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Le Comte D'Amboise. Nouvelle. Livre Premier.

LE
COMTE
D'AMBOISE.
LIVRE PREMIER,

Vignette, feuilles, fleurs et plumes. L'impreinte de la Bilbliotheque de l'Arsenal A PARIS
Chez C. BARBIN, Au
Palais, sur le second perron
de la sainte Chapelle.
Filet simple.
M. DC. LXXXIX.
Avec Privilege du Roy. 1
3 Bandeau.

A MADAME LA DAUPHINE.

MADAME L'accueïl favorable que vous avez eu 4 la bonté de faire à ma premiere Nouvelle, me fait esperer la mesme grace pour celle-cy. J'ay mesme plus de besoin de vostre protection que jamais; je fais l'Histoire d' un Homme qui est assez genereux pour ceder sa Maî 5 tresse à son Rival; & comme il y a peu de gens capables des grands efforts, & qu'on n'est touché que des choses ausquelles on se sent quelque disposition, j'ay lieu de craindre pour le succez de ce Livre. Mais, MADAME, 6 les grands sentimens se trouvent dans les Ames Royales. Ils sont sur tout dans la vostre au suprême degré, & peut-estre que par là le Comte d'Amboise pourroit vous plaire. Si j'osois l'esperer, ie ne serois pas à plaindre, puis 7 que ceux qui ne seroient pas propres à le goûter, seroient du moins capables de respecter vostre goût. Mais, MADAME, ce n'est point dans cette seule veüe que je prends la liberté de vous le presenter, c'est pour avoir la 8 gloire de vous rendre une seconde fois un homage qui vous est si legitimement dû par vôtre rang, par vos qualitez éminentes, & sur tout par vos bontez. Je suis, avec un profond respect, MADAME,
Vostre trés-humble & trés-obéissante servante ***
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Bandeau. AU LECTEUR:

ON a trouvé que dans ma premiere Nouvelle il y avoit des endroits où la Nature n'estoit pas assez bien copiée, & tenoient plus de la pensée 10 que du sentiment. Quoy que je ne sois pas honteuse de ce reproche, j'ay tasché cependant sur les Remarques qu'on m'a faites, à porter mes veües jusqu' à faire la difference d'une veritable passion, d' avec ce qui n'en est qu'une idée trop raisonnée. Et j'espere qu'on trouvera cette Histoire plus naturelle que l' autre, par les 11 sentimens. Aussi on la trouvera plus extraordinaire par l'action ; & je croy que ce n'est pas un deffaut, car quoy que les gens d'un goût mediocre soient accoûtumez à trouver ridicule tout ce qui n'est pas ordinaire, les gens de beaucoup d' esprit, trouvent du dégoût aux choses communes. Il leur semble qu'ils voyent 12 toûjours le mesme Roman, parce qu'ils voyent toûjours de semblables traits. Ie me flate que l'on n'a point encore vû ce trait-cy ; & mesme si j'ay quelque chose à craindre, c'est qu'il ne soit trop peu vray-semblable qu' un Amant soit genereux. La maniere dont on parle des Amans donne lieu à ce scrupule; mais aprés tout 13 ce n'est qu'un scrupule, sur lequel je passe en faveur de ce qu'il y a de grand dans cette idée. Peut-estre se plaindra‑t-on de ce que je ne recompense pas la vertu du Compte d' Amboise, mais je veux punir sa passion, & j'ay déja declaré dans la Préface d' E leonor d' Yvrée, que mon dessein estoit de ne faire voir que des Amans 14 malheureux, pour combatre autant qu'il m'est possible, le penchant qu'on a pour l'Amour.
Cul de lampe fleuri avec une figure masculine au centre.

Vignette, fleurs et vignes. LE COMTE D'AMBOISE. Filet simple. NOVVELLE. Livre Premier.

LE Regne de François second sembloit dans ses commencemens devoir estre agréable & heureux. 2 La Reine sa femme estoit une des plus belles & des plus spirituelles personnes du monde ; sa Cour estoit composée d'une partie de ces Hommes illustres qui avoient formé celle de Henry second, & les Dames avoient autant d'agrément, que les Hommes avoient de valeur : Le Comte d' Amboise, & le Marquis de Sansac s' y faisoient distinguer ; leurs Familles avoient toûjours esté opposées d'interest, & 3 quoy qu'ils ne fussent pas ennemis declarez, ils avoient une certaine émulation qui sembloit devoir avoir quelque suite. Ils estoient tous deux également bien faits, rien ne pouvoit estre disputé à l'un que par l'autre ; aussi sembloit-il qu'ils dûssent se disputer toutes choses.
La Comtesse de Roye estant veuve, s'estoit retirée à deux lieuës de Paris à une maison de campagne, où elle ne recevoit 4 de visites que de quelques amis particuliers. Elle avoit une fille parfaitement belle, qui n'avoit point encore parû. Elle vouloit la marier avant que de la mener à la Cour, & elle choisit le Comte d'Amboise entre tous ceux qu'on luy proposa. Ce mariage qui estoit également avatageux pour luy & pour Mademoiselle de Roye, fut arresté avant mesme qu'ils se fussent vûs ; mais comme elle avoit la reputa 5 tion d'estre fort belle, Monsieur d'Amboise se fit un grand plaisir de penser qu'elle seroit à luy ; & l'on peut dire que le desir & l'esperance formoient déja dans son cœur un commencement de passion, avant qu'il en eût vû l'objet.
Bien que Mademoiselle de Roye dût avoir pris cette espece d'indolẽce que la solitude dõne ordinarement, la vivacité de son esprit luy faisoit saisir aisément les premieres impressions qui 6 luy estoient données, & ce qu'elle entendoit dire à sa mere, de la bonne mine, de l'esprit & de la generosité du Comte, la remplissoit d'une estime qui la disposoit à quelque chose de plus.
Le jour qu'il devoit luy faire sa premiere visite, elle s'estoit parée avec plus de soin qu'à l'ordinaire, & elle estoit d'une beauté à charmer tous ceux qui la voyoient. C'estoit un de ces agreables jours 7 d'Esté qui invitent à se promener. Le Soleil qui n'avoit point parû, laissoit une fraîcheur delicieuse ; & Mademoiselle de Roye se promenoit dans une des avenuës de la maison, avec deux Dames des amies de sa mere, qui estoient venuës dîner avec elles. Comme il estoit assez bonne heure pour n'attendre pas encore le Comte d'Amboise, & que Madame de Roye estoit occupée de quelques af 8 faires, elle fut bien aise que la promenade les amusât durant le temps qu'elle seroit obligée d'y donner. Elles avoient déja atteint le bout d'une allée où estoit un cabinet ouvert de tous costez, fort agreable, & dans lequel elles alloient entrer pour s'asseoir, lors qu'elles apperçeurent un Cavalier qui mettant pied à terre, laissa ses gens derriere luy, & s'avança vers elles. A mesure qu'il s'apro 9 choit, elle remarquoit sa taille & son air, qui luy parurent dignes de toute l'attention qu'elle leur donnoit. Elle ne douta point que ce ne fût Monsieur d'Amboise ; il venoit au jour marqué, son empressement ne pouvoit luy déplaire. La bonne mine de celuy qu'elle voyoit, répondoit à l'idée qu'elle s'estoit faite dù Comte. Ces Dames qui estoient avec elle, ne le connoissoient point ; par 10 ce qu'elles n'estoient pas de la Cour. Elles avoient apris qu'on l'attendoit ce jour là, & elles crurent aussi que c'estoit luy. Elles luy dõnerent des loüanges qui aiderent encore à la prevenir en sa faveur.
Mademoiselle de Roye trouva son devoir bien doux, elle se hasta peut‑estre un peu trop de le suivre ; c'estoit Monsieur d'Amboise qui luy devoit inspirer cette joye que donne la premiere ren 11 contre de ce qui doit plaire ; & c'estoit pour le Marquis de Sansac qu'elle la sentoit. Le hazard l'avoit conduit en ce lieu, il venoit de chez une Dame de ses parentes, & s'estant trouvé proche de la maison de Madame de Roye comme il avoit entendu parler de la beauté de sa fille, il prit l'occasion de leur faire une visite. Il n'avoit point vû Madame de Roye depuis la mort de son mary ; Elle vivoit 12 dans une si grande retraite, qu'on n'avoit encore osé la troubler ; cependant aprés un an de veuvage, il crût qu'elle ne feroit pas de difficulté de le recevoir.
Il s'approcha de ces Dames, & quoy qu'il n'en connût aucune, il leur dit tout ce que la politesse & la galanterie luy inspirerent en cette rencontre, mais il distingua d'abord Mademoiselle de Roye des autres. Aussi quoi 13 que l'une d'elles eût de la jeunesse, & mesme de la beauté, celle de Madamoiselle de Roye estoit si parfaite qu'on ne pouvoit regarder qu'elle en un lieu où elle estoit ; Elle trouva je ne sçay quoy d'agreable dans cette avanture qui luy donna envie de la faire durer. Elle pria ces Dames de ne point dire son nom, & sçachant que les affaires qui retenoient sa mere, ne seroient pas si-tôt finies, elle proposa à la compa 14 gnie d'aller s'asseoir dans le Cabinet.
Le chemin que le Marquis de Sansac avoit tenu, ne permettoit pas de douter qu'il n'allast chez Madame de Roye ; il ne se deffendit point d'avoir eu ce dessein, & ces Dames se confirmant dans la pensée qu'il fût Monsieur d'Amboise, luy firent plusieurs questions fines sur Mademoiselle de Roye, qui luy firent juger qu'elles le prenoient pour ce 15 Comte, qu'il sçavoit estre sur le point de l'épouser. Elles luy demanderent s'il n'avoit rien à se reprocher, de s'amuser avec elles lors qu'il estoit sur le point de voir une si belle personne. Elle rougit malgré elle, d'une maniere qui aida à le persuader qu'il ne s'estoit pas trompé quand il avoit pensé qu'elle estoit Mademoiselle de Roye.
Le lieu où il la rencontroit, & son extraordinaire beauté, luy en a 16 voient déja donné de grands soupçons ; il n'en douta plus, il jugea mesme par ce qu'on luy disoit, qu'elle n'avoit point encore vû le Comte d'Amboise, & qu'on l'attendoit. L'avanture luy parut agreable à son tour, cette erreur le faisoit regarder favorablement d'une belle personne, il prit le party de ne pas répondre positivement pour ne les desabuser point, & pour pouvoir aussi se tirer de ce pas 17 lors qu'elles viendroient à le connoître. On ne sçauroit, dit-il, avoir une plus grande idée de la beauté de Mademoiselle de Roye, que j'en ay, cependant j'ay peine à croire qu'elle soit au dessus de ce que je vois icy, ajousta-t'il en la regardant d'une maniere qui la persuadoit qu'il en estoit touché. Elle prenoit un plaisir tres-sensible à ce qui se passoit, & elle estoit flatée de ce prompt effet de ses charmes, d'une maniere qui 18 aidoit encore à la rendre favorable à celuy qui luy en faisoit connoître le pouvoir. Ils avoient déja esté une heure dans ce Cabinet, lors qu'une grosse pluye les y tint assiegez. Personne n'en fut fâché, la conversation estoit si brillante, qu'il ne leur étoit pas possible de songer au temps qu'ils y demeuroient. Monsieur de Sansac avoit un agrément infiny dans sa personne, & dans tout ce qu'il disoit, 19 & sa vivacité naturelle étoit encore augmentée parce qu'il y avoit de piquant dans cette rencontre.
Mademoiselle de Roye étoit charmée de le trouver si digne de luy plaire, leurs yeux se rencontrerent plus d'une fois d'une maniere qui la fit rougir, & qui luy fit ensuite éviter ceux de Monsieur de Sansac. En effet bien qu'elle crût qu'il estoit le Comte d'Amboise, & qu'elle devoit l'é 20 pouser, elle sentoit sans le démesler, je ne sçay quoy d'indépendant de son devoir. Elle eut tout le loisir de s'abandonner à une erreur qui luy devoit estre si fatale dans la suite : car l'orage ne cessoit point, & ils ne pouvoient sortir du Cabinet. Enfin Monsieur d'Amboise arriva, & comme il vit des Dames dans le Cabinet, il y entra, pensant que ce fût Madame & Mademoiselle de Roye.
Il n'y trouva point cette 21 Comtesse qu'il avoit veuë à la Cour ; mais il reconnut aussi-tost sa fille au portrait qu'on luy en avoit fait, & sur les mesmes apparences qui avoient déja fait croire au Marquis de Sansac, que c'estoit elle; de sorte qu'il luy adressa ses complimens. Cependant comme il pouvoit se tromper, & que la presence de tant de personnes le retenoit, il ne luy dit rien qui marquast précisément qu'il estoit celui qu'elles attendoient.
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Il ne meritoit pas moins que le Marquis de Sansac d'occuper cette Compagnie. Une taille agréable & au dessus de la mediocre, un air noble, je ne sçay quoy de fin & de passionné, le rendoient trés capable de plaire. Ces Dames luy rendirent toute la justice qui luy estoit deuë ; mais Mademoiselle de Roye fut fâchée d'estre déja contrainte de douter qui des deux estoit son Amant : Elle les regarda 23 l'un & l'autre, comme pour leur demander lequel elle estoit obligée d'aimer ; mais c'estoit avec une certaine difference qui sembloit marquer qu'elle eût bien voulu que c'eût esté Monsieur de Sansac.
La plus âgée de ces Dames, qui voyoit l'embarras de cette jeune personne, jugea qu'il falloit le faire cesser. Comme les Femmes de mademoiselle de Roye avoient esté con 24 traintes de se retirer dans le Cabinet, à cause de la pluye, elle envoya l'une d'elles demander le nom de monsieur d'Amboise à ses Gens, & l'ayant sçu, elle le fit connoistre à mademoiselle de Roye.
Cette jeune personne ne pût s'empescher de le regarder avec plus de froideur que naturellement elle ne devoit en avoir. La vivacité de la conversation avoit animé son visage, & augmentoit enco 25 re sa beauté ; Monsieur d'Amboise la consideroit avec l'interest d'un homme à qui elle estoit destinée, & malgré l'idée qu'il avoit conceuë d'elle, il trouvoit lieu d'estre surpris ; mais la maniere dont elle le receut, ne luy permit pas de goûter ce charme qu'exite dans le cœur la naissance d'une passion, & l'amour luy dénia jusqu'à son premier plaisir.
Elle regarda, sans s'en 26 appercevoir, Monsieur de Sansac avec moins de précaution qu'auparavant, comme si elle luy eût dit adieu par ce regard, & qu'elle fût devenuë plus hardie lorsqu'il luy falloit ôter l'esperance, qu'elle ne l'avoit esté un moment plûtost, lors qu'- elle avoit crû pouvoir luy en donner.
Monsieur d'Amboise avoit les yeux trop attachez sur Mademoiselle de Roye, pour ne pas suivre 27 les siens ; peut-étre aussi que l'opposition naturelle de Sansac & de luy, avança ses craintes, enfin il soupçonna une partie de la verité.
L'orage continüoit toûjours, & Madame de Roye qui avoit achevé les affaires qui l'avoient retenuë, les vint reprendre dans son Carrosse. Elle ne s'attendoit point de trouver le Marquis de Sansac dans ce lieu. Cependant elle ne manqua pas de luy faire beaucoup de civilités. Cet 28 te Comtesse marqua à Monsieur d'Amboise toute l'estime qu'elle avoit pour son merite, & la joye où elle estoit de le voir ; mais ces honnestetez ne luy ôtoient pas l'idée desagreable qu'il avoit prise malgré luy.
Madame de Roye les mena dans son appartement, & les divers mouvemens qui partageoient cette compagnie, y firent naître quelque sorte d'ennuy. Le Comte d'Amboise qui na 29 turellement n'aimoit pas Sansac, trouvoit la visite de ce Marquis trop longue. Peu s'en faloit que Monsieur de Sansac ne trouvast la même chose de celle du Comte d'Amboise, quoiqu'il n'ignorast pas le dessein qui l'amenoit, cependant il falut qu'il luy cedast la place.
Les Dames s'en allerent aussi, de sorte que le Comte d'Amboise demeura le dernier. Il marqua à Mademoiselle de Roye combien 30 l'avantage de luy estre destiné le charmoit, mais il luy dit en même temps que s'il n'estoit pas assez heureux pour toucher son cœur, il se trouvoit fort à plaindre. Mademoiselle de Roye luy repondit qu'- elle n'avoit point de cœur à donner, mais seulement une devoir à suivre. L'air dont elle prononça ces paroles n'estoit pas propre à donner des esperances à un Amant. Elle prit peu de soin de soûtenir la conver 31 sation, mais elle laissa voir assez d'esprit pour achever ce que sa beauté avoit commencé, & assez de difficultez à la possession de son cœur, pour rendre la passion du Comte d'Amboise trés-vive dés ce jour‑là.
Lors que Mademoiselle de Roye fut seule, elle demeura dans une profonde rêverie, & quoiqu'elle ne démêlast pas encore ses sentimens, à l'égard de Monsieur d'Amboise & de 32 Monsieur de Sansac, il luy sembloit neanmoins que ce dernier estoit le plus aimable.
De son côté il avoit esté frapé de la beauté de Mademoiselle de Roye. Il avoit remarqué que sa conversation ne luy déplasoit pas, & qu'elle avoit reçû le Comte d'Amboise avec assez de froideur, de sorte qu'il ne remportoit que des idées agreables.
Il parla d'elle à la Cour avec de si grands eloges, 33 que la Reine eut de l'impatience de la voir, & comme il avoit sceu de Madame de Roye, qu'elles ne reviendroient pas si-tôt de la campagne, il le dit à la Reine qui témoigna en estre fâchée.
Sansac qui ne cherchoit qu'un pretexte pour retourner chez Madame de Roye, se fit un plaisir de luy aller apprendre les sentimens de la Reine ; il vit Mademoiselle de Roye 34 une seconde fois, il crut démêler quelque joye dans ses yeux ; il luy dit mille choses, que les dispositions où elle estoit pour luy, luy faisoient entendre facilement, & qui ne pouvoient cependant déplaire à Madame de Roye. Le Comte d'Amboise qui estoit en droit de les aller voir souvent, arriva dans le temps que Monsieur de Sansac en sortoit. Une seconde visite de ce Marquis le chagrina. Son inquiétude qui parut 35 malgré luy à Mademoiselle de Roye, le luy fit trouver bisarre, & acheva de le perdre auprés d'elle.
Elle sentit son éloignement pour luy avant que de connoistre que Sansac en estoit la cause. Les soins que le Comte luy rendoit luy devinrent incommodes, & luy donnerent d'abord une repugnance pour luy qu'elle combatoit en vain. Un Amant pour qui l'on est obligée d'avoir des égards, se fait 36 toûjours beaucoup haïr, quand il ne se fait pas aimer.
Le Comte d'Amboise s'appercevoit bien que Mademoiselle de Roye ne l'aimoit pas, il en soupçonnoit la cause, & suivant la coûtume des Amans malheureux, il cherchoit à s'éclaircir plus particulierement de ce qu'il ne sçavoit pas assez pour estre tout-à-fait miserable.
Un jour que le Roy étoit à la promenade, & 37 que toute la Cour le suivoit, ce Comte voyant que Sansac estoit à quelques pas de la foule, s'approcha de luy pour parler de Mademoiselle de Roye. Mais quoiqu'ils eussent également envie de parler d'elle, aucun d'eux ne pouvoit se resoudre à commencer. Enfin d'Amboise suivit son dessein, il la loüa beaucoup, mais San sac la loüa peu, autant peut estre pour n'estre pas d'ac-cord avec son Rival, que 38 de peurde se découvrir. Cependant le Comte d'Amboise n'estoit pas en estat de se r'assurer, il auroit esté inquiet si le Marquis de Sansac avoit trop admiré Mademoiselle de Roye, & il le fut encore de ce qu'il ne vouloit pas l'admirer assez.
Peu d'heures aprés, sa jalousie fut entierement confirmée. Le soir chez le Roy, la conversation s'étant tournée sur la beauté de quelques femmes de 39 la Cour, le Marquis de Sansac qui n'étoit plus alors retenu par la presence de Monsieur d'Amboise, ne put s'empêcher de loüer extrêmement Madamoiselle de Roye, & il en parloit même avec beaucoup de vivacité, lorsque le Comte arriva. Le Roy l'appercevant de loin, voila Sansac, luy dit-il, en élevant la voix, qui dit plus de merveilles de la beauté de Mademoiselle de Roye, que vous ne nous 40 en avez jamais dit. Ces deux Rivaux rougirent à ce mot ; cette rougeur fut remarquée; on leur en fit la guerre le reste du soir, & ils eurent besoin de tout leur esprit pour la soûtenir. Ils connurent plus particulierement dans cette occasion tout ce qu'ils en avoient l'un & l'autre, & ils ne s'estimerent que pour se haïr davantage.
Le Comte de Sansac pere du Marquis, souhaitoit de marier son fils à Made 41 moiselle d'Anebault, de qui la beauté pouvoit rendre heureux un homme qui n'auroit pas aimé Mademoiselle de Roye ; il n'osoit s'opposer ouvertement aux volontez de son pere, mais il reculoit ce mariage, & il y avoit beaucoup de repugnance. Madame de Roye mena dans ce temps-là sa fille à la Cour, où elle receut tous les applaudissemens qu'elle meritoit.
Elle fit des Amans & des 42 Ennemies. La Comtesse de Tournon fut de celles à qui sa beauté donna le plus de chagrin, & qui le dissimula le mieux. Le Comte de Sancerre la trouva parfaitement aimable, & n'osa dire qu'il l'aimoit, parce qu'il ne soupçonna pas que Monsieur d'Amboise pût estre haï. Il fit un voyage peu de temps aprés qui luy servit à cacher sa passion, mais qui ne l'en guerit pas.
Mademoiselle de Roye 43 ne tarda guere à apprendre qu'on marioit le Marquis de Sansac à Mademoiselle d'Annebault ; elle fut surprise de cette nouvelle, & encore plus de s'y trouver si sensible. Malgré elle, elle s'attachoit à la railler, & à luy trouver des défauts.
Le mariage de Monsieur d'Amboise estoit sur le point de se conclure, lors qu'il y survint des difficultez qu'on n'avoit pas preveuës. Le Roy eut quel 44 que connoissance d'un soulevement que le Prince de Condé vouloit exciter dans le Royaume, & parce que ce Comte étoit particulierement attaché à luy, on crut qu'il y avoit quelque part, bien qu'on n'eût aucune preuve contre luy, il suffisoit qu'on eût des soupçons pour devoir veiller de prés sur ses démarches. Il n'étoit point de la politique de luy laisser épouser une parente de la Princesse de Condé, avant 45 que sa conduite fût éclaircie.
Il se passa beaucoup de choses durant ce retardement. Madame de Roye ne fçachant point les sentimens que Sansac avoit pour sa fille, le recevoit comme les autres Gens de la Cour. Cette jeune personne s'informoit avec trop de soin de ce qui regardoit le mariage de Mademoiselle d'Annebault, pour ignorer la resistance qu'il y apportoit, & il ne 46 luy estoit pas même difficile de comprendre qu'elle y avoit part. L'application qu'elle avoit pour toutes les actions de ce Marquis, la confirmoit à tous momens dans la pensée qu'- elle l'avoit touché. Elle suivoit son penchant avec scrupule, mais elle le suivoit.
Sansac remarquoit tous les jours de petits effets de la passion de Mademoiselle de Roye, qui le charmoient ; cependant dans 47 les termes où elle étoit avec Monsieur d'Amboise, il n'osoit luy parler ouvertement de peur de perdre ces marques de sa tendresse s'il la forçoit de les démêler ; mais il fit confidence à Mademoiselle de Sansac sa sœur, des sentimens qu'- il avoit pour Mademoiselle de Roye, & il la pria de faire, s'il se pouvoit, une étroite liaison avec elle, & de tâcher à détruire Monsieur d'Amboise dans son esprit, afin que le ma 48 riage de ce Comte estant déja reculé par des raisons de politique, le fût encore par l'éloignement qu'elle auroit pour luy.
Mademoiselle de Sansac eut d'abord quelque peine à rendre de méchans offices à un homme pour qui elle avoit une estime singuliere; mais cette même estime la porta insensiblement à agir contre son mariage. Comme elle avoit beaucoup d'esprit, & qu'elle étoit sœur de San 49 sac, il ne luy fut pas difficile d'entrer dans un commerce d'amitié trésétroit avec Mademoiselle de Roye, qui ne luy cacha point le chagrin où elle étoit, de se voir destinée à un mary pour qui elle avoit si peu d'inclination. Elle rendoit justice à ses bonnes qualitez, mais c'étoit avec une espece de dépit. Son mérite luy étoit un reproche secret de l'indifference qu'elle avoit pour luy; Elle le haissoit de 50 ce qu'il l'aimoit, & de ce qu'il estoit aimable.
Mademoiselle de Sansac qui estoit fille2 de la Reine, & celle qui en estoit la mieux traitée, luy offrit toute sa faveur auprés de cette Princesse, pour faire en sorte qu'elle parlast à Madame de Roye, afin qu'on rompît ce mariage. Mademoiselle de Roye qui craignoit de déplaire à sa mere, s'y opposa d'abord avec assez de vivacité ; neanmoins elle laissa en 51 trevoir que si la chose avoit pû se faire sans sa participation, elle en auroit eu de la joye.
Il n'en falloit pas davantage pour obliger Mademoiselle de Sansac à la servir. Elle avoit besoin d'aller aux Eaux de Spa pour sa santé, & elle vouloit avant que de partir, en parler à la Reine, afin de ne pas manquer le temps d'obliger son amie. Quoique Mademoiselle de Roye fût bien éloignée de 52 luy avoüer l'inclination qu'elle avoit pour son frere, c'estoit beaucoup qu'- elle évitast de parler de luy.
La haine du Comte d'Amboise pour Sansac augmentoit extraordinairement. Mademoiselle de Roye sans s'en appercevoir donnoit à ce dernier des marques d'une estime toute particuliere, qui ne pouvoiẽt échaper à la penetration d'un Amant ; aussi balançoit-il quelque fois sur 53 le party qu'il devoit prendre. Il luy estoit désagreable d'épouser une personne prevenuë d'une autre inclination ; la raison s'opposoit à ce dessein, mais il estoit amoureux. Comment perdre l'esperance de la voir à luy? Aprés bien des incertitudes, il voyoit qu'il ne luy étoit pas possible de prendre aucune resolution.
Le Marquis de Sansac témoigna tant de froideur pour Mademoiselle d'An 54 nebault, qu'elle travailla de son côté à éviter de l'épouser, de sorte que ce mariage fut rompu. Mademoiselle de Roye en eut une joye si grande, qu'il ne luy fût pas possible de la cacher à Mademoiselle de Sansac, à qui tous ces mouvemens n'étoient pas indifferens. Elle voyoit souvent le Comte d'Amboise chez cette amie. Elle l'avoit trouvé aussi aimable que malheureux, & insensiblement la pitié 55 l'avoit menée à d'autres sentimens. Elle entroit toûjours plus fortement dans les interests de son frere, & même elle croïoit servir Monsieur d'Amboise, en l'empêchant d'épouser une personne qui le haïssoit.
Le Comte de Sansac son pere, fut poussé par elle à souhaiter que son fils épousast Mademoiselle de Roye; ce qui pouvoit n'étre pas difficile dans la conjoncture presente. La Mai 56 son d'Amboise n'avoit jamais ménagé les Sansacs dans aucune occasion. Les Sansacs que la faveur rendoit hardis, avoient souvent cherché à leur déplaire, de sorte que rien ne les retint, & Mademoiselle de Roye estoit un party si considerable, qu'- ils entreprirent de faire parler à Madame de Roye; cependant ils ne voulurent d'abord demander qu'une preference, si le mariage de monsieur d'Amboise ne 57 s'achevoit pas. mademoiselle de Sansac pria la Reine de vouloir bien entrer dans cette affaire. Cette Princesse le luy promit, & Mademoiselle de Sansac partit pour les Eaux de Spa. Aprés cette promesse, la Reine luy tint bien tôt parolle ; elle fit des propositions à Madame de Roye. Elle luy laissa comprendre que l'attachement de Monsieur d'Amboise pour le Prince de Condé, le rendoit toûjours sus 58 pect, & qu'il estoit des partis plus avantageux par la faveur & par l'amitié du Roy ; mais Madame de Roye estoit de ces femmes exactes à ce qu'elles ont promis. Les bonnes qualitez du Comte luy avoient donné pour luy une amitié que son malheur augmentoit encore. Elle supplia la Reine de souffrir qu'elle tinst parole à Monsieur d'Amboise, & qu'elle esperast que le Roy le reconnoîtroit innocent, & 59 luy rendroit sa bien veillance.
La Reine qui cherchoit à obliger Mademoiselle de Sansac, pressa Madame de Roye encore plus fortement, & n'oublia rien de ce qui pouvoit favoriser les Sansacs. Enfin elle luy demanda sa parole pour le Marquis, si elle rompoit avec le Comte d'Amboise. Madame de Roye fut blessée des propositions qu'ils luy faisoient faire dans le temps qu'elle étoit 60 engagée avec un homme qu'ils n'aimoient pas, & de ce qu'ils saisissoient si promptement une occasion d'insulter à sa disgrace. Elle dit à la Reine qu'- elle étoit au desespoir de ne pouvoir luy rien promettre là dessus, parce que sa fille avoit de l'antipathie pour le Marquis de Sansac ; ce n'estoit pas qu'elle le crût, mais elle se tiroit parlà d'un pas embarassant.
Ce méchant succés mit 61 Sansac dans un chagrin & dans une confusion étrange ; quoique les regards de Mademoiselle de Roye l'eussent souvent assuré qu'- il n'estoit point haï, il n'osoit plus les en croire. Enfin il estoit seur de la haine de Madame de Roye, s'il doutoit encore de celle de sa fille, & il perdoit l'esperance d'estre jamais heureux.
Madame de Roye ne voulut point instruire cette jeune personne de ce 62 qui s'étoit passé, pour ne la pas détourner des sentimens qu'elle devoit avoir pour le Comte d'Amboise. Elle jugea aussi qu'il falloit qu'il l'ignorast luy-même, de peur que malgré les dispositions où l'on estoit contre-luy à la Cour, il n'en vinst à des extremitez fâcheuses avec un homme que le Roy aimoit. Elle remena le lendemain sa Fille à la campagne, à une maison plus éloignée que celle où elle estoit 63 d'abord, en attendant quelque changement aux affaires du Comte, auquel elle témoigna que l'air de disgrace où il estoit, n'apporteroit aucune alteration aux sentimens qu'elle avoit pour luy.
mais que servoient ces sentimens au Comte d'Amboise? Il estoit presque seur que ceux de sa maîtresse luy estoient contraires. Il resolut de s'en éclaircir, & de faire en sorte que mademoiselle de 64 Roye se trouvast engagée par les prieres qu'il luy feroit, ou par son propre interest, de luy avouër une chose dont le soupçon luy estoit déja si funeste, que la certitude ne pouvoit l'estre davantage. Si Mademoiselle de Roye estoit prevenuë d'une autre inclination, il valoit mieux qu'il en fust une une fois persuadé, que de le craindre toujours. Cependant il eut des occasions de s'en instruire, mais il n'avoit 65 pas la force d'en profiter; & quand il estoit sur le point de l'apprendre, il ne vouloit plus le sçavoir.
Mademoiselle de Roye étoit partie si promptement pour la campagne, que Sansac n'avoit pû trouver l'occasion de luy parler. Les difficultez qu'- il trouvoit à s'expliquer avec elle, ne le rebutoient point ; il étoit piqué des paroles que Madame de Roye avoit dites à la Reine, & l'amour joint au dé 66 pit, luy faisoit chercher tous les moyens de s'éclaircir. Mademoiselle de Sansac étoit trop éloignée pour pouvoir le servir auprés de Mademoiselle de Roye. Il jetta les yeux sur Madame de Tournon ; c'estoit la plus adroite & la plus insinuante de toutes les femmes. Elle avoit trouvé le secret de s'attirer l'estime & l'amitié de Madame de Roye, & elles avoient toûjours esté dans une grande liaison ensemble. 67 Monsieur de Sansac pensa qu'il pourroit aller chez madame de Roye avec elle, & qu'il trouveroit les moyens de parler à mademoiselle de Roye. Il rendit à madame de Tournon des visites qu'elle receut avec plaisir. Quoiqu'elle ne fust pas dans la premiere jeunesse, elle étoit encore assez aimable pour pouvoir se flatter aisement d'estre aimée ; & le Comte de Tournon dont elle estoit veuve, luy 68 avoit laissé des biens si considerables, que la pensée de pouvoir faire une fortune éclatante à ce marquis, aida encore à la seduire pour luy.
Bien qu'elle dûst connoître que les soins qu'il luy rendoit, n'avoient pas le caractere de l'amour, on se trompe aisement sur une matiere si delicate. L'application qu'on apporte à l'examiner, est un moyen presque seur de s'y méprendre; Ainsi madame de 69 Tournon donnoit à toutes les actions de Sansac, les sens qui convenoit le mieux aux sentimens qu'- elle avoit pour luy.
mais elle ne put jouïr longtemps de son erreur. Il luy laissa le triste loisir de faire des reflections distinctes ; elle vit la difference du procedé qu'il tenoit au sien. Enfin, comme il avoit peu d'application aux actions de la Comtesse, & qu'il croyoit qu'elles ne partoient que 70 de l'amitié, parce qu'il ne sentoit rien de plus pour elle, il luy proposa lorsque quelques jours furent passez, d'aller avec elle chez madame de Roye. Cette proposition fit ouvrir les yeux à madame de Tournon, & elle demeura persuadée qu'il estoit amoureux de mademoiselle de Roye, lorsqu'elle luy eut parlé de cette belle personne. La honte de s'être trompée, la douleur d'aimer en vain, & le dé 71 pit de voir triompher mademoiselle de Roye qu'elle haissoit, ne pouvoient demeurer sans effet dans le cœur de madame de Tournon ; cependant sa dissimulation naturelle l'empêcha d'êclater. Elle luy promit de faire la partie qu'il luy proposoit, mais elle s'estoit déja apperçûë que madame de Roye avoit quelque chagrin contre les Sansacs. Elle luy écrivit que le marquis l'avoit priée de le mener 72 chez elle. madame de Roye qui aprés les propropositions qui s'estoient faites, & ce qu'elle avoit dit à la Reine, sentit qu'- elle seroit assez embarassee de cette visite, répondit promptement à madame de Tournon, pour l'engager à détourner Sansac de ce dessein. madame de Tournon qui en écrivant à madame de Roye, n'avoit cherché qu'à s'attirer cette réponse, montra la Lettre à Sansac, comme 73 à un amy pour qui elle n'avoit rien de caché.
Sansac, que ce méchant succés chagrina, ne consulta plus la Comtesse sur une chose dont il n'étoit pas temps de lui découvrir le motif; il voulut aller chez Madame de Roye, mais il ne vit point sa fille, quoiqu'il l'eût demandée, On lui dit qu'elle se portoit mal; il y retourna une seconde fois, & on refusa encore de la lui laisser voir, sur des pretextes 74 qui luy parurent peu vraysemblables. Il sçeut que Monsieur d'Amboise étoit avec elle, de sorte que honteux du peu de succés de ses visites, & desesperé d'avoir un Rival plus heureux que luy, il prit la resolution de quitter Paris, & il alla à une de ses Terres qui en étoit fort éloignée.
Mademoiselle de Roye que la precipitation avec laquelle on l'avoit remenée à la campague, avoit 75 toûjours inquietée, & qui voyoit avec chagrin qu'- on l'empêchoit de recevoir les visites de Sansac, pensa que peut-estre Madame de Roye avoit découvert ses sentimens pour luy, & elle en étoit dans une honte & dans un accablement extrêmes.
Monsieur d'Amboise lui marquoit combien il étoit affligé de luy voir cette mélancolie, sans toutefois s'en plaindre, & sans luy marquer qu'il pouvoit en 76 partie la penetrer. Une conduite si respectueuse toucha Mademoiselle de Roye, & la pitié succeda à sa haine, mais l'amour ne succeda point à la pitié.
Il estoit trop innocent de la conspiration du Prince de Condé, pour en estre accusé longtemps, & il en estoit alors presque justifié. Mademoiselle de Roye vit qu'elle alloit l'épouser, il en usoit d'une maniere qui meritoit quelque douceur de sa part, & il luy 77 sembla que le devoir suppléroit aux mouvemens de son cœur.
Un jour que la tristesse du Comte d'Amboise étoit extraordinaire, elle luy dit plus de choses obligeantes qu'elle ne luy en avoit jamais dit, mais elles ne firent que redoubler le chagrin de cét Amant. Eh! Mademoiselle, lui dit-il, ne vous contraignez point ; ces dehors étudiez ne me rendent pas moins à plain 78 dre, vous affectez de me marquer de la bonté, & que je serois heureux, si vous en aviez assez pour chercher à me la cacher! Ce discours embarassa Mademoiselle de Roye, il étoit assez fondé pour luy causer un peu de desordre, elle fut longtemps sans répondre, & Monsieur d'Amboise s'enhardissant par ce silence, ou plûtôt se confirmant dans ses soupçons, n'eut plus la force de les empêcher 79 de paroistre. Mademoiselle, luy dit-il, je ne vois que trop que je vous suis indifferent, pourquoi ne voulez-vous pas que je le voie? Ayez du moins de la sincerité, si vous n'avez pas de tendresse. Je suis reduit au point de vous étre obligé, si vous m'avouëz que vous ne m'aimez pas. Il accompagnoit ces paroles de larmes ; Mademoiselle de Roye en fut vivement penetrée. Pourquoy cette contrainte éter 80 nelle? Elle n'estoit point encore sa femme. Une pareille confidence ne pouvoit servir qu'à la dégager & à la mettre dans la liberté de suivre ses sentimens.
Si la plus grande estime qui fut jamais, lui dit‑elle.... Non Mademoiselle, interrompit-il, toute vostre estime ne sçauroit me consoler de vôtre indifference, mais ajoûta‑t-il, pressé par sa jalousie, si quelque chose pouvoit 81 l'adoucir, ce seroit une confiance sans reserve, elle m'est bien deuë pour me recompenser de tout ce que vous ne me donnez pas. Quelle est cette confiance que vous demandez encore, luy dit Mademoiselle de Roye? Il me semble que je vous en marque beaucoup. Ah! Mademoiselle, lui dit-il, ce n'est point assez, marquez m'en davantage, c'est me punir de ma curiosité, que de la satisfai 82 re, & toute la grace que je vous demande, c'est que vous m'appreniez mon malheur tout entier. N'ai‑je point de Rival? Avoüez‑le moy. Devez-vous douter que je ne sois indifferente, lui dit Mademoiselle de Roye, puisque vous ne m'avez pas renduë sensible, vous qui m'estiez destiné? Helas, Mademoiselle, lui dit-il, vostre cœur pouvoit estre prevenu....Prevenu, luy dit Mademoiselle de Roye? 83 connoissois-je quelqu'un avant que d'estre engagée avec vous? Eh! Mademoiselle, interrompit-il, emporté par sa jalousie, n'aviez vous vû personne avant moy? Il ne faut qu'- un moment pour faire naître l'amour.
A ce mot qui marquoit si precisement ce qui s'étoit passé dans le cœur de Mademoiselle de Roye, une si grande rougeur lui couvrit le visage, que Monsieur d'Amboise ne 84 douta plus de sa disgrace; il s'appuya sur un siége, ne pouvant supporter sa douleur. Que me faites-vous envisager, Mademoiselle, lui dit-il? Eh! qu'il faut vous respecter pour vous marquer de la moderation, en découvrant que vous avez pour un autre les sentimens qui m'étoient dûs par la violente passion que j'ay pour vous! Mademoiselle de Roye que ces paroles penetrerent jusqu'au fonds de l'a 85 me, ne pût retenir ses larmes, & elle marquoit une si vive douleur, que monsieur d'Amboise, malgré son desespoir, fut touché de l'estat où il l'avoit mise. Il la regarda avec toute la timidité que lui donnoit la pensée de lui avoir déplû, & il sembloit par son silence, lui faire réparation d'avoir trop parlé. Enfin il lui demanda pardon de ce qu'il avoit dit, ou plustost de ce qu'il avoit vû. mademoiselle 86 de Roye estoit dans un desordre extraordinaire. Son trouble & sa rougeur l'avoient trahie si cruellement, qu'elle n'osoit regarder monsieur d'Amboise sans la derniere confusion, de sorte que ne sçachant que lui répondre, & ayant du chagrin contre lui, elle se retira dans son cabinet en le priant de la laisser en paix & de l'oublier.
Quels ressentimens n'eut point monsieur d'Amboise 87 contre celui qui lui enlevoit le cœur de sa maîtresse, & que s'il en avoit suivy l'impetuosité, il se seroit porté à de crüelles extrêmitez contre lui ! mais il pensa que dans cette occasion un éclat lui attireroit toute la haine de mademoiselle de Roye, & qu'il ne falloit point abuser d'un secret dont elle lui avoit découvert une partie, & qu'- elle lui avoit laissé penetrer tout entier. Il se re 88 presentoit les larmes qu'il lui avoit vû répandre, & cette idée arrêtoit sa vengeance, quoiqu'elle augmentast son chagrin.
Ils furent quelque temps sans se voir ; le Comte d'Amboise estant sur de ne pas plaire à mademoiselle de Roye, & l'ayant en quelque sorte offencée, n'osoit se montrer à ses yeux ; mademoiselle de Roye n'apprehendoit pas moins de recevoir de ses visites. Il n'est point 89 d'homme plus fâcheux qu'un Amant jaloux, quand il a raison de l'être, & droit de le témoigner.
Comme madame de Roye s'apperçut que monsieur d'Amboise ne venoit plus chez elle! Elle en demanda la raison à sa fille, & soupçonnant par l'em barras de cette jeune personne, qu'il y avoit eu quelque démêlé entr'eux, elle lui dit qu'elle vouloit qu'on le menageast, luy 90 remit devant les yeux ce qu'asseurement il lui seroit un joir, & méme lui ordonna de faire dire au Comte, par un de leurs amis communs, qu'elle seroit bien aise de le voir. Il falut que mademoiselle de Roye obéît, mais elle en fut plus revoltée contre lui.
monsieur d'Amboise sentit bien qu'il ne devoit pas penetrer plus loin que l'apparence qui lui étoit favorable ; encore qu'il 91 craignît de voir mademoiselle de Roye, il ne laissa pas d'aller chez elle le lendemain avec empressement. Il la trouva seule dans sa chambre, la teste appuyée sur une de ses mains, & dans une réverie si profonde, qu'à peine s'en tira-t-elle par le bruit qu'il fit en entrant. La pensée que le marquis de Sansac l'occupoit à ce point, renouvella la jalousie du Comte d'Amboise. mademoiselle, lui dit-il, 92 en soupirant, que ceux qui peuvent vous faire rêver, sont heureux, & qu'on est à plaindre quand on est...
mademoiselle de Roye fut fachée qu'il commençast ce discours. Le commandement de madame de Roye l'avoit mise dans une disposition chagrine, de sorte que le regardant avec quelque dépit, je n'ay rien à vous répondre, lui dit-elle, tout ce que je dirois vous seroit suspect, 93 mais je prévois les malheurs que vôtre défiance me prepare. Vous preparer des malheurs, Mademoiselle, lui dit-il, est-ce à moy que vous parlez? Oüy, lui dit-elle, je ne dois point me flater, vous avec eu des commencemens de jalousie, que j'ay peut-estre augmentée par ma faute, je ne puis plus penser que vous ne me haïssiez point.
Helas, Mademoiselle, lui dit-il, ce n'est pas ma 94 haine que vous craignez, vous ne craignez que mon amour ; mais enfin je ne me trouve plus digne de vous, puisque je n'ay pû vous plaire ; c'est assez, je ne vous contraindray pas davantage, je vous fuiray, puisque c'est la seule marque de passion qui vous puisse estre agreable de moy. Je vous amieray toujours avec un amour violent, & je ne vous verray jamais.
Mademoiselle de Roye 95 ne lui en demandoit pas tant, mais le chagrin où elle l'avoit vû, & la disposition où il lui paroissoit estre de se dégager, lui donna la hardiesse de le lui proposer. Elle lui representa avec douceur, qu'il estoit desormais impossible qu'il fût content en l'épousant, que puisqu'il avoit eu des soupçons une fois, il en auroit toujours, & qu'elle l'estimoit trop pour vouloir le rendre malheureux. 96 Enfin, peu à peu elle essaya de le porter à retirer la parole qu'il avoit donnée à Madame de Roye. Il estoit dans un desespoir qui ne lui permettoit pas de répondre, Ses yeux estoient attachez sur Mademoiselle de Roye. Il ne s'étoit point attendu qu'on ne le r'assureroit pas. Songez vous bien à ce que vous exigez de moy, Mademoiselle, lui dit-il, songez vous bien que je vous aime, & le 97 plus grand effort de mon amour, est-il dû à la plus cruelle preuve de vôtre indifference? Vous pouvez me refuser, luy dit tristement Mademoiselle de Roye. Eh! Puis-je vous désobéïr, lui dit-il en se levant, vôtre cœur ne consent point à mon bonheur, en voudrois-je malgré lui? Mais du moins, Mademoiselle, jugez de l'excés de ma tendresse, par ce qu'elle me fait faire contre moy.
98
Il retourna à Paris, d'où il écrivit à Madame & à Mademoiselle de Roye, pour leur dire un éternel adieu. Il prioit Madame de Roye de lui pardonner s'il partoit sans la voir, & s'il répondit si mal aux intentions qu'elle avoit bien voulu avoir en sa faveur, mais que l'éloignement que Mademoiselle de Roye avoit pour lui, y mettoit un obstacle invincible, que le mariage ne pouvoit faire son bon 99 heur, s'il ne faisoit celui de la personne qu'il aimoit, & qu'il alloit porter sa douleur dans des lieux éloignez pour se guerir, s'il se pouvoit, par l'absence. En effet, peu de jours aprés, s'étant absolument justifié d'estre entré dans la conspiration du Prince de Condé, il passa en Angleterre avec la permission du Roy.
Madame de Roye étoit fort mécontente de ce qu'un mariage qu'elle 100 avoit si ardemment souhaité, trouvoit de pareils obstacles. Elle avoit une si parfaite estime pour Monsieur d'Amboise, qu'il lui sembloit qu'il n'y avoit que lui qui fût digne de son alliance. Elle parla à sa fille avec ressentiment, & lui dit, qu'elle ne meritoit pas d'étre aimée du Comte, & qu'elle seroit bien punie de sa froideur pour lui, lors qu'elle épouseroit quelqu'un, qui en auroit pour elle. Elle es 101 suya l'indignation de sa mere avec chagrin, mais ces menaces lui faisoient peu de peur ; Elle songeoit que Sanfac alloit profiter de la liberté où d'Amboise l'avoit laissée, mais elle ne sçavoit pas ce qui s'étoit deja passé à cette occasion.
Madame de Roye la remena à Paris, & le bruit s'étant repandu de sa rupture avec Monsieur d'Amboise, tous ceux qui pouvoient pretendre à elle 102 songerent à l'obtenir.
Le Comte de Sancerre qui avoit eu de l'inclination pour elle, dés le méme instant qu'il l'avoit veuë, n'étoit point alors en France. Le Marquis de Sansac qui ignoroit que Monsieur d'Amboise se fût degagé, estoit encore aux Terres de son pere, mais il ne fut pas long‑temps sans l'apprendre.
Entre tous ceux qui songerent à Mademoiselle de Roye, le Vicomte de Ta 103 vanes fut le plus empressé, & il fit des propositions pour l'épouser. Si-tost qu'elle fut à Paris, madame de Tournon l'appuya de tout son pouvoir. Il lui étoit d'une extrême importance que ce mariage fût arresté avant que Sansac eût sceu que le Comte d'Amboise ne pretendoit plus à Mademoiselle de Roye. Elle exagera à Madame de Roye tous les avantages de ce party. Le Vicomte de 104 Tavanes possedoit de grands biens, & cherchoit encore à les augmenter, de sorte qu'il regardoit plus Mademoiselle de Roye par ceux qui lui étoient destinez, que par sa beauté.
Madame de Roye qui n'avoit rien de caché pour madame de Tournon, lui avoit confié toute la conduite du Comte d'Amboise, à l'égard de sa fille, & l'avoit priée de découvrir si cette jeune per 105 sonne n'avoit point quelque secrette inclination. Quoique ses soupçons eussent d'abord tombé sur le Marquis de Sansac, le refus qu'elle avoit fait de lui, la mettant hors d'é tat de renoüer avec bien- séance, lui donnoit de l'é- loignement pour ce ma-riage.
madame de Tournon ne croyoit que trop que puisqu'il aimoit mademoiselle de Roye, il en étoit aimé, & elle n'en cher 106 choit point d'autre certitude. Cependant elle dit à Madame de Roye qu'après l'avoir examinée, elle lui trouvoit de l'indifference pour tous les hommes, & méme beaucoup pour Sansac en particulier; qu'apparemment trop d'amour de la part du Comte d'Amboise, l'avoit empéché d'épouser une personne incapable de sentir jamais de passion, ny même de connoistre les sentimens qu'on avoit pour 107 elle. Enfin elle lui conseilla fortement d'accepter le Vicomte de Tavanes pour gendre. L'affaire se traita avec un grand secret, elle auroit esté promptement achevée, si la maladie du Roy n'eust suspendu toutes choses.
Il fut saisi à la Chasse, d'un mal de teste si violent & si extraordinaire, que d'abord on en apprehenda les suites. Le péril où il estoit, r'appella à Paris tous ceux qui s'inte 108 ressoient pour sa vie. Le Marquis de Sansac y revint avec empressement. Le Comte d'Amboise quoiqu'il fût à peine arrivé en Angleterre, retourna en France. Cette maladie fut aussi funeste que violente. Le Roy mourut en huit jours, & sa mort fit prendre une nouvelle face à toutes choses. La Reine Marie Stuart perdit toute l'autorité qu'elle s'étoit acquise. Catherine de Medicis fut declarée Re 109 gente durant la minorité de Charles IX. & devint absoluë. Prince de Condé qui avoit esté arresté pour la conspiration dont on le croyoit le chef, fut mis en liberté; il conservoit toûjours beaucoup d'estime pour d'Amboise, & quoiqu'il n'eust pû le faire entrer dans ses desseins, il ne l'en avoit pas moins aimé.
Le Marquis de Sansac parla à Mademoiselle de Roye le lendemain qu'il 110 fut à Paris ; elle estoit chez Madame de Tournon, où il y avoit beaucoup de monde, & elle étoit un peu écartée des autres, de sorte qu'il trouva moyen de se placer auprés d'elle, sans que Madame de Tournon pût s'y opposer.
Il demanda pardon à Mademoiselle de Roye des propositions qu'il avoit fait faire à sa mere, avant que de l'avoir consultée ; il en accusa la violence de 111 sa passion, & il lui dit que ce qu'il avoit appris de sa haine pour lui, & le refus de Madame de Roye l'en punissoient assez. Mademoiselle de Roye fut surprise de ce discours. Vous m'apprenez des choses si nouvelles, lui dit-elle, que je suis embarrassée à y répondre ; j'ignore la haine que j'ay pour vous, comme tout le reste.
Madame de Tournon qui le vit attaché à parler à Mademoiselle de Roye, 112 feignant de ne s'en appercevoir pas, la fit approcher d'elle, lui disant qu'- elle estoit trop éloignée du reste de la Compagnie.
Lors que Mademoiselle de Roye fit reflexion sur ce qu'il lui avoit dit, elle crut que ces propositions s'estoient faites ce mesme jour, & que des raisons de haine ou d'interst, avoient déterminé sa mere à un refus ; ainsi elle concluoit qu'elle n'épouseroit point Sansac, dans 113 le temps qu'elle s'assuroit d'en estre tendrement aimée.
Ce Marquis cependant reprenoit des esperances; il voyoit qu'il n'estoit point haï. Il comprenoit mesme que peut-estre Madame de Roye en le refusant si cruellement, n'avoit cherché qu'à tenir parole à Monsieur d'Amboise, & que les choses ayant changé, une seconde tentative pourroit réussir. Il voulut engager son 114 pere dés le lendemain à parler à Madame de Roye, mais il le trouva si penetré de la mort du Roy, dont il avoit esté Gouverneur, qu'il n'en put mesme estre écouté.
Ce Marquis estoit trop amoureux pour ne pas craindre d'estre prevenu par ses Rivaux. Il connoissoit le pouvoir que Madame de Tournon avoit sur l'esprit de Madame de Roye ; il lui déclara son amour, & il la conjura de 115 parler en sa faveur, en attendant que son pere pût entrer dans cet affaire. Madame de Tournon fut outrée de cette confidence, mais elle prit le party de dissimuler, & elle sçavoit bien qu'elle devoit peu craindre qu'il réussist. Elle l'assura qu'il ne tiendroit pas à elle qu'il ne fût heureux. Il la crut, & il alla cependant voir Madame de Roye dés ce mesme jour, mais bien des cho 116 ses s'estoient passées, qu'il ignoroit.
Si tôt que Monsieur d'Amboise avoit esté revenu d'Angleterre, il avoit esté chez cette Comtesse qui l'avoit receuë avec beaucoup d'amitié. Elle venoit d'apprendre à sa fille qu'elle la destinoit au Vicomte de Tavanes, & cette nouvelle lui avoit donné une si vive douleur, qu'elle n'avoit eu que le temps de lui répondre, qu'elle lui obéïroit toû 117 jours, & elle estoit sortie de la chambre de sa mere, pour donner un cours libre à ses larmes.
Lors qu'elle vit qu'elle n'avoit évité d'épouser le Comte d'Amboise, que pour estre au Vicomte de Tavannes, elle fut inconsolable. Sa personne lui avoit toûjours déplû, & son dessein le lui rendoit odieux. Elle pensoit que la parfaite estime qu'elle avoit pour le Comte d'Amboise, lui pouvoit 118 tenir lieu d'amour, & qu'il lui auroit esté plus supportable d'estre à lui, puisqu'elle ne croyoit plus épouser Sansac, que d'estre au Vicomte de Tavanes. Enfin, le mal passé ne lui paroissoit plus un mal, & elle ne donnoit ce nom qu'au present.
Madame de Roye voulant faire connoistre à d'Amboise qu'il n'avoit point perdu sa confiance, ne lui fit point un secret du mariage de Monfieur 119 de Tavanes avec sa fille, & elle lui en parla comme d'une chose qui seroit bien-tôt concluë. Mais que ne produisit point cette nouvelle dans l'esprit de Monsieur d'Amboise? Mademoiselle de Roye alloit épouser un homme qu'il sçavoit bien qu'elle n'aimoint pas. La pensée de la perdre sans retour, & de la voir posseder par un mary qui l'avoit si peu meritée, excitoit en mé 120 me temps son désespoir & son indignation.
Il demanda à Madame de Roye la permission de voir sa fille, & il alla la trouver à son appartement. Elle estoit dans un était si triste, qu'il n'avoit pas besoin de son amour pour en estre sensiblement touché. Son visage estoit couvert de larmes qui ne diminuoient point sa beauté. Vous estes témoin de ma douleur, lui dit-elle, sentant qu'elle ne 121 pouvoit cacher ses pleurs) & vous sçaurez bien-tost ce qui l'a causé. Je ne le sçais peut-estre deja que trop, lui dit-il, Mademoiselle, & j'ose dire que je sens plus encore les maux que vous sentez, que je n'ay jamais senty tous ceux que vous m'avez faits. Que vôtre honnesteté m'est cruëlle, lui dit Mademoiselle de Roye, que son chagrin faisoit parler! Cachez-la moy par pitié, afin que je con Bilbliotheque de l'Arsenal 122 noisse moins le prix de ce que j'ay perdu. Que me dites-vous Mademoiselle, lui dit-il? Je n'ay point acquis assez d'indifference, pour pouvoir entendre tranquilement ces paroles de vôtre bouche. Je ne cherche point à vous flater, lui dit elle, mais il est vray que je me repentiray toute ma vie du procedé que j'ay eu avec vous, & que je me trouveray trés-malheureuse d'épouser le Vicomte 123 de Tavanes. Ah! Mademoiselle, lui dit le Comte d'Amboise, je ne sçaurois me plaindre de ma disgrace, puis qu'elle m'attire des paroles si obligeantes. Est-il possible que vous me puissiez preferer à quelqu'un? Je ne l'aurois jamais sceu, si vous ne m'aviez forcé de renoncer à vous ; mais quelques obstacles que j'aye mis à mon bonheur, peut-estre il ne me seroit pas impossible de les vaincre, si 124 vous y consentiez. Vous auriez mon consentement avec bien de la facilité, s'il y faisoit quelque chose, lui dit Mademoiselle de Roye, qui ne voyoit encore que ' le suplice d'épouser Tavanes. Monsieur d'Amboise fut si transporté de la joye que lui donnoient ces paroles, qu'il ne vit rien de ce qui pouvoit la troubler. Les soupçons qu'il avoit eus de Sansac, s'effacerent de son esprit. Il trouva qu'il 125 les avoit pris sur des fondemens legers. Madame de Roye lui avoit parlé du mariage de Tavanes, comme d'une chose avancée, mais non pas concluë absolument. Il alla trouver le Prince de Condé, il le conjura de parler à Madame de Roye, parce qu'- il eût esté embarassé à lui parler lui-même, à cause de l'irregularité qui pouvoit paroistre dans son procedé. Ce Prince qui avoit bien voulu entrer 126 dans les détails de sa passion, dés qu'elle avoit commencé, saisit cette occasion de lui rendre un office. Il alla voir Madame de Roye, & il l'engagea aisement à rentrer dans ses premieres liaisons avec le Comte d'Amboise, qu'elle avoit toûjours plus estimé que tous les autres hommes. Elle dit à sa fille que s'il estoit vray qu'elle eût de l'éloignement pour le Vicomte de Tavanes, elle n'iroit pas 127 plus avant avec lui, & qu'- elle reprendroit ses premiers engagemens avec Monsieur d'Amboise.
Mademoiselle de Roye qui n'avoit songé d'abord qu'à n'épouser pas Tavanes, vit qu'elle avoit seulement changé de malheur ; celui‑cy estoit moindre à la verité, mais il estoit assez grand pour la mettre au désespoir. Enfin elle se l'étoit attiré, il n'y avoit pas moyen qu'elle l'évitât, & elle dit à sa mere, qu'elle 128 lui obéïroit sans répugnance.
Madame de Roye fit naître des difficultez sur le mariage du Vicomte de Tavanes, & comme elle ne lui avoit point encore donné de parole, elle le rompit sans qu'il parût qu'elle en eût eu le dessein.
Madame de Tournon qui estoit trop avant dans sa confidence, pour ignorer ce qui se passoit, lui fit les propositions de San 129 sac, lors qu'elle vit qu'il n'y avoit plus rien à esperer pour lui, de sorte qu'il fut une seconde fois refusé. Cette Comtesse le lui apprit avec toute la malice dont elle estoit capable. Elle lui fit confidence des desseins de Tavanes & de leur progrez, en lui disant ensuite que Mademoiselle de Roye n'avoit pû soûtenir la pensée d'étre à un autre qu'à d'Amboise ; qu'une legere cause les ayant brouïllez, leur 130 raccommodement avoit esté aisé, & qu'elle avoit engagé elle-même son Amant à faire parler à sa mere. La chose estoit vraye en apparence. Elle la conta de la même maniere à quelques personnes, afin qu'on le redît encore à Sansac. Il entra dans un violent dépit contre Mademoiselle de Roye; il l'accusa de l'avoir trompé par sa fausse douceur. Il s'accusa de s'être voulu tromper soi même. Il examina 131 combien les choses qui l'avoient flaté, estoient foibles. Enfin, il s'abandonna au désespoir aussi facilement qu'il s'étoit abandonné à l'esperance, & il cessa de voir Mademoiselle de Roye.
Elle avoit pris une resolution qu'elle avoit de la peine à soûtenir, sa tristesse estoit extraordinaire, & d'Amboise n'estoit pas assez heureux pour ne la point penetrer. Les soupçons qu'il avoit eus de 132 Sansac, lui rentroient dans l'esprit ; cependant la preference qu'elle lui avoit donnée sur le Vicomte de Tavanes, & les choses flateuses qu'elle lui avoit dites à cette occasion, venoient le soûtenir contre ses defiances ; & si ces reflexions troubloient le bonheur qu'il attendoit, elles ne l'empêchoient pas de l'attendre.
Tout se disposoit pour son mariage, Mademoiselle de Roye avoit beau 133 coup d'égards pour lui ; mais quand elle estoit seule, elle en dédommageoit Sansac par un torrent de larmes. Elle se regardoit elle-même comme la cause de ses malheurs. Jamais elle ne s'étoit veuë si preste d'entrer dans un engagement, contre lequel tout son cœur se revoltoit. Elle ne put soûtenir ces diverses agitations, & elle tomba malade.
Quel désespoir pour Monsieur d'Amboise ! Il 134 ne pouvoit douter que sa maladie ne fût l'effet du chagrin qu'elle avoit de l'épouser. Il se sentoit neanmoins entraîné à la voir tous les jours, & il la voyoit pleine d'honnêteté pour lui. Malgré les maux qu'elle lui causoit, il l'estimoit davantage, & il ne l'aimoit pas moins ; au contraire l'admiration & la pitié se joignant à ses autres sentimens, rendoient sa passion plus forte, mais en méme temps 135 plus capable de raison. Le moyen de contraindre une personne qui se contraignoit elle-méme pour l'amour de lui? Il vit qu'- il devoit se dégager une seconde fois, mais en rendant Mademoiselle de Roye à elle, il la mettoit entre les mains de son Rival. Cette pensée le faisoit trembler, & il ne resolluoit rien.
Cependant la maladie de Mademoiselle de Roye augmentoit. Il sentit alors 136 qu'il l'aimoit assez pour ne la disputer pas davantage aux depens de sa vie. Il vit qu'il faloit la ceder à son Rival, qu'elle ne pouvoit estre que malheureuse avec un autre. Il crut qu'il estoit capable de cet effort. Il se flata méme qu'une action extraordinaire produiroit peut-estre un effet extraordinaire, & que s'il ne ramenoit pas Mademoiselle de Roye vers lui, en faisant pour elle une chose 137 dont un autre ne pouvoit estre capable, il rendoit du moins tous les autres hommes indignes d'en étre aimés. Enfin il se formoit du debris de toutes ses esperances, une nouvelle sorte d'espoir. Toûjours il pensa qu'il empoisonneroit le bonheur de son Rival, en lui donnant luy-méme sa maîtresse. Mais aprés tout, ce n'estoiét que des idées. Son cœur ne goûtoit point ses raisons, & il lui auroit en 138 core esté plus aisé de faire la chose, que de la resoudre.
Il alla voir Mademoiselle de Roye le lendemain. Il remarqua qu'elle pleuroit, quoiqu'elle essayast de cacher ses larmes, & de montrer un visage ouvert & tranquile. Il est dificile de se representer l'état où il se trouva. L'effort qu'on se faisoit pour lui, le portoit à celui qu'il se devoit faire. L'amour, la pitié, le désespoir formoient 139 mille combats dans son ame. Il demeura long‑temps sans parler ; mais enfin regardant Mademoiselle de Roye avec des yeux baignez de larmes, Mademoiselle, lui dit-il, vous avez eu jusqu'ici plus de force que moy. Je tremble de mon projet, mais peut-estre je l'executeray. Vous me donnez l'exemple de mourir, s'il le faut en se contraignant. Eh bien, ç'en est fait, il faut m'arracher 140 à moy-méme ; ne me cachez point vos sentimens pour Sansac. Je veux tout entreprendre pour luy faire obtenir un bonheur dont vous le jugez plus digne que moy, aussi-bien puis‑je estre plus malheureux que je le suis. Je vous plairay du moins en vous donnant à mon Rival. Il remarquoit pendant ce discours une impression de joye sur le visage de Mademoiselle de Roye, 141 qu'il ne lui avoit jamais veüe. Il se désesperoit de ce qu'il alloit faire, sans neanmoins s'en repentir. Il est des momens où l'on semble agir par une force superieure ; ce qu'il faisoit tenoit plus du Heros que de l'Amant, & le rendoit digne en même temps de pitié & d'envie. Je pars, lui dit-il, Mademoiselle, pour un dessein qui ne s'achevera pas s'il se retarde, & toute la grace que je vous demande, c'est de 142 n'oublier point en me voyant, que je suis le plus malheureux de tous les hommes pour l'amour de vous. Mademoiselle de Roye ne put resister à ces divers mouvemens, la surprise, la crainte, la honte agitoient son cœur. Sa fiévre en un instant redoubla si considerablement, qu'on jugea que sa vie alloit estre dans un trés-grand danger. Il n'en faloit pas tant pour déterminer Monsieur d'Am 143 boise. Il courut à l'appartement de Madame de Roye, il lui apprit le péril où estoit sa fille, & la passion qu'elle avoit dans le cœur. Il la conjura de n'avoir plus d'égards pour lui, & de ne songer qu'à Mademoiselle de Roye. Cette mere aimoit veritablement sa fille. La maladie de cette jeune personne la mettoit dans une cruelle inquietude, & tout ce qui pouvoit contribuer à sa guerison, lui paroissoit 144 agreable. Elle marqua à Monsieur d'Amboise combien elle estoit touchée de sa generosité, & lui donna des louanges ausquelles il estoit peu sensible. Il vit qu'il réüssissoit trop aisément dans ce qu'- il entreprenoit. Il quitta Madame de Roye, & il alla se renfermer chez lui, où il s'abandonna à tout ce que le désespoir à de plus affreux. Quand il ne se vit plus rien à faire, il pensa à ce qu'il avoit fait; 145 il envisagea à loisir le mariage de Madlle de Roye & du Marquis de Sansac, auquel il n'y avoit plus d'obstacles. Il vit qu'il l'avoit lui-même livrée à celui qu'il devoit le plus craindre qui ne la possedast, & il fut mille fois sur le point de le punir de ce qu'il venoit de faire pour lui, & de l'empécher par sa mort d'obtenir un bien qu'il venoit de lui abandonner. Ensuite il se representoit l'état où il 146 avoit vû Mademoiselle de Roye. Cette idée le retenoit, mais il voyoit à quel excés la pitié l'avoit porté. Il revenoit comme d'un songe, & il avoit peine à croire ce qu'il avoit esté capable d'executer. Il songea que Mademoiselle de Roye perdroit le souvenir de ce qu'il avoit fait pour elle, & de ce qu'il lui en coûtoit, dans la joye qu'elle auroit d'estre à un homme qu'elle aimoit tendre 147 ment. Cette réflection lui rendoit tout insupportable; il pensoit haïr Mademoiselle de Roye autant que Sansac, & il croyoit ne pouvoir jamais voir l'un non plus que l'autre.
Madame de Roye employa un des ses amis qui l'étoit aussi du Marquis de Sansac, pour lui faire sçavoir que Monsieur d'Amboise estoit absolument dégagé d'avec Mademoiselle de Roye, & que s'il faisoit quelques démarches 148 pour l'obtenir, il n'y trouveroit plus d'obstacles. Ce Marquis estoit trop amoureux pour songer aux refus qu'il avoit déja deux fois essuyés. L'avance que Madame de Roye lui faisoit en estoit la réparation, mais il vouloit sçavoir les sentimens de sa fille. Il alla chez cette Comtesse; il vit Mademoiselle de Roye, à qui la joye redonnoit la santé, que le chagrin lui avoit ôtée. Il ne lui fut pas dificile de con 149 noître qu'il estoit aimé; il le comprit en partie par les choses qu'elle laissoit échaper, & plus encore par celles qu'elle évitoit de lui dire.
Le Marquis de Sansac apprit à son pere le changement favorable pour lui qui s'étoit fait dans l'esprit de Madame de Roye, mais il ne le trouva plus dans les mêmes dispositions pour son alliance. Le refus qu'elle avoit fait de son Fils, l'avoit irrité au 150 point de ne pouvoir jamais revenir de sa colere; mais d'autres raisons se joignoient encore à cellelà. Le Comte de Sansac estoit haï de Catherine de Medicis, parce qu'il avoit esté Gouverneur de François II. qu'elle n'avoit jamais aimé. Elle se plaignoit que ce Gouverneur l'avoit élevé dans une grande indépendance à son égard, & elle en avoit pris de l'éloignement pour son Fils méme. Elle eut 151 lieu de voir lorsqu'il mourut, combien ses sentimens estoient respectez de toute la Cour, excepté des Sansacs. Le Corps du feu Roy fut porté à saint Denis sans aucune pompe. messieurs de Guise oncles de la Reine sa femme, ne le suivirent mesme pas, & le Comte de Sansac seul & son Fils, l'accompagerent.
La Regente ne fut pas longtemps sans marquer ses ressentimens au Comte 152 de Sansac en plusieurs rencontres. Il n'estoit plus appuyé de personne, il vit qu'il avoit besoin d'étre soútenu.
Mademoiselle de Roye & mesme madame de Roye qui ne s'occupoit que de ce qui convenoit à sa fille, ayant toûjours esté de la Cour de Marie Stuart, plus que de celle de Catherine de Medicis, n'estoient pas propres à le remettre en bonne posture auprés d'elle. Il avoit d'autres veuës, 153 & il dit à son Fils, qu'aprés le refus désobligeant que Madame de Roye avoit fait 'de le recevoir pour gendre, il devoit estre honteux de songer encore à le devenir, & il lui déclara qu'il ne consentiroit jamais à ce maraiage. Cét Amant se jetta aux pieds de son pere ; il lui dit que tout le bonheur de sa vie dépendoit d'épouser mademoiselle de Roye, mais il ne le fit pas changer de dessein. 154
Le marquis de Sansac se revolta par cette dureté. Sa mere lui avoit laissé de grands biens, & quoique ceux de son pere fussent considerables, ils les sacrifioit sans peine à son party, qui qui firent tous les pas qu'- il falloit faire auprés de madame de Roye, & dont les propositions furent receuës, mais à condition que le marquis de Sansac se raccommoderoit avec 155 son pere, avant qu'on achevast le mariage, & que leur traité seroit secret jusque-là.
Ce Marquis eut cependant la permission de voit souvent Madlle de Roye dont la santé se rétablissoit chaque jour, & dont la beauté augmentoit encore depuis que son cœur étoit content. Elle sentoit vivement ce qu'elle devoit au Comte d'Amboise. Elle auroit voulu lui marquer combien elle en estoit 156 touchée, & le dédommager s'il se pouvoit par sa reconnoissance des sentimens qu'elle n'avoit pas pris pour lui ; mais elle ne le voyoit plus, parce qu'- il prenoit soin de l'éviter. Il sçavoit cependant que son mariage avec Sansac, n'estoit pas prest à s'achever ; mais si cette penseé adoucissoit sa douleur, elle ne la lui ôtoit pas.
Mademoiselle de Sansac revint à Paris, elle apprit avec plaisir l'action 157 de d'Amboise, & elle en parloit sans cesse à mademoiselle de Roye. Un jour qu'elles se promenoient ensemble dans les jardins du Louvre, elles le rencontrerent qui estoit seul, & qui révoit si profondément, qu'il étoit proche de Mademoiselle de Roye, sans s'en appercevoir. Il continuoit à marcher, mais elle l'arréta. Vous voulez-bien, lui dit‑elle, que je profite des occasions que le hazard 158 me donne de vous marquer mes sentimens ; il y a longtemps que je les cherche en vain. He, Mademoiselle, lui dit-il, il y auroit de la cruauté à vouloir me voir encore, je vous suis inutile. Il lui fit une profonde reverence, & il se retira sans regarder mademoiselle de Sansac. Elles furent surprises de cette fuite. Mademoiselle de Sansac eut de la colere de ce qu'il ne l'avoit pas seulement remar 159 quée. mademoiselle de Roye connut par la tristesse du Comte, & par sa promte retraite, combien sa passion estoit encore vive, & combien sa generosité avoit esté extraordinaire. Elle eut une trés‑sensible douleur d'avoir rendu un si honneste homme malheureux.
Il estoit au désespoir de l'avoir quitée si brusquement. Il craignit de l'avoir offencée, & qu'elle ne vinst à le haïr. Enfin il 160 avoit encore senty du plaisir à la voir. Il s'en estoit privé de peur de s'y trop abandonner, mais qu'il trouvoit que sa raison lui avoit esté cruelle, & que pouvoit-il lui arriver de plus triste, que d'estre haï de Mademoiselle de Roye, & de ne la voir jamais? Cependant il ne vouloit plus aller chez elle, mais il sentoit que ce lui seroit une douceur que de la rencontrer.
Sansac trouvoit le re 161 tardement de son bonheur si insupportable, qu'il n'estoit guere moins affligé que lors qu'il estoit incertain d'estre aimé. C'étoit en vain qu'il pressoit Madame de Roye de consentir qu'il épousast sa fille, malgré le chagrin du Comte de Sansac, elle ne vouloit point lui laisser perdre une partie de sa fortune par trop de précipitation. L'estime que cette Comtesse avoit pour d'Amboise, lui faisoit sou 162 haiter qu'il fût toûjours de ses amis. Cependant quoiqu'elle fût fâchée de n'avoir plus aucun commerce avec lui, elle n'osoit lui en faire des reproches, mais comme elle eut besoin de lui dans une affaire considerable, elle le lui fit sçavoir, & il ne put se dispenser d'aller chez elle. Il y retourna avec quelque peine & avec quelque plaisir. Il trouva d'abord mademoiselle de Roye seule dans la cham 163 bre de sa mere, & il fut si frapé de cette veuë qu'il demeura cõme immobile.
Madame de Roye estoit dans son cabinet avec une personne de consideration, lorsqu'il entra. Comme elles estoient occupées d'une affaire particuliere, elle vint au devant de lui le supplier de vouloir bien demeurer un momẽt dans sa chambre avec sa fille. Mademoiselle de Roye fut d'abord embarrassée de la presence d'un hom 164 me à qui elle avoit des obligations infinies, & qu'elle jugeoit par ce qui s'étoit passé de puis peu, que sa reconnoissance méme pouvoit chagriner. Le défordre de Monsieur d'Amboise estoit extraordinaire, il se retrouvoit auprés d'une personne qu'- il avoit esté contraint d'abandonner, qu'il adoroit toûjuours, à qui il ne vouloit plus le dire, encore qu'il souhaitast qu'elle le sçeust, enfin avec une per 165 sonne qui lui donnoit une cruelle jalousie, & qui lui inspiroit un respect extrême. Ils garderent quelque temps le silence l'un & l'autre ; elle le rompit neanmoins la premiere. Je ne sçaurois m'empêcher de me réjouir de vous voir, lui dit-elle, quoiqu'il me paroisse que vous ne soyez pas content d'estre ici. Mademoiselle, lui dit-il, est-il possible que la presence d'un malheureux que vous avez forcé de renon 166 cer à vous, puisse ne vous pas estre desagreable? Je ne vous y ay point contraint, lui dit Mademoiselle de Roye, vous m'avez fait un sacrifice volontairement. Hé, reprit il, Mademoiselle, vouz mouriez si je ne vous l'eusse fait. Vous ne pouviez soûtenir la pensée d'estre à moy. Je vous ostois à celui sans lequel vous ne pouviez vivre. Vous en dites beaucoup, interrompit mademoiselle 167 de Roye en rougissant. Hé, Mademoiselle, lui dit-il, pourquoi cette retenuë & cette contrainte? Auoüez moy que vous aimez mon Rival. Je le sçais, je le vous malgré vous, & la reserve dont vous usez, est un rafinement de tendresse dont je suis plus jaloux que de toute celle que vous me marqueriez avoir pour lui. Mais que vous dis-je, reprit-il, pourquoi vous montrer cette bizarerie? Je vous de 168 mande pardon. Je vous aime, je vous aimeray toute ma vie. Je n'ay pû estre le maistre de ne vous point parler une fois de Sansac, mais je ne vous en parleray plus. Je vous respecte assez pour respecter méme vostre passion. Je me contraindray sans cesse & je ne vous entretiendray jamais de la mienne. mais la seule grace que je vous demande, c'est que vous me regardiez comme quelque chose de plus 169 qu'un amy. Je vous regarde même, lui dit-elle, comme quelque chose de plus qu'un Amant. Vous avez fait pour moy des choses si peu ordinaires, que je ne puis avoir pour vous des sentimens communs.
La conduite de ce Comte avoit esté si digne d'admiration, & Mademoiselle de Roye lui estoit si obligée, qu'elle crut lui devoir parler avec douceur, mais cependant d'une ma 170 niere qui ne flatast point son amour ; aussi ces paroles le firent soupirer. Madame de Roye entra comme elle les achevoit. Cette Comtesse apprit à monsieur d'Amboise en quoi il pouvoit lui estre utile, & il lui promit de lui obéïr ponctuellement dans les choses qu'elle souhaitoit. Elles avoient quelque rapport à mademoiselle de Roye, & il se trouva encore sensible au plaisir de lui rendre un 171 service. Ses honnestetez ou plûtost sa veuë, avoient remis une sorte de douceur dans son ame, quoiqu'elle ne lui eust rien dit de favorable à sa passion. C'estoit toûjours beaucoup qu'elle eût pour lui toute l'estime qu'il méritoit, & qu'elle la lui eust marquée.
L'affaire dont Madame de Roye l'avoit chargé, l'obligea à retourner chez elle plus d'une fois. Il n'évitoit plus mademoiselle 172 de Roye, & il reprenoit l'habitude de lui parler. Peut-estre même retrouvoit-il dans son cœur quelque penchant à l'esperance. Les obstacles qui s'opposoient au mariage du marquis de Sansac, pouvoient durer longtemps. Il n'estoit pas impossible qu'une conduite soûmise & désinteressée, ne lui attirast une bien-veillance particuliere de mademoiselle de Roye, & que ne lui parlant jamais de sa 173 passion, & lui faisant neanmoins connoistre qu'elle n'estoit pas éteinte, il ne prist à la fin quelque chose sur les sentimens qu'elle avoit pour un Rival qui les méritoit moins que lui.
Madame de Tournon estoit au désespoir de n'avoir pû empêcher la liaison de Sansac & de mademoiselle de Roye ; elle cherchoit du moins à la rompre, & le Comte de Sancerre qui dans ce 174 temps-là revint à Paris, lui parut propre à la servir dans ses desseins. Il estoit son amy particulier, cependant il ne lui avoit point fait confidence autrefois de son inclination pour mademoiselle de Roye, & ce n'estoit que par l'application qu'elle avoit toûjours euë pour ce qui regardoit cette belle personne, qu'elle l'avoit découverte; il avoit méme eu de la peine à lui avouër une passion dont il espe 175 roit si peu, qu'il l'avoit cachée à celle qui la causoit.
Le Comte de Sancerre estoit bien fait ; il estoit fin, adroit & spirituel. La Comtesse avoit empéché autant qu'elle l'avoit pû, qu'il n'aimast mademoiselle de Roye, & elle avoit beaucoup contribué à lui faire entreprendre le voyage qu'il avoit fait en partie pour la fuir. mais l'Amour la fit changer d'interests. Elle sacrifia la ja 176 lousie de beauté, à la tendresse qu'elle avoit pour Sansac, & elle assûra le Comte de Sancerre qu'elle viendroit à bout de la lui faire épouser, s'il vouloit suivre exactement la conduite qu'elle lui prescriroit. Elle lui conseilla de tacher à s'insinüer dans son esprit sous le nom d'amy, & de lui cacher ses veritables sentimens jusqu'au temps de les faire éclatter avec succés. Sancerre goûta cét avis qui 177 s'accordoit avec son humeur & avec son interest.
Mademoiselle de Sansac ne pouvoit soussrir l'indiference que d'Amboise avoit pour elle. Elle commença à le maltraiter, & à lui faire de petites incivilitez, qui de la part d'une personne raisonnable, ne pouvoieut estre que des marques de passion. Il connut avec chagrin des sentimens ausquels il ne pouvoit répondre, & dont ses propres malheurs le 178 forçoient d'avoir pitié. mademoiselle de Roye s'appercevoit de l'état où estoit le cœur de son amie, par les plaintes bizares qu'elle lui faisoit sans cesse de ce Comte. Elle craignoit tout de la disposition de monsieur d'Amboise ; quelquefois elle esperoit que la tendresse de mademoiselle de Sansac le toucheroit ; elle vouloit lui en parler, mais quand elle faisoit reflection sur l'indépendance des incli 179 nations, ce qu'elle avoit dans le cœur la faisoit trembler pour son amie.
Mademoiselle de Sansac demeuroit dans une mélancolie qui empéchoit le retour de sa santé. Elle avoit demandé permission à la Reine de se retirer de la Cour, & elle vivoit chez son pere dans une assez grande retraite. Mademoiselle de Roye prenoit part à ses maux, & elle estoit assez équitable pour lui en estre obligée. 180 L'indifference que mademoiselle de Roye avoit pour d'Amboise, la flatoit, & l'empêchoit de la haïr. Elle tâchoit d'adoucir l'esprit de son pere, sur le mariage de Sansac, & de Mademoiselle de Roye, & elle ne desesperoit pas d'y réussir, mais il lui arriva de nouveaux chagrins qui l'empécherent d' executer ce qu'elle s'estoit proposé.
Un jour qu'elles estoient ensemble dans le Carrosse de mademoiselle de San 181 sac, elles virent d'Amboise dans le sien entraîné par ses Chevaux, avec tant de violence, que sa vie étoit en danger. Mademoiselle de Sansac pâlit, & dit à ses gens de mener son Carrosse sur leur passage, afin de les arrester. Elle leur parloit d'une maniere si vive & si pressante, que malgré le risque qu'ils couroient à lui obéïr, ils executerent cét ordre; cependant ce fut avec tant de bonheur, que les Che 182 vaux dont la premiere fureur commençoit à se rallentir, rencontrant les autres de front, ne passerent pas outre.
Comme il voulut aller rendre grace à ceux qui s'étoient mis en péril pour le sauver, il apperçut les Livrées de Sansac, il crut que c'estoit son Rival, & il fut au désespoir de lui devoir la vie; cependant pour ne lui point faire connoître une ingratitude qu'il n'avoit pas volontai 183 rement, il s'avança vers ce Carrosse, mais il n'y vit que des femmes. mademoiselle de Roye se presenta d'abord à ses yeux. Mademoiselle de Sansac s'êtoit trouvée si mal de l'émotion que cette avanture lui avoit causée, qu'- elle avoit esté contrainte de s'appuyer sur une de ses mains. Il commençoit à remercier Mademoiselle de Roye en des termes où sa passion s'exprimoit malgré-luy, mais elle luy 184 dit qu'il avoit toute l'obligation à Mademoiselle de Sansac, & quoiqu'il fût fâché de s'estre trompé à une chose qui luy plaisoit, il ne put se dispenser de la remercier avec beaucoup de reconnoissance ; il les quitta pour les laisser poursuivre leur chemin.
Aprés qu'il les eut quittées, Mademoiselle de Sansac se trouvant seule avec Mademoiselle de Roye, Vouz avez vû ma foiblesse, luy dit-elle, il n'est plus 185 temps que je vous la dissimule. Je me suis toûjours refusé le soulagement de me plaindre avec vous, pour ne point entretenir une douleur que je condamne. Ayez pitié de moy & me donnez quelque consolation. Vous n'estes point coupable, luy dit Mademoiselle de Roye, personne n'est exempt des passions , il suffit de les combatre. Je voudrois que la confiance que vous me têmoignez, vous pust 186 estre utile. Elle l'embrassa en disant ces paroles. mademoiselle de Sansac vit avec chagrin qu'elles étoient arrivées au lieu où on les attendoit. Cette conversation luy faisoit plaisir, & elle pria Mademoiselle de Roye de venir, s'il se pouvoit, le lendemain se promener avec elle, dans un lieu agreable où son peu de santé l'obligeoit à aller prendre l'air tous les matins.
Mademoiselle de Roye 187 revit ce même jour le Comte d' Amboise chez Madame de Tournon On y joüoit. Ils estoient les seuls qui ne joüoient pas. Mademoiselle de Roye s'approcha de la fenêtre pour parler à ce Comte. Elle vouloit sçavoir de quelle maniere il reconnoîtroit ce que Mademoiselle de Sansac avoit fait pour luy. J'avois du plaisir à penser que c'estoit à vous que je devois la vie, luy dit-il, mademoiselle, 188 mais vous ne voulez pas seulement me souffrir une erreur qui me soit agréable. Que me dites vous, interrompit Mademoiselle de Roye ? Je serois au désespoir si vous aviez toûjours des sentimens qui vous donnassent lieu de n'estre pas content de moi, & qui me donnassent aussi lieu de n'estre pas contente de vous. Mademoiselle luy répondit-il , je ne croyois pas vous importuner. Je ne vous deman 189 de point de passion, ajoûta-t-il malgré luy, laissez moy la mienne, c'est tout ce que je vous demande. Je n'y puis consentir, luy dit-elle, la consideration que j'ay pour vous s'y oppose, & si vous sçaviez en quelle extrême on se trouve quand on est remplie d'estime, de reconnoissance, & si on l'ose dire, de pitié pour une personne qui mériteroit quelque chose de plus, je ne vous paroîtrois peut-estre 190 guére moins à plaindre que vous-méme. Ils garderent là-dessus tous deux le silence; puis mademoiselle de Roye se representant vivement l'état où elle avoit vû son amie, ne put resister à l'envie de luy en faire un mérite auprés du Comte ; elle voulut le rendre sensible à la douceur d'estre aimé d'une belle personne ; elle luy fit une peinture touchante des sentimens de Mademoiselle de Sansac. Enfin, 191 elle sçavoit bien qu'elle ne risquoit rien à luy faire une pareille confidence. La discretion du Comte étoit connuë, & l'on estoit seur que s'il ne se faisoit point un plaisir de sa conqueste, du moins il ne s'en feroit pas d'honneur. Il ne put répondre à ce qu'elle luy disoit, parce que madame de Roye qui avoit cessé de jouër, se leva pour sortir, & emmena sa fille, avant méme qu'- elle eût achevé ce qu'elle 192 avoit à dire, mais il ne pensa à rien qu'à l'empécher de croire qu'il y eust fait la moindre reflexion.
Mademoielle de Roye ne vouloit point instruire Monsieur de Sansac, que le Comte d'Amboise n'étoit pas encore indiferent, de peur de l'aigrir contre un homme à qui il avoit l'obligation de luy avoir cedé ses droits. Elle devoit méme ce foible égard au Comte, en consideration des choses extraordi 193 naires qu'il avoit faites pour elle. Ces sentimens ne blessoient point sa passion. Elle étoit bien éloignée d'en prendre d'autres pour Monsieur d'Amboise, que ceux de la pitié; & si elle estoit partagée entre ces deux Amans, elle plaignoit l'un, & elle aimoit l'autre.
D'Amboise avoit trouvé un pretexte pour aller le lendemain matin chez Madame de Roye, mais il la rencontra à la porte 194 du Louvre. Il lui dit qu'- il avoit eu ce dessein, & qu'ayant plusieurs choses à luy dire, il l'executeroit lors qu'elle seroit de retour. Il demanda à une des femmes qui l'accompagnoient, pourquoi Mademoiselle de Roye n'étoit pas avec sa mere. Cette femme luy dit qu'elle estoit allée se promener, & luy nomma le lieu, mais elle ne luy dit point que c'estoit avec Mademoiselle de Sansac, parce qu'elle 195 suivoit Madame de Roye, & qu'elle n'en eut pas le loisir.
Monsieur d'Amboise y courut sans rien examiner. C'estoit à un de ces beaux lieux que les maîtres se font un honneur de laisser voir. On y venoit par deux côtez; il entra dans le jardin, & il n'y trouva d'abord que mademoiselle de Sansac. Mademoiselle de Roye avoit esté arrétée par la Comtesse de Tournon, qui l'ayant rencontrée 196 l'avoit voulu accompagner, de sorte qu'elle avoit feint d'aller ailleurs, pour pouvoir estre seule avec son amie.
D'Amboise qui avoit esté apperçû de Mademoiselle de Sansac, n'avoit pû éviter de lui parler. Elle lui avoit dit qu'- elle attendoit Mademoiselle de Roye, & qu'elle s'ennuïoit de l'attendre ; de sorte qu'il n'avoit osé la quitter, que sa compagnie ne fût venuë. Ils fu 197 rent embarassez l'un & l'autre. Le Comte songeoit que Mademoiselle de Roye en le voyant avec Mademoiselle de Sansac, jugeroit qu'il auroit fait reflexion à ce qui s'étoit dit le soir precedent, & il l'auroit quittée brusquement, s'il n'avoit êté arresté par l'envie de voir Mademoiselle de Roye. Mademoiselle de Sansac n'estoit pas dans une peine moins grande. Elle n'auroit point esté fâchée 198 qu'il eust connu une partie de ses sentimens, & elle auroit esté au désespoir de les lui faire connoître elle-même.
Fin du premier Livre.
L'impreinte de la Bilbliotheque de l'Arsenal

Noms propres

Catherine de Médicis

Cette célèbre reine de souche italienne, né en 1519 et morte en 1589, était la femme d'Henri II et la mère de François II, de Charles IX et de Henri III sur qui elle exerça une influence politique importante.

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Charles IX

Second fils d'Henri II et de Catherine de Médicis, il devint roi de France (1560-1574) à l'âge de dix ans sous la régence da sa mère. Son règne fut dominé par les guerres de religion entre les catholiques et les protestants. Ses efforts de réconcilier les deux factions finirent par entraîner plus d'hostilité. En particulier, sous la pression des catholiques et sa mère, Charles IX ordonna le massacre de la Saint-Barthélemy (1572), dans lequel des milliers de protestants furent tués.
  • Charles IX, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
  • Charles IX de France, Wikipédia l'encyclopédie libre (17 mai 2010), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 19 mai 2010. https://fr.wikipedia.org/wiki/Charles_IX_de_France.
  • Saint-Barthélemy (massacre de la), Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.

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François II

Le fils aîné d'Henri II et de Catherine de Médicis, François II devint le roi de France à l'âge de 15 ans lors de la mort accidentelle de son père. De santé faible, il décéda seulement dix-sept mois plus tard. Ayant doté de pouvoir les frères Guise, les oncles de sa femme Marie Stuart, sous François II la suppression dure des protestants déclencha plusieurs décennies de guerres de religion en France.

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Guise (Maison de)

Une famille illustre de la noblesse française, les Guise intervinrent de façon importante pendant les guerres de religion au XVIe siècle, du côté catholique. La puissance des Guise s'aggrandit sous Henri II et surtout sous François II car leur nièce, Marie Stuart, était l'épouse de ce jeune roi.

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Henri II

Le second fils de François Ier, Henri, né en 1519, mourut en en 1559 suite à un accident lors d'un tournoi où il est blessé à l'oeil. Pendant sa vie, poursuivit l'œuvre politique et artistique de son père. Dans les guerres d'Italie, il parvint à mettre en échec Charles Quint du Saint-Empire romain. Le règne d'Henri connut aussi l'essor du protestantisme, encore plus sévèrement réprimé que sous le règne de son père. En ce qui concerne les arts, sous Henri II la monarchie fit travailler ensemble poètes, architectes, sculpteurs et peintres pour magnifier le pouvoir royal.
Sa femme, Catherine de Médicis, exerça une influence politique importante sur ses trois fils, François II, Charles IX et Henri III qui lui succédèrent au trône tous les trois.

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Louis Ier de Bourbon-Condé

Louis 1er de Bourbon (1530-1569), prince de Condé et duc d'Enghien, était le principal chef protestant pendant les guerres de religion (1562-1598) en France.

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Marie Ire Stuart

(1542 – 1587). Reine d’Écosse (1542-1567) et de France (1559-1560). Fille de Marie de GuiseGuise et de Jacques V d’Écosse. Tandis que sa mère exerçait la régence, elle fut fiancée au dauphin et élevée en France, où elle reçut une éducation très soignée. Après un règne très bref, la mort de son mari François II (1560) l’obligea à regagner l’Écosse. La révolte presbytérienne et nobiliaire s’opposait à son catholicisme et à son désir d’autorité. Elle épousa en 1565 Henry Stuart, lord Darnley, chef du parti catholique, père du futur Jacques VI d’Écosse. En 1567, Darnley fut assassiné et Marie Stuart se remaria avec Bothwell, l’un des principaux responsables de ce meurtre. Cette union provoqua une révolte générale, et la reine, vaincue, fut contrainte d’abdiquer en faveur de son fils Jacques VI (1567). Réfugiée en Angleterre (1586), elle se laissa impliquer dans plusieurs complots contre Élisabeth, ce qui provoqua sa mise en jugement (1586) et son exécution (1587). La fermeté et le courage dont elle fit preuve lors de sa fin tragique, sa beauté, sa culture, sa vie romanesque inspirèrent de nombreux écrivains.

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Saint Denis (Basilique cathédrale)

"Construite sur la tombe de saint Denis, évêque missionnaire mort vers 250, l’abbaye royale de Saint-Denis accueille dès la mort du roi Dagobert en 639 et jusqu’au XIXe siècle, les sépultures de 43 rois, 32 reines et 10 serviteurs de la monarchie. En 1966, la basilique est élevée au rang de cathédrale."

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Notes

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