'une maniere proportionnée à
leur âge. Il ne faut plus qu'ils exercent
ſur eux un empire deſpotique , ni qu'ils
les obligent de leur rendre une obéiſſan-
re aveugle ; car cela ne convient pas à
leur état.  Ils doivent au contraire leur
témoigner beaucoup de bonté & de dou-
ceur ; s'ouvrir à eux de leurs deſſeins ,
leur faire concevoir l'utilité des entre-
priſes qu'ils forment ; les engager par
raiſon à faire leur devoir ; les conſulter
quelquefois ſur les choſes qu'ils veu-
lent exiger d'eux ; les porter à s'y ſou-
mettre volontairement; & ſe les rendre
affectionnez par des manieres d'agir
honnêtes & obligeantes, qui ſoient pro-
pres non ſeulement à les gagner & à les
attirer, mais auſſi à les maintenir dans
le reſpect & dans l'obéiſſance.
Pourquoi les peres n'agiroient-ils
pas de la ſorte, avec leurs enfans, lorſ-
qu'ils ont déja quelque âge ,& qu'ils
ſont devenus hommes ; puiſque Dieu
nous ménage , pour ainſi dire , & qu'il
a des égards pour nous , quoique nous
ſoyons ſes creatures, & que nous dépen-
dions infiniment plus de lui, que les en-

278
La Vie
Sapient.
12. 18.
fans ne dépendent de leurs propres peres,
Comme vous étes le dominateur ſouverain,
lui dit le Sage , vous êtes lent & tran-
quille dans vos jugments, & vous nous
gouvernez avec une grande reſerve.  Tu
autem dominator virtutis, cum traquilli-
tate judicas , & cum magna reverentia
diſponis nos.
Ainſi il faut qu'ils conſiderent quelles
font leurs inclinations afin de les ſuivre
adroitement lorſqu'elles ſont juſtes & le-
gitimes; qu'ils ne les obligent point à des
choſes auſquelles ils ont trop de repu-
gnance; qu'ils s'abſtiennent de leur fai-
re des commandemens abſolus , toutes
les fois qu'ils ont lieu d'eſperer qu'ils ſe
rendront aux avis ſalutaires qu'ils leur
donneront ; qu'ils s'efforcent de ſuppri-
mer toutes les paroles dures & auſteres,
Tertull.
de orat.
c. 2.
Aug. de
Morib.
Eccl.c.
30.l.5 ff.
ad leg.
Pom-
peiâ, de
Parrici-
diis.
& de n'agir avec eux que par les voies
de la douceur & de l'honnêteté ; qu'ils
les ménagent autant qu'ils le peuvent ,
ſans neanmoins ſouffrir qu'ils manquent
au reſpect qui leur eſt dû , & qu'ils les
conduiſent plutôt par raiſon que par au-
torité. Tertullien, ſaint Auguſtin, & les
Juriſconſultes mêmes veulent ſans dou-
te nous inſinuer toutes ces veritez, lorſ-
qu'ils diſent que le nom de pere n'eſt
pas moins un nom de bonté que d'aut-
torité ; que la domination que les peres
exercent ſur leurs enfans, eſt une domi-

279
des Gens Mariez. Ch. XXIII.
nation d'amour ; & que la puiſſance pa-
ternelle doit plutôt ſe faire ſentir & ſe
manifeſter par des bienfaits & par des té-
moignages d'amitié, que par des mena-
ces & par la rigueur.
Après avoir parlé aux peres de la ma-
niere dont ils ſont obligez de conduire
leurs enfans , lorſqu'ils ont paſſé l'ado-
leſcence, & leur avoir fait voir que l'a-
mour eſt le principal fondement de leur
autorité, & qu'il en doit regler l'exerci-
ce ; il faut maintenant leur prouver ,
qu'ils doivent les aimer, non d'un amour
humain & charnel , mais ſaint & chré-
tien: car c'eſt en ce point que manquent
une infinité des perſonnes. On en voit
tous les jours qui aiment leurs enfans
par des raiſons charnelles & terreſtres;
parcequ'ils les trouvent bienfaits, que
leur humeur leur revient , qu'ils leur
reſſemblent; parcequ'ils les croient pro-
pres à ſoutenir la grandeur de leur mai-
ſon , & à ſeconder leurs deſſeins ambi-
tieux; parcequ'ils s'imaginent qu'ils ſont
adroits & capables de pouſſer loin leur
fortune.
Il y en a d'autres qui font conſiſter
leur amour pour leurs enfans , à les éle-
ver d'une maniere molle & effeminée ;
qui diſſimulent leurs défauts , & ne les
en reprennent point , de crainte de les
contriſter ; qui ne penſent qu'à les ren-

280
La Vie
dre riches & puiſſans ſur la terre ; qui
ſont contens pourvû qu'ils les voyent
pleins de ſanté , & qu'ils remarquent
qu'ils ſoient ſages & prudens ſelon le
ſiecle; & qui ne s'inquiettent, ni de leurs
mœurs , ni de leur ſalut.  Il y en a enfin
qui ne les aiment que par amour propre,
ou plutôt qui s'aiment eux-mêmes dans
leurs enfans , & qui rapportent à leurs
propres perſonnes l'amour qu'ils leur
témoignent à l'exterieur.  C'eſt ce que
ſaint Bernard repreſentoit autrefois à
un jeune homme, que ſes parens ſollici-
toient de quitter la ſolitude & de re-
P. 35.1
tourner avec eux dans le monde. Ce
n'eſt pas vous , lui-diſoit-il , qu'ils ai-
ment , mais ils s'aiment eux-mêmes ;
ils cherchent à ſe ſatisfaire en vous
voyant auprès d'eux, & en vous poſſe-
dant ; & vous pourriez fort bien, pour
les obliger à vous laiſſer en repos, leur
dire ces paroles de JESUS-CHRIST:
Si vous m'aimiez veritablement , vous
vous réjouiriez de ce que je m'en vas à
mon Pere.
Il eſt certain qu'un tel amour eſt tout
humain & purement naturel ; car les
Heretiques, les Schiſmatiques46, les Juifs,
les Impies, les Payens aiment auſſi leurs
enfans en cette maniere ; les animaux
mêmes témoignent un amour tres-vio-
lent pour leurs petits & expoſent tres-

281
des Gens Mariez. Ch. XXIII.
ſouvent leur propre vie pour les confer-
ver. Les bêtes les plus feroces, dit ſaint
Serm.
349.
Augustin
, les Aſpics , les Tigres , les
Lions aiment leurs petits. Il n'y a au-
cuns de ces animaux qui ne flattent
leurs petits, & qui ne leur témoignent
quelque humanité par leurs plaintes
& par leurs mugiſſemens qu'ils adou-
ciſſent pour les careſſer. Ils effrayent
les hommes par leur cruauté, mais ils
n'ont que de la douceur pour leurs pe-
tits. Le Lion rugit dans les fôrets pour
en éloigner les paſſans ; mais vient-
il à entrer dans la caverne où ſont ſes
lionceaux ? il quitte ſa rage et ſa fero-
cité, & paroît doux comme un agneau.

On doit par conſequent conclure ,
qu'il ſeroit abſolument indigne des
Chrétiens de ne ſe déterminer à aimer
leurs enfans, que par les motifs & par
les raiſons qu'on vient d'expliquer. En
effet ne leur ſeroit-il pas honteux de
n'avoir pour eux qu'un amour ſembla-
ble à celui des infideles & des impies ,
& même des animaux les plus ſauvages.
Il faut donc qu'ils les aiment d'un
amour ſaint & ſpirituel , c'eſt à-dire ,
dans la vûe de Dieu, par rapport à l'au-
tre vie, & pour leur procurer les biens
éternels. Il faut qu'à l'exemple de ſaint
Paul
ils les ayent toujours dans leur
cœur pour les offrir à Dieu ; qu'ils tra-

282
La Vie
Philip. 1.
7. Epheſ.
4. 13. &
ſequent.
vaillent continuellement à les perfec-
tionner & à les faire croître en toutes
choſes dans JESUS-CHRIST, qui
eſt notre Chef ; & qu'ils ne ceſſent point
de les inſtruire & de les exhorter , juſ-
qu'à ce qu'ils ſoient parvenus à cet état
d'un homme parfait dont parle le grand
Apôtre , & à la meſure de l'âge & de la
plenitude ſelon laquelle JESUS-CHRIST
doit être formé en nous.  Il faut qu'ils
ayent tant d'ardeur & tant de zele pour
Galat.4.
39.
leur ſalut , qu'ils puiſſent dire auſſ bien
que ce ſaint Docteur des nations , qu'ils
ſentent de nouveau les douleurs de l'en-
fantement juſqu'à ce que JESUS-
CHRIST
ſoit formé dans leur cœur.
Philip. I.
8.9. & s.
Il faut qu'ils ayent toujours preſentes à
leur eſprit ces paroles du même Apôtre,
Dieu m'eſt témoin avec quelle tendreſſe je
vous aime tous dans les entrailles de
JESUS-
CHRIST ; & ce que je lui demande , eſt
que votre charité croiſſe de plus en plus en
lumiere & en intelligence , afin que vous
ſçachez diſcerner ce qui eſt meilleur & plus
utile ; que vous ſoyez purs & ſinceres ; que
vous marchiez juſqu'au jour de
JESUS-
CHRIST
ſans que votre courſe ſoit in-
terrompue par aucune chute, & que pour la
gloire & la louange de Dieu , vous ſoyez
remplis des fruits de Justice par
JESUS-
CHRIST
notre Seigneur.   Il faut dis-
je , qu'ils penſent ſans ceſſe à ces admi-

283
des Gens Mariez. Ch. XXIII.
rables paroles de ſaint Paul ; car elles
leur aprendront qu'ils ne doivent aimer
leurs enfans que dans JESUS-CHRIST
& pour JESUS-CHRIST ; que ce qu'ils
doivent principalement demander à
Dieu pour eux , c'eſt qu'ils ayent une
charité pleine de lumiere & d'intelligen-
ce , afin qu'ils puiſſent diſcerner ce qui
leur eſt veritablement utile par rapport
au ſalut ; qu'ils doivent faire tous leurs
efforts pour les garantir des fautes &
des chutes qui ſont ſi ordinaires aux au-
tres enfans; qu'ils doivent enfin les exer-
cer dans la pratique des bonnes oeuvres,
& aporter tous leurs ſoins pour en fai-
re de veritables Chrétiens , & de fideles
Diſciples de JESUS-CHRIST.
Voilà ce qu'on appelle dans la Mora-
le de l' Évangile aimer ſes enfans; il n'eſt
pas défendu aux peres & aux meres de
penſer à leur établiſſement ; on prou-
vera au contraire dans la ſuite qu'ils y
ſont obligez : mais on prétend que leur
amour eſt illicite & tres mal reglé , lorſ-
qu'ils ne travaillent qu'à leur procurer
des biens & des avantages temporels,
ſans jamais rien faire pour leur ſalut.
L'on ſoûtient qu'ils doivent d'abord
leur inſpirer l'amour de la vertu, & les
former dans la juſtice chrétienne; après
qu'ils ont ſatisfait à ce devoir , on leur
permet de s'appliquer à les pourvoir &

284
La Vie
à les établir dans le monde.
Il faut ajouter que s'il arrive que leurs
enfans , qu'ils ont ainſi élevez & inſ-
truits , témoignent avoir de l'éloigne-
ment pour le ſiecle , & qu'ils deſirent
ſe conſacrer à Dieu d'une maniere par-
ticuliere, ſoit en embraſſant la ſolitude,
ou en entrant dans la Clericature , ils
ſont obligez d'y conſentir , & de ſe-
conder leurs bonnes intentions. L'on
peut même dire que c'eſt là le grand
moyen de reconnoître s'ils ont pour eux
un amour ſincere & veritablement chré-
tien. Car s'ils ne les aiment que dans la
vûe de Dieu , pourquoi prétendent-ils
les empêcher de ſe donner à lui ? &
pourquoi s'oppoſent ils à leurs bons
deſſeins ? C'eſt abuſer de l'autorité que
Dieu leur a donnée , & s'en ſervir con-
tre lui-même.  Il les a établis les chefs
de leurs familles ; il les a rendu les dé-
poſitaires de ſa puiſſance, non pour dé-
tourner leurs enfans de ſon ſervice &
de la voye de la perfection , mais pour
les y porter & les y engager.   Lorſ-
qu'ils en uſent autrement , ils ſont des
prévaricateurs; ils ſe rendent criminels
à ſes yeux ; ils meritent de perdre l'au-
torité qu'il leur avoit confiée ; & leurs
enfans ne ſont pas obligez de leur obéir,
& de déferer à leurs volontez.  Tou-
tes ces maximes ſont conſtantes, & con-

285
des Gens Mariez. Ch. XXIII.
formes à l'Ecriture & à la doctrine des
ſaints Peres de l'Egliſe, on va le juſtifier.
Les Lévites ſont louez dans le Deute-
ronome
de ce que s'agiſſant de ſoutenir
la gloire de Dieu , & de venger l'injure
que les Israëlites lui avoient faite en ado-
rant le Veau d'or , ils n'eurent aucun
égard à leurs parens, ni à leurs amis; qu'-
ils s'éleverent genereuſement au-deſſus
Deut. 33.
9.
de toutes les conſiderations humaines ;
qu'ils dirent à leurs peres & à leurs me-
res , nous ne vous connoiſſons point ; &
à leurs freres , nous ne ſçavons qui vous
étes , & pour executer les ordres qu'il
leur avoit donnez par l'entremiſe de
Moyſe.
C'eſt-là un exemple illuſtre de ce que
ſont obligez de faire tous ceux qui veu-
lent renoncer au monde , & travailler
ſerieuſement à leur ſalut; ils doivent fer-
mer leurs oreilles à toutes les fauſſes
perſuaſions de leurs parens, qui s'effor-
cent de les retenir dans le ſiecle ; ils doi-
vent leur dire , nous ne vous connoiſ-
ſons plus , & nous ne ſçavons qui
vous étes : nous cherchons Dieu , &
nous ſommes reſolus de tout ſacrifier
pour le trouver, pour le ſervir, & pour
nous unir à lui.
Mais il faut paſſer au nouveau Teſta-
ment
; car cette verité y eſt établie d'une

286
des Gens Mariez. Ch. XXIII
maniere encore plus claire & plus évi-
dente. J.C. dit à ſes Diſciples dans l'É-
vangile
: Ne penſez pas que je ſois venu ap-
porter la paix ſur la terre: je ne ſuis pas ve-
nu y apporter la paix , mais l'épée: car je
ſuis venu ſeparer le fils d'avec le pere , la
fille d'avec la mere , & la belle fille d'a-
vec la belle mere ; & l'homme aura pour
ennemi ceux de ſa propre maiſon.  Celui

Luc. 14.
c.6.
qui aime ſon pere ou ſa mere plus que moi,
n'eſt pas digne de moi. Si quelqu'un vient
à moi, & ne hait pas ſon pere & ſa mere,
ſa femme , ſes enfans , ſes freres & ſes
ſoeurs, & même ſa propre vie , il ne peut
pas être mon diſciple.
Ces paroles ſacrées
ſorties de la bouche de la verité même,
prouvent que les peres & les meres
ſont obligez de conſentir que leurs en-
fans les quittent & s'éloignent d'eux
pour tendre à la perfection , & pour
s'occuper uniquement de leur ſalut ;
car c'eſt-là la ſeparation que ce divin
Sauveur eſt venu faire ſur la terre. Il
Math.
c.4. 40.
prend l'un , & laiſſe l'autre , dit l'É-
vangile
; il attire ſouvent les enfans à
ſon ſervice , pendant que ceux qui les
ont mis au monde , demeurent dans
l'embarras & dans le tumulte du ſiecle.
Elles prouvent auſſi que les enfans ne
ſont pas obligez d'avoir égard aux op-
poſitions de leurs parens,qui les détour-
nent d'executer leurs bons deſſeins ; &

287
des Gens Mariez. Ch. XXIII.
que bien loin de les écouter en cette
rencontre, ils doivent les regarder com-
me leurs ennemis , & même les haïr ,
c'eſt-à-dire, mépriſer tout ce qu'ils leur
repreſentent pour les porter à changer
de réſolution.
Ce divin Sauveur a même aſſez fait
connoître par ſa conduite que les enfans
ne doivent point conſiderer les deſirs &
les inclinations de leurs parens , ni s'y
arrêter , lorſqu'il s'agit de la gloire de
Dieu, & du ſervice de l'Egliſe. Car il ſe
ſépara de ſa ſainte Mere & de ſaint Jo-
ſeph
dès l'âge de douze ans pour aller
inſtruire dans le Temple de Jeruſalem
les Docteurs de la loi , en leur propo-
ſant des queſtions pleines de ſageſſe &
Luc. 2.
48. 29.
de prudence ; & lorſque la ſainte Vier-
ge
lui dit enſuite, Mon fils, pourquoi avez-
vous ainſi agi avec nous? Voilà vôtre pere
& moi qui vous cherchions étant tout affli-
gez :
Il leur répondit ; Pourqoui eſt-ce
que vous me cherchiez ? Ne ſçaviez-vous
pas qu'il faut que je ſois occupé à ce qui re-
garde le ſervice de mon Pere?
marquant par
là que les enfans qui veulent ſe donner
à Dieu , doivent s'élever au deſſus des
conſiderations de la chair & du ſang , &
qu'ils ne ſont pas obligez de déſerer à
toutes les volontez de leurs parens qui
s'oppoſent à leurs ſaintes réſolutions.
Luc. 12.
47. &
En une autre occaſion on lui vint dire

288
La Vie
sequent.
pendant qu'il parloit au peuple , & qu'il
l'inſtruiſoit: Voilà vôtre mere & vos freres
qui ſont dehors & qui vous demandent :

mais il répondit à la perſonne qui lui
parloit ainſi; Qui eſt ma mere & qui ſont
mes freres ?
Et étendant ſa main ſur ſes
Diſciples , il dit : Voici ma mere , &
voici mes freres : car quiconque fait la vo-
lonté de mon Pere qui eſt dans le ciel, celui-
là eſt mon frere, ma ſoeur & ma mere
, nous
inſinuant encore par cette réponſe, qu'il
ne faut plus reconnoître pour parens
tous ceux qui entreprennent de nous dé-
tourner du ſervice de Dieu.
Il ne voulut pas même permettre à
Matth.8.
22.
un jeune homme d'aller enſevelir ſon
pere , & de lui rendre les derniers de-
voirs ; il lui ordonna de le ſuivre ſur
le champ, afin de faire comprendre à
tous les hommes qu'il ne faut point dif-
ferer ſa convenſion , ni la remettre à un
autre tems , fous prétexte d'aſſiſter ſes
propres parens , lors principalement
qu'il y a d'autres perſonnes qui peuvent
les ſecourir.
Pour ce qui eſt des ſaints Docteurs
de l'Egliſe
, ils ont tant de fois blâmé
les peres & les meres qui reſiſtent aux de-
ſirs de leurs enfans, lorſqu'ils veulent ſe
conſacrer au ſervice de Dieu ; ils ont
dit tant de choſes pour fortifier les en-
fans contre les oppoſitions de leurs pa-
rens

289
des Gens Mariez. Ch. XXIII.
rens en de ſembables rencontres , que
ſi on vouloit rapporter tous les témoi-
gnages , ou en pourroit faire un Trai-
té particulier. C'eſt pourquoi afin d'é-
viter une trop grande longueur , je me
contenterai d'indiquer leurs principa-
les maximes.
Tertullien obſerve que JESUS CHRIST
diſant à celui qui lui annonçoit que ſa
mere & ſes freres demandoient à lui
Lib. de
carne
Chriſti c.
7.
parler : Qui eſt ma mere & qui ſont mes
freres ?
renonçoit en quelque maniere
à ſes parens les plus proches qui l'inter-
rompoient , lorſqu'il étoit occupé aux
fonctions de ſon miniſtere, afin de nous
aprendre que nous devons renoncer aux
nôtres pour nous donner à Dieu, & nous
appliquer entierement à ſon ſervice.
Saint Ambroiſe examinant ces mê-
In Cap.
24. Luc.
mes paroles de JESUS-CHRIST, dit que
ce divin Sauveur , en parlant ainſi , a
voulu nous marquer qu'encore que la
loy de Dieu & celle de la nature nous
ordonnent d'aimer & d'honorer nos pa-
rens, nous ſommes neanmoins obligez
de leur preferer le culte de Dieu , &
que nous ne devons faire nulle difficulté
de les quitter pour ſuivre celui qui eſt
notre pere par excellence auſſi-bien que
In cap.
8. Luc.
le leur. Il ajoûte que JESUS-CHRIST
a voulu accomplir lui-même le précepte
qu'il avoit reſolu de donner dans la ſuite
N

290
La Vie
à ſes Diſciples ; & que devant leur com-
mander un jour à venir de quitter leurs
parens pour le ſuivre, il a refuſé de re-
connoître les ſiens , & de leur parler ,
lorſqu'ils venoient le chercher, afin de
continuer les fonctions de ſon mini-
ſtere.
Il ſeroit inutile de s'arrêter à prouver
que ſaint Jerôme a crû que les enfans
qui veulent ſe retirer dans la ſolitude ,
ne doivent point avoir d'égard aux op-
poſitions de leurs parens : car tous ſes
Ouvrages ſont pleins des exhortations
Epiſt. 10.
vives & animées qu'il faiſont à ceux qui
étoient dans ce deſſein, pour les porter à
y perſeverer. Ainſi il diſoit à la veuve
Furia47 : honorez votre pere, & obéiſ-
ſez-lui tant qu'il ne vous détournera
point du ſervice de Dieu ; mais s'il met
quelque obſtacle à votre ſalut: Souve-
nez-vous de ces paroles de David , &
ſoyez perſuadée qu'elles s'adreſſent à
Pſ. 44.
12.
Epiſt 47.
vous, Ecoutez ma fille , voyez , & prê-
tez l'oreille ; oubliez votre peuple, & la
maiſon de votre pere.
Ainſi il diſoit à une
jeune fille : N'écoutez point ceux qui
vous blâmeront,&qui vous accuſeront
de cruauté , ſi vous quittez votre mere
pour entrer dans un Monaſtere ; car vo-
tre prétendue cruauté ſera une verita-
ble pieté , puiſque vous ne prefererez à
vôtre mere que celui que vous devez

291
des Gens Mariez. Ch. XXIII.
même preferer à votre ame. Ainſi il ex-
hortoit tous les fideles à ſe ſéparer de
leurs parens, même les plus proches ,
lorſqu'ils leur étoient une occaſion de
chute & de ſcandale ; & il leur diſoit
In Cap.
10.Matt.
pour les y engager , qu'en ces rencon-
tres la haine qu'on témoigne à ſes pa-
rens, eſt un effet du grand amour qu'on
a pour Dieu : odium in ſuos, pietas in
Epiſt. I
Deum. Ainſi il diſoit à Heliodore, pour
l'engager à retourner dans le deſert
qu'il avoit quitté : Quand même vôtre
petit neveu ſe jetteroit à vôtre col , &
vous embraſſeroit tendrement; quand
même votre mere ſe preſenteroit à
vous ſes cheveux épars , & qu'elle dé-
chireroit ſes vêtements pour vous faire
voit le ſein dont elle vous a allaitté ;
quand même votre pere ſeroit couché
ſur le ſeuil de la porte de votre mai-
ſon pour vous empêcher d'en ſortir ;
tout cela ne devroit point être capable
de vous retenir dans le ſiecle.Vous ſe-
riez votre pere pour vous enfuïr hors du
monde, & pour éviter ſa corruption. Il
ſeroit de vôtre devoir de courir avec
ardeur vers la Croix , & ſans verſer au
cunes larmes : & vôtre pieté n'eclatte-
roit jamais davantage , qu'en témoi-
gnant de la cruauté en une telle ren-
contre.
N ij

292
La Vie
In Pſ.
44.
Saint Auguſtin examinant ces paroles
du Pſeaume 44. O fort invincible , ar-
mez-vous de votre épée!
dit que la paro-
le de Dieu eſt cette épée dont parle le
Prophete
; qu'elle ſépare le fils du pe-
re , la fille de la mere , la bru de la
belle mere, comme il eſt marqué dans
l'Evangile ; qu'on voit ſouvent arriver
de ces fortes de ſéparations & de divi-
ſions ; qu'un fils , par exemple , forme le
deſſein de ſervir Dieu; mais que ſon
pere s'y oppoſe ; que celui-ci promet
ſon fils de lui donner de grands biens
ſur la terre , & de la rendre fort riche
dans le monde ; que le fils au contraire
ſoupirant après la Jeruſalem celeſte ,
mépriſe tous ces avantages temporels ;
que cela les diviſe ; que dans cette con-
joncture ce pere ne doit pas s'imaginer
que ſon fils lui faſſe injure , puiſqu'il ne
lui prefere que Dieu ; & que l'oppoſi-
tionqu'il forme à ſes ſaintes reſolutions
eſt vaine & inutile , parceque ce glaive
ſpirituel qui opere cette ſéparation en-
tre le pere & le fils , eſt plus fort que la
nature , & a le pouvoir de ſéparer des
perſonnes qu'elle avoit ſi étoitement
unies.
In Pſal.
127.
Ce ſaint Docteur dit encore en un
autre lieu, que bien loin que des peres
chrétiens aient droit de ſe plaindre de
ce que leurs enfans les quittent pour ſe

293
des Gens Mariez. Ch. XXIII.
donner Dieu , ils doivent au contraire
ſe réjouir de ce qu'ils leurs preferent le
Createur, & qu'ils ſe ſéparent d'eux pour
ſuivre celui dont ils ont reçû l'être , &
qui eſt leur veritable Pere.
Luc. 24
26.
Matth.4.
44.
Epheſ. 5.
25.
L'on a vû ci-devant que JESUS-
CHRIST dit dans L'Evangile : Si quel-
qu'un vient à moi, & ne hait pas ſon pere &
ſa mere, ſa femme, ſes enfans, ſes freres &
ſes ſoeurs, il ne peut pas être mon diſciple.

Cependant ce divin Sauveur nous or-
donne en un autre lieu de L'Evangile
d'aimer nos ennemis ; & ſon Apôtre
veut que les maris aiment leurs femmes,
comme JESUS-CHRIST a aimé ſon E-
gliſe. Ces deux preceptes ſemblent être
contraires , & ſe détruire l'un l'autre ;
mais ſaint Gregoire les concilie , en di-
ſtinguant dans nos parens ce qui vient
de Dieu , & ce qui n'eſt qu'un effet de
leur corruption & de leur aveuglement.
Il dit qu'entant qu'ils ſont nos parens ,
Homil 9.
37 in E-
vangel.
& qu'il faut les aime & les honorer
ſous ce regard. Mais que quand ils nous
détournent de la vertu, & qu'ils met-
tent quelque obſtacle à notre ſalut , ils
agiſſent en pecheurs ; ils ſont dans l'a-
veuglement, ils ſuivent la corruption
de leur coeur ; qu'alors nous corruption
de leur coeur ; qu'alors nous ſommes
obligez de nous déclarer contre eux ,
N iij

294
La Vie
& de les haïr ; que c'eſt même les ai-
mer que de les traiter ainſi ; parce que
dans la verité nous aimons nos parens
toutes les fois que nous refuſons d'é-
couter les mauvais conſeils qu'ils nous
donnent , & de ſuivre les fauſſes pen-
ſées qu'ils tâchent de nous inſpirer, & dont ils ſont eux-mêmes prévenus.
Ce ſaint Pape ſoutient même que l'a-
mour que nous reſſentons pour nos pa-
rens, ne doit pas être cauſe que nous
nous éloignions tant ſoit peu de la ver-
tu ; & pour nous le faire mieux com-
prendre, il rapporte ce qui ſe paſſa lorſ-
que les Philiſtins renvoyerent aux Juifs
l'Arche d'Alliance qu'ils avoient priſe
dans le combat , où les deux fils du Prê-
tre Heli perirent d'une maniere tres-
1. Reg. 6.
funeſte. Ces infidels la mirent , ſuivant
le conseil de leurs Prêtres , dans un cha-
riot qui étoit trainé par deux vaches ,
dont les veaux étoient renfermez dans
l'étable ; ces vaches marcherent tout
droit par le chemin qui conduit à Bet-
ſamés48, & evancerent toujours d'un pas
égal , en meuglant à la verité , parce-
qu'elles ſentoient leurs veaux, mais ſans
Lib.7.
moral. c.
14.
ſe détourner ni à droit ni à gauche. Il
dit que c'eſt-là figure de la conduite
que nous devons tenir lorſque nous
cherchinbs Dieu ; que la conſideration de
nos parens les plus proches ne doit point

295
des Gens Mariez. Ch. XXIII
nous aſſoiblir , ni nous détourner de
nos ſaintes reſolutions ; que nous pou-
vons à la verité reſſentir de la tendreſſe
pour eux ; mais qu'il ne faut pas qu'elle
rallentiſſe notre zele , ni qu'elle nous
arrête qu milieu de notre courſe.
Il y avoit du temps de S.Bernard un
jeune homme qui deſiroit de ſe retirer
dans la ſolitude , & qui diſſeroit tou-
jours d'executer ſon deſin deſſein en conſide-
ration de ſa mere , qu'il aimoit avec
beaucoup de tendreſſe. Ce ſaint Doc-
teur lui écrivit pour l'exhorter à ſur-
monter cette affection naturelle ;& lui
repreſenta qu'encore qu'il y ait ordinai-
rement de l'impieté à mépriſer ſa mere ,
c'eſt neanmoins l'effet d'une tres-grande
pieté de la mépriſer & de la quitter pour
Ep. 104
ſuivre JESUS-CHRIST. Et ſi impium eſt
contemnere matrem, contemner tamen pro-
pter chriſtum , piiſſimun eſt.

Pierre de Blois écrivit auſſi à un de
ſes amis ſur le même ſujet , & pour le
fortifier contre une pareille tentation.
Ep. 21.
Je ſçai , lui dit-il, que vos parens veu-
lent vous faire renoncer à la reſolution
que vous avez formée d'embraſſer un
état de vie plus parfait : mais prenez
garde que l'affection que vous avez
pour eux ne vous trompe , & ne vous
faſſe tomber dans quelque piege dan-
gereux, en vous portant à differer trop
N iiij  296 La Vie long-tems de ſuivre la penſée que vous
avez de vous convertir entierement à
Dieu. Il ne faut pas que vous aimiez
votre pere & votre mere dans les cho-
ſes qui ſont contre le ſervice de notre
Seigneur JESUS-CHRIST, puiſque vous
êtes obligé de les haïr pour l'amour de
lui. Pluſieurs ont malheureuſement
perdu leurs armes à cauſe de leurs pa-
rens ; car l'amour du monde qui étoit
preſque éteint dans leur coeur , s'y eſt
rallumé de nouveau à leur occaſion.
C'eſt être impie , ajoûte-t-il , que de
traiter cruellement ſon ame pour plai-
re à ſon pere & à ſa mere ; & il ne ſçau-
roit y avoir une plus grande témerité ,
que d'aimer mieux ſe mettre en dan-
ger de ſe perdre , que de contriſter
ceux que l'on affectionne.

Tant d'autoritez prouvent certaine-
ment avec évidence , que les peres & les
meres ſont obligez de conſentir que
leurs enfans ſe ſéparent d'eux pour ſer-
vir Dieu dans les differens états auſquels
il plaît à ſa Providence de les appeller.
Je demeure neanmoins d'accord qu'ils
ont droit de les examiner , & de les
éprouver avant que de leur permettre
d'executer leurs deſſeins , ſur-tout s'ils
ſont encore fort jeunes : car étant leurs
tuteurs naturels , & ayant été prépoſez
à leur conduire par le grand Pere de fa-

297
des Gens Mariez. Ch.XXIII.
mille, ils ne doivent pas ſouffrir qu'ils
faſſent rien avec témerité , ni qu'ils em-
braſſent indiſcrement un genre de vie
qui ne leur convient point , & pour le-
quel ils n'ont pas reçû les talens d'eſprit
& de corps qui ſemblent être neceſſai-
res pour y réuſſir. Il faut qu'ils ſe con-
duiſent en ces rencontres avec beaucoup
de prudence , & par les ſeules regles de
la charité, afin de ne s'oppoſer pas à ce
qui eſt veritablement utile à leurs en-
fans , & de ne leur permetre pas auſſi
d'entrer dans une conditions qui deman-
de des diſpoſitions qu'ils ne remarquent
pa en eux.
Jean. 23.
Il faut que ſuivant le conseil de l'Apô-
tre S. Jean, ils ne croyent pas à toutes
fortes d'eſprits, mais qu'ils éprouvent
s'ils ſont de Dieu , c'eſt-à-dire , qu'ils
examinent ſérieuſement & ſans aucune
prévention , s'il y a lieu de croire que
le deſſein que leurs enfans témoignent
avoir de ſe ſeparer du monde , leur ſoit
inſpiré de Dieu , afin de ne pas reſiſter
à ſes ordres, ſous prétexte de maintenir
leur autorité ; & de ſe ſervir du pouvoir
qu'il leur a donné.
Il faut enfin qu'ils ſe dépoüillent de
tout amour propre , & qu'ils ne regar-
dent que ce qui peut contribuer davan-
rage à la gloire de Dieu , au bien de l'E-
gliſe , & au ſalut de leurs enfans ; car
N v

298
La Vie
C'eſt là l'unique fin qu'ils doivent ſe propoſer.
Bandeau.

CHAPITRE XXIV.


Que les peres & les meres ſont obligez d'a-
voir ſoin de pouvoir leurs enfans, &
de les marier, lorſqu'ils ſont portez au
Mariage. Mais qu'ils ne doivent jamais
les forcer, ni les contraindre dans le choix
d'une condition.
Saint Paul dit à ſon diſciple Timo-
thée
, comme on l'a déja pluſieurs
1 Tim 5.
8.
fois obſervé : Que ſi quelqu'un n'a pas
ſoins des ſiens , & particulierement de ceux
de ſa maiſon, il renonce à la foy, & eſt pire

1. Cor. in
22.
qu'un infidelle. Il déclare aux Corin-
thiens
que ce n'eſt pa aux enfans à
amaſſer des treſors pour leurs peres ,
mais que c'eſt aux peres à en amaſſer
pour leurs enfans. Ces deux Oracles ju-
ſtifient clairement la verité de ma pre-
miere propoſition , que les peres & les
meres ſont obligez de pourvoir leurs
enfans , & de les marier , lorſqu'ils ont
inclination pour le Mariage. Car c'eſt
à cela que doit pricipalement ſe ter-
miner le ſoin qu'ils ont de leurs famil-
les. En étant les peres & les chefs, leur
devoir les engage à veiller ſur tout ce

299
des Gens Mariez. Ch. XXIV.
qui s'y paſſe ; rien ne doit s'y faire ſans
lerus ordres & ſans leur participation ;
& c'eſt à eux à y appliquer chacun à ſon
emploi & à ſon miniſtere. Leurs richeſſes
ne ſnt pas tant à eux qu'à leurs enfans ;
c'eſt en leur conſideration que l'Apôtre
leur permet d'en acquerir ; & par con-
ſequent ils doivent les employer à les
pouvoir & à les marier : ſans cela leurs
épargnes & leurs acquiſitions ſont ſuſ-
pectes d'avarice, & deviennent crimi-
nelles.
cap. 9.
L'on trouve pluſieurs Decrets dans les
Conciles qui prouvent cette obligation
des peres & des meres. Celui de Pavie
de l'an 850.ſe plaint en des termes tres-
forts de ceux qui ayant des filles nubiles,
n'ont pas ſoin de les marier, & de leur
chercher des partis convenable. Il dit
qu'il arrive ſouvent de-là qu'elles ſe ré-
pandent dans le monde ; qu'elles ſe cor-
rompent , & qu'elles s'abandonnent à
des amours illicites. Il ordonne aux Prê-
tres & aux Paſteurs d'avertit les peres &
les meres de les marier de bonne heure ,
& de prévenir par ce moyen les deſor-
dres auſquels l'impetuoſité de leur âge
les pourroit porter. Il ajoûte , que s'ils
neglignent de le faire après en avoir été
avertis , & que leurs filles viennent en-
ſuite à ſe perdre & à ſe proſtituer , il
faut leur impoſer une ſevere penitence,
N vj

300
La Vie
pour les punir de n'avoir pas voulu les
pourvoir, ſuivant l'avis de leurs Paſteurs.
Le Concile Provincial de Cologne de
l'an 1536. veut auſſi que les Curez aient
ſoin de tems en tems d'avertir les peres
Cap. 43.
& les meres de marier leurs enfans. L'on
pourroit encore alleguer d'autres Con-
ciles pour confirmer cette propoſition :
mais ceux-ci ſuſſiſent , & il n'eſt pas be-
ſoin de groſſir ce chapitre par de nou-
velles citations qui ne diroient que la
même choſe.
ſſ. de ritn
nupt. l.
19.
Le Droit Civil contient auſſi pluſieurs
diſpoſitions importantes ſur ce ſujet. Il
y a des Loix dans le Digeſte qui portent
que les peres qui ne veulent, ni marier,
ni doter leurs enfans , doivent y être
contraints par les Proconſuls & par les
Intendans des Provinces ; & ce qui eſt
tres-remarquable, ces Loix ajoûtent que
celui-là eſt cenſé empêcher ſes enfans
de ſe marier, qui ne ſe met pas en peine
de leur chercher des partis convenables.
Prohibere antem videtur, & qui conditio-
nem non querit.

Cod. de
inoſſicioſo
eſt.l.19.
Nous apprenons du Code de Juſti-
nien
, qu'il étoit pemis à un pere d'ex-
hereder ſa fille qui s'abandonnoit à la
débauche , & qui ſe proſtituoit ; mais il
ya une Authentique qui déclare que
Authent.
ſed ſi poſt.
lorſqu'une fille a paſſé l'âge de vingt-
cinq ans , ſi ſon pere neglige de la ma-

301
des Gens Mariez. Ch. XXIV .
rier, & qu'elle ſe proſtitue , ou qu'elle
contracte quelque mariage ſans ſon con-
ſentement, il ne peut plus l'exhereder.
Nouvell.
115.c.3.
Et l'Empereur Juſtinien dit dans une de
ſes Novelles, qu'une telle fille ne doit
être ni punie ni exheredée, parce que ſes
parens ſont plus coupables qu'elle mê-
me.
Je n'allegue point ces Conſtitutions
Imperiales
pour excuſer les enfans qui
s'abandonnent à la débauche & à la diſ-
ſolution , mais je m'en ſers ſeulement
pour prouver que les peres & les meres
ſont obligez de les établir & de les ma-
rier; & que lorſqu'ils ne s'acquittent pas
de ce devoir, ils commettent une faute
conſiderable, qui mérite que les Loix s'ar-
ment contre eux, & les privent d'une
partie de l'autorité qu'elles avoient
donnée.
Homil. 5.
in 1. ad.
Theſſ.
Saint Chryſoſtome paſſe plus avant :
car non content de dire que les parens
ſont obligez de pouvoir & de marier
leurs enfans, il enſeigne qu'ils le doivent
faire de bonne heure , ſur tout à l'égard
des garçons dont ils ſont chargez , &
qu'ils deſtinent à vivre dans le ſiecle. Il
ſoutient que c'eſt-là la précaution la plus
ſage & la plus prudence qu'ils puiſſent
prendre pour les preſerver de la débau-
che, qui eſt ſi ordinaire aux jeunes gens;
pour conſerver leur pureté, & pour faire

302
La Vie
en forte qu'ils portent leurs corps vier-
ges à leurs épouſes vierges , & qu'ils vi-
vent avec elles dans une union parfaite.
Hom. 1.
Anna.
Il n'y a rien, leur dit-il , qui ſoit plus
capable d'orner cet âge , que la cou-
ronne de la chaſteté , qui fait qu'un
homme entre pur dans le Mariage ,
ſans s'être jamais ſouillé par la moin-
dre action d'incontinence. C'eſt ce
qui fait que leurs femmes leur font
aimables, parceque leur ame n'ayant
pas été préocupée de penſées d'im-
pureté , ni ſouillée par aucune for-
nication, ils ne connoiſſent pas d'au-
tres femmes que celle qui leur eſt don-
née en Mariage. Leur amour en eſt
plus ardent, leur bienveillance plus
ſincere & plus veritable, & leur ami-
tié plus parfaite.

Ce ſaint Docteur ajoute que les peres
qui different trop long-tems de marier
leurs fils, ſont cauſe qu'ils s'accoutument
à frequenter des femmes débauchées, qui
s'efforcent de leur plaire par leur air en-joué, par leurs privautez, & par
leurs manieres affectées & étudiées ;
& qu'il arrive de là , que lorſque ces
jeunes hommes contractent enſuite ma-
riage ils ſe dégoutent facilement de leurs
femmes , qui ſont graves & ſerieuſes,
& qui ne veulent pas s'abandonner à des

303
des Gens Mariez. Ch. XXIV.
joyes ciminelles, & pleines de diſſolu-
tion.
Il faut maintenant avertir les gens ma-
riez, qu'encore qu'ils ſoient obligez de
pourvoir & de marier leurs enfans, ils
n'ont pas neanmoins droit de les forcer,
ni de les contraindre dans le choix d'un
état & d'une profeſſion. Car il y a bien
de la diſſerence entre dire,qu'ils doivent
leur procurer un établiſſement, & dire
qu'ils puiſſent uſer d'empire , & em-
ployer de la force & les menaces pour les
porter à entrer dans une condition plu-
tôt que dans une autre. La premiere de
ces choſes eſt un bon office, & un effet
de leur bonté & de leur ſollicitude pa-
ternelle. Mais la ſeconde dégenereroit
en tyrannie, & contribueroit au malheur
de leurs enfans , & peut-être même à
leur dammation éternelle : parce que
comme ils n'auroient embraſſé une pro-
feſſion que par contrainte , ils s'en dé-
gouteroient tres-facilement ; & s'ils ne
pouvoient plus s'en dégager , ils ſe laiſ-
ſeroient aller à des extrémitez funeſtes;
qui attireroient ſur eux la colere de Dieu
en cette vie, & leur feroient ſentir en
l'autre le poids de ſa juſtice, & la rigueur
de ſes vengeances.
Ils peuvent leur repreſenter ce qui leur
eſt le plus utile & le plus avantageux ;
leur parler ſouvent du peril & des ten-

304
La Vie
tations que l'on éprouve dans le ſiecle ,
& dans la frequentation du grand mon-
de; leur expliquer le bonheur de ceux
qui ſuivent la vertu, & qui ſe conſecrent
au ſervice de Dieu ; leur donner des
Maîtres & des Precepteurs qui cultivent
leur eſprit , & les forment à la pieté ,
leur faire lire de bons livres qui les in-
ſtruiſent de leurs devoirs & de leurs obli-
gations ; prier pour eux , & attirer ſur
leurs perſonnes les graces du Ciel , par
leurs larmes &par leurs gémiſſemens ,
Aug.lib.
3. Conf.
6. 12.
comme fit autrefois ſainte Monique :
car elle pleuroit ameremet les égare-
mens de ſon fils , elle demandoit conti-
nuellement à Dieu ſa converſion ; & un
ſaint Evêque lui prédit qu'il étoit im-
poſſible qu'un fils pleuré avec tant de
larmes perît jamais.
Mais il faut qu'ils en demeurent là.
Ils ne doivent point forcer leurs incli-
nations , ni ſe rendre les maîtres & les
arbitres ſouverains de la profeſſion qu'ils
doivent embraſſer. Il ne leur eſt point
permis de les déterminer par leur autori-
té abſolue, à un genre particulier de vie;
& s'ils le font, ils entreprennent ſur les
droits de Dieu , à qui ſeul il apprtient
d'appliquer les hommes aux differens
miniſteres auſquels va Providence les
deſtine.
Que dire aprés cela d'une infinité de

305
des Gens Mariez. Ch. XXIV.
peres & de meres qui veulent dominer
ſur l'eſprit & ſur le coeur de leurs en-
fans ; qui les ſont entrer dans des em-
plois auſquels ils ne ſe ſentent point
portez, & pour leſquels ils ont même
de la repugnance, qui en ſacriſent quel-
ques-uns à leur ambition , en les rele-
guant dans les Cloîtres , afin d'élever
les autres, & de les faire vivre dans l'o-
pulence ; qui obligent les cadets d'em-
braſſer malgré eux l'état de la Clerica-
ture , à laquelle ils ne ſont point appel-
lez ; qui les chargent de Benefices , afin
de s'enrichir eux-mêmes du patrimoine
des pauvres , & de s'exempter de les
nourir , en les faiſant ſubiſter aux dé-
pens de l'Egliſe , quoiqu'ils ne lui ren-
dent aucun ſervice ; qui enfin diſpoſent
comme il leur plaît de leur ſort & de
leur établiſſement , & preſque toujours
par pur caprice , & pour contenter leurs
paſſions.
Ce qui eſt encore plus déplorable, la
plupart d'entr'eux ſe ſervent de leur au-
torité & employent la force & la vio-
lence pour obliger à entrer dans l'état
Eccleſiaſtique, ou dans des Monaſteres,
ceux de leurs enfans qui ont le moins
d'eſprit , qui ſont difformes dans leur
taille , & qui ont quelques défauts na-
turels. Ils déſtinent aux monde ceux qui
ſont les mieux faits, & dans qui on re-

306
La Vie
marque de plus heureuſes diſpoſitions ;
ils les choiſiſſent pour ſoutenir leurs fa-
milles , & pour être les heritiers de leurs
biens & de leurs dignitez. Mais pour ce
qui eſt des autres, qui n'ont pas été avan-
tagez de la nature , ils en font une of-
frande à Dieu, & ils les conſacrent à ſon
ſervice , contre la déſence de la loy , qui
Deut.
17. I.
Malach.
I. 14.
ne vouloit pas qu'on offrît au Seigneur
des victimes qui euſſent quelque tache ,
ou quelque défaut , & qui prononçoit
malediction contre ceux qui prenoient
ce qu'il y avoit de moindre dans leurs
troupeaux pour en faire la matiere de
leurs ſacriſices. Cet abus n'eſt que trop
ordinaire parmi les gens du monde. Ils
affectent, dit le Concile de Bordeaux te-
nu en notre ſiecle, de donner à l'Egliſe
ceux de leurs enfans qui ont quelque
difformité exterieure, & qui ſont les
moins propres pour les affaires du ſiecle;
ils leur procurent des Benefices, pour les
faire ſubſiſter aux dépens de l'Egliſe , &
Concil.
Burdigal.
an.1624.
cap 6. de
ordin. n.
2.
non pas pour les mettre en état de la
ſervir : ils ne conſiderent nullement ſi
Dieu les appelle aux ſaints Miniſteres ,
& aux emplois Eccleſiaſtiques.
Je ſcai bien qu'il y en a pluſieurs ,
qui pour témoigner à l'exterieur qu'ils
ont de la pieté & de la religion , diſent
hautement qu'ils ne veulent point gêner
leurs enfans dans le choix d'un état , &

307
des Gens Mariez. Ch. XXIV.
qu'ils ſeroient tres-fâchez de les obliger
de renoncer au monde, & d'entrer dans
des Monaſteres contre leur volonté. Mais
ſouvent ce n'eſt là qu'une illuſion, & un
déguiſement artiſicieux dont on ſe ſert
pour ſe faire honneur dans le public , &
pour couvrir adroitement ſon avarice &
ſon ambition, car les effets ne répondent
pas toujours à ces belles proteſtations ;
& au lieu de les laiſſer en une pleine li-
berté , comme on s'en vante , on les for-
ce , & on les contraint d'une maniere
tyrannique , à faire tout ce qu'on deſire
d'eux.
Veut-on, par exemple , qu'une fille
ſoit Religieuſe ? on ne lui témoigne que
du chagrin & de la mauvaiſe humeur ;
on n'approuve rien de tout ce qu'elle
fait, & on y trouve toujours quelque
choſe à redire ; on cherche continuel-
lement des ſujets de la quereller & de la
contriſtier ; on l'éloigne des compagnies,
& on la relegue dans quelque apparte-
ment ſéparé, pendant que le reste de la
famille ſe divertit ; on lui refuſe des ha-
bits convenables à ſa condition, & on ne
lui en donne que de tres communs, non
par modeſtie, ni par éloignement de la
vanité , mais pour lui faire de la peine &
pour la chagriner ; on la traite avec froi-
deur & avec indifference, au même tems
qu'on fait mille careſſes aux autres en-

308
La Vie
fans ; on lui donne à entendre que tout
ce que qu'elle dit n'eſt jamais juſte ni à pro-
permet pas de parler: en un mot , on la
gêne, & on la contraint en toutes choſes,
& on agit avec elle comme ſi elle étoit
la derniere des ſervantes de la maiſon.
Tout cela l'afflige , la met hors d'elle-
même , & l'oblige à ſe jetter dans un
Cloître , afin de s'épargner tous ces ſu-
jets de chargrin & de douleur , & de
chercher parmi des étrangers la paix &
la douceur qu'elle ne peut trouver dans
ſa propre famille.
A-t-on auſſi deſſein de ſe défaire d'un
garçon? on ne le produit point dans le
monde ; on ne produit point dans le
monde ; on ne l'entretient pas ſelon ſa
qualité ; on lui refuſe ce qui eſt neceſſaire
pour voir ſes amis & ſes parens ; on ne
lui donne aucun emploi ; on le laiſſe
languir dans l'oiſivité ; on lui cache ,
comme s'il étoit un étranger , toutes les
affaires de la maiſon ; on lui inſinue qu'il
n'a rien à eſperer du bien de la famille ;
on le neglige en toutes rencontres; ſou-
vent même on le mépriſe ; & par ce
moyen on le porte contre ſon inclina-
tion , à prendre le parti des armes , ou à
ſe refugier dans quelque des armes , ou à
ſe refugier dans quelque Monaſtere.
Que Ceux qui agiſſent de la forte avec
leurs enfans, diſent tant qu'ils voudront,
qu'ils ne les forcent point à ſe détermi-

309
des Gens Mariez. Ch. XXIV.
ner à aucun état , & qu'ils leur laiſſent
une entiere liberté de faire tout ce qu'ils
deſirent , on n'eſt pas obligé de les en
croire ; puiſque leurs actions démentent
leurs paroles, & que l'on voit des effets
tout contraire aux proteſtations qui ſor-
tent de leur bouche.
On peut même dire qu'il n'y a gueres
de violance qui ſoit plus rude , ni plus
difficile à ſuporter , que celle qu'ils leur
font , parcequ'elle eſt continuelle,qu'el-
le attaque encore plus leur eſprit que
leur corps , qu'elle les afflige & les tour-
mente dans tout ce qui leur eſt le plus
cher, & qu'elle ſe renouvelle chaque
jour à la vûe des graces & des faveurs
que reçoivent d'autres perſonnes qui n'a-
voient pas tant de droit qu'eux d'en eſ-
perer.
Bandeau.

CHAPITRE. XXV


Que les peres & les meres ſont obligez de
garder l'égalité entre leurs enfans autant
que cela leur eſt poſſible.
Il eſt certain qu'il n'y a rien à quoi les
peres & les meres doivent plus tra-
vailler , qu'à établir & à maintenir la
paix entre leurs enfans ; & que c'eſt-là
un des plus riches heritages qu'ils puiſ-

310
La Vie
ſent leur laiſſer : car tant qu'ils demeu-
rent unis,ils ſe conſolent les uns les au-
tres dans les leurs afflictions ; ils ſe ſecou-
rent ; ils s'aſſliſtent mutuellement dans
leurs beſoins ; ils ſe ſoutiennent ; ils ſe
déſendent contre ceux qui les attaquent;
&ils deviennent formidables à tous leurs
Prov.18.
19.
ennemis.C'eſt pourquoi le Sage dit, Que
le frere qui eſt aidé par ſon frere ,eſt
comme une Ville forte , & que leurs juge-
mens ſont comme les barres des portes des
Villes.

Mais au contraire lorſqu'il y a de la
meſintelligence entr'eux ,& qu'ils ſont
diviſez, ils ne contribuent qu'à ſe faire
de la peine les uns aux autres : ils dé-
truiſent leur propre maiſon ; ils ſont
expoſez en proye à tous ceux qui les
haïſſent , & qui entreprennent quelque
choſe contre eux. Et auſſi le même Sage
nous aſſure que le Siegneur déteſte &
a en horreur celui qui ſeme la diviſion
Prov. 6.
16. &
ſequent.
entre les freres. Il y a ſix choſes , dit-il ,
que le Seigneur hait,&ſon ame déteſte la
ſeptiéme ; les yeux altiers ; la langue amie
du menſonge ; les mains qui répandent le
sang innocent ; le coeur qui forme de noirs
deſſeins ; les peids legers pour courir au mal;
le témoin trompeur qui aſſure des menſon-
ges ; & celui ſeme des diſſentions par-
mis les freres.

Or entre tous les moyens dont les pe-

311
des Gens Mariez. Ch.XXV.
res & les meres peuvent ſe ſervir pour
faire vivre leurs enfans dans la paix &
dans l'union, il n'y en a gueres de plus
puiſſan ni de plus efficaces , que de gar-
der entr'eux l'égalité, & de n'avantager
pas les uns plus que les autres : car com-
me ils ſont pour la plûpart intereſſez &
attachez à la terre , il eſt bien intereſſez &
attachez à la terre, il eſt bien difficile
qu'ils aiment ſincerement ceux de leurs
freres, auſquels leurs peres témoignent
de la prédilection , & qui leur ſont pré-
ferez dans la diſtribution des biens de
la famille.
Il n'en faut point chercher d'autres
preuves, que dans ce qui ſe paſſa entre
les enfans du Patriache Jacob. Iſraël ,
Gen. 37.
3. 4.
tous ſes autres enfans , parcequ'il l'avoit
eu étant déja vieux , & il lui avoit fait
faire une robe de pluſieurs couleurs.
Qu'ar-
riva-t-il de ces marques d'amitié que
ce ſaint homme donna à Joſeph ? tous
ſes freres s'éleverent contre lui , le per-
ſecuterent cruellement , & conſpirerent
même contre ſa vie. Ses freres , ajoûte
le Text ſacré, voyant que leur pere l'ai-
moit plus que tous ſes autres enfans , le
haïſſoient , & ne pouvaient lui parler ſans
aigreur.

Jacob avoit lui-même éprouvé des
effets d'une pareille prédilection : car
Eſaü ſon frere voyant qu'il étoit moins

312
La Vie
convideré que lui par Iſaac leur pare , &
par Rebeca leur mere commune , il en
avoit conçû une furieuſe jalouſie , & il
l'avoit perſecuté en toutes rencontres.
C'eſt ce qui a porté les ſaints Docteurs
de l'Egliſe
à garder, autant qu'ils le
peuvent, l'égalité entre leurs enfans ,
afin de les maintenir dans la paix & dans
l'union , & de prévenir la meſintellingen-
ce qui pourroit naître entr'eux, s'ils en
aimoient & en favoriſoient un plus que
Lib. de
Joſeph.
Patria.
c.2.
les autres, Il arrive fort ſouvent, dit
S. Ambroiſe, que l'affection des peres
& des meres eſt nuiſible à leurs enfans,
quand elle ne demeure pas dans les
bornes d'une juſte moderation. Cela
arrive, ou que témoignant plus d'affe-
ction aux un qu'aux autres , ils étei-
gnent par cette preference , l'amour
fraternel qui les devoit tenir unis. Le
plus grand avantage qu'un pere puiſſe
procurer à un de ſes freres. Comme
les peres & les meres , ajoûte ce ſaint
Prelat , ne ſçauroient exercer une plus
grand liberalité envers leurs enfans ,
que de procurer qu'il s'entr'aiment ;
auſſi les enfans ne ſçauroient recevoir
de leurs peres & de leurs meres un
partage  313 des Gens Mariez. Ch. XXV. partage plus riche que cet amour &
cette union qu'ils établiſſent entr'eux.
Puiſque la nature a rendu les enfans
égaux, il eſt juſte que ceux qui leur ont
donné l'être, les traitement également,&
ne témoignent pas plus de faveur aux
uns qu'aux autres.

Ce ſaint Docteur parlant enſuite de
l'Hiſtoire des enfans de Jacob, dit qu'il
n'y a pas de quoi s'étonner , s'il s'éleve
de ſi grands diſſerends entre des freres à
l'occaſion d'une terre ou d'une maiſon ,
puiſqu'une ſeule robe excita une envie ſi
furieuſe dans la famille de ce Patriache:
il ajoûte neamoins qu'il ne faut pas blâ-
mer ce ſaint homme, d'avoir preferé un
de ſes enfans à tous les autres ; parceque
s'il l'a fait, & s'il lui a témoigné plus
d'amour , ç'a été ſeulement à cauſe de
la vertu & des grandes qualitez qu'il pré-
voyoit devoir éclater un jour en lui.
Ainſi, dit-il, on ne doit pas tant le re-
garder comme un pere qui prefere un
de ſes enfans aux autres , que comme
un Prophete qui annonce un myſtere
qui doit arriver ; c'eſt avec beaucoup
de raiſon qu'il lui donna une robe de
differentes couleurs , parceque c'étoit
un pronoſtique des differentes vertus
qui devoient éclater en lui dans la
fuite, & le relever au deſſus de tous

ſes freres.
O

314
La Vie
Ce ſaint Pere ſe ſert encore de ce mê-
me principe pour juſtifier la conduite de
Rebecca , qui témoigna plus d'amour à
Jacob qu'à Eſaü, & qui porta ſon mari
Iſaac à lui donner ſa benediction au pré-
Lib. 1.
de Ja-
cab. c. 2.
judice de l'aîné. Elle ne preferoit pas
tant
, dit-il, un de ſes fils a l'autre, que
la vertu au vice. Elle avoit plus d'égard
dans la préference qu'elle donnoit à
Jacob, au myſtere qu'il figuroit, qu'à
ſa perſonne particuliere ; & elle n'a-
voit pas tant deſſein de l'élever au-
deſſus de ſon frere, que de l'offrir à
Dieu, & de le rendre dépoſitaire d'un
don tres précieux, parcequ'elle ſçavoit
qu'il auroit beaucoup de ſoin de le
conſerver
.
Il avertit en même tems les Fideles
qui n'ont pas le don de penétrer dans les
myteres futurs comme Iſaac & Rebec-
ca
, de ne pas entreprendre d'imiter leur
conduite en cette rencontre , de peur
d'exciter le trouble dans leurs familles, &
de ſe rendre eux-mêmes coupables d'une
injuſte préference. Il faut, leur dit-il,
que les peres & les meres prennent
bien garde de ne pas ſuivre leur exem-
ple & de ne pas commettre cette inju-
ſtice à l'égard de leurs enfans , que
d'en élever un, en rabaiſſant & en mé-
priſant tous les autres ; car cela nour-
rit preſque toujours des querelles &
 315 des Gens Mariez. Ch.XXV. des ininitiez entr'eux ; & quelquefois
un peu de bien qu'on laiſſe à un en
parculier , porte les autres à com-
mettre des crimes & des meurtres.
Il faut donc leur témoigner à tous un
amour égal ; & s'il arrive que l'hu-
meur douce de quelques-uns, ou que
la reſſemblance exterieure ſoit cauſe
qu'on reſſente plus d'inclination pour
eux, on eſt neamoins obligé de leur
rendre à tous juſtice
.
Ce ſaint Docteur repete enſuite ce
qu'on déja rapporté , que le plus grand
bien qu'on puiſſe procurer à un de ſes
enfans pour qui on a de la prédilection,
c'eſt de lui concilier l'amour & la bien-
veillance de ſes fres ; & qu'au con-
traire on ne ſçauroit lui faire plus de
tort, que de lui attirer l'envie & la haine
de toute ſa famille , en voulant le pré-
ferer à tous les autres.
Enfin ce grand Archevêque dit ge-
neralement à tous les peres , qu'ils ne
doivent point mettre de diſtinction en-
Lib.5
lexam.c
18.
tre leurs enfans dans la diſtribution de
leurs biens, puiſque la nature leur donne
à tous une même naiſſance , & leur
diſtribuë également les choſes qui ſont
les plus neceſſaires à la vie.
La Conſtitution de Juſtinien eſt tres-
conſiderable ſur ce ſujet. Cet Empereur
dit qu'autrefois par de vaines ſubtili-
O ij

316
La Vie
tez , on établiſſoit une grande diffe-
rence entre les enfans , dans les ſuc-
ceſſions qui ſe recueilloient en vertu
des Teſtament , & qu'on y traitoit bien
moins favorablement les filles que les
garçons. Il en donne pluſieurs exem-
ples qu'il n'eſt pas neceſſaire d'expli-
quer en particulier ; il abolit toutes
ces differences , comme étant abuſives ;
Cod. de
l. prat.
vel. ex-
hered.
l. 4.
& voici la raiſon qu'il en donne : ceux ,
dit-il , qui font ces ſont de diſtin-
ctions,ſemblent vouloir accuſer la na-
ture , & la blâmer de ce qu'elle ne fait
pas que tous les enfans qui viennent au
monde ſoient des garçons. Qui ta-
les differentias inducunt , quaſi natura
accuſatores exiſtunt , cur non totos maſ-
culos generavit.

On peut dire avec ce grand Empe-
reur
, qu'il y a aujourd'hui beaucoup
de peres & des meres qui blâment &
qui cenſurent la nature. Ce ſont ceux
qui pour élever & enrichir quelques
uns de leurs enfans , qu'elle a eu tort de
leur en donner d'autres que ceux pour
qui ils ont de la prédilection ; qu'elle
étoit obligée de mettre des bornes à
ſa ſecondité ; & qu'elle ne devoit pas les
charger d'une ſi nombreuſe famille ,
afin qu'ils puſſe plus facilement con-

317
des Gens Mariez. Ch. XXV.
tenter leur ambiton , en établiſſant
puiſſamment leurs aînez , & en les fai-
ſant monter aux premieres dignitez.
J'ajoûterai maintenant avec Salvien,
que s'il étoit permis de ne pas garder
l'égalité entre les enfans, il faudroit
ſans doute préferer à tous les autres ,
ceux qui ſe donnent à Dieu, & qui
ont plus de vertu. En effet, dit ce
celebre Ecrivain de notre France,
dans une lettre qu'il adreſſe à toute
l'Egliſe, qu'y a-t-il de plus juſte
& de plus raiſonnable que la vo-
lonté des peres & des meres s'accorde
avec celle de JESUS-CHRIST ; qu'ils
préferent dans la diſtribution de leurs
biens & de leurs charges , ceux que
Dieu a preferez par le choix qu'il en
a fait pour les attacher à ſon ſervice ?
Heureux celui qui aime ſes enfans par
le mouvement de l'amour divin ; qui
regle la charité qu'il leur porte par
celle qu'il doit à JESUS-CHRIST ;
qui dans les liens de la nature qui
l'attachenent à ſes enfans, regarde Dieu
comme leur Pere, qui faiſant des ſa-
crifices à Dieu de ce que ſon amour
l'oblige de donner à ſes enfans, en
titre lui-même un gain & un bonheur
éternel ; & qu'il diſtribuë à ſes en-
fans, ſe procure à lui même une ré-
O iij  318 La Vie compenſe éternelle, en leur procurant
des commoditez temporelles & paſ-
ſageres.

Mais par un éfet de la cupidité qui
regne dans le coeur de la plûpart des
gens du ſiecle, il arrive au contraire ,
que les peres & les meres font preſque
toûjours ces fortes de préferences en
faveur de ceux de leurs enfans qui
ont le moins de vertu, & qui ſe de-
ſtinent à vivre dans le monde ; & qu'ils
privent de leurs biens ceux qui ſe con-
ſacrent au ſervice de Dieu.
Il y a plus d'onze cens ans que le
même Salvien s'eſt plaint de ceux qui
tiennent cette conduite. Les peres &
les meres, dit-il, ſuivent des ma-
ximes bien differentes de celles que
je viens d'expliquer, ils ne laiſſent
jamais moins de bien, qu'à ceux de
leurs enfans à qui ils en devroient
donner davantage, en vûë de celui
au ſervice duquel ils ſont engagez ;
& ceux le leur famille dont ils font
moins d'état, ſont ceux que l'eſprit de
la Religion leur devroit faire conſi-
derer davantage. S'ils offrent à Dieu
quelques-uns de leurs enfans, ils les
conſiderent moins que tous les autres.
Ils jugent indignes de leur ſucceſſion ,
ceux qui ont été trouvez dignes d'être
conſacrez aux Autels ; & l'on peur
 319 des Gens Mariez. Ch. XXV. dire que leurs enfans ne leur devien-
nent mépriſables, que parce qu'ils
ont commencé d'être précieux devant
Dieu. Ne devroient-ils pas au con-
traire, ajoûte cet Auteur, s'attacher
à laiſſer du bien à ceux de leurs en-
fans qu'ils ſçavent être capables d'en
faire un meilleur uſage? & ne ſeroit-
il pas convenable qu'ils préferaſſent
ceux qui n'employeront leurs richeſſes
qu'en des oeuvres de charité, à ceux
qui les diſſiperont en des dépenſes
vaines & ſuperluës ?

Quelques plaintes que les Paſteurs &
ceux qui ont écrit de la Morale Chré-
tienne , aient fait d'un abus , on
n'a pû le déraciner, & il ſubſiſte en-
core maintenant : car il n'eſt que trop
ordinaire de voir des peres & des me-
res qui privent de leurs ſucceſſions ,
ceux de leurs enfans qu'ils ont deſtinez
à l'Egliſe : ils s'efforcent de leur faire
avoir quelques Benefices ; ſouvent mê-
me ils ſe ſervent pour y réüſſir de
moyens tout humains, pour ne pas dire
criminels ; ils les obligent enſuite de
renoncer à toutes les ſortes de prétentions
ſur leurs biens ; ils leur mettent entre
les mains le patrimoine de JESUS-
CHRIST, afin de les fruſtrere de ce-
lui qui leur étoit déſtiné par les loix
de la nature ; ils les traitent comme
O iiij

320
La Vie
des étrangers dans leurs familles, dés
qu'ils deviennent les Miniſtres de JESUS-
CHRIST, & qu'ils entrent dans ſa mi-
lice ſacrée.
Que ceux qui font tombez dans ce
defaut , en gemiſſent devant Dieu, &
qu'ils s'efforcent de le reparer, en réta-
bliſſant autant qu'ils le peuvent, l'éga-
lité entre leurs enfans ; que les autres l'é-
vitent avec ſoin, & qu'ils ſoient per-
ſuadez qu'ils ſe rendroient reſponſables
du trouble & de la diviſion qui ſurvien-
droit dans leur familles, s'ils ſe laiſ-
foient aller à des prédilections injuſtes
& ſans fondement.
Il faut même leur dire avant que de
finir ce Chapitre, que tout ce qu'on
vient de leur repreſenter, regarde non
ſeulement le partage des biens, mais
auſſi la diſtribution des autres faveurs ,
c'eſt-à-dire , que comme il ne leur eſt
pas permis d'enrichir quelques-uns de
leurs enfans au préjudice des autres ,
ils ne doivent pas auſſi témoigner plus
d'affection & de tendreſſe aux uns qu'-
aux autres ; qu'ils ſont obligez de les
traiter tous à l'exterieur avec la même
bonté & la même ouverture de coeur ;
qu'il faut qu'ils évitent de ſe familia-
rifier trop avec les uns, pendant qu'ils
font paroître beaucoup de reſerve &
d'auſterité à l'égard des autres ; qu'il

321
des Gens Mariez. Ch. XXV.
leur eſt défendu de fournir aux uns tou-
tes ſortes d'ornemens & d'ajuſtemens ,
au même temps qu'ils refuſent aux au-
tres ce qui leur eſt neceſſaire. Car de
telles préferences font ſouvent des
playes tres profondes dans le coeur des
enfans , & excitent entr'eux des froi-
deurs , des jalouſies , & même des ini-
mitiez qui durent quelquefois toute
leur vie , & les portent à ſe plai-
der & à ſe perſecuter avec toute ſorte
d'animoſité. Les exemples n'en ſont
que trop fréquent ; & l'on remarque
tous les jours dans plusieurs familles ,
que des petites animoſitez qu'on a en-
tretenuë entre des enfans par des ma-
nieres d'agir inégales & peu circon-
ſpectes , croiſſent en eux avec le tems ,
& ſe fortifient tellement , qu'elles dé-
generent en des paſſions tres-grandes
& tres funeſtes , qu'il eſt impoſſible
de moderer & d'arrêter dans la ſuite :
ſemblables à ces monſtres , qui de-
viennent terribles & inſurmontables ,
parce qu'on a negligé de les éteindre &
de les étouffer lorſqu'ils étoient encore
jeunes , & qu'ils commençoient à pa-
roître.
O v

Bandeau.
322

CHAPITRE XXVI.


Que les peres & les meres doivent bien
prendre garde de ne pas tomber dans
l'avarice à l'occaſion de leurs enfans ;
& que l'amour qu'ils leur portent ne
juſitifie & n'excuſe point leur avidité
pour les biens de la terre.
Je demeure d'accord que les peres &
les meres ſont obligez d'établir leurs
enfans, comme je l'ai cy-devant prou-
vé ; & que par conſequent ils doivent
travailler à leur amaſſer du bien , afin
de leur donner moyen de ſubſiſter , &
d'entretenir leurs familles. Mais je ſoû-
tiens en même temps qu'il faut qu'ils
veillent avec beaucoup de ſoin ſur eux-
mêmes , de peur de ſe laiſſer ſurpren-
dre à leur amour propre, & de tom-
ber dans l'avarice , qui ſe couvre ſou-
vent du nom ſpecieux des enfans , &
qui s'efforce de faire paſſer pour des
épargnes juſtes & raiſonnables , des ac-
quiſitions qui ne ſont que l'effet d'une
cupidité deſordonnée pour les biens de
la terre.
Le Prophete Roy déclare que tous
ceux-là ſont vains & fols , qui ſe pei-

323
des Gens Mariez. Ch. XXVI.
nent & qui ſe fatiguent continuelle-
ment pour amaſſer des richeſſes, parce
qu'ils ne ſçavent pas qui les recueillera
Pſ. 38. 8
9. 10.
& les poſſedera après eux. Certes, dit-
il , tout homme vivant eſt un abîme de va-
nité. L'homme paſſe ſa vie dans les om-
bres , & c'eſt en vain qu'il s'inquiete. Il
amaſſe des tresſors , & il ne ſçait qui en
recueillera le fruit.
Ainſi ſelon ce ſaint
Roy , c'eſt une choſe vaine & ridicule ,
même à ceux qui ont des enfans , de
travailler avec trop d'empreſſement
pour acquerir des richeſſes temporel-
les , parce qu'ils ne ſçavent pas quels
heritiers ils auront , ni ſi leurs enfans
recueilleront leur ſucceſſion.
Le Prophete Habacuc parle encore
plus fortement contre les peres , qui
pour enrichir leur famille, ſe laiſſent
aller l'avarice , qui courent avec trop
d'ardeur après les biens de la terre ; &
qui pour en amaſſer , ſe ſervent même
quelquefois de moyens injuſtes. Mal-
Habc. 5.
9.
heur, dit-il, à celui qui amaſſe du bien
par une avarice criminelle pour établir ſa
maiſon , & pour mettre ſon nid les plus haut
qu'il pourra , s'imaginant qu'il ſera ainſi
à couvert de tous les maux.
Il déclare
enſuite que tous ceux qui tiennent une
telle conduite , en ſeront punis un jour
à venir , & que leur avarice & leurs
injuſtices armeront contr'eux la Justice

324
O vj
La Vie
divine. Vos grands deffeins pour v
maiſon ,
ajoute t-il , en ſeront la honte ;
vous avez ruiné pluſieurs peuples , &
votre ame s'eſt plongée dans le peché :
mais la pierre criera criera contre vous du mi-
lieu de la muraille , & le bois qui ſert à
lier le bâtiment , rendra témoignage contre
vous.

Le Sage enſeigne auſſi que bien loin
que les peres qui ont tant d'avidité
pour les biens de la terre, rendent par
là leurs enfans plus heureux , ils contri-
buent au contraire tres-ſouvent à aug-
menter leurs peines & leurs inquietu-
Prov. 15.
27.
des : c'eſt pourquoi il dit , que l'avare
met le trouble dans ſa propre maiſon
Mais l'on trouve dans ſaints Do-
cteurs de l'Egliſe
, de tres belles inſtru-
ctions ſur ce ſujet , & qui comprennent
même tout ce que l'Ecriture contient
de plus fort contre l'avarice des peres
& des meres ; ainſi il ſuffira de les ex-
pliquer aux fideles , afin de les forti-
fier contre ce peché, & de les en dé-
tourner de plus en plus.
Homil.
2 1.
Saint Baſile repreſente à ſes peuples
que la conſideration de leurs enfans ne
doit point être cauſe quils ſe portent à
l'avarice; que la pieté eſt le plus grand
treſor qu'ils puiſſent leur laiſſer ; qu'il
faut qu'ils s'étudient à les bien élever
& à les rendre vertueux , & que c'eſt

325
des Gens Mariez. Ch.XXVI.
à le moyen de leur acquerir beaucoup
d'amis & de protecteurs ; que s'ils s'ap-
pliquent à la pratique des bonnes oeu-
vres, & s'ils ont ſoin d'aſſiſter les pau-
vres, & de faire de grandes aumônes ,
tout le monde ſera porté à ſecourir &
à aſſiſter leurs enfans lorſqu'ils vien-
dront à mourir. Mais que s'ils ſont durs
& impitoyables envers ceux qui ſouf-
frent la pauvreté, & qui manquent des
choſes néceſſaires, & s'ils commettent
des injuſtices pour augmenter leurs
biens , & pour établir leur maiſon ,
ils laiſſeront à leurs enfans la haine du
public ; que perſonne ne ſe mettra en
peine de les défendre & de les prote-
ger ; & qu'au contraire on ſe réjoüira
de leur infortune & on prendra plaiſir
à les humilier & à les dépoüiller de leurs
poſſeſſions.
Ne vous ſervez donc point, leur
dit-il enſuite , du pretexte de vos
enfans , pour pallier & pour juſtifier
votre avarice & vos iniquitez ; car
ils ont un même Pere que vous, &
celui qui vous les a donnez aura ſoin
d'eux , & ne manquera pas leur
fournir les choſes néceſſaires à la vie.
N'eſt-ce pas un grand aveuglement
de ſe donner tant de peines & tant
d'inquietudes pour acquerir des ri-
cheſſes , ſans ſçavoir à qui elles ap-
 326 La Vie partiendront un jour à venir? car le
Pſalmiſte
dit que les hommes tra-
vaillent pour amaſſer des treſors, &
qu'ils ignorent qui en recueillera le
fruit. Ceux qui accumulent heritages
ſur heritages & qui augmentent ſans
ceſſe leurs biens & leurs treſors , di-
ſent ordinairement qu'ils ne travail-
lent & qu'ils ne ſe fatiguent que pour
leurs enfans ; mais il n'arrive que
trop ſouvent que les biens qu'ils ont
'amaſſez avec tant de peine , devien-
nent la proye des voleurs & des en-
nemis ; que leurs enfans les conſu-
ment par leurs diſſolutions & par leurs
débauches ; ou qu'une famine qui ſur-
vient les en dépoüille , & les reduit
à la mendicité.


Dites-moi , je vous prie , ajoûte
-t-il , lorſque vous deſiriez d'avoir des
enfans & que vous en demandiez à
Dieu, ajoûtiez-vous ceci à vos prie-
res : je vous prie, Seigneur, de me
donner des enfans , afin qu'ils
me voient une occaſion de m'aban-
donner à l'avarice , & que je ſois en-
ſuite que je n'obéïſſe point à votre Loi,
& que je n'obſerve plus vos prece-
ptes. Donnez-moi des enfans , afin
que je mépriſe vôtre Evangile. Il eſt
certain que vous n'ajoûtez point cet-
 327 des Gens Mariez. Ch. XXVI. te condition à vos prieres : mais que
vous demandiez à Dieu des enfans
pour vous ſecourir , & vous aſſiſter
dans les beſions de la vie ; c'eſt auſſi
pour cela que le Ciel vous en a don-
né. Inſtruiſez les par vos paroles &
encore plus par vos bons exemples ,
& portez les à ſervir & à adorer Dieu.
Ce ſont là les veritables richeſſes que
les peres doivent laiſſer à leurs en-
fans ; elles ſont ſans doute plus pré-

cieuſes que tout l'or du monde.
Ce ſaint Archevêque dit encore à
ceux qui ſe mettent tant en peine d'en-
richir leurs enfans : Qui eſt-ce qui vous
Hom.
in di-
teſcen
tes.
répondra de leur volonté & de leurs
inclinations, & qui vous ſera cau-
tion qu'ils uſeront bien des richeſſes
que vous leur laiſſerez? car elles ſont
pour pluſieurs perſonnes une occa-
ſion de débauche ; & ne ſçavez vous
pas que l'Eccleſiaſtique dit: J'ai vû
une grande miſere & une grande va-
nité , ſçavoir que les richeſſes devien-
nent le tournent de ceux qui les con-
ſervent ; &
encore, je laiſſe mes biens
à un heritier, & qui eſt-ce qui ſçait s'il
ſera ſage ou inſenſé?
Prenez-donc bien
garde qu'aprés vous être donné tant
de peine, & avoir enduré tant de tra-
vaux pour amaſſer des richeſſes , vous
ne les laiſſez à des enfans qui s'en
 328 La Vie ſervent pour pecher & pour conten-
ter leurs paſſions; qu'ainſi vous
ne ſoyez doublement puni , & pour
les pechez que vous aurez commis ,
& pour ceux dont vous aurez été la
cauſe. Votre ame ne vous eſt-elle pas
plus chere que tous vos enfans ? don-
nez-lui donc le premier partage dans
votre ſucceſſion, en vous ſervant de
vos biens pour lui procurer la vie é-
ternelle ; vous leur laiſſerez de quoi vivre. Il arrive même aſſez ſouvent
que les enfans qui n'heritent point
du bien de leurs peres , en acquierent
eux-mêmes , & deviennent fort ri-
ches : mais ſi vous negligez votre ame,
qui eſt-ce qui aura ſoin & pitié
d'elle.

Saint Jean Chryſoſtome pour détour-
ner les peres & les meres de l'avarice ,
Hom. 7.
in Ep. ad
Rom.
& pour leur ôter la penſée & le deſir
d'augmenter à l'infini leurs biens &
leurs heritages, leur dit qu'il vaut in-
ſiniment mieux laiſſer ſes enfans ver-
tueux que riches ; parce que les richeſſes
ne ſervent ſouvent qu'à les précipiter
dans la diſſolution & dans des vices
honteux ; au lieu que la vertu qu'on
leur inſinuë , les rend amis de Dieu ,
Hom. 9.
in 1. ad.
Tim.
& leur attire ſa protection, Si les en-
fans ſont méchans, ajôute ce Pere, ils
 329 des Gens Mariez. Ch. XXVI. ne tirent aucune utilité des biens qu'on
leur amaſſe ; mais s'ils aiment & s'ils
pratiquent la vertu , la pauvreté ne
ſçauroit leur cauſer aucun préjudice.
Voulez-vous laiſſer votre fils riche ,
enſeignez lui à être vertueux, & à
aimer la paix ; car par ce moyen il
pourra augmenter ſes biens. Quand
même il ne ſeroit pas fort riche , on
ne devroit pas pour cela le croire plus
malheureux que ceux qui ont de
grands biens. Mais au contraire s'il
eſt méchant , toutes les richeſſes que
vous lui amaſſerez , ne ſeront pas ca-
pables de l'empêcher de ſe perdre, &
il ſera beaucoup plus miſerable que
s'il étoit réduit à une extreme pau-
vreté. En un mot , lorſque les en-
fans ſont mal élevez , il vaut mieux
qu'ils ſoient pauvres que riches : car
la pauvreté arrête leurs paſſions , les
retient dans le devoir, & les empê
che de s'emanciper : les richeſſes au
contraire ſervent ſouvent d'obſtacle
à ceux qui veulent bien vivre, &
elles ne vous permettent quaſi pas
de garder la chaſteté & la temperance
chrétienne, parce qu'elles pervertiſ-
ſent notre coeur, & nous précipi-
tent une infinité de déſordres.

Si la plûpart des gens mariez fai-
ſoient une réflexion ſerieuſe à la do-

330
La Vie
ctrine de ces deux grands Docteurs de
l'Egliſe, & s'ils conſideroient qu'ils ne
ſont pas aſſurez que leurs biens paſ-
ſent à leurs enfans, & que plusieurs
accidens imprévûs peuvent les en dé-
poüiller ; que les richeſſes ſont tres-
dangereuſes pour le ſalut, & qu'elles
contribuent ſouvent à corrompre & qu'elles
contribuent ſouvent à corrompre & à
perdre ceux qui les poſſedent ; que la
pieté eſt le plus riche heritage qu'ils
puiſſent laiſſer à leurs enfans, & que
pour être peres,ils ne perdent point la
qualité de Chrétiens, & qu'ils ne ceſ-
ſent pas d'être obligez de ſe ſoumettre
aux préceptes de l'Evangile; il eſt cer-
tain qu'ils n'auroient pas tant d'em-
preſſement pour les biens de la terre,
& que la conſideration de leurs enfans
ne les porteroit point à faire continuel-
lement de nouvelles acquiſitions.
Il n'y a rien auſſi qui ſoit plus pro-
pre à réprimer l'avarice des peres & des
meres, & à les porter au deſintereſſe-
Epiſt 27.
ment, que ce que dit S. Jerôme dans
pluſieurs de ſes Epîtres. Il rapporte que
ſainte Paule cette Dame ſi illuſtre par ſa
grande naiſſance, & encore plus par ſon
éminente pieté, ne ceſſoit point de faire
l'aumône à tous ceux étoient dans
le beſoin, & qu'elle appauvriſſoit même
ſes enfans pour les aſſiſter : & que lorſ-
que ſes parens lui en faiſoient des re-

331
des Gens Mariez. Ch. XXVI.
proches, elle leur repondoit genereu-
ſement, qu'elle ne pouvoit procurer à
ſes enfans un plus riche heritage que
d'attirer ſur eux les graces & les miſe-
ricordes de JESUS-CHRIST. Il ajoûte
qu'elle laiſſa chere fille Euſtoquie pau-
vre des biens de la fortune, mais ri-
che de ceux de la grace.
J'avouë que cette conduite de ſainte
Paule
eſt peu extraordinaire, & je
ne voudrois pas porter tous les gens
mariez à l'imiter ; car la prudence chré-
tienne ne ſouffre pas qu'on leur con-
ſeille de réduire leurs enfans à la pau-
vreté par leurs aumônes exceſſives. Et
auſſi je ne propoſe pas cet exemple aux
fideles comme une loi à laquelle ils
ſoient obligez d'obéïr ; mais j'ai ſeu-
lement deſſein, en l'expoſant à leurs
yeux, de leur inſpirer du mépris pour
les richeſſes temporelles, de les enga-
ger à diſtribuer des aumônes propor-
tionnées à leurs biens & à leurs fa-
cultez ; & de leur faire concevoir que
Dieu ne leur a pas donné des enfans ,
pour nourrir & pour fomenter leur
avarice.
Voici d'autres pratiques qui ſont plus
proportionnées à la porte de tout le
monde. Une Dame tres-illuſtre ayant
écrit ay même S. Jerôme du fond des

332
La Vie
Gaules, pour le conſulter ſur pluſieurs
difficultez qu'elle trouvoit dans l'Ecri-
ture ſainte
, ce grand Docteur aprés a-
Ep. 150.
voir répondu à tous ſes doutes, lui con-
ſeilla de garder une eſpece d'égalité en-
tr'elle & ſes enfans ; d'employer autant
de ſes biens pour le ſalut de ſon ame,
qu'elle en deſtinoit pour pourvoir cha-
cun de ſes enfans ; d'adopter JESUS
CHRIST au nombre de ſes heritiers,
& de le rendre le coheritier de ſes pro-
pres enfans.
Environ le même tems un homme
nommé Julien perdit en l'eſpace de
vingt jours ſa femme & deux grandes
filles qu'il étoit ſur le point de marier.
Saint Jerôme lui écrivit pour le conſo-
ler, & lui manda entr'autres choſes ,
qu'il ne devoit pas exhereder ſes deux
filles qui venoient de mourir, pour en-
richir celle qui lui reſtoit ; qu'il étoit
obligé de leur donner la portion de ſes
biens qu'elles auroient euë ſi elles a-
voient vécu ; qu'il devoit l'employer à
nourrir les pauvres ; & que c'étoit là la
dot qu'elles lui demandoient. Reſer-
vez, lui dit-il, à vos filles qui ſont
allées à Dieu les biens que vous aviez
réſolu de leur donner ; ne ſouffrez pas

Ep. 34
que leur ſoeur en profite , ni qu'elle
en devienne plus riche ; mais ſervez
vous-en à racheter votre ame , & à
 333 des Gens Mariez. Ch. XXVI. faire ſubſiſter les pauvres. Ce ſont-là
les coliers que vos filles vous deman-
dent, & les pierreries dont elles
veulent être ornées. Votre argent au-
roit été perdu, ſi vous leur en aviez
acheté des étoffes de ſoie ; mais
vous le conſerverez, ſi vous
l'employez à vêtir les pauvres. Sou-
venez-vous donc que vos filles vous
demandent leur dot ; qu'étant unies
à leur celeſter Epoux , elles ne veulent
pas paroître pauvres , viles & mé-
priſables ; & qu'elles deſirent que vous
leur donniez des ornemens qui ſoient
convenables à l'état où elles ſe trou-
vent maintenant.

Que les peres & les meres qui croyent
que le zele de ſainte Paule a été trop
ardent , ſuivent donc les avis que ce
grand Docteur
a donnez à cette Dame
chrétienne , & à ce pere de famille. A
la bonne heure qu'ils ne reduiſent pas
leurs enfans à l'indigence & la mendi-
cité par leurs grandes aumônes , mais
au moins qu'ils n'oublient pas leur pro-
pre ame dans la diſtribution de leurs
biens ; qu'ils lui en donnent quelque
portion , & qu'ils la traitent comme un
de leurs enfans ; c'eſt à dire , que com-
me ils ſe ſervent de leurs richeſſes ,
pour établir & pour marier leurs en-
fans, ils doivent auſſi s'en ſervir pour

334
La Vie
ſauver leur ame, & pour lui procurer
la gloire du Paradis.
L'on conſent qu'ils retiennent la poſ-
ſeſſion de leurs biens , & qu'ils ne les
diſtribuent pas entierement aux pau-
vres , mais au moins qu'ils regardent
JESUS CHRIST, comme un de leurs
heritiers, & qu'ils ſe ſouviennent de
lui, lorſqu'ils font leur teſtament , &
qu'ils diſpoſent de leurs poſſeſſions. Si
quelques-uns de leurs enfans
à mourrir , qu'ils augmentent leurs au-
mônes; qu'ils nourriſſent quelques pau-
vres en leurs liberalitez , & qu'ils ne les
fruſtrent pas entierement de la portion
qu'ils devoient avoir dans leurs biens. Il
eſt certain qu'il n'y a rien de plus juſte ,
ni de plus raiſonnable que ce que je
leur propoſe ; j'eſpere qu'ils en demeu-
rerit eux mêmes d'accord, s'ils veulent
s'élever au deſſus des faux préjugez du
ſiecle , & ſe regler dans leur conduite
par les lumieres de l'Ecriture, & par les
maximes des ſaints Peres de l'Egliſe.
Saint Auguſtin combat auſſi avec
beaucoup de zele l'avarice des peres &
des meres, & leur trop grande avidité
pour les biens de la terre. Il repreſente
dans ſon Commentaire ſur les Pſeaumes,
combien ils ſont ridicules de ſe donner

335
des Gens Mariez. Ch. XXVI.
tant de peine pour enrichir leurs en-
fans , & de ne jamais rien faire pour
eux-mêmes, & de ne penſer point à leur
InPſ.25.
ame. Si on leur demande , dit-il , pour-
pondront que c'eſt pour leurs enfans. Si
on demande encore à leurs enfans pour
qui ils travaillent , ils repliqueront
que c'eſt pour leurs enfans. Que l'on
s'informe auſſi à leurs petits enfans
pour qui ils travaillent, ils aſſureront
pareillement que c'eſt pour leurs en-
fans. Donc ajoûte ce ſaint Docteur,
on ne ſçauroit trouver perſonne qui
travaille pour ſoi-même & pour ſon
propre ſalut.

Il ſoûtient que c'eſt un tres grand
aveuglement à des gens mariez , de dire
que les treſors qu'ils amaſſent avec tant
de ſoins & d'inquietudes ſont pas aſſurez
InPſ.25.
d'en avoir, & s'ils les auront pour heri-
tiers; ſervas filiis , incertum eſt , an futu-
ris , an poſſeſſoris.

Il dit que la plûpart des peres ſe ſer-
vent du nom de leurs enfans, & de l'a-
mour qu'ils leur portent, afin de voi-
ler & de diſſimuler leur cupidité pour
les biens de la terre : Has eſt vox pie-
Ibid.
tatis ,excuſatio iniquitatis. En effet ce

336
La Vie
n'eſt pas tant pour leurs enfans qu'ils
amaſſent de ſi grandes richeſſes, que
pour eux-mêmes, & pour contenter
leurs paſſions. Ce pere en donne une
preuve évidente, car leurs enfans vien-
nent-ils à mourrir ? ils ne ceſſent point
d'en acquerir de nouveaux.
Serm.86
&lib. de
decem
chordis c.
12.
Ce ſaint Docteur conſeille comme S.
Jerôme
, aux peres & aux meres de don-
ner aux pauvres la portion de leurs biens
qu'auroient eu leurs enfans, qui viennent
à mourrir ; il aſſure qu'ils ne peuvent
s'en diſpenſer ſans une eſpece d'injuſtice,
parce que c'eſt les fruſtrer du droit que
la nature leur avoit acquis.
Il enſeigne encore que s'ils ont de
InPſ.18
& Conc.
14.in Pſ
48.
la pieté & de la religion , ils compren-
dront toûjours JESUS-CHRIST au nom-
bre de leurs heritiers ; qu'ils l'appel-
leront à leur ſucceſſion avec leurs en-
fans, & qu'ils lui feront part de leurs
biens , en aſſiſtant ſes membres qui
ſont ſur la terre.
Enfin S. Gregoire Pape conſiderant
qu'il arrive tres-ſouvent que les peres
& les meres s'abandonnent à l'avarice,
à cauſe qu'ils ſe voyent chargez d'en-
fans, & que le deſir de les enrichir les
porte à amaſſer des biens à l'infini , leur
propoſe , pour les détourner de ce de-
faut, l'exemple celebre d'un pere tres-
ſaint ,

337
des Gens Mariez. Ch. XXVI.
ſaint, qui eut toûjours beaucoup d'é-
Lib. C.
mor. c. 12
loignement de ce vice, quoiqu'il ſe trou-
vât chargé d'une grande famille ; il
obſerve que l'Ecriture parlant de Job,
marque expreſſent qu'il avoit un
grand nombre d'enfans ; & que cepen-
dant il ne laiſſoit pas d'être fort liberal ,
& d'offrir continuellement des ſacrifices
pour ceux : ce qui étoit fans doute le
caractere d'une ame grande & dégagée
de toutes les choſes de la terre. Car il
y auroit eu une infinité de peres qui
n'auroient pas voulu faire tant de dé-
penſes en ſacrifices , & qui auroient
crû que la conſideration de leurs en-
fans les obligeoit à être plus reſervez ,
& à ménager davantage leurs biens &
leurs revenus. Mais il ne fut point ſuſ-
ceptible ce cette penſée ; & le grand
nombre des heritiers qu'il ſe voïoit, dit
S. Gregoire , ne ſut point cauſe qu'il
eût de l'attache à ſes poſſeſſions & à
ſes heritages.

C'eſt un excellent modele que tous
les Fideles doivent avoir toûjours de-
vant les yeux, afin de l'imiter & de s'y
conformer. Il faut l'exemple de ce
ſaint homme leur perſuade que la qua-
lité de peres ne les diſpenſe point de
faire l'aumône, ni d'offrir des ſacrifices
au Seigneur , & ne ſçauroit excuſer leur
avarice & leur avidité pour les biens
P

338
La Vie
temmporels. Il faut qu'ils apprennent
de lui le meilleur uſage qu'ils puiſ-
ſent faire de leurs richeſſes, c'eſt de les
employer à ſanctifier leurs enfans ,&
à procurer leur ſalut. Il faut qu'ils re-
gardent comme lui tous les biens de la
terre avec ſainte indifference ; qu'-
ils ſoient toûjours prêts de les perdre ,
& de les rendre à celui qui en eſt le
ſouverain Seigneur ; & que lorſqu'il
leur en laiſſe la poſſeſſion , ils ne s'en
ſervent que pour ſa gloire , pour éle-
ver chrétiennement leurs enfans , &
pour les établir dans les états auſquels
il plaira à ſa divine providence de les
appeller. Il faut enfin qu'ils s'accoûtu-
ment à diſtinguer l'amour ſaint & chré-
tien qu'ils doivent à leurs enfans , de
leurs propres paſſions ; & qu'ils pren-
nent bien garde que lorſqu'ils s'ima-
ginent ne travailler que pour leurs
familles , ils ne ſoient effectivement
occupez que d'eux-mêmes, & qu'ils
n'aient point d'autre intention que de
contenter leurs cupiditez , & de ſatis-
faire leur avarice.

339
des Gens Mariez. Ch. XXVII.
Bandeau.

CHAPITRE XXVII.


Comment les gens mariez ſont obligez de
ſe conduire dans leurs familles, & à
l'égard de leurs domeſtiques.
Aprés avoir parlé aux perſonnes
qui s'engagent dans le Mariage,
du ſoin qu'ils doivent avoir de leurs
enfans, & de la bonne éducation qu'ils
ſont obligez de leur donner , il faut
paſſer à leurs domeſtiques, & au reſte
de leur famille : car c'eſt encore là un
de leurs principaux devoirs ; & l'on
peut dire que leur pieté feroit vaine &
fauſſe, s'ils negligeoient de s'appliquer
aux beſoins de ceux qui leur appar-
tiennent ; & s'ils ne ſe conduiſoient pas
envers eux ſelon les regles que l'Ecri-
ture
& les ſaints Peres leur preſcrivent.
Voici donc une partie de leurs obliga-
tions à cet égard.
Saint Paul dit , Que celui qui n'a
I. Tim.5
8.
pas ſoin des ſiens , & particulierement de
ceux de ſa maiſon , renonce à la foy, &
qu'il eſt pire qu'n infidele.
On s'eſt déja
ſervi de cette autorité pour prouver
que les peres & les meres ſe rendent
tres criminels, lorſqu'ils n'élevent pas
bien leurs enfans ; elle juſtifie encore
que tous ceux qui ont des domeſtiques ,
P ij

340
La Vie
& qui n'en prennent pas tous les ſoins
neceſſaires , pechent auſſi très griéve-
ment , puiſque S. Paul ne fait point de
difficulté de prononcer qu'ils renoncent
à la foy, & qu'ils ſont pires que les
infideles.
Ce même Apôtre marque en un au-
tre lieu, que le ſoin que le maîtres doi-
vent avoir de leurs domeſtiques , les
oblige à leur fournir tout ce qui leur
eſt neceſſaire. Vous maîtres, leur dit-il,
Cel. 4 I.
rendez à vos ſerviteurs ce que l'équité &
la juſtice demandent de vous , ſçachant
que vous avez auſſi-bien qu'eux un maître
qui eſt dans le Ciel.

On peut dire à la honte de notre ſie-
cle, qu'il y a une infinité de perſonnes
qui n'obéïſſent pas en ce point au grand
Apôtre
: car combien en voit on tous
les jours qui negligent leurs ſerviteurs,
qui n'ont pas ſoin de les nourrir , & de
les vêtir d'une maniere honnête , qui
leur reſuſent la plûpart des choſes né-
ceſſaires à la vie , qui les congredient &
les excluent de leurs logis dés qu'ils ſont
malades , & qui les envoyent dans des
Hôpitaux , comme ſi ces ſaintes Mai-
ſons étoient deſtinées à favoriſer leur
dureté & leur inhumanité , & qu'il leur
fût permis de ſe déchanger ſur la cha-
rité publique de ceux qu'ils doivent leur ap-

341
des Gens Mariez. Ch. XXVII.
partenant, & étant de leur famille. Et
lorſqu'il arrive qu'ils les retiennnent chez
eux , ils ne prennent pas même la peine
de les viſiter ; ils les mettent en oubli ;
ils les laiſſent ſouvent manquer de
nourriture , de remedes , & de tous les
ſecours que la charité veut qu'on ac-
corde aux malades.
Ils n'en uſent pas ainſi à l'égard de
leurs chevaux , & des autres animaux
qu'ils craignent de perdre : ils en ont
au contraire beacoup de ſoin ; ils s'in-
tereſſent à leur conſervation ; ils ne
plaignent point la dépenſe , lorſqu'il
s'agit de les ſoulager. D'où vient donc
qu'ils ne ſont pas la même choſe pour
leurs domeſtiques qui ſont leurs freres ,
& qui devroient leur être preſque auſſi
chers que leurs propres parens ? Il eſt
facile d'en rendre raiſon ; c'eſt qu'étant
avares & pleins d'amour propre , ils
craignent de perdre leurs chevaux & les
autres animaux qui leur donnent du plai-
ſir , & qu'ils ont quelquefois acheté
beaucoup d'argent ; au lieu que leurs
domeſtiques ne leur ayant rien coûté,
& leur étant d'ailleurs facile d'en trou-
ver d'autres , ils croïent avoir droit de
les negliger , & s'imaginent que leur
grandeur demande qu'ils n'en tien-
nent aucun compte , & qu'ils n'y pen-
ſent pas même.
P iij

342
La Vie
Secl. 4.
35.
2°. Le Sage défend aux maîtres de
maltraiter leurs ſerviteurs , de les op-
primer , & de leur faire aucun outrage.
Ne ſoyez point, dit-il, comme un lion
dans votre maiſon, en vous rendant ter- & cap. 7.
22.
rible à vous ſont ſoûmis. Ne traitez point mal
le ſerviteur qui travaille fidelement , ni le
mercenaire qui ve donne tout pour vous.

Eph. 6.2.
Vous maîtres, dit auſſi ſaint Paul,
témoignez de l'affection à vos ſerviteurs ,
ne les traitant point ace rudeſſe , ni avec
menaces , car vous devez ſçavoir que vous
avez les uns & les autres un Maître
commun dans le ciel , qui n'a point d'é-
gard à la condition des perſonnes.

C'eſt pourquoi S.Clement d'Alexandrie
ſoûtient que tous ceux qui ſont ſages &
InPada-
gogo lib.
3.c. 11.
bien inſtruits ſçavent qu'il n'eſt pas juſte
de traiter les ſerviteurs comme des bêtes
de charge ; il avoue que ſaint Pierre or-
donne aux ſerviteurs d'être ſoûmis à
leurs maîtres avec toute ſorte de reſ-
pect & de crainte, non ſeulement lorſ-
qu'ils ſont bons & indulgens, mais en-
core lorſqu'ils ſont rudes & fâcheux ;
mais il dit enſuite qu'il faut demeurer
d'accord que l'équité , la patience & la
douceur ſont le partage des maîtres, &
les regardent particulierement.
Epiſt.ad.
Titum
In cap.2.
Saint Jerôme conſiderant que S.Paul
ordonne aux femmes d'être bien reglées ,

343
des Gens Mariez. Ch. XXVII.
chaſtes , ſobres , occupées du ſoin de leur
ménage , douces , ſoumis à leurs maris ,

obſerve que cet Apôtre ayant dit qu'-
elles doivent s'occupe du ſoin de leur
ménage , ajoûte auſſi-tôt qu'il faut
qu'elles ſoient douces, afin de leur
faire comprendre qu'en conduiſant leurs
familles , elles ne doivent pas entre-
prendre de traiter leurs domeſtiques
d'une maniere dure & auſtere ; qu'au
contraire elles ſont obligées de leur
témoigner de la bonté & de la dou-
ceur ; & que par ce moyen elles devien-
dront de veritables meres de famille.
Ep.14.
inter
Ep. B.
Hier.6.
15.
Vous devez conduire vos domeſti-
ques , dit un ancien Pere à Celancie49,
avec une telle douceur, & leur témoi-
gner tant de bonté, qu'ils vous conſide-
rent plûtôt comme leur mere que com-
me leur maitreſſe. Il faut que ce ſoit les
bons traitemens qu'ils reçoivent de
vous, & non pas votre rigueur ni votre
ſeverité, qui les obligent à vous ren-
dre le reſpect qu'ils vous doivent :
car les ſervices auſquels on ſe porte
volontiers , & par affection , ſont
toûjours plus fideles & plus agrea-bles , que ceux qui ne ſont qu'un
effet de la crainte.

Serm.16.
Le témoignage de ſaint Pierre Chry-
ſologue
eſt auſſi trés-conſiderable ſur
ce ſujet : il ſe plaint en des termes
P iiij

344
La Vie
trés-forts des maîtres, qui prétendent
que toutes leurs volontez doivent être
des loix ſouveraines pour leurs domeſ-
tiques, qui ne leur permettent pas même
de parler ni de raiſonner à l'occaſion
de ce qu'ils leur commandent ; qui s'i-
maginent qu'ils doivent regarder tout
ce qu'ils diſent, comme des oracles, &
qui veulent dominer également ſur leurs
corps & ſur leurs eſprits.
Ainſi ceux qui ſont continuellement
des menaces à leurs domeſtiques, qui
leur parlent toûjours en colere, qui les
chargent d'injures & de maledictions,
& qui les maltraitent ſans ſujet, &
ſeulement pour ſe ſatisfaire, & pour
contenter leur humeur chagrine, ne
ſont pas des maîtres, mais des tyrans ;
& meriteroient qu'on les abandonnât,
& que perſonne ne les voulût ſervir.
3°. Non ſeulement il n'eſt point per-
mis aux maîtres de maltraitre leurs do-
meſtiques, mais ils doivent les aimer
Eccl. 7.
13.
& les conſiderer. Que le ſerviteur qui a
du ſens vous ſoit cher comme votre ame,

dit le Sage. Ils doivent lorſqu'ils ſont
fideles & bien reglez, leur donner de
terms en terms, des marques de leur eſti-
me & de leur affection. Ils doivent leur
parler avec douceur & avec familiari-
té, mais neanmoins toûjours avec pru-

345
des Gens Mariez. Ch. XXVII.
dence & avec eſpece d'autorité, de
peur de les porter à ſortir des termes du
reſpect qu'ils ſont obligez de leur ren-
dre.
4°. Il faut qu'ils ſoient exacts à les
payer de leurs gages & de leurs appoin-
temems, car c'eſt un devoir qui eſt ex-
preſſément recommandé dans l'Ecriture.
Le prix du mercenaire qui vous donne ſon
travail,
dit Moïſe, ne demeurera point
chez vous juſqu'au matin.
Ce grand Le-
Levit.19
13.
giſlateur repete la même choſe dans le
Deuteronome, & même en termes en-
core plus forts. Vous ne refuſez point,
dit-il, le gain de la journée du pauvre,
ou de votre frere qui eſt dans l'indigence,
ou de l'étranger qui demeure dans votre
pays & dans votre Ville. Mais vous lui
rendrez le même jour le prix de ſon tra-
vail avant le ſoleil couché, parce qu'il eſt
pauvre, & que c'eſt-là tout le ſoûtien de
ſa vie ; de peur que ſi vous differez de le
payer, il ne crie au Seigneur contre vous,
& que ce manquement ne vous ſoit im-
puté à peché.

Le ſaint homme Tobie étant ſur le
point de mourir, ordonna à ſon fils,
de payer ponctuellement ſes ſerviteurs
& tous ceux qui travailleroient pour
Jab. 4.
15.
lui. Quand un homme, lui dit-il, aura
travaillé pour vous, donnez lui auſſi-tôt
ce qu'il a gagné ; & que le gain de la
P v  346 La Vie journée du mercenaire & de votre ſervi-
teur ne demeure jamais dans votre mai-
ſon.

L'Apôtre ſaint Jacques déclare auſſi-
bien que Moïſe , que ne pas payer ſes
ché qui provoque la colere de Dieu.
Jac.5.4.
Sçachez,dit-il aux riches avares, que
le prix du travail que vous faites perdre
aux ouvriers qui ont fait la recolte dans
vos champs, crie au ciel ; & que les
plaintes de ceux qui ont moiſſoné vos
terres, ſont montées juſqu'aux oreilles du
Dieu des armées.

5°. Il ne ſuffit pas toujours aux maî-
tres de payer exactement les gages de
leurs domeſtiques , car il y a des ren-
contres où ils doivent les récompen-
ſer, & pouvoir à leur ſubſiſtance. C'eſt
lorſqu'ils les ont ſervi long-tems , &
avec fidelité, & qu'ils ſont devenus
vieux ou inſirmes à leur ſervice. Il ne
leur eſt point permis de les abandonner
dans cet état ; & la Juſtice veut qu'ils
aient ſoin d'eux, & qu'ils ne les laiſ-
Eccl 7.
23.
ſent manquer de rien. Le Sage s'eſt en-
core expliqué ſur ce point : Que le ſer-
viteur,
dit-il, qui a du ſens vous ſoit cher
comme votre ame ; ne lui refuſez pas la
liberté qu'il merite, & ne le laiſſez point
tomber dans la pauvreté.

Exod. 1.
L'on voit dans l'Exode, que la Loi

347
des Gens Mariez. Ch. XXVII.
avoit même déterminé le terms auquel
on devoit récompenſer les ſerviteurs :
car elle portoit qu'ils ſeroient mis en
liberté aprés qu'ils auroient ſervi pen-
dant ſix ans.
Il faut donc que les maîtres aient
ſoin de reconnoître la fidelité & les
bons ſervice de leurs domeſtiques,
ſur-tout lorſqu'ils ſont âgez, ou qu'ils
ont quelque incommodité. S'ils ne le
peuvent pas faire pendant leur vie, ils
doivent au moins ſe ſouvenir d'eux
dans leur teſtament, & leur laiſſer quel-
ques revenus pour leur aider à ſubſiſter.
6°. L'humilité doit empêcher les
Philip.2.
Eph.5.21.
Chrétiens de mépriſer leurs domeſti-
ques, & de ſe preferer à eux : car l'A-
pôtre
veut que chacun par humilité
croye les autres au deſſus de ſoi ; il or-
donne à tous les Fideles de ſe ſoumet-
tre les uns aux autres dans la crainte
de JESUS-CHRIST.
S. Jerôme étoit trés-fortement per-
ſuadé de cette verité, puiſqu'il aver-
tiſſoit avec tant de ſoin la Vierge Eu-
ſtoquie
de prendre garde de ne pas s'é-
lever au deſſus des filles qui étoient
Epiſt. 22.
prés d'elle, & de ne les pas mépri-
ſer. Si quelques unes des filles qui
vous ſervent, lui diſoit-il, forment
a reſolution de mener la même vie
que vous, ne vous élevez pas au deſ-
P vj  348 La Vie ſus d'elles; & ne croyez pas qu'il
vous ſoit permis, à cauſe que vous
êtes leur maîtreſſe , de les traiter a-
vec hauteur. Car puiſque vous avez
le même épaux qu'elles ; que vous
priez & pſalmodiez avec elles ; que
vous recevrez avec elles le même Corps
de J. C. pourquoi voudriez-vous
vous diſtinguer d'elles dans tout le re-
ſte? Et pourqoui affecteriez vous de
ne les pas faire manger à vôtre table?

Serm.41.
de tempo-
16.
Saint-Ambroiſe condamne auſſi tous
ceux qui regardent avec mépris leurs
domeſtiques & leurs ſerviteurs, & qui
ſe conſiderent comme inſiniment éle-
vez au deſſus d'eux : il repreſente qu'il
eſt impoſſible de n'avoir pas le coeur
percé de douleur , lorſqu'on fait refle-
xion que ce ſont des Chrétiens qui trai-
tent avec tant d'hauteur d'autres Chré-
tiens ; il ajoûte que ces maîtres ſuper-
bes devroient avoir honte d'agir ainſi
avec des hommes avoir honte d'agir ainſi
ne laiſſent pas d'être leurs freres & leurs
égaux dans tout ce qui concerne la re-
ligion, puiſqu'ils reçoivent les mêmes
graces qu'eux ; qu'ils ſont comme eux
revêtus de JESUS-CHRIST ; qu'ils
participent avec eux aux mêmes Sacre-
mens, & qu'ils ont auſſi bien qu'eux
Dieu pour Pere.
Mais rien ne fait voir avec plus d'é-

349
des Gens Mariez. Ch. XXVII.
vidence, combien ſont injuſtes ceux qui
mépriſent leurs ſerviteurs, que la doctri-
ne du grand ſaint Augustin , lorſqu'il
explique ces paroles du Roy Prophete : J'ai dit au Seigneur, vous êtes mon Dieu, Pſ.15.11
parce que vous n'avez nul beſoin de mes
biens :
car il enſeigne qu'il n'y a que Dieu
qui ſoit le Maître & le Seigneur des
hommes, parce qu'il ne dépend point
d'eux, & qu'il n'a nul beſoin de leurs
biens ; mais que les hommes ne ſont
point à proprement parler, les maîtres
& les ſeigneurs des autres hommes, par-
ce qu'ils ont beſoin les uns des autres.
Enarrat.
in Pſ.69.
Vous vous figurez, dit-il aux riches,
que vos ſerviteurs ont beſoin de vous,
parce que vous leur donnez du pain ;
conſiderez que vous avez auſſi beſoin
d'eux, parce qu'ils vous aident & vous
ſecourent par leurs peines & par leurs
travaux. Votre ſerviteur, dit encore
ce Pere en un autre lieu, a beſoin de
vos biens, parce que vous les nouriſ-
ſez ; vous avez auſſi & qu'il vous
ſert : vous ne pouvez pas aller querir
l'eau qui eſt neceſſaire, faire
cuire les viandes que vous mangez,
ni le penſer. Vous voyez que vous
avez beſoin des biens & des ſer-
vices de votre ſerviteur ; vous n'êtes
 350 La Vie donc pas veritablement ſon ſeigneur
ni ſon maître. Mais Dieu eſt notre
Maître & notre Seigneur, parce qu'il
n'a aucun beſoin de nous, ni de nos
biens.

Cela ſuppoſé, il eſt évident que les
maîtres n'ont pas droit de mépriſer leurs
domeſtiques, ni de s'élever a deſſus
d'eux, puiſqu'ils ont beſoin les uns des
autres, & qu'ils vivent dans une dé-
pendance mutuelle. Le ſerviteur a be-
ſoin de ſon maître, & dépend de lui :
le maître a pareillement beſoin de ſon
ſerviteur, & dépend auſſi de lui. Le ſer-
viteur qui reçoit du pain, des vête-
mens & de l'argent de ſon maître, n'au-
roit pas raiſon de le mépriſer, ſous
prétexte qu'il le ſert, qu'il travaille
pour lui, & qu'il ſe mêle de ſes affai-
res ; mais ainſi le maître qui reçoit pluſieurs
ſervices de ſon domeſtique, ne ſeroit
pas bien fondé de s'élever au deſſus de
lui, ni de le regarder avec mépris, à cau-
ſe des commoditez temporelles qu'il lui
fournit. C'eſt pourqoui comme il y a
dépendance de côté & d'autre, aucun
d'eux ne doit s'élever au deſſus de l'au-
tre, ni le mépriſer ; il faut conſormé-
ment à la parole de ſaint Paul , qu'ils
croyent par humilité, que tous les au-
tres ſont au deſſus d'eux-mêmes.
7°. Les maîtres ſont obligez d'inſtruire

351
des Gens Mariez. Ch. XXVII.
& de faire inſtruire leurs domeſtiques
des veritez de la Religion, & des de-
voirs de leur état & de leur condition.
Le Concile de Cambray de l'an 1565
marque en particulier qu'ils doivent a-
voir ſoin qu'ils ſçachent par coeur,
non ſeulement en Latin, mais auſſi en
langue vulgaire, le Symbole des Apô-
tres
50, l'oraiſon Dominicale, la Saluta-
tion Angelique, les Commandemens de
Dieu
& de l'Egliſe, & le Confiteor. Il y
a d'autres Conciles qui leur ordonnent
de leur procurer des connoiſſances plus
amples & plus étenduës ; mais il ſemble
qu'il ſeroit aſſez difficiles de rien déter-
miner, & de faire une regle generale
ſur ce ſujet, car il faut avoir égard à
la capacité & aux diſpoſitions des do-
meſtiques : on peut inſtruire davantage
ceux ui ont plus de genie & plus d'ou-
verture d'eſprit ; & l'on doit ſe conten-
ter que les autres ſçachent les princi-
paux articles de la Foi.
8°. Si les domeſtiques s'écartent de
leur devoir, & font quelque choſe d'il-
legitime, les maîtres ſont obligez de
les en avertit, & même d'avoir recours
aux châtimens & aux punitions, lorſ-
qu'ils ne profitent pas des réprimandes
qu'ils leur font. On a déja parlé de
cette matiere, en expliquant comment
il faut élever les enfans pour leur don-

352
La Vie
ner une éducation chrétienne ; ainſi afin
de ne pas tomber dans des repetitions
ennuyeuſes, il ſuffit de renvoyer les
lecteurs au Chapitre 22.
9°. Les ſaints Docteurs de l'Egliſe
diſent tres-ſouvent que les maîtres, que
les maris & les femmes ſont comme
les Evêques & les Paſteurs de leurs fa-
milles ; & que par conſequent ils ſont
obligez de veiler exactement ſur tout
Ter. 94
ce qui s'y paſſe. Vous devez tenir no-
tre place dans vos maiſons, & y faire
les fonctions d'Evêques , leur dit ſaint
Auguſtin
. Or les Evêques ſont ainſi
appellez, parce qu'ils veillent conti-
nuellement ſur tons ceux qui leur ſont
ſoûmis, & qu'ils s'appliquent à tous
leurs beſoins. Ainſi tous ceux ſont
chefs & peres de familles, doivent ê-
tre attentifs à toutes les démarches
de ceux qui demeurent dans leur mai-
ſon, & examiner quelle eſt leur foy :
ils doivent faire tous les leurs efforts pour
empêcher que leurs femmes, leurs
fils, leurs filles & leurs ſerviteurs qui
ont été achetez un ſi grand prix, ne
tombent dans l'hereſie. Ils ne doivent
épargner ni leurs peines ni leurs ſoins,
lorſqu'il s'agit de procurer le ſalut

Enar. in
Pſ. 50.
de tous ceux qui compoſent leur fa-
mille. Nous ſommes obligez, dit en-
core ce Pere à ſes peuples, de vous
 353 des Gens Mariez. Ch. XXVII. parler & de vous inſtruire dans l'E-
gliſe; vous devez faire la même choſe
dans vos maiſons à l'égard de tous
ceux qui vous appartiennent, & qui
vous ſont ſoûmis ; vous devez regler
leurs moeurs & leur conduite ; vous
devez veiller continuellement ſur tou-
tes leurs actions, afin que vous puiſ-
ſiez en rendre un compte fidele à celui
qui les a commis à votre charge.

C'eſt pourquoi il faut que les maîtres
& les peres de famille obſervent tout
ce qui ſe paſſe dans leurs maiſons ; qu'ils
conſiderent ſi tout le monde s'y acquitte
de ſon devoir, & qu'ils ſoient exacts à
corriger tous les abus & tous les deſor-
dres qui s'y oppoſe avec vi-
gueur : car c'eſt pour cela que Dieu les
a établis chefs de leurs familles, & qu'il
a mis entre leurs mains une partie de
ſon autorité. S'ils negligent de ſatifaire
à tous ces devoirs, ils répondent de la
perte de ceux qui leur ſont ſoûmis, &
par conſequent ils ſe perdent eux-mê-
mes, & ſe rendent dignes de la dam-
nation éternelle.
10°. Enfin on ne peut donner une idée
plus juſte ni plus exacte des obliga-
tions des maîtres & des peres de famille
envers leurs domeſtiques, que celle que
l'on trouve dans S. Charles Borromée:

354
La Vie
C'eſt pourquoi je finirai ce Chapitre par
les Ordonnances qu'il a faites ſur ce
ſujet.
Concil.
Mediol.
2. Titul.
de hisqua
ad Matr.
Sacram
pertiment.
Il dit dans ſon troiſiéme Concile de
Milan
, qu'un maître doit avoir un
ſoin tout particulier du ſalut de ceux
qui compoſent ſa famille, les inſtruire
par ſes diſcours & par l'exemple de ſa
vie, & leur ſervir de guide dans le
chemin de la vertu ; qu'il eſt obligé de
prendre garde qu'il n'y ait perſonne
dans ſa maiſon qui ignore les premiers
principes de la Religion Chrétienne ;
d'ordonner à ceux qui n'en ſont pas
ſuffiſamment inſtruits, d'aſſiſter aux
Catechiſmes publics ; & même de faire
en forte, ſi ſa famille eſt nombreuſe,
qu'on les inſtruiſe dans ſa maiſon ; qu'il
doit leur faire faire tous les jours la
priere en commun, les exhorter d'ap-
procher ſouvent des Sacremens de Pe-
nitence & d'Euchariſe ; leur com-
mander d'aſſiſter tous les Dimanches &
les Fêtes à la Meſſe, aux Offices Di-
vins & aux Prédications ; de s'abſtenir,
en ces ſaints jours des oeuvres ſerviles,
& de jeûner le Carême, les Quatre-
Tems, les Vigiles, & toutes les fois
que l'Egliſe l'ordonne.
Il enjoint enſuite à tous les peres de
famille de prendre bien garde qu'il n'y
ait aucun de leurs domeſtiques qui jure

355
des Gens Mariez. Ch. XXVII.
& qui blaſphême , qui ſoit corrompu
dans ſes moeurs, qui diſe ou qui faſſe
quelque choſe d'indécent ; qui jouë à
des jeux de hazard, & qui donne aux
autres de mauvais exemples.
Enfin il veut qu'ils aient ſoin de ban-
nir de leurs maiſons tous les livres falses
& deshonnêtes, & qui portent au liber-
tinage ; d'y en introduire de bons, qui
traitent des matieres de pieté, & d'ex-
horter tous ceux qui leur appartiennent,
de s'appliquer ſouvent en leur partien-
lier à de ſaintes lectures.
Ce grand Archevêque étend même
ſes ſoins juſqu'aux ouvriers ; il ordonne
à ceux qui les loüent, & qui les ſont
travailler dans leurs maiſons, de les ex-
horter à la vertu, & de n'en point em-
ployer qui ſoient déreglez, & qui puiſ-
ſent étre une occaſion de ſcandale au
reſte de leur famille.
Titul.qua
ad Ma-
trim.per-
tinent.
Ce ſaint Prélat parle encore cette
matiere dans ſon cinquiéme Concile de
Milan
. Il y dit que les peres ne ſçau-
roient laiſſer à leurs enfans de plus ri-
che patrimoine, & que les maîtres ne
peuvent donner de plus grande récom-
penſe à leurs domeſtiques, pour recon-
noître leurs ſervices, que de les inſtruire
dans la pieté, & de les rendre bons Chré-
tiens. C'eſt pourquoi il ordonne aux uns
& aux autres d'avoir ſoin que ceux qui

356
La Vie
leur ſont ſoûmis, gardent les jeûnes
preſcrits par l'Egliſe ; qu'ils entendent
aſſiduement la parole de Dieu ; qu'ils ap-
prochent ſouvent des Sacremens, &
qu'ils s'acquittent de tous les devoirs
du Chriſtianiſme. Il marque en particu-
lier, que les maîtres ſont obligez, non
ſeulement de donner à l'Egliſe les jours
de Fêtes, & de vaquer au culte de Dieu ;
mais auſſi de les inſtruire, & de leur
faire des exhortations paternelles pour
les porter à la vertu. Il déclare enfin,
que les peres & les maîtres qui ne ſatis-
feront pas à toutes ces obligations, ré-
pondront au Jugement de Dieu des pe-
chez que leurs enfans & leurs ſerviteurs
commettront, & qu'ils auroient pû leur
faire éviter, s'ils avoient eu ſoin de
s'acquitter exactement de leur devoir.
Petite gravure

357
des Gens Mariez. Ch. XXVII.
Bandeau.

CHAPITRE XXVIII.


Les devoirs & les obligations des maris
envers leurs femmes ; qu'ils doivent les
aimer , les défendre & les proteger ;
leur émoigner de la douceur & de la
bonté ; & qu'il leur eſt défendu de
les traiter d'une maniere imperieuſe,
& de leur faire aucune violence.
Tout ce que j'ai juſqu'à preſent
repreſenté, regarde également les
maris & les femmes, il faut maintenant
parler de ce qui concerne chacun d'eux
en particulier. Comme les maris ſont les
ſuperieurs & les chefs des familles, j'ex-
pliquerai d'abord leurs devoirs & leurs
obligations ; & afin de le faire avec plus
d'ordre & de clarté, je les reduirai à
de certains points qui ſemblent être les
plus importans.
1. Quoiqu'il ſoit conſtant que tous
ceux qui s'engagent dans le Mariage,
ſoient obligez de s'entr'aimer, & de ſe
porter reſpectivement beaucoup d'affe-
ction, il eſt neanmoins vrai de dire que
les maris ont une obligation particuliere
d'aimer leurs femmes, & de leur témoi-
gner de la tendreſſe. L'Ecriture l'enſei-
Geneſ. 2.
24.
Matt.19.
5.
gne tres clairement, car elle leur ordon-
ne de quitter leurs peres & leurs meres

358
La Vie
pour s'attacher à leurs femmes ; ce qui
marque qu'ils doivent avoir pour elles
un amour qui ſurpaſſe celui qu'ils por-
tent à toutes autres ſortes de perſonnes,
quand même elles leur ſeroient unies
par les siens les plus étroits de la nature.
Lorſque S. Paul veut inſtruire les Fi-
deles qui ſe trouvent engagez dans le
monde, de la maniere dont ils doivent
ſe conduire pour operer leur ſalut, il
déclare expreſſément aux maris qu'ils
ſont obligez d'aimer leurs femmes.
Vous maris, leur dit-il dans ſon Epître
Col.3.19
aux Coloſſiens, aimez vos femmes, & ne
les traitez point avec aigreur.
Il leur or-
donne encore la même choſe en écrivant
aux Epheſiens : Vous maris, leur dit il,
Epheſ. 5.
25. &
aimez vos femmes comme Jeſus-Chriſt a ai-
mé l'Egliſe, & s'eſt livré Lui-même à la
mort pour elle, afin de la ſanctifier, aprés
l'avoir purifiée dans le baptême de l'eau
par la parole, n'ayant ni tache, ni ride, ni
rien de ſemblable, mais étant ſainte & irré-
préhensible. Ainſi les maris doivent aimer
leurs femmes comme leurs propres corps.
Celui qui aime ſa femme, s'aime ſoi-
même ; car nul ne hait ſa propre chair,
mais il la nourrit & l'entretient comme Je-
ſus-Chriſt fait l'Egliſe : c'eſt pourqoui
l'homme abandonnera ſon pere & ſa mere
pour s'attacher à ſa femme, & de deux qu'-
ils étoient ils deviendront une même chair.


359
des Gens Mariez. Ch. XXVIII.
Ces paroles de S. Paul nous appren-
nent deux choſes. La premiere, qu'une
des principales raiſons pourquoi les ma-
ris ſont obligez d'aimer leurs femmes,
c'eſt qu'ils les doivent conſiderer comme
une portion d'eux-mêmes, & comme
leurs propres corps. En effet la femme
a été formée de la ſubſtance de l'hom-
me, & tirée de ſon côté ; elle ne fait
avec lui qu'une même chair. Ainſi en
les aimant, ils s'aiment eux-mêmes,
dit l'Apôtre, ils ſuivent les mouvemens
& les inclinations de la nature. Lorſqu'ils
ne les aiment point au contraire, mais ils
renoncent à tous les ſentimens d'huma-
nité, car nul ne hait ſa propre chair ; &
bien loin de cela, tout le monde la
nourrit & l'entretient.
La ſeconde choſe que ces paroles du
Docteur des Nations nous inſinuent,
c'eſt que les maris ſont obligez d'aimer
leurs femmes d'un amour ſaint & ſpiri-
tuel : car ils doivent les aimer de la mê-
me maniere que JESUS-CHRIST a aimé
ſon Egliſe. Or ce divin Sauveur n'a ai-
mé cette chaſte Epouſe que pour la pu-
rifier, pour la ſanctifier, & pour l'en-
richir de toutes ſortes de graces & de
dons ſpirituels.
Saint Chryſoſtome expliquant
ces mêmes paroles de ſaint Paul, dit

360
La Vie
que les femmes étant obligées par tou-
tes ſortes de raiſon & de loix d'obéïr à
leurs maris, & de leur être ſoûmiſes,
les maris ſont auſſi obligez d'aimer leurs
femmes, & de les traiter avec beau-
coup de bonté, afin d'adoucir leur état
& leur condition, qui les engage à vi-
vre dans une continuelle dépendance ; ce
qui paroît rude & rebutant à l'exterieur,
& qui demande par conſequent qu'on
ait de grands égards pour elles, & qu'on
leur témoigne en toutes rencontres de
l'affection & de la tendreſſe. Je ne
rapporterai que par occaſſion, ce qu'il dit
en ce lieu de la ſoûmiſſion & de l'obéïſ-
ſance des femmes, car j'en parlerai
fort au long dans les Chapitres ſuivant ;
& je m'attacherai principalement à ce
qui regarde l'amour que les maris doi-
vent porter à leurs femmes, car c'eſt
de quoi il s'agit preſentement
Homil.
10.in ɛp.
ad coloſſ.
Les maris, dit ce Pere, ſont obligez
d'aimer leurs femmes, & les femmes
de ceder à leurs maris, & de leur ê-
tre ſoûmiſes. C'eſt-là le veritable
moyen de rendre leur mariage heu-
reux, & d'y établir une paix ſolide,
chacun y contribuant de ſon côté.
Une femme a de l'amour pour ſon
mari quand elle s'en voit aimée ; &
un mari qui reconnaoît combien ſa
femme lui eſt ſoûmiſe, en devient
plus 361 des Gens Mariez. Ch. XXVIII. plus doux & plus moderé. Conſide-
rez que c'eſt la nature même qui a
établi cet ordre, & qui a impoſé aux
maris le commandement de l'amour,
& aux femmes la loi de l'obéïſſance :
car lorſque celui qui commande aime
la perſonne ſur laquelle il a quelque
autorité, toutes choſes ſubſiſtent dans
un bon ordre. L'amour n'eſt pas ſi ne-
ceſſaire à ceux ſont dans la dé-
pendance des autres, parce que l'o-
béïſſance eſt leur partage ; mais il l'eſt
abſolument à ceux qui commandent,
afin de temperer leur autorité.

Ce ſaint Docteur avertit enſuite les
maris de ne point s'élever de ce que leurs
femmes leur obéïſſant & leur ſont ſoû-
miſes ; il enjoint auſſi aux femmes de
ne point concevoir de vanité, lorſ-
qu'elles voyent que leurs maris les ai-
ment & les conſiderent. Vous, dit-il,
qui portez la qualité de mari, n'en
ayez pas le coeur plus ſuperbe ; & ne
vous en élevez pas davantage, à cau-
ſe que votre femme ne tombez point
dans l'orgueil & dans l'inſolence, ſous
pretexte que votre mari vous aime.
Que l'amitié du mari n'inſpire point
de vanité à la femme, & que la ſou-
miſſion de la femme ne cauſe pas une
vaine enflure dans le coeur de ſon
Q  362 La Vie époux. Mari, Dieu a voulu que votre
femme vous fût ſoumiſe, afin que
vous l'aimaſſiez davantage. Femme,
Dieu vous a fait aimer par votre ma-
ri, afin de vous donner lieu de ſup-
porter avec plus de patience cet état
de ſoûmiſſion. Que votre eſſujettiſ-
ſement ne vous donne aucune crain-
te : car pourquoi craindre d'être ſoû-
mis à une perſonne qui nous aime,
& qui nous cherit tendrement? Et
vous mari, ne craignez point d'aimer
votre femme, puiſqu'elle vous eſt
ſoûmiſe.

Cette doctrine de S. Jean Chryſo-
ſtome
qui n'eſt qu'une interpretation de
celle de S. Paul, prouve avec évidence,
que la premiere & la plus importante
des obligations des maris, eſt d'aimer
leurs femmes, & qu'ils ne peuvent s'en
diſpenſer ſans contrevenir aux ordres de
la nature, ou plûtôt de Dieu même, qui
leur commande de leur témoigner de
l'amour & de l'affection, afin de leur
rendre l'obéïſſance plus douce, & qu'el-
les leur ſoient ſoûmiſes, plûtôt par in-
clination que par contrainte.
2. Il ne ſuffit pas aux maris d'aimer
leurs femmes, il faut qu'ils les aſſiſtent,
qu'ils les protegent, & qu'ils les dé-
fendent contre tous ceux qui voudroient
entreprendre quelquechoſe contre elles.

363
des Gens Mariez. Ch. XXVIII.
Car leur amour be doit pas être oiſif,
ni inutile, ils ſont obligez de les aimer
comme JESUS-CHRIST aimé l'Egliſe.
Or ce divin Sauveur pour témoigner
qu'il aimoit cette Epouſe ſainte, l'a
toûjours aſſiſtée & protegée ; il l'a ſou-
tenuë contre tous ſes ennemis ; il a
même verſé ſon ſang & donné ſa vie
pour elle, afin de la délivrer de la tyran-
nie du demon qui l'opprimoit. Ainſi ,
Hom 10.
in ɛp. ad
ɛpheſ.
dit S. Jean Chryſoſtome, les maris doi-
vent endurer toutes ſortes de peines &
de travaux pour leurs épouſes ; ils doi-
vent prendre leur défenſe contre ceux
qui leur font injuſtice ; ils doivent mê-
me être prêts d'endurer la mort ſi cela
pourvoit contribuer à leur conſervation,
& leur apporter quelque avantage tres-
conſiderable.
3. A la verité il n'arrive pas ſouvent
que les maris ſoient obligez de s'expo-
ſer à un tel peril en faveur de leurs fem-
mes. Mais ils ont une infinité d'autres
moyens de leur donner des preuves de
leur amour, car ils ſont preſque conti-
nuellement dans leur compagnie ; &
mille circonſtances differentes deman-
dent qu'ils leur parlent, qu'ils traitent
avec elles, & qu'ils leur faſſent part des
reſolutions qu'ils forment. Or ce ſont
là autant d'occaſions de faire paroître
Q ij

364
La Vie
l'affection qu'ils ont pour elles : car s'ils
les aiment veritablement, ils ſe propor-
tionneront à elles ; ils auront égard à
leur foibleſſe ; ils ſe feront petits avec
elles ; ils ſe feront petits avec
elles ; ils leur parleront avec ouverture
de coeur ; ils écouteront favorablement
leurs penſées & leurs raiſonnems ;
ils agiront avec elles par raiſon & par
eſprit de charité ; ils leur témoigne-
ront beaucoup de douceur & de pa-
tience ; ils s'éclairciront avec elles ſur
les choſes dont ils ne conviendront
pas ; ils les traiteront en toutes ren-
contres comme leurs amies & leurs
compagnes.

C'eſt ce que l'Apôtre ſaint Pierre leur
ordonne , lorſqu'il leur dit : Et vous
maris vivez ſagement avec vos femmes,

1. Ep.3 7.
rendant honneur à leur ſexe qui eſt plus
foible, & conſiderant que vous devez
être heritiers avec elles de la grace qui
donne la vie.

Cette maniere d'agir douce & chari-
table ſera même cauſe que leurs femmes
leur ſeront plus unies & plus ſoûmiſes :
Homil.
10. in
Ep. ad
Epheſ.
car il n'y a rien, dit S. Jean Chryſo-
ſtome
, de ſi fort que les liens de l'a-
mour & de la charité, ſur tout à l'é-
gard d'un mari & d'une femme. Un
maître peut bien lier un ſerviteur par
la crainte, & peut-être même qu'il ne
lui ſera pas poſſible de ſe l'aſſujettir
 365 des Gens Mariez. Ch. XXVIII. par ce moyen, parceque ce domeſtique
rompra ſes liens & s'enfuira ; mais
c'eſt par l'amour & par l'affection,
& non par la crainte ni par les me-
naces, qu'il faut lier une femme que
l'on a choiſſie pour être la compagne
de ſa vie, la mere de ſes enfans,
l'occaſion & la ſource de ſa joye &
de ſon contentement
.
4. Il s'enſuit de là que ceux qui trai-
tent leurs femmes avec domination &
avec auſterité, abuſent du pouvoir que
Dieu & la nature ont donné, &
qu'ils ne ſont pas tant des maris que des
tyrans. Vous n'êtes pas, dit S. Ambroiſe
Heza-
mer. l.
5. 6. 7.
à un homme qu'il vouloit inſtruire de
ſes devoirs, le maître & le ſeigneur de
votre femme, mais ſon mari. Lorſque
vous vous êtes marié, vous n'avez pas
pris une ſervante, ni une eſclave , mais
une femme. Dieu vous a établi pour
conduire & pour gouverner le ſexe qui
vous eſt inferieur, & non pas pour le
dominer & pour l'opprimer.

Cet empire abſolu que les maris u-
ſurpent dans leurs familles, en bannit la
paix & la concorde, & contribue même
à les rendre malheureux. Car, dit ſaint
Homil.
20. in
Ep. ad
Epheſ.
Chryſoſtome, quelle ſocieté & quelle
union peut-il y avoir entre les gens ma-
riez, quand la femme tremble à la
vûë de ſon mari, & que le mari vit
Q iij  366 La Vie avec ſa femme comme avec une ſer-
vante, & non comme avec une per-
ſonne libre?

Il n'eſt pas beſoin de chercher d'au-
tres autoritez pour confirmer cette ve-
rité, puiſqu'on en fait tous les jours une
funeſte experience, & que l'on recon-
noît que les maris qui veulent exercer
ſur leurs femmes une autorité deſpo-
rique des déferences exterieures, qui ne
partant point d'une veritable affection,
n'ont rien de ſincere ; qu'ils vivent avec
elles dans le trouble & dans la meſintel-
ligence ; & qu'ils ſont cauſe qu'elles ne
les plaignent point dans leurs diſgraces ;
& que ſouvent même elles ſe réjouiſ-
ſent de leurs infortunes, & qu'elles de-
ſirent leur mort, parce qu'elles croyent
n'avoir point d'autres moyens de briſer
leurs fers, & de recouvrer leur pre-
miere liberté.
5. Il faut ajoûter que ce ſi les maris ne
doivent pas uſer de domination envers
leurs femmes, il leur eſt encore bien
moins permis de les maltraiter & de leur
faire aucune violence ; & que lorſqu'ils
tombent dans ces ſortes d'excés à leur
égard, ils ſe rendent non ſeulement in-
dignes de la qualité de maris, mais qu'ils
meritent d'être punis tres-ſeverement.

367
des Gens Mariez. Ch. XXVIII.
Saint Jean Chryſoſtome dit même qu'ils
Hom.26.
in 1. ad
corinth.
approchent de l'inhumanité des bêtes
feroces ; & qu'on peut en quelque ma-
niere ſoûtenir qu'ils ſont plus criminels
que les parricides, puiſqu'ils outragent
celles quils doivent, pour obéir aux
préceptes divins, preferer à leurs peres
& à leurs meres.
Parce que les maris qui frappent &
qui outragent leurs femmes, alleguent
ordinairement pour ſe juſtifier, qu'elles
ſont de mauvaiſe humeur, imparfaites,
querelleuſes, & ſujettes à des vices con-
ſiderables ; le même S. Jean Chryſoſto-
me
leur repreſente que cela ne les mau-
vais traitemens qu'ils leur font, puiſſent
les corriger, ils ne ſervent qu'à les irriter,
& à les rendre encore plus déreglées.
Si tous les Chrétiens, leur dit-il, doi-
vent porter les fardeaux les uns des au-
tres, les maris y ſont encore plus obli-
gez à l'égard de leurs femmes. Celle
que vous avez eſt elle pauvre? ne lui
en faites point de reproches. Eſt-elle
indiſcrete & deſtituée de ſageſſe ? n'en
prenez pas occaſion de l'inſulter. Ap-
pliquez-vous au contraire à la corri-
ger & à la faire renter en elle-même,
car elle eſt un de vos membres, &
vous en faites plus avec elle qu'une
ſeule & même chair. Mais, dites-vous,
Q iiij  368 La Vie elle eſt cauſeuſe, portée à la bagatelle,
ſujette au vin & à la colere. Je vous
réponds que vous êtes obligé d'en a-
voir de la douleur, de prier Dieu pour
elle, de l'inſtruire, & de faire tous vos ef-
forts pour la corriger de ſes défauts :
mais que vous ne devez pas pour cela
vous laiſſer aller à la colere, vous em-
porter contre elle, ni entreprendre de
la battre & de la maltraiter ; parce que
les paſſions qui ſont des maladies de
l'ame, ne ſe gueriſſent pas par d'au-
tres paſſions ; qu'un emportement n'eſt
pas deſtiné à en faire ceſſer un autre ;
& qu'il n'y a point de meilleur moyen
d'appaiſer ceux qui ſont dans le trou-
ble, que de leur témoigner beaucoup
de douleur & de patience.

Ce ſaint Pere rapporte à ce propos,
qu'un ancien Philoſophe Païen, qui
avoit une femme volage & tres-empor-
tée, répondit à ceux qui lui deman-
doient comment il pouvoit la ſupporter
& vivre avec elle ; qu'il ſe conſideroit
dans ſa compagnie comme dans une
école où il apprendroit à vaincre ses
paſſions, & à devenir ſage ; & qu'aprés
avoir été exercé par elle, il eſperoit
pouvoir vivre en paix avec toutes ſortes
de perſonnes, & leur témoigner beau-
coup de douceur & de moderation. Il

369
des Gens Mariez. Ch. XXVIII.
ajoûte enſuite que l'exemple de ce Phi-
loſophe doit couvrir de confuſion les
Chrétiens qui s'impatientent, lorſqu'ils
ont des femmes imparfaites & de mau-
vaiſe humeur, & qui au lieu de les re-
garder comme un exercice que Dieu leur
envoye, s'emportent contre elles, &
entreprennent de les frapper & de leur
faire violence.
Bandeau.

CHAPITRE XXIX.


Suite de la même matiere : Que les maris
ſont obligez de préceder leurs femmes
dans le chemin de la vertu ; qu'ils doi-
vent pourvoir à leurs beſoins corporels
& ſpirituels, & réprimer leurs paſſions ;
qu'il leur eſt défendu de les mépriſer ;
qu'ils doivent ſe familiariſer avec elles,
& prendre garde neanmoins de ne ſe
laiſſer pas conduire & dominer par elles.
Saint Auguſtin obſerve que le ter-
me Latin qui exprime le nom de
mari eſt dérivé du mot de vertu, vir à
Ser. 332.
virtute, vel virtus à viro : il prend de là
occaſion de dire que les maris ſont o-
bligez de conduire leurs femmes dans
le chemin de la vertu ; d'y marcher les
premiers & de leur en donner l'exem-
ple : il leur déclare qu'ils doivent être
Q v

370
La Vie
chaſtes auſſi-bien qu'elles, & qu'ils
n'ont pas droit d'exiger qu'elles ne
voyent point d'autres hommes, à moins
Lib.de
Decem.
chordis.
6. 3.
qu'ils ne s'abſtiennent eux mêmes de la
compagnie des autres femmes. Vous
voulez, dit-il à un mari, que votre
femme ſoit victoirieuſe de l'impudici-
té, & vous y ſuccombez ; vous êtes
le chef de votre femme & vous n'avez
point de honte de voir qu'elle vous
précede dan la voye qui conduit à
Dieu. C'eſt renverſer l'ordre de la na-
ture, que de ſouffrir que dans une mai-
ſon la tête ſoit au deſſous du reſte du
corps : cela arrive neanmoins toutes
les fois que la femme vit mieux que
le mari : car alors la tête ſe trouve au
deſſous du corps. Si le mari eſt le chef
de la femme, ajoûte t'il, il doit vivre
d'une maniere plus parfaite qu'elle,
& la préceder dans la pratique de tou-
tes ſortes de bonnes oeuvres, afin
qu'elle puiſſe l'imiter & le ſuivre
en qualité de ſon chef de l'Egliſe,
& le mari l'eſt de ſa famille : comme
donc l'Egliſe eſt obligée de ſuivre
JESUS-CHRIST & de l'imiter,
ſon mari ; & par conſequent le mari
ne doit pas entreprendre de rien faire
qu'il craigne que ſa femme n'imite ;
 371 des Gens Mariez. Ch. XXIX. Il ne doit pas marcher par une voye
où il ne veuille pas qu'elle le ſuive.

Ce ſaint Docteur repreſente en un au-
tre lieu, qu'il arrive ſouvent que les ma-
ris ſe fâchent, lorſqu'on leur dit que s'ils
commettent adultere, ils ſeront punis
Lib. 2. de
adult.
conjug. o.
7.
auſſi ſeverement que le ſont leurs fem-
mes, quand elles s'abandonnent à ce pe-
ché ; & qu'ils prétendent qu'étant les
ſuperieurs de leurs femmes, ils ne doi-
pas être ſoumis aux mêmes peines
qu'elles dans cette rencontre. Il dit que
c'eſt-là une illuſion groſſiere ; & que bien
loin que leur qualité de maris leur donne
la liberté de contenter impunément
leurs paſſions, elle les oblige au con-
traite à les réprimer, & à mortiſier leur
chair avec beacoup plus de ſoin que
leurs femmes, afin de leur donner l'e-
xemple de la mortification & de la pe-
nitence. Il ſoûtient même qu'ils ſont
beaucoup plus criminels qu'elles, lorſ-
qu'ils ſont obligez de les ſurpaſſer en
vertu, & de les conduire par leurs bons
exemples. Pour convaincre par l'auto-
rité des Loix civiles ceux qui ne croyent
pas à l'Evangile, il cite la Conſtitution
un mari d'accuſer ſa femme d'adultere,
lorſqu'ils n'a pas eu ſoin de la porter
à la pureté par la ſageſſe de ſa conduite.
Q v j

372
La Vie
& par l'integrité de ſes moeurs. Il ajoûte
que cet Empereur dit dans cette Loy
celebre, qu'il ne lui ſemble pas juſte
qu'un mari exige a chaſteté de ſa fem-
me, pendant qu'il ne la garde âs lui-
même.
Ham. 20.
in ɛp. ad
Epheſ.
Saint Jean Chryſoſtome dit auſſi que
le mari eſt obligé d'enſeigner la vertu à
ſa femme, non ſeulement par ſes diſ-
cours, mais par toute ſa conduite ; de
lui inſpirer du mépris pour les richeſ-
ſes, de l'éloigner des plaiſirs & des di-
vertiſſemens mondains, de lui appren-
dre par ſon exemple, la modeſtie, la
retenuë & la gravité ; en ſorte que le
voyant ſage, modeſte, grave & tempe-
rant, elle ait honte de ne le pas imiter,
& de ne pas pratiquer les mêmes ver-
tus.
Il faut que les maris faſſent une at-
tention particuliere à cette verité, &
qu'ils ſoient perſuadez qu'ils ne ſont les
ſuperieurs de leurs femmes, que pour
les préceder dans la pieté & dans la re-
ligion ; qu'ils n'ont de l'autorité ſur el-
les, que pour les engager à ſervir Dieu,
& pour contribuer à leur ſanctification ;
qu'ils ſont des injuſtes & des prévari-
cateurs, lorſqu'ils veulent les obliger à
pratiquer ce qu'ils ne pratiquent pas eux-
mêmes ;& que toutes les fois qu'ils ſe
laiſſent ſurpaſſer elles en juſtice, &

373
des Gens Mariez. Ch. XXIX.
dans la pratique des bonnes oeuvres, ils
perdent en quelque maniere la qualité de
chefs de leurs familles, qu'ils avoient re-
çûë de Dieu & de la nature,& qu'ils de-
viennent pour ainſi dire, les inferieurs de
celles qui dépendoient d'eux ſortes de be-
ſoins ; les uns regardent leurs corps, &
les autres leurs ames : les maris qui ſont
leurs ſuperieurs, doivent pourvoir aux
uns & aux autres.
Ils ſont obligez de les nourrir & de
les entretenir, de les faire penſer & de
les aſſiſter dans leurs maladies, &
pour fournir tout ce qui leur eſt neceſſaire
pour ſubſiſter honnêtement dans leur
état & dans leur condition. C'eſt pour-
quoi ceux qui dépenſent leur bien au
jeu & à la débauche ; qui n'ont point
d'autre occupation que de ſe divertir &
de prendre du bon tems ; qui vivent
dans la profuſion, & qui ſe laiſſent aller
à la prodigalité, pendant que leurs
femmes ſont dans la miſere & man-
quent de tout, commettent une inju-
ſtice viſible : car les loix qui les rendent
les maîtres & les diſpenſateurs des biens
de leurs familles, n'ont pas été faites
pour leur donner moyen, ni pour les
mettre en état de contenter leurs paſ-
ſions, & de s'abandonner à la débau-

374
La Vie
che. Mais elles les ont établis comme
des économes ſages & prudens, qui
doivent diſtribuer à leurs femmes, à
leurs enfans, & à tous ceux qui leur ap-
partiennent, tout ce dont ils ont be-
ſoin, & qui leur convient par rapport
à leur condition, & au genre de vie
qu'ils menent.
Voila pour ce qui regarde leurs corps.
A l'égard de leurs ames, il eſt certain
qu'ils ne ſont pas moins obligez de s'y
appliquer. On peut même dire que com-
me elles ſurpaſſent infiniment les corps,
ils doivent en avoir beacoup plus de
ſoin. Et auſſi les ſaints Peres ne ſe con-
tentent pas d'avancer qu'il faut qu'ils
leur montrent le chemin de la vertu, en
y marchant les premiers, comme on
vient de l'obſerver ; mais ils ſoûtiennent
que leur devoir les engage à les inſtruire
des principaux points de la Morale Chré-
tienne, & à leur apprendre, autant qu'ils
le peuvent, les Myſteres de notre ſaintes
Religion. L'on a cy-devant vû que
S.Chryſoſtome vouloit qu'ils leur par-
qu'au retour de l'Egliſe ils priſſent en
main les ſaintes Ecritures que les Paſteurs
avoient expliquées, & qu'ils leur fiſſent
une recapitulation des veritez qu'ils
avoient prêchées. On ne rapportera
point en ce lieu tout ce qu'il dit ſur ce

375
des Gens Mariez. Ch. XXIX.
ſujet, afin d'éviter les repetitions ; &
l'on ſe contentera de renvoyer les le-
cteur au Chapitre XII. de ce Traité.
3. Ce n'eſt pas aſſez aux maris de
donner bon exemple à leurs femmes, &
de les inſtruire des devoirs du Chriſtia-
niſme, il faut outre cela qu'ils veillent
ſur leur conduite, qu'ils moderent leurs
paſſions, qu'ils s'oppoſent à leur luxe,
& à leur vanité, & qu'ils répriment
leurs état & à leur condition pour ſe
ſanctifier : & ils répondront au Jugement
de Dieu de leurs défauts & de leurs deſ-
ordres, s'ils n'ont pas ſoin de les corri-
ger. Saint Jean Chryſoſtome dit même
Hom. 13.
in Ep. ad
Eph.
qu'ils ſont plus coupables dans les pe-
chez de leurs femmes, qu'elles ne le
ſont elles-mêmes, parce que c'eſt à eux
à s'y oppoſer, & à y apporter le remede.
C'eſt pourquoi ils ne doivent pas ſe
croire juſtes, ni s'applaudit à ceux-mê-
mes lorſqu'ils s'abſtiennent des diver-
tiſſemens mondains, des ſpectacles pu-
blics, des vanitez du ſiecle, & des plai-
ſirs criminels, & qu'ils menent une vie
déreglée. Car ils ſouffrent que leurs fem-
mes vivent d'une maniere licentieuſe,
ou qu'elles ſuivent les pompes de Satan,
& qu'elles prennent part aux divertiſ-

376
La Vie
ſemens prophanes des mondains, ils de-
viennent coupables en leurs perſonnes ;
& leur condeſcendance, ou plûtôt leur
moleſſe & leur lâcheté les ſouille & les
rend impurs aux yeux de Dieu ; Il les en
leur avoit donné de l'autorité ſur leurs
femmes, qu'afin qu'ils s'en ſerviſſent
pour mettre un frein à leurs paſſions,
& pour les porter à la vertu.
4. Les maris ont ordinairement plus
de ſolidité d'eſprit & plus de talens que
leurs femmes ; ils ſont capables d'une
infinité de choſes auſquelles elles ne ſont
pas propres, mais ils ne doivent pas pour
cela s'élever au deſſus d'elles, ni les mé-
priſer : car elles ont d'autres qualitez qui
meritent qu'on les eſtime & qu'on les
conſidere. Elles ont plus d'aptitude que
les hommes pour la conduite de la fa-
mille ; elles réüſſiſſent ordinairement
mieux qu'eux dans l'éducation des en-
fans, ſur tout quand ils ſont encore fort
jeunes ; elles prennent pluſieurs ſoins qui
pourroient les rebuter ; & ſouvent elles
contribuent autant qu'eux, & même
davantage à enrichir leur maiſon par
leur économie, par leurs épargnes &
par leur bonne conduite. Salomon nous
Prov. 14.
1.
le marque, lorſqu'il dit que la femme
ſage bâtit ſa maiſon ; & qu'au contraire,
l'inſenſée détruit de ſes mains celle
 377 des Gens Mariez. Ch. XXIX. même qui étoit déja bâtie.

Cela étant ainſi, il ne faut pas que
les maris qui ſont pleins de ſcience &
de lumieres, & qui poſſedent de grandes
dignitez, s'eſtiment plus que leurs fem-
mes, ni qu'ils entreprennent de les mé-
priſer. Il faut au contraire qu'ils con-
ſiderent qu'ils ont beſoin d'elles en plu-
ſieurs rencontres, & qu'ils ſoient per-
ſuadez qu'ils leur ont de l'obligation,
& qu'ils tirent autant d'utilité d'elles,
qu'elles en peuvent tirer d'eux. Il faut
qu'ils conſiderent que S. Paul dit qu'il
Rom. 11.
4.
y a pluſieurs membres dans un corps ; qu'ils
n'ont pas tous les mêmes fonctions ; que ceux
qui ſont employez à des uſages plus impor-
tans & plus honorables ne mépriſent pas les
autres ; que l'oeil ne peut pas dire à la
main, je n'ai pas beſoin de vous ; non plus

1. cor.12.
21.
que la tête ne peut pas dire aux pieds, je
n'ai pas beſoin de vous.
Car cette com-
paraiſon du grand Apôtre leur fera par-
faitement comprendre, qu'encore qu'ils
occupent des places plus honorables que
leurs femmes, & qu'ils ſoient employez
à de plus grandes choſes, il ne leur eſt
pas pour cela permis de les mépriſer,
ni de dire qu'ils n'ont point beſoin d'el-
les ; parce qu'ils compoſent un ſeul
& même corps, & que les membres
qui paroiſſent les plus foibles & les plus

378
La Vie
inſirmes , ne laiſſent pas d'être utiles
& même neceſſaires à ceux qui ſont plus
nobles & plus excellens.
Quoique les hommes ſoient deſtinez
aux grands emplois, & appliquez aux
affaires les plus importantes, il ne doi-
vent pas neanmoins faire difficulté,
quand ils ſont dans leur domeſtique &
dans la compagnie de leurs femmes, de
ſe familiariſer avec elles, de s'accomo-
der à leurs inclinations, & de prendre
part à leurs divertiſſemens & à leurs
recreations, lorſqu'il ne s'y paſſe rien
contre l'ordre & contre les regles de
l'honnêteté & de la bienſéance. Car
c'eſt-là une complaiſance qu'ils doivent
avoir pour elles, il faut qu'ils ſe faſſent
une eſpece de violence en ces rencon-
tres, afin de s'inſinuer dans leur eſprit,
& de leur témoigner de l'amitié.
Lib. 22.
contra
Fauſtum
Manic.c.
46.
Iſaac en uſoit ainſi : car l'on voit
dans la Geneſe qu'il joüoit familiere-
ment, & qu'il ſe divertiſſoit avec Re-
becca
ſa femme. Sur quoi S. Auguſtin
obſerve , que bien loin qu'on doive blâ-
mer les maris qui ſont la même choſe ,
il faut les louer de ce qu'ils veulent bien
ſe rabaiſſer pour ſe proportionnerà leurs
femmes ; ſe faire petits en leur faveur ,
&interrompre leurs occupations ſerieu-
ſes & relevées pour ſe recréeravec el-
les , & pour leur faire connoître qu'ils

379
des Gens Mariez. Ch. XXIX.
les aiment ,& qu'ils les eſtiment.
Ce ſaint Docteur ajoûte que ſe trou-
vant des gens qui affectent une ſeverité
à contre-tems, & qui blâment les plus
ſaints perſonnages, lorſque par un prin-
cipe d'humilité & d'humanité ils ſe di-
vertiſſent, & jouent avec leurs infe-
rieurs, & même avec leurs enfans, Dieu
a voulu que cette circonſtance de la vie
d'Iſaac, ce Patriache ſi ſaint & ſi mo-
deré, fût marquée dans les ſaintes Ecri-
tures
; afin que ſon exemple ſervît & à
juſtifier ceux qui tiennent une pareille
conduite, & à condamner ceux qui les
cenſurent mal à propos. En effet ne faut-
il pas être bien bouſſi d'orgueil, & avoir
renoncé au bons ſens, pour prétendre
qu'un homme ſe paſſe tort, & qu'il ſe
dégrade en quelque maniere, toutes les
fois les qu'il a de la condeſcendance pour
ſa femme & pour ſes enfans, & qu'il ſe
familiariſe avec eux par un eſprit de
charité, & pour contribuer à leurs di-
vertiſſemens innocens?
5. L'on a vû dans toutes la ſuite de ce
Chapitre & du précedent, que les maris
ſont obligez d'aimer leurs femmes, de
les proteger, de les traiter avec dou-
ceur, de leur témoigner de la complai-
ſance, & d'avoir égard à leurs foibleſſes
& à leurs infirmitez. Mais il ne faut
pas que ſous pretexte de les aimer & de

380
La Vie
les conſiderer, ils ſouffrent qu'elles do-
minent ſur eux, ni qu'elles les maîtri-
triſent ; parce qu'alors leur conduite ne
paſſeroit plus pour bonté, ni pour con-
deſcendance, mais pour lâcheté & pour
ſtupidité ; c'eſt pourquoi le Sage dit à
tous ceux qui entrent dans le Mariage :
Eccl.9.
2.
Ne rendez point la femme maitreſſe de vo-
tre eſprit, de peur qu'elle ne prenne l'au-
torité qui vous appartient, & que vous ne
tombiez dans la honte.
L'on reconnoît
tous les jours la verité de cette parole :
car dés qu'un mari endure que ſa femme
s'éleve au deſſus de lui, & qu'elle s'em-
pare de l'autorité qui lui avoit été con-
fiée pour le bien & pour la conduite de
ſa famille, il ſe rend mépriſable à tout le
monde ; il n'eſt plus écouté de ſes do-
meſtiques lorſqu'il parle & qu'il donne
ſes ordres ; ſes propres enfans ne le con-
ſiderent plus ; il n'a aucun credit dans
le public ; on le rebute par tout ; on ſe
plaît à lui faire inſulte ; on le regarde
comme un homme ſans eſprit & ſans
jugement ; & il n'y a perſonne qui ne
croye avoir droit de l'opprimer, & de
le traiter avec indignité.
Ainſi il faut que ceux qui prennent
des femmes, évitent avec ſoin ces deux
extrémitez également dangereuſes, de
les opprimer, & de ſouffrir qu'elles les
oppriment eux mêmes. Ils doivent pren-

381
des Gens Mariez. Ch. XXIX.
dre garde d'un côté de ne pas faire dé-
generer leur pouvoir legitime en une in-
juſte domination ; & d'un autre, de ne
ſe laiſſer pas dominer eux-mêmes, ſous
pretexte d'être bons & faciles. Il faut
qu'ils aprennent à temperer leur autori-
té, afin de ne la porter pas trop loin,
& de n'en pas abuſer ; mais ils ſont en
même tems obligez de la conſerver, par-
ce qu'elle leur eſt neceſſaire pour s'ac-
quiter de leurs fonctions, pour mainte-
nir l'ordre & la paix dans leur familles,
& pour ne pas tomber dans la honte &
dans le mépris. En un mot, il faut
qu'ils conduiſent leurs femmes, & qu'ils
ne ſe laiſſent pas conduire par elles ;
qu'ils ſoient doux & faciles à leur é-
gard, mais ſans baſſeſſe d'eſprit ; qu'ils
les aiment, & qu'ils les conſiderent,
mais qu'ils ne les rendent pas maitreſ-
ſes d'eux-mêmes, & qu'ils ne leur per-
mettent pas de s'emparer de l'auto-
rité qui leur appartient.
Petite gravure

382
La Vie
Bandeau.

CHAPITRE XXX.


Les devoirs & les obligations des femmes
envers leurs maris. Elles ſont obligées
de les honorer & de les reſpecter ; elles
doivent leur obéïr & leur être ſoumi-
ſes , quand même ils ſeroient fâcheux
& de mauvaiſe humeur.
J'AY dit au commencement du Cha-
pitre XXVII. que la premiere des
obligations des maris envers leurs fem-
mes, eſt de les aimer, mais d'un amour
ſaint & ſpirituel ; il faut maintenant
faire voir que l'honneur & le reſpect
ſont le premier devoir que les femmes
doivent rendre à leurs maris. Il eſt fa-
cile de le prouver : car la femme tire
Gen.2.
21.
ſon origine de l'homme, ayant été créée
à cauſe de lui pour le ſecourir, pour
l'aſſiſter, & pour être ſa compagne ;
elle le reconnoît pour ſon chef & pour
ſon ſuperieur. Je deſire que vous ſçachiez,
1.cor. 11.
3. & ſeq.
dit ſaint Paul, que Jeſus-Christ eſt le chef
& la tête de tout homme, que l'homme eſt
le chef de la femme, & que Dieu eſt le
chef de Jeſus-Chriſt.
Elle eſt deſtinée à
contribueer à ſa gloire & à ſa grandeur:

383
des Gens Mariez. Ch. XXX.
L'homme, dit encore l'Apôtre, eſt l'ima-
Ibid. ge & la gloire de Dieu, au lieu que la
femme eſt la gloire de l'homme : car l'hom-
me n'a pas été tiré de la femme, mais la
femme a été tirée de l'homme ; & l'homme
n'a pas été créé pour la femme, mais la
femme pour l'homme.

Ce ſont là autant de raiſons qui obli-
gent les femmes à rendre beacoup
d'honneur & de reſpect à leurs maris.
Car quoi de plus juſte & de plus raiſon-
nable, que d'honorer & de reſpecter
celui dont on tire ſon origine, que l'on
doit regarder comme ſon chef & ſon
ſuperieur, pour lequel on a été créé,
& à la gloire duquel on eſt obligé de
ſervir & de contribuer ſelon l'ordre de
la nature?
Que l'on conſulte les ſaintes Ecritu-
res
, l'on reconnoître que toutes les fem-
mes qui ſe ſont diſtinguées parmi le
peuple de Dieu par leur ſageſſe & par
leur pieté, ont toûjours été tres-exactes
à honorer leurs maris. Sara, dit ſaint
I. Pet. 3.
16.
Pierre
, appelloit Abraham ſon Seigneur.
Rebecca reagerdoit Iſaac comme ſon
Seigneur, & lui témoignoit en toutes
rencontres de l'honneur & du reſpect.
Rachel faiſoit la même choſe à l'égard
de Jacob. Anne mere de Samuël, &
Sara femme du jeune Tobie, ſe ſont pa-
reillement appliquées à honorer & à

384
La Vie
reſpecter leurs maris.
A ces exemples tirez de l'Ecriture, il
faut joindre ce que dit l'Auteur de la
lettre
à Celancie51 : car voulant lui expli-
quer de quelle maniere elle eſt obligée
de ſe conduire envers ſon mari, il lui
marque expreſſément qu'elle doit avant
toutes choſes avoir ſoin de l'honorer,
& engager par ſon exemple tous ceux
cap 16.
de ſa maiſon à faire la même choſe. Il
faut, lui dit-il, que l'autorité demeure
toute entiere à votre mari ; & que tou-
te votre famille apprenne par votre e-
xemple, l'honneur & le reſpect qu'elle
lui doit. C'eſt pourquoi vous devez fai-
re connoître par votre obéïſſance qu'il
eſt le maître, le relever par votre hu-
milité, & porter tous les autres par vos
ſoumiſſons & par vos déferences à le
reſpecter. Vous ſerez vous-même d'au-
tant plus honorée, que vous lui ren-
drez plus d'honneur : car l'homme,
ſelon l'Apôtre, eſt le chef de la fem-
me ; & c'eſt de la tête que le corps tire
tout ſon honneur & toute ſa beauté.

Les femmes ſont donc obligées d'ho-
norer leurs maris,en ne parlant jamais
d'eux qu'en des termes reſpecteux , &
quimarquent l'eſtime qu'elles font de
leurs perſonnes ; en ménageant & en
conſervant leur reputation ; en leur ren-
dant toutes ſortes de déferences ; en por-
tant

385
des Gens Mariez. Ch. XXX.
tant les autres , & ſur tout leurs enfans
& leurs domeſtiques à les reſpecter & à
les honorer.
Mais c'eſt principalement en leur
obéïſſant, & en leur témoignant une
grande ſoumiſſion, qu'elles doivent leur
faire connoître qu'elles les honorent ve-
ritablement. C'eſt-là la preuve la plus
certaine qu'elles puiſſent leur en donner ;
toutes les autres ne ſont point ſi aſſurées
ni ſi infallibles. C'eſt pourquoi il faut
leur parler avec quelque ſorte d'éten-
due, de l'obéïſſance qu'elles doivent leur
rendre.
I. pet. I6
I. 6.
Saint Pierre leur ordonne de ſe ſoû-
mettre abſolument à leurs maris ; &
pour les y engager, il leur propoſe pour
modele de leur obéïſſance, celle de Sa-
ra
, qui étoit trés-exacte à obéïr à Abra-
ham
, & qui le regardoit comme ſon
maître & ſon Seigneur.
coloſſ. 3.
I8.
Saint Paul leur dit : Femmes, ſoyez
ſoumiſes à vos maris, comme il eſt bien rai-
ſonnable en ce qui eſt ſelon le Seigneur,

C'eſt-à-dire, obéïſſance à vos maris dans
tout ce qui n'eſt point contraire à l'o-
béïſſance que vous devez à la loy de
Dieu. Sur quoi il faut faire deux re-
flexions. La premiere, que ſi leurs maris
leur ordonnoient quelque choſe qui fût
contre la gloire & le ſervice de Dieu, il
ne leur ſeroit point permis de leur
R

386
La Vie
obéïr; & qu'elles devroient en cette ren-
contre s'en tenir à cette parole du Prin-
Act. 5.
24.
ce des Apôtres : il faut obéïr à
Dieu qu'aux hommes.
La ſervice de Dieu
ne ſont point intereſſez, la raiſon & leur
devoir les engagent à leurs maris.
Saint Paul paſſe même plus avant
dans ſon Epître aux Epheſiens : car non
content de les avertit d'obéir à leurs ma-
ris dans les choſes qui ne bleſſent point
l'honneur & le ſervice de Dieu, il veut
qu'elles leur ſoient ſoûmiſes comme au
Seigneur même ; parce qu'en effet leurs
maris leur repreſentent Dieu, & ont été
établis par lui pour les conduire, il leur
marque qu'elles doivent leur obéir,
comme l'Egliſe obéit à JESUS-CHRIST
ſon divin Epoux. Que les femmes, dit-il,
ɛphſ. 5.
22. 23.
24.
ſoient ſoûmiſes à leurs maris comme au Sei-
gneur, parce que le mari eſt le chef de la
femme, comme Jeſus-Chriſt eſt le chef de
l'Egliſe qui eſt ſon corps, dont il eſt auſſi le
Sauveur. Comme donc l'Egliſe eſt ſoûmiſe
à Jeſus-Chriſt, les femmes auſſi doivent
être ſoûmiſes en tout à leurs maris.

Il leur repreſente en une autre de ſes
I. cor.11.
10.
Epîtres , que le voile qu'elles portent ſur
leur tête, les avertit continuellement
qu'elles ſont obligées d'être ſoumiſes à
tous les hommes en general, & en par-

387
des Gens Mariez. Ch. XXX.
ticulier à leurs maris, qui ſont leurs
chefs & leurs ſuperieurs. Il ajoûte mê-
me que leurs cheveux qu'elles doivent
laiſſer croître, ſont un ſigne perpetuel
& naturel de leur dépendance.
Ad Tit.
c. 2.4.5.
Lorſqu'il écrit à Tite ſon diſciple,
il lui dit qu'il faut apprendre aux fem-
mes à aimer leurs maris, & à leurs être
ſoumiſes, afin que la parole de Dieu ne
ſoit point expoſée aux blaſphêmes &
aux médiſance des hommes. Ces ter-
mes de l'Apôtre ſont connoître qu'il
étoit d'une extrême conſequence dans
les commencemens de l'Egliſe, que les
femmes chrétiennes fuſſent fort ſoumiſes
à leurs maris ; parce que lorſqu'elles
manquoient à ce devoir, on parloit mal
de la Religion Chrétienne ; les Payens
en prenoient occaſion de la décrier,
diſant qu'elle fomentoit la deſobéiſſance
& la rebellion des femmes contre leurs
maris ; ce qui les animoit contre elle ; &
les portoit à la perſecuter.
On demeure d'accord que ces incon-
veniens ne ſont pas à apprehender par-
mi nous, puiſque nous vivons dans un
tems & dans un Royaume, où la Re-
ligion n'a rien à craindre de la part de
ſes ennemis : mais neanmoins on peut
dire qu'elle a toûjours intereſt que les
femmes ſoient ſoumiſes à leurs maris, &
qu'elles leur rendent l'obéiſſance qu'elles
R ij

388
La Vie
leur doivent : car lorſqu'on en voit qui
ſont profeſſion de pieté, & qui cepen-
dant n'ont point de ſoumiſſion pour
leurs maris, cela donne lieu aux gens
du monde de décrier la devotion, & de
dire que ceux qui la ſuivent, n'en ſont
pas plus raiſonnables ni plus mortifiez,
& qu'ils ſe laiſſent aller comme les au-
tres à leur humeur & à leurs paſſions.
Il faut ajoûter à toutes ces raiſons,
que l'eſprit de penitence engage encore
les femmes à obéir, & à être ſoûmiſes
à leurs maris : car aprés que nos pre-
miers parens eurent peché, Dieu leur
impoſa une ſatisſaction, qui en les pu-
niſſant de leur revolte, leur marquoit
comment ils devoient ſe conduire le
reſte de leurs jours. Il dit à Adam,
Geneſ.3.
17.&ſéq.
Parce que vous avez écouté la voix de
votre femme, & que vous avez mangé du
fruit de l'arbre, dont je vous avois dé-
fendu de manger, la terre ſera maudite à
cauſe de vous, & vous n'en tirerez votre
nourriture toute votre vie qu'avec beaucoup
de travail ; elle vous produira des ronces
& des épines, & vous vous nourrirez de
l'herbe de la terre ; elle mangerez votre
pain à la ſueur de votre viſage, juſqu'à ce
que vous retourniez en la terre d'où vous
avez été tiré : car vous êtes poudre, &
vous retournerez en poudre.

Et à l'égard d'Eve ſa femme , il lui

389
des Gens Mariez. Ch. XXX.
prononça cette Sentence : Je vous affli-
gerai de pluſieurs maux pendant votre
groſſeſſe ; vous enfanterez dans la douleur ;
& vous ſerez ſous la puiſſance de votre
mari, & il vous dominera.
Ainſi il faut
que les femmes regardent l'obéiſſance
qu'elles rendent à leurs maris, & la
ſoumiſſion qu'elles ont pour eux, com-
me une partie de leur penitence : il faut
qu'elles aient deſſein, en leur obéiſ-
ſant, de ſatisfaire à la juſtice de Dieu
pour leurs déſobéiſſances paſſées : il faut
qu'elles ſoient perſuadées que la domi-
nation qu'ils exercent ſur elles, eſt une
juſte punition de leur revolte contre les
ordres de Dieu leur ſouverain Seigneur.
Il eſt bien vrai que dans l'état d'in-
nocence, dit un Interprete celebre de
notre ſiecle, la femme auroit été ſou-
miſe à ſon mari, comme à celui qui lui
tenoit lieu de chef & tête. Mais cette
ſoumiſſion auroit été toute volontaire
& pleine de joye ; & le mari ne ſe ſe-
roit point attribué d'empire & de do-
mination ſur ſe femme, parce que cette
malheureuſe neceſſité n'auroit point eu
de lieu dans cette parfaite union de deux
perſonnes, dont l'une auroit obéi avec
une amitié. Mais comme le peché dont
la femme a été la premier cauſe, à
R iij

390
La Vie
fait un étrange renverſement, & dans
ſon eſprit, & dans ſon coeur ; & qu'il
eſt aiſé que la legereté & la vanité qui
ſont ſi ordinaires à la nature corrom-
pue, la portent à s'élever contre celui
auquel Dieu & la raiſon l'ont aſſujetrie ;
le mari a reçû tres juſtiment le pou-
voir d'uſer de domination ſur ſa fem-
me, lorſque ſa mauvaiſe conduite l'y
oblige. C'eſt pourqoui les femmes qui
leur être ſoumiſes, ſont d'autant plus
criminelles, qu'aprés avoir peché plu-
ſieurs fois contre Dieu, elles ne veu-
lent pas même accepter la penitence
qu'il leur a impoſée, pour leur donner
moyen d'appaiſer ſa juſtice, & de ſe pu-
riſier de leurs iniquitez.
Les ſaints Peres qui ont interpreté les
ſaintes Ecritures, ont toûjours obſervé
que l'obéiſſance & la ſoumiſſion eſt le
partage des femmes.
Lib. de
Virginit.
Saint Baſile dit aprés S.Paul, que le
voile qu'elles doivent porter ſur leur tê-
te, eſt le ſigne & le ſimbole de leur ſou-
miſſion & de leur dépendance.
Lib. 5.
Hex. c.7.
Saint Ambroiſe ayant remarqué
qu'Adam ne porta pas Eve à pecher,
mais que ce fut elle qui l'y engagea, dit
que c'eſt pour cela que la femme doit
maintenant être ſoumiſe à ſon mari, &
lui obéir en toutes choſes, afin qu'elle

391
des Gens Mariez. Ch. XXX.
ne puiſſe plus abuſer de ſa propre li-
berté.
LIb.queſ.
in Geneſ.
quaft. 53.
Saint Auguſtin enſeigne que l'ordre
établi par la nature, veut que les enfans
obéiſſent & ſoient ſoumis à leurs pa-
rens, & les femmes à leurs maris. Il
ajoûte que depuis le peché, cette dépen-
dance & cette ſoumiſſion fait partie de
la penitence de la femme.
in cap.
2. ɛpiſ
ad Tit.
Le grand S. Jerôme ayant remarqué
avec l'Apôtre, que l'homme n'a pas été
créé pour la femme, mais la femme pour
l'homme ; & que l'homme eſt le chef de
la femme, & JESUS-CHRIST le chef
de l'homme, conclut enſuite que la fem-
me qui ne veut pas être ſoumiſe à ſon
mari, eſt preſque auſſi coupable qu'un
homme qui refuſe de ſe ſoûmettre à
JESUS-CHRIST, parce que l'un & l'au-
tre viole la loy de l'obéiſſance, & ſort
de la dépendance de ſon chef.
Incap.2.
Epiſt. ad
Epheſ.
Ce ſaint Docteur dit encore que l'o-
béiſſance & la ſoumiſſion qui eſt de pre-
cepte pour les femmes, & qui leur tient
lieu de penitence, devient ſouvent pour
elles une ſource de grandeur & de gloi-
re, parce que qu'en obéiſſant avec exacti-
tude à leurs mari, & leur témoignant
toute ſorte de déference, elles s'inſinuent
dans leur eſprit, elles les gagnent, elles
ſe les aſſujettiſent, & deviennent en
quelque maniere leurs maitreſſes, elles
R iiij

392
La Vie
qui ſembloient n'être nées que pour leur
obéir, & pour éprouver leur domina-
tion.
Non ſeulement les ſaints Peres diſent
que les femmes doivent obéir à leurs
maris, & leur être ſoumiſes, lorſqu'ils
les traitent avec douceur, & qu'ils leur
témoignent de l'amour & de la bien-
vaillance ; ce qui n'eſt pas fort difficile,
car on ſe ſoumet aſſez volontiers à ceux
dont on eſt aimé, & dont on reçoit de
bons traitemens : mais ils enſeignent
qu'elles ſont obligées de demeurer à leur
égard dans l'obéiſſance & dans la ſou
miſſion, quoiqu'ils ſoient de mauvaiſe
humeur, ſujets à la colere, emportez,
& qu'ils les maltraitent, ſoit de parole
ou autrement ; il ajoûtent qu'en ces
occaſions leur ſoumiſſion eſt d'un tres-
grand merite ; & que leur obéiſſance eſt
d'autant plus agreable à Dieu, qu'elle
n'a rien d'humain, & n'eſt fondée que
ſur la charité.
Homil.
26. in1.
ad.cor.

Si c'eſt par le motif de l'amour de
Dieu, dit S. Jean Chryſoſtome à une
femme chrétienne, que vous obéiſſez à
votre mari ; ne m'alleguez pas ce qu'il
doit faire, mais pratiquez exactement
ce que vous demande votre divin Le-
giſlateur. Certes vous ne ſçauriez faire
paroître plus de reſpect pour Dieu, ni
plus de ſoumiſſion à ſes ordres, qu'en
 393 des Gens Mariez. Ch. XXX. ne violant point ſa loy, lors même
qu'on vous traite avec plus de dureté
& de violence. Car il n'y a rien d'ex-
traordinaire ni de rare à aimer ceux
qui vous aiment. Mais nous rempor-
tons de grandes couronnes, quand
nous cheriſſons les perſonnes qui nous
haïſſent. Raiſonnez donc de la même
ſorte, & croyez que vous obtiendrez
une couranne éclatante, ſi vous ſouf-
frez avec patience votre mari, quoi-
qu'il ſoit de mauvaiſe humeur ; au
lieu que s'il étoit doux & facile, il
n'yauroit pas tant ſujet d'eſperer que
Dieu vous donnât une grande récom-
penſe à cause de l'amour que vous lui
témoigneriez. Quand je parle ainſi,
je n'ai pas deſſein de porter les maris à
être coleres ni emportez ; mais mon
intention eſt de perſuader aux fem-

mes de ſouffrir ſans impatience la mau-
vaiſe humeur de leurs épaux, quelques
rudes & quelques fâcheux qu'ils puiſ-
ſent être.
Saint Baſile exhorte auſſi les femmes
à endurer de leurs maris, & à vivre en
paix avec eux, quoiqu'ils ſoient d'une
humeur tres incommode & pleins d'em-
portement. Votre mari vous frappe &
Hom.7.
in Hexa
vous outrage, dit-il à une femme ; ce-
pendant il eſt votre mari : il eſt ſu-
jet au vin & à la débauche ; cepen-
R v  394 La Vie dant il ne fait qu'une chair avec vous,
il eſt un de vos membres, & même le
plus noble & le plus illuſtre, & par
conſequent vous devez le ſupporter.

Mais c'eſt particulierement dans les
confeſſions de S. Auguſtin que l'on ap-
prend juſqu'où oit aller la patience &
la ſoumiſſion des femmes envers leurs
maris, quoiqu'ils leur ſoient rudes &
cruels : car ce ſaint Docteur y décrit la
patience & la douceur que ſainte Moni-
que
ſa mere témoignoit à ſon mari, qui
étoit non ſeulement infidele, mais tres-
Lib 8.
conf.c.
9.
emporté. Ma mere, dit-il, ayant été
nourrie dans une grande honnêteté &
dans une grande retenue, & plûtôt ſou-
miſe par vous, mon Dieu, à ſes pa-
rens, que non pas pareux à vous,lorſ-
qu'elle fut engâge d'être mariée, elle
obéit comme à ſon maître, au mari
qui lui fut donné. Elle ſouffrit ſes infi-
delitez avec tant de douceur & de pa-
rens, que non pas pareux à vous, lorſ-
qu'elle fut en âge d'être mariée, elle
obéit comme à ſon maître, au mari
qui lui fut donné. Elle ſouffrit ſes infi-
delitez avec tant de douceur & de pa-
tience, qu'elle ne lui en fit jamais de
reproches. Car elle attendoit de votre
miſericorde ſur lui, que ſa foy le ren-
dît chaſte. Comme il étoit de tres-bon
naturel, & tout plein d'affection, il
étoit auſſi extrémement prompt, &
elle étoit accoûtumée àn lui reſiſter
jamais, ni par ſes actions, ni par la
moindre de ſes actions, ni par la
moindre de ſes paroles, lorſqu'il étoit
en colere. Mais quand il étoit revenu
 395 des Gens Mariez. Ch. XXX. à lui, & qu'elle le jugeoit à propos,
elle lui rendroit raiſon de ſa conduite,
s'il étoit arrivé qu'il ſe fût emporté
inconſiderément contre elle.

Lorſque pluſieurs des principales Da-
mes de notre ville dont les maris étoient
beaucoup plus doux que mon pere,
ajoûte-t-il, portoient ſur leur viſage les
marques des coups qu'elles en avoient
reçûes ; & que dans les entretiens qu'-
elles attribuoient ces mauvais traite-
mens aux débauches de leurs maris, elle
leur diſoit : Attribuez les plûtôt à votre
langue ; elle leur repreſentoit comme
en riant, mais avec beaucoup de ſa-
geſſe, que dés le moment qu'elles a-
voient entendu lire leur contrat de ma-
riage, elles l'avoient dû conſiderer com-
me un titre qui les rendoit ſervantes
de leurs maris; & qu'ainſi ſe ſouvenant
de leur condition, elles ne devoient
pas s'élever contre leurs maîtres.

Ces Dames, pourſuit ce ſaint Docteur,
qui ſçavoient combien mon pere étoit
violent, ne pouvoient aſſez admirer
que l'on n'eût jamais entendu dire, ni
perſonne ſe fût apperçû que Patrice
eût frappé ſa femme, ou qu'il y eût
eu entre eux durant un ſeul jour le
moindre mauvais ménage. Lorſqu'el-
les lui demandoient conſidemment
 396 La Vie comment cela ſe pouvoit faire, elle
leur rendoit raiſon de ſa conduite ſe-
lon que je viens de le rapporter. Cel-
les qui obſervoient ce qu'elle leur di-
ſoit, en reconnoiſſoient l'utilité par
experience, & la remercioient de ſes
bons avis ; au lieu que celles qui n'en
tenoient aucun compte, étoient toû-
jours maltraitées & aſſervies.

Il eſt donc conſtant que les femmes
ſont obligées d'obéir & d'être ſoumiſes
à leurs maris, quand même ils ſeroient
fâcheux & d'une humeur incommode :
car c'eſt alors que leur obéiſſance de-
vient plus précieuſe, & d'un plus grand
merite ; elles doivent être aſſurées que
Dieu ne manquera pas de les en récom-
penſer, ſoit en ce monde, ou en l'au-
tre ; en celui-ci, en leur faiſant la grace
de contribuer par leur douceur, par leur
moderation & par leurs prieres, à la
converſion de leurs maris, comme cela
arriva autrefois à ſainte Monique ; en
l'autre vie, parce qu'aprés avoir ſermé
dans les pleurs & dans les larmes, ſe-
lon l'expreſſion du Prophete, elles re-
cueilleront dans toute l'éternité les fruits
Pſ. 125.
7. 8.
de leur patience & des tribulations
qu'elle auront ſouffertes.

397
des Gens Mariez. Ch. XXXI.
Bandeau.

CHAPITRE XXXI.


Suite de la même matiere. Les femmes doi-
ven porter leurs maris à la pieté, &
les gagner à Dieu par leurs diſcours,
& encore plus par leur ſageſſe & par
l'exemple de leur vie ſainte & édi-
fainte ; elles ne ſçauroient faire des au-
mônes conſiderables, ni diſpoſer de leurs
biens ſans leur conſentement.
Quoique j'aie prouvé dans le Cha-
pitre precedent, que les femmes
ſont obligées d'obéir à leurs maris, &
de leur être ſoumiſes, lors même qu'ils
ſont de mauvaiſe humeur, & qu'ils les
traitent avec ſeverité ; il ne faut pas
neanmoins conclure de ce que j'ai re-
preſenté, qu'elles doivent entretenir
leurs paſſions, & cooperer à leurs deſ-
ordres & à leurs débauches : car ce ſeroit
faire degenerer leur ſoumiſſion en lâ-
cheté, & rendre leur obéiſſance crimi-
nelle. Les ſaints Peres enſeignent au con-
traire, qu'elles ſont obligées d'en ge-
mir, d'en pleurer, & de s'efforcer de
les en délivrer, & de les faire rentrer en
eux-mêmes. Elles doivent leur donner
des avis ſalutiares, & leur faire des re-
montrances charitables, lorſqu'elles

398
La Vie
voyent qu'ils s'écartent de leur devoir,
& qu'ils s'éloignent des ſentiers de la
juſtice. Mais il faut qu'elles ſe conduiſent
en ces rencontres avec une grande pru-
dence ; qu'elles leur parlent avec dou-
ceur & avec charité, qu'elles s'inſinuent
adroitement dans leur eſprit ; qu'elles ne
leur reſiſtent pas en face, lorsque leurs
paſſions ſont enſlammées, & qu'elles
prennent un tems propre & convenable
pour leur faire goûter les veritez qu'elles
veulent leur repreſenter.
Quand elles en uſent ainſi, elles réuſ-
ſiſſent ordinairement ; & leurs remon-
trances produiſent preſque toûjours un
bon effet : car ſelon S. Jean Chryſoſto-
me
, il n'y a rien de plus efficace, ni de
plus puiſſant ſur l'eſprit d'un mari, que
la voix de ſa femme qui l'avertit avec
bonté & avec douceur de ſon devoir &
Homit.
60. in
Jean.
de ſes obligations. Une femme, dit-il,
peut faire renter ſon mari en lui
même, remettre ſon eſprit dans ſon
aſſiette ordinaire, éloigner de lui tou-
tes les penſées inutiles & fâcheuſes
dont il eſt inquieté, & lui faire tirer
un ſi grand profit de ſa converſation,
qu'il ſe trouve garanti de tous les maux
dont il s'étoit vû accablé en ſortant
du barreau & du tribunal des Juges,
& qu'il emporte avec lui les biens
dont il s'eſt rempli dans ſa maiſon,
 399 des Gens Mariez. Ch. XXXI. quand il eſt obligé de rentrer dans le
commence des hommes. Car rien n'a
tant de force qu'une femme ſage &
vertueuſe ſur l'eſprit d'un mari pour
le faire changer, & pour lui donner
telle impreſſion qu'elle veut. Il n'y a
ni amis, ni maîtres, ni Magiſtrats qu'il
écoute ſi volontiers que ſa propre fem-
me, lorqu'elle lui fait des remontran
ces, & qu'elle lui donne des avis. En
effet, comme il eſt perſuadé que c'eſt
par affection qu'elle lui parle, il ſe plaît
à entendre tout ce que qu'elle lui repreſen-
te. Je pourrois rapporter l'exemple de
pluſieurs hommes, qui étant tres-fâ-
cheux, & d'un humeur tres-difficile &
intraitable, ſe ſont adoucis par ce
moyen. Car lorſqu'une femme qui eſt
la compagne de ſon mari au lit, à la
table, pour l'éducation des enfans,
pour les choſes les plus communes, &
pour celles qui ſont les plus ſecrettes ;
qui le voit entrer ou ſortir à tout mo-
ment ; qui vit avec lui dans une par-
faite ſocieté ; qui ſe donne entierement
à ſon ſervice en toutes choſes, &
qui lui eſt auſſi unie que le corps
le doit être à la tête ; lors, dis-je, que
cette femme a de la prudence, & qu'-
elle prend quelque ſoin de ce qui tou-
che ſon mari, cette appliation eſt ſi
heureuſe que perſonne ne peut tra-
 400 La Vie vailler en cette rencotre avec plus
d'efficace & plus de ſuccés.

Outre les exhortations & les remon-
trances, il y a encore un moyen tres-fort
& tres-puiſſant dont les femmes doivent
ſe ſervir pour obliger leurs maris à chan-
ger de vie, & pour les porter à Dieu ;
ce moyen n'eſt autre que le bon exemple
& la ſageſſe de leur conduite. Il n'eſt
pas toûjours à propos qu'elles leur tien-
nent de longs diſcours, ni qu'elles leur
donnent des avis, il en arriveroit quel-
quefois de mauvais effets ; & au lieu de
les changer, cela ne contribueroit en de
certaines recontres, qu'à les irriter da-
vantage : mais elles peuvent toûjours
bien vivre, pratiquer de bonnes oeuvres,
& ſe conduire d'une maniere ſainte &
irrepréhenſible, c'eſt-là un langage qu'il
leur eſt permis de tenir en tout tems &
en toutes occaſions : car ſelon les ſaints
Peres
, l'on parle par ſes actions & par
ſa conduite exterieure : & bien loin que
leurs maris s'en offenſent, ils en ſeront
édifiez ; & profiteront ſouvent beaucoup
plus de ce qu'ils leur verront faire &
pratiquer, que de ce qu'elles pourroient
leur repreſenter de vive voix.
Lorſqu'ils les verront, par exemple, ſobres,
temperantes, liberales envers les
pauvres, détachées de toutes les choſes
de laterre, & affectionnées à la priere,

401
des Gens Mariez. Ch. XXXI.
ils auront honte de leur ſenſualité & de
leurs débauches ; ils commenceront à
aimer les pauvres ; ils ſe porteront inſen-
ſiblement à faire l'aumône ; ils conce-
vront du mépris pour tous les biens
temporels ; ils s'accoûtumeront à la priere
& aux autres exercices de pieté. Lorſ-
qu'ils les verront humbles, patientes,
ſoumiſes, modeſtes dans leurs meubles
& dans leurs vêtemens ; ils condamne-
ront eux-mêmes leur orgueil, leur im-
patience, leurs murmures, leur luxe &
leur vanité. Lorſqu'ils les verront mor-
tifiées, ſeveres à elles-mêmes, & fer-
ventes dans tous les exercices de la pe-
nitence, ils auront de l'horreur de leurs
pechez, ils les déteſteront ; ils prendront
enfin la reſolution de faire de dignes
fruits de penitence.
C'eſt ainſi que l'Apôtre S. Pierre veut
que les femmes qui ont des maris in-
fideles travaillent à leur converſion. Il
leur conſeille d'y employer, non des diſ-
Pet. 3.
1. 2.
cours, mais des actions ; il veut qu'elles
les gagnent à JESUS-CHRIST, non
par des paroles étudiées, mais par une
vie ſainte & irreprochable.Vous femmes,
leur dit-il, ſoyez ſoumiſes à vos maris,
afin que s'il y en a qui ne croyent pas à la
parole, ils ſoient gagnez ſans parole par la
bonne vie de leurs femmes, conſiderant la
pureté dans laquelle vous vivez, & la
 402 des Gens Mariez. Ch. XXXI. craintes reſpectueuſe que vous avez pour
eux.

C'eſt ainſi que S.Auguſtin dit que ſainte
Monique
ſa mere s'efforçoit d'attirer
Patrice ſon mari à JESUS-CHRIST,
Lib. 9.
Confeſ.
cap. 9.
par ſes moeurs ſaintes & édifiantes.
Lors, dit-il, qu'elle fut en âge d'être
mariée, elle obéit comme à ſon maître,
au mari qui lui fut donné, & elle tra-
vailla de tout ſon pouvoir pour vous
l'acquerir, mon Dieu, en lui parlant
de vous vous ſerviez pour la rendre
belle à ſes yeux, & pour obliger ſon
mari de l'aimer avec reverence, & de
joindre ſon admiration à ſon eſtime.

C'eſt ainſi que S. Jean Chryſoſtome
conſiderant que S. Paul veut, que les
Tit 2. 3.
4.
femmes âgées apprennent à celles qui ſont
encore jeunes. À aimer leurs maris & leurs
enfans, à être bien reglées, chaſtes, ſo
bres, attachées à leur menage, bonnes,
ſoumiſes à leurs maris, afin que la pa-
role de Dieu ne ſoit point expoſée aux blaſ-
Homil. 4.
in Ep Ep. ad
Tit.
phêmes & aux médiſances des hommes,

declare que celles qui ont des maris in-
fideles, ou peu reglez, ſont indiſpen-
ſablment obligées de mener une vie
exemplaire, & ornée de toutes ſortes
de vertus, afin de les empêcher de blaſ-
phemer contre le Nom de Dieu, &
de les porter au contraire à ſe donner

403
des Gens Mariez. Ch. XXXI.
à lui, & à le ſerver avec fidelité.
2. La ſoumiſſion & la dépendance
dans laquelle ſont les femmes, ne leur
permet point de diſpoſer de leurs biens,
ni de faire des aumônes conſiderables
ſans le conſentement de leurs maris.
Saint Auguſtin le dit expreſſément dans
une de ſes Lettres. Une femme qui vi-
voit dans ſon temps, fit voeu de conti-
nence ſans en demander permiſſion à
ſon mari, & même ſans rien lui en
communiquer. Il y conſentit neanmoins
dans la ſuite, & fit auſſi un pareil voeu
de continence. Mais il ne voulut pas
lui permettre de changer d'habit à l'ex-
terieur, ni d'en prendre un de veuve
ou de religieuſe. Cette femme n'en de-
donner, ſans la participation de ſon
mari, preſque tous ſes biens à deux
Moines inconnus, afin qu'ils les diſtri-
buaſſent aux pauvres. Il en fut tellement
irrité, qu'il avoit fait voeu, & qu'i s'aban-
donna à pluſieurs adulteres.
Ce ſaint Docteur ayant été averti de
la conduite irregulier de cette femme,
lui écrivit auſſi tôt , pour la reprendre
des fautes qu'elle avoit commiſes en cet-
Au chap.
14.
te recontre. J'ai déja rapporté ce qu'il
lui repreſenta, pour lui faire compren-

404
des Gens Mariez. Ch. XXXI.
dre qu'elle n'avoit pas à garder
la continence, ſans en avoir obtenu la
permiſſion de ſon mari ; mais à l'égard
de la diſtribution de ſes biens & de
ſes ornemens les plus precieux, qu'elle
avoit fait de ſon autorité particuliere,
il lui dit, que puiſque ſon mari à ſon
Epiſt.262
exemple, avoit auſſi embraſſé la conti-
nence,& avoit ainſi témoigné qu'il
avoit beaucoup de pieté & de religion,
elle avoit dû lui être encore plus ſou-
miſe qu'auparavant dans tout le reſte
de ſa conduite ; que quoiqu'il gardât
avec elle la continence, il n'avoit pas
pour cela ceſſé d'être ſon mari ; qu'au
contraire, leur Maraige en étoit devenu
plus ſaint &plus venerable ; & que par
conſequent elle n'avoit pas dû diſpoſer
de ſes habits, de ſon or, de ſon argent,
& de ſes autres biens ſans ſon conſen-
tement ; & que les Moines qui avoient
reçû d'elle toutes ces choſes en l'abſence,
& de ſes autres biens ſans ſon conſen-
tement ; & que les Moines qui avoient
manqué conſiderablement, & n'étoient
pas de veritables ſerviteurs de Dieu.
Il lui dit encore, que quand même
ſon mari auroit été trop reſervé à faire
l'aumône, & ſeroit tombé dans l'ava-
rice, il ne lui auroit été permis de
diſpoſer ainſi de ſes biens en faveur des
pauvres ; que tout ce qu'elle auroit pû
faire auroit été de l'exciter & de le por-

405
des Gens Mariez. Ch. XXXI.
ter à la charité ; que ſi ayant une forte
inclination d'aſſiſter les pauvres, & de
faire de grandes aumônes, elle ne s'en
étoit abſtenue que par la crainte d'of-
fenſer ſon mari, & de le détourner de
la vertu & de la bonne reſolution
où il étoit, Dieu l'auroit récompen-
ſée, comme ſi elle avoit effectivement
répandu avec profuſion ſes richeſſes
dans le ſein de ſes freres ; mais qu'-
ayant tenu tenu une conduire toute op-
poſée, & ayant fait diſtribuer ſes biens
aux pauvres de ſon autorité particu-
liere, elle avoit, en voulant nourrir le
corps des pauvres, tué l'ame de ſon
mari, parce qu'étant choqué de ſes au-
mônes indiſcrettes & à conter-tems, il
s'étoit abandonné à la débauche.
Saint Thomas eſt auſſi dans cette pen-
ſée : car examinant ſi ceux qui ſont en
la puiſſance d'autrui peuvent faire des
S. Thom.
2.2.q 39.
art.8. ad
2.
aumônes, il dit que ſi les femmes ont
d'autres biens que ceux qui ſi les femmes ont
leur dot, & que ſi elles poſſedent qu'el-
que pecule qui ne ſoit pas en la puiſſance
de leurs maris, elles peuvent en diſpo-
ſer & en faire des aumônes ſans leur
conſentement, pourvû neanmoins qu'el-
les gardent une juſte moderation, &
qu'elles ne les reduiſent point par là à la
pauvreté : mais que ſi elles n'ont que
leur dot, &les biens qu'elles ont appor-

406
La Vie
tez à leurs maris, elles ne peuvent faire
aucunes aumônes ſans leur conſentement
exprés ou tacite, à moins qu'il ne ſur-
vienne des neceſſitez extraordinaires &
fort preſſantes ; il donne pour raiſon de
ſa déciſion, qu'encore que la femme
ſoit égale à ſon mari dans tout ce qui
regarde l'uſage du Mariage, elle lui eſt
neanmoins ſoumiſe dans tout le reſte,
& dans ce qui concerne le gouverne-
ment des biens & de la famille, parce
que ſaint Paul dit que le mari eſt le ſu-
perieur de ſa femme.
Ainſi ſelon ſaint Thomas, lorſque les
femmes ne poſſedent rien en leur parti-
culier, & qu'elles n'ont que les biens
qu'elles ont apportez en dot, ou qui ſont
de la communauté qu'elles ont ſtipulée
par leur Contrat de Mariage, il ne leur
eſt point permis de faire des aumônes de
leur autorité particuliere, & ſans le con-
ſentement de leurs maris ; & ſi elles en
font, elles diſpoſent d'un bien dont
elles ne ſont pas maitreſſes, & qui
n'eſt plus en leur puiſſance, & par con-
ſequent elles commettent une inju-
ſtice.
Il faut neanmoins obſerver que ce
ſaint Docteur
dit, qu'il n'eſt pas toû-
jours neceſſaire qu'elles demandent per-
miſſion à leurs maris pour donner quel-
que choſe, & qu'il ſuffit qu'elles aient

407
des Gens Mariez. Ch. XXXI.
lieu de préſumer qu'ils y conſentiroient,
s'ils en étoient avertis. Ce qui doit s'en-
tendre des aumônes ordinaires, & des
preſens de peu de conſequence ; elles
peuvent les faire ſans leur en parler,
lorſqu'elles ont reconnu par pluſieurs
experiences qu'ils en ſont d'accord ; &
qu'ils veulent bien qu'elles en uſent
de la ſorte.
Ce même Docteur excepte le cas
d'une miſere extrême ; car il croît que
les femmes ont droit de faire des au-
mônes ſans la participation de leurs ma-
ris, lorſqu'ils ſont durs & inhumains
envers les pauvres, & qu'ils ne veu-
lent pas les ſecourir dans des neceſſi-
tez tres-preſſantes. Mais comme ces
rencontres ſont fort rates, il n'eſt pas
neceſſaire de donner aux femmes des
regles particulieres ſur ce ſujet. Il ſuffit
de les avertir qu'elles doivent avoir
beaucoup de compaſſion pour les pau-
vres, & être prêtes de les ſecourir tou-
tes les fois qu'elles le pourront faire ,
ſans manquer à ce qu'elles doivent à
leurs maris.
Petite gravure

408
La Vie
Bandeau.

CHAPITRE XXXII.


Comme les femmes mariées doivent être
vêtues ; ſçavoir ſi les ornemens du mon-
de leur ſont permis.
ON demande ſouvent ſi l'obéiſſance
& la ſoumiſſon qui eſt le partage
des femmes, les oblige de ſe parer &
de porter des ornemens mondains, lorſ-
que leurs maris témoignent le deſirer, ou
qu'ils le leur ordonnent expreſſément.
Cette queſtion qui eſt importante, ne
doit point ſe reſoudre par des raiſon-
nemens humains, ni par de vaines ſub-
tilitez, mais par l'Ecriture & par les
ſaintes Peres.
Il eſt certain qu l'Ecriture condamne
le luxe & la vanité des habits generale-
ment dans toutes les femmes, & qu'elle
ne fait point d'excetion en faveur de
celles qui ont des maris. On en peut
juger par ces paroles pleines de feu que
le Prophete adreſſe toutes les femmes
Juives de la part Dieu: Parce que les
Iſai 3.71
&ſeq.
filles de Sion ſe ſont élevées, dit le Sei-
gneur, qu'elles ont marché la teſte hautre,
en faiſant des ſignes des yeux, & des geſtes
des mains ; qu'elles ont meſuré tous leurs
pas, & étudié toutes leurs démarches, le
Seigneur  409 des Gens Mariez. Ch. XXXII. Seigneur rendra chauve la teſte des filles de
Sion, & il arrachera tous leurs cheveux ;
il leur ôtera leurs chauſſures magnifiques,
leurs croiſſans d'or, leurs coliers, leurs fi-
lets de perles, leurs braſſelets, lerus coeffes,
leurs chaînes a'or, leurs boetes de parfum,
leurs pendans d'oreilles : leur parfum ſera
changé en puanteur, leur ceinture d'or en
une corde, leurs cheveux friſez en une tête
nue & ſans cheveux, & leurs riches corps
de jupepe en un cilice.

L'Ecriture marque en particulier,
qu'Eſther qui étoit mariée à un grand
Roy
, ne portoit ſes ornemens royaux
que les jours qu'elle paroiſſoit en public;
qu'elle s'en abſtenoit lorſqu'elle étoit en
ſon particulier ; que bien loin de les ai-
mer, elle en gemiſſoit, & les avoit en
horreur, & qu'elle diſpoit à Dieu qui
Eſther.
14. 16
voyoit la diſpoſition de ſon cœur : Vous
ſçavez, Seigneur, la neceſſité où je parois dans
la magnificence & qu'aux jours où je parois dans
la magnificence & dans l'éclat, j'ai en abo-
mination la marque ſuperbe de ma gloire
que je porte ſur ma teſte ; que je la déteſte
comme un linge ſouillé, & qui fait horreur,
& que je ne la porte point dan les jours de
mon ſilence.

Saint Paul parle auſſi bien aux fem-
mes mariées qu'aux Vierges, lorsqu'il
1. Tim.2
9.
dit : Je veux que les femmes étant vé-
S

410
La Vie
tues comme l'honneſteté le demande ; qu'elles
ſe parent de modeſtie & de chaſteté, &
non avec des cheveux friſez, ni des orne-
mens d'or, ni des perles, ni des habits
ſomptueux, mais comme le doivent être
des femmes qui ſont profeſſion de pieté,
& qui le témoignent par leurs bonnes
oeuvres.

Saint Pierre declare même en termes
formels, que c'eſt aux femmes mariées
qu'il interdit les habits prétieux, & les
ornemens mondains; car aprés leur avoir
I. Pet. 3.
2. 4. 1.
dit : Vous femmes ſoyez ſoumiſes à vos ma-
ris, il ajoûte, ne mettez point votre orne-
ment à vous parer au dehors par la la friſure
des cheveux, par les enrichiſſemens d'or,
& par la beauté des habits, mais à parer
l'homme inviſible caché dans le coeur, par
la pureté incorruptible d'un eſprit plein de
douceur & de paix, ce qui eſt unriche &
magnifique ornement aux yeux de Dieu :
car c'eſt ainſi que les ſaintes femmes qui
ont eſperé en Dieu, ſe paroient autrefois
étant ſoumiſes à leurs maris.

Saint Jean Chryſoſtome dans ſes Ho-
melies ſur ſaint Paul, reconnoît que ce
grand Apôtre écrivant à Timothée,
interdit le luxe & la vanité des habits aux
femmes mariées ; il ſe ſert même de la
défenſe qu'il leur en fait pour combat-
Homil.8.
in 1.
Tim.
tre le luxe des veirges. Si ſaint Paul,
dit-il, défend la vanité des habits aux
 411 des Gens Mariez. Ch. XXXII. femmes qui ont des maris qui vivent
dans les délices, & qui poſſedent de
grands biens, ces vains ornemens ſont-
ils ſupportables en la perſonne des
vierges?

L'Auteur de la lettre à Celancie52 ayant
rapporté ces mêmes paroles de S. Paul,
dit enſuite : Ce n'eſt pas que l'Apôtre
veuille par ces preceptes, obliger les
femmes à être ſales & mal propres, &
à ne porter que des habits déchirez ;
mais il veut retrancher l'excés & la
ſuperfluité de leurs parures,
en leur
recommandant la ſimplicité & la mo-
deſtie dans leurs vêtemens.
Saint Chryſoſtome paſſe même plus
avant : car il enſeigne qu'une femme
n'eſt point tenue d'obéir à porter des habits qui
reſſentent la vanité du ſiecle ; & qu'un
mari ne doit point non plus avoir égard
en ces ſortes de choſes aux inclinations
de ſa femme. Lorſque l'Apôtre, dit-il,
Lib de
Virg.c.
75.
ordonne aux gens mariez de ne ſe re-
fuſer point ce qu'ils deſirent, cela re-
garde l'uſage du Mariage : car dans ce
ce point ils doivent ſe ſoumettre les uns
aux autres, & ils ne ſont point maîtres
d'eux-mêmes. Mais dans tout le reſte,
& principalement dans ce qui con-
cerne les vêtemens & la nourriture,
ils ne ſont point auſſujettis les uns aux
S ij  412 La Vie autres. Il eſt permis à un mari de
renoncer malgré ſa femme aux plai-
ſirs & aux voluptez de la vie , & de
s'éloigner des ſoins & des embarras
du ſiecle. Et une femme de ſon côté
ne doit point être obligée , lorſqu'elle
y a de la repugnance, de ſe parer, de
ſuivre les pompes du monde, & de
s'aſſujettit à mille choſes qui ſont inu-
tiles & ſuperflues.

Il ajoûte enſuite qu'effectivement il
y a une tres-grande difference entre l'u-
ſage du Mariage, & le luxe & la vani-
té ; que l'un eſt fondé ſur la nature, &
que l'autre ne vient que de la malice
& de la corruption des hommes ; & que
par conſequent c'eſt avec beaucoup de
juſtice qu'on oblige les gens mariez à ſe
rendre une obéiſſance mutuelle dans ce
qui regarde le devoir du Mariage, &
qu'on leur laiſſe une liberté entiere dans
tout le reſte, & même dans les vê-
temens.
Mais il faut principalement conſide-
rer ce que dit ſaint Auguſtin ſur cette
Ep. 261.
matiere, car il la traite à fond ; il entre
dans le détail des choſes, & il marque
en particulier ce qui eſt permis ou dé-
fendu aux femmes mariées. C'eſt dans la
lettre qu'il a écrit à cette femme, dont
on a déja parlé pluſieurs fois. Elle ne
s'étoit pas contentée de diſtribuer ſes

413
des Gens Mariez. Ch. XXXII.
biens aux pauvres ſans en parler à ſon
mari, elle avoit encore quitté ſans ſon
conſentement ſes habits ordinaires, &
s'étoit vêtue comme une veuve. Ce ſaint
Docteur
lui repreſente qu'elle n'avoit
point dû changer ſes vêtemens de ſon
autorité particuliere ; qu'étant obligée
de ne faire ſes aumônes que de concert
avec ſon mari, il ne lui avoit point auſſi
été permis de veuve; que S.Paul ayant dit:
1.Tim 2.
9. 10.
Je veux que les femmes ſoient vétues comme
l'honneſteté le demande ; qu'elles ſe parent
de modeſtie & de chaſteté, & non avec des
cheveux friſez, ni des ornemens d'or, ni
des perles, ni des habits ſomptueux, mais
comme le doivent être des femmes qui font

profeſſion de pieté
: on a raiſon de con-
damner les ajuſtemens trop riches, la
friſure des cheveux, & tout ce qui reſ-
ſent les pompes du ſiecle, & qui ne
tend qu'à procurer une vaine beauté.
Mais qu'il y a une maniere de s'habil-
ler qui eſt differente de celle des veuves,
qui ne bleſſent point les regles de la mo-
deſtie chrétienne, & qui peut convenir
aux femmes mariées qui font profeſſion
de pieté ; qu'elle n'avoit pas dû oſſenser,
ni irriter ſon mari, en quittant ces ſor-
tes d'habits ſans ſon conſentement.
Il ajoûte, en parlant toûjours à
cette femme : Quoique votre mari
S iij  414 La Vie ne voulût pas vous permettre de vous
vêtir dés ſon vivant comme une veu-
ve, il ne vous auroit pas neanmoins
obligée à porter des habits trop ma-
gnifiques, & qui fuſſent au deſſus de
votre état. Quand même vous auriez
été forcée par quelques riches vê-
temens, vous auriez toûjours pû con-
ſerver un coeur humble ſous cet orne-
ment ſuperbe.
Il lui propoſe enſuite
l'exemple d'Eſther, qui étant contrainte
de paroître en public avec des habits
magnifiques, en avoit de la peine dans
d'être fort humble.
Ce ſaint Docteur s'explique encore
ſur ce ſujet en écrivant au Prêtre Poſ-
Ep. 245.
ſidius. Il lui dit qu'à la verite il faut défen-
dre à ceux qui ne ſont point mariez, &
qui ne deſirent pas de l'être, les ornemens
d'or & les habits précieux, parce qu'ils
ne doivent penſer qu'à plaire au Sei-
neur. Mais qu'on ne doit pas les inter-
dire indiſcrettement aux gens mariez,
qui s'étudient à plaire les uns aux autres.
Il lui declare que ſi on tolere que les
femmes portent quelques ornemens, ce
n'eſt qu'en conſideration de leurs maris,
auſquels elles doivent ſe rendre agrea-
bles : mais qu'il ne faut pas ſouffrir
qu'elles uſent defard, de vermillon, de

415
des Gens Mariez. Ch. XXXII.
pâtes, & de toutes les autres choſes qui
ne ſont deſtinées qu'à procurer de la
beauté, ou plûtot à tromper le monde,
& à faire croire que celles qui ſont deſti-
tuées de beauté, en ont effectivement.
Il ajoûte enſuite que non ſeulement le
fard, mais l'or & les vêtemens précieux
ne ſont pas deſtinez à parer des Chré-
tiens & des Chrétiennes, & que les
bonnes moeurs ſeules ſont leurs veri-
tables ornemens.
Saint Thomas ſuit exactement la
doctrine de S. Auguſtin: car il condam-
ne avec lui le fard & les autres ornemens
qui portent au peché, ou qui y donnent
ſouvent occaſion : il enſeigne que les
filles qui ne veulent point ſe marier, ne
filles qui veulent point fe marier, ne
doivent pas chercher à plaire aux hom-
mes ; & que ſi elles ſe parent, & qu'el-
les portent des ornemens dans le deſſein
de ſe rendre agreables à leurs yeux, elles
pechent. Mais il avoue qu'il eſt permis
2. 2. q.
169. art.
2 in cor-
pore.
à ſon mari, de peur qu'il ne la mépriſe,
& qu'il ne tombe enſuite dans l'adul-
tere. Il reconnoît que cela eſt fondé ſur
I. cor.7.
34.
l'autorité de ſaint Paul, qui dit, que la
femme qui eſt mariée s'occupe du ſoin des
choſes du monde , & de ce qu'elle doit
faire pour plaire à ſon mari.
Il conclut
enſuite que la femme qui porte des
ornemens dans les deſſein de plaire à
S iiij

416
La Vie
ſon mari, ne peche point ; ce qui étoit
la queſtion qu'il s'étoit propoſe d'exa-
miner.
Et afin que les femmes n'abuſent pas
de cette maxime, & qu'elles n'en pren-
nent pas occaſion de s'abandonner au
luxe & à la vanité du ſiecle, il dit qu'il
faut qu'elles faſſent ſouvent réflexion
à ces paroles de l'Apôtre, qu'on a déja
tant de ſois citées : Que les femmes ſoient
vêtues comme l'honneſteté le demande,
qu'elles ſe parent de modeſtie & de chaſte-
té, & non avec des cheveux friſez, ni
des ornemens d'or, ni des perles, ni des
habits ſomptueux.
Il veut qu'on les aver-
tiſſe, que l'Apôtre en parlant ainſi, ap-
prouve à la verité les ornemens des fem-
mes mariées, pourvû qu'ils ſoient mo-
derez, & accompagnez d'honnêteté ,
mais qu'il condamne abſolument ceux
qui ſont ſuperflus, qui choquent la
bienſéance, & qui portent à l'impu-
reté.
L'on peut tirer deux concluſions de
tout ce qu'on a repreſenté dans ce Cha-
pitre. La premiere, que l'obéiſſance que
les femmes doivent à leurs maris, leur
permet de porter des habits riches, &
d'uſer des ornemens qui conviennent à
l'état du Mariage, pourvû toutesfois
qu'ils ne ſoient pas au deſſus de leur
condition, qu'ils ne bleſſent point la

417
des Gens Mariez. Ch. XXXII.
modeſtie chrétienne, qu'ils ſoient com-
patibles avec la pureté & la ſainteté de
la morale de l'Evangile, & qu'ils ſoient
propres à leur concilier l'amour & l'eſti-
me de leurs époux, ſans neanmoins fla-
ter ni exciter leur concupiſcence, ni
celle des autres hommes avec qui elles
ſont obligées de converſer.
L'autre choſe qu'il faut conclure des
ſaintes Ecritures, & de la doctrine des
Peres de l'Egliſe, c'eſt que les femmes
ne doivent point obéir à leurs maris,
qui veulent les obliger à ſe ſervir d'or-
nemens contraires à la pureté, à pa-
roître en public avec des nuditez ſcan-
daleuſes, à tendre des pieges aux jeunes
gens par leur beauté affectée, & à ſe
vêtir d'une maniere qui ſoit abſolument
au deſſus de leur état, & du rang qu'el-
les tiennent dans le monde.
Qu'elles conſiderent donc ſerieuſe-
ment les veritez qu'on vient de leur ex-
pliquer, afin de ne pas tenir une con-
duite irreguliere, & qui puiſſe les ren-
dre coupables aux yeux de Dieu. Qu'el-
les prennent bien garde de ne pas cho-
quer mal à-propos leurs maris, en af-
fectant de porter des habits trop vils
& trop mépriſables, & en rejettant
avec opiniâtrete les ornemens innocens
qui peuvent leur plaire, & les empê-
cher de ſe dégoûter de leurs perſonnes.
S v

418
La Vie
Car ſi elles ſe conduiſoient de la ſor-
te, elles exciteroient le trouble & la
diviſion dans leurs familles ; elles ſe
rendroient reſponſables des impuretez
& des excés auſquels leurs époux pour-
roient s'abandonner.
Mais ſous pretexte de leur complaire
& de leur obéir, qu'elles ne ſe laiſſent
pas aller à la vanité du ſiecle, & qu'elles
ne s'imaginent pas qu'elles puiſſent uſer
de toutes ſortes d'ornemens, & même
de ceux qui reſpirent le plus l'eſprit du
monde, & qui ſont propres à exciter
les paſſions de ceux qui les regardent :
car elle doivent ſçavoir qu'elles ap-
partiennent plus à JESUS-CHRIST
qu'à leurs époux mortels, & qu'il ne
peut jamais leur être permis de mé-
priſer & de violer les regles de l'Evan-
gile
, qui les obligent à être humbles ,
chaſtes, modeſtes, & à reſiſter au tor-
rent & à la corruption du ſiecle.
Cul de lampe.

419
Bandeau.

CHAPITRE XXXIII.


Qu'il y a beaucoup de femmes qui ſe ſer-
vent du pretexte de leurs maris, & qui
abuſent de leur nom pour couvrir leur va-
nité, & pour excuſer leur luxe ; qu'elles
doivent chercher à leur plaire, plus par
leurs moeurs & par leur vertu, que par
leurs habits, &par leurs ornemens exte-
rieurs.
Aprés avoir expliqué dans le Cha-
pitre precedent, quels ſont les or-
nemens que les femmes peuvent porter
pour complaire à leurs maris, je croi
qu'il eſt à propos d'ajoûter qu'il arrive
tres-rarement qu'elles ſoient obligées
d'examiner quelles ſont les occaſions où
elles doivent leur obéir dans ces ſortes
de choſes ; parce que bien loin que leurs
époux les oblignet d'uſer de vêtemens
trop riches & trop précieux, ce ſont-el-
les ordinairement qui ſe portent au luxe,
qui les forcent par leurs importunitez,
de conniver & de contribuer à leur vani-
té, & qui ſe ſervent enſuite de leur nom
& du pretexte de l'obéiſſance qu'elles
leur doivent, pour pallier & pour juſti-
fier leurs paſſions.
Saint Jean Chryſoſtome décrit tres-
S vj

420
La Vie
éloquement cet artifice des femmes,
qui pour s'excuſer accuſent leurs maris,
& qui pour paroître humbles & mo-
deſtes, les repreſentent comme des hom-
mes pleins de vanité, & ſe plaignent
ſouvent de ce qu'ils les contraignent de
s'éloigner des regles de la modeſtie chré-
Homil.
in illud
Pſ. 48.
noli ti-
mere.
tienne. Que faites-vous, dit il, à une
de ces femmes mondaines, & quelle
conduite tenez-vous ? vous vous pa-
rez & vous vous ornez ; pour quelle
fin, & à quelle intention le faites-
vous ? Eſt-ce afin de plaire à votre
mari, & de vous rendre agreable à
ſes yeux ? Mais en faiſant tout cela
pour vous inſinuer dans ſon eſprit,
& pour captiver ſes bonnes graces,
comment pouvez-vous en même tems
conſerver la pureté, & vous mainte-
nir dans cette vertu ſi excellente?
Soyez perſuadée que ce ſont les ver-
tus qui vous artireront l'eſtime &
l'affection de votre mari ; & que bien
loin que ces ſortes d'ornemens puiſ-
ſent l'engager à vous conſiderer & à
vous eſtimer, ils ne ſervent au con-
traire qu'à le chagriner, & à vous ren-
dre importune auprés de lui ; la dé-
penſe qu'il eſt obligé de faire pour
fournir à votre luxe, le refroidit à
votre égard ,& lui donne de l'eloigne-
ment de votre perſonne. Mais ce
 421 des Gens Mariez. Ch.XXXIII. qui fait connoître avec évidence que
vous n'avez pas intention de plaire à
votre mari en portant ces ſortes d'or-
nemens, c'eſt que vous les quittez dés
que vous êtes dans votre maiſon, &
que vous vous en parez lorſque vous
devez paroître dans nos Egliſes. Car
au contraire ſi vous n'en uſiez que par
complaiſance pour votre époux, ce
ſeroit principalement dans votre mai-
ſon que vous les prendriez, & que
vous vous en ſerviviez.

Il repreſente encore que puiſque ſaint
Homil.
10. in
Ep. ad
coloſſ.
Paul adreſſe ces paroles tous les Chré-
tiens : Vous tous qui avez été baptiſez
en JESUS-CHRIST, vous avez été revêtus
de JESUS-CHRIST : une femme fidele qui
Gal. 3.
27.
participe à cet honneur, ne doit pas
rechercher les ornemens du ſiecle.
Il dit
que tant que els femmes chrétiennes
feront revêtue de JESUS-CHRIST, les
demons les craindront & trembleront
en leur preſence : mais que ſi elles en-
treprennent de ſe parer avec l'or,
les hommes mêmes les mépriſeront : il
ſoûtient que celles qui veulent paroître
belles, doivent fuir les ornemens mon-
dains qui ne conviennent qu'à des Co-
mediennes, & ſe revêtir d'aumônes, de
douceur, de modeſtie, de temperance.
Il ajoûte même que les femmes qui
aprés avoir été revêtues de JESUS-

422
La Vie
CHRIST, ſe ſervent encore d'orne-
mens mondains, ſe font injure à elles-
mêmes, & ſe dégradent de leur propre
dignité.
Il repond enſuite à celles qui alleguent
qu'elles ne ſe parent que pour plaire à
leurs mairs ; il leur dit encore que ſi elles
n'avoient point d'autre intention, elles
ne porteroient leurs ornemenes que lorſ-
qu'elles ſont dans leurs maiſons avec
leurs époux, & qu'elles s'en abſtien-
droient en public & dans les Egliſes : mais
que comme elles en uſent tout autre-
ment, & qu'elles paroiſſent dans les
compagnies & dans les rues avec leurs
habits magnifiques, & leurs autres aju-
ſtemens, c'eſt une marque certaine
qu'elles veulent attirer ſur elles les
yeux de toutes ſortes de perſonnes,
& qu'elles cherchent à plaire d'autres
qu'à leurs maris.
Les ſaints Peres ne ſe ſont pas con-
tentez de blâmer les femmes qui ſe ſer-
vent du nom de leurs maris pour juſti-
fier leur vanité, ils ont outre cela en-
ſeigné qu'elles doivent deſirer de leur
plaire, plûtôt par leurs moeurs & par
leur vertu, que par leurs ornemens ex-
terieurs.
Tertulien le dit expreſſément : car
aprés avoir employé toute ſon éloquence
pour combattre le luxe & la vanité des

423
des Gens Mariez. Ch. XXXIII.
habits, il prouve en particulier, que
vouloir plaire aux autres par ſes ajuſte-
mens, eſt une marque d'impureté ; il ſoû-
tient que les perſonnes qui ſont chaſtes,
non ſeulement n'affectent point de pa-
roître belles, mais qu'elles mépriſent la
beauté, & qu'elles s'appliquent même à
ternir & à obſcurir celle qu'elles peu-
vent avoir reçûe de la nature ; puis il dit
Lib. 2.
de cute.
fæmin.
c. 15.
aux femmes chrétiennes : Ne recher-
chez point l'or qui nous fait reſſouve-
nir des pechez du peuple d'Iſraël ; vous
devez au contraire le haïr, puiſqu'il a
été une occaſion de ſcandale à nos pe-
res ; qu'il les a détournez du culte de
Dieu, & qu'il les a portez à adorer
la figure d'un animal terreſtre. Voici
venir le temps du martyre ; on prepa-
re déjà les robes des Martyre, les An-
ges vont être les ſpectateurs de leurs
combats, & ils ne manqueront pas de
les ſoutenir & de les aſſiſter. Preſen-
tez vous donc à cette geurre ſainte
avec des vêtemens & des ornemens
qui ſoient convenables à des ornemens
de JESUS-CHRIST : au lieu de
vous étudier à avoir le tien frais &
blanc, apprenez des Prophetes & des
Apôtres à être ſimples ; que la pudeur
vous tienne lieu de vermillon ; que la
retenue releve l'éclat de vos yeux ; que
le ſilence ſoit l'ornement de votre
 424 La Vie bouche : faites ſervir vos oreilles non
à porter des pierres précieuſes, mais
à écouter la parole de Dieu ; ſoû-
mettez vos épaules au joug de JESUS-
CHRIST, obéiſſez à vos maris, & vous
ſerez parfaitement bien ornées. Oc-
cupez-vous à filer de la laine, ſoyez
aſſidues & ſedentaires dans vos mai-
ſons, & alors vous ſerez plus agrea-
bles à vos époux, que ſi vous portiez
de l'or & des ornemens tres riches.

Vous ne devez plaire qu'à vos ma-
ris, dit-il encore aux femmes chré-
tiennes. Or ſoyez perſuadées que vous
n'affecterez point de plaire à d'autres
perſonnes. Ne craignez point, mes
cheres ſoeurs, une femme ne paroît
jamais laide aux yeux de ſon mari ;
comme il l'a choiſie à cauſe de la pu-
reté de ſes moeurs , ou de ſa bonne
grace, il la trouve toûjours belle.
Ainſi ne vous imaginez pas que vos
maris vous hairoient, & qu'ils au-
roient de l'averſion de vos perſonnes,
ſi vous ceſſiez de vous orner & de vous
parer. Tous les maris conviennent en
ce point qu'ils veulent abſolument que
leurs femmes ſoient chaſtes. Ceux qui
ſont fideles ne ſe ſoucient pas qu'elles
aient de la beauté, parce que les Chré-
tiens ne doivent pas rechercher les
 425 des Gens Mariez. Ch. XXXIII. mêmes biens que les Payens ; & pour
ce qui eſt des infideles, la beauté leur
devient ſuſpecte, & ils conçoivent fa-
cilement des ſoupçons contre leurs
femmes, lorqu'elles ſont belles. A
quelle fin deſirez vous donc, ô femme
chrétienne, d'être belle, puiſque ſi
votre mari eſt fidele, il ne recherche
pas la beauté du corps ; & qu'au con-
traire s'il eſt infidele, il aura la vôtre
pour ſuſpecte, & qu'il vous accuſe-
ra d'en abuſer à ſon préjudice.

Hom. 1c
in Ep.ad
Coloſſ.
Saint Jean Chryſoſtome voulant auſſi
faire comprendre aux femmes chrétien-
nes, que ce n'eſt pas tant par leurs paru-
res & par leurs ajuſtemens, que par leurs
moeurs, qu'elles doivent deſirer de plaire
à leurs maris, leur repreſente qu'il doit
y avoir de la difference entre des fem-
mes proſtituées & des femmes legitimes;
que celles-là ne cherchent qu'à attirer
les hommes à elles par leurs vains orne-
mens & par la beauté de leurs corps ;
mais que pour ce qui eſt des autres, elles
ne doivent s'inſinuer dans l'eſprit de
leurs maris, & captiver leurs bonnes
graces, que par la ſageſſe de leur con-
duite, & par l'application qu'elles don-
nent à tout ce qui regarde le bien de
leurs familles.
Il paſſe même plus avant, car il ſou-
tient que les femmes qui affectent de

426
La Vie
Hom. 4.
in 1. ad
Timoth.
porter des ornemens mondains corrom-
pent leurs maris, & contribuent à les
perdre ; parce qu'elles les accoûtument
à n'aimer qu'une vaine beauté, & à ſe
plaire à la galanterie, ce qui eſt enſuite
cauſe qu'ils ſe débauchent, & qu'ils re-
cherchent la compagnie des femmes pro-
ftituées. En effet, lorſqu'une femme à
force de ſe parer & de s'ajuſter, a fait
entre dans le coeur de ſon mari l'amour
du luxe & de la vanité du monde, elle
ne poſſede pas enſuite fort long-tems
ſes bonnes graces. Car en peu d'années
ſa beauté ſe fletrit & perd ſon éclat ;
bein-tôt aprés elle n'eſt plus en état de
prendre part aux joyes & aux divertiſſe-
mens du ſiecle ; & les ornemens dont
elle ſe ſervoit auparavant, ne convien-
nent plus à ſon âge, ni à la diſpoſition
de ſon Corps. C'eſt pourquoi ſon mari
ſe dégoûte facilement d'elle ; il va cher-
cher ailleurs ce qu'il ne trouve plus en
ſa perſonnes ; il ſe laiſſe attirer par d'au-
tres femmes, qui étant jeunes & parées
de tout ce que le monde a de plus beau
& de plus magnifique, ſçavent joindre
à un air enjoué & agreable, mille com-
plaiſances & mille complimens, qui
achevent d'empoiſonner ſon coeur, &
de lui donner de l'éloignement de celle
qu'il étoit obligé d'aimer comme ſa com-
pagne, & comme une portion de lui-
même.

427
des Gens Mariez. Ch. XXXIII.
Mais au contraire, lorſqu'une femme
paroît toûjours en preſence de ſon mari
avec un exterieur grave & modeſte ;
qu'elle lui parle ſouvent des biens de l'é-
ternité & des devoirs du Chriſtianiſme ;
qu'elle lui inſpire du mepris pour le luxe
& le faſte du monde ; & qu'elle s'efforce
de l'attirer à Dieu, & de l'établir dans
une pieté ſolide & veritable par ſa mo-
deſtie & par la ſageſſe de ſa conduite,
rarement il ſe porte à la débauche ; il
n'eſt preſque point tenté de ſe repandre
dans les compagnies des femmes du ſie-
cle. Bien loin de cela il les évite & les
fuit, parce que tout ce qui s'y paſſe lui
déplaît & lui paroît indigne d'un hom-
me raiſonnable, & encore plus d'un
Chrétien, qui ne doit s'occuper que de
choſes ſerieuſes, & dont la converſation
Phil.3.
20.
doit être déja dans le Ciel, comme nous
en aſſure le grand Apôtre.
Ainſi on peut dire, que non ſeule-
ment la Religion & la pieté obligent
les femmes à être modeſtes, & à fuir
les vains ornemens du monde, mais que
leurs propres interêts les y engagent,
puiſque leurs maris profitant de l'exem-
ple de leur ſimplicité & de leur mo-
deſtie, s'accoûtumeront eux-memes à
être ſimples & modeſtes, les en eſti-
meront davantage, & les aimeront avec
beaucoup plus de fidelité, que ſi elles

Bandeau.
428
La Vie
étoient engagées dans le luxe & dans
les pompes du ſiecle.
Bandeau.

CHAPITRE XXXIV.


Que les femmes ſont obligées de ſe conſerver
pendant leur groſſeſſe ; qu'il faut qu'elles
regardent les douleurs de l'enfantement
comme une partie de leur penitence.
Quelles penſées elles doivent avoir,
lorſqu'elles ſe preſentent à l'Egliſe pour
être purifiées aprés leurs couches.
LA naiſſance des enfans étant la fin
premiere & principale du Mariage,
comme on l'a prouvé dés le commen-
Au Ch.
4.
cement de ce Livre, il eſt certain que les
femmes ſont obligées de ſe conſerver
pendant leur groſſeſſe, & d'éviter avec
ſoin tout ce qui pourroit nuire & cauſer
quelque préjudice au fruit qu'elles por-
tent dans leur ſein : car depuis le mo-
ment de la conception elles en ſont ſeules
les dépoſitaires ; Dieu & la nature les
en chargent ; & c'eſt à elles à en répon-
dre à leurs familles, & même à toute la
Republique, qui a interêt qu'on ne la
prive pas des citoyens qu'elle poſſede
déja, ou qu'elle eſprer de poſſeder
bien-ôt.

429
des Gens Mariez. Ch. XXXIV.
Ainſi il faut qu'elles s'abſtiennent des
mouvemens trop violens ; qu'elles ſe pri-
vent des plaiſirs & des divertiſſemens
qui ne conviennent pas à leur état, &
qui pourroient leur être dangereux ;
qu'elles ſe ménagent, & qu'elles ne
s'expoſent pas à des fatigues exceſſives,
qu'elles ſeroient obligées en d'autres
tems de ſupporter avec patience, &
quelqueſois même de rechercher
pour ſe mortifier, & pour faire peni-
tence. Il faut qu'elles aient ſoin de leur
ſanté, non par amour propre, ni à
cauſe d'elles-mêmes, mais en conſide-
ration de l'enfant qu'elles doivent met-
tre au monde, afin qu'il reçoive le ſaint
Baptême, qu'il ſoit incorporé à J.C.
& qu'il devienne un de ſes membres.
Il faut qu'elles ſe contraignent en plu-
ſieurs rencontres, qu'elles renoncent à
leurs inclinations les plus legitimes, &
qu'elles ſe faſſent une eſpece de vio-
lence, toutes les fois qu'elles jugent
que cela pourra contribuer à la con-
ſervation de leur fruit.
Lorſqu'on leur parle ainſi, on n'a pas
intention de les priver de leur liberté,
ni de leur impoſer un joug trop peſant ;
mais de les avertir d'un des plus impor-
tans de leurs devoirs, afin qu'elles u faſ-
ſent une attention ſerieuſe, & qu'elles
ne ſe rendent pas coupables de la mort

430
La Vie
de ceux qui n'ont pas encore vû le jour.
Car il eſt certain qu'il y a pluſieurs fem-
mes qui commettent des homicides,
quoiqu'à l'exterieur elles ne trempent
leurs mains dans le ſang : elles tuent
ceux qu'elles empêchent de naître par
leur negligence de la vie des enfans qui
ne viennent pas au monde, parce qu'el-
les y ont mis des obſtacles.
On ne prétend pas non plus les obli-
ger toutes également à mener une vie
ſedentaire pendant leur groſſeſſe ; car on
reconnoît qu'il y en a qui étant d'un tem-
perament fort & robuſte, peuvent agir &
moderoient les autres ; on veut ſeule-
ment leur faire entendre qu'elles doi-
vent veiller ſur elles-mêmes, & être
exactes à ne rien entreprendre qui
ſurpaſſe leurs forces, & qui puiſſe nuire
à l'enfant qu'elles portent dans leur
ſein.
Aux incommoditez de la groſſeſſe ſuc-
cedent les douleurs de l'enfantement.
Il faut ſans doute qu'elles ſoient tres-
grandes & tres-cuiſantes, puiſque lorſ-
que l'Ecriture veut marquer des peines
& des tribulations extraordinaires, elle
Pſ.47.7.
ſeſert toûjours de la comparaiſon d'une
femme qui eſt dans les tranchées de l'en-
fantement. Ils ont ſenti, dit le Roi Pro-

431
des Gens Mariez. Ch. XXXIV.
phete, des douleurs comme une femme qui Jerem.4
81.
eſt en travail ; J'entens,
dit Jeremie, dé-
crivant la deſtruction de Jeruſalem, la
voix comme d'une femme qui eſt en travail,
qui eſt dechirée par les douleurs de l'enfan-
tement ; j'entens la voix de la fille de Sion
qui eſt toute mourante. Nous les entendons
1bid.c.63
14.
déja venir de loin,
dit le même Prophe-
te
parlant des peuples qui devoient ſub-
juguer les Iſraëlites, & nos bras ſe trou-
vent ſans force ; l'affliction nous ſaiſit, &
la douleur nous accable, comme une fem-
me qui eſt en travail. Ephraim,
dit auſſi
Oſée. 13
23.
le Prophete Oſée, ſera comme une fem-
me qui eſt ſurpriſe par les douleurs de l'en-
fantement.

Mais plus ces peines ſont grandes &
ſenſibles, plus elles deviennent meritoi-
res pour les femmes qui les reçoivent
comme venant de la main de Dieu, &
qui les endurent avec patience & avec
ſoumiſſon à ſa ſainte volonté. Il faut
qu'elles faſſent reflexion, lorſqu'elles
ſentent ces ſortes de douleurs, que Dieu
dit à Eve aprés ſon peché, & en ſa per-
ſonne à toutes les autres femmes: Je vous
Geneſ. 2.
16.
affligerai de pluſieurs maux pendant votre
groſſeſſe, & vous enfanterez dans la dou-
leur,
car cette conſideration les portera
à les ſouffrir en eſprit de penitence, & à
les regarder comme une ſatisfaction
que Dieu leur a lui-même impoſée. Il

432
La Vie
faut qu'elles ſe conſiderent en ces ren-
contres comme des perſonnes que Dieu
met en penitence, afin qu'elles puiſſent
racheter & effacer leurs pechez. Il faut
qu'elles diſent avec le Prophete : Je por-
terai le poids de la colere du Seigneur,
Mich. 7.
6.
parce que j'ai peché contre lui.

Si elles ſont dans ces penſées & dans
deſtinées à les affliger & à les punir,
contribueront à les purifier & à les ſancti-
fier. Mais ſi elles les ſouffrent avec im-
patience, & en murmurant, elles ſeront
pour elles un veritable tourment, & ne
ſerviront qu'à les ſouiller de plus en
preſence de Dieu, ſuivant cette parole
Apoc.22.
11.
de l'Apocolypſe : Que celui eſt ſouillé,
ſe ſouille encore davantage.

Ce qu'on vient de dire des douleurs de
l'enfantement doit s'étendre de toutes
les incommoditez qui le precedent, ou
qui en ſont des ſuites ; car tout cela fait
partie de la penitence generale qui a été
impoſée à toutes les femmes aprés le
peché ; & Dieu leur aiant declaré qu'il
les affligeroit de pluſieurs maux pendant
leur groſſeſſe, elles ſont obligées de ſouf-
frir en paix & avec beaucoup de ſoumiſ-
ſion tout ce qui leur arrive pendant qu'-
elles ſont enceintes, & aprés même
qu'elles ont enfanté.
La

433
des Gens Mariez. Ch. XXXIV.
Levit. 12.
La loi écrite portoit que la femme qui
accoucheroit d'un fils ſeroit ſeparée des
choſes ſaintes, & privée de l'entrée du
Temple pendant quarante jours ; & que
celle qui auroit une fille, s'en abſtien-
droit pendant quatre vingt, & que l'u-
ne & l'autre ne ſeroient admiſes qu'a-
prés la ceremonie de leur purification.
Cette ordonnance qui n'étoit fondée que
ſur l'impureté legale, que les femmes
contractoient dans leurs couches, n'a
plus lieu maintenant, & n'oblige pas
abſolument les femmes chrétiennes de
ſe purifier avant que de participer à
nos ſains myſteres, & d'entrer dans nos
Egliſes. Le Pape ſaint Gregoire le declare
en écrivant à ſaint Auguſtin d'Angle-
terre : il ajoûte même que quand une
femme entreroit dans nos Egliſes le pro-
pre jour de ſes couches pour y rendre
Lib. 12.
ɛpiſt.
indict.
7. Ep.
31.
graces à Dieu de ſon heureuſe déli-
vrance, elle ne pecheroit point ; car ,
dit-il , ce ſont les plaiſirs & les vo-
luptez de la chair qui rendent impur,
& non pas la douleur qu'on endure
: or
il eſt viſible que les couches ſont ac-
compagnées de douleur & qu'on n'y
éprouve aucune volupté.
Le Pape Nicolas I. décide la même
Cap. 68.
choſe dans ſes répoſes aux conſulta-
tions des Bulgares : il dit qu'il faut s'en
tenir au decret de Saint Gregoire
T

434
La Vie
qu'on vient de rapporter.
Cap. uni-
co de pu-
r fic. poſt
partum.
Innocent III. ſuit auſſi ſa déciſion.
Il ajoûte neamoins enſuite, que s'il
ſe trouve des femmes qui par reſpect
veuillent s'abſtenir pendant quelque
temps de l'entrée de L'Egliſe aprés
leurs couches, il ne faut pas blâmer
leur devotion.
Saint Charles n'a pas fait non plus une
loi de cette ceremonie ; mais il l'a con-
ſeillée aux fideles comme étant tres-utile;
car il dit dans ſon premier Concile de
Milan
, que les Paſteurs doivent avertir
les femmes nouvellement accouchées
de venir à l'Egliſe dés qu'elles pourront
ſortir afin d'y rendre graces à Dieu, &
d'y recevoir la benediction de leur Pa-
ſteur.
La plûpart des Rituels portent auſſi
que les Curez doivent exhorter les fem-
mes à ſe ſoumettre à la ceremonie de
la Purification.
C'eſt pourquoi il faut conclure qu'à la
verité il n'y a aucune loi poſitive dans
le nouveau Teſtament qui oblige les
femmesà ſe purifier aprés leurs couches,
mais que neanmoins c'eſt une pieuſe &
louable coîtume qu'elles ne doivent pas
negliger, parce que peut attirer ſur
elles les graces du Ciel.
Il eſt donc à propos qu'aprés qu'elles
ſont gueries ; & qu'elles

435
des Gens Mariez. Ch. XXXIV.
forces, elles viennent à l'Egliſe dans un
habit modeſte & decent.
1. Afin de rendre graces à Dieu de ce
qu'il leur a donné un enfant, & de ce
qu'il l'a regeneré dans les eaux du Bap-
tême.
2. Afin de lui offrir ce même enfant,
& de lui rendre par une oblation vo-
lontaire ; c'eſt pourquoi elles feroient
bien, ſi cela leur étoit poſſible, de le
porter, ou de le faire porter avec elles
à l'Egliſe, parce qu'alors elles pourroient
en faire à la ſouveraine Majeſté de Dieu
une oblation réelle & actuelle.
3. Afin d'imiter la ſainte Vierge qui
ſe ſoumit à cette ceremonie ſans y être
obligée par aucun commandement de
la Loi, n'aiant pas conçû par la voie
ordinaire.
4. Afin de demander à Dieu pardon
des fautes, où elles peuvent être tom-
bées dans l'uſage du Mariage ; & afin
d'en être purifiées par la Benediction
du Prêtre, & par les prierres qu'il fait
pour elles dans cette ceremonie.
5. Afin d'obtenir de Dieu dans ſon
Temple les graces qui leur ſont neceſ-
ſaires pour bien élever leurs enfans,
pour les inſtruire de leurs devoirs &
de leurs obligations, & pour les ren-
dre dignes de lui appartenir.
T ij

Bandeau.
436

CHAPITRE XXXV.


Que les meres qui n'ont point d'empêche-
ment legitime, doivent nourrir leurs en-
fans de leur propre lait ; que les ſaints
Peres
blâment celles qui s'en exemptent
par de vains pretextes, & par des
raiſons qui ne ſont fondées qu ſur
leur amour propre.
ON s'étonnera peut-être que j'en-
treprenne de traiter de cette ma-
tiere dans un ſiecle, où la plûpart des
femmes, ſurtout celles qui ſont riches
& de condition, croient que c'eſt leur
propoſer une choſe abſolument au deſ-
ſus d'elles ; & leur faire une eſpece d'in-
jure, que de leur parler de nourrir elles-
mêmes leurs enfans. J'avoue qu'il y
en a pluſieurs qui ſont dans cette pen-
ſée, ſoit faute d'inſtruction, ou parce
qu'elles ont beaucoup d'amour propre
& qu'elles ne veulent pas ſouffrir la
moindre incommodité. Mais ce devoir
eſt d'une qualité à ne ceſſer pas d'obli-
ger, quand même il auroit été negligé
pendant un long temps, & par negligé
perſonnes, parce qu'il eſt fondé ſur le
droit naturel, contre lequel on ne ſçau-
roit jamais preſcrire.

437
des Gens Mariez. Ch. XXXV.
En effet, quoi de plus juſte & de plus
conforme à tous les principes de la na-
ture, qu'une femme qui a fourni de ſon
ſang & de ſa propre ſubtance pour for-
mer un enfant, & qui l'a porté neuf
mois dans ſon ſein, continue aprés qu'il
eſt né, de le nourrir de ſa même ſub-
ſtance, & qu'elle lui preſente ſa mam-
melle, afin de lui conſerver la vie qu'el-
le lui a donnée? Les animaux irraiſonna-
bles, & qui ne ſont conduits que par
point leurs petits aprés qu'ils les ont
mis au monde ; car les uns les allai-
tent eux mêmes, & les autres ne ceſ-
ſent point de leur apporter la nourri-
ture qui leur eſt neceſſaire, ils la vont
quelquefois chercher fort loin ; & il
n'arrive jamais que ceux d'entr'eux qui
ont du lait, les en privent. Pourquoi
donc les femmes qui ſont douées de
raiſon, & qui doivent être inſtruites
des obligations que la nature leur im-
poſe, prétendroient-elles ſe diſpenſer
de nourrir elles-mêmes leurs enfans ?
Et quelle raiſon legitime pourroient
elles alleguer, pour ſe diſpenſer de di-
ſtribuer à ces innoncentes creatures, ce
qu'elles n'ont reçû que pour elles?
Que l'on conſulte les Ecritures, &
l'on reconnoîtra que les ſaintes femmes
de l'antiquité avoient toûjours ſoin d'al-
T iij

438
La Vie
laiter elles-mêmes leurs enfans. On ne
ſçauroit douter qu'Eve nôtre premiere
mere n'ait rendu ce devoir aux ſiens ;
mais comme on pourroit dire qu'elle fut
contrainte d'en uſer ainſi, parce qu'il
n'y avoit point alors d'autres femmes,
je ne m'arrête pas à cet exemple, je
paſſe tout d'un coup aux ſiécle plus
avancez, où la terre étant fort peuplée,
les meres n'auroient pas manqué de
femmes ſur leſquelles elles auroient pû
ſe décharger de la nourriture de leurs
enfans, ſi elles avoient crû que cela leur
eût été permis.
Il eſt certain que Sara nourrit elle-
même ſon fils Iſaac ; car peu de tems
aprés ſa naiſſance elle prononça ces pa-
roles qui en ſont une preuve évidente:
Qui croirait, dit-elle, qu'on auroit jamais
pû dire à Abraham que Sara nourritoit
de ſon lait un fils qu'elle lui auroit en-
Gen.21.7
fanté lorſqu'il étoit déja vieux?

Anne femme d'Elcana aiant obtenu du
Ciel par ſes prieres un fils qu'elle nom-
ma Samuel, elle eut ſoin de le nourrir
de ſon propre lait ; l'Ecriture le marque
en termes précis. Elcana ſon mari, dit le
Texte ſacré, vint enſuite avec toute ſa mai-
I.Reg.1
21.22.23.
ſon à Silo pour immoler au Seigneur l'hoſtie
ordinaire ; & pour lui rendre ſon voeu. Mais
Anne n'y alla point, aiant dit à ſon mari :
Je n'irai point à Silo juſqu'à ce que l'enfant
 439 des Gens Mariez. Ch. XXXV. ſoit ſevré, & que je le mene avec moi, afin
que je le preſente au Seigneur, & qu'il
demeure toûjours devant lui. Elcana ſon
mari lui dit ; faites comme vous le jugerez
à propos & demeurez juſqu'à ce que vous
aiez ſevré l'enfant. Je prie le Seigneur qu'il
accompliſſe ſa parole. Anne demeura donc,
& elle nourrit ſon fils de ſon lait juſqu'à ce
qu'elle l'eut ſevré.

oſée. 1.8.
Gomer femme du Prophete Oſée
nourriſſoit ſes enfans, & l'Ecriture par-
le du tems auquel elle ſevra ſa fille, qui
par l'ordre du Ciel, & pour marquer un
grand miſtere, s'appelloit ſans miſeri-
corde.

L'Illuſtre mere des Machabées les
avoit auſſi allaitez elle-même ; elle ſe ſer-
vit dans la ſuite de cette conſideration
pour fortifier le plus jeune d'entr'eux, &
pour le porter à imiter le zele & la ge-
neroſité de ſes freres, qui avoient tous
enduré le martyre pour la défenſe de la
Loi du Seigneur. Mon fils, dit-elle,
2.Mach.
7.27. 288.
29.
aïez pitié de moi, qui vous ai porté neuf
mois dans mon ſein, qui nous ia nourri de
mon lait pendant trois ans, & qui vous ai
élevé juſqu'à l'âge où vous êtes. Je vous
conjure, mon fils, de regarder le Ciel & la
terre, & toutes les choſes qui y ſont renfer-
mées, & de bien comprendre que Dieu les a
créées de rien, auſſi bien que tous les hom-
mes ; ainſi vous ne craindrez point ce cruel
T iiij  440 La Vie boureau, mais vous rendant digne d'avoir
part aux ſouffrances de vos freres, vous re-
cevrez de bon coeur la mort, afin que je
vous reçoive de nouveau avec vos freres
dans cette miſericorde que nous attendons.

Ibid. c.6.
10.
L'Ecriture parle encore de deux ſain-
tes femmes qui furent accuſées pendant
la perſecution d'Antiochus, d'avoir cir-
concis leurs enfans ; on les mena publi-
quement dans toute la Ville de Jeruſa-
lem
, ayant ces enfans à leurs mamelles,
& enſuite on les précipita du haut des
murailles.
Enfin la ſainte Vierge nourrit JESUS
CHRIST
de ſon propre lait. C'eſt une
tradition dont il n'eſt pas permis de dou-
tere ; la plûpart des Interpretes les diſent,
lorſqu'ils expliquent ces paroles qu'une
femme adreſſa à ce divin Sauveur pen-
Luc. 11.
27.
dant ſa vie mortelle : Heureuſes ſont les
entrailles qui vous ont porté, & les mam-
melles que vous avez ſuccées.
Les ſaints Peres ont ſouvent propoſé
ces exemples tirez de l'Ecriture aux me-
res chrétiennes, afin de les porter à allai-
ter elles-mêmes leurs enfans, & en ont
pris occaſion de blâmer & de condam-
ner celles qui négligent de ſatisfaire à
cette obligation, que la nature leur im-
poſe.
Homil.
21.
Saint Baſile obſerve que Dieu ayant
deſtiné les femmes à nourrir & à élever

441
des Gens Mariez. Ch. XXXV.
les enfans, leur a donné un naturel plus
rendre & plus affectif qu'aux hommes.
Il dit que ſi elles étoient d'un tempera-
ment rude & auſtere, elles ne pour-
roient jamais ſe reſoudre à prendre en-
tre leurs bras, & à porter dans leur ſein
leurs enfans qui pleurent, & qui ſont de
mauvaiſe humeur, qu'elles ſeroient en-
core moins en état d'interrompre leur
ſommeil, & de ſe priver du boire & du
manger pour leur preſenter la mammel-
le. Ce qui fait voir clairement qu'il par-
le en ce lieu des meres qui nourriſſent
leurs enfans, c'eſt qu'il ajoûte que l'on
remarque que l'affection maternelle
dont elles ſont pleine, les empêche de
dormir, & ne leur permet point de s'ac-
corder aucun repos, toutes les fois
qu'elles voyent que leurs petits enfans
ont de la douleur, & qu'ils ſouffrent
quelque choſe.
Lorſque ce ſaint Docteur décrit la
conſtance & la generoſité des quarante
Martyrs
, qui furent expoſez tout nuds
par l'ordre du Tiran à la rigueur du froid
le plus âpre pendant l'hyver ; il donne
aſſez à entendre que la mere d'un d'en-
tr'eux qui exhorta ſon fils au martyre, &
qui le porta ſur le bûcher, où devoient
être brûlez le corps de ces fideles té-
moins de la foi de JESUS-CHRIST,
l'avoit elle-même allaité, puiſqu'il dit
T v

442
La Vie
qu'elle l'avoit encore plus nourride ;
maximes de la pieté chrétienne, que du
lait de ſes mammelles.
Le grand ſaint Jean Chryſoſtome par-
lant à ſes peuples de l'immenſe charité
de J.C. qui a bien voulu nous donner
ſa Chair & ſon Sang pour nourriture ,
ſe plaint en même tems de l'orgueil des
femmes riches qui ont honte de nourrir
elles-mêmes leurs enfants, & qui les con-
In Pſal.
50.
ſient à des nourrices étrangeres. Parmi
les pauvres, dit-il, lorſqu'une femme
met un enfant au monde, elle l'allaite
elle-même ; mais il n'en va pas ainſi
chez les riches : car une femme n'eſt
pas plûtôt accouchée, qu'elle bannit
ſon enfant de ſa maiſon, & le relegue
chez une autre femme pour y être
nourri ; ainſi le faſte & l'orgueil l'em-
pêche de s'acquitter d'un devoir que
l'amour maternel exigeroit d'elle. Elle
enfante & elle refuſe de nourrir ſon
enfant ; elle veut bien devenir mere,
mais elle auroit honte d'être nourrice.
JESUS-CHRIST n'en a pas uſé de la
ſorte ; car après nous avoir donné la
vie, il e encore eu ſoin de nous nour-
rir, nous preſentant ſa Chair à man-
ger & ſon Sang à boire.

Lib 1. de
Abrahâ ,
3. 7.
Saint Ambroiſe dit que la conduite de
Sara, qui allaita elle-même ſon fils
Iſaac, quoiqu'elle fût fort riche, doit

443
des Gens Mariez. Ch. XXXV.
ſervir d'inſtruction à toutes les meres
chrétiennes, & les porter à nourrir leurs
enfans de leur propre lait ; il ajoûte
qu'il leur eſt honorable de s'acquitter de
ce devoir ; que cela engage leurs maris
à les en conſiderer davantage, & qu'il
arrive qu'elles en ſont elles-mêmes plus
affectionnées à leurs enfans, & qu'elles
les aiment avec beaucoup plus d'ardeur
qu'elles ne ſeroient ſans cela.
Sermons
de tempo-
re barda-
ro. c. 5.
L'on voit dans un des Sermons de S.
Auguſtin
, que l'illuſtre ſainte Perpetue
étoit actuellement occupée à allaiter un
de ſes enfans, lorſqu'elle ſouffrit le mar-
tyre.
On ne ſçauroit rien deſire de plus
clair ni de plus fort, que ce que ſaint
Gregoire
dit ſur ce ſujet ; car non-ſeu-
lement il enſeigne que toutes les meres
doivent nourrir elles-mêmes leurs en-
fans, mais il regarde comme un grand
abus, & comme un deſordre tres-con-
ſiderable, qu'il y en ait quelques-unes
qui s'en diſpenſent. Il accuſe même d'in-
continence celles qui ſont dans cete pra-
tique ; il prétend qu'elles ne refuſent de
rendre ce devoir à leurs enfans, que par-
ce qu'elles ne veulent pas s'abſtenir de
l'uſage du Mariage juſqu'à ce qu'elles
les ayent ſervez ; ce qu'elles devroient
neanmoins faire, ſi elles étoient bien
inſtruites, & ſi elles ne ſe laiſſeroient point
T vj

444
La Vie
Lib. I.
Ep. indict.
7. Ep31.
dominer par leurs paſſions. Le mari,
dit-il, ne devroit point s'approcher de
ſa femme avant que l'enfant qu'elle a
mis au monde fût ſevré ; mais il s'eſt in-
troduit parmi les gens mariez une tres-
méchante coutume : les femmes negli-
geant d'allaiter leurs propres enfans,
les font nourrir par des nourrices étran-
geres auſquelles elles les confient. Cela
vient de leur incontinence : car elles ne
refuſent d'allaiter leurs enfans, que
parce qu'elles ne veulent pas s'éloigner
du commence conjugal pendant qu'el-
les leur donnent la mammelle.

Ad con-
ſulta Bul-
gar. cap.
64.
Les Bulgares ayant conſulté le Pape
Nicolas I
. ſur cette matiere, ce ſaint
Pontife blâma auſſi les femmes qui ne
nourriſſent pas leurs enfans ; il dit,
comme S. Gregoire, que c'eſt ordinai-
rement leur incontinence qui les en em-
pêche.
Du tems de Gregoire IX. un Juif
s'étant fait Chrétien, demanda qu'on
lui donnât ſon fils qui étoit âgé de qua-
tre ans, afin qu'il pût l'élever dans la
Religion Chrétienne. Sa femme qui ne
voulut point ſe convertir, s'y oppoſa ;
De con-
verſ. in-
fidel.c. 2.
& allegua que leur fils dans un âge ſi
tendre devoit demeurer avec elle ; &
qu'il lui étoit plus convenable qu'à un
homme, d'entrer dans le détail de tout
ce qui concernoit ſon éducation ; elle

445
des Gens Mariez. Ch. XXXV.
ajoûta pour rendre ſa prétetion plus fa-
vorable, qu'on devoit pas lui refuſez
un fils qu'elle avoit porté dans ſon ſein
avec beaucoup de fatigues, qu'elle avoit
mis au monde avec de tres-grandes dou-
leurs, & qu'elle avoit nourri & élevé
avec des travaux & des ſoins contî-
nuels : ante partum oneroſus, doloroſus in
partu, poſt partum laborioſus
: avant que
de naître, diſoit-elle, il m'a chargée &
fatiguée, en naiſſant il m'a cauſé de gran-
des douleurs ; & depuis qu'il eſt né, il
m'a coûté beaucoup de ſueurs & de peines.

Or les peines & les travaux qu'elle ſou-
tenoit avoir ſouffert à l'occaſion de ſon
fils après l'avoir mis au monde, étoient
une preuve qu'elle l'avoit nourri elle-
même ; car ſi elle s'étoit déchargée ſur
une autre femme de cet emploi, elle-
n'auroit pas eu raiſon de parler ainſi,
puiſque les enfans juſqu'à l'âge de qua-
tre ans, ne donnent ordinairement de la
peine qu'à leurs nourrices. Et par con-
ſequent on étoit alors perſuadé que les
meres devoient allaiter leurs enfans; que
celles qui s'acquittent de ce devoir, me-
ritent d'être conſiderées d'une maniere
particuliere, & qu'elles ont plus de
droit & de pouvoir ſur leurs enfans, que
celles qui après leur avoir donné la vie,
les abandonnent entre des mains étran-
geres.

446
La Vie
Il y a pluſieurs Docteurs modernes,
qui prouvent d'une maniere tres-ſolide,
que les meres ſont abſolument obligées
de rendre ce devoir à leurs enfans ; mais
comme ils alleguent tres-ſouvent les
mêmes raiſons, je me contenterai, afin
d'éviter les repetitions qui ſont toujours
ennuyeuſes, de rapporter le témoignage
du ſçavant Eſtius, qui comprend en peu
de paroles tout ce qu'on peut dire ſur ce
In lib. 3.
ſent. diſt.
37.
Paragra-
pbo 17.
ſujet. Il obſerve en expliquant le Deca-
logue
, que le quatriéme precepte & à
aſſiſter leurs parens ; il ajoûte enſuite
qu'il comprend auſſi les obligations des
peres & des meres envers leurs enfans; &
qu'entre ces obligations, l'éducation tient
le premier rang ; que les meres, qui ſans
une veritable neceſſité, donnent leurs
enfans à allaiter & à élever à d'autres
femmes, ne ſatisfont point à ce premier
de leurs devoirs ; qu'elles tiennent une
conduite oppoſée à celle de Sara, d'Anne
mere de Samuel, de la mere des Macha-
bées
, de la ſainte Mere de JESUS-
CHRIST
, & de pluſieurs autres ſain-
tes femmes de l'antiquité; & qu'elles ſont
même condamnées par l'exemple des
animaux & des bêtes farouches, qui ont
toujours ſoin d'allaiter leurs petits.
Ainſi, ſelon ce celebre Docteur, les
meres qui ne nourriſſent pas leurs en-

447
des Gens Mariez. Ch. XXXV.
fans, contreviennent au quatriéme Pré-
cepte du Decalogue ; elles refuſent de ſe
ſoumettre à une des plus importantes de
leurs obligations ; elles s'éloignent de la
conduite qu'ont tenue les plus ſaintes
femmes des premiers ſiecles ; elles té-
moignent même avoir moins d'humani-
té que les animaux & les bêtes ſauvages.
Il ne ſera pas inutile de joindre à tant
de témoignages differens, celui de l'il-
luſtre Scevole de Sainte Marthe, qui s'eſt
ſignalée dans le ſiecle précedent, & dans
le commencent de celui-ce par ſon
proſond ſçavoir, & par ſa vive éloquen-
ce : car il ne dit jamais rien que de tres-
judicieux, & prend toujours le parti de
la juſtice & de la raiſon. Il prouve dans
un Ouvrage celebre qu'il a compoſé ſur
la maniere de nourrir les enfans à la
mammelle, que les meres doivent les
allaiter elles-mêmes. J'approuve fort
Ce Philoſophe quel qu'il ſoit, dit-il,
qui ordonna autrefois que les meres
allaitaſſent elles-mêmes leurs enfans, &
qu'il n'y eût qu'elles qui leur donnaſ-
ſent la nourriture. La nature, cette
bonne & ſage mere exige cela d'elles :
elle les avertit dans les tems de ce de-
voir, & elle leur prépare avec ſageſſe
de quoi nourrir leur fruit : car du mo-
ment qu'elles ont conçû dans lerus en-
trailles, & que cette maſſe informe a
 448 La Vie commencé de ſe former, leurs mam-
melles ſe rempliſſent d'un heureux
nectar ; & elles conſervent cette pro-
viſion pour ſervir de nourriture à l'en-
fant qui doit naître ; puis quand il eſt
venu au monde, & qu'il a rempli l'air
de ſes cris, comme pour demander
quelque aſſiſtante, cette liqueur fai-
ſant auſſi-tôt effort pour ſortir des
membranes où elle eſt retenue, témoi-
gne avoir envie d'accourir au ſecours
de cet enfant pour lui conſerver la vie.
Si vous l'en empêchez, elle ſe fermen-
te dans les mammelles ; & en y exci-
tant une unfinité de douleurs, elle fait
porter à cette mere ingrate la juſte
peine qu'elle merite.

Si prohibes , furit in mammis , turbaſque
dolorum
Miſcet, & ingratâ pænas à matre repoſcit.
Il repreſente qu'il n'y a point de nour-
riture qui ſoit plus convenable à un en-
fant que le lait de ſa mere ; parcequ'il
lui eſt proportioné, & qu'il a naturel-
lement toutes les qualitez propres à le
fortifier & à le faire croître. Il prétend
que c'eſt lui faire tort, que de lui en don-
ner un autre auquel il n'eſt pas accoûtu-
me, & qui provient ſouvent d'une fem-
me dont le temperament n'a nul rapport

449
des Gens Mariez. Ch. XXXV.
au ſien, & qui eſt même ſujete à des
défauts conſiderables, qui ſe communi-
quent quelquefois à ceux qu'elle nour-
rit. Il déclare que celles qui confient la
nourriture de leurs enfans à des femmes
étrangeres, ſont entierement dépour-
vûes de jugement, puiſqu'elles veulent
que d'autres faſſent par interêt, ce qu'el-
les ne veulent pas elles-mêmes faire par
raiſon & par pieté. Il les accuſe même
de renoncer à la tendreſſe & aux affe-
ctions les plus legitimes que la nature
inſpire à toutes les meres.
Les Ourſes des Alpes, ajoûte cet Au-
teur
en s'adreſſant à une mere, les Ty-
greſſes, & generalement toutes les bêtes
feroces, ſuivant en cela l'inſtincts de la
nature, preſentent à leurs petits leurs
mammelles pour les allaiter ; & vous que
la nature a douée d'un naturel plus
doux, ſurpaſſerez-vous en cruauté les
animaux les plus ſauvages ? Ces gages
précieux ne vous toucheront-ils point ?
N'aurez-vous point de compaſſion des
plaintes & des larmes de vôtre enfant ?
& par une injuſtice crainte lui refuſe-
rez-vous le ſecours que vous êtes obli-
gée de lui donner, & qui ne dépend
que de vous ſeule ? Qui eſt-ce qui por-
tera entre ſes bras ce malheureux en-
fant, & ſur la poitrine de qui ſe repo-
ſera-t-il. Qui eſt-ce qui aura le plaiſir
 450 La Vie d'entendre ſes premiers ris, & le doux
murmure des premieres paroles qu'il
prononcera d'une langue bégaïante ?
Inſenſée que vous êtes, pourrez-vous
ſouffrir qu'une autre que vous jouiſſe
de ce contentement ? & l'embonpoint,
gorge ſont-ils préferables à ce devoir ?

L'on peut enfin ajoûter que la maxime
que nous établiſſons, eſt ſi certaine & ſi
indubitable, que les Païens mêmes l'ont
enſeignée; & qu'ils ont ſoutenu que les
femmes qui ne nourriſſent pas elles-mê-
mes leurs enfans, ne ſont que des demi
meres ; qu'elles s'éloignent des inten-
tions de la nature, & qu'elles violent ſes
droits les plus eſſentiels. C'eſt aller con-
tre l'inſtruit de la nature, dit Aulu
Gelle
, & n'être mere qu'à demi, que
d'avoir mis un enfant au monde, & de
Lib. 12.
c. I.

le chaſſer auſſi-tôt d'auprès de ſoi ;
d'avoir nourri dans ſon ſein & de ſon
propre ſang une maſſe informe de
chair qu'on ne voyoit pas, de
refuſer de nourrir de ſon lait un en-
fant qui a la figure d'homme, qui
eſt plein de vie, que l'on voit de
ſes propres yeux, & qui implore le
ſecours & l'aſſiſtance de ſa mere.

Cet Auteur dit encore auſſi-bien que
les ſaints Peres, dont on a ci-deſſus rap-
porté les témoignages, que les femmes

451
des Gens Mariez. Ch. XXXV.
qui refuſent de nourrir leurs enfans de
leur propre lait, les aiment ordinaire-
ment beaucoup moins que ceux à qui
elles rendent ce devoir ; & que ces mê-
mes enfans n'ont preſque point d'amour
pour elles, parce que toute leur tendreſſe
ſe tourne vers celles qui leur ont preſenté
leurs mammelles, & qui ont été comme
ſubſtituées à la place de leurs veritables
meres.
Il faut neanmoins demeurer d'accord
que ces reproches ne tombent que ſur
celles, qui ſans une veritable neceſſité,
font nourrir leurs enfans par des femmes
étrangeres. Car lorſqu'elles manquent
de ſanté ; qu'elles ſont ſujettes à des in-
diſpoſitions conſiderables ; qu'elles n'ont
point de lait, ou qu'il leur ſurvient d'au-
tres empêchemens legitimes, elles ſont
diſpenſées de ce devoir, & peuvent con-
fier leurs enfans à d'autre femmes.
Mais elles ſont obligées en ces ren-
contres de leur choiſir des nourrices qui
ſoient de bonnes moeurs, qui ayent une
humeur douce & honnête, & qui ai-
ment la vertu, afin qu'ils puiſſent parti-
ciper à leurs bonnes qualitez : car il ar-
rive tres-ſouvent que les enfans reſſem-
blent à leurs nourrices, & qu'ils ont
leurs inclinations. Si elles ſont ſages &
moderées, ils le ſont auſſi ; & au con-
traire, ſi elles ſe laiſſent dominer par de

452
La Vie
grandes paſſions, ils y ſuccombent pa-
reillement ; & l'on remarque qu'ils tien-
nent preſque autant de celles dont ils
ont ſuccé le lait, que de leurs propres
meres.
C'eſt pourquoi il eſt de la derniere
conſequence de ne leur donner pour
reglées ; & l'on peut dire que les parens,
& ne s'appliquent point à examiner leurs
moeurs & leurs inclinations, témoignent
être peu ſenſibles au bien ſpirituel, & au
ſalut de leurs enfans ; & qu'au même
tems qu'ils ſe mettent en danger de per-
dre & d'empoiſonner leurs ames.
Bandeau.

CHAPITRE XXXVI.


Des tribulations qui accompagnen preſque
toujours le Mariage ; & de l'uſage que
les gens mariez en doivent faire.
J'AI parlé dès le commencement de
ce Livre , du malheur de ceux qui en-
trent mal dans le Mariage : je paſſe main-
tenant plus avant ; & je ne fais point
difficulté de dire qu'il y a des peines &
des tribulations qui accompagnent preſ-

453
des Gens Mariez. Ch.XXXVI.
que toujours cet état, & dont ceux qui
s'y engagent avec les intentions les plus
droites & les plus legitimes, ne ſont pas
exempts. On ne doit être ſurpris de
cette propoſion, puiſqu'elle eſt tirée
de l'Ecriture & des ſaints Peres.
Quoique ſaint Paul releve beaucoup
la virginité ; & qu'il exhorte tous les
Fideles à l'embraſſer, il demeure nean-
moins d'accord que le Mariage eſt bon,
& qu'on peut legitiment s'y engager:
I. Cor.
7. 28.
Si vous épouſez une femme, dit cet Apô-
tre, vous ne pechez point ; ſi une fille ſe
marie, elle ne peche point auſſi;
mais il
ajoûte enſuite, les perſonnes mariées ſouf-
friront les afflictions de la chair.
Il déclare
par-là que tous ceux qui contractent
Mariage, s'abuſent étrangement, s'ils
ſe promettent d'y mener toujours une
vie douce & tranquille, & qu'ils doi-
vent au contraire s'attendre d'y éprou-
ver des traverſes & des tribulations tem-
porelles. C'eſt ce que l'on voit arriver
tous les jours : car il eſt comme impoſſi-
ble que les maris & les femmes qui s'ai-
ment le plus tendrement, ne ſe cauſent
de tems en tems quelque chagrin les
uns aux autres ; qu'ils ne ſe trouvent de
differens ſentimens en pluſieurs rencon-
tres, & qu'ils ne ſe faſſent de la peine,
même ſans y penſer.
Outre cela leurs enfans ne leur ſont

454
La Vie
pa toujours ſoûmis comme ils le de-
vroient ; ſouvent même ils ſe revoltent
contr'eux, & s'emportent à des excès
qui leur percent le coeur de douleur.
Quand même ils n'éprouveroient pas
ces ſortes de tribulations domeſtiques,
ils trouvent dans la conduite de leurs
familles, & dans l'adminiſtraction de
leur bien mille ſujets d'affliction ; car
étant obligez de pourvoir leurs enfans,
& de penſer à leur établiſſent, ils
s'en trouvent ſouvent empêchez par des
pertes qu'ils ſouffrent, & par de fâcheu-
ſes affaires qui leur ſurviennent ; ce qui
les trouble & les chagrine.
A la verité ceux qui vivent dans le
celibat ſont ſujets à de pareils accidents :
mais comme ils ne ſont pas chargez d'en-
fans, & qu'ils ne penſent point à s'avan-
cer dans le monde, ces ſortes de diſgra-
ces ne leur ſont pas ſi ſenſibles ; ſou-
vent même ils les ſouffrent avec joie, &
en remercient Dieu, bien loin de s'en
affliger.
Lib. 2.
adverſus
Jovinian.
Saint Jerôme conſiderant que l'Apô-
tre
nous aſſure que ceux qui ſe marient
ſouffrent les afflictions de la chair, ob-
ſerve qu'il faut que les hommes ſoient
bien aveuglez de s'imaginer qu'ils n'é-
prouveront que de la joie & de la ſa-
tisfaction dans cet état ; & qu'ils n'y
ſeront expoſez à aucunes tribulations.

455
des Gens Mariez. Ch. XXXVI.
Lib.de
ſancta
Virgnit.
c. 21.
Saint Baſile deſcend dans le détail
des ſoins, des ſollicitudes & des peines
qui affligent la plûpart des ma-
riez : il repreſente qu'une femme eſt
toujours dans le trouble & dans l'agi-
tation à l'occaſion de ſon mari & de
ſes enfans ; que ſi ſon époux eſt bon,
elle craint de le voir mourrir ; parce
que la viduité eſt accompagnée & ſuivie
de grandes miſeres & d'afflictions con-
tinuelles. Qu'elle eſt auſſi dans l'inquie-
tude à cauſe de ſes enfans ; qu'elle appre-
hende d'en être privée ; que leur abſence
l'afflige ; qu'elle les enfante avec douleurs ;
qu'elle les éleve avec peine ; qu'elle les
poſſede avec chagrin, & qu'elle en eſt
privée avec amertume.
Il eſt évident que tout ce que ce ſaint
Docteur dit des femmes, convient auſſi
aux maris, & qu'ils ſont expoſez aux
mêmes craintes & aux mêmes inquietu-
des. Ainſi il faut conclure que ſelon ce
Pere, il y a des peines & des tribulations
qui ſont preſque inſeparables de l'état du
Mariage.
Lib. de
ſancta
Virginis.
C. 21.
Saint Auguſtin dit même qu'elles ſont
en ſi grand nombre, que l'Apôtre ſaint
Paul
a crû n'en devoir parler qu'en ter-
mes generaux, & qu'il a évité de les ex-
pliquer dans le détail, de peur que ſi on

456
La Vie
les connoiſſoit toutes, on ne voulût plus
ſe marier ; & que ceux même qui doi-
vent ſe refugier dans le Mariage, com-
me dans un port, contre les attaques de
l'incontinence, ne s'en éloignaſſent, &
qu'ils ne ſe perdiſſent en ſuivant l'impe-
tuoſité de leurs paſſions.
Cela étant tres-veritable, il faut que
tous ceux qui entrent dans le Mariage,
ſe préparent à ſouffrir les chagrins &
les tribulations de cet état. Il faut, par
exemple, que les maris ſoient réſolus
d'endurer les peines & les fatigues qui
ſe rencontrent dans la conduite de leurs
affaires, de travailler pour faire ſub-
ſiſter leurs familles, de ſupporter les foi-
bleſſes & les défauts de leurs femmes &
de leurs enfans, de ſacrifier leur vie &
leur ſanté pour s'acquiter de leurs de-
voirs & de leurs obligations. Il faut que
les femmes ſe ſoumettent aux deſirs &
aux volontez de leurs maris ; qu'elles
s'appliquent avec ſoin à tout ce qui re-
garde le détail de leur ménage, & qu'el-
les ne ſe rebutent point de tout ce qui
repugne à la nature, & qui contriſte
l'amour propre dans l'éducation des en-
fans. Il faut enfin que les uns & les au-
tres ſe préparent à la patience ; qu'ils
acceptent volontiers, & qu'ils embraſ-
ſent même avec joye tout ce qu'il y a
de rude & de fâcheux dans le mariage ;
qu'ils

457
des Gens Mariez. Ch. XXXVI.
qu'ils s'en ſervent pour ſe mortifier,
& pour racheter leurs pechez ; & de lui
en faire un ſacrifice volontaire. Par ce
moyen ces ſortes de peines & de tribu-
lations qui ſont le tourment & le ſup-
plice des mondains, & qui leur ſont
tres-ſouvent une occaſion de chûte & de
conſolation, contribueront à les ſancti-
fier, augmenteront leurs merites, & leur
procureront le ſalut éternel.
Bandeau.

CHAPITRE XXX VII.


Pour quelles cauſes il peut être permis aux
gens mariez de ſe ſeparer, & de
faire divorce.
DU tems de la loi écrite les divorces
étoient tres-frequens ; car les ma-
ris étoient en poſſeſſion de repudier leurs
femmes, non-ſeulement lorſqu'elles tom-
boient dans l'imputeté, mais auſſi dès
qu'elles commençoient à leur déplaire,
& qu'il leur ſurvenoit quelque diſſormi-
té exterieure qui les rendoit moins belles
& moins agréables qu'auparavant :Si un
homme,
eſt-il dit dans le Deuteronome,
ayant épouſé une femme, & ayant vêcu
avec elle, en conçoit enſuite du dégoût
V  458 La Vie à cauſe de quelque difformité, il fera un écrit
Deut. 24.
1.2.3.
de divorce, & l'ayant mis entre les mains
de ſa femme, il la renvoira hors de ſa mai-
ſon. Et ſi en étant ſortie, & ayant épouſé
un ſecond mari, ce ſecond conçoit auſſi de
l'averſion d'elle, & qu'il la renvoye en-
core hors de ſa maiſon, après lui avoir don-
né un écrit de divorce, ou s'il vient à mou-
rir, le premier mari ne pourra plus re-
prendre pour lui cette femme.

Cette coutume qui étoit introduite
parmi les juifs, étoit contre la nature
du Mariage, & contre ſa premiere inſti-
tution : JESUS-CHRIST nous l'ap-
prend dans l'Evangile ; car les Phariſiens
étant venus le trouver pour le tenter, lui di-
Math.
19. 3. &
ſequent.
rent ; Eſt-il permis à un homme de quitter
ſa femme pour quelque cauſe que ce ſoit ? Il
leur répondit : N'avez-vous point lû, que
celui qui a créé l'homme, crea au commen-
cement un homme & une femme, & qu'il eſt
dit : Pour cette raiſon, l'homme abandon-
nera ſon pere & ſa mere, & il demeure-
ra attaché à ſa femme, ils ne ſeront tous
deux qu'une ſeule chair ; ainſi ils ne ſe-
ront plus deux, mais une ſeule chair,
Que l'homme donc ne ſepare pas ce que
Dieu a joint. Mais pourquoi, lui dirent-
ils, Moïſe a-t-il marqué qu'un homme peut
quitter ſa femme, en lui donnant un écrit
par lequel il déclare qu'il la repudie? Jeſus
leur répondit : c'eſt à cauſe de la dureté de
 459 des Gens Mariez. Ch. XXXVII. vôtre coeur que Moïſe vous a permis de
quitter vos femmes : Mais cela n'a pas été
ainſi dès le commencement.

Ainſi cette liberté que les Juifs s'at-
tribuoient de quitter leurs femmes pour
toutes ſortes de cauſes, n'étoit pas une
ordonnance de la Loi, mais une ſimple
permiſſion que Moïſe leur avoit don-
née à cauſe de la dureté de leur coeur ;
& pour prévenir les excès auſquels leurs
paſſions auroient pû les porter, lorſque
leurs femmes ne leur auroient pas été
agréables.
In cap. 53.
Matth.
S. Jerôme dit ſur ce ſujet, que Moïſe
avoit intention, non de les porter à faire
divorce, mais de les empêcher de com-
mettre de meurtres, & qu'il étoit beau-
coup plus à propos de ſouffrir qu'ils ſe
ſeparaſſent, que de les mettre en danger
de verſer le ſang les uns des autres en les
obligeant de demeurer toûjours enſem-
ble.
Hom. 17.
in Matth.
Saint Jean Chryſoſtome dit auſſi la
même choſe ; il obſerve qu'on leur ſouf-
froit un moindre mal pour en empêcher
un plus grand.
C'eſt pourquoi le Prophete Malachie
déclare que ceux qui en vertu de cette
permiſſion, ou plûtôt de cette toleran-
ce de le Loi, quittoient leurs femmes
pour toutes ſortes de cauſes, étoient
injuſtes & péchoient : car lorſque ceux
V ij

460
La Vie
qui tenoient cette conduite lui repre-
Malach.
2. 16.
ſentoient pour ſe juſtifier, que Le Seigneur
Le Dieu d'Iſraël a dit par la bouche de
Moïſe ; lorſque vous aurez conçû de l'a-
verſion pour vôtre femme, renvoiez-là :

il leur repliquoit, & moi je vous ré-
pons, le Seigneur des armées a dit : que l'i-
niquité de celui qui agira de la ſorte, con-
vrira ſes vêtemens
: c'eſt-à-dire, que ſon
injuſtice ſera ſi grande & ſi viſible, qu'il
ne pourra la cacher, & qu'il en ſera tout
ſouillé.
On ne doit point s'arrêter à ce qui
ſe pratiquoit paprmi ce peuple charnel,
ner lieu au divorce entre des Chrétiens ;
mais il faut examiner ce qui en eſt dit
dans le nouveau Teſtament, dans les S.
Peres
, & dans les Canons de l'Egliſe.
A l'égard du nouveau Teſtament, il
y eſt marqué en termes précis qu'un
mari peut ſe ſeparer de ſa femme, lorſ-
qu'elle tombe dans la fornication, c'eſt-
Matth.5.
31. 32.
à dire, dans l'adultere. Il a été dit aux
anciens, dit JESUS-CHRIST, quicon-
que veut quitter ſa femme, qu'il lui donne un
écrit, par lequel il déclare qu'il la repudie :
moi je vous dis, que quiconque quitte ſa
femme, ſi ce n'eſt en cas de fornication, la
fait devenir adultere.

C'eſt ſur ce paſſage que les ſaints Do-
cteurs
de l'Egliſe ſe fondent, lorſqu'ils en-

461
des Gens Mariez. Ch. XXXVII.
ſeignent que l'adultere donne lieu au
Tract. 9.
in Joan.
divorce. Un homme, dit ſaint Auguſtin,
peut repudier ſa femme qui commet a-
dultere ; car ayant violé la foi conjuga-
le, elle ſemble avoir renoncé elle-mê-
me à la qualité de femme, & elle ne me-
rite plus d'en porter le nom. Celui qui
répudie ſa femme pour ce ſujet, dit en-
core ce Pere, ne la rend pas adultere,
mais il ne fait que ſe ſeparer & s'éloi-
gner d'elle à cauſe de ſa proſtitution.
Saint Jerôme déclare auſſi, que l'a-
In cap.
19.Matt.
dultere eſt une cauſe legitime à un hom-
me de faire divorce avec ſa femme, il

ſoûtient même avec l'Ecriture, qu'il eſt
Prov.18.
22.
un inſenſé & un méchant s'il retient
auprès de lui.
Comme les femmes ſont égales à leurs
maris dans ce qui regarde l'uſage du Ma-
riage, les ſaints Peres enſeignent qu'elles
ont auſſi droit de faire divorce, & qu'-
elles peuvent ſe ſeparer d'eux, lorſqu'ils
s'abandonnent à l'impureté.
Saint Jerôme dit que comme un mari
qui a repudié ſa femme, ne peut pas en
prendre une autre pendant qu'elle vît ;
une femme qui a quitté ſon mari à cau-
ſe de ſes diſſolutions, ne ſçauroit auſſi
ſuppoſe donc que les femmes ont le pou-
voir de ſe ſeparer de leurs maris qui ſont
impurs.
V iij

462
La Vie
Il paſſe même plus avant, lorſqu'il
parle de Fabiole53 qui quitta ſon mari à
cauſe qu'il avoit avoit commis adultere ; car
il ſoûtient qu'il y auroit de l'injuſtice de
permettre aux maris de faire divorce
Ep. 30.
avec leurs femmes, qui ſont tombées
dans l'impureté, & d'obliger les femmes
à demeurer avec leurs maris, lorſqu'ils
s'abandonnent à des adulteres.
Lib. 1. de
Serm.
Domin.
in mon-
ie. c. 16.
Saint Auguſtin eſt dans le même ſen-
timent: Le droit, dit-il, de ſe pouvoir
quitter l'un autre en cas de fornica-
tion , eſt reciproque à l'un &à l'autre :
car ce n'eſt pas ſeulement de la femme
que l'Apôtre dit, que ſon corps n'eſt
pas en ſa puiſſance, mais en celle de
ſon mari ; il a auſſi dit du mari que
ſon corps n'est pas en ſa puiſſance,
mais en celle de ſa femme.

Le Pape Innocent III. reconnoît auſſi
que les femmes peuvent ſe ſeparer de
52.q.5.c.
chriſtia-
na.
leurs maris dans les mêmes occaſſions, où
le divorce eſt permis aux hommes.
Mais il n'eſt pas neceſſaire de chercher
dans les ſaints Peres & dans les Decrets
des Papes d'autres preuves de cette pro-
poſitions, puiſque ſaint Paul décide for-
mellement, que la femme peut auſſi-bien
I. Cor. 7.
10. II.
que le mari faire divorce. Quant à ceux
qui ſont déja mariez, dit-il, ce n'eſt pas
moi, mais le Seigneur qui leur fait ce com-
mandement, qui eſt que la femme ne ſe
 463 des Gens Mariez. Ch. XXXVII. ſepare point d'avec ſon mari : que ſi elle
s'en ſepare, qu'elle demeure ſans ſe marier,
ou qu'elle ſe reconcilie avec ſon mari.

Il faut ſçavoir, que celui du mari ou
de la femme, qui veut ſe ſeparer de l'autre
pour cauſe d'adultere, doit être innocent
de ſon côté ; car s'il eſt auſſi tombé dans
l'impureté, il ne peut plus faire divorce,
& le peché de ſa partie eſt compenſé
avec le ſien. C'eſt une choſe tres-in-
juſte, dit ſaint Auguſtin, qu'un mari
veuille faire divorce avec ſa femme
pour raiſon de quelque fornication
lorſqu'il en eſt lui-même coupable : on
peut fort bien lui appliquer ces paro-
les de l'Apôtre : En accuſant les autres,
vous vous condamnez vous-même,
puiſque vous faites les mêmes choſes
que vous condamnez. C'eſt pourquoi
celui-même innocent de ce crime.
L'on doit dire la même choſe à l'é-
gard de la femme qui veut ſe ſeparer
de ſon mari.

extrde
adulteriis
&ſtupro
cap. tua
fraternit.
Le Pape Innocent III. déclare auſſi
que des maris & des femmes qui veulent
faire divorce, doivent être eux mêmes
innocens : il a mêne décidé que ſi après
s'être ſparez de leur partrie à cauſe de
ſon impureté, ils s'y abandonnent eux-
mêmes, on les doit obliger de la repren-

464
La Vie
dre & de vivre enſemble comme aupara-
vant, parceque des pechez de cette na-
ture ſont en quelque maniere éteints &
effacez par une compenſation mutuelle
entre les perſonnes intereſſées qui les
ont commis.
L'adultere eſt la cauſe principale & la
plus ordinaire du divorce ; c'eſt pourquoi
JESUS-CHRIST s'eſt contenté de mar-
quer qu'un mari peut quitter & répudier
ſa femme qui tombe dans la fornication.
Mais il ne faut pas s'imaginer qu'il n'y
ait point d'autres raiſons qui puiſſent
donner lieu à la ſéparation : car ce ſeroit
condamner l'uſage de l'Egliſe, qui permet
aux fideles mariez de ſe ſeparer pour
d'autres ſujets ; ce ſeroit même s'élever
Seſſ. 24.
c. 8.
contre l'autorité du Concile de Trente,
qui prononce anathême contre ceux qui
diſent que l'Egliſe tombe dans l'erreur ;
lorſqu'elle enſeigne qu'il y a pluſieurs
cauſes pour leſquelles les gens mariez
peuvent ſe ſeparer pour un certain tems,
ou pour toujours.
Et auſſi il arrive tres-ſouvent que lorſ-
qu'un des deux, du mari ou de la femme
attente contre la vie de l'autre, ou qu'il
l'outrage conſiderablement, on accorde
la ſeparation a celui qui eſt innocent,
& qui à ſouffert la violence. Quoique
Home. 26.
in.ad Cor.
puiſſe faire vôtre femme, dit S.Chryſo-
ſtome
à un mari, vous ne devez jamais
 465 des Gens Mariez. Ch. XXXVII. entreprendre de la frapper & de la bat-
tre ; que dis-je lorſque j'avance que
vous ne devez point battre votre
femme ? Il eſt indigne d'un hom-
me d'honneur de battre même ſon eſ-
clave, & de lui faire quelque outrage.
Or s'il eſt honteux de battre un eſclave,
à plus forte raiſon doit-on rougir de
honte de s'emporter contre une femme
libre, & de lui faire violence. C'eſt ce
que vous pouvez apprendre des Legiſ-
lateurs meme Payens ; car ils jugent
qu'une femme qui a été outragée par
ſon mari, n'eſt plus obligée d'habiter
avec lui ; ils regardent un tel homme
comme indigne de jouir de ſa com-
pagnie. En effet c'eſt un crime énorme
à un mari, de traiter avec indignité &
comme une miſerable eſclave celle
qui eſt ſa compagne, & dont il a be-
ſoin dans les choſes les plus importan-
tes. C'eſt pourquoi je croi qu'on peut
comparer un tel homme, ſi neamoins
on doit encore l'appeller un homme, &
non pas une bête feroce, à un patricide,
puiſqu'il outrage celle pour laquelle la
Loi de Dieu l'oblige de quitter ſon
pere & ſa mere.

Les ſouverains Pontifes ont pareille
ment jugé qu'une femme qui ſouffre de
grandes violences de la part de ſon ma-
ri, a droit de ſe ſeparer de lui. Si la

V v

466
La Vie
Extra de
reſtitut.
ſpoliato-
rum. c.
litter.
cruauté du mari, dit Innocent III. à
un Archidiacre qui le conſultoit ſur une
afaire de cette nature, eſt ſi grande
qu'on ne trouve point de moyen de
pourvoir à la ſureté de ſa femme qui
l'apprehende, non-ſeulement on
ne doit pas l'obliger de retourner avec
lui, mais il faut les ſeparer.

Alexandre III. dit auſſi aux Evêques
d'Amiens & de Beauvais à l'occaſion
Cap. ex
tranſmiſ-
ſa cod.
Titul.
d'une femme qui demandoit d'être ſepa-
rée, que ſi ſon mari lui témoigne une
ſi grande haine, qu'elle ait un juſte ſu-
jet de ſe défier de lui, on doit la donner
en garde à une honnête femme, ou la
mettre dans un lieu où ſon mari, ni au-
cun de ſes parens, ne puiſſe lui faire au-
cune violence, juſqu'à ce que les procès
en ſeparation ſoit vuidé & terminé.
Il y a encore d'autres cauſes de ſepa-
ration, comme par exemple, lorſqu'un
de ceux qui ſont unis par le Mariage,
veut obliger l'autre d'embraſſer l'hereſie,
de faire ſchiſme, ou de renoncer entiere-
ment à la Religion : mais ces occaſions
étant tres-rares, on ne s'arrête pas à
prouver que le divorce eſt permis en de
telles rencontres ; il ſuffit d'en avertir
les Fideles.
Mais il ſemble abſolument neceſſaire
de leur dire qu'encore qu'il y ait des rai-
ſons legitimes qui leur permettent quel-

467
des Gens Mariez. Ch. XXXVII.
quefois de ſe ſeparer ; ils doivent nean-
moins faire tout ce qu'ils peuvent pour
éviter d'en venir à une telle extrémité ;
qu'ils doivent témoigner à leurs époux
toute ſorte de patience, de douceur &
de moderation, afin de les faire rentre
en eux-mêmes ; qu'ils doivent deman-
der à Dieu leur converſion par des prie-
res humbles & ferventes ; qu'ils doivent
pour le bien de la paix, diſſimuler leur
mauvaiſe humeur, & leurs actions peu
regulieres ; qu'ils doivent tenter toutes
ſortes de moyens pour les éloigner des
compagnies qui leur ſont dangereuſes,
& qui les Eccleſiaſtiques les plus pieux &
les plus éclairez, les rendre Juges de
leur conduite, & ne prendre aucune re-
ſolution que par leur avis ; parce qu'ils
doivent craindre de ſe laiſſer aller eux-
mêmes à leurs paſſions, de porter trop
loin leur reſſentiment, & d'agir en cette
affaire, qui leur eſt de la derniere conſe-
quence, avec colere & avec précipita-
tion.
La Loi écrit qui ſembloit être ſi fa-
vorable au divorces, comme on l'a ci-
devant vû, travailloit neamoins à en
éloigner les Juifs, & elle ne leur per-
mettoit de s'y déterminer qu'après plu-
ſieurs délais , & y avoir murement pen-
V vj

468
La Vie
ſé. C'eſt pourquoi elle ordonnoit que
celui qui vouloit quitter ſa femme, fiſt
un écrit de divorce , & le lui donnât
avant que de la renvoyer hors de ſa mai-
ſon. Elle prenoit cette précaution, dit
LIb. 19.
contra
Fauſt. c.
26.
S. Auguſtin, afin que le mari ayant en-
core l'eſprit indéterminé, & comme ſur
le penchant, pût être arrêté, & revenir
de la colere qui l'agitoit pendant le tems
qu'il falloit pour faire cet écrit de divor-
ce. Outre cela ce ſaint Docteur remar-
que encore, que ce n'étoit pas les ma-
ris qui écrivoient ces billets ; mais les
Scribes & les Docteurs de la Loi qui
étoient plus éclairez, & faiſoient pro-
feſſion d'une plus haute ſageſſe que le
reſte des Juifs. Ainſi la Loi renvoyoit
aux plus ſages Interpretes de ſes ordon-
nances, pour faire l'écrit de divorce,
ceux qui prétendoient quitter leurs fem-
mes, afin que ces hommes pacifiques mé-
nageaſſent cependant tous les moyens de
remettre bien enſemble les femmes avec
leurs maris ; ou qu'au moins s'ils ne
pouvoient procurer cette reconciliation
par tous leurs conſeils, il parut par cet
écrit de divorce qu'ils leur faiſoient,
qu'il y avoit de tres grands ſujets de ſe-
parat on entre ceux que toute l'autorité
& la ſageſſe des Docteurs de la Loi
n'a voit pas été capable de réunir.
Il faut donc à pas plus forte raiſon, que

469
des Gens Mariez. Ch. XXXVII.
les Chrêtiens qui doivent être plus par-
faits que cet ancien peuple, ne ſoient
pas prompts & faciles à faire divorce ; il
faut qu'ils y penſent pluſieurs fois devant
Dieu ; qu'ils pratiquent long-tems la pa-
tience, & qu'ils endurent beaucoup de
choſes, avant que d'avoir recours à ce re-
mede violent & extraordinaire ; il faut
même que leurs époux ſoient tombez
dans un tel excès de débauche & de
cruauté, qu'il n'y ait plus lieu d'eſperer
qu'ils changent, ni qu'ils ſe convertiſ-
ſent : car s'ils prennent la réſolution de
ſe ſeparer, dès qu'ils ont reçû quelque
mécontement, & ſouffert quelque in-
jure, ils ne ſuivent pas l'eſprit de l'E-
gliſe qui eſt un eſprit de douceur & de
patience, ils imitent au contraire les
Juifs qui étoient prompts, emportez &
vindicatifs.
Bandeau.

CHAPITRE XXXVIII.


Qu'il y a une eſpece de ſeparation qui eſt
tres-ſainte , parcequ'elle ſe fait par pie-
té, & pour tendre à la perfection.
LEs ſeparations dont on a parlé dans
le Chapitre précedent, ne ſont nulle-
ment favorables ; parce qu'elles ne peu-
vent avoir lieu que lorſque le mari ou la

470
La Vie
femme tombent dans l'impureté, ou dans
d'autres excès criminels, & qu'elles rom-
pent l'union qui devroit regner entr'eux.
Mais il y en a une qui merite d'être
louée, & à laquelle les perſonnes les plus
ſaintes peuvent aſpirer, parce qu'elle eſt
conſomme à la pieté, & qu'elle ne tend
qu'à les conduire à la perfection.
Cette ſeparation ſe fait lorſque des
gens mariez qui ſont touchez de Dieu,
& qui cherchent à ſe rendre de plus en
plus agreables à ſa ſouveraine Majeſté,
forment la réſolution de garder la con-
tinence d'un mutuel conſentement, ſoit
qu'ils demeurent encore enſemble ; &
qu'agiſſat à l'exterieur dans tout le reſte
comme maris & femmes, ils s'abſtien-
nent de l'uſage du Mariage pendant tout
le cours de leur vie, ou ſeulement durant
quelques années.
Saint Gregoire Pape après avoir prou-
vé, qu'il n'eſt point permis à ceux qui
vivent dans le Mariage, d'entrer en Re-
ligion ſans le conſentement les uns des
ɛp. l .9.
Ep. 18.
autres, ajoûte enſuite : Mais qui eſt-ce
qui oſeroit blâmer les perſonnes ma-
riées, ſi elles demeurent d'accord de
garder la continence, puiſque Dieu qui
permet de vivre d'une maniere moins
parfaite, ne défend pas d'aſpirer à ce
degré de perfection? Ainſi lorſqu'un
 471 des Gens Mariez. Ch.XXXVIII. mari & une femme veulent augnementer
leurs merites devant Dieu, ou pleurer
leurs pechez paſſez, & en faire peni-
tence, il leur eſt permis de s'obliger à
garder la continence, & d'embraſſer
un genre de vie plus parfaite.

Lib I.de
Sermon.
Dom. in.
monte. c.
15.
Saint Auguſtin dit que vivre ainſi dans
le Mariage, c'eſt la ſouveraine perfection
des gens mariez ; & que ceux qui em-
braſſent cette pratique ſainte, obſervent
à la lettre cette parole de l'Apôtre : Le
tems eſt court ; ainſi que ceux qui ont des
I.cro.7I
29.
femmes, ſoient comme s'ils n'en avoient
point.

Ce ſaint Docteur ajoûte que la ſainte
Vierge
& S. Joſeph ſont le modele de
tous ceux qui ſous le voile du Mariage
vivent dans la continence ; il prouve par
Lib.2.de
conſenſu
Evang.c.
I.
leur example, que le Mariage peut fort
bien ſubſiſter, quoiqu'on s'abſtienne du
commence conjugal, parcequ'effective-
ment il y a eu un veritable Mariage entre
eux, S. Joſeph étant toujours appellé
dans l'Evangile l'Epoux de la ſainte
Vierge.
Il déclare dans un de ſes Sermons,
qu'il connoît pluſieurs Fideles, qui pré-
Serm.5I
c.I3.
venus d'une grace abondante , n'uſent
point du Mariage, & s'entr'aiment nean-
moins tres parfaitement. Il dit même
que l'amour qu'ils ſe portent croît & ſe
fortiſie à proportion du ſoin qu'ils ont

472
La Vie
de mortifier & de reprimer leur concu-
piſcence : il ajoûte que plus femme
eſt chaſte, plus elle eſt ſoûmiſe à ſon
époux ; & qu'un mari qui vit ainſi ſa
femme ; qu'il l'aime d'une maniere ſainte
& honnête ; qu'il l'aime comme celle
qui participe avec lui aux graces du
Sauveur ; qu'il l'aime comme JESUS
-CHRIST aime ſon Egliſe.
Ep.18.
Saint Jerôme parlant d'un homme
nommé Lucinius, qui gardoit la conti-
nence avec ſa femme, dit qu'il ne lui
étoit plus uni que par l'eſprit ; qu'il la
regardoit, non comme ſon épouſe, mais
comme ſa ſoeur ; qu'il ne la conſideroit
plus comme ſon inferieure, mais comme
ſa compagne dans la milice Chrétienne ;
qu'il portoit avec elle le jug de JESUS
-CHRIST ; & que l'un & l'autre n'a-
voient plus d'autre occupation que de
chercher le Royaume des Cieux.
In cap.19
Matth.
Lorſque le même ſaint Docteur expli-
que ces paroles de JESUS-CHRIST,
que l'homme ne ſepare point ce que Dieu a
joint;
il dit que Dieu ayant tellement uni
le mari & la femme, qu'ils ne font plus
qu'une même chair, un pur homme ne
ſçauroit les ſeparer, & qu'il n'y a que
Dieu qui puiſſe rompre leur union, il
ajoûte que ſi un mari quitte ſa femme &
qu'il en prenne une autre, l'homme en-

473
des Gens Mariez. Ch. XXXVIII.
treprend alors de ſeparer ce que Dieu a
joint : mais que quand un mari & une
femme vivent enſemble comme s'ils n'é-
toient plus mariez, c'eſt Dieu même qui
les ſepare ; & qu'ainſi leur ſeparation eſt
tres-ſainte.
27.q.2.
c. ſcripſit.
Le Pape Nicolas I. déclare auſſi que
lorſque des gens mariez ſe ſeparent pour
ſe donner plus particulierement à Dieu,
& afin d'avoir plus de tems pour vaquer
aux affaires de leur ſalut, c'eſt Dieu mê-
me qui les ſepare ; & qu'on ne peut pas
dire en cette occaſion, que l'homme
s'efforce de ſeparer ce que Dieu a joint.
L'on trouve encore dans le Droit Ca-
nonique, pluſieurs Decrets qui favoriſent
ce ſortes de ſeparations : car l'Egliſe
permet à un des époux de faire des voeux
dans une Religion, ou de prendre les
Ordre ſacrez, pourvû que ſa partie y
conſente, & faſſe auſſi des voeux, ſoit en
demeurant dans les ſiecle, ſi elle eſt hors
d'âge de donner aucun ſoupçon, ou en ſe
retirant pareillement dans un Monaſtere.
C'eſt pourquoi il faut louer & hono-
rer les gens mariez, qui pour tendre à la
perfection, ſe privent volontairement de
l'uſage du Mariage, & vivent enſemble
comme des freres & des ſoeurs. Mais ils
ne doivent pas ſe déterminer inconſide-
rément à ce genre de vie ; ils ſont obli-
gez de prier beaucoup, & de s'éprouver

474
La Vie
long-tems avant que de l'embraſſer, ſur-
tour s'ils veulent faire des voeux, & ſe
lier les mains pour toûjours.
C'eſt le conſeil que leur donne l'Au-
teur de la Lettre à Celancie54 : car après
avoir obſervé que ſaint Paul ordonne à
ceux qui vivent dans le Mariage, de ſe
ſeparer de tems en tems pour vaquer à la
priere, & de retourner enſuite enſemble
pour éviter les tentations de Satan, il
cap. 19.
ajoûte : Lorſque l'Apôtre dit qu'il faut
ſe ſeparer l'un de l'autre qu'on eſt obligé de ſe
bien éprouver, lorſqu'on a deſſein de
garder la chaſteté, afin que par ces di-
vers intervalles de tems, on puiſſe
mieux reconnoître quelles ſont ſes for-
ces ſur ce ſujet ; & qu'ainſi l'un & l'au-
tre puiſſe ſans peril promettre une cho-
ſe que tous deux ſont obligez de gar-
der inviolablement, quand ils l'ont
promiſe

Ce conſeil eſt ſans doute plein de pru-
dence, & les gens mariez doivent y faire
beaucoup d'attention : il leur eſt en effet
de la derniere conſequence, de ne pas
contracter des obligations qui ſoient au
deſſus de leurs forces, & auſquelles ils
ne puiſſent pas ſatisfaire dans la ſuite :
Eccl.5.4

car la Sage nous aſſure que la promeſſe in-
fidele & imprudente déplait à Dieu ; &
qu'il vaut beaucoup mieux ne point faire de
 475 des Gens Mariez. Ch. XXXVIII. voeux, que d'en faire, & de ne les ac-
complir.

Mais lorſqu'après y avoir fait toutes
les réflexions neceſſaires, ils ont formé
doivent vivre avec beaucoup de précau-
tion, & prendre tous les moyens qui
peuvent faciliter l'execution de leur deſ-
ſein. C'eſt pourquoi il faut qu'ils prient
& qu'ils élevent ſouvent leurs mains au
Ciel, afin d'engager Dieu à les fortifier
& à les ſoûtenir : il faut qu'ils jeûnent,
qu'ils ſe mortifient, & qu'ils faſſent une
penitence continuelle, afin de dompter
leurs corps, & de les réduire en ſervi-
tude, à l'exemple du grand Apôtre ; il
faut qu'ils évitent une trop grande fami-
liarité entr'eux, s'ils demeurent encore
enſemble, & qu'ils imitent à peu près la
conduite que des freres & des ſoeurs ſages
& Chrétiens doivent tenir, lorſqu'ils
habitent dans un même logis : il faut en
un mot qu'ils pratiquent la plûpart des
conſeils que nous avons propoſez aux
Vierges dans un autre volume. Car ils
ſont obligez comme elles, de ſe main-
tenir dans la pureté, & de vivre dans
leurs corps mortels comme s'ils n'en
avoient point. On peut même ajoîter
que leur vigilance doit être plus grande
& plus exacte que celles de ces ſaïntes
épouſes de JESUS-CHRIST, parce qu'il

476
La Vie
eſt plus difficile, ſelon les ſaints Peres,
de s'abſtenir du commence conjugal,
aprés en avoir uſé, que de garder une
virginité perpetuelle.
Bandeau.

CHAPITRE XXXIX.


Que les maris & les femmes ne doivent point
trop s'affliger à la mort les uns des au-
tres. Par quels moyens ils peuvent faire
connoître que l'amour qu'ils ont eu les uns
pour les autres, étoit ſincere & legitime.
APrès avoir expliqué les devoirs que
les gens mariez ſont obligez de ſe
rendre les uns aux autres pendants leur
vie, je croi qu'il eſt à propos de leur
parler de la maniere dont ils doivent ſe
conduire, lorſque l'un d'entr'eux vient
à mourrir, afin qu'en étant inſtruits, ils
évitent en ces rencontres : car pluſieurs ne
gardent aucune meſure, & ſe laiſſent al-
ler à une douleur exceſſive, qui les des-
honore, qui les prive du merite qu'ils
pourroient tirer de cette ſeparation, s'ils
la ſupportoient en veritables Chrétiens.
On ne dit pas qu'il leur ſoit défendu
de reſſentir de la triſteſſe, & de s'affli-
ger à la mort de ceux avec qui ils ont

477
des Gens Mariez. Ch. XXXIX.
été unis pendant leur vie : on reconnoît
au contraire avec ſaint Auguſtin, qu'ils
ser. 17
ſeroient cruels & inhumains, s'ils n'en
étoient point touchez. Mais on prétend
que la grace doit venir au ſecours de la
nature, que leur douleur doit être ſage,
moderée & reglée par les lumieres de
la foi ; & qu'après avoir verſé quelques
larmes, & témoigné par-là leur ten-
dreſſe pour les défunts, ils doivent ſe
conſoler, en conſiderant qu'ils ſont heu-
reux d'avoir fini leur courſe, d'être ſor-
tis des miſeres & des tribulations de cette
vie, & de poſſeder les biens éternelles,
après leſquelles nous sommes tous obligez
de ſoûpirer.
A la verité Abraham pleura & s'affli-
gea à la mort de Sara ſon épouſe ; Joſeph
verſa auſſi des larmes, lorſqu'ils vit que
Jacob ſon pere étoit mort : mais l'un &
l'autre demeurerent dans une juſte mo-
deration ; & après avoir rendu leurs de-
voirs à ces chers défunts, ils adorerent
avec humilité les ordres de Dieu, & leur
ſoûmiſſion à ſa ſouveraine volonté eſſuïa
bien tôt leurs larmes.
Il faut même conſiderer qu'ils ont vê-
cu dans un tems, où il étoit non ſeule-
Hom.67.
inGen.
ment permis, mais juſte & raiſonnable
de s'affliger de la mort de ſes parens &
de ſes amis : car dit S. Jean Chryſoſto-
me
, les portes de l'enfer n'ayant pas en-

478
La Vie
core été briſées, le Ciel demeuroit fer-
mé, & perſonne n'y entroit. Ainſi on
pouvoit alors pleurer & regreter la mort
de ceux qu'on aimoit ; parcequ'au même
tems qu'on étoit privé de leur preſence,
on ne pouvoit pas eſperer qu'ils fuſſent
en poſſeſſion de la felicité éternelle.
Mais ce n'eſt plus maintenant la mê-
me choſe : JESUS CHRIST étant
Act.2.24
Heb.20.
19.10.
mort & reſſuſcité, il a arrêté les dou-
leurs de l'enfer, il nous a ouvert une
voye nouvelle, & nous avons la liberté
d'entrer avec confiance dans le Sanctuai-
re éternel par le merite de ſon Sang. C'eſt
pourquoi on ne doit plus s'affliger de la
mort de ceux avec qui on étoit lié d'a-
mitié, ou au moins on ne doit en avoir
qu'une douleur moderée, & qui ne dure
pas trop long tems ; parcequ'on ſçait
que s'ils ont bien vêcu, ils n'ont quitté la
terre, qui eſt pour nous tous un lieu d'e-
xil & de banniſſement, que pour entrer
dans le ſéjour de la gloire, où ils re-
cueillent les fruits de tous leurs travaux,
& où ils jouiſſent d'un repos éternel.
Saint Paul ayant deſſein d'inſtruire
les Fideles, & de leur marquer quels ſen-
timens ils doivent avoir à la mort de
leurs parens & de leurs amis, leur dé-
fend de s'abandonner à la triſteſſe, & de
s'en afliger avec excès ; parceque cela
ne convient qu'aux Infideles, qui n'ont

479
des Gens Mariez. Ch. XXXIX.
rien à eſperer en l'autre vie. Nous ne vou-
lons pas, mes freres, leur dit-il, que vous
1. Theſſ.
c. 13. 14.
ignoriez ce que devez ſçavoir touchant
ceux qui dorment, (c'eſt-à-dire qui ſont
morts), afin que vous ne vous attriſtiez
pas comme font les autres hommes qui n'ont
point d'eſperance : car ſi nous croyons que
Jeſus-Chriſt eſt mort & reſſuſcité, nous
devons croire auſſi que Dieu amenera avec
Jeſus, ceux qui ſe ſeront endormis en lui du
ſommeil de la mort.

Il faut par conſequent demeurer d'ac-
cord que les maris & les femmes qui
s'abandonnent entierement à la douleur ;
qui forment des plaintes & des murmu-
res, & qui tombent dans une eſpece de
deſeſpoir à la mort les uns des autres,
ne ſe conduiſent pas par les lumieres de
la foi, & ſont indignes de porter le
nom de Chrétiens. On ne s'étonne pas
que des Infideles qui ne penſent qu'à la
vie preſente, & qui n'en attendent point
d'autre, ſoient inconſolables lorſque la
mort leur enleve leurs parens ; mais on
ne comprend pas comment des Chrétiens
qui croyent que les morts doivent reſſuſ-
citer, & qui eſperent une gloire éternel-
le, peuvent en ces recontres ſe laiſſer
dominer par leur douleur, & faire mille
choſes qui combattent contraires à tous les
principes de leur Religion.

480
La Vie
Ce n'eſt donc point par les larmes
exceſſives que les gens mariez verſent,
par les ſoûpirs continuels que leur coeur
pouſſe, & par l'abbattement exterieur
où ils ſe trouvent lorſque la mort les
ſepare les uns des autres, que l'on peut
reconnoître s'ils s'entr'aiment ſincere-
ment, puiſque tout cela eſt indigne de
Chrétiens, & ne reſpire que l'infidelité :
mais il y a d'autres moyens de s'en auſſu-
rer, il faut s'autres marquer quelques-uns aux
Lecteurs.
1. Une femme qui aime chrétienne-
ment ſon mari, ne ſe contente pas de
verſer des larmes ſteriles, & de remplir
l'air de plaintes & de gemiſſemens, lorſ-
qu'il vient à mourrir ; mais elle penſe à
ſoulager ſon ame par des prieres, par des
aumônes, & par de bonnes œuvres :
car c'eſt-là le ſecours que les défunts at-
tendent des vivants qui leur ont été af-
Serm.
172.
fectionnez. Les pompes funebres, dit
ſaint Auguſtin, le grand cortege qui ac-
compagne un corps mort, l'appareil
avec lequel on fait la ſepulture, la ma-
gnificence du tombeau, & les autres
choſes ſemblables ne ſervent qu'à con-
ſoler les vivans, & ne ſoulagent point
les morts. Mais il ne faut point douter
que les prieres que la ſainte Egliſe fait
en leur faveur, que le ſacrifice ſalutai-
re qu'elle offre pour eux, & que les
aumônes  481 des Gens Mariez.Ch. XXXIX. aumônes que l'on diſtribue à deſſein de
les ſecourir, ne leur ſoient tres-utiles ;
& que tout cela ne porte Dieu à les
traiter avec plus de miſericorde que
ne meritoient leurs pechez.

Ainſi plus une femme aime ſon mari,
plus elle a ſoin de prier pour lui ; de
faire offrir le ſacrifice adorable de nos
Autels pour les repos de ſon ame ; de
diſtribuer des aumônes aux pauvres, &
de pratiquer de bonnes œuvres à ſon in-
tention. C'eſt par-là qu'on doit juger de
ſon amour, & non point par les témoi-
gnages exterieurs de ſa douleur, qui n'eſt
ſouvent qu'une diſſimulations affectée, &
qui dure ordinairement d'autant moins,
qu'elle paroît d'abord plus violante.
2. On reconnoît qu'une femme étoit
affectionnée à ſon mari, lorſqu'on re-
marque qu'elle ſuit les ordres qu'il lui
a preſcrits en mourant ; qu'elle execute
ſes dernieres volontez, qu'elle maintient
ſa reputaion, & qu'elle honore ſa me-
moire. Car c'eſt-là le devoir des femmes
ſages & prudentes, qui ſont prevenues
d'eſtime pour leurs époux : & lorſqu'on
en voit qui oublient les avis & les con-
ſeils qu'elles ont reçûs d'eux, qui ne pro-
curent pas l'execution de leurs teſtamens,
& qui negligent leur reputation & leur
memoire ; on a droit de conclure que
l'amour qu'elles leur ont témoigné, n'é-
X

482
La Vie
toit pas ſincere, ou qu'au moins il n'é-
toit pas gravé profondement dans leur
coeur : car comment concevoir qu'on ait
aimé veritablement ceux pour qui on a
tant d'indifference, & qu'on oublie ſi
facilement ?
Lib.I.ad
verſus
Jovinia-
num.
3. Saint Jerôme rapporte que parmi
les Indiens, les femmes qui perdoient
leurs maris, ſe jettoient tres-ſouvent
dans le bûcher ſur lequel on brûloit leurs
corps, afin de témoigner qu'elles les a-
voient aimez tres-tendrement, puiſqu'el-
les ne voulaient pas leur ſurvivre. Les
Hiſtoriens nous apprennent que cette
coûtume s'étoit auſſi introduite chez
d'autres peuples. Mais comme cela n'a
été obſervé que par des Infideles, & que
nôtre Religion défend ces ſortes de pra-
tiques, & les met au nombre des ſuper-
ſtitions & des choſes illicites, il eſt évi-
dent qu'en uſer ainſi, n'eſt pas un témoi-
gnage d'amour, mais plûtôt un crime &
un attentat.
Chez les autres nations, les hommes
& les femmes, pour témoigner leur dou-
leur à la mort de l'un d'eux, ſe ſont re-
vêtus d'habits triſtes & lugubres ; la mê-
me choſe s'obſerve encore parmi nous,
& il eſt tres-rare de trouver des perſon-
nes qui ſe diſpenſent de ſuivre cette coû-
tume. Mais c'eſt-là un ſigne fort équi-
voque ; & il arrive tres ſouvent que ſous

483
des Gens Mariez. Ch.XXXIX.
des ornemens de deuil, on porte un
coeur plein de joie ; & bien loin
d'être affligé de la mort des défunts, on
s'en réjouit, parcequ'on poſſede leurs dé-
pouilles.
C'eſt pourquoi ne doit point juger
de l'amour d'une femme pour ſon mari,
ni de la douleur qu'elle reſſent de ſa mort,
par les habits triſtes & lugubres qu'elle a
ſoin de porter : mais il faut avoir égard
à la vie qu'elle mene après ſon decès :
il faut examiner ſi elle ſe conduit comme
une veritable veuve doit faire ; il faut
entrer dans le détail de ſes actions ; car
elles ſont de fideles témoins de ſa diſpo-
ſitions interieure.
Lib. de fi-
de reſur-
rect.
Saint Ambroiſe dit à ce propos qu'une
des meilleures preuves qu'une femme
puiſſe donner de l'amour qu'elle a eu
pour ſon mari, & de la douleur que lui
cauſe ſa mort, c'eſt de paſſer le reſte de
ſes jours dans les pleurs & dans les lar-
mes, & de ne point contracter un ſe-
cond Mariage. En effet on a tout ſu-
jet de ſe défier de la ſincerité de celles,
qui publiant à haute voix qu'elles ont
aimé tres tendrement leurs maris, &
qu'elles ſont fort touchées de leur mort,
les oublient peu de tems après, & en
prennent d'autres; car ſi leur amour étoit
auſſi grand, & leur douleur auſſi ſenſi-
X ij

484
La Vie
ble qu'elles le diſent, elles ne paſſeroient
pas ſi facilement à de ſecondes nôces, &
ne ſe preſſeroient pas tant de ſortir de
leur état de viduité, ſur tout lorſque
rien ne les oblige de ſe remarier.
Celles qui veulent que l'on croie qu'el-
les ſont veritablement affligées de la mort
de leurs époux, devroient imiter autant
qu'elles en ſont capables, le celebre Ju-
dith
, qui étant demeurée veuve, ſe fit
Judith.8.
preparer au haut de ſa maiſon une cham-
bre ſecrete, où elle demeuroit renfermée
avec les filles qui la ſervoient. Elle por-
toit continuellement ſur ſes reins, dit
le Texte ſacré, un rude cilice, elle jeû-
noit tous les jours de ſa vie, excepté les
jours de ſabbat, les premiers jours du
mois, & les fêtes de la Maiſon d'Iſraël :
elle étoit parfaitement belle, & ſon mari
lui avoit laiſſé de grandes richeſſes, &
un grand nombre de ſerviteurs & au mi-
lieu de tout cela elle étoit tres-eſtimée
de tout le monde, parce qu'elle avoit
une grande crainte du Seigneur, & il
n'y avoit perſonne qui dît la moindre
parole à ſon deſavantage.
Anne la Propheteſſe pouroit encore
leur ſervir de modele ; car ayant perdu
ſon mari fort jeune, & après ſept ans
ſeulement de mariage, elle demeuroit
ſans ceſſe dans le Temple ; elle s'appli-

485
des Gens Mariez.Ch.XXXIX.
quoit uniquement au culte & au ſervice
de Dieu, elle faiſoit de la priere & du
Jeûne ſon occupation la plus ordinaire.
Les femmes qui vivent de la ſorte,
témoignent publiquement qu'elles ont
aimé leurs maris, & qu'elles reſſentent
une vive douleur de leur mort. Mais
celles qui s'abandonnent à la joie & aux
plaisirs, & qui penſent dès qu'elles ſont
veuves, à contracter d'autres alliances,
ayent été fort affectionnées à leurs pre-
miers époux, ni que leur mort leur ait
cauſé beaucoup d'affliction.
4. Enfin c'eſt en s'appliquant ſerieu-
ſement à donner une bonne éducation
à leurs enfans, en leurs devoirs, &
en travaillant à les mettre en état de ſou-
tenir la réputation de leurs peres, &
d'honorer leur memoire, que les femmes
peuvent prouver qu'elles ont veritable-
ment aimé leurs maris. Car les peres vi-
vant dans leurs enfans, c'eſt les aimer
& les honorer, que d'avoir ſoin de bien
élever & de former à la vertu ceux qu'ils
ont mis au monde, & qu'ils ont laiſſé les
heritiers de leur nom & de leurs biens.
Ce qu'on vient de dire des femmes,
regarde auſſi les maris. Ils ſont obligez
de rendre les mêmes devoirs à leurs
épouſes que la mort leur ravit. Ils doi-
X iij

486
La Vie
vent prier pour elles, diſtribuer des au-
mônes, & faire offrir le ſacrifice auguſte
de nos autels pour le repos de leurs ames.
Ils doivent procurer l'execution de leurs
dernieres volontez, & témoigner en ne
contractant pas ſi-tôt d'autres Mariages,
à moins qu'ils n'y ſoient contraints par
une neceſſité indiſpenſable, qu'ils ſe ſou-
viennent d'elles, & qu'ils honorent leur
memoire. Ils doivent avoir ſoin que leurs
enfans ſoient bien élevez. Ils doivent
même entrer dans le détail de pluſieurs
choſes qui regardent leur éducation, &
dont ils n'auroient pas été obligez de ſe
mêler, ſi leurs femmes avoient vêcu.
C'eſt ainſi qu'ils témoigneront que l'a-
mour qu'ils leur ont porté, étoit ſincere
& veritable.
Il faut avertir les lecteur avant que
de finir ce Chapitre, que quand on dit
que les gens mariez qui ne ſe remarient
pas après la mort les uns des autres, ſont
connoitre qu'ils s'entr'aimoient verita-
blement, on ne prétend pas condamner
les ſecondes nôces, ni établir pour ma-
xime generale, que toutes les perſonnes
qui contractent de ſeconds Mariages,
n'ont point eu d'amour pour leurs époux
qui ſont morts : car l'on ſçait que ſaint
Paul
approuve les ſecondes nôces, &
qu'il conſeille même aux jeunes veuves
de ſe remarier, afin d'éviter les inconti-

487
des Gens Mariez. Ch. XXXIX.
nences auſquelles elles pourroient étre
expoſées à cauſe de l'inconſtance & de la
legereté de leur âge ; mais on a ſeulement
deſſein de faire comprendre aux Fideles,
que ſelon la penſée de S.Ambroiſe, il eſt
viſible que les femmes qui renoncent aux
ſecondes nôces, ont eu un grand amour
pour leurs maris ; qu'au contraire il eſt
fort incertain qu'elles les ayent beaucoup
aimez, lorſqu'elles ſont ſi faciles à écou-
ter les propoſitions qu'on leur fait d'un
autre Mariage ; & qu'on doit porter le
même jugement des maris qui paſſent à
de ſecondes nôces, ou qui y renoncent
pour toujours.
Bandeau.

CHAPITRE XL.


Regles de conduite pour les gens mariez,
tirées de tout ce qu'on leur a repenſenté
dans cet Ouvrage.
JE ſuis perſuadé qu'il ſera tres-utile de
raſſembler dans ce Chapitre les maxi-
mes les plus importantes que j'ai pro-
poſées dans le cours de ce Traité à ceux
qui veulent s'engager dans le Mariage,
afin qu'elles faſſent plus d'impreſſion ſur
leur eſprit, & qu'ils puiſſent plus faci-
lement s'en ſervir pour leur conduite.
Il faut avant toutes choſes que ceux
X iiij

488
La Vie
qui ont deſſein d'entrer dans cet état,
ne ſe propoſent que des fins legitimes ;
comme de donner des enfans à l'Egliſe
& à l'Etat, & d'augmenter le nombre
des ſerviteurs de Dieu, ou au moins de
chercher dans le Mariage un azile & un
refuge contre les attaques de l'inconti-
nence.
Ils ſont autre cela obligez de ne s'al-
lier qu'avec des perſonnes de probité,
qui menent une vie chrêtienne, & qui
n'ayent point acquis leurs biens par des
injuſtices, par d'autres voyes illicites ;
parce que de telles richeſſes attireroient
ſur eux la malediction de Dieu, & ſe-
roient peut-être cauſe la ruine entiere
de leurs familles.
Cela ne ſuffit pas encore pour rendre
leur Mariage ſaint & heureux ; mais il
faut qu'ils examinent en particulier l'é-
ducation & les moeurs de la perſonne
qu'on leur propoſe : car quand ſes biens
ſeroient tres-legitimes, ſi elle n'a pas de
bonnes inclinations, & ſi elle ne ſuit pas
la vertu, ils n'ont pas droit d'eſperer que
Diéu approuve leur alliance, & qu'il y
donne ſa benediction.
Ils doivent autre cela choiſir, tant
qu'ils le peuvent, des partis qui leur
ſoient proportionnez, ſoit pour l'âge,
pour la naiſſance & pour les biens ; parce

489
des Gens Mariez. Ch. XL.
que cela contribue à entretenir entr'eux
la paix & l'union.
Après avoir pris toutes ces précautions,
ils doivent entrer dans le Mariage avec
beaucoup d'humilité, conſiderant qu'ils
ne ſont pas dignes de ſervir Dieu dans
l'état de la virginité, qui eſt le partage
des grandes ames ; il faut qu'ils s'y pre-
parent par des prieres frequentes, & par
des pratiques de penitence, afin de ſe
purifier de leurs pechez, & d'attirer ſur
eux les graces du Ciel.
Comme le Mariage eſt un Sacrement
de la Loi nouvelle, ils doivent bien pren-
dre garde de ne pas paſſer le jour qu'ils
le reçoivent dans des divertiſſemens pro-
phanes & criminels, & de ne pas s'aban-
donnerà aucune diſſolution. Il ſera mê-
me bon qu'ils gardent la continence la
premiere nuit de leurs nôces, afin de té-
moigner qu'ils reſpectent la benediction
nuptiale, comme le diſent les Conciles.
Il faut qu'ils ſoient perſuadez qu'ils
ſont obligez de ne s'entr'aimer que d'u-
ne maniere ſainte, & dans la vûe de ſe
ſanctifier, & de ſe porter mutuellement
à Dieu ; qu'ils doivent toujours vivre
honnêtement dans le Mariage, & qu'il
ne leur eſt jamais permis de chercher à
y contenter leurs paſſions par des excès
criminels.
S'ils veulent avoir la paix entr'eux,
X v

490
La Vie
& vivre dans l'union, ils doivent tres-
ſouvent renoncer à leurs inclinations
pour s'accomoder à celles de leurs
époux ; ils doivent être reſolus de ſouf-
frir d'eux en toutes rencontres, & avoir
ſoin de ne leur rien faire ſouffrir de leur
côté ; ils doivent pratiquer eux-mêmes
la patience, & ne point fournis aux au-
tres des occaſions de la pratiquer.
Dès qu'ils ſe ſont donné mutuelle-
ment leur foi, ils ne ſont plus maîtres
de leurs corps ; ainſi il faut qu'ils ſe gar-
dent une fidelité inviolable, & qu'ils ſe
rendent le devoir toutes les fois qu'ils
en ſont requis, & que rien ne les en
diſpenſe.
Ils doivent neamoins garder la con-
tinence, lorſqu'ils vaquent à la priere,
& qu'ils veulent approcher des Sacre-
mens ; comme auſſi aux jours de jeûne,
& pendant les tems qu'ils ſont conſacrez
à la penitence. Mais cela ſe doit faire
d'un conſequement mutuel ; & ſi l'un y
reſiſtoit, l'autre n'auroit pas alors droit
de lui refuſer le devoir.
La fin principale du Mariage étant la
naiſſance des enfans, il eſt naturel aux
gens mariez d'en deſirer ; ils ſeroient
même coupables, s'ils ſouhaitoient de
n'en point avoir, & s'ils uſoient d'arti-
fice & de moyens violens pour empê-
cher la fecondité de leurs femmes. Mais

491
des Gens Mariez. Ch. XL.
ils ne doivent en deſirer que pour les
donner à Dieu, & pour les conſacrer à
ſon ſervice.
Après qu'ils en ont obtenu de ſon in-
finie bonté , ils ſont obligez de les for-
mer à la vertu , de leur donner une bon-
ne éducation dès leurs plus tendres an-
nées , & d'avoir ſoin d'en faire plûtôt
de bons Chrétiens , que de grands Sei-
gneurs dans le ſiecle.
Il faut neanmoins qu'ils penſent à leur
établiſſement temporel, & à les marier,
lorſqu'ils témoignent être portez à ce
genre de vie ; mais il ne leur eſt jamais
permis de les forcer dans le choix d'une
condition ; & ils offenſent Dieu tres-
griévement toutes les fois qu'ils les con-
traignent par des menaces & par de mau-
vais traitemens, d'embraſſer l'Etat Ec-
cleſiaſtique, ou de ſe retirer dans des
Cloîtres.
Ils ſont obligez de garder, autant
qu'ils le peuvent, l'égalité entr'eux ; car
en avantager un au préjudice des autres,
c'eſt exciter contre lui l'envie & la haine
de ſes freres & de ſes ſoeurs ; c'eſt mettre
le trouble & la division entre ceux que
la nature avoit unis ; c'eſt allumer un
feu dans leur coeur, qu'il eſt enſuite tres-
difficile d'éteindre & d'aſſoupir.
Ils doivent éviter de ſe ſervir du nom
& de la conſideration de leurs enfans
X vj

492
La Vie
pour couvrir leurs paſſions : car il ſe
trouve tous les jours des peres & des
meres, qui ſous pretexte qu'ils en ont
pluſieurs, ne mettent point de bornes à
leurs acquiſitions, qui travaillent à s'en-
richir à l'infini, & qui lors même que
leurs enfans ſont pourvûs & établis, té-
moignent une plus grande avidité qu'au-
paravant pour les biens de la terre ; ce
qui prouve que ce n'eſt pas l'amour pa-
ternel qui les conduit & qui les fait agir,
mais leurs propres cupiditez, qui croiſ-
ſent toûjours à meſure qu'ils avancent
en âge, & qu'ils ſont plus proches de
leur fin.
Les maris ont des devoirs qui leur ſont
propres & particuliers ; car ils ſont obli-
gez d'aimer leurs femmes, de les aſſiſter,
de les proteger, de les défendre, de les
traiter d'une maniere douce & honnête,
de leur donner bon exemple, de les in-
ſtruire de leurs devoirs, de ne point s'é-
lever au deſſus d'elles, de ſe proportion-
ner au contraire à leur foibleſſe. Mais
ſous pretexte de les aimer & de les con-
ſiderer, ils ne doivent pas ſe laiſſer con-
duire & dominer par elles ; car ce ſeroit
un deshonneur pour eux ; ils ſe dégra-
deroient eux-mêmes de leur propre di-
gnité, s'ils tomboeint dans une foibleſſe
de cette nature.
Les femmes de leur côté ſont obligées

493
des Gens Mariez. Ch. X L.
d'honorer & de reſpecter leurs maris,
de leur obéir & de leur être ſoumiſes,
lors même qu'ils ſont de mauvaiſe hu-
meur, & qu'ils tombent dans quelque
emportement.
Elles doivent s'efforcer de les porter
à la vertu, & de les gagner à Dieu par
l'exemple de leur vie ſainte & édifiante.
Il ne leur eſt point permis de diſpoſer
de leurs biens, ni de faire des aumônes
conſiderables ſans leur conſentement.
Elles peuvent ſe vêtir honnêtement
par rapport à leur condition, ſur tout
lorſque leurs maris le deſirent : mais elles
ne doivent point ſe ſervir, ni abuſer de
leur nom pour couvrir leur vanité, &
pour la juſtifier : car il eſt tres-rare que
des hommes obligent leurs femmes à fai-
re des dépenſes exceſſives en habits &
en ornemens : ce ſont elles au contraire
qui les forcent par leurs ſollicitations &
par leur importunitez, de leur donner
de quoi entretenir leur luxe & leur
ſomptuoſité.
Lorſqu'elles ſont enceintes, elles doivent ſe conſerver à cauſe du fruit qu'el-
les portent dans leur ſein, elles ſont en-
ſuite obligées d'allaiter elles-mêmes leurs
enfans, à moins qu'elles n'aient des rai-
ſons conſiderables qui les en diſpenſent.
Enfin les gens mariez etant obligez de
n'avoir les uns pour les autres qu'un

494
La Vie
amour ſaint & chrétien, ils ne doivent
point ſe laiſſer aller à une douleur ex-
ceſſive, lorſqu'un d'eux vient à mourrir,
parce que ce ſeroit une marque qu'ils
manqueroient de foi, qu'ils n'auroient
pas une vive eſperance des biens éternels,
& qu'ils ne ſeroient pas aſſez détachez
des creatures.
Ce neſt point auſſi par ces ſortes de
douleurs qu'on doit juger de la ſincerité
de leur amour, mais par le ſoin qu'ils
ont de prier les uns pour les autres, &
de ſoulager par des aumônes, par de
bonnes oeuvres, & ſur tout par l'obla-
tion du Sacrifice auguſte de nos Autels,
les ames de ceux d'entr'eux qui ont payé
le dernier tribut à la nature.
Voilà ce que j'ai crû devoir repreſen-
ter à ceux qui s'engagent dans le Maria-
ge. Comme ces maximes ſont tres-im-
portantes, & qu'elles pourroient paroî-
tre difficiles dans la pratique, à ceux qui
n'ont pas une aſſez haute idée de cet état,
& qui croyent qu'il ſuffit d'y entrer &
de s'y conduire comme ſont la plûpart
des gens du monde, j'ai eu ſoin de les
confirmer par les témoignagnes de l'Ecri-
ture
, par les autoritez des ſaints Peres,
& par les Canons de l'Egliſe. Ainſi j'eſ-
pere que les Fideles les recevront favo-
rablement, & qu'ils ne diront pas que j'ai
porté trop loin leurs obligations, & que

495
des Gens Mariez. Ch. X L.
je leur ai impoſé un joug trop peſant.
Il ne me reſte donc plus qu'à prier le
Pere des lumieres, & le Dieu de toute
verité, de leur rendre utile ce petit Ou-
vrage ; de vouloir bien s'en ſervir pour
leur faire connoître leurs devoirs & leurs
obligations, & de les ſanctifier par la
fidelité qu'ils auront à les accomplir.


FIN.
Cul de lampe.

Bandeau.
Approbation des Docteurs.

TRois ſortes de biens qui ſe rencon-
trent dans le Mariage, font l'ex-
cellence de cet état : le Sacrement, la
foi, & les enfans. Le Sacrement eſt pour
ainſi dire, ce qui fait l'eſſence du Ma-
riage chrétien ; la foi en eſt la condition ;
Eph.5.25
les enfans en ſont les fruits ; mais Dieu
ne communique ces biens aux Fideles,
que pour les engager à rapporter ces
biens à Dieu : l'Egliſe leur confere ce
Sacrement pour les rendre ſaints ; l'hom-
me & la femme doivent s'unir, comme
JESUS-CHRIST s'eſt uni à ſon Epou-
ſe, qu'il a aimée, & pour laquelle il s'eſt
livré lui-même à la mort, afin de la ſan-
Matt.10.
9.
ctifier. Dieu veut être témoin de leur
foi pour la rendre inviolable ; le Maria-
ge d'un époux & d'une épouſe chrétien-
ne porte ſingularité & ſocieté inſépara-
ble ; le divorce qui a été donné à la du-
reté d'un coeur incirconcis, eſt inconnu
à un coeur en qui la charité a été ré-
pandue par le ſaint Eſprit ; l'homme ne
ſepare pas ce que Dieu a joint. Dieu
leur donne des enfans, afin qu'ils les
Eph.6.4.
élevent dans ſa crainte ; l'éducation des
enfans eſt le principal emploi des peres
& des meres ; pour empêcher que le

monde ne les corrompre, ils doivent
avoir ſoin de les bien élever, en les cor-
rigeant & les inſtruiſant ſelon le Sei-
gneur. L'Auteur du Livre qui a pour
titre, La vie des Gens Mariez, explique
d'une maniere ſolide toutes ces grandes
veritez ; & ſi les perſonnes mariées ſui-
vent les enſeignemens qu'il leur y don-
ne, en ſe ſanctifiant elles-mêmes, elles
travailleront efficacement à la ſanctifi-
cation de leurs enfans. Nous n'y avons
rien trouvé qui ſoit contraire à la foi,
ou aux bonnes moeurs : au contraire,
tous les principes qu'il établit ſont tres-
orthodoxes, & les maximes de pratique
qu'il en tire ſont tres-ſaintes. A Paris ce
14 Septembre 1694.

BLAMPIGNON ,
Curé de S. Mery.
L. HIDEUX,
Curé des SS.Innocens. Bandeau.

Autre Approbation.

J'Ai lû par ordre de Monſeigneur le
Chancelier, le Livre intitulé, La vie
des Gens Mariez
, dont l'impreſſion m'a
paru tres-utile. Ce 26 Juillet 1703.
BIGRE.

Filet.

PRIVILEGE DU ROY.

L O U I S par la grace de Dieu, Roy
de France & de Navarre : A nos
amez & feaux Conſeillers, les Gens te-
nans nos Cours de Parlement, Maîtres
des Requeſtes ordinaires de notre Hôtel,
Grand Conſeil, Prevôt de Paris, Bail-
lifs, Sénéchaux, leurs Lieutenans Civils
& autres nos Juſticiers qu'il appartien-
dra, SALUT. Notre bien-aimé ALEXIS
DE LA ROCHE Libraire à Paris, Nous a
fait remontrer qu'il ſouhaitteroit conti-
nuer à faire réimprimer & donner au
Public les Ouvrages du Sieur Girard
de Vilthiery ; ſçavoir : Vie des Re-
ligieux & Religieuſes, Vie des Vierges,
Vie des Gens Mariez, Vie des Veuves
Chrétinnes, La vocation à l'état Eccle-
ſiaſtique.
Mais comme il ne peut faire
réimprimer leſ dits Ouvrages, ſans s'en-
gager à une très-grande dépenſe ; il Nous
a très-humblement fait ſuplier de vou-
loir bien pour l'en dédommager lui ac-
corder nos Lettres de continuation de
Privilige ſur ce neceſſaires. A CES CAU-
SES, voulant favorablement traiter le dit
Expoſant ; Nous lui avons permis &
permettons par ces Preſentes de faire
réimprimer leſ dits Ouvrages du Sieur

de Vilthiery, ci-deſſus énoncez, en tels
volumes, forme, marge, caractere, con-
jointement & ſéparement, & autant de
fois que bon lui ſemblera, & de les ven-
dre, faire vendre & débiter par tout no-
tre Royaume pendant le temps de quinze
années conſecutives, à compter du jour
de la datte deſ dites Preſentes. Faiſons dé-
fenſes à toutes ſortes de perſones dequel-
que qualité & condition qu'elles ſoient,
d'en introduire d'impreſſion étrangere
dans un aucun lieu de notre obéiſſance ;
comme auſſi à tous Libraires, Imprimeurs
& autres d'imprimer, faire imprimer,
vendre, faire vendre, débiter ni contre-
faire leſ dits Livres ci-deſſus ſpecifiez,
en tout ni en partie, ni d'en faire aucuns
Extraits ſous quelque pretexte que ce ſoit
d'augmentation, correction, changement
de titre, même de traduction étrangere
ou autrement, ſans la permiſſion expreſ-
ſe & par écrit du dit Expoſant ou de ceux
qui auront droit de lui, à peine de con-
fiſcation des Exemplaires contrefaits, de
ſix mille livres d'amende contre chacun
des contrevenans, dont un tiers à Nous,
un tiers à l'Hôtel-Dieu de Paris, l'autre
tiers au dit Expoſant, & de tous dépens,
dommages & interêts ; à la charge que ces
Preſentes ſeront enregiſtrées tout au long
ſur le Regiſtre de la Communauté des Li-
braires & Imprimeurs de Paris ; & ce dans

trois mois de la datte d'icelles ; que l'im-
preſſion de ces Livres ſera faite dans no-
tre Rayaume, & non ailleurs, en bon
papier & en beaux caracteres, confor-
mément aux Reglemens de la Librairie.
Et qu'avant que de les expoſer en vente,
les Manuſcrits ou Imprimez qui auront
ſervi de copie à l'impreſſion des deſ dits Li-
vres, ſeront remis dans le même état où
les Approbations y auront été données, ès
mains de notre tres-cher & feal Cheva-
leir Chancelier de France le Sieur Da-
gueſſeau ; & qu'il en ſera enſuite remis
deux Exemplaires de chacun dans notre
Bibliotheque publique, un dans celle de
notre Château du Louvre, & un dans cel-
le de notre dit tres-cher & feal Chevalier
Chancelier de France le Sieur Dagueſ-
ſeau ; le tout à peine de nullité des Pre-
ſentes : Du contenu deſquelles vous man-
dons & enjoignons de faire jouir l'Expo-
ſant ou ſes ayans cauſe pleinement &
paiſiblement, ſans ſouffrir qu'il leur ſoit
fait aucun trouble ou empêchment.
Voulons que la copie deſ dites Preſentes,
qui ſera imprimée tout au long au com-
mencement ou à la fin deſ dites Livres ſoit
tenue pour dûement ſignifiée ; & qu'aux
copies collationnées par l'un de nos amez
& feaux Conſeillers & Secretaires, foi
ſoit ajoutée comme a l'Original. Com-
mandons au premier notre Huiſſier ou

Sergent de faire pour l'execution d'i-
celles, tous Actes requis & neceſſaires,
ſans demander autre permiſſion, & non-
obſtant Clameur de Haro, Charte Nor-
mande, & Lettres à ce contraires : Car
tel eſt nôtre plaiſir. Donné à Paris
le vingt-deuxiéme jour du mois d'Août,
l'an de grace mil ſept-cens vingt, de
nôtre Regne le cinquiéme. Par le Roy
en ſon Conſeil, CARPOT.
Regiſtré le preſent Privilege, enſemble
la ceſſion ci-contre ſur le Regiſtre I V. de
de la Communauté des Libraires & Impri-
meurs de Paris, page 636. N°n683. con-
formément aux Reglemens, & notamment
à l'Arrêt du Conſeil du 13 Août 1703. A
Paris ce 26 Août 1720.

DELAULNE, Syndic.
Je ſouſſigné Libraire à Paris, recon-
nois que le preſent Privilege appartient
pour moitié à Monſieur Damonneville.
A Paris le 22 jour du mois d'Août 1720.
A. DE LA ROCHE.


Bandeau.

CATALOGUE

Des oeuvres de Monſieur GIRARD
De ViLLE-THIERRY, Prêtre.



  • LA Vie des Vierges, ou les obligations des
    Vierges Chrétiennes, nouvelle Edition. 2. liv. 5.ſ.
  • La vie des Gens mariez, ou les devoirs & les obli-
    gations de ceux qui s'engagent dans le maria-
    ge, prouvez par l'Ecriture, par les ſaintes Peres
    & par les Conciles. 2. l.
  • Traité de la Vocation à l'état Eccleſiaſtique.
    I. l. 16. ſ


Noms propres

Abbaye Saint-Bertin de Saint-Omer

L'abbaye Saint-Bertin de Saint-Omer était une des abbayes les plus influentes en Europe aux VIIe-XIIe siècles. Fondé par les moines missionés Saint-Omer (Sithiu), Bertin, Mommelin et Ebertram au but d'évangéliser les païens de la région, cet abbaye fut connue de sa bibliothèque célèbre où furent retrouvés un de deux copies du codex des Aratea de Leyde ainsi que les Annales de Saint Bertin. Suivant son déclin du XIIIe siècle, l'abbaye persévérait jusqu'à sa fermeture pendant la Révolution française du XVIIIe siècle.

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Abraham

Patriarche biblique du livre de Genèse, époux de Sara puis de Cétura, et père d'Ismaël et d'Isaac; il reçoit à plusieurs reprises la bénédiction de Dieu qui lui donne le pays de Canaan, lui promet une nombreuse descendance et instaure la circoncision comme signe de cette alliance. Il est ainsi considéré comme l'ancêtre des peuples hébreux et arabe, père du judaïsme, patriarche du christianisme et prophète de l'islam.
  • Abraham, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
  • Abraham, Wikipédia l'encyclopédie libre (27 août 2011), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 8 septembre 2011. https://fr.wikipedia.org/wiki/Abraham.

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Adam

Dans les traditions juive, musulmane et chrétienne, Adam fut le premier homme, créé par Dieu et mis dans le Paradis terrestre (Éden). Dieu créa également une femme, Ève, à partir de la côte d'Adam, ainsi représentant le mariage comme l'union de l'homme et de la femme en une seule chair.
Selon la tradition, Ève, tentée par Satan, qui avait pris la forme d’un serpent, encouragea Adam à manger le fruit défendu ; ce péché originel, qui pèse sur toute l’humanité, provoqua Dieu à chasser les deux du Paradis. Ève et Adam eurent trois fils, Abel, Caïn et Seth. Le premier livre de la Bible, la Genèse, raconte l’histoire du premier homme et de la première femme sur la Terre.
  • Adam, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.

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Agar (en héb. Hagar)

Dans la Genèse (XVI et XXI), Agar est une servante égyptienne de Sara, la femme d'Abraham. Elle est mère d'Ismaël, un enfant que Sara, qui est jusqu'alors stérile, a suggéré à Abraham d'avoir de sa servante. Agar est renvoyée dans le désert avec son fils à la demande de Sara après la naissance d'Isaac.
  • Agar ou Hagar, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
  • Agar (Bible), Wikipédia l'encyclopédie libre (30 avril 2013), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 6 mai 2013. https://fr.wikipedia.org/wiki/Agar_(Bible).

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Ahimelech

Le prêtre Ahimelech paraît dans l'Ancien Testament, dans les Livres de Samuel (1 Sam. 22:20-23 et 2 Sam. 8:17) et dans le premier Livre des Chroniques. Un prêtre à Nob, il aida David lorsque celui-ci fuyait Saül. Saül fit tuer Ahimelech et 86 autres prêtres pour punir Ahimelech d'avoir aidé David.

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Albine

Mère de Sainte Marcelle, Albine était une dame de Rome riche et éduquée connue pour sa piété. Pendant sa vie, Albine correspondait regulièrement avec Saint Jérôme au sujet des saintes Ecritures et des passages difficiles. Selon les Actes des Saints (en lat. Acta Sanctorum), Albine fut martyrisée à Rome avec plusieurs d'autres. Elle meurt le 4 mars 387.
  • Marcelle de Rome, Wikipédia, l'encyclopédie libre (16 juin 2016), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 28 août 2017. https://fr.wikipedia.org/wiki/Marcelle_de_Rome
  • Saint Albina, Wikipedia, the free encyclopedia (14 août 2017), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 28 août 2017. https://en.wikipedia.org/wiki/Saint_Albina
  • Migne, J.-P., ALBINE (Sainte), Encyclopédie théologique: Dictionnaire de l'histoire universelle de l'église, Tome I (1-1108), Paris, Jacques-Paul Migne, 1854, p. 576. Google livres, Internet, 28 août 2017.

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Alexandre II (pape)

Né vers 1010 ou 1015 à Milan, Anselme de Lucques fut élu pape en 1061. Il mourut en 1073.

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Alexandre III (pape)

Né Rolando Bandinelli vers 1105 à Sienne, Alexandre III fut pape de 1159 jusqu'à sa mort en 1181. Son pontificat fut marqué par la canonisation de son ami Thomas Becket en 1173, ainsi que la confirmation du droit d'Alphonse Ier à la couronne du Portugal en 1179.

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Alexandre le Grand

Né en 356 av. J.-C. à Pella, Alexandre le Grand fut le fils du roi Philippe II et d’Olympias devenant en -336 roi de Macédoine ainsi que le chef de la Confédération hellénique. Considéré comme un des plus grands conquérants de l'histoire, Alexandre le Grand créa un empire s'étendant de la mer Ionienne à l'Himalaya. Il fonda Alexandrie en Égypte (-332- -331) et choisit Babylone comme la capitale de son empire (-331). Il mourut à Babylone en -323 après quoi ses généraux, les Diadoques, partagèrent son empire et se mirent à combattre par la suite, assassinant sa mère Olympias, son épouse, Roxane, et son fils, Alexandre IV.
  • Alexander the Great, Wikipédia l'encyclopédie libre (6 février 2011), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 7 février 2011. https://en.wikipedia.org/wiki/Alexander_the_Great.
  • Alexandre le Grand (~356-~323), Encyclopédie Universalis (2009), Paris, Encyclopædia Universalis, Internet, 1er octobre 2009.
  • Alexandre le Grand ou Alexandre III, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
  • Alexandrie en ar. al-Iskandarīyah, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.

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Ammon ou Ben-ammi

Personnage biblique, fils de Loth né de la fille cadette de ce dernier, Ammon paraît dans le premier livre de la Bible, la Genèse (19: 38).
  • Ammon, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.

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Ancien Testament de la Bible

Un ensemble des écrits réligieux rédigés à l'origine en hébreu, araméen et grec, l'Ancien Testament décrit les histoires antérieures à la naissance de Jésus-Christ. Composé des mêmes textes qui constituent la Bible juive (Bible hébraïque ou Tanakh), l'Ancien Testament forme la première partie de la Bible chrétienne avant le Nouveau Testament. Il est constitué de quatre parties principales: 1) le Pentateuque (Genèse, Exode, Lévitique, Nombres et Deutéronome); 2) les livres historiques (Josué, Juges, Ruth, I-II Samuel, I Rois et II Rois, I-II Chroniques, Esdras, Néhémie, Esther, Tobie, Judith, I-II Maccabées); 3) les Hagiographes (le Livre de Job, les Psaumes, les Proverbes, l'Ecclésiaste, le Cantique des Cantiques, la Sagesse de Salomon, Ecclésiastique); et 4) les Prophètes (Isaïe, Jérémie, les Lamentations, Baruch, Ézéchiel, Daniel, Osée, Joël, Amos, Abdias, Jonas, Michée, Nahum, Habaquq, Sophonie, Aggée, Zacharie, Malachie).

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Ange Raphaël

Raphaël (de l'hébreu : refa- : guérir et -El : Dieu ; c'est-à-dire Dieu guérit) est le troisième archange reconnu par l'Église catholique. C'es un personnage biblique du Livre de Tobie où il apparaît comme le bon ange de Tobie.
  • Raphaël (archange), Wikipédia l'encyclopédie libre (8 août 2012), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 26 septembre 2012. https://fr.wikipedia.org/wiki/Raphaël_(archange).
  • Raphaël , Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.

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Anne la prophétesse

Anne la prophétesse (en hébr. חַנָּה ; en grec ancien Ἄννα), fille de Phanuel et de la tribu d'Asher, fut une veuve très âgée du Nouveau Testament, mentionnée dans le livre de Luc. Elle est connu pour avoir prédit l'arrivée de l'enfant Jésus dans le Temple de Jérusalem.

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Anne, femme de Tobit

Femme de Tobit, mère de Tobie. Selon le livre de Tobie, Anne vient de la même tribu de son mari, de Nephtali. Ayant attendu le retour de leur fils Tobie près du chemin sur le haut d’une montagne, Anne aurait pu l'apercevoir de loin et l'annoncer à son mari Tobit, qui était devenu aveugle.

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Antiochos IV (Épiphane)

Fils d'Antiochos III, Antiochos IV Épiphane fut roi de la dynastie séleucide de 175 av. J.-C. jusqu'à sa mort en 164. Promoteur de l'hellénisation de la Judée, il est consideré comme ennemi du peuple juif. Il s'efforça de supprimer sans succès la révolte des Maccabées.

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Antonin le Pieux (en lat. Titus Aurelius Fulvius Antoninus Pius)

Antonin le Pieux (Lanuvium 6 - Lorium 161) fut l'empereur de Rome de 138 jusqu'en 161. Il reçut le titre de Pieux car il exigea du Senat la déification de son père adoptif l'empereur Hadrien après sa mort. Membre du Conseil impérial et proconsul en Asie, Antonin le Pieux fut d'abord et avant tout connu pour son don pour l'administration. Son règne, décrit comme l'apogée de l'Empire Romain, fut paisible. Aucune conquête n'eut lieu, et il fit construire le mur d'Antonin entre le Forth et la Clyde. Son mariage avec Faustine l'Ancienne lui donna quatre enfants, dont Faustine la Jeune qui se maria avec son cousin et frère adoptif Marc Aurèle, le futur empereur romain.
  • Antonin en lat. Titus Aurelius Fulvius Antoninus Pius, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
  • Antonin le Pieux, Wikipédia l'encyclopédie libre (11 avril 2011), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 28 avril 2011. https://fr.wikipedia.org/wiki/Antonin_le_Pieux.

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Antonius Augustinus (en espagnol Antonio Agustín y Albanell)

Augustinus (1516-1586) était l'archévêque de Tarragone en Espagne, historien, humaniste, et un pionnier dans la recherche des sources de la loi canonique de l'Église catholique.

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Apocalypse (en gr. apokalupsis, révélation)

L'Apocalypse est le dernier livre du Nouveau Testament de la Bible. Le livre prophétise ce qui doit arriver à la fin des Temps et le retour de Jésus-Christ sur la terre. Il contient des visions prophétiques et eschatologiques : les sept sceaux, les quatre cavaliers, la chute de Babylone (Rome), et le Jérusalem céleste. La tradition l'attribue à saint Jean l'Évangéliste (L'apôtre Jean.)
  • Apocalypse, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
  • Apocalypse, Wikipédia l'encyclopédie libre (8 août 2011), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 17 août 2011. https://fr.wikipedia.org/wiki/Livre_de_l'Apocalypse.

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Apôtres

Les douze disciples de Jésus : saint André, saint Barthélemy, saint Jacques le Majeur, saint Jacques le Mineur, saint Jean, Judas l’Iscariote (remplacé par saint Matthias), saint Jude, saint Matthieu, saint Philippe, saint Pierre, saint Thomas, saint Simon le Cananéen.
Saint Paul, connu comme l'apôtre des gentils fut aussi disciple de Jésus.
  • Apôtres, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.

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Asmodée

Démon biblique qui possède plusieurs autres noms (par exemple : Asmoth, Aesma, Sidonay, etc.), il apparaît dans le Livre de Tobie, chassé du corps de Sara par l'archeange Raphaël. Selon la tradition juive, il est celui qui sème le discorde entre mari et femme.
  • Asmodée, Wikipédia l'encyclopédie libre (25 janvier 2012), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 5 avril 2012. https://fr.wikipedia.org/wiki/Asmodée.
  • Asmodée, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.

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Aspic

s. m. Petit serpent dont la morsure est mortelle. Il a esté piqué d'un aspic.
On appelle fig. les medisants, Langues d'aspic
.
  • Aspic, Dictionnaire de l'Académie française en ligne (1694), The ARTFL Project, Department of Romance Languages and Literatures, University of Chicago, Internet, 24 août 2009.

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Aulu-Gelle (en lat. Aulus Gellius)

(Rome v. 130). Érudit latin qui fut l'un des élèves de Fronton. Il a écrit les Nuits attiques, qui s'organise comme une série d'entretiens entre des amis érudits. Sous cette forme, l'œuvre traite de la grammaire, de l'histoire et de la critique littéraire. Elle fournit des renseignements importants sur les écrivans archaïques.
  • Aulu-Gelle (en lat. Aulus Gellius), Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.

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Babylone (en sémitique Bab-lli la porte du dieu, dans la Bible Babel)

Ancienne ville mésopotamienne qui se trouvait sur l’Euphrate dans le pays contemporain d'Iraq. Existant au moins dès le XXIIIe siècle av. J.-C, Babylone atteignit son apogée comme capitale de l’empire babylonien entre le deuxième et le premier millénaire av. J.-C. La ville de Babylone (Babel) est d’une signifiance religieuse profonde. La Bible comporte plusieurs passages dans l'Ancien et le l'Nouveau Testament représentant Babylone comme la personnification de l'orgueil, de la corruption et de la décadence de l'Homme dans le monde temporel, mais parfois la ville est l'instrument de la volonté divine.
  • Babylone, Encyclopédie Universalis (2009), Paris, Encyclopædia Universalis, Internet, 1er octobre 2009.
  • Babylone en sémitique Bab-lli la porte du dieu, dans la Bible Babel, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
  • Babylone (symbole), Wikipédia l'encyclopédie libre (4 mars 2011), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 14 avril 2011. https://fr.wikipedia.org/wiki/Babylone_%28symbole%29.
  • Babylone, Wikipédia l'encyclopédie libre (5 février 2020), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 5 mai 2020. https://fr.wikipedia.org/wiki/Babylone#Dans_les_civilisations_antiques.

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Belial

Un démon, ennemi du Christ, mentionné par saint Paul dans sa deuxième lettre aux Corinthiens (6:15).

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Blanche de Castille 

Reine de France, née le 4 mars 1188 à Palencia et morte le 27 novembre 1252 à Melun. Fille d’Alphonse VIII, roi de Castille, et d’Aliénor d’Angleterre, elle épousa en 1200 le prince Louis, fils de Philippe Auguste, qui devint en 1223 le roi de France Louis VIII. Blanche donna à son mari douze enfants dont le futur Louis IX et Alphonse de Poitiers. Louis VIII la consultait sur les affaires du royaume et, dans son testament, il la désigna comme régente et comme tutrice de leurs enfants. Régente pendant la minorité de Louis IX (1226-1234), elle brisa la révolte des barons (1226-1231), et mit fin à la croisade des albigeois en concluant le traité de Meaux-Paris (1229). Après la majorité de Louix IX, qu’elle maria à Marguerite de Provence (1234), elle continua à s’occuper des affaires puis exerça à nouveau la régence lorsque le roi participa à la septième croisade (1248-1252).

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Canaan

Nom biblique donné à la région du Proche-Orient qui correspond aujourd'hui aux territoires d'Israël, de la Palestine, et de l'ouest de la Jordanie, du sud de la Syrie et du Liban. Selon le Bible, ce territoire est la Terre promise, le pays de miel et de lait des Israélites.
  • Canaan, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
  • Canaan, (région), Wikipédia l'encyclopédie libre (16 août 2011), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 8 septembre 2011. https://fr.wikipedia.org/wiki/Pays_de_Canaan.

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Cananéens

Originaires de Canaan, le peuple cananéen était le premier à habiter la Terre Sainte, sous le gouvernement de Moïse.
  • Pétin, L.-M., Dictionnaire hagiographique ou vie des saints et des bienheureux, Paris, J. P. Migne, 1850, 2, 167-168. Bibliothèque numérique Gallica, 24 octobre 2013. https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k63160692/f88.image.r=chananeans.
  • Guillaume Marlot, Histoire de la ville, cité et université de Reims, métropolitaine de la Gaule BelgiqueReims, L. Jacquet, Imprimeur de l'Académie, 1843, Vol. I, p. 92, Internet, Google Books, 24 octobre 2013.https://books.google.ca/.

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Carthage

Carthage est une ville maritime tunisienne, au nord-est de la capitale, Tunis. L'ancienne ville acquit d'importantes colonies en Méditerrannée occidentale et en Afrique à partir du XIXe siècle av. J.-C., mais la ville puissante fut subjugée par Rome en 146 av. J.-C. pour ne jamis regagner son influence. La cité joua pourtant un rôle clé dans la diffusion du christianisme.

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Catéchisme du concile de Trente ou Catéchisme romain

Ce manuel d'instruction religieuse destiné au clergé date de 1566, suite au Concile de Trente, pendant lequel l'Église catholique cherchait à lutter contre le mouvement protestant ou réformateur en renouvelant sa doctrine. Ce catéchisme fait autorité jusqu'en 1992.

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Caïn

Fils d'Adam et Ève, et le frère d'Abel. Caïn apparaît dans le Livre de la Genèse. Le premier être-humain né, il devint le premier meurtrier sur terre quand il tua son frère Abel. Il fut alors condamné à fuir pour toute l'éternité.
  • Cain and Abel, Wikipédia, l'encyclopédie libre(22 novembre 2012), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 22 novembre 2012.https://en.wikipedia.org/wiki/Cain_and_Abel.
  • Cain, Le Petit Robert : dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.

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Charlemagne ou Charles Ier, dit le Grand

(v.742 – Aix-la-Chapelle 814). Roi des Francs (768-814), roi des Lombards (774-814) et l'empereur de l'empire d'occident (800-814). Considéré non seulement comme le fondateur des deux monarchies française et allemande, mais aussi comme le Père de l'Europe, Charlemagne unit une grande partie de l'Europe occidentale et centrale, établit les principes du gouvernement sur lesquels les grands États européens sont fondés et encouragea la formation d'une identité européenne commune en mettant en œuvre la renaissance carolingienne.

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Christ (Jésus) (en lat. Christus)

Les catholiques disent le Christ, les protestants souvent Christ, sans article. Figure centrale de la religion chrétienne, pour laquelle le Christ, c'est-à-dire le Messie, l'Oint du Seigneur, c'est Jésus (Jésus-Christ). Il s'identifie avec le Messie annoncé diversement par les prophètes de l'Ancien Testament (Daniel, VII, 13 ; Isaïe, XI, 1-9 et LII-LIII ; Zacharie, IX, 9), mais le royaume qu'il instaure n'est pas de ce monde (Jean, XVIII, 36). Il est le fils de Dieu annoncé par Jean-Baptiste (Jean, I, 33). Dieu incarné, il possède les deux natures, homme et Dieu (ce point a soulevée plusieurs hérésies), ce qui fait de lui l'intercesseur, le lien entre les hommes et Dieu. Il a souffert sur la croix et il est mort pour le salut des hommes, compromis depuis la faute d'Adam. Il est donc le Rédempteur et le Nouvel Adam.
  • Christ en lat. Christus, calqué sur le grec khristos qui traduit l'hébreu mashiah (d'ou messie) « oint », Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.

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Cicéron (en lat. Marcus Tullius Cicero)

(Arpium 106 – Formie 43 av. J.-C.) Homme d’État latin, avocat, consul et orateur exceptionnel qui a fort influencé la rhétorique latine. Il se fit champion de la préservation de la République romaine mais ses efforts furent en vain lorsque la république fut finalement détruite après une série de guerres civiles suivies par son assassinat en 43. Cicéron chercha pendant toute sa vie à être un grand homme de l’État et son travail intellectuel témoigne de cette ambition. Un écrivain prolifique, il a produit parmi d'autres ouvrages des plaidoyers (Les Verrines), des harangues politiques (Les Catilinaires), des œuvres théoriques sur l’éloquence (De oratore), des écrits philosophiques (De republica, De officiis, De natura deorum, De officiis, Hortensius, De diuinatione) et des lettres (par exemple Ad Atticum).
  • Cicéron en lat. Marcus Tullius Cicero, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
  • Marcus Tullius Cicero, Encyclopædia Britannica Online (2011), Encyclopædia Britannica, Internet, 12 mai 2011. https://www.britannica.com/biography/Cicero.

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Clément d'Alexandrie (en lat. Titus Flavius Clemens)

Écrivain grec (Athènes v.150 – Cappadoce v.215) converti du paganisme au christianisme, Clément essaya d'harmoniser la pensée grecque et le christianisme. Il est considéré comme un Père de l'Église.
Dans son Protreptique ou exhortation, il montra la révélation divine dans l’œuvre des philosophes, et dans son Pédagogue il donna les bases de l'éducation chrétiennes.
  • Clément d'Alexandrie, Wikipédia l'encyclopédie libre (4 novembre 2010), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 7 décembre 2010. https://fr.wikipedia.org/wiki/Cl%C3%A9ment_d%27Alexandrie.
  • Clément d'Alexandrie en lat. Titus Flavius Clemens, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.

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Commandements bibliques (Dix Commandements)

Les Dix Commandements, ou Le Décalogue, sont des instructions morales et religieuses données à Moïse de Dieu au mont Sinaï. Ils sont écrits dans la Bible, aux livres de l'Exode (20, 2–17) et du Deutéronome (5, 6–21).

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Concile de Bordeaux

Important concile de l'Église catholique en 1624 qui s'adresse surtout aux offices divins et à la vocation religieuse.
  • Guérin, P., Concile de Bordeaux, l'an 1624, Les Conciles généraux et particuliers, Tome III (1327-1868), Paris, Victor Palmé, 1868, p. 663-667. Google livres, Internet, 2 août 2017.

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Concile de Cambrai (1565)

Ce concile a pour objectif de mettre en pratique la doctrine du Concile de Trente, y compris sur le mariage et l'éducation des enfants.
  • Guérin, P., Concile de Cambrai, l'an 1565, Les Conciles généraux et particuliers, Tome III (1327-1868), Paris, Victor Palmé, 1869, p. 541-550. Google livres, Internet, 17 août 2016.

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Concile de Carthage (IVe)

Le IVe Concile de Carthage eut lieu en 398. Dans son canon 13, il s'adresse au mariage en insistant sur la présence des parents lors des noces, et que les mariés passent la première nuit après cette bénédiction sans relations sexuelles.
  • Guérin, P., Concile de Carthage, l'an 398., Les Conciles généraux et particuliers, Tome I (50-680), Paris, Victor Palmé, 1868, p. 200. Google livres, Internet, 11 mars 2016.

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Concile de Cologne

Important concile de l'Église catholique qui s'adresse aux questions relatives au mariage en 1536, neuf ans avant l'examen majeur qui eut lieu pendant le Concile de Trente.
  • Guérin, P., Concile de Cologne, l'an 1536. Les Conciles généraux et particuliers, Tome III (1327-1868), Paris, Victor Palmé, 1868, p. 311-324. Google livres, Internet, 9 février 2016.

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Concile de Frioul (en ital. Friuli)

Entre 791 et 796, le Concile de Frioul s’adresse à plusieurs questions relatives au mariage : il interdit les mariage clandestins et les mariage entre parents ; il exige des fiançailles assez longues pour permettre de vérifier qu’il n’existe pas de parenté entre les fiancés ; l’approbation du curé du lieu est nécessaire pour chaque mariage ; les mariés doivent avoir atteint l’âge de la puberté, et il ne doit pas y avoir trop de disproportion d’âge entre eux ; un homme qui renvoie sa femme pour cause d’adultère ne peut pas se remarier du vivant de cette femme ; la femme adultère ne peut jamais se remarier.
  • Cellier, Rémy, Concile de Frioul, Histoire générale des auteurs sacrés et ecclésiastiques, t. 22, Paris, La Veuve Lottin & J. H. Buttard, & La Veuve D. A. Pierres, 1758, p. 548-551. Google livres, Internet, 25 février 2016.

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Concile de Gangres

Important concile de l'Église catholique en 364 qui s'adresse surtout au mariage dans les canons 1, 9 et 10, valorisant l'institution à une époque où la virginité était normalement considéré comme un état supérieur.
  • Guérin, P., Concile de Gangres, l'an 364, Les Conciles généraux et particuliers, Tome I (50-680), Paris, Victor Palmé, 1868, p. 151-154. Google livres, Internet, 3 novembre 2017.

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Concile de Laodicée

Le Concile de Laodicée eut lieu en Phrygie en 364. Dans ses canons 10 et 31, il s'adresse au mariage avec des non-catholiques, permis dans le cas où l'hérétique se convertit au christianisme.
  • Guérin, P., Concile de Laodicée en Phyrgie, l'an 364., Les Conciles généraux et particuliers, Tome I (50-680), Paris, Victor Palmé, 1868, p. 143-150. Google livres, Internet, 8 mars 2016.

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Concile de Mayence

Le Concile de Mayence eut lieu en 1549 dans le contexte de la Contre-Réforme catholique. Le Concile de Trente avait déjà commencé en 1545 et continuerait jusqu'en 1563. À Mayence, on décida que les mariages contractés sans la permission des parents ne seraient pas déclarés nuls, une décision qui serait renversée par Trente dans sa dernière séance, sous pression de la monarchie française.
  • Guérin, P., Concile de Mayence, l'an 1549., Les Conciles généraux et particuliers, Tome III (1327-1868), Paris, Victor Palmé, 1869, p. 529-530. Google livres, Internet, 8 mars 2016.
  • Gaudemet, Jean Le mariage en Occident, les mœurs et le droit, Paris, Les Éditions du Cerf, 1989, p. 529-530.

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Concile de Pavie

Concile de l'Église catholique qui en 850 s'adresse aux devoirs des parents relatifs au mariage de leurs enfants.
  • Guérin, P., Concile de Pavie, l'an 850. Les Conciles généraux et particuliers, Tome II (681-1326), Paris, Victor Palmé, 1868, p. 126-129. Google livres, Internet, 2 août 2017.

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Concile de Sens

Le Concile de Sens de 1528 fait partie des efforts de l'Église catholique avant le Concile de Trente de faire face au protestanisme, y compris en matière de mariage. Ce concile insiste sur le fait que le mariage est un sacrement et il insiste pour éviter le mariage clandestin, assez courant à l'époque.
  • Guérin, P., Concile de Sens ou de Paris, l'an 1528., Les Conciles généraux et particuliers, Tome III (1327-1868), Paris, Victor Palmé, 1869, p. 388-303. Google livres, Internet, 8 mars 2016.

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Concile de Séligenstadt

Le 3e canon de ce concile de l'Église catholique en 1022 énumère les jours (de fêtes) où il est interdit de se marier.
  • Guérin, P., Concile de Séligenstadt, l'an 1022, Les Conciles généraux et particuliers, Tome II (681-1326), Paris, Victor Palmé, 1869, p. 246-247. Google livres, Internet, 11 mai 2016.

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Concile de Tolède ou d'Aranda

Le troisième Concile de Tolède (ou d'Aranda) en 1473 s'adresse au mariage dans ses 16e et 17e canons. Le 16e désigne les temps où il est permis de se marier, et le 17e est contre le mariage clandestin.
  • Guérin, P., Concile de Tolède ou d'Aranda, l'an 1473., Les Conciles généraux et particuliers, Tome III (1327-1868), Paris, Victor Palmé, 1869, p. 248-249. Google livres, Internet, 8 mars 2016.

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Concile de Trente

Le Concile de Trente (1545-1563) représente un moment capital de la Contre-Réforme catholique. Il confirme la doctrine du péché originel, insiste sur l’autorité de la Bible spécifique au catholicisme romain et confirme les sept sacrements, dont le mariage. C’est le concile de l’Église catholique le plus important jusqu’au Concile de Vatican II (1962-1965), le seul autre entre le XVIe et le XXe siècle étant le Concile du Vatican I en 1870.
Le mariage est l’objet des premières et des dernières sessions du Concile, spécifiant, entre autres éléments, la nécessité du consentement des parents, de la publication des bans et de la célébration solennelle du mariage pour lutter contre le phénomène du mariage clandestin.
  • Concile de Trente, Wikipédia l'encyclopédie libre (1er novembre 2010), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 5 janvier 2011. https://fr.wikipedia.org/wiki/Concile_de_Trente.
  • Gaudemet, Jean, Le mariage en Occident: les mœurs et le droit, Paris, Le Cerf, 1987, p. 275-295, Imprimé.

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Concile de Valence

Il ne reste que des fragments des actes du Concile de Valence, qui eut lieu en 529.
  • Guérin, P., Concile de Valence, l'an 529., Les Conciles généraux et particuliers, Tome I (50-680), Paris, Victor Palmé, 1868, p. 408. Google livres, Internet, 11 mars 2016.

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Conciles de Milan

Entre 1565 et 1582, Charles Borromée convoqua ses six Conciles de Milan où il travaillait pour imposer la doctrine du Concile de Trente, si importante pour la vie conjugale des catholiques.
  • Moreri, Louis, Le grand dictionnaire historique, ou le mélange curieux de l'Histoire sacrée et profrane [...], t. 5, Basle, Jean Brandmuller, 1732, p. 287. Google livres, Internet, 5 mars 2016.https://books.google.fr/.
  • Guérin, P., Concile de Milan, l'an 1565, l'an 1569, l'an 1573, l'an 1576, l'an 1579, l'an 1582., Les Conciles généraux et particuliers, Tome III (1327-1868), Paris, Victor Palmé, 1869, p. 551-581. Google livres, Internet, 8 mars 2016.

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Céréalis

Devenu consul romain en 358, riche et noble, quelques années plus tard pendant sa vieillesse Céréalis voulut épouser la jeune veuve Marcelle. Conseillée par Saint Jérôme, Marcelle refusa de l’épouser, préférant la vie monastique.
  • Pétin, L.-M., Dictionnaire hagiographique, Paris, J. P. Migne, 1850, 2, 370. Bibliothèque numérique Gallica, Internet, 24 février 2016. https://gallica.bnf.fr/

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Césaire d'Arles

Né vers 470, Césaire d'Arles fut évêque d'Arles de 502 jusqu'à sa mort en 542. Ses 238 homélies et sermons sont fortement inspirés par la théologie de Saint Augustin. C'est un saint de l'Église catholique.

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Dalila

Le personnage biblique Dalila séduit Samson et lui rasa la tête pendant que celui-ci dormait après avoir appris que sa force se trouvait dans la chevelure.
  • Dalila, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.

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David

Selon la Bible (de I Samuel, XVI à I Rois, II), David, fils de Jessé, fut choisi par Dieu pour succéder à Saül comme roi d’Israël (v. -1000 à -972). Après la défaite du géant Goliath, champion des Philistins, que David tua par un coup de fronde à la tête, Saül le nomma comme chef de ses armées et lui donna sa fille Michol comme épouse. À la mort de Saül, David devint, d’abord, le roi de Juda et puis de tout Israël. Il conquit Jérusalem et en fit la capitale sainte en y transférant l’Arche d’alliance. Pourtant, la décadence de sa prospérité commença lorsqu’il fit tuer Urie, un officier dévoué, pour cacher son rapport adultère avec la femme d’Urie, Bethsabée, qui était devenue enceinte. Les malheurs de David à cause de son péché comprennent le viol de sa fille Thamar par son fils Amnon, qui fut vengé par son fils Absalon. À sa mort, son quatrième fils Salomon accéda le trône.
Musicien poète qui écrivit 73 Psaumes que la Bible lui attribue, il est considéré comme figure messianique. Jésus, considéré comme le messie par les Chrétiens, est appelé rejeton ou fils de David.
  • David, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
  • David (Bible), Wikipédia l'encyclopédie libre (30 décembre 2009), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 8 janvier 2010.

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Deutéronome

Cinquième livre du Pentateuque, Deutéronome comprend 34 chapitres qui racontent les événements et préceptes figurant déjà dans l'Exode, le Lévitique et les Nombres, et y ajoute le récit des derniers discours de Moïse aux Israélites et le récit de sa mort avant l'entrée dans la Terre promise (au pays de Canaan).
  • Deutéronome, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
  • Deutéronome, Wikipédia l'encyclopédie libre (30 septembre 2011), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 3 novembre 2011. https://fr.wikipedia.org/wiki/Deutéronome.

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Deuxième Concile d'Aix-la-Chapelle

Le deuxième Concile d'Aix-la-Chapelle en 802 met l'accent sur la discipline des prêtres.
  • Guérin, P., Concile d'Aix-la-Chapelle, l'an 802, Les Conciles généraux et particuliers, Tome I (681-1326), Paris, Victor Palmé, 1869, p. 70-72. Google livres, Internet, 11 mai 2016.

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Deuxième Livre des Rois

Livre de l'Ancien Testament qui raconte une autre partie de l'histoire d'Israël, y compris l'histoire du règne de David et la mort de Saül.

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Didon ou Élissa (en lat. Dido)

Selon la légende grecque, Didon, aussi nommée Elissa, fut princesse de Tyr vers IXe siècle av. J.-C. Dépeinte comme la fondatrice de Carthage, certaines versions de la légende prétendent qu'elle se suicida pour éviter d'épouser le chef de Libye Hiarbas.
Virgile la fit vivre pendant la guerre de Troie dans son Énéide, où elle est l'amante déchue d'Énée. Veuillez consulter la référence Énée pour apprendre davantage sur le rôle de Didon dans l'Énéide.
  • Didon ou Elissa en lat. Dido, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
  • Picard, Gilbert-Charles, Didon, Encyclopédie Universalis (2009), Paris, Encyclopædia Universalis, Internet, 1er octobre 2009.
  • Didon, Wikipédia, L'encyclopédie libre (26 mai 2020), Internet, 1 juillet 2021. https://fr.wikipedia.org/wiki/Didon.

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Elcana ou Elkana

Personnage biblique qui paraît dans le premier Livre de Samuel. Elcana était le père de Samuel et prit Hanna (Anna) comme son épouse.
  • Pétin, L.-M.,Dictionnaire hagiographique, Paris, J. P. Migne, 1850, 1, 190. Bibliothèque numérique Gallica, Internet, 29 avril 2013.https://gallica.bnf.fr/.

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Esdras (en anglais Ezra, en grec Ἔσδρας)

Esdras était un prêtre et scribe juif de l'Ancien Testament qui mena 5000 exilés de Judéens de Babylone jusqu'à Jérusalem. Il convaincut les Juifs mariés à des étrangères de renvoyer leurs femmes et leurs enfants afin de reconstituer la communauté juive dispersée.

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Esther

Personnage de l'Ancien Testament et héroïne du Livre d'Esther, elle est la fille d'Abigaïl. Elle s'appelait Hadassah jusqu'à ce qu'elle soit entrée au harem du roi de Perse Assuérus (assimilé au roi de perse Xerxès I par les historiens jusqu'à l'époque moderne). Dans le harem Hadassah reçut le nom d'Esther. Quand le ministre Haman décida d'exterminer tous les Juifs du royaume, Esther obtint le faveur du roi et empêcha le massacre du peuple juif.
  • Esther, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
  • Esther, Wikipédia l'encyclopédie libre (12 janvier 2011), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 26 janvier 2012. https://fr.wikipedia.org/wiki/Esther_(Bible).

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Etienne Poncher, archévêque de Sens, évêque de Paris

Poncher (1446-1525) fut élu évêque de Paris en 1503 et nommé archévêque de Sens en 1519. Il occupa le poste de Garde des sceaux de Louis XII entre 1512 et 1514. Il fit partie des Conseils de Louis XII et de François Ier, et participa à plusieurs négotiations importantes pendant leurs règnes.

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Exode (en gr. exodos, en hébr. Shemoth)

Deuxième livre de l'Ancien Testament de la Bible. Il raconte l'exode hors d'Égypte des Hébreux sous la conduite de Moïse, le don des Dix Commandements et les pérégrinations du peuple hébreu dans le désert du Sinaï en direction de la Terre promise.

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Genèse (en gr. genesis, traduisant l’hébr. tôledôth générations, généalogie)

Premier livre dans la Bible en 50 chapitres racontant la Création, la faute d’Adam, le Déluge, la tour de Babel et l’histoire du peuple israélite.
  • Genèse en gr. genesis, traduisant l’hébr. tôledôth « générations », « généalogie », Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.

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Gomer

Femme d'Osée. Il est dit (dans le livre d'Osée) que Dieu avait commandé à Osée de se marier à la prostituée sacrée Gomer, qu'il doit aimer malgré ses péchés. Cette histoire représente l'infidélité d'Israël envers Dieu et l'amour inconditionnel de Dieu pour Israël.

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Gratien (en lat. Gratianus)

Moine camaldule et canoniste à Bologne (Chiusi, Toscane – Bologne v.1160) considéré comme le père de l'étude du droit canonique. Il est l'auteur de la Concordia discordantium canonum ou Décret (v.1140), compilation de 4000 textes sur le droit canonique.

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Grégoire IX

Né Ugolino de Anagni vers 1145, Grégoire IX fut pape de 1227 jusqu'à sa mort en 1241. Il est connu pour avoir hérité des traditions de Grégoire VII et de son cousin Innocent III, et continué leur politique de primauté pontificale. Son pontificat fut marqué par la sixième croisade et la création de l'Inquisition, où les hérétiques accusés furent punies sévèrement, bien qu'il n'approuva pas le recours à la torture.

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Guillaume d'Auvergne ou Guillaume de Paris

Guillaume d'Auverge (c.1180/90–1249) fut évêque de Paris de 1228 jusqu'à sa mort. Un théologien important, Guillaume était un des premiers penseurs occidentaux à traiter avec le travail en philosophie naturelle et en métaphysique des Grecs, des Juifs et de l'Islam, auquel il s'opposa tout en incorporant certaines d'entre les idées de ces traditions. Son œuvre volumineuse exerçait une influence considérable plus tard au Moyen Âge.

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Guillaume Estius (en allemand Willem Hesselszoon Van Est, en lat. Gulielmus Estius), dit Estius

Estius (1542, Gorcum, Pays Bas - 1613, Douai) occupa la chaire de Théologie à l'Université de Douai à partir de 1562; il devint le chancelier de cette université en 1582. Ses nombreux traités théologiques sont influents, surtout aux XVIIe et XVIIIe siècles.

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Habacuc

Un des douze petits prophètes de l'Ancien Testament. Peu d'information existe sur son occupation, sa parenté, ou son tribu, mais il était probablement un membre de la tribu de Lévi. Certains pensent que Habacuc servait comme gardien du temple de Salomon à Jérusalem, et qu'il passait quelque temps en Judée ainsi qu'en Babylone. Le Livre de Habacuc comprend trois chapitres où il décrit la conquête des Chaldéens sur les Juifs pendant le 6e siècle av. J.-C.

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Hanna ou Hannah (parfois Anna ou Anne)

Dans l'Ancien Testament, Hannah est l'épouse d'Elcana et la mère longtemps stérile de Samuel. Hannah pria Dieu de lui accorder un fils qu'elle promit de consacrer à l'adoration de Dieu; Samuel fut né par la suite.

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Het ou Heth

Le second fils de Canaan dans la Genèse (ch. 10). Il est l'ancêtre des Hethéens, l'une des sept tribus du pays de Canaan.

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Hilaire de Poitiers (saint)

Né vers 315 et mort en 367, Hilaire était un théologien et évêque de Poitiers, connu comme défenseur de l'orthodoxie chrétienne. Grâce à ses écrits, il est considéré un des Peres de l'Église.

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Hortensius de Cicéron (Hortensius seu De philosophia liber)

C'est un dialogue philosophique de 45 av. J.-C. de Ciceron dédié à son ami l'avocat Hortensius. Il n'en reste que des fragments, où chaque protagoniste qui fait l'éloge d'une discipline, l'histoire, la poésie ou l'éloquence. La conversation se termine par un éloge de la philosophie de la part de Cicéron : seule la philosophie peut aider l'individu à gouverner sa vie de façon vertueuse, ce qui est la seule source sûre de notre bonheur.

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Héli ou Éli

Personnage biblique. Juge et grand prêtre des Juifs (-XIe s.). Il éleva Samuel dans le temple de Silo. Il mourut de douleur lorsque les Phéniciens vainquirent les Israélites.
  • Héli ou Éli, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
  • Eli (Juges), Wikipédia l'encyclopédie libre (13 mars 2013), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 6 mai 2013. https://fr.wikipedia.org/wiki/Eli_(Juges).

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Héliodore d'Altino

Héliodore devint le premier Évêque d'Altino (région Abruzzes en Italie) au IVe siècle. Il était le compagnon de saint Jérôme et l'accompagna dans son voyage en Palestine. Il est fêté le 3 juillet.

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Hénoch (en latin Enoch, en arabe Idris)

Hénoch est un patriarche biblique, père de Mathusalem et arrière grand-père de Noé. Selon la Genèse, il vécut 365 avant que Dieu le place au ciel.

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Hérard ou Hérald, archévêque de Tours

Archévêque de Tours de 855 jusqu'à sa mort en 871, Hérard participa à plusieurs conciles nationaux et influença l'évolution de la doctrine catholique à l'époque du règne de Charles le Chauve En mai 858, il promulgra des capitulaires ou règles en 140 chapitres sur la morale des prêtres et des croyants.

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Idoles (Ancien Testament)

Dans les livres d'Exode (34:17), de Lévitique (19:4 ; 26:1) et de 2 Livre des Chroniques (33:7) par exemple, l'adoration des idoles est expressément interdite.

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Idumée 

Nom ancien du pays d'Édom au sud de la Judée (époque hellénistique et romaine).
  • Idumée , Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.

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Innocent III (pape)

Né Lotario dei Conti di Segni, Innocent III est consideré comme un des papes des plus influents et puissants du Moyen Âge. Élu en 1198, il fut responsable de l'organisation de la quatrième croisade, qui menait par erreur au sac de Constantinople. Il tentait sans succès de réunir les églises orthodoxes et catholiques. Connu pour sa direction autoritaire, il menait la réforme de l'Église et luttait contre l'hérésie jusqu'a sa mort en 1216.
Innocent III est l'auteur du traité influent De Miseria Condicionis Humane (Sur la misère de la condition humaine.

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Isaac

Patriarche biblique du livre de Genèse et fils miraculeux d'Abraham et de Sara, Isaac hérite de la promesse faite par Dieu à son père. Pour répondre à sa tâche, son père n'hésite pas à vouloir le sacrifier, mais enfin Dieu lui substitue un bélier. Isaac devint l'époux de Rebecca et père d'Ésaü et de Jacob.
  • Isaac, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.

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Isaïe ou Ésaïe

Prophète juif (actif de -746 à -701 env.). La première graphie est plutôt le fait des catholiques ; la seconde, des protestants. Originaire du royaume de Juda, il fut contemporain de l'avance assyrienne qui aboutit à la chute de la Maison d'Israël et à la mise sous tutelle de Juda. Ses prophéties exaltent la puissance de Iahvé (Dieu) seul, aux dépens des forces humaines (préparatifs militaires, recherche d'alliances) qui mènent au malheur .
  • Isaïe ou Ésaïe, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.

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Jacob

Patriarche biblique du livre de Genèse. Fils d'Isaac et de Rebecca, frère d'Esaü à qui il achète son droit d'aînesse. Père de douze fils, souches des douze tribus d'Israël. Surnommé Israël après la lutte avec Dieu, il est l'ancêtre éponyme des Israélites, qu'il fait descendre en Égypte à l'appel de Joseph.
  • Jacob, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
  • Jacob, Wikipédia l'encyclopédie libre (28 août 2020), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 4 septembre 2020. https://fr.wikipedia.org/wiki/Jacob.

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Jezrahel

Personnage biblique de l'Ancien Testament. Selon le Livre d'Osée I,4, Dieu dit à Osée de nommer son fils Jezrahel, c'est-à-dire "le bras de Dieu", car Dieu allait punir la maison de Jéhu d'avoir engagé la Maison d'Israël dans le culte des anciens idoles.
  • Louis-Isaac Lemaistre de Sacy, trad. Livre d'Osée, La Sainte Bible, 1696; Bruxelles, Société Biblique Britannique et étrangère, 1855, Wikisource, la bibliothèque libre (25 juillet 2013), Internet, 6 juillet 2016. https://fr.wikisource.org/wiki/Bible_Sacy/Os%C3%A9e.

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Job

Héros du Livre de Job dans l'Ancien Testament, Job est l'archétype du Juste dont la foi est mise à l'épreuve par Satan, avec la permission de Dieu.

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Joseph

Fils du patriarche biblique Jacob et sa séconde femme Rachel. Selon le livre de Genèse (chapitre XXXVII-L), vendu par ses frères jaloux comme esclave, Joseph fut amené en Égypte où il devint l'intendant de Putiphar, officier de Pharaon. La femme de Putiphar tenta de séduire Joseph, mais, comme il ne succomba pas à ses avances, elle accusa Joseph d'avoir tenté de la violer. Par conséquent, Putiphar mit Joseph en prison. Quelques années plus tard, à l'aide de son don d'interpréter les rêves, il s'attira les bonnes grâces de Pharaon qui le fit ministre. Enfin, il retrouva sa famille et l'installa en Égypte.

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Jovinien

Né à Gordyène (ancienne région de la Mésopotamie), Jovinien était un moine et opposant à l'ascétisme chrétien au quatrième siècle. Il liait l'expérience chrétienne au baptême et au repentir mais n'accordait aucune valeur au célibat, ni à la virginité ni au jeûne. Dans son livre Contre Jovinien (Adversus Jovinien), saint Jérôme se livra à une réfutation de la doctrine jovinienne en prêchant la supériorité de la virginité et en dénigrant le mariage. En 393 Jovinien fut excommunié et condamné comme hérétique par le pape Sirice et saint Ambroise. Il mourut vers 405.

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Joël

L'un des douze petits prophètes, Joël est l'auteur présumé du Livre de Joël qui fait partie de l'Ancien Testament. D'après le récit biblique, il vivait au sein de la tribu de Juda et il amenait le peuple à se repentir.
  • Joël, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
  • Joël (prophète), Wikipédia l'encyclopédie libre (18 novembre 2011), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 26 mars 2012. https://fr.wikipedia.org/wiki/Joël_(prophète).

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Juda

Personnage biblique du Livre de la Genèse, Juda était le quatrième fils de Jacob et de Léa et l'ancêtre épynome d'une des douze tribus d'Israël. La tribu de Juda fut celle dont les rois d'Israël sont issus, de la lignée de David.
  • Juda, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
  • Tribu de Juda, Wikipédia l'encyclopédie libre (12 janvier 2012), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 23 février 2012. https://fr.wikipedia.org/wiki/Tribu_de_Juda.

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Judith

L'héroine biblique du livre de Judith. Après avoir séduit Holopherne, Judith lui coupa la tête pendant son ivresse pour sauver la ville de Béthulie.
  • Judith, Le Petit Robert : dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.

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Judée

La Judée est le nom historique et biblique d'une région montagneuse qui correspond aujourd'hui à une partie de la Cisjordanie et du sud d'Israël. Son nom vient de la tribu de Juda dont elle constituait le territoire.

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Justinien Ier ou Justinien le Grand (en lat. Flavius Petrus Sabbatius Justinianus)

(11 mai 482 - 13 novembre 565). Empereur romain d'Orient. Au cours de son règne (527 - 565), il tenta de réunir l'Empire romain par l'expansion de ses frontières; c'était la dernière tentative de reconstituer l'Empire déchu. Il voulait également établir une unité institutionnelle et ecclésiastique à Rome; il était responsable de l'uniformisation du droit romain accordé au christianisme, la base du droit civil dans plusieurs pays de nos jours.
Justinien contribua également à l'épanouissement de l'art byzantin, par exemple en faisant construire la fameuse basilique orthodoxe, Sainte Sophia.
  • Justinien (en lat. Flavius Petrus Sabbatius Justinianus), Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.

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Jéhu

Fils de Josaphat et petit-fils du Namsi, capitaine des troupes de Joram, roi d’Israël. Il fut destiné par le Seigneur pour régner sur Israël, et pour venger les crimes de la maison d’Achab. Son règne (841-814 avant J.-C.) est évoqué dans le Deuxième livre des Rois.

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Jérusalem (en hébr. Yerushalayim)

La ville de Jérusalem fut construite à l’époque cananéenne. Vers 1,000, elle fut conquise par David, le Roi d’Israël, qui nomma la ville ensuite la capitale judaïque. Sous Titus, la ville fut conquise par les Romains. Ce fut également là où Jésus mourut. En 637, Jérusalem devint une ville sainte islamique, prise par les Arabes. Selon la tradition, le prophète Mahomet se serait levé dans le ciel au sommet du mont Moriah.
Aujourd'hui, Jérusalem est la capitale de la Palestine qui demeure toujours partie d’une intense lutte politique israélo-palestinienne (le nom Israélien comprenant les juifs, les chrétiens et les musulmans) vu qu’elle est un lieu important aux trois monothéismes.
  • Jérusalem en hébr. Yerushalayim la paix apparaîtra en ar. al-Quds, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.

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Jérémie

Le deuxième des grands prophètes de l'Ancien Testament, la tradition lui attribue la rédaction du Livre de Jérémie, du Livre des Lamentations et des deux Livres des Rois (I Rois et II Rois). Selon la tradition ces livres furent écrits avec l'assistance de son scribe et disciple, Baruch ben Neriah. La Bible présente Jérémie comme un grand solitaire sans femmes ni enfants. Alors que le roi Josias réformait le royaume de Juda, la mission de Jérémie était de dévoiler l'immoralité et le péché des Judéens et de leur expliquer la cause de la catastrophe imminente. Il annonça l'arrivée des Chaldéens et prédit la destruction de Jérusalem, ainsi que l'exil des Judéens à Babylone du fait de leur manque de foi.
  • Jérémie, Wikipédia l'encyclopédie libre (24 janvier 2012), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 2 février 2012. https://fr.wikipedia.org/wiki/Jérémie.
  • Jérémie (Livre de), Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.

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L'Arche d'Alliance

D'abord mentionné dans le livre biblique de l'Exode (ch. 25 et 37), l'Arche d'Alliance était le coffre fabriqué par les Israélites dans le désert du Sinaï, destiné à transporter les deux tables de la Loi. Le coffre sacré accompagna les Hébreux durant l'Exode et à Canaan, avant d'être installé dans le Temple de Jérusalem par le roi Salomon. Perdu dans des circonstances énigmatiques, il devint un des objets antiques les plus convoités.

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L'Ecclésiastique

L’Ecclésiastique est un livre deutérocanonique de l’Ancien Testament de la Bible catholique. L’Ecclésiastique comprend un ensemble de manuscrits traduits d’hébreu en grec, dont le 248 porte ce titre. L’ensemble entier est intitulé pourtant Sagesse de Jésus fils de Sirach. L’ouvrage comprend cinquante chapitres et un appendice et mélange deux genres : il s’agit d’un ensemble de proverbes qui ne suivent aucun ordre particulier, et de plusieurs réflexions sur un sujet. Les deux genres traitent de la Sagesse divine, personnifiée dans le texte.
  • L'Ecclésiastique, Encyclopédie Universalis (2009), Paris, Encyclopædia Universalis, Internet, 1er octobre 2009.
  • L'Ecclésiastique, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.

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Laban (en héb. lavan)

Personnage biblique qui paraît dans le livre de la Genèse comme fils de Betouel, frère de Rebecca, père de Léa et de Rachel qu'il donne en mariage à Jacob, son neveu.
  • Laban, Le Petit Robert : dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
  • LabanWikipédia, l'encyclopédie libre (19 avril 2013), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 26 septembre 2013. https://fr.wikipedia.org/wiki/Laban.

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Lactance (en lat. Lucius Caecilius Firmianus, dit Lactantius)

Rhéteur latin (v.260 – v.325) et précepteur du fils de l'empereur Constantin Ier. Son œuvre la plus connue est les Institutions divines, une apologie chrétienne en 7 livres écrite après sa conversion au christianisme (v. 300).
  • Lactance en lat. Lucius Caecilius Firmianus), dit Lactantius, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.

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Lamech, père de Noé

Personnage biblique de l'Ancien Testament, selon le Livre de la Genèse, Lamech est le fils de Mathusalem et père de Noé.

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Le Code de Justinien (en lat. codex Iustinianus ou codex legum)

Le Code de Justinien est une partie du Corpus iuris civilis commandé par Justinien Ier, empereur de l'Empire romain d'Orient. Le Corpus iuris civilis comporte aussi le Digeste (digesta iustiniani ou codex iuris), les Institutes et les Novelles (Novellæ). Promulgué en 529, le Code de Justinien est une compilation de constitutions impériales publiées depuis les années de Hadrien. Il comprend douze livres traitant des questions de droit ecclésiastique (I), procédure judiciaire (II), droit privé (III-VIII), droit pénal (IX), droit fiscal (X) et droit administratif (XI et XII).

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Les Bulgares

Les Bulgares du temps du Pape Nicolas I. tiraient leur origine des peuples turques oghouz et des Huns. Compris de plusieurs tribus de guerriers semi-nomades, il est dit que les Proto-Bulgares s’installèrent sur les rives de la mer Caspienne au IIe siècle jusqu’au VIIe siècle quand ils furent déplacés par des Khazars et se dispersèrent vers l’Europe centrale. La migration des Bulgares orientaux vers la haute Volga pendant la VIIe siècle aboutit à la fondation de la Bulgarie de la Volga, et leur permettaient de conserver leur identité culturelle jusqu’au XIIIe siècle. En Europe centrale, la fusion des tribus slaves, des Thraces, des Valaques et des Bulgares donna lieu au premier Empire bulgare. Le règne de Boris Ier (852-899) fut marqué par la conversion de la Bulgarie au christianisme byzantin ainsi que l’adoption de l’alphabet cyrillique. L’établissement des Bulgares occidentaux dans le bassin du bas-Danube, suivi de maintes guerres et transformations, a donné lieu à l’actuelle Bulgarie.
  • Proto-Bulgares, Wikipédia, l'encyclopédie libre (22 juillet 2017), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 23 octobre 2017. https://fr.wikipedia.org/wiki/Proto-Bulgares
  • Bulgars, Wikipedia, the Free Encyclopedia (17 octobre 2017), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 23 octobre 2017. https://en.wikipedia.org/wiki/Bulgars
  • Bulgarie, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.

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Les Gaules

Nommées celtiques par les Grecs, les territoires de la Gaule s'étendaient de l'Atlantique jusqu'au Danube pendant la deuxième âge du fer (vers 450 av. J.-C.) . Nommée Gaule par les Romains lors de leur conquête du 1er siècle av. J.-C., la région comprenait trois aires distinctes: la Gaule celtique (au centre, entre la Seine, la Garonne et le Rhin), la Gaule aquitaine (au sud-ouest) et la Gaule belgique (au nord, entre le Rhin et la Seine; la Belgique actuelle). Le sud-est de la France actuelle faisait partie de la patrie romaine donc avait un statut différent du reste de la Gaule, considérée comme une colonie. Le nom Gaule fut remplacé petit à petit à partir du VIIIe siècle par Francia à cause de la domination des Francs, une tribu germanique arrivée du nord.
  • Gaule, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
  • Gaule, Wikipédia, l'encyclopédie libre (22 octobre 2017), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 23 octobre 2017. https://fr.wikipedia.org/wiki/Gaule

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Les Macabées, Maccabées ou Machabées; les livres des Machabées

Famille juive qui vivait à Jerusalem au IIe siècle et qui joua un rôle important dans la sauvegarde du judaïsme face à l'hellénisme. Le nom Maccabée est le surnom de Juda, qui dirigea la révolte, mais par extension on l'applique à ses frères, Jean, Simon, Éléazar et Jonathon.
Le Premier livre des Machabées décrit le temps avant les combats pour la libération d'Israël. La famille Machabée dirigea la lutte des juifs contre Antiochos IV Épiphane et ses successeurs, qui régnaient sur les Sélucides.
Le deuxième livre des Machabées (qui fait partie de l'Ancien Testament) raconte le martyr des sept frères Machabées et leur mère qui, n'ayant pas voulu manger de viande de porc, furent mis à mort par l'ordre d'Antiochus IV Épiphane, roi séleucide.
  • Maccabées, Wikipédia l'encyclopédie libre (21 août 2012), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 12 septembre 2012. https://fr.wikipedia.org/wiki/Maccabées.
  • Maccabée, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
  • Saints Maccabées, Martyrs et Saints (28 avril 2009), Martyretsaint.com, Internet, 3 octobre 2012. http://www.martyretsaint.com/.

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Livre de la Sagesse

Appelé en grec Sagesse de Salomon, ce livre de l'Ancien Testament fait partie du canon des Écritures inspirées pour les catholiques ainsi que pour les orthodoxes. Attribué à Salomon par les Septante, le rédacteur probable était un juif d'Alexandrie au premier siècle av. J-C. À travers les dix-neuf chapitres, le livre personnifia la sagesse et l'établit comme l'esprit du Seigneur agissant dans le monde.
  • Livre de la Sagesse, Wikipédia l'encyclopédie libre (18 octobre 2011), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 30 janvier 2012. https://fr.wikipedia.org/wiki/Livre_de_la_Sagesse.
  • Sagesse (Livre de la), Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.

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Livre de Tobie ou de Tobit

Livre biblique de l'Ancien Testament. Le livre raconte l'histoire de Tobit, un Judéen devenu aveugle et qui envoie son fils Tobie en Médie pour récupérer une dette.

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Livre des Psaumes

Les psaumes sont des prières poétiques composées en plusieurs versets qui font partie de la Bible. Il existe 150 poèmes qui se divisent en cinq livres par analogie avec le Pentateuque. Les psaumes servaient à une fin liturgique et ils sont toujours incorporés dans la synagogue. La liturgie chrétienne en a adopté plusieurs (LI, Miserere ; CXXX, De profundis). En outre, le Psautier a toujours été le livre de l’Ancien Testament le plus utilisé par les chrétiens.
  • Psaumes (Livre des), Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.

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Livres de Samuel

Les deux livres de Samuel sont des livres de l'Ancien Testament qui, à l'origine, ne formaient qu'un seul ouvrage. Ils couvrent une période d'environ cent-trente ans et sont consacrés à la vie de Samuel et aux règnes de Saül et David.
  • Premier Livre de Samuel, Wikipédia l'encyclopédie libre (10 février 2012), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 5 mars 2012. https://fr.wikipedia.org/wiki/Premier_livre_de_Samuel.
  • Samuel (Livres de), Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.

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Louis IX (Saint Louis)

Fils de Louis VIII, Louis prit le trône comme roi de France à l'âge de douze ans (1226) sous la régence de sa mère Blanche de Castille. Ce roi avait une réputation de diplomate et de juriste ; il développa notamment la juridiction d'appel et en 1259 il régla le conflit avec Henri III d'Angleterre par le traité de Paris. Son règne fut marqué par un rayonnement tant intellectuel et artistique que moral ; il fit construire la Sainte Chappelle du Palais, fonda l'hospice des Quinze-Vingts et confirma la fondation de la Sorbonne. Louis IX mourut en 1270 à Tunis pendant la huitième croisade.
  • Louis IX de France, Wikipédia l'encyclopédie libre (2 avril 2012), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 2 avril 2012. https://fr.wikipedia.org/wiki/Louis_IX_de_France.
  • Louis XI ou Saint Louis, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.

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Léa ou Lia

Selon le livre de Genèse chapitre XXIX, Léa est la cousine et la première femme de Jacob. Le récit biblique raconte que Dieu lui accorda la fécondité tandis que Rachel, sa sœur et la femme la plus aimée de Jacob, fut stérile. Elle donna à Jacob six fils, Ruben, Siméon, Lévi, Juda, Issachar et Zabulon, et une fille, Dinah.

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Léon IV (pape)

Léon IV fut né à Rome et y mourut en 855. Il fut le 103e pape de l'Église catholique, de 847 à 855. Son grand ouvrage était d'avoir fait construire un rempart autour de la colline du Vatican pour protéger l'ensemble des constructions religieuses.

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Léonidas d'Épire

Parent d'Olympias (princesse d'Épire, reine de Macédonie et mère d'Alexandre le Grand), Léonidas fut un des précepteurs d'Alexandre le Grand. D'un caractère austère, il est dit que Léonidas instruisait Alexandre dans la discipline laconique.

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Lévites (Tribu de Lévi)

Une des douze tribus d'Israël dans l'Ancien Testament, les Lévites sont les descendants de Lévi. Les Lévites sont dédiés au service de Dieu; ils détenaient 48 villes du royaume d'Israël sur lequel ils exerçaient un pouvoir administratif et politique. Ils avaient le devoir de veiller sur les trésors de la maison de Dieu et des choses saintes.

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Lévitique (en gr. Leuitikon)

Troisième livre du Pentateuque dans l'Ancien Testament. Il détaille les prescriptions des Israélites et le code selon lequel le peuple doit vivre pour devenir saint. Son but fut d'enseigner les préceptes moraux et les vérités religieuses de la loi de Moise au moyen du rituel.
  • Lévitique, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
  • Lévitique, Wikipédia l'encyclopédie libre (6 août 2011), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 25 août 2011. https://fr.wikipedia.org/wiki/Lévitique.

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Macrine l'Ancienne

Macrine (née vers 270 et morte en 340) était la grand-mère du père de l'Eglise saint Basile de Césarée , de saint Grégoire de Nysse, de sainte Macrine la jeune et de saint Pierre de Césarée. Elle est connue pour l'enseignement du christianisme selon Gregoire le Thaumaturge à ses enfants et petits-enfants. Basile de Césarée dit de Macrine qu'elle "façonna nos âmes par une piété fondée sur la saine doctrine". Elle est considérée comme sainte par les églises catholique et orthodoxe.

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Maison d'Israël, Enfants d'Israël

Appellations utilisées souvent dans l'Ancien Testament pour désigner les Israélites, c'est-à-dire les Hébreux descendus du patriarche Jacob, renommé Israël.

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Malachie (Livre de)

Malachie est le dernier des douze petits prophètes du canon juif; le Livre de Malachie est le dernier de l'Ancien Testament chrétien. Son nom veut dire "messager" en hébreu. La prophétie du Livre de Malachie dénonce la répudiation des hommes par rapport à la femme qu'ils ont aimée dans leur jeunesse; elle est donc un important témoignage du passage progressif à la monogamie fidèle.

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Manichéisme

Doctrine religieuse fondée au IIIe siècle par Mani. Il s'agit d'un dualisme qui présente des ressemblances avec le gnosticisme : le caractère radicale de l'opposition entre bien et mal, Dieu et la matière, la lumière et l'ombre. L'homme aussi est radicalement coupé en deux et doit chercher à produire et à maintenir la séparation entre l'âme et le corps. Les sectes dites manichéennes apparurent en Europe médiévale à partir du XIe siècle.
  • Manichéisme, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.

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Marcion de Sinope

Marcion était un évêque chrétien de la fin du Ier siècle et du début du IIe siècle ap. J.-C. ; c'était le fondateur d'une église dissidente Marcionite. Marcion rejetait en bloc l'Ancien Testament et il écarta la Déité décrite dans les Écritures juives comme inférieur au Dieu proclamé dans l'Évangile chrétien. Il était considéré comme l'un des premiers hérésiarques et fut excommunié par Rome en 144. Son rejet de plusieurs livres saints aboutit à la création du canon catholique des Écritures.
  • Marcion, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
  • Marcion, Wikipédia l'encyclopédie libre (15 août 2011), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 29 septembre 2011. https://fr.wikipedia.org/wiki/Marcion.

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Marguerite de Provence

(1221-1295). Mariée à Louis IX à l'âge de 13 ans, Marguerite suivit son mari en Egypte lors de la Croisade de 1248; elle accouche de trois enfants pendant la période loin de la cour.
  • Marguerite de Provence, Wikipédia l'encyclopédie libre (2 mars 2016), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 24 juin 2016. https://fr.wikipedia.org/wiki/Marguerite_de_Provence.
  • Louis XI ou Saint Louis, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.

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Marie

Selon la tradition chrétienne la Vierge Marie, aussi appelée la Sainte Vierge, Notre Dame ou Mère de Dieu chez les catholiques et les orthodoxes, était la mère de Jésus et l'épouse de Joseph. Les Évangiles de Luc et de Matthieu narrent son histoire en commençant par l'Annonciation de l'ange Gabriel que Marie enfanterait le fils de Dieu et en finissant par la Nativité, la naissance de Jésus.
Marie apparaît dans tous les Évangiles du Nouveau Testament et les Églises catholiques et orthodoxes accordent une place spéciale à son histoire. Le culte de la Vierge Marie se développa à partir du IVe siècle et se concentre sur deux thèses principales : L'immaculée conception de Marie et son Assomption, dogme selon lequel Marie fut enlevée corps et âme au ciel et alors mourut sans souffrir.
  • Marie (sainte), Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
  • Marie (mère de Jésus), Wikipédia l'encyclopédie libre (12 janvier 2012), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 18 janvier 2012. https://fr.wikipedia.org/wiki/Marie_(mère_de_Jésus).

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Mathusalem

Mathusalem est la personne la plus âgée mentionnée dans l'Ancien Testament. Il aurait vécu 969 ans selon la Genèse.

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Michée

L'un des douze Prophètes juifs qui prophétiserent pendant les règnes de Joatham, Achaz, et Ezéchias. Michée est l'auteur du Livre de Michée dans l'Ancien Testament, dans lequel il prédit que le Messie sera né à Bethléem.
  • Michée, Wikipédia, l'encyclopédie libre(7 juillet 2012), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 10 décembre 2012.https://fr.wikipedia.org/wiki/Michée.
  • Michée, Le Petit Robert : dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.

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Moab

Personnage biblique, fils de Loth né de la fille aînée de ce dernier, Moab paraît dans le premier livre de la Bible, la Genèse (19:37).
  • Moab, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.

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Moïse (en hébr. Mosché)

Prophète et fondateur de la religion juive et de la nation d'Israël (- XIIIe s.), on lui attribue la rédaction des premiers livres de la Bible.
Selon le livre d’Exode, Moïse monta sur le Mont Sinaï pour recevoir La Loi (Décalogue) dicté par Dieu. Pendant ce temps, les Israélites, ne pouvant plus supporter d’avoir affaire à un dieu invisible, persuadèrent Aaron, le frère de Moïse, de leur fabriquer un veau en or, l'acte qui brisa le premier des Dix Commandements. En conséquence de cette transgression, Moïse dut remonter le Mont Sinaï pour renouveler l’alliance entre le peuple juif et Dieu, après quoi il redescendit de la montagne, la peau toute rayonnante.
Moïse est le descendant direct d'Abrahahm.
  • Moïse, Wikipédia l'encyclopédie libre (26 mai 2010), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 26 mai 2010. https://fr.wikipedia.org/wiki/Moïse.
  • Moïse (en hébr. Mosché, nom d'origine égyptienne), Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
  • Römer, Thomas, Les cornes de Moïse, Évangile et liberté (2005), numéro 190, Évangile et Liberté, Internet, 22 juillet 2010. http://www.evangile-et-liberte.net/elements/numeros/190/article8.html.

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Mésopotamie (en gr. Μεσοποταμία/Mesopotamíos)

Région historique du Moyen-Orient, située entre les vallées du Tigre et de l'Euphrate. La Mésopotamie fait référence généralement à son histoire antique, pour la civilisation qui avait occupé la région jusqu'aux derniers siècles avant l'ère chrétienne et avant l'ère musulmane du XIe siècle.
  • Mésopotamie, Le Petit Robert : dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
  • MésopotamieWikipédia, l'encyclopédie libre (19 septembre 2013), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 26 septembre 2013. https://fr.wikipedia.org/wiki/Mésopotamie.

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Nathan (en hébreu Natan)

Le troisième des quatre fils de David et de Bethsabée.

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Nicolas Ier (pape), dit "le Grand"

Le 105e pape, Nicolas est né vers 800, et mort en 867. Dès cette date, Nicolas Ier est considéré comme l'un des grands papes de l’époque car il est considéré le premier pape à avoir revendiqué la supériorité du pouvoir pontifical sur le pouvoir impérial. Il fur canonisé au XIXe siècle.

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Ninive

Une des plus anciennes villes de l'Assyrie, dans le nord de la Mésopotamie.

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Nobé

Nobé (Nob) est une ancienne ville de la tribu Benjamin, dont le lieu est incertain. Il est estimé que Nobé était située sur une crète ou un plateau au nord de Jerusalem. Selon 1 Samuel (21-22), David y trouva refuge avec Ahimelech pendant sa fuite de Saül. Ensuite Saül prit sa revanche sur les prêtres de Nobé en y commettant un grand massacre.
  • Nob, Bible Hub, Internet, 20 juillet 2017. https://bibleatlas.org/nob.htm#
  • Trochon, l'AbbéNob, La Sainte Bible, introduction générale, Tome II (1-696), VIII Géographie et archéologie Bibliques, Paris, P. Lethielleux, 1887, p. 338. Google livres, Internet, 20 juillet 2017.

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Noces de Cana

Dans l'Évangile selon Jean du Nouveau Testament, l'apôtre Jean raconte le premier miracle de Jésus Christ où Jésus, invité à un mariage à Cana en Galilée, transforme l'eau en vin. L'événement préfigure le mariage entre Jésus, le jeune marié, et l'Église, sa future épouse, dont le vin, symbole du sang du Messie, signale sa mort prévue et la célébration de l'Eucharistie. La présence du Christ aux noces représente la bénédiction de l'institution du mariage.
  • Burnet, Éliane et Régis Burnet, Pour décoder un tableau religieux, Nouveau testament, Paris, Éditions du Cerf, 2006, p. 123-24. Google livres, Internet, 13 juillet 2011.

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Nouveau Testament de la Bible

Considéré par les chrétiens comme deuxième moitié de la Bible avec l'Ancien Testament, le Nouveau Testament comporte plusieurs textes racontant la vie de Jésus, ses enseignements, et les premieres années du christianisme. Cette œuvre comprend les livres des quatre Évangiles (Matthieu, Marc, Luc, et Jean), les Actes des Apôtres, les Épîtres de Paul, les Épîtres catholiques, et l'Apocalypse (ou livre de la Révélation).

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Noé (en hébr. Noakh)

Patriarche biblique qui, selon le livre de Genèse de la Bible, fut épargné avec sa famille du Déluge que Dieu lança sur la Terre pour éliminer l'humanité corrompue. À la faveur de sa vertu, Noé fut choisi pour faire perdurer la race humaine. Suivant l'ordre de Dieu, le patriarche construisit un arche sur lequel il fit embarquer un mâle et une femelle de toutes les espèces animales existantes. L'arche flotta sur les eaux d'inondation jusqu'à ce qu'il s'arrêta sur les montagnes d'Ararat.
  • Noé (en hébr. Noakh, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
  • Noé, Wikipédia, L'encyclopédie libre (30 mai 2016), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 20 juin 2016.https://fr.wikipedia.org/wiki/No%C3%A9_(patriarche).

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Onan

Personnage biblique du Livre de la Genèse, Onan était le deuxième fils de Juda. Quand son frère aîné Er décéda sans enfants, Juda ordonna à Onan d'épouser la veuve d'Er, Thamar. Suite à son refus, Onan fut frappé de mort par Dieu.

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Origène

Docteur chrétien grec, Origène fut né à Alexandrie vers 185 et mourut à Tyr vers 253 ap. J.-C. À un très jeune âge, en 215 il succéda à la tête de la Didascalée à L'École théologique d'Alexandrie. Auteur de plusieurs textes ascétiques, dogmatiques et polémiques, il est considéré comme le père de l'exégèse biblique pour ses Commentaires sur toute l'Écriture sainte et ses Homélies. Il enseignait une doctrine mystique et gnostique, et fut le premier à proposer un système complet du christianisme intégrant les théories néoplatoniciennes. En 250, sous le règne de Dèce, il subit la persécution et la torture, il mourut peu après des suites de ses blessures.
  • Origène, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
  • Origène, Wikipédia l'encyclopédie libre (11 février 2012), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 1 mars 2012. https://fr.wikipedia.org/wiki/Origene.

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Papinien Æmilianus Papinianus

Papinien (140?-212) était un célèbre juriste romain dont les écrits incluent II Livres sur l'adultère.

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Patriarches

On appelle patriarches plusieurs personnages de la Genèse, membres d’une famille avec laquelle Dieu fonda selon l’Ancien Testament une alliance avec pour but de créer une grande nation. Dans la tradition juive, on identifie cette grande nation avec le peuple juif ; les patriarches sont considérés comme les pères des civilisations juive et chrétienne par les théologiens de ces religions. Les patriarches devaient peupler la terre avec leur descendance.

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Patrice de Thagaste (en lat. Patricius)

Bourgeois et païen de Thagaste au IVe siècle. Père de saint Augustin et époux de sainte Monique. Selon saint Augustin, Patrice avait un caractère violent et emporté. Il fut convertit au christianisme par sainte Monique peu avant sa mort.
  • Pétin, L.-M., Dictionnaire hagiographique, Paris, J. P. Migne, 1850, 2, 519-520. Bibliothèque numérique Gallica, Internet, 9 avril 2014. https://gallica.bnf.fr/.
  • Augustin d'Hippone, Wikipédia l'encyclopédie libre (1 avril 2014), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 9 avril 2014. https://fr.wikipedia.org/wiki/Saint_Augustin.

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Pharaon de l'Exode

Roi d'Égypte qui refusa de reconnaître le dieu de Moïse et des Israélites.
Selon le livre de l'Exode, le Pharaon d'Égypte refusa de laisser les Hébreux quitter le pays pour honorer leur dieu. Afin de persuader le Pharaon de laisser son peuple partir, Moïse, sous l'ordre de Dieu, invoqua une série de plaies. Après la dixième plaie, le Pharaon céda et agréa la demande des Israélistes.

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Pharisiens

Adhérents au judaisme ancien actifs entre le IIe siècle av. J.-C. et le Ier siècle après, les Pharisiens n'hésitaient pas à modifier la Loi juive en faisant appel à la tradition de la Torah orale. Les Évangiles les accusaient d'un ritualisme stérile .
  • Pharisiens, Le Petit Robert : dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.

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Philippe le Diacre

Philippe le Diacre est un des sept premiers diacres (personne qui assiste le dirigeant d'une église locale chrétienne) de l'église primitive à Jérusalem, choisis à l'initiative des Apôtres pour les aider à établir le christianisme.

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Philistins

Peuple ancien vivant sur le littoral de Canaan depuis -1190 av. J.-C., les Philistins sont d’une origine incertaine. Ce peuple domina les autres peuples indigènes, tels les Israélites et les Cananéens (de l’âge du bronze), jusqu’à la triomphe des Israélites sous David. Les livres Juges et I Samuel racontent ces luttes.
  • Philistins, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.

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Pierre de Blois

Né vers 1135, Pierre de Blois était poète latin, disciple de Jean de Salisbury, et diplomate du Moyen Âge. Il sert roi Guillaume II de Sicile comme tuteur, puis Henri II d'Angleterre et Thomas Beckett comme secrétaire. Il sert aussi Aliénor d'Aquitaine après le mort de son mari, Henri II.

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Plutarque (en gr. Ploutarkhos)

Biographe et philosophe grec de moyen-platonisme (v.46/49 – v.125 ap. J.-C.), Plutarque est l’auteur des Vies parallèles et des Œuvres morales qui traitent la religion, la politique, la pédagogie, l'histoire et la littérature.
Ses Préceptes du mariage (en latin Præcepta connubialia ou Conjugalia praecepta), un petit traité qui fait partie des Œuvres morales, était très connu en France à partir du XVIe siècle grâce à la traduction de Jacques Amyot.
Les Apophtegmes de Plutarque sont souvent cités pendant la période de la première modernité aussi.

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Possidius

Ami et disciple de Saint Augustin, Possidius fut évêque de Calame (en Algérie) pendant le Ve siècle. En 411, il représentait les évêques orthodoxes avec Alypius et Augustin à la Conférence de Carthage. Il prit aussi part aux conciles de Malevi (416) et de Carthage (419) contre le pélagianisme. Biographe de Saint Augustin, Possidius fut l'auteur de La Vie de Saint Augustin ainsi que d'un Indiculus, où il liste des écrits de Saint Augustin. Possidius mourut en exile vers 437, à Mirandole.

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Premier Livre des Rois

Livre de l'Ancien Testament qui raconte une partie de l'histoire d'Israël, y compris l'histoire de Samuel et le règne de Saül.

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Prophète Osée

Prophète d’Israël qui vécut au huitième siècle (v. 780-740). Protagoniste du Livre d'Osée de l'Ancien Testament.
  • Osée, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.

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Prophètes

L’Ancien Testament de la Bible parle de trois grands prophètes : Isaïe, Jérémie, Ézéchiel. L’Ancien Testament parle également de douze petits prophètes (l’on distingue grand de petit selon la longueur des livres qui portent leur nom) : Osée, Joël, Amos, Abdias, Jonas, Michée, Nahum, Habacuc, Sophonie, Aggée, Zacharie et Malachie. Le Nouveau Testament ajoute Daniel aux trois grands prophètes.
  • Prophètes (Livre des), Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
  • Testament (Ancien et Nouveau), Encyclopédie Universalis (2009), Paris, Encyclopædia Universalis, Internet, 12 mai 2009.

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Pères de l'Église

Depuis le XVIe siècle, l'historiographie moderne appelle Pères de l'Église des auteurs ecclésiastiques, généralement (mais non exclusivement) des évêques, dont les écrits, les actes et l'exemple moral ont contribué à établir et à défendre la doctrine catholique. Ce sont donc des personnages qui se recommandent par quatre caractéristiques : l'ancienneté, la sainteté, l'orthodoxie, l'approbation ecclésiastique.
Il y a quatre pères de l'Église d'Occident : Saint Ambroise, Saint Augustin, Saint Grégoire, Saint Jérôme.

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Quarante martyrs de Sébaste

Soldats de la Douzième Légion en Arménie à Sébaste (Sivas en Turquie actuelle), les quarante furent arrêtés en mars 320 pour avoir refusé de renier leur foi chrétienne. Forcés de passer la nuit sur un étang gelé, nus en plein hiver, aucun ne survécut. Seulement un soldat renia sa foi sous la promesse d'un bain chaud, mais au même instant, un des gardiens se convertit et rejoignit les autres.

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Rachel

Selon le livre de la Genèse (XXIX-XXXV), Rachel était la fille de Laban et l'épouse préférée de Jacob à qui elle n'est accordée, par ruse, que suite au mariage de Jacob et de la sœur de Rachel, Léa. Mère de Joseph et de Benjamin, Rachel meurt sur le chemin du retour du pays de Canaan.
  • Rachel, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
  • Rachel, Wikipédia l'encyclopédie libre (4 septembre 2011), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 10 novembre 2011. https://fr.wikipedia.org/wiki/Rachel.

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Raguel ou Reuel

Père de Sara et beau-père de Tobie.

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Rathier de Vérone (en latin Ratherius)

Né vers 890 à Liège, Rathier était l'évêque d'abord de Vérone en Italie, puis de Liège. Plusieurs de ses écrits sont parvenus jusqu'à nous: c'était un polémiste de renom à l'époque. Il est mort à Namur en 974.

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Rebecca

Personnage biblique du livre de Genèse, épouse d'Isaac, mère des jumeaux Esaü et Jacob. Sa grossesse était pénible parce que les deux enfants se battaient dans son sein. Dieu lui prédit que deux nations seront issues de ces deux garçons et que l'ainé servira le cadet. Par la suite, Rebecca aidera Jacob, le plus jeune et son préféré, à usurper la bénédiction qu'Isaac devait donner à Esaü.

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Recarède Ier

Né en 559, Recarède, dit "le Catholique" était roi des Wisigoths entre 586 et sa mort à Tolède en 601. Il se convertit au catholicisme lors du Concile de Tolede. L'Église contribua par la suite à l'unification du royaume hispanique.
  • Recarède Ier, Le Petit Robert : dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
  • Récarède Ier, Wikipédia l'encyclopédie libre (3 mars 2016), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 16 mars 2016. https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9car%C3%A8de_Ier.

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Royaume des Cieux (Royaume de Dieu ou Règne de Dieu)

Concept théologique du judaïsme, du christianisme, et de l'islam qui forme la base de la prédication de Jésus de Nazareth, qui introduit l'idée chrétienne d'une ère nouvelle de rédemption grâce à sa venue sur terre. Les gens qui y croient auraient accès à la vie éternelle.

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Saint Ambroise (ou Ambroise de Milan)

Né à Trèves vers 340 ap. J.-C., Saint Ambroise fut évêque de Milan de 374 à 397. Docteur de l'Église, il est l'un des Pères de l'Église d'Occident avec saint Augustin, saint Jérôme et Grégoire 1er. Connu en tant qu'écrivain et poète, il fut aussi l'auteur de plusieurs œuvres et traités d'éthique chrétienne, dont De officiis ministrorum, en 3 livres, qui inclut par exemple De Cain et Abel. Un de ses ouvrages les plus célèbres est la dissertation De Virginibus, sur le virginité. Il meurt en 397.

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Saint Augustin (en lat. Aurelius Augustinus)

(Thagiste, auj. Souk-Ahras 354 – Hippone, auj. Annaba 430 ap. J.-C.). Évêque africain, docteur et père de l’Église, Saint Augustin a un impact énorme et durable sur la théologie chrétienne, la philosophie logique et la théorie du sens. Parmi ses nombreuses œuvres les plus éminentes sont Les Confessions (397-401), texte autobiographique introspectf sur le voyage spirituel de l'auteur, et La Cité de Dieu (413-427). Les débats suscités par sa conception de la grâce continuent de nos jours; il insista que la grâce du Christ est un don de Dieu et que ce n'est pas à nous de la gagner par nos actes. Le fait que toute l'humanité est tarée par le péché originel et l'importance de la doctrine de la prédestination a fait de la théologie augustinienne le contrepoids de la théologie jésuite en France sous l'Ancien Régime.
  • Augustin (Saint) en lat. Aurelius Augustinus, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
  • Augustin d'Hippone, Wikipédia l'encyclopédie libre (26 mai 2020), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 28 mai 2020. https://fr.wikipedia.org/wiki/Augustin_d%27Hippone.

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Saint Basile de Césarée ou Basile le Grand (en gr. Basileios)

Né en Césarée de Cappadoce en 329, Basile mourut en 379. Docteur et père de l'Église qui fonda une communauté monastique en Cappadoce. Devenant évêque de Césarée en 370, il combattit contre l'arianisme de l'empereur Valens. Il est égalment l'auteur de plusieurs œuvres monastiques, théologiques et canoniques, y compris l'Hexaméron et le Contre Eunomios (contre l'arianisme).
  • Basile de Césarée, Wikipédia l'encyclopédie libre (4 décembre 2010), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 14 décembre 2010. https://fr.wikipedia.org/wiki/Basile_de_C%C3%A9sar%C3%A9e.
  • Basile le Grand (saint) en gr. Basileios, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.

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Saint Bernard de Clairvaux

Saint Bernard (1090-1153) était moine et le directeur de conscience de l'ordre cistercien. Il devint une des principales personnalités de l'Occident chrétien. C'est un conservateur qui intervenait souvent dans les affaires publiques et conseillait les papes. En 1146, à la demande du pape Eugène III, il prêcha la deuxième croisade. Plus homme d'action et de spiritualité que théologien, il est cependant l'auteur de quelques traités polémiques, de sermons, et de poèmes.
  • Bernard de Clairvaux, Wikipédia, L'encyclopédie libre (3 août 2011), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 24 août 2011. https://fr.wikipedia.org/wiki/Bernard_de_Clairvaux.
  • Bernard de Clairvaux (Saint), Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.

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Saint Bonaventure (surnommé le Docteur séraphique)

Théologien italien (1221-1274) et Docteur de l'Église. Saint Bonaventure (Giovanni di Fidanza) s'inscrit dans la lignée augustinienne. Comme philosophe et mystique, Saint Bonaventure est aussi l'auteur de plusieurs œuvres, tel que l'Itinéraire de l'âme vers Dieu.
  • Bonaventure (saint), Le Petit Robert : dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
  • Pétin, L.-M., Dictionnaire hagiographique, Paris, J. P. Migne, 1850, 1, 455-462. Bibliothèque numérique Gallica, Internet, 10 avril 2013.https://gallica.bnf.fr/.
  • Cyranides, Wikipédia l'encyclopédie libre (19 mars 2013), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 12 avril 2013. https://fr.wikipedia.org/wiki/Bonaventure_de_Bagnoregio.

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Saint Charles Borromée (en ita. Carlo Borromeo

Cardinal, archevêque de Milan, né en 1538 au château d’Arone, et mort à Milan en 1584. Il était d’une noble famille milanaise, fils de Gilbert Borromée, comte d’Arone, et de Marguerite de Médicis. Il n’avait que douze ans, lorsque son oncle, le pape Pie IV, lui résigna la riche abbaye de Saint-Gratinien d’Arone. Après la fin du concile de Trente (1563), il se consacre à l’application, dans son propre diocèse, des réformes conciliaires. Il défend contre le roi d’Espagne, en Lombardie, les droits et privilèges de l’Église. Il fut canonisé dès 1610 par le pape Paul V. Il est également l’auteur des Actes de l’église de Milan et des Instructions aux Confesseurs, traités théologiques qui ont été recueillis en cinq volumes.

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Saint Cyprien de Carthage (en lat. Thascius Caecilius Cyprianus)

Écrivain latin chrétien et Père de l'Église né vers 200, mort en 258, il fut nommé évêque de Carthage en 248. Il prêcha l'indulgence en faveur des chrétiens qui avaient abjuré. Il laissa plusieurs œuvres dont Des faillis, De l'unité de l'Église, des Lettres, précieux témoignage de leur temps, et De habitu virginum, ou Les habits des vierges, qui doivent être simples et modestes.
  • Cyprien (saint), Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
  • Cyprien de Carthage, Wikipédia l'encyclopédie libre (28 juin 2020), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 24 septembre 2020. https://fr.wikipedia.org/wiki/Cyprien_de_Carthage.

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Saint Cyrille (ou Cyrille d'Alexandrie)

Un évêque d'Alexandrie et un des Pères de l'Église. Cyrille fut neveu et successeur de Théophile, et un saint chrétien.

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Saint Grégoire 1er (le Grand)

Né vers 540 ap. J.-C., Saint Grégoire le Grand était un docteur de l'Église et le 64e pape. Il est l'un des quatre Pères de l'Église d'Occident (avec Saint Ambroise, Saint Augustin et Saint Jérôme). Grâce à lui, la papauté devint la principale puissance de l'Occident. Il fut l'auteur des Moralia in Job, des Dialogues et de la Regula pastoris, traité d'administration de l'Église. C'est à lui que l'on doit le nom de "chants grégoriens". Mort le 12 mars 604.
  • Grégoire Ier, Wikipédia l'encyclopédie libre (25 octobre 2011), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 27 octobre 2011. https://fr.wikipedia.org/wiki/Saint_Grégoire_le_Grand .
  • Grégoire Ier Le Grand (saint), Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.

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Saint Grégoire de Nazianze

Saint Grégoire (v.330 – v.390), docteur de l'Église et archevèque de Constantinopole, fut surnommé le Théologien à cause de sa profonde connaissance de la religion chrétienne. Il est l'auteur de deux discours Contre Julien (l'Apostat) et de cinq Discours théologiques dans lesquels il développe la théologie chrétienne et principalement la nature divine de l'Esprit Saint comme personne de la Trinité. Sur la fin de sa vie, il composa des poèmes sur des sujets de piété, afin de contribuer à l'édification des fidèles.
  • Grégoire de Nazianze, Wikipédia l'encyclopédie libre (12 juin 2012), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 26 septembre 2012. https://fr.wikipedia.org/wiki/Grégoire_de_Nazianze.
  • Grégoire de Nazianze (saint), Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
  • Godescard, Jean François, La vie des saints, pères et Martyrs, Paris, Furne et Ce., 1844, p.216-218.

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Saint Grégoire de Tours

Né vers l'an 538 à Clermont, saint Grégoire fut évêque de Tours de 573 jusqu'à sa mort, vers 594. Il défendit les droits de l'Église au milieu des querelles franques, s'opposa au roi Chilpéric et négocia le traité d'Andelot (587) entre Childebert II et Gontran, roi de Bourgogne. Il est l'auteur d'ouvrages hagiographiques et d'une Histoire des Francs (en lat. Historia Francorum), composée de 40 volumes, qui est à la fois ecclésiastique et civile, et qui le fit considérer comme le père de l'histoire de France.
  • Pétin, L.-M., Dictionnaire hagiographique, Paris, J. P. Migne, 1850, 1, 1241-1244. Bibliothèque numérique Gallica, Internet, 9 mai 2013. https://gallica.bnf.fr/.
  • Grégoire de Tours (saint), Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.

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Saint Grégoire le Thaumaturge

Évêque de Néocésarée en Cappadoce et disciple d'Origǹe, né vers 214 et mort vers 270. Il est célèbre par les guérisons miraculeuses et les conversions qu'il aurait obtenues. Il est l'auteur d'un Éloge d'Origène et d'un Symbole de foi trinitaire.
  • Grégoire le Thaumaturge, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
  • Grégoire le Thaumaturge, Wikipédia l'encyclopédie libre (4 octobre 2013), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 5 novembre 2013. https://fr.wikipedia.org/wiki/Grégoire_le_Thaumaturge.

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Saint Jacques, dit le Majeur

L'un des douze disciples de Jésus Christ qui serait mort par le sabre sur ordre d'Hérode Agrippa Ier (Actes des Apôtres 12, 2). Il est considéré comme l'apôtre de l'Espagne car, selon une légende, son tombeau se trouverait dans la ville de Compostelle en Galice.
  • Jacques de Zébédée, Wikipédia l'encyclopédie libre (21 novembre 2010), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 1er décembre 2010. https://fr.wikipedia.org/wiki/Jacques_de_Z%C3%A9b%C3%A9d%C3%A9e.
  • Jacques (saint) dit le Majeur, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.

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Saint Jean Chrysostome

Docteur de l'Église et prêtre d'Antioche vers 349 ap. J.-C. ; c'est un saint de l'Église catholique romaine, de l'Église orthodoxe et de l'Église copte. Il devint célèbre pour sa prédication et son éloquence, d'où vient son surnom de Chrysostome, en grec chrysóstomos, littéralement Bouche d'or. Cependant, son œuvre, qui comporte des traités ascétiques et un grand nombre d'homélies, ne supporta ni le luxe du haut clergé ni l'adultère de l'impératrice, ce qui lui valut d'être enfin exilé en 404.
  • Jean Chrysostome, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
  • Jean Chrysostome, Wikipédia l'encyclopédie libre (12 octobre 2011), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 3 septembre 2011. https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean_Chrysostome.

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Saint Jean l'Évangéliste (Apôtre)

Un des douze  principaux apôtres, on l'appelle Jean l'Apôtre, Jean l'Évangéliste, Jean le Théologien, ou Le disciple que Jésus aimait pour le distinguer de Jean le Baptiste. Saint Jean avait été choisi vierge et resta vierge toute sa vie. Selon saint Jérôme, cette pureté lui mérita la garde de Marie, la mère de Jésus. Saint Jean assista à la Transfiguration et à la Passion, et accéda avec saint Pierre au tombeau vide. Saint Jean mourut à Éphèse, âgé d'environ quatre-vingt-quatroze ans. La tradition lui attribue la quatrième Évangile, trois épîtres, et l'Apocalypse.

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Saint Jean-Baptiste

Saint-Jean Baptiste (aussi appelé le Baptiste) fut un prophète juif. Les Évangiles reconnurent en lui certaines qualités chrétiennes ; ainsi fut-il surnommé le Précurseur. Il vécut dans le désert (possiblement celui de Juda) et trouva des disciples, leur prêchant la conversion intérieure et annonçant la venue prochaine du Messie. Selon Marc I,IX Jésus fut baptisé par lui dans l’eau du Jourdain, où il pratiquait d’habitude le baptême. Il mourut par décollation (décapitation) sur un ordre donné par Hérode Antipas, comme demandé par Salomé (princesse juive). Elle aurait dansé devant Antipas, son oncle, et demanda la décollation comme récompense.
  • Jean-Baptiste (saint) ou le Baptiste, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.

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Saint Joseph

Dans l'Évangile, Saint Joseph est l'époux de Marie et père nourricier de Jésus. Il est présenté comme un homme justequi a accepté d'accueillir Marie et son enfant suite au message de l'ange.
  • Joseph (Nouveau Testament), Wikipédia l'encyclopédie libre (30 octobre 2012), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 5 novembre 2012. https://fr.wikipedia.org/wiki/Joseph_(Nouveau_Testament).
  • Joseph (saint), Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.

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Saint Jérôme

Ce Père de l’Église, qui vécut de 342 à 420, connu pour son rigorisme, mena une vie austère, d’abord en ermite dans le désert en Syrie. Après un séjour à Rome pour établir la Vulgate, la première version latine de la Bible, il passa les trente dernières années de sa vie isolé dans un monastère en Palestine.
En 393, il écrit un traité polémique Contre Jovinien (en lat. Adversus Jovinianum), où il critique les thèses du moine Jovinien, qui était un opposant de l'ascétisme chrétien au IVe siècle.
On a aussi un recueil de ses Epîtres.
  • Saint Jerôme, 342-420, Le dossier pédagogique, Bibliothèque nationale de France, Internet, 21 janvier 2010.
  • Jérôme de Stridon, Wikipédia l'encyclopédie libre (5 octobre 2012), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 22 octobre 2012. https://fr.wikipedia.org/wiki/Jérôme_de_Stridon.

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Saint Matthieu

Appelé Lévi par Marc et Luc, Matthieu est l'un des douze apôtres. Son évangile est le premier des quatre évangiles canoniques; il raconte la passion, l'envoi en mission, la mort et la résurrection du Christ selon la perspective de Matthieu en s'appuyant beaucoup sur l'Évangile selon Marc.
  • Évangile selon Matthieu, Wikipédia l'encyclopédie libre (25 septembre 2011), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 28 septembre 2011. https://fr.wikipedia.org/wiki/Évangile_selon_Matthieu.
  • Matthieu (saint), Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.

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Saint Paul

Paul naquit à Tarse (ville de l’ancienne province romaine Cilicie en Turquie) environ 5 av. J.-C. Il fut un des douze apôtres du Christ et il travaillait en particulier auprès des non-juifs, ce qui lui a donné le surnom l’Apôtre des gentils. Nous connaissons son travail grâce aux Actes des Apôtres et à ses quatorze Épîtres. Juif fervent, nommé Saül, il commença par lutter contre le christianisme, pourtant, à cause d’une vision du Christ sur le chemin de Damas, il changea d’avis et se convertit. Dès lors, il fit trois voyages missionnaires en Asie Mineure, Macédoine et Grèce pour fonder d’autres communautés proto-chrétiennes. Il fut accompagné pendant ces voyages par les apôtres Barnabé et Marc et par les compagnons Timothée, Tite et Silas. Paul fut arrêté à Jérusalem, incarcéré et ensuite transféré à Rome où, selon la tradition, aurait été exécuté (vers 62 ou 64 ap. J.-C.).
  • Paul (saint), Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.

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Saint Pierre

Dans les Evangiles de la Bible, Pierre est le principal apôtre. Jésus qui lui donna son nom de Képhas Pierre : Tu es Pierre et sur cette pierre, je bâtirai mon Église (Matthieu XVI, 18) ; jusqu’alors, Pierre s’appelait Simon et il était un pêcheur sur le lac de Tibériade en Galilée. Pierre fut le premier à suivre Jésus, avec son frère, André. Tous les deux devinrent ensuite des apôtres. Pierre assista à plusieurs miracles religieux et événements majeurs pendant sa vie, notamment la Transfiguration, la Passion et l’arrestation de Jésus. Il vit également le tombeau de Jésus vide; par la suite, avec les douze autres apôtres, il assista à l’apparition du Christ dans la grotte. Selon Jean XXI, 15-17, Pierre devint le chef de l’Église de Jésus après la Résurrection. En outre, selon la Tradition Catholique Romaine, il aurait été le premier évêque de Rome. En 64, sous Néron, il fut martyrisé. On attribue à Pierre deux Épîtres canoniques, écrites sous son nom.
  • Pierre (saint), Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.

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Saint Pierre Chrysologue ou Pierre de Ravenne

Né à Imola dans la Romagne, saint Pierre Chrysologue, c'est-à-dire « qui parle d'or », fut théologien et archevêque de Ravenne vers l'an 433 jusqu'à sa mort, en 450.

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Saint Sébastien

Martyr romain (IIIe siècle). Selon les Actes de saint Sébastien (Ve s.), il aurait été capitaine de la garde prétorienne de Dioclétien et livré par ce dernier à ses arches comme chrétien. Sauvé par une chrétienne, il alla reprocher à Dioclétien de persécuter les chrétiens et fut bâtonné à mort.
  • Sébastien (saint), Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.

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Saint Thomas (surnommé Didyme)

Un des douze apôtres des Évangiles, la légende lui fait l'évangélisateur des Indes. Dans l'Évangile selon saint Jean, Thomas refuse de croire à la résurrection de Jésus avant d'avoir touché ses plaies; il devint ainsi symbole de la persévérance de la foi face au doute religieux. Selon la légende, il meurt martyr à Mylapore, près de Chennai.
  • Thomas (apôtre), Wikipédia l'encyclopédie libre (24 octobre 2011), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 3 novembre 2011. https://fr.wikipedia.org/wiki/Thomas_(apôtre).
  • Thomas (saint), Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.

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Saint Thomas d’Aquin

Thomas d'Aquin (c. 1224-1274) est célèbre pour son œuvre théologique et philosophique. Considéré comme l'un des principaux maîtres de la philosophie scolastique et de la théologie catholique, canonisé en 1323, il fut proclamé docteur de l'Église en 1567. Son ouvrage le plus célèbre est sans doute sa Somme théologique écrit entre 1266 et 1273 et resté inachevé, mais il publia de son vivant beaucoup d'autres ouvrages.

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Saint Timothée

Timothée vécut à Lystres, en Asie Mineure, au premier siècle. Selon les Actes des apôtres 17, il accompagna Paul pendant ses deux derniers voyages missionnaires. Il mourut à Éphèse (une cité d’Ionie, en Turquie). Il est le destinataire de deux Épîtres pauliennes.
  • Timothée (saint), Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
  • Timothée de Lystre, Wikipédia l'encyclopédie libre (15 juin 2020), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 27 juillet 2020. https://fr.wikipedia.org/wiki/Timoth%C3%A9e_de_Lystre.

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Saint Tite

Apôtre du Christ d'origine grecque, Tite fut collaborateur et compagnon de Saint Paul pendant la 1ère siècle AD. Connu pour sa clarté et sa fermeté comme diplomat, Tite joua un rôle éssentiel en ramenant la paix dans l'Église de Corinthe. Il contribuait aussi à l'organisation de l'Église crétoise, où Paul lui ordonna comme évèque. Il est célébré le 25 août par l'Église orthodoxe et le 26 janvier par l'Église catholique, avec son contemporain Saint Timothée.

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Saint Zacharie (père de Saint Jean-Baptiste)

Prêtre juif et miraculeusement père de Saint Jean-Baptiste, malgré la stérilité de sa femme Élisabeth. L'histoire de Saint Zacharie et Sainte Élisabeth paraît dans l'Évangile de Luc.

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Saint-Esprit (Esprit saint ou l'Amour du Père et du Fils)

Dans le christianisme, le Saint-Esprit est l'Esprit de Dieu et la troisième personne de la Trinité. Dans le Nouveau Testament, on dit que le Saint-Esprit diffère du Père et du Fils et avec eux forment tous les trois un seul Dieu. Le dogme de la Trinité a été formulé progressivement, mais il tire son origine lors des conciles anciens; particulièrement, le premier concile de Nicée.

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Sainte Eustochie (en lat. Eustochium

Vierge et abbesse, née à Rome vers l’an 364. Elle est la sœur de sainte Blésille et la fille de sainte Paule à laquelle elle succéda à la tête du monastère de Bethléem. Vers l’an 382, elle prit saint Jérôme pour son guide spirituel, et s’engagea à rester toute sa vie dans l’état de virginité. À cette occasion, saint Jérôme lui adressa une lettre intitulée De custodia virginitatie, son traité De la Virginité, plus connu sous le nom de Lettre à Eustochie.
Hymettius, un oncle d'Eustochie, ainsi que sa femme, Prætextata, essayèrent vainement de la persuader la jeune femme de quitter cette vie austère et de jouir des plaisirs du monde, mais elle resta ferme dans sa vœu de virginité perpétuelle.
Sainte Eustochie mourut un an avant saint Jérôme, l’an 419, et fut enterrée auprès de sa mère.
  • Pétin, L.-M., Dictionnaire hagiographique, Paris, J. P. Migne, 1850, 1, 950-951. Bibliothèque numérique Gallica, Internet, 4 juillet 2013.https://gallica.bnf.fr/.
  • Eustochium, Wikipédia l'encyclopédie libre (15 mars 2013), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 4 juillet 2013. https://fr.wikipedia.org/wiki/Eustochium.

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Sainte Félicité

Sainte Félicité de Rome était veuve martyre avec ses sept fils en 150 ou 164.

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Sainte Marcelle

Sainte Marcelle (m. 410), une jeune veuve à l’époque de Saint Jérôme, refusa d’épouser le riche vieillard Céréalis, ancien prefet de Rome et (en 358) consul romain. Marcelle préféra la vie monastique ; elle vécut le reste de sa vite dans une retraite religieuse; Jérôme la conseillait.
En 409 lors du sac de Rome par les Goths, elle protège les vierges qui partagent son asile; elle meurt peu après.
  • Pétin, L.-M., Dictionnaire hagiographique, Paris, J. P. Migne, 1850, 2, 370-371. Bibliothèque numérique Gallica, Internet, 24 février 2016. https://gallica.bnf.fr/

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Sainte Monique

Née à Thagaste (aujourd'hui Souk-Ahras, Algérie) vers 331 et morte à Ostie en 387, sainte Monique fut la mère de saint Augustin. Elle se maria très jeune à Patrice, un homme païen dont le tempérament impétueux et l'infidelité incitèrent la discorde dans leur mariage. C'était la foi chrétienne et la dévotion de Monique à son mari et à son fils qui amenèrent Patrice et Augustin à se convertir.
  • Monique (sainte), Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
  • Pope, Hugh, St. Monica, The Catholic Encyclopedia, New York, Robert Appleton Company, 1911, vol. X. New Advent, Internet, 4 janvier 2012. https://www.newadvent.org/cathen/10482a.htm.

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Sainte Paule

Paule, née patricienne romaine en 347, décida de mener une vie ascétique après la mort de son mari sénateur (Toxoce) et quatre de ses enfants. Elle devint une disciple de Saint Jérôme et co-fondatrice de son ordre. Avec sa fille Euſtochium, elle soutint Jérôme dans sa traduction de plusieurs livres de l'Ancien Testament. Sainte Paule mourut en 404.

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Sainte Perpétue

Jeune femme noble, Perpétue fut martyrisée à Carthage en 203 avec son esclave Félicité, deux hommes libres (Saturninus et Secundulus) et l'esclave Revocatus. Ayant accouché récemment et allaitant encore pendant son emprisonnement, Perpétua fut suppliée par son père de renier sa foi afin de ne pas laisser orpheline son enfant. Cependant, Perpétua demeura fidèle à Jésus-Christ et fut condamnée à être déchirée par des bêtes.

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Sainte Thérèse d’Avila ou Thérèse de Jésus

Religieuse et mystique espagnole, fondatrice des Carmélites déchaussées, née le 28 mars 1515 à Avila dans la Vieille-Castille, morte le 4 octobre 1582. Elle fonda de nombreux couvents en Espagne et vit des expériences mystiques très fortes. Elle fut béatifiée en 1614 par Paul V, puis canonisée par Grégoire XV en 1622. C’est en 1970 qu’elle fut proclamée docteur de l’Église par Paul VI, la première femme d’être reconnue comme docteur de l’Église catholique. Sainte Thérèse est l’auteur de plusieurs ouvrages tels que L’Histoire de sa vie, Le Chemin de perfection, Le Livre des fondations et Le Château de l’âme.

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Sainte Élisabeth (mère de Saint Jean-Baptiste)

Femme du prêtre Zacharie et mère de Saint Jean-Baptiste malgré sa stérilité. Le miracle de cette conception est élucidé dans l'Évangile de Luc.

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Saintes Écritures (ou Écritures Saintes)

Inspiré par le Saint-Esprit, les Saintes Écritures sont les paroles de Dieu racontées à l'oral et à l'écrit par les hommes saints.

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Salomon

Salomon fut le roi d’Israël de 972 à 932 av. J.-C. et le fils de Bethsabée et de David. Pendant son règne, Israël vît la construction du Temple, d’un palais, d’une flotte, aussi bien qu'une alliance puissante entre Salomon et Hiram 1er de Tyr (ancienne cité phénicienne) et le maintien d’une armée équipée de chars et de cavalerie. Selon la tradition, ce roi aurait écrit le Cantique des cantiques, l’Écclésiaste, les Proverbes, la Sagesse, une partie des Psaumes et certaines Odes. I Rois, III, 16 de la Bible décrit la sagesse de Salomon. Lorsque deux femmes lui rendirent visite, prétendant être la mère d'un enfant, il annonça qu’il fallait le partager en deux dans l’espoir que la vraie mère y renoncerait. Ainsi la femme qui montra de la compassion reçut-elle l’enfant. La locution jugement de Salomon se voit associé donc à un jugement équitable.
Malgré sa sagesse, Salomon avait une grande faiblesse – son amour des femmes, qui était témoigné par ses septs cents épouses Princesses et trois cents concubines. Selon I Rois XI, puisque Salomon se maria avec des femmes étrangères (des Moabites, des Hammonites, des Iduméènnes, des Sidoniènnes et des Héthiènes) qui avaient détourné sa dévotion vers leurs dieux, le Dieu d'Israël lui avertit que tout son royaume, à l'exception d'une tribu, serait perdu pour son fils en faveur de son serviteur.
  • Salomon, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.

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Salvien de Marseille

Écrivain latin prolifique du Ve siècle, il ne reste que deux œuvres de Salvien: le De Gubernatione Dei (Le Gouvernement de Dieu) et Ad Ecclesiam (À l'Église). Ami d'Honorat d'Arles (Saint Honorat), Hilaire d'Arles et Eucher de Lyon, il serva comme tuteur des fils de Eucher, Salonius (Salonius de Genève) et Veranus. C'est à l'Abbaye de Lérins où Salvien et sa femme Palladia se convertirent à l'ascétisme, s'y étant installés avec leur fille Auspiciola. Salvien mourut à Marseille après l'année 470.

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Samson (en hébr. Shimshin celui de Shemesh, du Soleil)

Personnage biblique, juge d’Israël (Juges, XIII-XVI). Consacré à Dieu (nazir), il porte intacte sa chevelure, siege de sa force. Il lutte contre les Philistins, en tue mille avec une mâchoire d’âne, mais est trahi par Dalila qui lui rase la tête et le livre. Prisonnier, il retrouve sa force et renverse le temple de Dagon sur lui-même et sur les Philistins.
  • Samson en hébr. Shimshin celui de Shemesh, du Soleil, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.

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Samuel

Personnage biblique, prophète et juge d'Israël. Il lutte victorieusement contre les Philistins, instaure la royauté en nommant Saül, puis, lorsque celui-ci devient indésirable, joint secrètement David. Il aurait vécu au -XIe s.
  • Samuel, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.

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Sara ou Sarah, femmme d'Abraham

Femme du patriarche biblique Abraham. Selon le chapitre XII du livre de Genèse de l'Ancien Testament, lorsqu'Abraham et Sara arrivèrent en Égypte, de peur que les Égyptiens le tuât en raison de la beauté de sa femme, Abraham fit passer Sara pour sa sœur. Pharaon, captivé par sa beauté, prit Sara comme épouse et montra sa faveur à Abraham par égard pour elle. Toutefois, Dieu infligea de grandes plaies à Pharaon et à sa maison à cause de Sara. Pharaon, découvrant que Sara était, en fait, la femme d'Abraham, renvoya les deux de l'Égypte.
Sara étant stérile, Abraham prit sa servante Agar comme concubine. Lorsque Sara devint jalouse, Agar fut renvoyée dans le désert où elle donna naissance à Ismaël.

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Sara, femme de Tobie

Dans le Livre de Tobie, Sara, fille de Raguel, devient la femme de Tobie. Elle est tourmentée par le démon Asmodée; afin de la libérer, Tobie la prend comme épouse.

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Satan (en hébr. ha-sâtân)

Le nom vient du mot hébreu ha-sâtân, qui veut dire l’Adversaire en justice, l’Accusateur, et correspond au mot grec diabolos (accusateur, calomniateur). Dans les traditions juive et chrétienne, Satan fut le chef des démons. Dans le poème épique Le Paradis perdu (Paradise Lost) de John Milton, le poète décrit l’avènement au pouvoir de ce démon. Celui-ci est mentionné dans les livres Zacharie III, 1 ; Job, I et II ; et Apocalypse II de la Bible.
  • Satan en hébr. ha-sâtân, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.

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Saül

Premier roi des Israélites (-1020 - -1000) selon la Bible.
Troublé par un esprit maléfique, Saül appelle David, harpiste et soldat habile, pour l'apaiser par sa musique. Gagnant sa faveur, Saül donne sa fille cadette à David en mariage et le fait chef de l'armée. Toutefois, devenant jaloux des succès militaires de David et ayant peur qu'il usurpe son trône, Saül le persécute et tente de l'assassiner. Ses attentats échouent et Saül, enfin, se donne à la mort après sa défaite à Guilboa par les Philistins. David devient finalement roi des Israëlites après la mort du fils de Saül.
  • Saül, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
  • Saul, Wikipédia l'encyclopédie libre (12 octobre 2010), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 14 octobre 2010. https://en.wikipedia.org/wiki/Saul.

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Scévole de Sainte Marthe

Poète français (1536-1623) qui fut aussi capitaine et maire de Poitiers (1579-1580) puis trésorier de France. Célèbre pour son éloquence, sa poésie fut très estimée par Pierre de Ronsard, Étienne Pasquier et Henry IV de France.

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Septante

Les Septante sont les 70 ou 72 interprètes qui, selon l'opinion commune, traduisirent en grec de la Bible hébraïque, le Tanakh. On appelle par extension "Septante" la version grecque ancienne de la totalité des Écritures de l'Ancien Testament.
  • Septante, Wikipédia, L'encyclopédie libre (27 juin 2013), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 7 juillet 2013. https://fr.wikipedia.org/wiki/Septante.
  • Calmet, Augustin, Dictionnaire historique, critique, chronologique, géographique et littéral de la Bible, t. 4, Paris, Migne, 1830, pp. 178-184. Livre numérique Google, Internet, 10 janvier 2015. https://books.google.ca/.

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Seth

Le fils d'Adam et d'Ève, né après le meurtre d'Abel et la fuite de Caïn (Genèse, 4:25).
  • Seth, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.

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Sidon

Ville du Liban, dans l'Antiquité capitale de la Phénicie. Selon la Genèse, la ville était fondé par Sidon (ou Tsidone), le fils de Canaan, lui-même le petit fils de Noé.

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Silo

Un des plus importants lieux des Israélites pendant la période suivante la conquête du Canaan (Juges), Silo (Siloh, en hébr. šīloh, שילה) fut situé en Samarie, au sud de l'ancienne capitale Tirtza. Silo fut détruit en 1050 av.J.-C. au cours d'une bataille entre les Philistins et les Hébreux.

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Sion

Nom de la colline de Jérusalem où dans l'Ancien Testament la citadelle conquise par David fut construite. Le nom s'étendit à la ville entière et finit par symboliser pour les chrétiens le Jérusalem céleste, donc la présence de Dieu.
  • Sion, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.

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Socrate (en gr. Sôkratês)

Philosophe grec né à Athènes en -470 av. J.-C. dont la philosophie d'atteindre à la connaissance de soi et au bonheur par la raison humaine exerça une grande influence sur la philosphie antique et moderne. Socrates fut fort influencé par les sophistes (qu'il critiqua plus tard dans sa vie), maîtres du raisonnement axé sur des fins utilitaires et par le savant grec et biologiste, Anaxagore, de l’école ionienne. Il se maria avec Xantippe vers 416 et eut d'elle trois fils mais il continua à dédier sa vie à l'enseignement des jeunes athéniens, parmi lesquels le général Alcibiade et les philosophes Phédon et Aristippe, et au débat partout à Athènes, suscitant des réactions favorables de beaucoup mais aussi hostiles de certains. C'étaient les hostiles, nommément Anytos, Lycon et Mélitos, qui provoquèrent la mort de Socrate en -399, le condamnant à boire la ciguë sous prétexte d'avoir corrompu la jeunesse.
  • Socrates, Encyclopædia Britannica Online (2011), Encyclopædia Britannica, Internet, 8 février 2011. https://www.britannica.com/biography/Socrates.
  • Socrate en gr. Sôkratês, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.

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Sénèque (en lat. Lucius Annaeus Seneca)

Philosophe stoïcien, homme politique et écrivain, Sénèque naquit à Cordoue en -4 av. J.-C. Il fut également le précepteur de Néron, exerçant une influence bienveillante et stable sur le jeune empereur pendant les premières années de son règne. Pourtant, après le meurtre de Burrus (le préfet de la garde) par Néron, Sénèque se retira. En 65 ap. J.-C., il dut se suicider sur l’ordre de Néron après que l’empereur l’ait accusé de participer à une conspiration.
Plusieurs tragédies sont attribuées à Sénèque : Médée, Les Troyennes, Phèdre, Agamemnon et Hercule furieux. Il écrivit aussi les traités de philosophie De la clémence, Des bienfaits, De la constance du sage, De la tranquillité de l’âme, De la colère, De la providence et Lettres à Lucilius. L’ouvrage scientifique Naturales Quaestiones lui est également attribué.
  • Sénèque, Encyclopédie Universalis (2009), Paris, Encyclopædia Universalis, Internet, 1er octobre 2009.
  • Sénèque en lat. Lucius Annaeus Seneca, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
  • Sénèque, Wikipédia l'encyclopédie libre (12 janvier 2021), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 7 mars 2021. https://fr.wikipedia.org/wiki/S%C3%A9n%C3%A8que.

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Tertullien (en lat. Septimius Florens Tertullianus)

Écrivain latin (v. 155 - v . 225) considéré comme le fondateur de la théologie chrétienne de langue latine. Auteur d’œuvres apologétiques et polémiques, il fut le premier à tenter la synthèse entre le christianisme et la culture païenne. Ayant une morale rigoureuse, particulièrement pour le mariage, il rejoignit le mouvement montaniste, considéré hérétique par les catholiques, vers la fin de sa vie.
  • Tertullien, Wikipédia l'encyclopédie libre (5 août 2010), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 18 août 2010. https://fr.wikipedia.org/wiki/Tertullien.
  • Tertullien en lat. Septimius Florens Tertullianus, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.

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Thagaste

Thagaste est une ancienne ville à l'emplacement de la ville actuelle de Souk Ahras en Algérie. C'est la ville natale de Saint Auguſtin.

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Theodore Balsamon ou Balsamo

Un ecclésiastique byzantin né vers 1130 à Constantinople et mort dans la même ville vers 1195, Balsamon fut le patriarche d'Antioche entre 1185 et 1195. Il était le plus éminent des canonistes byzantins.

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Théodulf d'Orléans (en lat. Theodulphus)

Né dans le nord-est de l'Espagne en 755, Théodulf fut repéré par Charlemagne. Un érudit, theologien et poète, Théodulf était évêque d'Orléans dès 798. Malgré ses succès, Théodose fut compromis lors de la révolte d'un prince italien contre Louis I ("le Pieux"), destitué de ses fonctions et mis en prison en 818. Il y mourut en 820.

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Tobie ou Tobias

Fils de Tobit et le héros du Livre de Tobie, qui raconte les actes de ce jeune Israélite lors de la déportation à Ninive en 721. Selon l’histoire, Tobie, aidé par un poisson magique, aurait chassé les démons qui tourmentaient Sara. Ensuite, il aurait épousé cette dernière et aurait rendu la vue à son père, qui était aveugle auparavant.
  • Tobie ou Tobias, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.

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Tobit, père de Tobie

Selon le Livre de Tobie, l'Israélite Tobit, devenu aveugle, retrouva la vue grâce à un miracle accordé à son fils.
  • Tobie ou Tobias, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.

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Urie le Hittite

Selon le deuxième livre de Samuel, Urie était un officier et homme influent dans l'armée de David et l'époux de Bethsabée. Pendant la bataille de Rabba, David ordonna que l'on mette Urie en première ligne afin qu'il meure pour que David puisse s'approprier sa femme.
  • Urie le Hittite, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
  • Urie le Hittite, Wikipédia l'encyclopédie libre (7 mars 2011), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 29 mars 2012. https://fr.wikipedia.org/wiki/Urie_le_Hittite.

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Veau d'or

Dans la Bible, le Veau d'or est le symbole de l'idolâtrie. Dans l'Exode, Moïse monta sur le Mont Sinaï pour recevoir La Loi (Décalogue) dictée par Dieu. Pendant ce temps, les Israélites, ne pouvant plus supporter d’avoir affaire à un dieu invisible, persuadèrent Aaron, le frère de Moïse, de leur fabriquer un veau en or, l'acte qui brisa le premier des Dix Commandements. En conséquence de de cette transgression, Moïse dut remonter le Mont Sinaï pour renouveler l’alliance entre le peuple juif et Dieu, après quoi il redescendit de la montagne, la peau toute rayonnante.

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Xerxès Ier ou Assuérus

Roi de Perse (de -486 à -465), né vers -519, mort en -465, membre de la dynastie des Achéménides. Fils de Darios Ier et d'Atossa. À son avènement il dut faire face aux révoltes d'Égypte (-486) et de Babylonie (-482) qu'il réprima durement. Pour venger l'échec de son père à Marathon, il prépara longuement l'invasion de la Grèce. Pendant la deuxième guerre médique (-480 à -479), il traversa la Thrace, la Macédoine, puis vainquit les Grecs aux Thermopyles et à l'Artémision et prit Athènes. La fin de son règne fut marquée par des complots et il fut assassiné à Suse par un dignitaire de sa cour. Son fils Artaxerxès Ier lui succéda.
Xerxès Ier est assimilé par les historiens contemporains à l'Assuréus de la Bible, qui apparait dans le Livre d'Esther et les Esdras comme le mari d'Esther.
  • Xerxès Ier, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
  • Xerxès Ier, Wikipédia l'encyclopédie libre (20 novembre 2013), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 3 décembre 2013. https://fr.wikipedia.org/wiki/Xerxès_Ier.

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Zacharie

L'un des douze petits prophètes, Zacharie est l'auteur du Livre de Zacharie dans l'Ancien Testament. Selon la tradition il était le contemporain du petit prophète Aggée, avec qui il participa à la reconstruction du Temple de Jérusalem après l'exil à Babylone.

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Ève

Dans les traditions juive, musulmane et chrétienne, Adam fut le premier homme, créé par Dieu et mis dans le Paradis terrestre (Éden). Dieu créa également une femme, Ève, à partir de la côte d'Adam, ainsi représentant le mariage comme l'union de l'homme et de la femme en une seule chair.
Selon la tradition, Ève, tentée par Satan, qui avait pris la forme d’un serpent, encouragea Adam à manger le fruit défendu ; ce péché originel, qui pèse sur toute l’humanité, provoqua Dieu à chasser les deux du Paradis. Ève et Adam eurent trois fils, Abel, Caïn et Seth. Le premier livre de la Bible, Genèse, raconte l’histoire du premier homme et de la première femme sur la Terre.
  • Ève, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.

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Éloi de Noyon

Saint Éloi de Noyon (588-659), élu évêque de Noyon en 641, fut formé comme monnoyeur et orfèvre. Il devint contrôleur des mines et métaux, maître des monnaies, puis grand argentier du royaume du roi Clotaire II et ministre des finances du roi Dagobert Ier avant d'être élu évêque.

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Énosh

Personnage biblique de l'Ancien Testament, fils de Seth. Il épousa sa sœur Noam et à 90 ans, eut un fils, Kénan. Il mourut à l'âge de 905 ans. À ne pas confondre avec le patriarche Henoch ou Enoch.

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Énée (en gr. Aineias, en lat. Aeneas)

Tout comme Hercule, Énée fut le fils d’un mortel et d’une déesse, ayant pour parents Anchise (cousin du roi Priam) et Vénus. L’épopée romaine l’Énéide raconte l’histoire d’Énée, le décrivant le plus souvent comme pieux. Ainsi ce héros incarne-t-il des valeurs romaines comme la dévotion à son devoir, d’abord et avant tout.
Selon la mythologie gréco-romaine, Énée fut un des plus grands héros de la guerre de Troie, avec Hector. Il luttait avec les héros grecs Dioméde et Idoménée pendant la guerre, et deux fois, les dieux le délivrèrent de situations périlleuses. Éventuellement, les Grecs lui ordonnèrent de fuir la Troie, et ensuite, il se trouva naufragé avec quelques-uns de ses hommes à Carthage. Là, selon l'Énéide, il connut Didon, fondatrice et reine de la ville. Les deux tombèrent vite amoureux. Malheureusement, cet amour menaçait le destin de ce héros : il était censé fonder Lavinium (Rome) en Italie. À cause du départ de son bien-aimé, Didon, inconsolable, se donna la mort. Atteignant l'Italie, Énée rencontra Latinus, le roi du Latium qui désira lui donner sa fille Lavinie en mariage. Cependant, Turnus, roi des Rutules d'Ardée, qui voulait à tout prix prendre Lavinie comme épouse, fit la guerre contre Latium. C'était Énée qui mit fin à la lutte lorsqu'il tua Turnus au combat rapproché. Il épousa, finalement, Lavinie et les deux se donnèrent le jour à Ascagne, futur fondateur d'Albe la Longue.
  • Aeneas, Greek Mythology Link (1997), Carlos Parada et Maicar Förlag, Internet, 10 août 2011. http://www.maicar.com/GML/Aeneas.html.
  • Énée (en gr. Aineias, en lat. Aeneas), Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.

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Éphraïm

Deuxième fils d'Asnath et Joseph, Éphraïm fut béni par son grand-père Jacob avant son frère ainé, Manassé. Ce signifie la préséance éventuelle de la tribu d'Éphraïm sur celle de Manassé. Ses descendants constituent une des douze tribus d'Israël, incluant Josué fils de Noun.

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Épiphane de Salamine, ou Épiphane de Chypre (en lat. Epiphanius Constantiensis)

Évêque et théologien chrétien né en 315 et mort en 403.
  • Épiphane de Salamine, Wikipédia, l'encyclopédie libre(2 décembre 2012), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 14 janvier 2013.https://fr.wikipedia.org/wiki/Épiphane_de_Salamine.
  • Épiphane (saint), Le Petit Robert : dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.

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Épître aux Colossiens

Lettre de saint Paul adressée à l'Église de la cité phrygienne de Colosses. C'est une des quatre lettres écrites par Paul pendant sa première captivité à Rome, pendant laquelle il écrivit les Épîtres aux Éphésiens, aux Phillipiens et à Philémon.
La situation à Colosses fut semblable à celle chez les Galates, où les docteurs judaïsants prêchèrent le retour à la loi de Moise (en particulier l'accent sur les observances : circoncision, prescriptions alimentaires et fêtes annuelles) et sur un ascétisme extrême. Dans sa lettre, Paul reprend les membres de l'Église en enseignant que la rédemption n'est possible que par le Christ et qu'ils devaient faire preuve de sagesse et le servir.

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Épître aux Corinthiens

Les deux épîtres intitulées Corinthiens dans le Nouveau Testament ont été écrites par saint Paul. La première épître aux Corinthiens a été écrite à Pâques de l’an 55, 56 ou 57. Dans cette première lettre, Paul traite des difficultés qu’il a rencontrées dans l’Église de Corinthe, par exemple, cas d’inceste, désordres dans la pratique de l’Eucharistie, l’existence des tribunaux païens et des erreurs doctrinales concernant la résurrection. Il répond également à quelques questions posées par les Corinthiens concernant les dons spirituels et la virginité, parmi d’autres. De nos jours, on se fie à l’authenticité de cette première épître aux Corinthiens, vu qu’elle est citée par Clément de Rome et par Ignace.
La seconde épître écrite aux Corinthiens fut produite pendant le séjour de Paul en Macédoine, lorsqu’il pensait à aller à Corinthe pour la troisième fois. Dans cette seconde épître, Paul fait allusion à un deuxième séjour en Corinthe, apparemment pénible (I, 23 et II, 3). Il parle d’une lettre écrite en larmes aux Corinthiens ; l’on croit de nos jours qu’il y aurait eu au moins quatre épîtres écrites à ce peuple, dont deux nous restent. La seconde épître peut être divisée en quatre parties : celle de Paul et de son rapport avec les Corinthiens ; la collecte et les bienfaits en résultant ; discours où il se dresse contre les diffamateurs et ensuite, la conclusion, qui est la quatrième partie.
  • Corinthiens, Encyclopédie Universalis (2009), Paris, Encyclopædia Universalis, Internet, 20 mai 2009.

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Épître aux Hébreux

Une épître dans le Nouveau Testament. Elle s'adresse à des chrétiens issus du judaïsme, c'est-à-dire, au sens premier, aux judéo-chrétiens encore attachés à certains usages de la Loi juive. L'église catholique reconnaît l'épître aux Hébreux comme « de filiation paulienne indirecte », mais la critique indépendante en considère plusieurs autres comme des attributions postérieures, notamment les épîtres pastorales et les épîtres catholiques.
L'épître se divise en deux parties. Dans la première partie, Jésus-Christ est décrit comme supérieur à Moïse, il est considéré comme le grand prêtre qui remplace le sacerdoce lévitique et qui établit une nouvelle alliance pour être accepté par la foi (chap. 1-10). Dans la deuxième partie, l'auteur donne des conseils sur la persévérance fidèlement dans la nouvelle alliance (chap. 10 à 13).
  • Épîtres du Nouveau Testament , Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
  • Épître aux Hébreux, Wikipédia l'encyclopédie libre (5 mai 2013), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 7 mai 2013. https://fr.wikipedia.org/wiki/Épître_aux_Hébreux.

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Épître aux Éphésiens

La lettre aux Éphésiens correspond aux chapitres XVIII et XIX des Épîtres des Apôtres du Nouveau Testament, et fut écrite par des disciples de l'Apôtre Paul entre l'an 60 et 63. Dans la première partie (I:III-III:XIX), l'auteur insiste sur l'union de tous les chrétiens avec Jésus Christ grâce au sacrement du baptême et réalisée dans l'Église. La deuxième partie continue avec la conception de l'union de Christ avec l'Église comme l'archétype du mariage chrétien, une idée tirée de l'Ancien Testament; elle exhorte les chrétiens à vivre d'une manière honorable et digne pour maintenir cette unité. Dans cette deuxième partie, (de V:XXI à VI:IX) l'auteur décrit brièvement les normes et les règles fondamentales de la conduite de tous les membres de la famille (maris, femmes, enfants, parents, etc.) De V:XXI à V:XXXIII l'auteur décrit la vie domestique et présente les devoirs des époux, ce qui forment la base de la conception du mariage chrétien.
  • Rouche, Michel, Le sacrement de mariage dans l'Église paléochrétienne, Mariage et sexualité au Moyen Âge. Accord ou crise?, Presses de l’université de Paris-Sorbonne, 2000. Google livres, Internet, 17 août 2011.
  • Épîtres aux Éphésiens, Wikipédia, L'encyclopédie libre (29 juillet 2011), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 17 août 2011. https://fr.wikipedia.org/wiki/Épître_aux_Éphésiens.
  • Éphésiens, Épître aux, Encyclopédie Universalis (2011), Paris, Encyclopædia Universalis, Internet, 17 août 2011.

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Épîtres aux Thessaloniciens

Attribués à Saint Paul, la première épître aux Thessaloniciens est le plus ancien texte du Nouveau Testament. Elle fut envoyé en 51 à Thessalonie, où Paul s'était rendu en 50 lors de son deuxième voyage missionnaire; elle comprend une exhortation à la chasteté et à la charité.

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Ésaü (en héb. עשו)

Personnage de la Bible dans la Genèse. Ésaü était le fils d'Isaac et de Rébecca et le frère aîné de Jacob, à qui il vend son droit d'aînesse pour un plat de lentilles. Par la suite, il fut formellement supplanté par Jacob qui usurpe la bénédiction paternelle par une ruse. Ésaü faillit tuer son frère, qui part vivre chez son oncle Laban. Les frères se réconcilièrent vingt ans plus tard.
  • Ésaü, Le Petit Robert : dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
  • ÉsaüWikipédia, l'encyclopédie libre (3 août 2013), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 26 septembre 2013. https://fr.wikipedia.org/wiki/Ésaü.

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Évangile

Livres saints de la Bible qui contiennent la révélation chrétienne du Christ. Il existe quatre Évangiles canoniques, qui comprennent les premiers livres du Nouveau Testament : ceux d’après saint Matthieu, saint Marc, saint Luc et saint Jean. Les trois premiers parlent des mêmes événements et on les appelle les Synoptiques à cause de leur relation et dépendance entre eux. Le livre de Matthieu comprend 28 chapitres et se concentre sur l’annonce du Royaume chrétien et sur son accomplissement en Jésus Christ. Celui de Marc traite plutôt de la vie adulte de Jésus et a pour destinataire en particulier les chrétiens qui étaient jadis des païens. Le livre de Luc comprend 24 chapitres et transmet la prédication faite par Paul. Le dernier livre, celui de Jean, consiste en 21 chapitres et se distingue des trois autres par son mélange de symbole et d’histoire, témoignant d’une perspective théologique aussi bien que liturgique.
  • Évangile, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.

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Ézéchiel 

Un prophète du Tanakh et de l'Ancien Testament. On lui attribue le livre auquel il donne son nom, le troisième dans l'ordre canonique des « Grands Prophètes » (Isaïe, Jérémie, Ézéchiel et Daniel). Aux Juifs à Babylone, il annonça la ruine de Jérusalem, puis la restauration future d'Israël.
  • Ézéchiel, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
  • Ézéchiel, Wikipédia l'encyclopédie libre (27 mars 2013), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 24 avril 2013. https://fr.wikipedia.org/wiki/Ézéchiel.

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Notes

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