Le mariage sous L'Ancien Régime
ADVIS SALUTAIRE ET TRES-NECESSAIRE aux gens de bien, qui se laissent battre par leurs femmes. Dedié aux Confreres & sœurs de la haute & basse, pauvre & riche, vieille & nouvelle, noble et roturiere Confrairie des Martyrs, martirisez par leurs des-honnestes indiscrettes & mal advisees femmes, nouvellement installee au lieu appellé Mal'encontre.1 Agere & pati. Chap. Si j'eusse bien pensé, &c.
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Mes tres-chers Confreres, vous n'estes pas ignorans que des long-temps il y a une
Confrairie des
Martyrs, erigée je ne sçay ou, instituée par je ne sçay
qui, & de laquelle on parle je ne sçay comment : Mais l'ayant meurement
consideree en toutes ses dépendances, aprés avoir esté prié de plusieurs, &
speciallement de ceux de la ruë des Mauvaises parolles, & de la ruë
Tourne-cul. J'ay deliberé sur leur instante priere, & pour la commodité de
nous tous, de designer un lieu asseuré, où l'assemblée
se trouvera, s'il
leur plaist, pour faire eslection des Maistres & Gouverneurs de la
Confrairie, & pour deliberer des choses qui y seront requises &
necessaires. Et pour ce, il est enjoinct, de par Thibault le Persecuté, General
des
Affligez, à tous qu'il appartiendra, de ne se presenter, pour se faire enroller,
qui
ne soient chargez de persecutions et d'opprobres, principalement de
Fiebures-quartaines,
Malles-bosses, Voleurs & Yvrongnes,
& toutes autres injures, & supplices, pratiquez par les Executeurs,
à l'endroit desdits Martyrs, & prendre garde que Martin-baston 3n'y ay passé
: car il est du tout indigne de converser avec lesdits Martyrs? Comme aussi ceux
qui
se presenteront devant Monsieur le Doyen, & Messieurs les Gouverneurs, pour
estre examinez : leur est enjoinct d'apporter le certi-
ficat de leur
Martyre ou Mariage, dont la teneur s'ensuit.
Nous sous-signé N. certifions que N. à esté accordé à sainct Pris, fiancé à sainct
Innocent, marié à sainct Mery, les Nopces faictes à la Grimasse, & le
soupper à la Vallée Misere, & de la coucher à la ruë de la Tennerie,
& le lendemain s'en alla (comme son devoir estoit) aux Martyrs & sa
femme aux Filles repenties, & a leur
retour, en leur maison scize
en la ruë d'Amour sans soucy à present appellee la rue des afflictions, paroisse
de
Songez-y auparavant, se sont presentez chacun un bouquet, l'un fait de soucy,
& l'autre de diverses pensees, & pour les conserver, les ont mis
rafraischir dans une Phiole d'amertume remplie de larmes tombée du fin fonds de
leur
entendement.
Et vous tous, à qui le
semblable arrive, plus souvent que tous les
jours, posez pour baze de vostre esperance, ce petit Proverbe tant usité, Patientia vincit omnia, la patience surmonte toutes choses :
en nostre endroit, c'est la Reine des vertus? aussi sera elle à la face de nostre
Labaron, ou Enseigne, avec la Souffrance, qui sera à revers, & nous fera sa
harangue (malheur à nous) qui ne nous est que trop cogneuë : Usque
ad finem patieris, tu
endureras jusques à la fin. Sus donc,
mes chers Freres, prenons courage, qu'un chacun garnisse sa bourse, au desceu
de son
Persecuteur : afin qu'aprés que nous nous serons deuement acquitez de nos charges
& devoirs, à l'endroit de la Confrairie, nous nous transportions au lieu
nommé, la Consolation, scis en le rue d'Allegresse, à la Joye nompareille? Et
là
nous consoler les uns les autres, &
nous conter nos fortunes,
chacun sçait les siennes, & aussi si quelqu'un avoit usé de quelques paroles
deshonnestes, à l'endroit de son Persecuteur, il en lave sa bouche auparavent
que de
se mettre à table, où sera preparé le festin somptueux & magnifique, garny
de (je ne vous dis rien) toutes sortes de mets, apportez du Royaume sans nom.
STATUTS DE LA Confrairie
Item, sera fait eslection de deux Maistres, les plus Souffreteux &
Persecutez, qui se puissent trouver entre les Confreres & seront tenus
establir des Commis en divers endroits, pour la commodité de ceux qui se voudront
faire enroller.
- En la rue qu'on appelle, Va te coucher sans soupper.
- En la ruë, Je suis Maistre quand je suis seul.
- En la ruë, Souvent faut que je me taise.
- En la ruë Doublee de Revesche.
- Pour les sœurs, En la Ruë Pavee d'andouilles sans cuire.
- En la ruë, Donnez leur du bon dans la Mitaine.
- Et ne recevront aucuns Confreres si leur chappeau ne tourne.
- Et ne recevront au- cune sœur, si elle ne sçait dire, Mersi-Dieu, les mains sur les rognons.
- Est fait descences à tous ceux & celles, qui ne sont tels, comme si dessus a esté dit, de si presenter, à peine d'encourir un affront signalé en presence de toute l'Assemblée. Fait ce jour de ma grande affliction, au mois de mon Martyre, l'année, prens y garde, si tu veux.
L'on vous fait asçavoir, que Lundy prochain vous vous trouverez, tant
Confreres, que sœurs audit lieu des Martyrs, au matin, pour y recevoir
vostre distribution, & vos boucquets à l'accoustumé.
Notes
- Dans sa bibliographie critique des éditions facétieuses parues de 1610 à 1643, Alain
Mercier indique
vers 1610
comme la date probable de publication des pièces de ce genre, par exemple un Advertissement salutaire aux confrères de la [...] confrairie des martyrs, aussi bien que L’Advis salutaire reproduit ici. Voir Le Tombeau de la Mélancolie: Littérature et facétie sous Louis XIII, t. 2, Paris, Honoré Champion, p. 425.↑ - La gravure La confrerie des martyrs" ainsi que les vers "Sur la jalousie" du Sieur de Sigognes illustrent l'ampleur de la confrèrie des cocus.↑
- Martin-Bâton :
s. m. Homme armé d'un bâton, et, par extension, le bâton personnifié qui sert à battre les animaux récalcitrants
. Il faut ajouter que dans notre corpus,le bâton personnifié qui sert à battre les animaux récalcitrants
sert aussi à battre la femme. Martin-Bâton, Émile Littré : Dictionnaire de la langue française (1872-77), The ARTFL Project, Department of Romance Languages and Literatures, University of Chicago, Internet, 26 mai 2011.↑
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