Le mariage sous L'Ancien Régime
LE
MARIAGE,
SES
AGRÉEMENS
ET
SES CHAGRINS
DEDIÉ AUX MARYS.
Tome Second.
Vignette.
A PARIS,Au PALAIS.
Chez JEAN-BAPTISTE LANGLOIS
dans la grand' Salle, vis-à-vis la grand'
Chambre, à l'Ange Gardien.
Filet simple.
M. DC. XCIII.
Avec Privilege du Roy.
Bandeau fleuri.
Lettrine "M", boîte courronée.MESSIEURS,
Le premier Tome des Agréemens & des Chagrins du
Mariage n'eût pas si-tôt paru,
que plusieurs Femmes d'esprit
touchées de curiosité par son
titre, & parce qu'il étoit
dedié à leur sexe, s'empres
serent de le lire. Elles témoignered beaucoup d'indignation & de colere contre l'Autheur, pour les avoir accusées
d'être seules les causes des
chagrins & des peines du
Mariage ; & un jour m'étant
trouvé avec trois des plus
jolies de Paris, elles me pousserent for plaisamment là‑dessus. Oüy, Monsieur, me
disoit l'une, une femme aimera son mary, & luy sera
fidelle, pendant qu'il est toûjours chagrin & de méchante
humeur avec elle, & qu'il luy
refuse les choses les plus necessaires, pour entretenir magnifiquement une Maîtresse en
ville, à qui il destine sa belle
humeur & ses doux momens !
Ce mary, reprenoit l'autre,
qui insensible aux caresses de
sa femme ne connoît d'autre
plaisir que celuy de la bouteille & des bons repas ! Ce
mary joüeur, interrompoit
l'autre, qui negligeant ses
affaires, consume & dissipe son
bien & celuy de sa femme, &
pousse les emportemens & les
fureurs de son jeu, jusqu'à
mettre en gage, & jusqu'à
vendre les meubles de leur
maison, & même les nippes
& les bijoux de sa femme !
Enfin elles concluoient toutes
trois, qu'il faudroit qu'une
femme fût bien sote ou bien
insensible, si elle n'usoit du
droit de represaille dans de
semblables rencontres. MESSIEURS, MESSIEURS,
Elles n'ont pas de si méchantes raisons que vous pouriez
bien vous imaginer, & il y
en a beaucoup parmy vous qui
jouïroient seuls, tranquilement, & avec honneur, des
caresses & des embrassemens
innocens de leurs femmes, qu,-
elles prodiguent tous les jours
ailleurs, si par leur méchante
conduite & leurs déréglemens, ils ne les avoient rebutées de leur devoir & de
leur fidelité. Puisqu'il est
donc vray, MESSIEURS,
que vous avez autant de part
que vos femmes dans ce qui
peut contribuer aux Agréemens & aux Chagrins du
Mariage, je me crois obligé
de vous offrir ce second Tome,
comme je leur ay offert le premier ; profitez-en, ce sont les
souhaits,
MESSIEURS,
De Vôtre tres-humble Serviteur,
J.D.D.C.
Bandeau.
Extrait du Privilege du Roy.
PAR Lettres de Privilege de sa
Majesté, données à Versailles le
19. Juin 1690. Signées BOUCOT,
& scellées du grand Sceau de cire
jaune. Il est permis au Sieur J.D.D.C.
de faire imprimer, vendre & debiter
un Livre intitulé Philogame & Antigame, ou les Agréemens & les Chagrins du Mariage, avec deffenses à
tous Imprimeurs, Libraires, & autres
personnes d'imprimer, vendre ny debiter ledit Livre, & ce durant l'espace
de six années, à compter du jour qu'il
sera achevé d'imprimer, sur les peines
y contenuës.
Registré sur le Livre des Libraires
& Imprimeurs le 20 Octobre 1691.
Signé P. AUBOUYN, Syndic.
Les Exemplaire ont été fournis.
Achevé d'imprimer pour la premiere
fois le 31 Decembre 1692.
Bandeau fleuri. PHILOGAME ET ANTIGAME. OU LES AGRÉEMENS ET LES CHAGRINS DU MARIAGE. Troisiéme Partie.
Lettrine D, double cadrage à feuilles.DANS le même
tems que Philogame soûtenoit
qu'il y avoit plus d'agrée
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mens dans le mariage que
de chagrins, & qu'Antigame soûtenoit le contraire ; & qu'ils prioient
l'Abbé Sophin de les juger,
sur la question de sçavoir
s'il est plus avantageux de
se marier, que de vivre
dans le celibat : Lesbie amie de Fraudelise, depuis
qu'elles avoient été ensemble pensionnaires dans
un même Convent de
Religieuses, vint luy rendre visite. C'est pour vous
souhaiter, luy dit-elle en
3
courant l'embrasser, mille
bonheurs & mille plaisirs dans vôtre Mariage.
Oüy, ma chere, repartit
Fraudelise, en la serrant
dans ses bras ; je vais devenir la plus heureuse personne du monde puisque
j'épouse Philogame. Je
le veux croire, repartit
Lesbie d'un ton serieux,
en se placeant dans un
fauteüil ; mais pour cela
il faudra que vôtre destinée ait quelque chose de
bien singulier, & que Phi
4
logame ne soit pas fait
cõme les autres hommes.
Combien de femmes, continua-t-elle, se plaignent
nuit & jour de s'estre engagées dans le Mariage? C'est
une terrible chose, reprit
Lesbie, de s'assujettir pour
toute sa vie à la volonté
& aux infirmitez d'un
homme que l'on ne connoist qu'au travers d'une
galanterie interessée, &
d'un nombre infini d'arti
5
fices & de déguisemens : il
n'est pas si-tost devenu vôtre Epoux, qu'il se regarde
comme un Maître qui a
un empire absolu sur vous;
il vous néglige, il vous
méprise, & croit sortir de
sa gravité & vous faire
grace quand il reçoit vos
caresses. Je n'aprehende
rien de ce côté-là, reprit
Fraudelise, Philogame
m'aime avec une passion
trop tendre & trop constante. D'autres peines,
continua Lesbie, peuvent
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vous attendre dans le Mariage, comme les accidens
& les maux qui acompagnent les grossesses &
les acouchemens des jeunes femmes, & la peine
& les douleurs que causent
les maladies & la mort
des enfans. Bon ! repartit
Fraudelise, le plaisir de
donner à un Mary que
l'on aime un enfant qu'il
vous demande vous console aisément de ces maux;
si ces enfans sont malades,
ce soin regarde les dome
7
stiques, & s'ils meurent,
continua-t-elle en soûriant,
pour un perdu deux recouvrez. Comtez-vous
pour rien, reprit Lesbie,
les soins & les inquietudes
que causent l'envie & l'ambition d'élever vos enfans
& d'en faire de grands
Seigneurs, & la part que
vous prenez aux fatigues
& aux peines que souffre
un pauvre Mary pour amasser du bien, ou pour
conserver celuy qu'il a ?
Je sçauray, repliqua Frau
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delise, régler mes sentimens, borner ma fortune
& mon ambition, & m'apliquer toute entiere à divertir mon mary par mon
enjouëment & par mes
caresses ; & entre nous la
necessité ne me fait pas
peur, nous aurons du bien
& nos peres y ont mis
bon ordre. Combien
d'hommes, repartit Lesbie, ont été élevez dans
les grandes Charges &
dans les richesses qui sont
à present dans la necessité,
9
ou dont les veuves & les
enfants sont dans la misere
& dans la servitude ? Mais
je veux, continua-t-elle,
que vôtre famille soit dans
les honneurs & dans l'abondance ; qui vous répondra que le cœur de
ce Mary, content de luy
même, & qui cherche
tous les jours de nouveaux
ragoûts de joye & de plaisir, continuëra à vous aimer avec ce teint jaune,
ces lévres pasles & livides,
ces yeux battus & enfon
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cez, & avec ce visage
maigre & effilé que vos
longues grossesses & vos
frequens accouchemens
vous auront sans doute
causez, pendant qu'il verra tous les jours dans le
monde des femmes belles
comme des Anges, qui iront au devant de luy
pour luy prodiguer leurs
faveurs. Comme Lesbie
parloit ainsi, la veuve d'un
Marchand Joüallier vint
voir Fraudelise ; c'estoit
pour luy vendre un Co
11
lier de Perles : cette Marchande luy avoit fait avoir
plusieurs bijoux à bon
marché, ce qui avoit donné lieu à une tres-grande
liaison qui estoit entr'elles.
Voyez, dit-elle à Fraudelise, en regardant & tournant ce Colier de tous les
côtez, & en le luy presentant, voyez cette belle eau,
cette grosseur & cette rondeur. Je vous les garantis
Perles d'Orient à peine de
les perdre ; c'est un marché
donné, continua-t-elle,
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pour six cens Louis1, & si
la Dame à qui il est &
qui en a fait faire un faux
semblable pour tromper
son mary, n'avoit joüé de
malheur à la Bassette, vous
ne l'auriez pas pour ce
prix là. Fraudelise aprés
l'avoir examiné, dit à cette
femme, qu'elle le feroit
voir & qu'elle luy rendroit réponse. Lesbie qui
connoissoit cette femme;
pour l'avoir veuë souvent
avec sa mere, & pour avoir achetté d'elles des
13
bijoux, & qui sçavoit
qu'il n'y avoit pas longtemps que son mary étoit
mort, lui demanda si elle
étoit remariée. Elle lui repartit qu'elle en étoit fort
éloignée, qu'il n'y avoit
point de condition plus
heureuse que celle d'une
veuve, qu'elle est indépendante, qu'elle vit comme il luy plaît, & qu'elle
est à l'abry des reproches,
que l'on a coûtume de
faire aux filles qui vieillissent sans se marier. Vos
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sentimens, reprit Lesbie,
pouroient bien changer.
Moy remariée, interrompit brusquement cette femme en élevant la voix &
en haussant les épaules !
Dieu m'en garde, je sçay
trop ce qu'en vaut l'aune,
& le Mariage n'est pas fait
pour des miserables comme nous. Pourquoy repliqua Lesbie ? Les hommes de nôtre condition,
reprit cette Marchande,
regardent leurs femmes
comme leurs servantes. Au
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premier chagrin ils les querellent, & leur disent cent
injures : répondent-elles,
ils les menacent de leur
rompre les bras ; ils veulent bien avoir des Maîtresses en ville, mais si la
pauvre femme entretient
une petite galanterie, &
qu'ils viennent à s'en apercevoir, ils font les démons & veulent la tuer,
comme si cela ne devoit
pas être reciproque. Il n'en
est pas de même, continuat-elle, des femmes de qua
16
lité : les marys ne veulent
rien voir ; & s'il se presente quelque chose devant leurs yeux, ils les détournent pour éviter l'éclat & le scandale. Ecoutez, je vous prie, quelle
a été ma destinée avec feu
mon mary, & puis vous
jugerez si l'envie de me
remarier doit me reprendre. Je luy avois aporté
quantité de meubles, de
bonnes nipes, & de beaux
écus ; les premiers jours
de nôtre mariage, à l'en
17
tendre dire, il ne devoit
point cesser de m'aimer,
je devois être la maîtresse
de tout, & je ne devois
jamais manquer de rien :
mais en peu de temps il
y eût bien du rabat-joye,
il devint si inquiet & si
bouru qu'il ne pouvoit
me souffrir ; ce n'estoit que
gronderie, que querelle
perpetuelle, il ne se plaisoit qu'au jeu de Boulle,
au Cabaret, & avec des
femmes débauchées, & ne
revenoit le soir que fort
18
tard, infecté de vin & de
tabac, & furieux comme
un Lion, en pestant & jurant contre moy & contre
ses enfans. Etoit-il malade
il falloit que je passasse les
jours & les nuits à le servir, & que je vendisse ma
marchandise à vil prix
pour la dépense de sa maladie ; & pour toute recompense il me disoit que
j'étois une friponne & une
coquine qui voudroit déja
le voir enterré. Aprés sa
mort les frais funeraires
19
& de Justice ont consommé la meilleure partie de
mon bien ; & il me reste
cinq petits enfans & un
fond de boutique mal-assorti, avec lequel il faut
que mon industrie nous
fasse vivre : jugez aprés
cela, belle Lesbie, si l'envie de me remarier peut
me prendre. Comme cette
Marchande parloit ainsi,
un laquais d'Antigame vint
demander Lesbie pour luy
parler en particulier. Elle
avoit placé ce laquais au
20
prés d'Antigame afin qu'il
luy raportât tout ce que
son Maître disoit & faisoit
en son absence. Il luy dit
comment la pluye avoit
obligé Philogame, Antigame, & l'Abbé Sophin
d'entrer dans un Cabaret
où ils avoient trouvé Cleante & Philabel disputant
sur la qualité d'un Rubis
qu'avoit Cleante : il luy
apprit de quelle maniere
Antigame avoit veu ce
Rubis, qu'il y avoit trouvé beaucoup de ressem
21
blance avec celuy qu'il luy
avoit donné ; comment il
avoit fait interroger le laquais de Cleante là dessus.
Il ajoûta que ce laquais avoit répondu, qu'une fille
dont il n'avoit pu aprendre
le nom avoit fait present
de ce Rubis à Cleante, &
qu'elle devoit encore luy
donner deux mille Louis2
d'or & l'épouser ; qu'Antigame avoit pensé que
c'étoit d'elle qu'il parloit,
& en avoit été touché
sensiblement ; que Philo
22
game s'en étant aperceu
l'en avoit raillé. Il luy raconta ensuite que dans ce
mesme temps un laquais
de Fraudelise qui portoit
une Lettre dans sa main
étoit venu dans la cour de
ce Cabaret demander Philabel ; qu'Antigame reconnoissant de la fenestre
de la chambre où il étoit,
le laquais de Fraudelise,
avoit soupçonné qu'il y
avoit quelque commerce
de galanterie entre Philabel & Fraudelise, & a
23
voit cru que pour le découvrir il falloit intercepter cette Lettre ; qu'Antigame étant descendu il
étoit allé se placer dans un
endroit d'une allée par où
ce laquais devoit passer, si
obscure qu'il étoit impossible de pouvoir distinguer
une personne & la reconnoître ; que dans le moment que ce laquais avoit
été auprés d'Antigame,
Antigame luy avoit demandé la Lettre de Fraudelise en luy presentant
24
un écu ; que ce laquais avoit pris l'écu & luy avoit remis la Lettre; qu'ensuite Antigame avoit décacheté la Lettre & l'avoit
remise à Philogame; que
Philogame étoit convenu
qu'elle étoit de la main de
Fraudelise & avoit lû ce
qu'elle contenoit à Antigame & à l'Abbé Sophin:
ce laquais ajoûta qu'il ne
pouvoit se ressouvenir des
termes avec lesquels cette
Lettre étoit conçuë, mais
qu'il sçavoit seulement
25
que le sens étoit que Fraudelise n'épousoit Philogame que contre son intention & pour obeïr à
son pere, & qu'elle aimeroit toûjours Philabel. Ce
laquais dit encore à Lesbie, comment Antigame
à son tour avoit raillé
Philogame sur ce qu'il
pretendoit être aimé seul
de Fraudelise, & enfin
tout ce qui avoit été dit
par l'Abbé Sophin, & par
Philogame & Antigame:
& sur ce que Lesbie luy
26
témoigna qu'elle ne pouvoit concevoir comment
il en pouvoit tant sçavoir,
il luy apprit qu'il s'étoit
caché derriere un lit d'où
il avoit tout entendu ; &
ensuite il quitta Lesbie
pour aller rejoindre son
Maître dont il s'étoit dérobé pour venir donner
cet avis à Lesbie.
Le raport de ce laquais
avoit tellement touché
Lesbie, & avoit fait une
si violente impression sur
son visage, que Fraudelise
27
s'en apperçeut & luy en
demanda la raison. Lesbie repartit à Fraudelise,
qu'elle venoit en partie
de l'attachement qu'elle
avoit pour ses interests;
& comme Fraudelise la
pressoit de s'explquer plus
clairement, elle luy demanda si elle n'avoit pas
écrit ce jour là à Philabel,
& ce que contenoit sa
Lettre. Ce discours mit
l'alarme au cœur de Fraudelise, ce qui fit qu'elle la
pria de luy dire prompte
28
ment ce qu'elle sçavoit là‑dessus. Lesbie témoigna
avoir de la peine à s'expliquer devant cette Marchande, qui s'en appercevant prit la parole, &
luy dit qu'une femme de
son métier en sçavoit
beaucoup ; qu'elle en avoit bien appris en portant
des Perles & des Diamans
dans les maisons ; que Lesbie & Fraudelise pouvoient se reposer hardiment sur sa discretion &
sur sa fidelité; qu'elle a
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voit des talens admirables
pour conduire finement
une galanterie ; qu'elle se
faisoit un tres-grand plaisir de rendre les Amants
heureux ; que Lesbie pouvoit parler hardiment, &
qu'elles verroient l'une &
l'autre de quel bois elle se
chaufoit. Lesbie qui étoit
aussi inquiete & aussi embarassée que Fraudelise,
fut ravie de connoître le
talent de cette veuve, pour
s'en servir à son tour, si elle étoit aussi habile qu'elle
30
se promettoit ; si bien
qu'elle continua en disant
à Fraudelise, que la Lettre
qu'elle avoit écrite ce jour
là à Philabel, avoit été interceptée & étoit entre
les mains de Philogame,
& de la maniere qu'elle y
étoit passée. Fraudelise appella aussi-tôt son laquais,
pour sçavoir de luy à qui
il avoit donné sa Lettre.
Ce laquais repartit un peu
embarassé, qu'il l'avoit
donnée à Philabel : &
comme Lesbie le pressa
31
de luy dire s'il avoit bien
reconnu le visage de Philabel, ce laquais luy avoüa qu'à cause de l'obscurité de l'endroit où il
étoit lors qu'il la luy avoit
remise, il n'avoit pû le
voir ; mais qu'il falloit
seurement que ce fût Philabel, parce que celuy
à qui il avoit donné la
Lettre, en l'abordant luy
avoit demandé la Lettre
de Fraudelise. Fraudelise
ayant renvoyé ce laquais
en le grondant, & étant
32
persuadée que sa Lettre
étoit entre les mains de
Philogame, en fut si sensiblement touchée qu'elle
tomba comme immobile
dans un fauteüil ; & revenant à elle, elle parla
ainsi avec de grands soûpirs. Vous me regardezdonc à present, Philogame,
comme une ingrate &
une infidelle, qui vouloit
vous surprendre avec une
tendresse fausse & supposée : ha malheureuse
Fraudelise ! ha malheu
33
reux Philogame ! s'écriat-elle, sous quel astre malin sommes-nous nez ?
helas ! que ne pouvez-vous
voir un moment, continua-t-elle, les sentimens
d'estime, & de tendresse
que j'ay pour vous, &
les sentimens de mépris,
& de haine que j'ay pour
Philabel ! mais non, je
ne pourray jamais vous
les faire voir, & je n'ay
d'autre party à prendre
que la mort : que j'y
trouverois de consolation
34
si je pouvois laisser dans
le fond de vôtre cœur un
reproche éternel de vôtre
injustice. Mais ma chere
Fraudelise, interrompit
Lesbie, aimiez vous Philogame ? vous aimoit-il ?
ha ! si je l'aimois, reprit
Fraudelise, non jamais il
ne s'est veu une passion
fondée sur plus d'estime,
& plus d'amour ; qu'il étoit honnête & respectueux, qu'il me disoit de
choses tendres & passionnées ! il en mourra le
35
pauvre malheureux, aussibien que moy. Pourquoy
donc, reprit Lesbie, l'aimant autant que vous
faisiez, & en étant autant
aimée, entretenir un commerce de galanterie avec
Philabel ? C'est une longue
histoire, ma chere, repartit Fraudelise, que je ne
suis pas en état de vous
dire. Cette Marchande
luy representa que la
chose n'étoit pas si desesperée qu'elle s'imaginoit;
qu'on pouroit luy don
36
ner un conseil avantageux
si on sçavoit son histoire;
que nous étions aveugles
dans nos propres interests,
& plus capables de trouver des avis pour nous mêmes : Elle ajoûta que puis
qu'elle étoit aimée de
Philogame, & qu'elle l'aimoit, elle esperoit de trouver des moyens pour la
justifier dans son cœur,
& pour les remettre bien
ensemble. Ce discours remit un peu Fraudelise, ce
37
qui fit qu'elle commença
ainsi son histoire.
Cul de lampe.
38
Bandeau.
HISTOIRE DE FRAUDELISE.
APrés que mon pere,
& ma mere m'eurent tirée du Convent où
nous étions, ils me prirent avec eux, & me donnerent une gouvernante.
Dans ce temps-là un tres‑grand Procez dans lequel
il s'agissoit de la meilleure
partie de leur fortune, fût
renvoyé au Parlement
39
de Bourgogne : ils y allerent, & me laisserent avec cette gouvernante,
sous la conduite d'une
tante qui mourut peu de
jours aprés leur départ, si
bien que je fus reduite à
cette seule gouvernante.
Cette femme au lieu d'examiner toutes mes actions pour les régler, m'aplaudissoit en tout, & étoit incessamment à me
loüer, en me disant que
j'étois la plus belle fille de
Paris, & que j'allois faire
40
bien des conquêtes; cela
est du goût d'une jeune
personne, aussi prit-elle un
tres-grand ascendant sur
mon esprit : c'estoit là son
but, vous le verrez par
la suitte.
Un jour me voyant
plus gaye, & plus empressée à m'ajuster qu'à
l'ordinaire, elle prit son
temps pour me dire, que
si ma beauté me donnoit du plaisir, elle faisoit
souffrir un tres-honnête
homme qui m'aimoit a
41
vec une passion tres-violente, mais si soûmise &
si respectueuse, qu'une
Reine même ne s'en offenseroit pas. Je luy en demanday le nom ; elle me
le tût, en me disant qu'elle
vouloit me laisser deviner.
A la promenade le même
jour, je vis un homme qui
n'ôtoit point les yeux de
dessus moy, & qui me
regardoit avec un air passionné ; nos regards se rencontrerent : ha ! ma chere,
que les hommes sont
42
trompeurs ! oüy dans ces
momens de surprise il
baissoit les yeux d'une
maniere si soûmise, & si
remplie de pudeur que je
l'aurois donné à imiter à
la plus habile novice de
nôtre Convent : le fourbe, le traître, ce n'étoit
que pour me surprendre.
Entendez-vous bien, que
c'est de Philabel dont je
parle ? par la suitte vous
verrez combien ma gouvernante étoit à luy : elle
me demanda aprés la pro
43
menade, si j'avois reconnu
mon amant; je crûs avoir
fait une belle découverte
en le luy dépeignant, elle
en convint. C'étoit un
homme à l'entendre parler,
qui n'avoit pas son égal
pour la noblesse, pour le
cœur, & pour le merite;
vrayement c'étoit bien de
l'honneur pour moy qu'il
voulût bien me rendre
visite. Que l'on est sote
quand on ne sçait point
le monde ! je le recevois
tres-bien, & m'applaudis
44
sois de cette conquête : il
me donna un petit Chien
fort joly, un Perroquet
qui disoit tout ; je passois
les journées à baiser & à
caresser ce petit Chien, le
Perroquet parloit toute la
nuit, & en criant repetoit
vingt fois, ingratte Fraudelise ayez pitié de moy,
cruelle Fraudelise ayez
pitié du pauvre Philabel.
Il me mena à trois Comedies, à Berenice, à Ariane,
& à Andromaque ; à Berenice, il n'y a injure qu'il
45
ne dît à Titus sur sa dureté ; à Ariane, il auroit
volontiers fait tirer l'épée
à Thesée pour le punir
de son infidelité ; à Andromaque, dans certains
endroits tendres & passionnez, où Pyrrus est maltraité d'Andromaque, il
me disoit en pleurant, &
me serrant les mains, qu'il
étoit mille fois plus malheureux que Pyrrus ; qu'-
Andromaque avoit sujet
de haïr Pyrrus, puisqu'il
avoit été ennemy d'Hec-
46
tor son mary, mais que
pour moy je n'avois point
de raison de le haïr, &
que cependant je le haïssois. Je ris à ce discours;
qui n'en auroit pas fait
autant à ma place ? je me
fis une grosse affaire avec
luy, & pendant le reste
de la Comedie il parut
dans le dernier chagrin.
Le lendemain je ne le
vids point, il étoit malade, tous les jours son
mal augmentoit, il ne
vouloit plus prendre de
47
nourriture, ny de remede,
& vouloit mourir à ce
que l'on me rapportoit :
ma charitable gouvernante entreprit de me
faire entendre que j'avois
fait une tres-grande faute,
& qu'avec certains hommes tendres, il n'en faloit pas tant pour les faire
mourir.
Au plus vîte la plume
à la main, je luy fais satisfaction, j'écris deux ou
trois fois, ou plutôt j'envoye des copies de ma
48
main des Lettres que mon
illustre gouvernante composoit ; j'estois de bonne
foy, je m'imaginois qu'il
s'agissoit de sauver la vie
à un homme à qui je
croyois avoir quelques obligations : les Lettres ne
parloient que de la violente passion que j'avois
pour luy, de l'empressement que j'avois de luy
en donner des marques,
& de tout faire plutôt
que de le voir plus longtemps malade ; n'étois-je
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pas une fille bien sage ?
n'étois-je pas bien en gouvernante ? vous en jugerez
mieux par la suite : le malade ne vouloit point guerir, ny sortir du lit; il
falut que j'allasse le relever, c'étoit avec repugnance; je n'avois aucune inclination particuliere
pour sa personne, il ne
touchoit point mon cœur;
sa veuë ne me donnoit ny
de plaisir, ny de trouble,
ses façons concertées &
peu naturelles ne me plai
50
soient point, & je n'aymois de luy que son petit
chien, & son Perroquet.
Nous le trouvâmes couché dans son lit avec un
abattement d'agonisant :
l'on débutta par nous dire
qu'il y avoit trois jours
qu'il n'avoit pris de nourriture ; par respect comme si j'avois été un habile
Medecin, ceux qui étoient dans la chambre,
& ma gouvernante se
retirerent dans une autre,
& me laisserent seule a
51
vec le malade pour raisonner en secret de l'état
de sa maladie ; la premiere
chose qu'il me dit, fut
qu'il étoit resolu de mourir, & que puisque je ne
voulois point l'aimer, la
vie luy étoit odieuse, &
qu'il ne souhaitoit rien
tant que d'en sortir. Je
vous avoüe que je crûs
qu'il parloit de bonne
foy, & qu'il me fit pitié ;
je ne rappellay à la vie le
mieux que je pûs, & luy
promis tout ce qu'il vou
52
lut, pourveu qu'il se rétablit, & prit de la nourriture devant moy. Admirez, je vous prie, ma
simplicité ; il prend un
boüillon, je m'applaudis
de cette belle cure, il me
rend mille graces, il me
baise mille fois les bras;
je n'avois garde de l'empêcher de faire, de crainte
d'une rechûte ; ma sotte
complaisance l'enhardit,
ha l'insolent ! oüy contre
ce malade, contre cet
agonisant j'eus besoin de
53
mes dents, de mes ongles,
& de toutes mes forces.
Echappée je luy fis mille
reproches outrageans, avec défensese de se presenter jamais devant mes
yeux ; j'appellay ma gouvernante qui étoit dans
une autre chambre assoupie, & sorty avec elle de
ce logis ; j'étois plus furieuse qu'un Lion : quoy,
luy disois-je, Philabel n'est
donc qu'un impudent, un
fourbe, un scelerat, sans
tendresse, & sans respect
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pour moy, & qui ne demande qu'à triompher de
ma foiblesse, & de mon
honneur ! n'étois-je pas
une jolie fille, ajoutois-je,
si je m'étois pas mal défenduë, & oserois-je paroître dans le monde ? je
dis quantité d'autres choses trop longues à rapporter. Penant tout ce
discours mon honnête
gouvernante m'écoutoit
tranquillement, & me
voyant un peu plus calme
me dit qu'il ne falloit
55
point m'alarmer, & qu'-
une moindre beauté n'auroit pas produit de si
grands effets; qu'elle connoissoit de tres-habiles
femmes à qui la même
chose étoit arrivée, qui
n'en avoient point parlé;
& quoy-qu'elles eussent feint de la colere &
du ressentiment contre
les cabaliers, elles les en
estimoient davantage dans
le fond de leurs cœurs ;
que c'étoit le party que
je devois prendre, que
56
pareille avanture étoit
arrivée à d'autres filles
de qualité qu'à moy,
qui ne s'en étoient pas tirées ainsi, & qui cependant n'étoient pas moins
estimées dans le monde.
A ce discours je m'aperceus de tous les méchans
desseins qu'elle avoit contre moy, & de son intelligence avec Philabel
pour me perdre : que d'indignation, que de fureur
j'eus contr'elle ! cependant il falloit dissimuler
57
ou tout perdre.
De retour au logis je
m'enfermay seule dans ma
chambre, où refléchissant
sur la vie douce & tranquile que j'avois menée
dans le Convent; sur les
agitations, & les inquietudes que j'avois ressenties
depuis que j'en étois sortie, les tromperies & les
infidelités que l'on m'avoit faites, le peu de durée des plaisirs de cette
vie, sa brieveté, la mort
subite de ma tante, & sur
58
mille autres choses semblables, je pris la resolution de quitter le monde
& de me faire Religieuse,
& je n'attendois que l'arrivée de mon pere & de
ma mere de Dijon pour
l'executer. Voicy comment je vivois ; je passois
les journées entieres à lire
la vie des Anacoretes, &
des Peres du Desert, charmée de cette lecture, &
dans une forte envie de
les imiter ; j'avois renoncé à toute sorte d'ajuste
59
mens, & je ne sortois
que pour aller à l'Eglise;
je n'avois de l'attachement pour aucune chose
du monde, & je ne goûtois d'autres plaisirs que
ceux que mon petit Chien,
& mon Perroquet me
donnoient ; encore m'en
fis-je par la suitte un scrupule à cause de la main
dont je les tenois, & pris
la resolution de les renvoyer à Philabel, ce que
j'executay : ha ! que mon
petit cœur bondît, & souf
60
frît quand je les vis emporter ; il me sembloit
voir de la douleur dans
les yeux de ces deuxs pauvres petits animaux en
me quittant, & j'eus besoin de toute la force de
mon esprit pour n'en être
pas tout à fait attendrie.
Il n'y avoit pas un quart
d'heure que la personne
qui les portoit étoit sortie,
lors que je vis entrer dans
ma chambre Philabel,
& se jetter à mes pieds, le
teint pâle & abattu, les
61
yeux baignez de larmes,
le desespoir peint sur le
visage, & dans un état si
touchant, & si penetré
de douleur, qu'il n'y a
point de cœur assez dur
pour l'y voir sans émotion. Il me dit qu'il étoit
un perfide, un scelerat,
un brutal indigne de paroître devant moy ; qu'il
venoit me demander pardon, & laver dans son
sang l'offense & l'injure
qu'il m'avoit faite. Dans
ce moment il tire du fou
62
reau l'épée qu'il avoit à
son côté, & levant le bras
il alloit se la plonger dans
le sein, si je ne l'eusse retenu. Enfin il falloit luy
pardonner ou le voir
mourir : Je le fis, parce
que, disois-je, le pardon
des injures est une grande
vertu. Pour témoignage
d'un entier pardon, je fus
contrainte de reprendre le
petit Chien, & le Perroquet : ce fut avec peu de
violence, comme vous
pouvez juger; je luy fis
63
sçavoir la resolution que
j'avois prise de renoncer
au monde, & de me faire
Religieuse ; je l'invitay à
m'imiter; il fit ce qu'il
pût pour m'en détourner,
& comme je luy parûs
ferme, il me témoigna
qu'il prendroit le même
party, puisque sans moy
le monde luy seroit à
charge, & insuportable.
Enfin nous nous quittames avec des adieux touchans de part & d'autre;
je tiray parole de luy qu'il
64
ne me rendroit plus de visite, puisque se veuë étoit
contraire à mes desseins; il
en tira aussi une de moy,
qu'au cas que je changeasse
de resolution, & que je
restasse dans le monde je
n'aimerois autre que luy,
& que je ne serois que
pour luy. Ma resolution
me paroissoit si forte d'être
Religieuse, que je crûs de
ne rien risquer par cette
promesse ; cependant vous
verrez par la suitte que
mon malheur d'aujour
65
d'huy vient de cette imprudente parole.
Je continuay donc à
vivre de la maniere que
je viens de vous dire ; je
ne sortois point, je ne
voyois personne, je passois les journées entieres
seule, & sans parure ; uniquement occupée à lire,
à mediter, ou à prier Dieu
dans ma chambre, encore
l'avois-je tournée d'une
sorte qu'on l'auroit prise
pour une celule de Religieuse. Un jour comme
66
j'y étois dans l'occupation
que je viens de vous dire,
ma mere qui arrivoit de
Dijon, & un homme qui
luy donnoit la main m'y
suprirent : quel étonnement de part & d'autre!
moy d'avoir été ainsi trouvée par elle, & par cet
homme, dans le temps
que je la croyois encore
pour long-temps à Dijon;
& elle de me voir en cet
état : la pauvre femme en
fut sensiblement touchée,
sa premiere pensée fut que
67
la mort de ma tante avoit
produit cet effet : elle me
jetta les bras au col &
m'embrassa tendrement,
sans pouvoir me parler;
de mon côté je fondois en
larmes entre ses bras, &
à peine pouvois-je respirer. Aprés ces premiers
mouvemens, faisant un
effort sur moy, je me
jettay à ses pieds, & luy
embrassant les genoux, je
luy demanday son agréement pour entrer dans un
Convent, & pour y être
68
Religieuse ; elle n'a que
moy d'enfant, elle m'aime
beaucoup, jugez de ses
sentimens : elle ne s'ouvrit
point, & sans témoigner
de repugnance à mes desseins, elle me releva, &
me tenant embrassée, elle
me dit qu'elle ne combattroit point ma resolution si elle venoit du ciel;
mais qu'auparavant il faloit la reconnoître, & ne
prendre pas le change; que
quelques-fois nôtre jeunesse, nôtre inégalité, &
69
quelque dégoùt passager
du monde y avoient le
plus de part; que cependant ces sortes d'engagemens étoient de tres-grande consequence, étant
pour toute nôtre vie ; que
par cette raison il falloit y
bien penser, puisqu'il n'y
avoit plus de retour. Elle
ajoûta que j'étois encore
bien jeune pour faire un
juste discernement du
monde, & de la Religion ; qu'il n'y avoit rien
que pressât, que je devois
70
m'habiller & vivre comme une fille de mon âge
& de ma qualité, & ne
point me distinguer avec
des manieres singulieres
& extraordinaires ; que si
par la suitte cette pensée
continuoit, elle apporteroit toutes les facilités possibles à son execution : elle
me presenta l'homme qui
luy donnoit la main, en
me disant que c'étoit le
meilleur amy de la famille,
& tres-capable de me donner de bons conseils ; en
71
suite elle se retira avec
cet homme, & me laissa
seule dans ma chambre,
où je fis beaucoup de reflexions sur tout ce qui
m'étoit arrivé, & sur tout
ce qui m'avoit été dit.
Finissons, ma chere
Lesbie, je sens que je me
laisserois aller à un recit
qui m'attendriroit de sorte que je ne serois plus en
état de me servir des avis
que j'attens de vôtre amitié. Enfin cet homme que
ma mere m'avoit donné
72
pour conseil étoit Philogame ; c'étoit contre son
pere que nous plaidions,
ce procés coûtoit déja
plus de cent mille écus, il
s'agissoit de la legitime de
mon bisayeul, du comte
de tutelle de mon ayeule,
& de deux successions de
mes oncles, c'est à dire
que ce procés devoit nous
ruïner sans jamais finir ;
par bon-heur il étoit au
rapport d'un Conseiller
des plus éclairez, & des
plus des-interessez de ce
73
Parlement : ce Juge s'en
expliqua avec les parties,
leur fit comprendre que
ny leurs biens, ny leurs
vies ne pouroient le terminer ; & par une bonté
qui n'est pas ordinaire aux
Juges qui ne veulent que
juger, il voulut s'instruire
de l'état des familles des
parties, & apprenant que
le pere de Philogame
l'une des parties n'avoit
que luy de fils & d'heritier, & que mon pere
l'autre partie n'avoit que
74
moy de fille, & d'heritiere ; que nos âges & nos
qualités étoient assortissans : il proposa pour finir
ce procés le mariage de
Philogame, & de moy,
ce qui fut agreé, si bien
que s'étant rendu maître
absolu de l'affaire, au lieu
d'Arrest il nous donna des
Articles de mariage, comprenant une transaction
& une donnation à nôtre
profit de tout ce qui étoit
contesté, qui fut signée avec plaisir.
75
Enfin les parties reconciliées vinrent à Paris pour
conclure le Mariage, dans
le temps que ma mere &
Philogame me surprirent
(comme je viens de vous
dire) ils ne trouverent
pas à propos de me dire
cette nouvelle jusques à
ce que mon esprit fut
dans une autre assiette.
Philogame venoit me voir
souvent dans ma chambre;
au commencement je le
regardois comme amy de
la maison, & comme un
76
conseil que ma mere m'avoit donné.
Ha ! qu'il est difficile,
ma chere Lesbie, de ne
suivre pas les conseils d'un
homme fait comme Philogame, quand ils ont une
fin telle que celle qu'ils avoient ! je ne sçay si vous
l'avez veu ; c'est l'homme
de Paris le mieux fait, &
le plus agreable ; un air
de qualité, ouvert & sincere ; les manieres grandes, honnêtes, & touchantes ; l'esprit fin & de
77
licat ; le cœur tendre, passionné, & également capable de prendre de grandes passions, comme d'en
donner : aussi l'éprouvaije par la suitte ; je n'avois
l'esprit, & le cœur remply que de luy, je ne dormois ny le jour ny la nuit,
& je m'occupois uniquement à découvrir quel
sentiment il avoit pour
moy ; manquoit-il un jour
à venir me voir, ou venoit-il plus tard, ou se retiroit-il plutôt, j'en étois
78
aux allarmes. Je persistois
toujours dans les sentimens de la Religion, non
pas tant par le dégoût que
j'avois du monde, que par
l'éloignement, que je voyois à pouvoir être à Philogame. Je ne comprenois rien à ses sentimens;
en certain temps je croyois qu'il avoit de la disposition à me vouloir du
bien ; en d'autres qu'il se
moquoit de mes foiblesses
& de moy ; en d'autres
qu'il étoit amy de la fa
79
mille, qu'il servoit ma
mere, & travailloit à me
ranger à ses volontez.
Un jour qu'il étoit plus
rêveur qu'à l'ordinaire,
& que je luy en faisois la
guerre, il m'apprit ce que
je souhaitois tant de sçavoir ; & tenant une de
mes mains serrée dans les
siennes, avec un transport
plus tendre, & plus passionné qu'à son ordinaire,
il m'avoüa que je luy étois promise par des articles de mariage : il me de
80
manda pardon de l'avoir
fait sans mon aveu, & du
mistére qu'il m'en avoit
fait ; il m'apprit de quelle
maniere les choses avoient
été terminées, & comment par là nôtre grand
procés étoit finy ; il me
jura ensuite que jamais
homme n'avoit tant aimé
qu'il m'aimoit ; que je serois toûjours la maîtresse
de sa destinée ; qu'il ne
pretendoit pas contraindre
mes volontez, & qu'il
preferoit le bon-heur de
81
me plaire, à celuy d'être
mon époux. Jamais fille
ne fut plus soûmise aux
volontez de ses parens que
je la parus ; je luy dis que
je n'étois point fâchée que
le ciel m'eut choisie pour
un sujet qui devoit finir
un procés si pernicieux à
nos familles, & que je n'y
aporterois jamais d'obstacle. Helas ! ma chere
Lesbie, quel reproche obligeant ne me fit-il point
dans ce moment ! Je n'avois disoit-il, pour luy
82
que des sentiments d'estime, & de reconnoissance ;
je n'étois point touchée de
sa passion ; je n'agissois
que par considération ; &
enfin de la maniere dont
il m'aimoit, si mon cœur
ne changeoit, il ne deviendroit pas plus heureux en
m'épousant. Cette conversation fut interrompuë
par la presence de ma
mere qui entra dans ma
chambre, & nous trouva
tous deux fort déconcertez. Philogame se retira
83
par respect, & nous laissa
ensemble : je rendis comte à ma mere de la conversation, & de ce que
Philogame m'avoit dit ;
elle me le confirma, &
me témoigna que si je
voulois luy plaire, je ne
tarderois pas à l'épouser.
Je luy témoignay beaucoup de respect & de soûmission à ses volontez ;
ensuite elle se retira fort
satisfaite, & me laissa
seule dans ma chambre.
C'est icy, ma mere Les
84
bie, que je ne puis vous
expliquer l'état où je me
trouvay dans ce moment :
Je me formois des plaisirs
imaginaires, en me representant l'avantage de faire
finir un si grand procés ;
la gloire & le bon-heur
d'être à Philogame ; l'honnêteté qu'il avoit de ne
vouloir me tenir que de
moy-même ; cette soûmission de me rendre maîtresse absoluë de sa destinée ; cette delicatesse de
sentimens, de souhaiter
85
plûtost d'être aimé de
moy, que de devenir mon
époux. Ouy, ouy, il est
impossible de concevoir
les transports de satisfaction & de joye que je
ressentis ; mais le ciel nous
vend toûjours bien cher
les plaisirs que nous goûtons dans cette vie, &
sur tout à moy qui suis
la plus mal-heureuse fille
du monde, comme vous
allez voir. Dans ce même
moment, Philabel qui avoit appris l'attachement
86
de Philogame pour moy,
& qu'il étoit sur le point
de m'épouser, poussé de
desespoir, & de fureur,
m'écrivait une Lettre par
laquelle il me prioit de
me ressouvenir de la parole que je luy avois donnée, de n'être à d'autre
qu'à luy, & me menaçoit
si j'y manquois de faire
voir mes Lettres à Philogame, de les publier dans
le monde, & de me perdre de reputation, ne se
croyant pas obligé de gar
87
der la foy à une infidelle
qui luy manquoit la premiere. Ha ! quelle chûte
de bon-heur à la lecture
de cette Lettre ! quelle
inquietude ! quelle douleur ! que faire ? Il me sembloit déja voir mes Lettres
courre dans le monde, &
dans les mains de Philogame ; comment arrêter
un semblable coup, à qui
recourir ? il falloit bien
par necessité m'adresser à
ma gouvernante, à cause
de la liaison qu'elle avoit
88
avec Philabel : Vous avez
fait, me dit-elle, une trésgrande faute d'avoir promis à Philabel que vous
ne seriez à d'autre qu'à
luy ; & vous devriez pour
vous justifier, luy faire
entendre que vous l'aimez, que vous n'aimez
point Philogame, que
vous ne l'épousez que
pour obéir aux ordres
d'un pere severe, & que
vous n'en serez pas moins
à luy. Je l'ay fait par la
Lettre que je luy ai écrite
89
aujourd'huy, qui est tombée entre les mains de Philogame, & qui me rend
la plus malheureuse personne du monde, si vous
n'avez pitié de moy, &
ne m'assistez de vos conseils.
Fraudelise ayant cessé
de parler, cette Marchande la rassura, & luy dit
qu'il n'étoit pas si difficile
qu'elle s'imaginoit de se
tirer de ce pas ; qu'il faloit
s'armer de résolution, &
soutenir hardiment à Phi
90
logame, qu'elle n'avoit jamais été capable d'écrire
de pareilles Lettres. Mais
comment ? reprit Fraudelise, puisqu'il connoît
mon écriture, & qu'il en
a plusieurs autres Lettres,
avec lesquelles il luy sera
aisé de confronter cette
derniere, & de me confondre. Cette Marchande la pria de suivre sa
pensée, & de se laisser
conduire, & luy demanda si elle avoit une copie
de cette même Lettre ?
91
Fraudelise tira sur le
champ cette copie de sa
Cassette ; cette veuve la
luy fit copier sur du papier semblable à celuy de
la Lettre qu'elle avoit envoyée, avec la même
plume & la même ancre :
La Lettre achevée, cette
Marchande luy dit qu'elle
la feroit imiter par un
homme qui avoit la main
si admirable pour contrefaire les écritures, qu'il
n'y avoit que les habiles
qui n'y fussent point
92
trompez ; qu'aprés cela
il ne seroit pas fort difficile de surprendre Philogame, pour peu qu'elle
joüât adroitement son rôlle ; qu'elle prit bien garde
quand Philogame viendroit luy reprocher son
infidelité, & pour la convaincre, luy representer
sa veritable Lettre, de la
prendre ; & sous pretexte
de s'approcher de la fenêtre, & de chercher le
grand jour pour en examiner le caractere, de se
93
tourner adroitement de
côté, & dans le temps
qu'il ne pourroit voir ses
mains, en profiter pour
serrer la veritable Lettre
dans sa poche, & substituer en sa place la contrefaite : Ensuite revenir à
Philogame, luy remettre
la contrefaite, soûtenir de
n'avoir point écrit la Lettre, & témoigner beaucoup d'indignation & de
colere de ce procedé. Cette
veuve ajoûta, que s'il restoit encore quelque dou
94
te, & quelque soupçon
dans l'esprit de Philogame, il ne manqueroit
point d'en communiquer
avec des Experts qui l'asseureroient que la Lettre
est fausse, & n'est point
d'elle ; qu'alors il ne pourroit penser autre chose sinon que c'étoit un tour
de Philabel, pour empêcher qu'il ne l'épousât ; &
que si dans la suite Philabel representoit les autres
Lettres qu'il avoit à elle,
ces Lettres deviendroient
95
par la suspectes à Philogame, & l'obligeroient
d'avancer son mariage, de
venir luy demander pardon, luy faire confidence
de tout ce qui s'est passé,
& de luy rendre sa premiere estime & sa premiere tendresse.
Cette Marchande n'eût
pas plutost achevé de parler, que Fraudelise entrant avec plaisir dans sa
pensée, & goûtant son
conseil, luy en rendit
mille graces, & promit de
96
luy faire un present.
Lesbie qui n'étoit pas
moins embarassée que
Fraudelise, & qui avoit
goûté le conseil de cette
femme, fut bien-aise de
s'en servir à son tour ; ce
qui fit qu'aprés luy avoir
dit, qu'elle étoit engagée
dans une affaire plus fâcheuse que celle de Fraudelise, elle la pria de l'ayder de ses avis. Ensuite
Lesbie luy apprit qu'elle
étoit aimée d'Antigame ;
qu'il luy avoit promis de
97
l'épouser, qu'elle en avoit
une Promesse écrite &
signée de son sang ; qu'à‑present il ne vouloit plus
l'éxecuter ; que par ressentiment contre luy, elle
avoit pris la resolution de
l'abandonner, de luy emporter deux mille Louïs3
d'or pour se dédommager
de sa Promesse de mariage, & de suivre Cleante,
qui l'aimoit depuis long‑temps, & qui vouloit
l'épouser ; qu'elle avoit fait
present à Cleante d'un
98
Rubis, qu'Antigame luy
avoit donné ; que pour
empêcher Antigame d'en
soupçonner quelque chose, & luy persuader que
ce Rubis étoit tombé du
chaton4, & s'étoit perdu,
elle n'avoit donné à Cleante que le Rubis, & avoit
gardé la bague, c'est à dire
l'anneau ; mais que par
mal-heur, Antigame avoit
appris une partie de tout
ce qui s'étoit passé, &
qu'il s'agissoit de sçavoir
comment elle pouroit le
99
faire revenir de toutes les
mauvaises impressions
qu'il avoit prises de sa conduite, & regagner sa confidence & son cœur. Cette
Marchande luy representa
que tout ce qu'elle venoit
de leur dire n'étoit pas
assez circonstancié, &
qu'il falloit qu'elle entrât
dans un détail plus particulier de tout ce qui s'étoit passé, si elle vouloit
qu'elle pût l'aider de ses
avis : à quoy Fraudelise
ajoûta, qu'aprés la ma
100
niere sincere avec laquelle
elle leur avoit raconté sa
vie, Lesbie n'auroit pas
de raison de leur faire
mistere d'aucune chose;
ce qui engagea Lesbie de
parler ainsi.
Fin de la troisiéme Partie.
Cul de lampe.
Bandeau.
101
PHILOGAME ET ANTIGAME. OU LES AGRÉEMENS ET LES CHAGRINS DU MARIAGE. Quatriéme Partie. HISTOIRE DE LESBIE.
Lettrine, "M" bordée de rubans dans un cadre.MON pere avoit
employé dans le
service tout son
bien, & une partie de
102
celuy de ma mere ; il attendoit recompense de la
Cour, lors qu'il fut tué
malheureusement dans la
bataille de Senef. Ma mere
pour remettre ses affaires
se retira dans une Maison
Religieuse pour y vivre
sans dépense, & avec une
pension modique, & m'avoit mise dans le Convent
où commença nôtre connoissance. Ouy, si j'ay
goûté quelque douceur
dans la vie, c'est dans ce
lieu là. La Religieuse com
103
mise à nôtre éducation
prit de l'inclination pour
moy, & n'avoit pas de
plus grand plaisir que de
me tenir dans sa chambre
enfermée, & de me faire
des leçons que le cœur
dictoit autant que l'esprit : c'étoit pour m'avertir, comme par une espece
de Prophetie, de ce qui
devoit m'arriver ; que les
hommes étoient des trompeurs, & des infideles, à
qui je ne devois point me
fier ; que si j'étois sage &
104
vertueuse, la Providence
seroit sensible à mes prieres, & me prendroit sous
sa protection ; que je prisse
bien garde de ne tomber
dans aucun déreglement ;
& au cas que je fusse assez mal-heureuse que d'y
tomber, elle me faisoit
entendre que je devois travailler à en sortir promptement, si je ne voulois
attirer sur moy le mépris
du monde, & la colére
du ciel. Je vous dis de
belles leçons, ma chere
105
Fraudelise; mais vous verrez par la suitte combien
j'en eus besoin. Le calme, & le repos dont
nous jouïssons ma mere
& moy, fut interrompu
par une disgrace cruelle
qui nous obligea de quitter nôtre solitude : c'étoit
pour aller solliciter un
procés au Parlement de
Roüen, dans lequel il s'agissoit de toute nôtre fortune. A nôtre arrivée dans
cette ville, nous fimes
connoissance avec un vieil
106
lard nommé Cleon ; il
passoit pour un homme
de qualité & de merite :
ce qui nous surprit au
commencement, fut la
passion & le zele avec lesquels il agissoit dans nôtre
affaire ; mais quand nous
apprîmes que nôtre partie
adverse venoit de le faire
condamner dans un procés
qu'il avoit contre luy,
nous jugeames que la vengeance avoit au moins autant de part dans ce qu'il
faisoit pour nous, que son
107
attachement pour nos interests : quoy qu'il en soit
nous en tirames de trés‑grands services.
Un jour comme nous
étions fort gayes, & que
tout le monde nous flatoit d'un succés heureux
dans nôtre procés, Cleon
nous amena son neveu
Cleante ; c'étoit par une
pure civilité, à ce qu'il nous
disoit : ha ! que ne se passa‑t-il point dans mon cœur
à cette premiere veuë !
que ne se passa-t-il point
108
dans celuy de Cleante !
nous rougismes, nous palismes ; & nous fûmes si
émeus, & si hors de nous
mêmes, qu'il ne nous fut
pas possible de nous dire
un seul mot. Il y a des
cœurs qui sont faits les
uns pour les autres. La
vanité, l'effronterie, &
l'artifice des hommes ;
leur sotte envie de vouloir plaire ; de paroître
beaux, agréables, bel esprit ; leur penchant à la
débauche, & les leçons
109
de ma Religieuse m'avoient donné tant de dégoût
pour eux, que je ne pouvois les souffrir. Mais il
n'en fût pas de même pour
Cleante : je ne luy trouvois aucun de ces defauts;
il me parut humble, modeste, sincere, l'esprit naturel & sans affectation;
enfin je vis autant de sagesse & de vertu dans ses
actions, que je voyois
de libertinage & de déreglement dans celles des
autres. Mais admirez, je
110
vous prie, cette conformité d'inclination : Cleante ne pouvoit souffrir
les femmes par les mêmes
raisons, & pour les mêmes defauts que je haïssois les hommes; ce qui
fit que nous prîmes l'un
pour l'autre une inclination trés-violente. Elle ne
fut combattuë, ny par
son oncle, qui le regardoit comme son seul heritier, ny par ma mere,
leur dessein étant de nous
marier aprés le gain de
111
nôtre procés : ha ! ce malheureux procés que nous
regardions comme gagné,
voicy sa destinée. Nôtre
partie fit signifier fort tard
la veille du jugement, un
papier ; il me semble que
nôtre Procureur appelloit
cela une production nouvelle : & le lendemain de
grand matin, elle le fit
juger, & nous le fit perdre, à cause de ce maudit
papier de la veille ; & ce
qui étoit de plus cruel
pour nous, est que ma
112
mere fut condamnée à
tous les dépens, qui montoient à une somme trés‑considerable.
Vous pouvez juger
combien nous ressentîmes
vivement, ma mere &
moy, cette perte, s'il
vous ressouvient qu'il s'agissoit de toute nôtre fortune. Ce qui augmentoit
ma deouleur, ç'étoit l'état
malheureux où je m'imaginois de voir le pauvre
Cleante : ouy, luy seul
me touchoit plus que tout
113
le reste ensemble ; & je
pensois uniquement à le
consoler. Je ne sçavois
pas encore tous mes malheurs ; je ne vîs plus Cleante : ma mere envoya
plusieurs fois chez Cleon,
moy chez Cleante ; les
portes de la maison étoient si bien gardées, que
nous tentâmes inutilement d'y entrer, ce qui
fit que nous ne pûmes les
voir. Ma mere prit de la
défiance sur le chapitre de
Cleon; ce procés dont il
114
garantissoit le gain, ainsi
perdu ; ce soin de nous éviter, en furent les raisons. D'abord je justifiois
l'un & l'autre dans l'esprit
de ma mere, prevenuë
qu'il y avoit du mal entendu : mais aprés m'être
flattée long-temps, je pensay que Cleante ne m'avoit aimée que par interest ; & que la perte de
nôtre procés qui me laissoit sans bien, étoit le sujet de son procedé, & de
son changement. Je con
115
ceus alors tant de mépris
& tant d'indignation contre Cleante, que je pris
la resolution non-seulement de ne le voir de ma
vie, mais encore de ne
rester pas d'avantage dans
une Ville où il y avoit
un aussi grand scelerat : je
proposay à ma mere de
sortir de Roüen, & d'aller chercher des conseils
à Paris ; elle y consentit,
& nous partîmes l'une &
l'autre dans nôtre Carosse,
l'esprit rempli de tout ce
116
qui nous étoit arrivé, &
dans un profond chagrin.
A peine avions-nous
marché, une heure ou
deux, qu'un Cerf privé
d'une grandeur prodigieuse, sortant d'un Château, vint à la teste de nos
Chevaux ; ce qui fit que
s'éfarouchant & prenant
le mort aux Dents, sans
tenir de chemin, ils coururent au mlieu de la
Campagne, firent verser
le Carosse, & nous traisnerent ainsi quelque tems.
117
Par bonheur la Dame du
Château qui en sortoit,
voyant nôtre disgrace,
vint à nôtre secours avec
plusieurs de ses domestiques, & nous tira de ce
peril : elle trouva ma mere
blessée en plusieurs endroits de la tête. Pour
moy j'étois évanouïe, &
l'on voyoit seulement
quelques picqures d'épines & de ronces sur ma
gorge & sur mes bras,
L'on mit ma mere dans
une Chambre, & moy
118
dans une autre : Et comme je restois toûjours évanouïe, l'on me déshabilla ; l'on me coucha
dans un lit, l'on envoya de toute part les valets querir des Medecins
& des Chirurgiens ; &
l'on me laissa un moment
seule dans la Chambre.
Dans ce même instant le
fils de la Dame du Château qui revenoit de la
Chasse, & qui n'avoit
point appris nôtre accident, entra dans la
119
Chambre où j'étois couchée, & me trouva en
cet état : aprés être revenu de sa premiere surprise, il me prit la main, &
me tâta le pouls. Dans
ce moment je revins de
mon évanouïssement ; jugez de ma surprise & de
mon effroy, de me voir
la gorge & les bras nuds,
& une de mes mains dans
celle d'un jeune homme
que je n'avois jamais veu;
de me voir couchée dans
un lit & dans une cham
120
bre que je ne connoissois
point, moy qui croyois
de me retrouver dans un
Carosse. Je vous avouë
que je fus quelque temps
à douter si je veillois, ou
si c'étoit un songe ; mais
enfin revenant à moy, je
retiray ma main de celle
de cet homme, & me
couvris toute entiere de
ma couverture. Cet homme étoit aussi surpris que
moy, quand sa mere entrant dans la chambre éclaircit nôtre avanture,
121
& nous apprit pourquoy
nous nous étions trouvez
ainsi : Cet homme étoit
Antigame; il commença
dés ce temps-là à m'aimer, & à me persecuter
d'une passion, qui me rend
la plus malheureuse personne du monde.
Ma mere & moy étant entierement rétablies, nous remerciames
nous bienfaicteurs, primes congé d'eux, & suivimes le chemin de Paris:
nous n'avions pas encore
122
fait une lieuë que nous
vîmes venir au galop An-5
game ; c'étoit pour nous
offrir de la part de sa mere
un appartement dans une
grande maison qu'elle avoit à Paris. Nous acceptames ses offres ; il prit
place dans nôtre Carosse,
renvoya ses Chevaux, &
nous conduisit. Je n'ay jamais veu un homme plus
empressé de plaire ; il faisoit le bel esprit ; à tout
moment la petite historiette, le quolibet, ou la
123
chanson, avec le faucet
clair & doucereux ; il ne
parloit que de la tendresse
de son cœur, & de la délicatesse de ses sentimens.
Je vis bien qu'il vouloit
se faire aimer : à d'autres,
à d'autres, disois-je en
moi-même ; Cleante m'a
trop appris à connoître
les hommes pour jamais
les regarder qu'avec mépris.
Le voyage finy sans
autre explication : à nôtre
arrivée à Paris Antigame
124
nous logea dans des appartemens magnifiques ;
j'eus pour moi une chambre ornée de Peintures
d'Italie tres-belles ; il nous
laissa en repos les premiers
jours, & nous ne le voïons
que fort rarement. Dans
ce même temps nous apprîmes que nôtre partie
faisoit taxer les dépens, &
se vantoit de faire vendre
nos biens, & même de
faire emprisonner ma
mere; ce qui faisoit que
nous passions les jours &
125
les nuits à implorer la justice du ciel, & à pleurer:
pour moy j'étois plus ferme, & plus resoluë que
ma mere ; je luy disois que
la Providence étoit juste ;
que nous n'avions jamais
merité par nôtre conduite
la honte, ny l'infamie, &
que recourant avec confiance à sa bonté, elle
ne nous abandonneroit
point, & nous tireroit de
ce pas malheureux ; & sur
la bonne foy des leçons
de ma Religieuse, je par
126
lois avec tant d'asseurance
& de force, que je consolois ma mere, & la faisois revenir de ses chagrins & de ses craintes.
Un jour, jugez de ma
surprise, étant seule dans
ma chambre, je vis entrer
Antigame, qui se jettant à
mes pieds les larmes aux
yeux, me pria d'avoir
pitié du malheureux état
où je l'avois reduit ; &
me dit qu'aprés la mort
de sa femme il avoit pris
la resolution de ne se
127
remarier jamais ; qu'elle
n'avoit pû tenir contre
moy, tant je luy avois
paru aimable ; que plus
il avoit travaillé à vaincre
cette passion, plus elle s'étoit augmentée ; & qu'enfin il falloit, ou qu'il me
vid sa femme, ou que je
visse sa mort. Je vous avouë que j'eus quelque
joye d'apprendre cette
nouvelle, non pas tant à
cause de la qualité, &
de la grosse fortune d'Antigame, que parce que Cle
128
ante apprenant ce mariage conçevroit une plus
grande estime pour moy,
se reprocheroit son ingratitude, & auroit du chagrin de m'avoir perdu. Je
renvoyay cependant Antigame à ma mere, sans
luy donner aucune réponse. Il luy en parla ;
elle vouloit le consentement de sa mere : il luy
fit entendre qu'elle avoit
dessein de le marier à la
fille d'une de ses amies,
ce qui feroit qu'elle luy
129
seroit contraire ; qu'en
temporisant il pouroit l'y
faire consentir, ou qu'elle
viendroit à mourir, étant
dans un âge fort avancé,
& toûjours malade. Ma
mere qui aux dépens de
sa vie auroit voulu me
marier avantageusement,
ménagea cet homme ; &
me fit entendre qu'en l'état où étoit ma fortune,
je ne devois point perdre
cette occasion. Je suivis son conseil, j'écoutois
tranquilement tout ce
130
qu'il vouloit me dire ;
pour conclusion, sa pensée
étoit de m'épouser secrettement : nous ne pûmes
point trouver de Prêtre ;
il me dit que le consentement seul des parties faisoit le Mariage ; il me
donna une promesse de
m'épouser signée de son
sang ; il me mena aux
pieds des Autels ; il m jura
qu'il me prenoit pour sa
femme ; je fis le serment
de mon côté : le voilà le
plus heureux des mortels;
131
son bon-heur fut interrompu quand il voulut
se mettre en état de jouïr
du privilege des marys ;
je le rebutay, je le maltraitay, je m'emportay;
broüillerie entre nous, reconciliation : raisons de sa
part pour établir son droit
de mary, & pour s'en
mettre en possession ; inflexibilité de la mienne :
pleurs, desespoirs, ne
vouloir point manger,
vouloir mourir ; c'est dequoy j'avois l'esprit fati
132
gué & les oreilles battuës
à tout moment ; cependant je persistois toûjours
à vouloir auparavant les
formes, & le Curé.
Dans ces entrefaites, la
partie adverse de ma mere
luy fit faire un commandement de payer les dépens : le lendemain faute
d'argent elle devoit être
mise en prison, & ses biens
devoient être saisis. Il me
sembla que cette nouvelle
ne touchoit point assez
Antigame : je m'en plai
133
gnis à luy, il me fit réponse que si je voulois le
reconnaître pour mary,
& vivre en femme avec
luy, il auroit les sentimens
de gendre pour ma mere,
la reconnoîtroit en cette
qualité, & chercheroit les
moyens de la tirer d'affaires; que je me consultasse
là dessus, qu'il verroit en
cette occasion si j'avois du
naturel ; qu'il reviendroit
dans peu recevoir ma réponse, & se retira ainsi.
Ha ! quand je me vis en
134
cet état violent, combien
j'eus de differentes pensées ! combien je sentis de
divers mouvemens ! d'un
côté je me representois
ma mere traînée honteusement dans une prison,
& tous ses biens saisis par
mon aveu, & de mon
consentement ; d'un autre côté je voyois que nôtre pretendu mariage ne
me permettoit pas d'accorder à Antigame ce
qu'il demandoit de moy;
& que si je le faisois, je
135
perdrois ce que j'avois de
plus précieux, & tomberois dans un abîme de
mal-heur & d'infamie.
Je me ressouvins alors
d'avoir ouy dire à ma Religieuse, que le Ciel est reconnoissant de ce que l'on
fait pour luy ; qu'il ne refuse point à une fille sage
& vertueuse ce qu'elle
luy demande, & qu'il la
prend sous sa protection ;
ce qui me consoloit &
me determinoit à m'y
confier : d'un autre côté
136
le refus que cette Providence m'avoit fait du gain
de nôtre Procés si juste
& si raisonnable, & que
je luy avois demandé avec des prieres si ardentes,
& le malheureux état où
nous étions, & qu'il me
sembloit que nous avions
si peu merité, me donnoient de la défiance de
cette même Providence,
en sorte que je ne voulois
point m'abandonner entierement à ses heureux
soins. En cet état inquiet,
137
& malheureux, je jettay
les yeux sur des Tableaux
de ma chambre : une funeste curiosité m'engagea
à tirer le rideau de dessus
un qui étoit caché ; ç'étoit une nudité qui representoit Venus dans le
bras de Mars, & leur
jouïssance dans le temps
que Vulcain les fit surprendre par les Dieux : que
d'appas ! que d'agréemens !
que de beautez frapperent
ma veuë ! je ne les vis
point comme des peintu
138
tures ; elles me donnerent
les mêmes mouvemens,
qu'auroient fait des beautez véritables & réelles.
Dans cet instant je sentis
de l'émotion, mon cœur
en soûpira, une langueur
se répandit dans mes veines, j'en fremis d'une
douce horreur qui m'étoit jusqu'alors inconnuë :
ha ! ma chere Fraudelise,
que nôtre sexe est malheureux, de ne pouvoir
se défendre dans certains
instans de ces sortes de
139
foiblesses !
Malheureusement dans
ce fatal moment Antigame entra dans ma Chambre, pour apprendre ma
resolution : il s'aperçeut
de l'état où j'étois ; il l'interpreta à son avantage ;
il en profita, & me pressa d'une maniere si vive,
que je perdis toute connoissance, & que je ne
sçavois plus ce que je faisois. Je me ressouviens
seulement, que ma raison
élevoit dans mon cœur
140
de moment en moment,
des mouvements d'indignation & de colere contre Antigame ; qu'ensuitte
cette même raison surprise & enchantée par
mes sens, & de concert
avec eux à me tromper,
me faisoit entendre que
je sauvois une mere de
prison, & que je m'engageois par là un époux.
Dans cet instant mal-heureux & funeste, Cleon
qui arrivoit de Rouën,
& qui venoit nous voir,
141
ma mere & moy, trouvant une clef dans la serrure de la Chambre où
j'étois avec Antigame,
ouvrit la porte sans heurter, & y entra subitement. Il fut frappé si terriblement de me voir en
cet état, qu'il sortit brusquement, referma la porte, & se retira : ha ! que
ne sentis-je point quand
je vins à penser que Cleante scachant ma conduite
s'applaudiroit de m'avoir
abandonnée ! non, je ne
142
m'en serois jamais consolée, sans la pensée qu'il
sçauroit dans la suitte
mon mariage avec Antigame. Pour soulager mon
chagrin, & me rasseurer
davantage cet époux, je
le caressay, je l'appellay
vingt fois mon cher mary,
mon cher cœur ; & le
priay de penser à sa belle
mere, & à luy chercher
des moyens pour la tirer
d'affaire. Antigame ne fut
plus si sensible à mes caresses ; il me parut froid
143
& indolent ; & me dit
qu'un mineur comme luy
ne pourroit point trouver
d'argent ; que ma mere
n'avoit qu'à faire une vente simulée de ses biens, &
se retirer dans un Convent. A ce discours je me
chagrinay, je pleuray &
je me plaignis de luy ; il
sortit brusquement de ma
Chambre & me quitta ;
Je cours aprés luy, il fuit
devant moy. Dans ce
même moment, un Laquais se trouva devant
144
moy, & m'arresta pour
me donner une Lettre
que je reconnus être de
la main de Cleante : elle
portoit qu'il étoit au comble de ses felicitez, puisqu'il alloit devenir mon
époux ; que Cleon son
oncle étoit parti pour Paris, pour porter de l'argent
à ma mere pour payer les
dépens ausquels nous avions esté condamnez, &
dans la pensée de me ramener avec elle à Rouën
pour faire nôtre mariage;
145
que la raison pour laquelle
il ne nous avoit point
veuës avant nôtre départ,
à son égard c'étoit parce
que la nouvelle de la perte
de nôtre Procés l'avoit
touché d'une maniere qu'il
en étoit tombé malade,
qu'il avoit perdu toute
connoissance, & que les
Medecins avoient défendu à ses gens de le laisser
voir à personne : & à l'égard de son oncle qu'animé par la part qu'il prenoit dans nos interests, il
146
avoit pris secretement la
poste pour Calais où il
avoit été chercher une
piece qui justifioit la fausseté de celle qui nous avoit fait perdre nôtre Procés ; qu'il l'avoit apportée,
& que ce n'étoit plus une
affaire de revenir contre
l'Arrest qui étoit contre
nous & de gagner nôtre
Procés. Ce pauvre garçon quoiqu'il ne fût pas
entierement gueri faisoit
tout ce qu'il pouvoit dans
cette Lettre pour me faire
147
voir combien il m'aimoit,
& combien il avoit d'empressement de me posseder.
Ha ! que cette Lettre
porta un cruel coup de
poignard dans mon cœur.
Quoy, disois-je, en moymême, Antigame est un
inégal, un ingrat, un infidele, & j'ay tout fait
pour luy : tu m'aimes
toûjours malheureux Cleante, tu m'es fidelle, &
tu veux m'épouser ; cependant je t'abandonne,
148
je te trahis honteusement;
ton oncle vient tirer ma
mere de prison, ton oncle
veut nôtre mariage : Dis‑moy, reprenois-je, ces
sentimens pouront-ils tenir contre ce qu'il a veu;
& toy pouras-tu resister
contre ce qu'il te dira ?
pouras-tu encore m'aimer ; ou plûtost pouras‑tu t'empêcher de me regarder comme une miserable, & de me haïr mortellement ? C'est moy à
present, continuois-je,
149
mere infortunée, qui te
tiens prisonniere, & qui
suis cause que tes malheurs ne finiront jamais :
juste ciel ! m'écriay-je en
soûpirant, je n'ay point
voulu attendre le secours
de cette main favorable
prête à me secourir ; je
m'en suis défiée, & me
voila mal-heureuse pour
le reste de ma vie.
Je pensay & dis quantité d'autres choses qu'il
seroit difficile de vous rapporter. Pour conclusion,
150
l'agitation violente de
mon esprit, & la profonde douleur que je ressentis, fit une si surprenante
revolution sur mes sens,
que je tombay dangereusement malade : ma mere
ne pût resister à ce dernier
malheur ; elle s'étoit retirée dans un Convent, où
elle mourut de langueur.
Courage, courage, disois‑je : fortune, redouble tes
coups; je me faisois une
espece de plaisir de me voir
dans le comble des adver
151
sitez, croyant de les voir
finir par ma mort ; mais
mon heure n'étoit pas encore arrivée, elle me rappelloit à la vie pour d'autres chagrins.
Antigame prit le deüil
peu de temps aprés la
mort de ma mere : je m'imaginay que c'étoit de sa
belle mere, c'est à dire
qu'il me regardoit comme
sa femme ; je n'avois pas
encore assez souffert pour
mes pechez : me voila
hors de danger ; je ne sçay
152
si la joye secrete que j'eus
de me voir femme d'Antigame, n'y contribua pas
beaucoup. Cependant les
impressions du mal étoient
trop violentes pour me
guerir si-tost ; je ne dormois pas, j'avois des
inquietudes effroyables ;
trois & quatre fois par
jour un garçon Apotiquaire m'aportoit des Sirops preparez, & des Juleps. Un jour comme les
rideaux de mon lit étoient
fermez, & que je me
153
croïois seule dans ma
chambre, l'esprit uniquement rempli de Cleante,
il m'échappa de prononcer ces mots : Ha ! malheureux Cleante ! Dans
ce même instant je vis tirer les rideaux de mon lit,
& le garçon Apotiquaire
qui aportoit mes Sirops,
se jetter à genoux devant
le lit, en me disant les
yeux baignez de larmes,
& le cœur plein de sanglots & de soûpirs : Oüy,
aimable Lesbie, oüy-il
154
est plus malheureux que
vous ne pouvez concevoir. Je jettay les yeux
sur ce garçon; une Perruque qu'il avoit prise,
l'habillement qu'il portoit, l'abattement & la
maigreur qui paroissoient
sur son visage, m'embarasserent quelque temps :
enfin je reconnus Cleante;
nous étions si troublez
l'un & l'autre, que nous
fûmes long-temps sans
pouvoir nous parler, que
par des regards & des soû
155
pirs. Il me dit que son
oncle étant revenu à
Roüen luy avoit parlé de
moy trés-desavantageusement; qu'il luy avoit dit
que j'étois une fille sans
honneur & sans vertu, &
qu'il luy avoit ordonné de
ne me plus voir, ny de
penser jamais à moy. Il
ajoûta que comme il me
connoissoit, & l'inclination interessé & avare
de son oncle, bien loin
d'avoir pû penser une semblable chose, il avoit crû
156
que les conseils de Paris
ayant jugé que nôtre affaire n'étoit point bonne,
& que nous ne pouvions
revenir contre l'Arrest ;
son oncle s'étoit avisé de
cet artifice pour le dégouter de moy, & pour
l'empêcher de m'épouser,
n'ayant eû en veuë dans
nôtre Mariage que le gain
de ce Procés, & de tirer
vengeance de nôtre partie. Cleante ajoûta, que
dans cette pensée il avoit
fait des reproches fâcheux
157
à son oncle, de ce qu'il
nous manquoit de parole;
& luy avoit dit qu'il étoit
honnête homme, qu'il
tiendroit la sienne, &
n'auroit point d'autre
femme que moy : que
cette réponse avoit tellement irrité son oncle, qu'il
n'avoit plus voulu le voir,
& qu'il s'étoit marié à
une jeune femme à qui il
avoit donné tout son bien;
que quoyqu'une semblable perte eût dû le toucher sensiblement, l'in
158
quietude de n'entendre
point de mes nouvelles
luy avoit fait oublier ce
chagrin, & l'avoit déterminé à venir à Paris pour
en apprendre ; qu'il y avoit sçeu mon indisposition avec beaucoup de
douleur, & que se voyant
hors d'état de pouvoir me
voir, il s'étoit avisé de se
mettre chez l'Apotiquaire
qui me servoit, sous pretexte d'apprendre la Profession; qu'il se trouvoit
bien recompensé de cet
159
innocent artifice, puisqu'il avoit pû me rendre
quelque petit service pendant ma maladie ; qu'il
pouvoit me jurer à present, que bien loin que sa
passion fût diminuée par
le temps & par les rapports injustes qu'on luy
avoit faits de moy, elle
étoit devenuë si violente,
& étoit montée à un excés si grand qu'il ne pouvoit plus vivre sans me
voir ; enfin qu'il venoit
sçavoir sa destinée de ma
160
bouche, & que sa vie étoit entre mes mains.
Qui n'auroit pas été
touchée, ma chere Fraudelise, d'un prcedé si
tendre, & si fidelle ? aussi
la fus-je tres-sensiblement:
cela n'empêcha pas que je
ne luy representasse, que
quoi-que mon plus grand
bon-heur fût de me voir
à luy, nous ne devions
point y penser ; que nous
n'avions pas de biens, ny
l'un ny l'autre ; qu'il en
falloit indispensablement
161
dans le Mariage, si l'on
ne vouloit y être malheureux : Je luy avoüay
que je l'avois crû infidele
apres la perte de nôtre
Procés, n'apprenant point
de ses nouvelles ; que j'en
avois été sensiblement
touchée, & que peu de
temps aprés, ma mere
m'avoit promise à Antigame ; qu'à cause de sa
pretenduë infidelité j'y avois consentie, qu'Antigame n'attendoit que la
mort de sa mere fort in
162
firme pour m'épouser ; &
qu'il s'étoit même expliqué de ses sentimens, en
prenant le deüil de ma
mere aprés sa mort. Il me
repartit les larmes aux
yeux, que la passion qu'il
avoit pour moy étoit si
des-interessée & si attachée à mes interests, qu'il
consentiroit à devenir l'esclave du Corsaire le plus
dur pour me faire Reine,
pourvû que je luy en tinsse
compte dans le fond de
mon cœur : mais que
163
je devois être persuadée
qu'Antigame ne m'épouseroit point ; que ses sentimens étoient trop éloignés du Mariage ; qu'il
ne demandoit qu'à me
tromper, & que le deüil
qu'il avoit pris étoit de sa
mere décedée peu de jours
aprés la mienne.
Dans le temps qu'il me
parloit ainsi, nous entendîmes sur l'escalier ma
garde qui m'aportoit un
boüillon, & qui raisonnoit avec le Medecin : ce
164
qui fit que Cleante se leva
promptement, & s'en alla, de crainte de découvrir quelque chose par
l'embarras & le trouble
où nous étions. La consolation que je ressentis
de le voir & de le trouver tendre & fidelle, fit
un effet si prompt sur mes
sens & sur mon esprit,
qu'en peu de temps je me
vis guerie ; l'on me flattoit que cette maladie
m'avoit embellie ; j'en
crûs quelque chose, quand
165
je vis la passion d'Antigame beaucoup augmentée pour moy : jamais
tant d'assiduité, ny de
complaisance ; son unique
occupation étoit de me
chercher des nippes &
des bijoux, & de me donner des plaisirs ; il vouloit
que j'eusse sa bourse, il
m'avoit donné à garder
deux mille Louis d'or6 ;
j'étois maîtresse de tout,
il ne m'appelloit jamais
autrement que sa chere
femme. Pour conclusion
166
je vivois avec luy comme
avec un mary, flattée que
dés que l'année du deüil
de sa mere seroit passée,
il m'épouseroit publiquement, & me reconnoîtroit pour sa femme : cependant vous ne pouvez
concevoir combien j'ay
souffert dans cette attente.
Ha ! que les plaisirs qui
ne sont point legitimes
sont differens des autres,
& qu'une fille est malheureuse quand elle est
tombée dans cette hon
167
teuse extremité ! Elle n'o
se paroître dans le monde ; elle croit que l'on ne
parle que d'elle & de son
infamie ; tout lui fait peur,
rien ne la console ; sa vie
se passe dans des inquiétudes, & dans des remords continuels : son
amant n'aime en elle que
son plaisir & sa volupté,
sans songer s'il agrée ou
s'il déplaît ; elle s'en apperçoit bien-tost : qu'elle
haïsse le tabac, qu'elle
craigne l'odeur du vin ;
168
que ses manieres libres &
débauchées, que ses emportemens la fatiguent &
la tourmentent, il ne daigne pas y prendre garde;
il faut qu'elle souffre, il
faut qu'elle dissimule,
& qu'elle feigne pour se
maintenir, des extases &
des ravissemens d'amour
& de plaisir. Une femme
se fait une vertu de ces
sortes de choses auprés de
son mary : l'honnête figure qu'elle fait dans le
monde ! sa belle famille,
169
ses beaux enfans, cette
necessité indispensable de
vivre & de mourir avec
ce mary, leurs interêts
communs, la satisfaction
de faire son devoir, le repos de conscience ; tout
cela joint ensemble détourne ces sortes de dégoûts, & fournit de nouveaux plaisirs à une femme mariée, qui sont inconnus à une fille qui ne
vit point dans les régles.
Ces raisons me déterminerent à faire expliquer
170
Antigame, dés que l'année du deüil seroit passée,
& au cas qu'il ne voulût
pas m'épouser, de l'abandonner comme un traître
& comme un perfide.
Cleante étoit sorti du
logis de son Apotiquaire ;
aprés avoir tenté inutilement plusieurs occasions
de me parler en particulier, il en trouva une : c'étoit pour me dire, qu'Antigame de l'humeur & de
l'esprit dont il étoit, ne
m'épouseroit jamais; qu'il
171
venoit m'offrir son bras
pour m'en vanger ; que
quoique le plus grand
malheur qui pût luy arriver au monde,étoit de me
voir entre les bras d'un
autre, le plaisir de ma fortune, de mon élevation,
& la reconnoissance que
je luy en tiendrois dans le
fond de mon cœur, soulageroient beaucoup ses chagrins. Que de soupirs, que
de larmes cette conversation nous coûta ! Enfin
elle finit par la promesse
172
que je luy fis, qu'au cas
qu'Antigame, aprés l'année du deüil de sa mere,
ne voulût pas m'épouser,
je m'abandonnerois à ses
conseils. Non, je ne puis
vous expliquer la diversité des mouvemens qu'il
fit paroître dans ce moment ; il se fait tard, avançons, ma chere Fraudelise.
L'année du deüil de la
mere d'Antigame finie,
il ne voulut point m'épouser ; voicy ses belles
173
raisons : c'est que nous étions mariez, & que nous
pouvions continuer & vivre de même en sureté
de conscience, puisque le
consentement seul que
nous nous étions donné
faisoit le Mariage; qu'un
Mariage public, & dans
toutes ses formes, n'est
point si agréable, ni si voluptueux ; qu'il est opposé & contraire à l'amour ; que le cœur ne
s'en accommode point,
qu'il aime sa liberté & ne
174
peut agir par devoir ; &
que comme il vouloit
m'aimer toute sa vie avec la même tendresse, &
la même vivacité, il ne
vouloit point m'épouser
autrement. De mon côté
je luy répondois, que c'étoit se flatter de croire que
nôtre Mariage fût bon;
que nôtre Religion, &
nos loix le condamnoient;
qu'un Mariage dans les
formes n'étoit point accompagné de mépris &
d'infamie ; qu'il étoit sans
175
crainte, & sans remords ;
que l'on n'étoit point obligé d'en cacher honteusement les fruits ; qu'on
les voïoit avec joye ; que
ces enfans sur les visages
desquels on avoit le plaisir de se reconnoître l'un
& l'autre, étoient des liens
qui unissoient plus étroitement les peres & les
meres, d'inclination &
d'interest ; que ces liens
étoient bien plus forts que
ceux d'une inclination passagere ; qu'un cœur bien
176
fait, & bien tourné se
plaisoit dans son devoir,
& se faisoit une douce habitude de le suivre; enfin
je concluois que je voïois
bien qu'il ne m'aimoit
gueres, puis qu'il pouvoit voir mon inquietude
& ma honte, sans en être
touché, & refusoit de
subir une loy qui l'obligeoit de m'aimer toute
sa vie.
Ce refus me toucha
d'autant plus sensiblement,
que je voïois qu'il m'avoit
177
trompée avec sa Promesse
écrite & signée de son
sang, & dont il pouvoit
se faire relever à cause de
sa minorité. Ce fut alors
que je refléchis bien sérieusement sur le peu de
profit que j'avois fait des
leçons de ma Religieuse :
que j'en eus de douleur,
& de repentir ! Je n'avois
pas oublié de luy avoir
oüi dire, que quand malheureusement une fille étoit tombée dans ce précipice, elle ne devoit point
178
perdre de temps à s'en retirer, si elle ne vouloit
tomber dans la derniere
disgrace, & dans la derniere infamie. Cette pensée me fit prendre la resolution de quitter Antigame, & d'épouser Cleante : quels reproches ne
me fis-je point ? que ne
souffris-je pas quand je
vins à penser, que je ne
pouvois plus porter dans
le lit d'un amant sincere
& fidelle, que les restes
honteux d'un traître &
179
d'un perfide, & combien
j'étois peu digne de l'estime de Cleante ! non je
ne puis vous expliquer
tout ce qui se passa dans
le fond de mon cœur.
Enfin je fis avertir Cleante
que je voulois luy parler;
il vint au rendez-vous : je
luy appris qu'Antigame
ne vouloit pas m'épouser;
nôtre derniere resolution
fut que je prendrois mon
temps pour sortir du logis
d'Antigame, & pour en
emporter les deux mille
180
Louis d'or7 qu'il m'avoit
donnez à garder, & tout
ce que j'avois chez luy;
que dans ce même temps,
suivant l'avis qui m'avoit
été donné par un Avocat,
je me retirerois dans un
Convent ; que je ferois un
procés à Antigame pour
l'execution de sa Promesse
de Mariage ; & qu'aprés
le jugement qui ne pouroit aller qu'à des dommages & interests, à cause
de la minorité d'Antigame, Cleante m'épou
181
seroit. Pour seureté de ma
parole, je tiray de mon
doigt la bague de prix
dont Antigame m'avoit
fait present, & je la donnay à Cleante ; mais reflechissans l'un & l'autre,
qu'Antigame ne me voyant plus cette bague, pouroit soupçonner quelque
chose de ma conduite,
cela me détermina à reprendre la bague ; je tiray
le Rubis du chaton8 pour
le donner à Cleante, &
je conservay l'anneau
182
dans mon doigt pour le
montrer à Antigame, &
luy faire accroire que le
Rubis étoit tombé du chaton & s'étoit perdu. Ce
qui me touchoit le plus
sensiblement, étoit l'infidelité que je faisois à
Antigame, en violant la
bonne foy du dépôt des
deux mille Louis d'or9 qu'il
m'avoit donnez à garder:
Mais Cleante me fit entendre par tant de bonnes
raisons, que nous n'étions
pas obligez de garder la
183
foy aux traîtres & aux
perfides, que je me rendis
à ses persuasions.
Ensuite Lesbie raconta à
Fraudelise & à cette Marchande, que comme elle
attendoit qu'Antigame allât à la Chasse, & luy
fournît par là une occasion favorable de le quitter, & d'executer le dessein qu'elle avoit formé,
il étoit malheureusement
arrivé, que ce même jour
le mauvais temps avoit obligé Antigame d'entrer
184
dans une Chambre d'un
Cabaret, dans laquelle
Cleante & Philabel disputoient ensemble sur la
qualité & sur le prix du
Rubis qu'elle avoit donné
à Cleante, & dont Antigame lui avoit fait present : Que dans cette
Chambre, Antigame s'étant avancé doucement
derriere Cleante dans le
temps qu'il tenoit le Rubis, il avoit veu le Rubis,
& luy avoit trouvé beaucoup de ressemblance avec
185
celui qu'il avoit donné à
Lesbie, & que Cleante
s'en étant apperçeu, malgré la pluïe étoit sorti
promptement avec Philabel de ce Cabaret ; que
ce procedé avoit donné
de violens soupçons à
Antigame contr'elle ; que
pour s'en éclaircir il avoit
fait interroger adroitement un Laquais de Cleante, qui étoit demeuré
dans ce Cabaret ; que ce
Laquais avoit répondu
qu'une fille dont il ne
186
sçavoit pas le nom, avoit
fait present de ce Rubis à
son Maître, & qu'elle
devoit encore luy donner
deux mille Louis10 & l'épouser ; enfin elle ajoûta
qu'Antigame avoit pensé
que c'étoit d'elle que ce
Laquais avoit voulu parler, ce qui faisoit qu'elle
ne doutoit point qu'il ne
fût dans une furieuse colere contr'elle ; qu'elle ne
sçavoit pas comment elle
pouroit le faire revenir, &
luy faire entendre que c'é
187
toit d'une autre fille que
ce Laquais avoit voulu
parler ; & finissant elle dit à
Fraudelise & à cette Marchande, qu'elle leur auroit les dernieres obligations si elles pouvoient
luy donner des conseils,
& des moyens pour la
tirer de ce malheureux
pas.
Lesbie ayant cessé de
parler, cette Marchande
luy témoigna qu'elle avoit eû raison de luy dire
que son affaire étoit plus
188
embarassante & plus fâcheuse que celle de Fraudelise ; & ensuite aprés avoir rêvé quelque temps,
elle luy demanda si Antigame sçavoit son histoire
avec Cleante, ou du
moins qu'elle le connût :
à quoy Lesbie répondit,
qu'elle s'étoit si bien ménagée là-dessus, que non‑seulement il n'en avoit
jamais eû aucune connoissance, mais encore qu'il
avoit crû qu'elle ne connoissoit d'autre homme
189
que luy. Ne pouriez-vous
point, continua cette
Marchande, avoir le Rubis que vous avez donné
à Cleante ? Ouy. Comment, interrompit Fraudelise, comment voudriezvous qu'elle allât redemander à cet homme le
Rubis qu'elle luy a donné ? Il en faudra donc achetter un semblable, ré-11
prit cette Marchande, &
Alvarés en a de tant de
façons que nous trouverons aisément chez luy ce
190
que nous demandons. He
bien, repartit Fraudelise,
quand Lesbie auroit un
semblable Rubis, qu'en
feroit-elle ; que s'ensuivroit-il? Elle le feroit trouver, reprit cette veuve,
dans quelque endroit de la
maison, par un domestique d'Antigame qui iroit
le lui porter : Antigame,
continua-t-elle, voyant
ce Rubis, ignorant que
vous connoissez Cleante,
& ne pouvant concevoir
que vous ayez pû appren
191
dre ce qui s'est passé, qu'il
a veu un Rubis entre les
mains de Cleante, & qu'il a
soupçonné que c'étoit celui qu'il vous avoit donné,
s'imaginera sans doute
qu'il s'est trompé, que ce
Rubis n'est point celui
qu'il vous a donné, que
le Laquais de Cleante a
voulu parler d'une autre
fille que de vous ; & entre
nous, finit-elle en soûriant,
si vous jouez bien vôtre
rôlle, comme Antigame
192
vous aime, vous luy persuaderez ce que vous voudrez ; car il est aisé à une
belle personne de faire accroire à un homme qui
l'aime qu'elle luy est fidelle.
Comme cette veuve
parloit ainsi, Lesbie imagina un endroit heureux
pour faire trouver le Rubis, si bien que rendant
mille graces à cette veuve
& à Fraudelise, elle leur
témoigna qu'elle esperoit
de pouvoir se servir uti
193
lement de leurs avis ; &
comme il se faisoit tard
elles sortirent promptement toutes trois de la
maison de Fraudelise,
& allerent premierement
chez le copiste pour luy
faire faire une copie figurée de la Lettre que Fraudelise avoit écrite à Philabel ; & pendant que le
copiste y travailloit, elles
allerent chercher un Rubis semblable à celuy qu'-
Antigame avoit donné à
Lesbie. Elles en trouve
194
rent un tout pareil, Lesbie l'acheta : elles revinrent ensuite vers le copiste
qui avoit imité si bien la
Lettre de Fraudelise, qu'elles se trompoient à la ressemblance ; & aprés s'être
embrassées & baisées, elles se quitterent, & Fraudelise & Lesbie allerent
disposer les choses pour
leur expedition du lendemain.
Fraudelise plia & cacheta la Lettre de la même maniere que le veri
195
table, rompit ensuite le
cachet, la mit dans la
poche d'un petit tablier
qu'elle avoit, & alla se
coucher, en meditant
pendant la nuit comment
elle devoit faire réussir ses
desseins.
Lesbie se retira de son
côté, & prit en passant
chez un Apotiquaire, une
Medecine dont elle fit
charger la dose d'un Remede violent : & étant
arrivée au logis, comme
elle avoit une clef du ca
196
binet d'Antigame, qu'elle
avoit fait faire à son insçû, elle mit dans l'endroit
de son bureau où il tenoit
ses Lettres, le Rubis qu'-
elle avoit acheté, en le
cachant sous quelqu'une
de ses Lettres ; parce que
peu de jours auparavant
qu'elle eût donné à Cleante le Rubis, elle avoit
voulu en presence d'Antigame foüiller dans cet
endroit, pour y prendre
une Lettre cachetée de
soye, ce qu'il avoit em
197
pêché, & luy serrant les
doigts il l'avoit obligé de
la lâcher dans le même
endroit, Lesbie prétendant de luy faire penser
que dans ce temps-là le
Rubis étoit tombé du chaton12, & étoit resté là ; elle
ferma ensuite le cabinet,
& alla se coucher, l'esprit
uniquement repli de ce
qu'elle devoit executer le
jour suivant.
Le lendemain Philogame se leva plus matin
qu'à son ordinaire, dans
198
l'impatience de s'expliquer
avec Fraudelise ; il la trouva à sa toilette dans un
lieu de la chambre un
peu obscur : il s'assit auprés d'elle avec un air
chagrin & rêveur ; elle
feignit d'en être surprise,
& luy en demanda la raison : vous la verrez, dit-il,
ingrate, dans cette Lettre,
en luy presentat celle
qu'elle avoit écrite à Philabel; elle la prit, & ensuite s'approchant de la
fenêtre, & se tournant de
199
côté, elle mit cette Lettre
dans la poche de son tablier, & en tira la copie
qu'elle avoit fait faire le
soir auparavant, mais
d'une maniere si adroite
que Philogame n'en eût
pas le moindre soupçon ;
ensuite elle examina cette
copie en la presence de Philogame, avec une attention feinte, & le regardant de temps en temps,
elle témoigna beaucoup
de surprise & d'étonnement. Voila infidelle,
200
continua Philogame, de
quel stile vous écrivez à
Philabel ; cet homme que
vous traittiez d'impudent
& d'insolent, que vous
haïssiez tant, & que vous
me disiez avoir chassé de
chez vous : il est digne de
vous, continua-t-il, &
je ne serviray jamais d'obstacle à vôtre passion. C'est
à dire, interrompit brusquement Fraudelise, que
vous croyez que cette
Lettre est de ma main,
& que je l'ay écrite à Phi
201
label : vous connoissez
mal, continua-t-elle, avec
un air froid & dédaigneux,
ma main & mon cœur,
vous qui vous mélez de
me taxer d'ingratitude &
d'infidelité. Ensuite Fraudelise copia cette même
Lettre sur du papier en
presence de Philogame, &
aprés avoir achevé la copie, elle la luy jetta avec
celle qu'elle avoit supposée, en luy disant, voyez
combien vous vous trompez ; ne croyez-pas, con
202
tinua-t-elle avec un air
fier, que ce soit par aucune pétention que j'aye
sur vôtre cœur ; j'y renonce pour toute ma vie,
& ce que j'en ay fait n'est
que pour ma propre satisfaction & pour ma gloire.
Ensuite elle le quitta brusquement, & passa dans la
chambre de sa mere sans
vouloir l'entendre. Philogame prit ces deux copies de Lettre, les examina, & les confronta ;
tantôt il les crioit toutes
203
deux de la main de Fraudelise, & en d'autres temps
de differentes : que faire,
quel party prendre, à qui
s'adresser ? aux Maistres
Ecrivains ; par leur raport
les Lettres sont de differentes mains, & Fraudelise est innocente : l'Abbé
Sophin n'en juge pas tout
à fait ainsi ; ils disputent
ensemble, ils raisonnent,
ils s'égarent dans leurs raisonnemens, & ne sçavent
à quoy se déterminer certainement là-dessus.
204
A l'égard de Lesbie,
dés que le jour paroît elle
prend secrettement le Remede preparé, & en attend l'effet ; lors qu'il agit violemment, elle envoye un Laquais dire à
Antigame de sa part qu'-
elle se mouroit, & qu'elle
demandoit à luy parler.
Je meurs contente, luy
dit-elle, en le voyant approcher de son lit, & je
ne regrette point la vie
puisque vous m'êtes infidelle, & que je ne puis
205
être vôtre femme. Dans
ce même temps elle feignit de tomber dans une
convulsion ; la violence
du remede, & l'abattement où il l'avoit jettée,
& qui paroissoit sur son
visage, contribuoit beaucoup à cacher sa feinte &
son artifice, & à persuader Antigame qu'elle se
mouroit. Revenant ensuite de sa feinte convulsion elle continua à parler
ainsi : Ecoutez-moy, Antigame, je n'ay plus gueres
206
à vivre & les moments
sont précieux : prenez, reprit-elle en soûpirant, les
clefs de mon coffre, l'argent que vous m'avez
donné à garder qui est
dedans, & tout ce que
j'ay de plus précieux au
monde. Je vous donne
tout ce que j'ay, & je
voudrois avoir un Sceptre
& une Couronne à vous
offrir en mourant. Vous
verrez aprés ma mort la
difference de la fidelité de
Lesbie, d'avec celle de
207
vos autres Maîtresses; & je
seray alors au fond de vôtre cœur pour vous faire
ressentir les peines deuës
aux infidelles & parjures. Antigame étoit dans
un étonnement & dans
une surprise que l'on ne
peut concevoir ; & son
ressentiment ne pouvoit
tenir contre l'état dans lequel il voyoit Lesbie, ny
contre les témoignages de
tendresse & d'amour qu'-
elle luy faisoit paroître.
Il voulut sçavoir la cause
208
d'où pouvoient partir tant
d'effets si extraordinaires,
& si prompts, & il pria
instamment Lesbie de la
luy apprendre.
Elle commença en feignant de prendre de nouvelles forces, par luy dire
qu'elle n'avoit point dormi toute la nuit ; que
l'horloge l'avertissant que
le jour alloit bien-tôt paroître, un leger sommeil
l'avoit prise ; qu'à peine en
goûtoit-elle les premieres
douceurs qu'une femme
209
grande & effoyable luy
étoit apparuë, & dont le
ressouvenir seul la faisoit
encore trembler. Elle se
mit à luy en faire le portrait, en luy disant, qu'elle
avoit les jouës creuses, la
bouche grande, les lévres
noires & épaisses, le nez
écrasé, les narines grosses
& enflées, le teint jaune
& marqué de goutes de
sang, les yeux hors de la
tête, dont sortoient de
moment en moment des
étincelles de feu, la tête
210
élevée, & pour cheveux
des serpens qui l'entouroient. Elle continua en
disant, qu'il luy sembloit
qu'elle avoit disparuë un
moment aprés, en arrachant de sa tête un Serpent qu'elle luy avoit jetté ; que ce Serpent coulant sur sa main, étoit
venu s'attacher à la bague
qu'Antigame luy avoit
donnée, & avec ses dents
en avoit arraché le Rubis;
qu'ensuite il avoit été le
cacher sur le Bureau
211
d'Antigame, & dans l'endroit où il mettoit ses
Lettres ; aprés quoy il étoit disparu : Que dans ce
même temps quantité de
Hiboux, de Chats-huans 13,
& de Chauves-Souris, s'étoient assemblez sur sa
tête en forme de Dais, &
avoient fait par leurs cris
un bruit effroyable ; lors
qu'une grande femme
belle, & d'un air extrêmement doux, portant à
sa main un rameau d'Olivier, les avoit chassez, &
212
disparoissant avoit jetté
sur son lit un brin de son
rameau ; qu'aussi tost elle
s'étoit éveillée si persuadée qu'elle devoit trouver
ce brin d'Olivier, qu'elle l'avoit cherché long‑temps, & enfin qu'elle
étoit tombée dans des
convulsions si violentes
qu'elle voyoit bien qu'elle
ne devoit plus penser qu'à
mourir : Que ces Oiseaux
de mauvais augure étoient
venus l'en avertir, & que
le peu de forces qu'elle se
213
sentoit, luy faisoit voir
qu'elle n'avoit que peu
d'heures à vivre ; aprés
quoy elle fit comme les
derniers adieux à Antigame, le priant de se souvenir toûjours d'elle, &
d'executer la resolution
qu'il avoit prise de ne se
point marier ; & sans vouloir l'écouter, elle se tourna de l'autre côté en le
priant de luy laisser le
peu de temps qu'elle avoit
pour penser à elle.
Jamais homme ne se
214
vid dans un si furieux embaras qu'Antigame ; il ne
sçavoit ny que faire ny
que penser : il cherchoit
la solitude, il entra dans
son cabinet, il promena
ses yeux sur son bureau, &
voyant quelques Lettres
dérangées dans l'endroit
où Lesbie avoit songé que
le serpent avoit mis son
Rubis; il eût la curiosité en
remettant ces Lettres dans
leur ordre, de visiter cet
endroit : ha ! quelle fut sa
surprise, quand il y trouva
215
un Rubis ? ils ne se connoissoit plus, il ne sçavoit où
il en étoit, il s'imaginoit
que c'étoit une illusion,
& un charme que tout ce
qu'il venoit de voir. En
cet état il courut chez
l'Abbé Sophin, où il
trouva Philogame qui luy
dit que la Lettre n'étoit
point de Fraudelise, qu'-
elle étoit innocente, qu'il
l'avoit reconnu, & generalement tou ce qu'il sçavoit sur ce sujet.
Antigame de son côté
216
raconta à l'un & à l'autre
tout ce qui s'étoit passé
sur le chapitre de Lesbie.
Aprés plusieurs raisonnemens, les avis de Philogame & d'Antigame furent, que Lesbie étoit innocente aussi-bien que
Fraudelise ; l'Abbé Sophin
soupçonnoit qu'il y avoit
de l'artifice caché là dessous : ce qui surprenoit
au dernier point Philogame & Antigame, étoit
le songe de Lesbie ; il n'y
avoit rien de si divertis
217
sant que l'explication
qu'ils luy donnoient, &
les histoires & les raisonnemens qu'ils faisoient
sur le chapitre des Songes : cette grande femme
hideuse qui avoit jetté
ce serpent, étoit la Discorde ; cette femme douce & belle étoit la Déesse
de la Paix, qui avac son
rameau d'Olivier avoit
chassé les oiseaux de mauvais augure. Ils soûtenoient à l'Abbé Sophin,
qu'il y avoit des genies
218
& des esprits qui nous avertissoient en songe de
ce qui devoit nous arriver;
ils rapporterent le songe
de Calpurnia, qui l'avoit
avertie de la mort de Jules
Cesar son mary ; celuy de
Crésus qui luy apprit que
son fils Atis devoit être
tué d'un Dard ; celuy
d'Astyages Roy des Medes,
qui l'avertit que le fils qui
naîtroit de Mandane sa
fille, seroit maître de l'Asie;
Enfin ils en dirent plusieurs autres, & leur con
219
versation finit par une reflexion qu'ils firent, qu'il
ne falloit jamais juger de
rien, puisque des présomptions aussi fortes & aussi
violentes étoient trompeuses.
Aprés tous ces discours
& tous ces raisonnemens,
Philogame & Antigame
dirent à l'Abbé Sophin,
qu'ils ne le quitteroient
point qu'il ne les eut jugez
sur la question de sçavoir,
s'il est plus avantageux de
se marier que de vivre
220
sans femme. Vous avez
jugé, reprit Philogame, sur
une piece fausse : Vous avez jugé,interrompit Antigame, sur des faits qui
ne sont point veritables;
Erreur de fait : Ainsi, reprirent-ils tous deux, nous
sommes en droit de revenir contre vôtre jugement. Celuy que j'ay à
vous donner à l'un & à
l'autre, reprit l'Abbé,
je le tiens d'un des plus
grands hommes de l'univers : je ne vous conseille
221
point le mariage, dit-il,
en s'adressant à Antigame,
si vous vous sentez une
vertu assés ferme & assés
constante pour vous santifier14 dans la continence:
je ne vous le défens pas,
continua-t-il en s'adressant
à Philogame, s'il vous est
necessaire pour le bien &
pour le repos de vôtre
conscience ; mais sçachez
l'un & l'autre, que pour
ce qui regarde le choix
de la condition du Mariage, comme de toute
222
autre, nous ne devons
envisager que cette seule
consideration, & relgier
uniquement nôtre conduite là-dessus.
Comme Philogame &
Antigame alloient répondre, plusieurs Abbez de
la premiere qualité vinrent voir l'Abbé Sophin,
ce qui obligea Philogame
& Antigame de se retirer;
l'Abbé en les accompagnant jusqu'à la porte, les
railla sur leurs maîtresses,
& en les quittant il leur
223
dit d'un ton plaisant,qu'ils
allassent promptement se
reconcilier avec elles ; &
s'adressant à Philogame il
luy dit en riant, qu'il devoit s'en tenir au premier
rapport & croire que la Lettre fausse ; & à l'égard
d'Antigame, qu'il allast
chercher le brin d'Olivier,
& que sans doute il le
trouveroit. Cette raillerie
de l'Abbé quoiqu'-innocente, ne laissa pas de toucher Philogame & Antigame, qui se retirerent
224
de son logis fort melancoliques & fort inquiets
de tout ce qui leur étoit
arrivé.
FIN.
Imprimé chez P. & M. REBUFFE'
ruë Dauphine, proche le Pontneuf, à l'Arche de Noé.
Noms propres
Andromaque (en gr. Andromakê)
- Andromaque : Selon la légende, princesse de Troie, épouse d'Hector et mère d'Astyanax, et l'héroïne de l'Iliade. Par la suite de la prise de Troie, Pyrrhos la prend pour épouse.
- Andromaque : tragédie écrite par le dramaturge grec Euripide (v. - 426).
- Andromaque : tragédie de Jean Racine de 1667 basée sur un passage de l'Iliade.
- Andromaque, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
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Ariane
- Ariane (en gr. Ariadnê) : fille de Minos, roi de Cnossos, et de Pasiphaé, sœur de Phèdre. Séduite par Thésée, héros venu en Crète pour combattre le Minotaure, elle aide celui-là à fuir le Labyrinthe. Ariane donne à son amoureux un fil qu'il dévide derrière lui afin de trouver la sortie du Labyrinthe après avoir tué le Minotaure. Par la suite, les deux s'enfuient mais Thésée abandonne Ariane à Naxos. Séduit par la beauté d'Ariane, le dieu Dionysos l'épouse.
- Ariane : tragédie écrite par Thomas Corneille en 1672.
- Ariane : en musique, plusieurs compositeurs ont produit des œuvres qui racontent cette histoire ; notamment, Arianna, œuvre dramatique de Monteverdi ; Arianna à Naxos, cantate d'Haydn ; Bacchus et Ariane, ballet d'Albert Roussel et Ariane auf Naxos, opéra de Richard Strauss.
- Ariane, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
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Astyage (en gr. Astuagês, en iranien Ishtuvegu)
Dernier roi des Mèdes (de -584 à -550). Fils de Cyaxare. Il fut vaincu et déposé par son petit-fils et vassal Cyrus II le Grand.
- Astyage, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
- Astyage, Wikipédia l'encyclopédie libre (12 mars 2013), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 28 octobre 2013. https://fr.wikipedia.org/wiki/Astyage.
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Bourgogne
Région du centre-est de la France qui se divise en quatre départements : Côte-d'Or,
Saône-et-Loire, Yonne et Nièvre.
- Bourgogne, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
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Bérenice (en gr. Phérénikê) porteuse de victoire
Bérenice est une tragédie écrite par Jean Racine en 1670. Dans la pièce, il s'agit de la reine
juive Bérénice, emmenée à Rome par l'empereur Titus qui était tombé amoureuse d'elle après le siège de Jérusalem.
- Bérenice, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
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Calais (en néerlandais Kales, en flamand occidental Cales)
Commune française qui se trouve sur la côte du pas de Calais. Pendant la guerre de
Cent Ans, les Anglais prirent la ville et elle resta sous la domination anglaise durant
plus de deux siècles. En 1558, le Français François de Guise le reprit sous le règne d'Henri II. Au 20e siècle, pendant la Seconde Guerre mondiale, la commune fut détruite ; après,
on le reconstruisit dans le style flamand en brique rouge.
- Calais, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
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Dijon
Ville qui se trouve dans la région Bourgogne et qui fait partie de la métropole Rhin-Rhône.
C'est une ville très connue pour la gastronomie et pour la moutarde de Dijon, moutarde
forte et acidulée faite à partir de vinaigre, d'acide citrique, de sel et de graines
de moutarde.
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Hector (en gr. Hektôr)
Fils de Priam et d'Hécube ainsi qu'époux d'Andromaque. De ce mariage naquit Astyanax. Pendant la guerre de Troie que raconte Homère dans son Iliade, Hector fut l'un des défenseurs de Troie.
- Hector, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
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Mars
Dieu romain de la guerre, de la végétation, du printemps et de la jeunesse. Selon
la légende, il est fils de Junon et de Jupiter et le père des jumeaux
Romulus et Remus, qu'il aurait eus de son union avec Rhea Silvia.
Dans la mythologie grecque, il représente toujours le dieu guerrier mais il est renommé
Arès. Fils de Zeus et d’Héra et un des douze Olympiens, il est connu non seulement
pour ses combats mais aussi pour ses nombreuses aventures avec la déesse Aphrodite (Vénus).
- Mars (mythologie), Wikipedia, l'encyclopédie libre (4 février 2024), Los Angeles, Wikemedia Foundation, Internet, 22 février 2024. https://fr.wikipedia.org/wiki/Mars_(mythologie).
- Mars, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
Liens à cette référence dans les documents
- Les Agréemens, Parties 3 et 4
- Le Bon Mariage
- Des maladies des femmes
- La Direction et la consolation des personnes mariées
- Les espines du mariage
- La Forest nuptiale
- Le jour est caché ...
- La Loüange des Cornes
- La loüange du mariage
- La louenge des femmes
- Le misogame
- Satyre Menippée
- Satyre svr les Traverses dv Mariage
- Stances du mariage
Pyrrhos ou Néoptolème (en gr. Purrhos)
Fils d'Achille et de Déidamie. Lors de la mort d'Achille, Pyrrhos participe à la victoire des Grecs
lors de la guerre de Troie. Par la suite, il prend pour épouse la fille d'Hélène, Hermione. Vu que sa femme ne lui donne pas d'enfant, ses trois fils naissent de
son union avec Andromaque, son esclave.
- Pyrrhos, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
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Pères du Désert
Représentants du clergé de l'Antiquité tardive (IIIe et IVe siècles) qui vécurent
dans les déserts de l'Égypte, en hermites.
- Pères du désert, Wikipédia l'encyclopédie libre (31 mars 2016), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 22 juin 2016. https://fr.wikipedia.org/wiki/P%C3%A8res_du_d%C3%A9sert.
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Rouen
La ville, à l'époque romaine, s'appelait Rotomagus. Elle fut la capitale des Véliocasses. La fabrication des draps, le commerce avec l'Angleterre se développèrent au Xe s. La Normandie fut longuement et âprement disputée entre les rois de France et d'Angleterre. En 1204, Philippe Auguste s'empara de Rouen. En 1419, la ville tomba aux mains des Anglais : le 30 mais 1431, Jeanne d'Arc y fut brûlée. Les Anglais furent chassés de la ville en 1449. Rouen a beaucoup souffert des guerres de Religion. À l'époque contemporaine, elle a été très atteinte par les bombardements, lors de la Deuxième Guerre mondiale.
- Rouen, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
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Thésée (en gr. Thêseus)
Héros d'Attique. Ses histoires ont beaucoup en commun avec celles d'Hercule. Il était le fils de Poséidon (ou d'Égée, dépendant des origines de la légende) et
d'Aethra.
- Thésée, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
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Titus (en lat. Titus Flavius Sabinus Vespasianus)
Titus (Rome -40 – Aquae Cutilae, Sabine 81 ap. J.-C.) regna comme empereur romain
de 79 à 81. Fils de Vespasien, il mena des campagnes militaires sous son père et conquit Jérusalem ainsi mettant fin à la guerre de Judée (67-70). Pendant la campagne en Galilée (67), Titus rencontra la belle princesse
juive Bérénice et tomba amoureux d'elle. Contre l'approbation de son père et des Romains, il continua
sa liaison avec Bérénice et, en 75, il la reçut dans le palais dans l'espoir de faire
d'elle sa femme. Cependant, lors de la mort de son père, il renonça à Bérénice et
la renvoya en Judée par respect du désir du peuple romain. De ce fait, son avènement
au trône était pacifique. La période de son règne, par contre, était tumultueuse.
L'Italie fut bouleversée par une série de catastrophes parmi lesquelles l'éruption
du Vésuve (79), l'incendie de Rome (80) ainsi que des épidémies mortelles. Pourtant,
c'étaient à cause de ces catastrophes qui manifestèrent les qualités d'un empereur
dévoué et généreux comme démontrée par la consécration de tous ses efforts à faire
parvenir des secours et des réparations aux sinistrés.
L'histoire de Titus et Bérénice fut le sujet de deux tragédies célèbres de 1670, une
créée par Pierre Corneille et l'autre par son rival Jean Racine.
- Titus (empereur romain), Wikipédia l'encyclopédie libre (3 mai 2011), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 12 mai 2011. https://fr.wikipedia.org/wiki/Titus_%28empereur_romain%29.
- Titus en lat. Titus Flavius Sabinus Vespasianus, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
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Vulcain (en lat. Vulcanus)
Fils de Jupiter et de Junon et l'époux de Vénus, Vulcain fut le dieu romain du feu, dont l’équivalent grec est Héphaïstos, de qui
il obtint ses traits principaux ainsi que ses légendes.
Selon la légende grecque, pour punir l'humanité pour avoir volé le feu du Ciel, Jupiter
ordonna aux autres dieux de créer la première femme, Pandore, qui introduirait les maux, le travail acharné et la maladie dans le monde. C'était
Vulcain qui modela Pandore en argile, lui donnant la forme des déesses.
- Vulcain, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
- Vulcain (mythologie), Wikipédia l'encyclopédie libre (2 février 2011), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 9 février 2011. https://fr.wikipedia.org/wiki/Vulcain_%28mythologie%29.
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- Les Agréemens, Parties 3 et 4
- Le Bon Mariage
- Le contre-mariage
- Des maladies des femmes
- La Direction et la consolation des personnes mariées
- Les espines du mariage
- La Forest nuptiale
- Le jour est caché ...
- La Loüange des Cornes
- La loüange du mariage
- Le misogame
- Satyre Menippée
- Satyre svr les Traverses dv Mariage
- Stances du mariage
Vénus
Déesse romaine de la végétation et des jardins. À partir du -IIe siècle, elle fut
assimilée à Aphrodite grecque acquérant ses attributs de la beauté, de l'amour et
des plaisirs. C'est ainsi que la déesse attira plusieurs amants, parmi lesquels Vulcain, Mars et Jupiter. Comme déesse grecque, Vénus est parfois appelée
Cythérée, surnom accordé à Aphrodite alors qu'elle fut portée à l'île de Cythère après sa naissance.
- Vénus, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
- Vénus, Wikipédia l'encyclopédie libre (12 août 2009), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 1er octobre 2009. https://fr.wikipedia.org/wiki/V%C3%A9nus_%28mythologie%29.
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- Les Agréemens, Parties 3 et 4
- Le Bon Mariage
- Le contre-mariage
- Des maladies des femmes
- La Direction et la consolation des personnes mariées
- Épithalame : Vous voicy arrivez au jour
- Les espines du mariage
- La Forest nuptiale
- Le jour est caché ...
- La Loüange des Cornes
- La loüange du mariage
- La louenge des femmes
- Le misogame
- Satyre Menippée
- Satyre svr les Traverses dv Mariage
- Stances chrestiennes
- Stances du mariage
- Stances du mariage
- La Vie Des Gens Mariez
Notes
Le louis est la dénomination courante de la monnaie d'or française frappée de 1640 à 1792.
. Louis (monnaie), Wikipédia, L’encyclopédie libreInternet, 1 décembre 2015.↑Le louis est la dénomination courante de la monnaie d'or française frappée de 1640 à 1792.
. Louis (monnaie), Wikipédia, L’encyclopédie libreInternet, 1 décembre 2015.↑Le louis est la dénomination courante de la monnaie d'or française frappée de 1640 à 1792.
. Louis (monnaie), Wikipédia, L’encyclopédie libreInternet, 1 décembre 2015.↑- "La teste d'une bague, d'un poinçon, dans laquelle une pierre precieuse est enchassée." Chaton, Dictionnaire de l'Académie française en ligne (1694), The ARTFL Project, Department of Romance Languages and Literatures, University of Chicago, Internet, 24 octobre 2016.↑
- Antigame. (Erreur de l'imprimeur.)↑
Le louis est la dénomination courante de la monnaie d'or française frappée de 1640 à 1792.
. Louis (monnaie), Wikipédia, L’encyclopédie libreInternet, 1 décembre 2015.↑Le louis est la dénomination courante de la monnaie d'or française frappée de 1640 à 1792.
. Louis (monnaie), Wikipédia, L’encyclopédie libreInternet, 1 décembre 2015.↑- "La teste d'une bague, d'un poinçon, dans laquelle une pierre precieuse est enchassée." Chaton, Dictionnaire de l'Académie française en ligne (1694), The ARTFL Project, Department of Romance Languages and Literatures, University of Chicago, Internet, 24 octobre 2016.↑
Le louis est la dénomination courante de la monnaie d'or française frappée de 1640 à 1792.
. Louis (monnaie), Wikipédia, L’encyclopédie libreInternet, 1 décembre 2015.↑Le louis est la dénomination courante de la monnaie d'or française frappée de 1640 à 1792.
. Louis (monnaie), Wikipédia, L’encyclopédie libreInternet, 1 décembre 2015.↑- "Reprit" ailleurs.↑
- "La teste d'une bague, d'un poinçon, dans laquelle une pierre precieuse est enchassée." Chaton, Dictionnaire de l'Académie française en ligne (1694), The ARTFL Project, Department of Romance Languages and Literatures, University of Chicago, Internet, 24 octobre 2016.↑
- Chat-Huant :
Oiseau de proie de la famille des Nocturnes dont l'apparence ou le cri rappelle quelque peu le chat
. Chat-Huant, Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales (2009), CNRTL, Internet, 3 août 2011.↑ - Sanctifier.↑
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