Le mariage sous L'Ancien Régime
LA
COMTESSE
D'ISEMBOURG.
Vignette, coupe à fruits, fleurs, feuilles et ailes.
Au-dessous de la vignette, à gauche, l'empreinte (illisible) de la bibliothèque.
A PARIS, Chez Claude Barbin, au
Palais, ſur le Perron de la
Sainte Chappelle. Filet simple. M. DC. LXXVIII.
Avec Privilege du Roy. Cote Y2 23585 (écrit à la main)
3
Bandeau décoratif.
LA
COMTESSE
D'ISEMBOURG.
1
Lettrine (L)
LA Maiſon de
Hohenzollern,
eſt une Maiſon fort
illuſtre dans l'Ale-
magne. Elle a eu
l'honneur d'eſtre al-
puis qu'un Comte
de Hohenzollern a
épouſé autrefois une
fille de la Maiſon
d'Autriche à laquel-
le l'Empereur don-
na les Eſtats du Mar-
quis de Brande-
bourg qui luy é-
toient dévolus par
un droit de l'Em-
pire. La Comteſſe
d'Iſembourg eſtoit
ſortie de cette fa-
le de Iean George de
Hohenzollern Prin-
ce de l'Empire de la
haute Alemagne &
de la Province de
Suaube. Il fut ſur la
fin de ſa vie le fa-
vory de l'Empereur
Ferdinand II. com-
me il l'avoit déja
eſté des Empereurs
Rodolphe & Ma-
thias, & c'étoit un
des plus grands hom-
lemagne ait jamais
eû.
Hohenzollern,
eſt une Maiſon fort
illuſtre dans l'Ale-
magne. Elle a eu
l'honneur d'eſtre al-
A ij
4
La Comtesse
liée à ſes Empereurs,puis qu'un Comte
de Hohenzollern a
épouſé autrefois une
fille de la Maiſon
d'Autriche à laquel-
le l'Empereur don-
na les Eſtats du Mar-
quis de Brande-
bourg qui luy é-
toient dévolus par
un droit de l'Em-
pire. La Comteſſe
d'Iſembourg eſtoit
ſortie de cette fa-
5
d'Isembourg.
mille, elle eſtoit fil-le de Iean George de
Hohenzollern Prin-
ce de l'Empire de la
haute Alemagne &
de la Province de
Suaube. Il fut ſur la
fin de ſa vie le fa-
vory de l'Empereur
Ferdinand II. com-
me il l'avoit déja
eſté des Empereurs
Rodolphe & Ma-
thias, & c'étoit un
des plus grands hom-
A iij
6
La Comtesse
mes d'Eſtat que l'A-lemagne ait jamais
eû.
Il laiſſa trois gar-
çons & ſix filles.
L'aiſné des Princes
fut élevé en France
& prefera toûjours
une vie douce &
tranquille à l'éclat
des grands emplois.
Il ſe maria en Flan-
dres avec une fille
unique de la Maiſon
de Berg qu'il ne pût
dans la haute Ale-
magne, & qu'elle ne
pût retenir dans la
baſſe. De ſorte qu'ils
ſe ſeparerent aprés
la naiſſance de Ma-
dame la Comteſſe
d'Auvergne leur fil-
le. Le ſecond des
Princes mourut dans
ſon enfance, & le
troiſiéme eſt marié
dans la haute Ale-
magne.
çons & ſix filles.
L'aiſné des Princes
fut élevé en France
& prefera toûjours
une vie douce &
tranquille à l'éclat
des grands emplois.
Il ſe maria en Flan-
dres avec une fille
unique de la Maiſon
de Berg qu'il ne pût
7
d'Isembovrg.
obliger de paſſerdans la haute Ale-
magne, & qu'elle ne
pût retenir dans la
baſſe. De ſorte qu'ils
ſe ſeparerent aprés
la naiſſance de Ma-
dame la Comteſſe
d'Auvergne leur fil-
le. Le ſecond des
Princes mourut dans
ſon enfance, & le
troiſiéme eſt marié
dans la haute Ale-
magne.
A iiij
8
La Comtesse
Des ſix filles du
Prince de Hohen-
zollern qui furent
toutes mariées à des
Comtes Souverains
ou à des Princes,
l'aînée entra dans la
Maiſon de Furſtem-
berg. La ſeconde
épouſa le Prince
Guillaume de Bade
qui preſida à la Diet-
te de Ratisbonne
l'année 1640. & l'in-
fortunée Princeſſe
jeune & la plus bel-
le épouſa le Comte
d'Iſembourg de la
baſſe Alemagne.
Prince de Hohen-
zollern qui furent
toutes mariées à des
Comtes Souverains
ou à des Princes,
l'aînée entra dans la
Maiſon de Furſtem-
berg. La ſeconde
épouſa le Prince
Guillaume de Bade
qui preſida à la Diet-
te de Ratisbonne
l'année 1640. & l'in-
fortunée Princeſſe
9
d'Isembourg.
Marie Anne la plusjeune & la plus bel-
le épouſa le Comte
d'Iſembourg de la
baſſe Alemagne.
Comme la fortu-
ne luy preparoit
bien moins de bon-
heur qu'à ſes ſœurs,
la nature voulut la
favoriſer de tous les
avantages qui peu-
vent rendre une per-
ſonne accomplie.
Elle eſtoit grande,
ſes yeux avoient plus
de langueur que de
feu. La blancheur
& l'éclat extraordi-
naire de ſon teint ne
donnoient pas à ceux
qui la regardoient
le loiſir ny la liberté
d'examiner, ſi tous
les traits de ſon vi-
ſage eſtoient regu-
liers, enfin dés que
l'on la voyoit il eſtoit
difficile de ne ſe laiſ-
qu'elle eſtoit parfai-
tement belle. L'on
ne vit jamais un air
ſi touchant & ſi ma-
jeſtueux que le ſien.
Elle n'avoit que dix
ans lorſque le Prin-
ce ſon pere eſtant
mort, la Comteſſe
de Furſtemberg ſa
ſœur infiniment ſpi-
rituelle prit le ſoin
de ſon enfance, &
& par le ſecours de
de la nature la jeu-
ne Princeſſe n'igno-
ra rien de ce qui peut
rendre une perſonne
accomplie.
ne luy preparoit
bien moins de bon-
heur qu'à ſes ſœurs,
la nature voulut la
favoriſer de tous les
avantages qui peu-
vent rendre une per-
ſonne accomplie.
Elle eſtoit grande,
10
La Comtesse
blanche & blonde,ſes yeux avoient plus
de langueur que de
feu. La blancheur
& l'éclat extraordi-
naire de ſon teint ne
donnoient pas à ceux
qui la regardoient
le loiſir ny la liberté
d'examiner, ſi tous
les traits de ſon vi-
ſage eſtoient regu-
liers, enfin dés que
l'on la voyoit il eſtoit
difficile de ne ſe laiſ-
11
d'Isembovrg.
ſer pas perſuaderqu'elle eſtoit parfai-
tement belle. L'on
ne vit jamais un air
ſi touchant & ſi ma-
jeſtueux que le ſien.
Elle n'avoit que dix
ans lorſque le Prin-
ce ſon pere eſtant
mort, la Comteſſe
de Furſtemberg ſa
ſœur infiniment ſpi-
rituelle prit le ſoin
de ſon enfance, &
& par le ſecours de
12
La Comtesse
l'art & les avantagesde la nature la jeu-
ne Princeſſe n'igno-
ra rien de ce qui peut
rendre une perſonne
accomplie.
Elle parut avec
tous ces charmes à
l'âge de quinze ans
à la Cour de l'Im-
peratrice durant la
Diette de Ratisbon-
ne de l'année 1630.
Comme l'on y de-
grandes affaires de
l'Empire, cette Cour
n'avoit jamais eſté
ſi belle. La Princeſſe
eut d'abord un fort
grand nombre d'A-
mans. Le Prince
Iulien de Saxe le
mieux fait & le plus
amoureux de tous,
ayant dans une cour-
ſe de Bague rempor-
té le prix que l'Im-
peratrice donnoit,
Princeſſe ; & dans
ce moment le vieux
Comte d'Iſembourg
arrivant de Colo-
gne, la vit & l'ayma,
c'eſtoit pour elle
deux choſes qui ſe
ſuivoient de prés.
tous ces charmes à
l'âge de quinze ans
à la Cour de l'Im-
peratrice durant la
Diette de Ratisbon-
ne de l'année 1630.
Comme l'on y de-
13
d'Isembovrg.
voit traiter des plusgrandes affaires de
l'Empire, cette Cour
n'avoit jamais eſté
ſi belle. La Princeſſe
eut d'abord un fort
grand nombre d'A-
mans. Le Prince
Iulien de Saxe le
mieux fait & le plus
amoureux de tous,
ayant dans une cour-
ſe de Bague rempor-
té le prix que l'Im-
peratrice donnoit,
14
La Comtesse
l'offrit à la jeunePrinceſſe ; & dans
ce moment le vieux
Comte d'Iſembourg
arrivant de Colo-
gne, la vit & l'ayma,
c'eſtoit pour elle
deux choſes qui ſe
ſuivoient de prés.
Il avoit eſté ma-
rié à Caroline d'A-
remberg de la Mai-
ſon d'Arſchot, mais
il l'avoit épouſée
ſans amour & vivoit
dreſſe, lors qu'une
violente colique,
dont la cauſe fut in-
connuë l'enleva du
monde dans deux
heures.
rié à Caroline d'A-
remberg de la Mai-
ſon d'Arſchot, mais
il l'avoit épouſée
ſans amour & vivoit
15
d'Isembovrg.
avec elle ſans ten-dreſſe, lors qu'une
violente colique,
dont la cauſe fut in-
connuë l'enleva du
monde dans deux
heures.
Ce Comte avoit
de l'eſprit & du cou-
rage, l'ame liberal-
le & le cœur grand,
il eſtoit mal-fait,
mais ſes plus grands
deffauts étoient dans
ſon humeur, il l'a-
portée, bijarre, l'a-
mour qui adoucit
les naturels les plus
farouches n'avoit
pû changer le ſien.
Il n'avoit jamais rien
aymé, il eſtoit meſ-
me nay avec une
antipathie extreme
pour toutes les fem-
mes, & il en donna
dés le Berceau un
aſſez plaiſant témoi-
gnage, puis qu'on
faire teter aucune
femme. On luy choi-
ſit inutilement des
nourrices brunes,
des blondes, des
vieilles & des jeu-
nes, il les refuſa
toutes, & prit avec
avidité une chevre
qu'on luy preſenta.
Il avoit la phiſiono-
mie ſauvage & ter-
rible, & la condui-
te du Comte tenoit
que ſa phyſionomie
promettoit. Il eſt
aſſez difficile à l'a-
mour de ſe rendre
maiſtre d'un cœur
de cette nature, il
vint pourtant à bout
de celuy du Comte.
& quoy qu'il ne prit
pas le chemin qu'il
ſuit d'ordinaire pour
arriver aux autres
cœurs, il y parvint
enfin.
de l'eſprit & du cou-
rage, l'ame liberal-
le & le cœur grand,
il eſtoit mal-fait,
mais ſes plus grands
deffauts étoient dans
ſon humeur, il l'a-
16
La Comtesse
voit ſombre, em-portée, bijarre, l'a-
mour qui adoucit
les naturels les plus
farouches n'avoit
pû changer le ſien.
Il n'avoit jamais rien
aymé, il eſtoit meſ-
me nay avec une
antipathie extreme
pour toutes les fem-
mes, & il en donna
dés le Berceau un
aſſez plaiſant témoi-
gnage, puis qu'on
ne
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d'Isembovrg.
ne pût jamais luyfaire teter aucune
femme. On luy choi-
ſit inutilement des
nourrices brunes,
des blondes, des
vieilles & des jeu-
nes, il les refuſa
toutes, & prit avec
avidité une chevre
qu'on luy preſenta.
Il avoit la phiſiono-
mie ſauvage & ter-
rible, & la condui-
te du Comte tenoit
B
18
La Comtesse
fidellement tout ceque ſa phyſionomie
promettoit. Il eſt
aſſez difficile à l'a-
mour de ſe rendre
maiſtre d'un cœur
de cette nature, il
vint pourtant à bout
de celuy du Comte.
& quoy qu'il ne prit
pas le chemin qu'il
ſuit d'ordinaire pour
arriver aux autres
cœurs, il y parvint
enfin.
19
d'Isembovrg.
Comme le Com-
te ne connoiſſoit
point l'uſage des
ſoûpirs, il fut ſur-
pris des premiers qui
luy échaperent, il
ne ſçavoit ce qu'ils
demandoient, mais
ſes preſſants deſirs
le luy ayant bien-
toſt fait compren-
dre, par un accord
fatal de ſon deſtin
avec celuy de la jeu-
ne Princeſſe, il fut
Amans par le Com-
te & la Comteſſe de
Furſtemberg. Ce n'é-
toit pas ſans raiſon,
il avoit exercé les
premiers emplois de
l'Armée, il eſtoit
parvenu à celuy de
Meſtre de Camp ge-
neral, & c'eſtoit un
des plus riches & des
plus vaillans Sei-
gneurs de l'Empire.
te ne connoiſſoit
point l'uſage des
ſoûpirs, il fut ſur-
pris des premiers qui
luy échaperent, il
ne ſçavoit ce qu'ils
demandoient, mais
ſes preſſants deſirs
le luy ayant bien-
toſt fait compren-
dre, par un accord
fatal de ſon deſtin
avec celuy de la jeu-
ne Princeſſe, il fut
B ij
20
La Comtesse
preferé à tous lesAmans par le Com-
te & la Comteſſe de
Furſtemberg. Ce n'é-
toit pas ſans raiſon,
il avoit exercé les
premiers emplois de
l'Armée, il eſtoit
parvenu à celuy de
Meſtre de Camp ge-
neral, & c'eſtoit un
des plus riches & des
plus vaillans Sei-
gneurs de l'Empire.
A la fin de la Die-
Furſtemberg retour-
na chez elle avec la
jeune Marie Anne
ſa ſœur, & le Com-
te partit pour aller
à Iſembourg. Mais
comme il avoit dans
le cœur une impa-
tience amoureuſe à
laquelle il n'eſtoit
pas accouſtumé, il
fit tant de chemin
en peu de temps
qu'à peine le croyoit-
riva à Furſtemberg
pour épouſer la Prin-
ceſſe avec un train
digne d'un des plus
grands Princes de
l'Empire.
21
d'Isembovrg.
te la Comteſſe deFurſtemberg retour-
na chez elle avec la
jeune Marie Anne
ſa ſœur, & le Com-
te partit pour aller
à Iſembourg. Mais
comme il avoit dans
le cœur une impa-
tience amoureuſe à
laquelle il n'eſtoit
pas accouſtumé, il
fit tant de chemin
en peu de temps
qu'à peine le croyoit-
22
La Comtesse
on chez luy qu'il ar-riva à Furſtemberg
pour épouſer la Prin-
ceſſe avec un train
digne d'un des plus
grands Princes de
l'Empire.
L'amour l'inſtrui-
ſit tout d'un coup, il
fit faire un équipage
pour la Princeſſe auſ-
ſi galand qu'il eſtoit
magnifique, & ex-
citant la pante na-
turelle qu'il avoit
preſent à ſa maîtreſſe
d'une quantitié pro-
digieuſe de pierre-
ries. On a eu raiſon
de dire depuis, que
l'amour ne faiſoit
que mettre ces pier-
reries en dépot dans
les mains de la Prin-
ceſſe, & que le Com-
te s'en reſervoit l'u-
ſage. Quoy qu'il en
ſoit le Comte avoit
ſes intentions, & l'a-
les ſiennes.
ſit tout d'un coup, il
fit faire un équipage
pour la Princeſſe auſ-
ſi galand qu'il eſtoit
magnifique, & ex-
citant la pante na-
turelle qu'il avoit
23
d'Isembovrg.
d'eſtre liberal, il fitpreſent à ſa maîtreſſe
d'une quantitié pro-
digieuſe de pierre-
ries. On a eu raiſon
de dire depuis, que
l'amour ne faiſoit
que mettre ces pier-
reries en dépot dans
les mains de la Prin-
ceſſe, & que le Com-
te s'en reſervoit l'u-
ſage. Quoy qu'il en
ſoit le Comte avoit
ſes intentions, & l'a-
24
La Comtesse
mour pouvoit avoirles ſiennes.
La jeune Princeſ-
ſe paroiſſoit en cét
état ſi belle au Com-
te d'Iſembourg, qu'il
eſtoit le plus amou-
reux & le plus con-
tent de tous les hom-
mes. Il connoiſſoit
pourtant bien qu'il
n'en eſtoit pas aymé,
mais cette connoiſ-
ſance qui auroit
troublé les plaiſirs
nullement les ſiens,
il n'étoit pas d'hu-
meur de les gâter par
de ſemblables deli-
cateſſes. Il partit bien-
toſt aprés ſes Nopces
pour aller à Isẽbourg
diſpoſer les choſes
pour la reception de
la Comteſſe ſa fem-
me, la Princeſſe de
Bade & la Comteſſe
de Furſtemberg la
voulurent accompa-
preſque tout leur
voyage ſur le Rhin
& dans un batteau
des plus galans & des
plus magnifiques qui
euſſent jamais paru
ſur ce fleuve.
ſe paroiſſoit en cét
état ſi belle au Com-
te d'Iſembourg, qu'il
eſtoit le plus amou-
reux & le plus con-
tent de tous les hom-
mes. Il connoiſſoit
pourtant bien qu'il
n'en eſtoit pas aymé,
mais cette connoiſ-
ſance qui auroit
troublé les plaiſirs
d'un
25
d'Isembovrg.
d'un autre n'alteroitnullement les ſiens,
il n'étoit pas d'hu-
meur de les gâter par
de ſemblables deli-
cateſſes. Il partit bien-
toſt aprés ſes Nopces
pour aller à Isẽbourg
diſpoſer les choſes
pour la reception de
la Comteſſe ſa fem-
me, la Princeſſe de
Bade & la Comteſſe
de Furſtemberg la
voulurent accompa-
C
26
La Comtesse
gner. Elles firentpreſque tout leur
voyage ſur le Rhin
& dans un batteau
des plus galans & des
plus magnifiques qui
euſſent jamais paru
ſur ce fleuve.
Le Rhein eſt bor-
dé en ces endroits de
tres-agreables Vil-
les. Comme le Com-
te eſtoit en grande
conſideration en ce
païs-là ; les Gou-
giſtrats tâchoient à
l'envy de regaler la
Comteſſe ; ils luy
faiſoient par tout
des receptions ma-
gnifiques, les ri-
vages retentiſſoient
de mille concerts ;
on n'entendoit par
tout que des accla-
mations & des cris
de joye, & avec un
vin excellent qu'on
luy offroit ſelon la
putez de toutes ces
Villes venoient luy
faire des harangues.
Comme elle eſtoit
fort jeune ces cere-
monies la fatigue-
rent, la contrainte
n'eſt pas de cet âge, &
le divertiſſement &
la joye luy convien-
nent mieux ; la Com-
teſſe y avoit un pen-
chant que toutes les
infortunes de ſa vie
ger. Pour ſe divertir
& ſe delaſſer de la fa-
tigue de ces ennuy-
euſes harangues ; elle
s'aviſa de faire joüer
le perſonnage de
Comteſſe d'Iſem
bourg à une fille de
ſa ſuite à peu prés de
ſa taille, mais laide
& vieille. Le Com-
te plein d'amour &
de joye avoit publié
en paſſant qu'il ve-
Princeſſe jeune &
belle, & l'on l'avoit
cru de bonne foy.
L'étonnement de ces
Meſſieurs, & la peine
qu'ils avoient de pro-
noncer les mots de
belle & jeune eſtoit
une choſe tres-ré-
joüiſſante à voir. La
Princeſſe de Bade
s'en divertiſſoit com-
me la Comteſſe, mais
Madame de Furſtem-
& toûjours ſcrupu-
leuſe, craignant que
le Comte ne fut faſ-
ché que l'on puſt
condãner ſon choix
arrêta le cours de cet-
te plaiſanterie en fai-
ſant connoître la ve-
ritable Comteſſe, &
il fallut qu'elle écou-
tât de nouveau des
Harangues. Si bien
que lors que les Ha-
bitans de ces diffe-
voient enſemble, ils
avoient des conteſ-
tations ſur la beauté
ou ſur la laideur de
la Comteſſe d'Iſem-
bourg, dont ils ne
ſont pas encore d'ac-
cord.
dé en ces endroits de
tres-agreables Vil-
les. Comme le Com-
te eſtoit en grande
conſideration en ce
païs-là ; les Gou-
27
d'Isembovrg.
verneurs & les Ma-giſtrats tâchoient à
l'envy de regaler la
Comteſſe ; ils luy
faiſoient par tout
des receptions ma-
gnifiques, les ri-
vages retentiſſoient
de mille concerts ;
on n'entendoit par
tout que des accla-
mations & des cris
de joye, & avec un
vin excellent qu'on
luy offroit ſelon la
C ij
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La Comtesse
mode du païs ; les De-putez de toutes ces
Villes venoient luy
faire des harangues.
Comme elle eſtoit
fort jeune ces cere-
monies la fatigue-
rent, la contrainte
n'eſt pas de cet âge, &
le divertiſſement &
la joye luy convien-
nent mieux ; la Com-
teſſe y avoit un pen-
chant que toutes les
infortunes de ſa vie
29
d'Isembovrg.
on eu peine de chã-ger. Pour ſe divertir
& ſe delaſſer de la fa-
tigue de ces ennuy-
euſes harangues ; elle
s'aviſa de faire joüer
le perſonnage de
Comteſſe d'Iſem
bourg à une fille de
ſa ſuite à peu prés de
ſa taille, mais laide
& vieille. Le Com-
te plein d'amour &
de joye avoit publié
en paſſant qu'il ve-
C iij
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La Comtesse
noit d'épouſer unePrinceſſe jeune &
belle, & l'on l'avoit
cru de bonne foy.
L'étonnement de ces
Meſſieurs, & la peine
qu'ils avoient de pro-
noncer les mots de
belle & jeune eſtoit
une choſe tres-ré-
joüiſſante à voir. La
Princeſſe de Bade
s'en divertiſſoit com-
me la Comteſſe, mais
Madame de Furſtem-
31
d'Isembovrg.
berg toûjours ſevere& toûjours ſcrupu-
leuſe, craignant que
le Comte ne fut faſ-
ché que l'on puſt
condãner ſon choix
arrêta le cours de cet-
te plaiſanterie en fai-
ſant connoître la ve-
ritable Comteſſe, &
il fallut qu'elle écou-
tât de nouveau des
Harangues. Si bien
que lors que les Ha-
bitans de ces diffe-
C iiij
32
La Comtesse
rents lieux ſe trou-voient enſemble, ils
avoient des conteſ-
tations ſur la beauté
ou ſur la laideur de
la Comteſſe d'Iſem-
bourg, dont ils ne
ſont pas encore d'ac-
cord.
Elle arriva enfin à
Iſembourg. Il n'y a-
voit rien de ſi beau
que le Château, rien
n'en pouvoit ſurpaſ-
ſer la magnificence,
ſoit pour le dehors.
La ſtructure en eſtoit
admirable, & les
peintures, les lam-
bris, les jardins le ren-
doient un des plus
agreables lieux du
monde. La Com-
teſſe y fut receuë par
le Comte, tout plein
& tout tranſporté de
ſa paſſion, avec tou-
tes les marques de
tumé de faire paroî-
tre en ces ſortes d'oc-
caſions. Il luy fit de
nouveaux preſens de
Pierreries, & pen-
dant tout le ſejour
que la Princeſſe de
Bade & Mme de Furſ-
tẽberg firent à Iſem-
bourg, ce ne fut que
courſes de bague,
que promenades, que
parties de chaſſe, de
divertiſſement & de
de ces Princeſſes fut le
premier chagrin que
la Cõteſſe fit paroître,
elle y fut ſenſible au
delà de tout ce qu'on
pourroit exprimer,
& beaucoup plus que
le Comte n'euſt ſou-
haité, il faiſoit tous
ſes efforts pour la
conſoler, il s'aviſoit
de mille petites ma-
nieres pour la diver-
tir, en fin pour diſ-
où elle s'abandon-
noit quelquefois par
le ſouvenir de ce
qu'elle perdoit, il luy
faiſoit un détail de
tous les avantages
qu'il luy preparoit &
il n'oublioit rien
pour luy plaire.
Iſembourg. Il n'y a-
voit rien de ſi beau
que le Château, rien
n'en pouvoit ſurpaſ-
ſer la magnificence,
33
d'Isembovrg.
ſoit pour le dedansſoit pour le dehors.
La ſtructure en eſtoit
admirable, & les
peintures, les lam-
bris, les jardins le ren-
doient un des plus
agreables lieux du
monde. La Com-
teſſe y fut receuë par
le Comte, tout plein
& tout tranſporté de
ſa paſſion, avec tou-
tes les marques de
34
La Comtesse
joyes qu'on a accoû-tumé de faire paroî-
tre en ces ſortes d'oc-
caſions. Il luy fit de
nouveaux preſens de
Pierreries, & pen-
dant tout le ſejour
que la Princeſſe de
Bade & Mme de Furſ-
tẽberg firent à Iſem-
bourg, ce ne fut que
courſes de bague,
que promenades, que
parties de chaſſe, de
divertiſſement & de
35
d'Isembovrg.
plaiſir. La ſeparationde ces Princeſſes fut le
premier chagrin que
la Cõteſſe fit paroître,
elle y fut ſenſible au
delà de tout ce qu'on
pourroit exprimer,
& beaucoup plus que
le Comte n'euſt ſou-
haité, il faiſoit tous
ſes efforts pour la
conſoler, il s'aviſoit
de mille petites ma-
nieres pour la diver-
tir, en fin pour diſ-
36
La Comtesse
ſiper la mélancholieoù elle s'abandon-
noit quelquefois par
le ſouvenir de ce
qu'elle perdoit, il luy
faiſoit un détail de
tous les avantages
qu'il luy preparoit &
il n'oublioit rien
pour luy plaire.
Quand on ne com-
mence à aymer qu'à
l'âge de ſoixante ans
& qu'on s'y prend
d'abord de cette ma-
l'on devroit porter ſa
paſſion juſques au
tombeau. Cepen-
dant le vieux Comte
ceſſa bien-toſt d'ay-
mer, ſon cœur n'é-
toit pas propre à l'a-
mour. Il ſe laſſa d'une
paſſion ſi douce, &
les chagrins, les ſoup-
çons, les dégoûts en
chaſſerent bien-toſt
ce qu'il y avoit eu de
doux & de raiſonna-
ſon mariage il n'a-
voit point eſté à l'Ar-
mée exercer ſa va-
leur, il voulut l'em-
ployer à dompter la
beauté de ſa femme,
il ne ſongea plus qu'à
faire peur à la jeune
Comteſſe. Cela luy
fut plus facile que de
s'en faire aimer. Il
reprit ſon air ſombre
& ſauvage que l'a-
mour avoit un peu
la faiſoit un effet ſi
terrible ſur le cœur
& ſur l'eſprit de la
Comteſſe, qui n'a-
voit pas aſſez de
courage pour le re-
garder ſans frayeur.
Il ne s'entretenoit
que d'Hiſtoires tra-
giques, d'evenemens
funeſtes, & des pu-
nitions que de jeu-
nes femmes s'étoient
attirées de leurs vieux
nairement au lict
qu'il luy faiſoit ces
galands recits, &
une nuit la Comteſ-
ſe en fut ſi effrayée
qu'elle ne puſt s'em-
pécher de crier de
toute ſa force : un
long évanoüiſſemẽt
ſucceda à ſes cris, &
peut-eſtre ſeroit-elle
morte de frayeur ſi
l'on ne fût venu
promptement à ſon
fut fâché de l'avoir
jettée dans ce peril,
& par une grace ſin-
guliere il changea
l'heure de ſes entre-
tiens.
mence à aymer qu'à
l'âge de ſoixante ans
& qu'on s'y prend
d'abord de cette ma-
37
d'Isembovrg.
niere, il ſemble quel'on devroit porter ſa
paſſion juſques au
tombeau. Cepen-
dant le vieux Comte
ceſſa bien-toſt d'ay-
mer, ſon cœur n'é-
toit pas propre à l'a-
mour. Il ſe laſſa d'une
paſſion ſi douce, &
les chagrins, les ſoup-
çons, les dégoûts en
chaſſerent bien-toſt
ce qu'il y avoit eu de
doux & de raiſonna-
38
La Comtesse
ble. Comme depuisſon mariage il n'a-
voit point eſté à l'Ar-
mée exercer ſa va-
leur, il voulut l'em-
ployer à dompter la
beauté de ſa femme,
il ne ſongea plus qu'à
faire peur à la jeune
Comteſſe. Cela luy
fut plus facile que de
s'en faire aimer. Il
reprit ſon air ſombre
& ſauvage que l'a-
mour avoit un peu
39
d'Isembovrg.
radoucy, & tout ce-la faiſoit un effet ſi
terrible ſur le cœur
& ſur l'eſprit de la
Comteſſe, qui n'a-
voit pas aſſez de
courage pour le re-
garder ſans frayeur.
Il ne s'entretenoit
que d'Hiſtoires tra-
giques, d'evenemens
funeſtes, & des pu-
nitions que de jeu-
nes femmes s'étoient
attirées de leurs vieux
40
La Comtesse
maris. C'eſtoit ordi-nairement au lict
qu'il luy faiſoit ces
galands recits, &
une nuit la Comteſ-
ſe en fut ſi effrayée
qu'elle ne puſt s'em-
pécher de crier de
toute ſa force : un
long évanoüiſſemẽt
ſucceda à ſes cris, &
peut-eſtre ſeroit-elle
morte de frayeur ſi
l'on ne fût venu
promptement à ſon
ſecours.
41
d'Isembovrg.
ſecours. Le Comtefut fâché de l'avoir
jettée dans ce peril,
& par une grace ſin-
guliere il changea
l'heure de ſes entre-
tiens.
Lorſque la Com-
teſſe ne ſçavoit plus
que devenir, il arriva
pour ſa conſolation
une Courier de l'Em-
pereur qui portoit un
ordre preſſant au
Comte de ſe rendre
ſion de la guerre dõt
l'Empire eſtoit preſ-
que accablé par le
vaillant Guſtave Roi
de Suede. Le Comte
qui eſtoit habile ju-
gea d'abord que cet-
te guerre ſeroit lon-
gue & perilleuſe pour
les Alemans, mais il
craignit qu'elle ne
le devînt davantage
pour luy-meſme par
la beauté & la jeu-
qu'il eſtoit obligé de
quitter, & d'aban-
donner à ſa bonne
foy & à ſa conduite.
La campagne luy
paroiſſant plus ſuſ-
pecte qu'une Ville
où l'on eſt ſans ceſ-
ſe expoſé à la veuë
de tout le monde, il
ſe reſolut de faire al-
ler la Comteſſe à Co-
logne qui eſtoit la
ville la plus proche
tranſporta les meu-
bles les plus precieux
du Château, & le
Comte craignant
toûjours quelque
vangeance pour les
traitemens injurieux
qu'il avoit faits à la
Comteſſe voulut la
conduire luy-meſme
dans une Ville où il
croyoit eſtre mieux
à couvert de la ſeule
choſe qu'il craignoit
guerre fut d'un grand
ſecours à la Comteſ-
ſe pour la délivrer de
beaucoup d'ẽbarras
& diſſiper un peu ſes
chagrins, elle en a-
voit de plus d'une
maniere, & toute
jeune qu'elle eſtoit
elle ne pouvoit ſe
conſoler des ordres
cruels que le Comte
avoit donnez pour
ſon ſejour de Colo-
bord d'ébloüir tou-
te la Ville par une
joye qu'elle ne reſ-
ſentoit pas veritable-
ment dans l'ame,
mais à force de ca-
cher & de déguiſer
ſes douleurs elle les
étouffa tout-a-fait.
Elle oublia juſques
aux brutalitez & aux
injuſtices du Comte,
& jamais elle ne goû-
ta plus tranquille-
avoit ainſi paſſé ſes
beaux jours pendant
les ſix mois que le
Comte avoit fait la
guerre ſans que per-
ſonne ſe fut apper-
ceu de ſes déplaiſirs,
elle en auroit encore
paſſé bien d'autres, &
peut-eſtre qu'elle eut
même oublié tout à
fait qu'elle eſtoit la
plus mal-heureuſe
femme du monde ſi
nu luy-meſme pour
l'en faire reſſouvenir.
Comme il avoit paſ-
ſé ſix mois parmy le
ſang & le carnage, il
n'avoit point appris
à devenir plus trait-
table. Au contraire
il revint plus faſ-
cheux & plus farou-
che qu'il n'eſtoit au-
paravant. Il eſtoit ja-
loux ſans ſçavoir le
ſujet de ſa jalouſie. Il
ſoupçons ſans s'ar-
réter nulle part, par-
ce que la Comteſſe é-
toit innocente. Mais
enfin ils tomberent
ſur la perſonne du
monde pour qui elle
avoit le moins appre-
hendé.
teſſe ne ſçavoit plus
que devenir, il arriva
pour ſa conſolation
une Courier de l'Em-
pereur qui portoit un
ordre preſſant au
Comte de ſe rendre
D
42
La Comtesse
auprés de lui à l'occa-ſion de la guerre dõt
l'Empire eſtoit preſ-
que accablé par le
vaillant Guſtave Roi
de Suede. Le Comte
qui eſtoit habile ju-
gea d'abord que cet-
te guerre ſeroit lon-
gue & perilleuſe pour
les Alemans, mais il
craignit qu'elle ne
le devînt davantage
pour luy-meſme par
la beauté & la jeu-
43
d'Isembovrg.
neſſe d'une femmequ'il eſtoit obligé de
quitter, & d'aban-
donner à ſa bonne
foy & à ſa conduite.
La campagne luy
paroiſſant plus ſuſ-
pecte qu'une Ville
où l'on eſt ſans ceſ-
ſe expoſé à la veuë
de tout le monde, il
ſe reſolut de faire al-
ler la Comteſſe à Co-
logne qui eſtoit la
ville la plus proche
D ij
44
La Comtesse
d'Iſembourg, On ytranſporta les meu-
bles les plus precieux
du Château, & le
Comte craignant
toûjours quelque
vangeance pour les
traitemens injurieux
qu'il avoit faits à la
Comteſſe voulut la
conduire luy-meſme
dans une Ville où il
croyoit eſtre mieux
à couvert de la ſeule
choſe qu'il craignoit
45
d'Isembovrg.
au monde. Cetteguerre fut d'un grand
ſecours à la Comteſ-
ſe pour la délivrer de
beaucoup d'ẽbarras
& diſſiper un peu ſes
chagrins, elle en a-
voit de plus d'une
maniere, & toute
jeune qu'elle eſtoit
elle ne pouvoit ſe
conſoler des ordres
cruels que le Comte
avoit donnez pour
ſon ſejour de Colo-
46
La Comtesse
gne. Elle eſsaya d'a-bord d'ébloüir tou-
te la Ville par une
joye qu'elle ne reſ-
ſentoit pas veritable-
ment dans l'ame,
mais à force de ca-
cher & de déguiſer
ſes douleurs elle les
étouffa tout-a-fait.
Elle oublia juſques
aux brutalitez & aux
injuſtices du Comte,
& jamais elle ne goû-
ta plus tranquille-
47
d'Isembovrg.
ment le plaiſir. Elleavoit ainſi paſſé ſes
beaux jours pendant
les ſix mois que le
Comte avoit fait la
guerre ſans que per-
ſonne ſe fut apper-
ceu de ſes déplaiſirs,
elle en auroit encore
paſſé bien d'autres, &
peut-eſtre qu'elle eut
même oublié tout à
fait qu'elle eſtoit la
plus mal-heureuſe
femme du monde ſi
48
La Comtesse
le Comte ne fût ve-nu luy-meſme pour
l'en faire reſſouvenir.
Comme il avoit paſ-
ſé ſix mois parmy le
ſang & le carnage, il
n'avoit point appris
à devenir plus trait-
table. Au contraire
il revint plus faſ-
cheux & plus farou-
che qu'il n'eſtoit au-
paravant. Il eſtoit ja-
loux ſans ſçavoir le
ſujet de ſa jalouſie. Il
avoit
49
d'Isembovrg.
avoit l'ame pleine deſoupçons ſans s'ar-
réter nulle part, par-
ce que la Comteſſe é-
toit innocente. Mais
enfin ils tomberent
ſur la perſonne du
monde pour qui elle
avoit le moins appre-
hendé.
Entre tous les pre-
ſens que le Comte
luy avoit faits en l'é-
pouſant, il luy avoit
donné un page dont
prit eſtoient l'admi-
ration de tous ceux
qui le connoiſſoient.
Son pere s'appelloit
Maſſauve, il eſtoit
François, & d'une
ancienne famille de
la ville de Montpel-
lier. Par quelque ca-
price de ſon deſtin il
ſe maria en Lorrai-
ne, & s'attacha au
ſervice des plus pro-
ches parens de la
le ſe maria Madame
de Fuſtembourg pre-
ſenta le plus jeune
des fils de Maſsau-
ve au Comte d'Iſem-
bourg, qui le trou-
vant extrémement
bien fait le donna
pour Page à la Com-
teſſe ſa femme. Ce
Page devint en peu
de temps fort ac-
comply. Il eſtoit ſa-
ge, adroit, reſpec-
Comteſſe prenoit en
luy une confiance
entiere. Mais ce qui
devoit faire en par-
tie ſa conſolation de-
vint la ſource de tous
ſes malheurs.
ſens que le Comte
luy avoit faits en l'é-
pouſant, il luy avoit
donné un page dont
E
50
La Comtesse
la bonne mine & l'eſ-prit eſtoient l'admi-
ration de tous ceux
qui le connoiſſoient.
Son pere s'appelloit
Maſſauve, il eſtoit
François, & d'une
ancienne famille de
la ville de Montpel-
lier. Par quelque ca-
price de ſon deſtin il
ſe maria en Lorrai-
ne, & s'attacha au
ſervice des plus pro-
ches parens de la
51
d'Isembovrg.
Comteſſe. Lorſqu'el-le ſe maria Madame
de Fuſtembourg pre-
ſenta le plus jeune
des fils de Maſsau-
ve au Comte d'Iſem-
bourg, qui le trou-
vant extrémement
bien fait le donna
pour Page à la Com-
teſſe ſa femme. Ce
Page devint en peu
de temps fort ac-
comply. Il eſtoit ſa-
ge, adroit, reſpec-
E ij
52
La Comtesse
tueux, fidelle ; & laComteſſe prenoit en
luy une confiance
entiere. Mais ce qui
devoit faire en par-
tie ſa conſolation de-
vint la ſource de tous
ſes malheurs.
Ce Page paruſt
trop beau aux yeux
du Comte. Sa jeuneſ-
ſe & ſa bonne grace
le menaçoient ſans
ceſſe à ſon avis d'une
ſecrete intelligence
la Comteſſe, & il ne
pouvoit pas ſe per-
ſuader que deux jeu-
nes cœurs peuſſent
eſtre ſi prés l'un de
l'autre ſans s'embra-
zer.
trop beau aux yeux
du Comte. Sa jeuneſ-
ſe & ſa bonne grace
le menaçoient ſans
ceſſe à ſon avis d'une
ſecrete intelligence
53
d'Isembovrg.
avec les charmes dela Comteſſe, & il ne
pouvoit pas ſe per-
ſuader que deux jeu-
nes cœurs peuſſent
eſtre ſi prés l'un de
l'autre ſans s'embra-
zer.
Dés que les ſoup-
çons incertains du
Comte ſe furent ain-
ſi arrêtez ſur le jeune
Maſsauve, ils écla-
terẽt avec tant d'em-
portement que la
le premier jour de
cette jalouſie ſeroit
le dernier de la vie de
ſon Page ; cette crain-
te jointe au juſte reſ-
ſentiment qu'elle a-
voit d'un traitement
ſi injurieux la fit re-
ſoudre à prévenir les
ſuites d'un mal qui
pouvoit devenir fu-
neſte à ſon honneur
dans l'eſtime des
hommes qui ne ſe
jours la peine d'exa-
miner l'injuſtice d'un
vieux mari à l'égard
d'une jeune femme.
Pour cet effet ne pre-
nant conſeil que de
ſa ſeule innocence ;
elle le va trouver &
laiſſant agir tout ſon
air de douceur & de
Majeſté ; elle luy re-
proche ſes caprices
avec toute la ferme-
te d'une ame qui ſe
commettre un cri-
me ; elle luy fait voir
le peu de fondement
de ſa rage ; elle luy
en exaggere l'injuſti-
ce & la violence, &
s'offre à la faire ceſ-
ſer par toutes les
voyes qu'il voudra
luy preſcrire.
çons incertains du
Comte ſe furent ain-
ſi arrêtez ſur le jeune
Maſsauve, ils écla-
terẽt avec tant d'em-
portement que la
E iij
54
La Comtesse
Comteſſe crut quele premier jour de
cette jalouſie ſeroit
le dernier de la vie de
ſon Page ; cette crain-
te jointe au juſte reſ-
ſentiment qu'elle a-
voit d'un traitement
ſi injurieux la fit re-
ſoudre à prévenir les
ſuites d'un mal qui
pouvoit devenir fu-
neſte à ſon honneur
dans l'eſtime des
hommes qui ne ſe
55
d'Isembovrg.
donnent pas toû-jours la peine d'exa-
miner l'injuſtice d'un
vieux mari à l'égard
d'une jeune femme.
Pour cet effet ne pre-
nant conſeil que de
ſa ſeule innocence ;
elle le va trouver &
laiſſant agir tout ſon
air de douceur & de
Majeſté ; elle luy re-
proche ſes caprices
avec toute la ferme-
te d'une ame qui ſe
E iiij
56
La Comtesse
ſent incapable decommettre un cri-
me ; elle luy fait voir
le peu de fondement
de ſa rage ; elle luy
en exaggere l'injuſti-
ce & la violence, &
s'offre à la faire ceſ-
ſer par toutes les
voyes qu'il voudra
luy preſcrire.
C'eſt une étrange
fureur que la jalou-
ſie. Elle empoiſonne
tout ce qu'on fait
juſtification de la
Comteſſe acheva de
la perdre dans l'eſ-
prit de ſon vieux ma-
ri, & il ne peut pas ſe
perſuader qu'elle ne
fût coupable, puis
qu'elle prenoit tant
de ſoin de paroître
innocente.
fureur que la jalou-
ſie. Elle empoiſonne
tout ce qu'on fait
57
d'Isembovrg.
pour la guerir. Lajuſtification de la
Comteſſe acheva de
la perdre dans l'eſ-
prit de ſon vieux ma-
ri, & il ne peut pas ſe
perſuader qu'elle ne
fût coupable, puis
qu'elle prenoit tant
de ſoin de paroître
innocente.
Il n'eſt pas diffici-
le de juger combien
cette nouvelle in-
juſtice luy fit de
nouveller toutes ſes
douleurs, & peut-
eſtre qu'elle en euſt
eſté accablée ſi Maſ-
ſauve & Delmas une
de ſes filles en qui el-
le ſe confioit beau-
coup ne luy euſſent
donné un expedient
que mille experien-
ces ont fait trouver
infaillible en de pa-
reilles occaſions. Ce
fut de faire entre-
la Comteſſe avoit un
autre Amant, & dé-
tourner par cette
adreſſe le cours de ſa
jalouſie.
le de juger combien
cette nouvelle in-
juſtice luy fit de
58
La Comtesse
peine, elle ſentit re-nouveller toutes ſes
douleurs, & peut-
eſtre qu'elle en euſt
eſté accablée ſi Maſ-
ſauve & Delmas une
de ſes filles en qui el-
le ſe confioit beau-
coup ne luy euſſent
donné un expedient
que mille experien-
ces ont fait trouver
infaillible en de pa-
reilles occaſions. Ce
fut de faire entre-
59
d'Isembovrg.
voir au Comte quela Comteſſe avoit un
autre Amant, & dé-
tourner par cette
adreſſe le cours de ſa
jalouſie.
Le Prince Fran-
çois de Lorraine,
Doyen de Cologne,
eſtoit effectivement
amoureux de la
Comteſſe. Mais il
l'aimoit avec tant
de diſcretion que
perſonne n'avoit en-
cret. Il n'eſt pas mal-
aisé de vaincre la re-
tenuë d'un jeune
cœur fort amoureux.
La Comteſſe par mil-
le petites manieres
galantes & enjoüées
qui ne l'engageoient
à rien, rendit le Prin-
ce de Lorraine indiſ-
cret, la joye qu'elle
luy donna le troubla
tellement qu'il n'eut
plus la force de ca-
pas meſme au Com-
te d'Iſembourg, qui
croyant avoir une
penetration admira-
ble & ſortir de la
plus grande erreur
du monde, ceſſa d'ê-
tre jaloux du Page,
& le devint effecti-
vement du Doyen
de Cologne. Com-
me cét Amant luy
faiſoit moins de hon-
te & qu'il y avoit plus
Comteſſe aimât un
Prince, qu'un Page,
il s'abandonna ſans
reſiſtance à tout ce
qu'il plut à cette ja-
louſie de luy faire
ſentir. La Comteſſe
n'aimoit ny le Pa-
ge ny le Prince, mais
ſon innocence l'em-
peſchant de ne rien
craindre pour elle,
& le Prince de Lor-
raine n'eſtant pas ex-
Comte comme Maſ-
ſauve, elle s'applau-
diſſoit en ſecret de
l'eſtat où elle avoit
mis les choſes.
çois de Lorraine,
Doyen de Cologne,
eſtoit effectivement
amoureux de la
Comteſſe. Mais il
l'aimoit avec tant
de diſcretion que
perſonne n'avoit en-
60
La Comtesse
core penetré ſon ſe-cret. Il n'eſt pas mal-
aisé de vaincre la re-
tenuë d'un jeune
cœur fort amoureux.
La Comteſſe par mil-
le petites manieres
galantes & enjoüées
qui ne l'engageoient
à rien, rendit le Prin-
ce de Lorraine indiſ-
cret, la joye qu'elle
luy donna le troubla
tellement qu'il n'eut
plus la force de ca-
61
d'Isembovrg.
cher ſa paſſion, nonpas meſme au Com-
te d'Iſembourg, qui
croyant avoir une
penetration admira-
ble & ſortir de la
plus grande erreur
du monde, ceſſa d'ê-
tre jaloux du Page,
& le devint effecti-
vement du Doyen
de Cologne. Com-
me cét Amant luy
faiſoit moins de hon-
te & qu'il y avoit plus
62
La Comtesse
d'apparence que laComteſſe aimât un
Prince, qu'un Page,
il s'abandonna ſans
reſiſtance à tout ce
qu'il plut à cette ja-
louſie de luy faire
ſentir. La Comteſſe
n'aimoit ny le Pa-
ge ny le Prince, mais
ſon innocence l'em-
peſchant de ne rien
craindre pour elle,
& le Prince de Lor-
raine n'eſtant pas ex-
63
d'Isembourg.
poſé à la colere duComte comme Maſ-
ſauve, elle s'applau-
diſſoit en ſecret de
l'eſtat où elle avoit
mis les choſes.
Le vieux Comte
qui ſouffroit toutes
les injures de l'air &
toutes les fatigues
de la guerre ſans ſe
plaindre feignoit d'ê-
tre malade dés qu'il
arrivoit à Cologne à
la fin de la campa-
bougeoit de ſa cham-
bre & il falloit mal-
gré luy qu'il y vit ſou-
vent le Prince de
Lorraine. Sa naiſ-
ſance & ſa dignité ne
luy permettant pas
de luy faire les mau-
vais tours qu'il fai-
ſoit à d'autres. La
Comteſſe n'avoit la
liberté de ſortir que
pour aller aux Car-
melites viſiter une
prenoit mille ſoins
pour ſa conſolation ;
c'eſtoit une fort bel-
le & fort ſpirituelle
perſonne, dont Hen-
ry Prince d'Orange
avoit eſté extreme-
ment amoureux : a-
pres qu'elle eut fait
tous les efforts poſ-
ſibles pour le guerir
d'une paſſion qu'elle
ne pouvoit approu-
ver, elle s'échapa ſe-
jetter dans la ville de
Grol ſous la domi-
nation du Roy d'Eſ-
pagne. Vne action ſi
belle redoubla l'eſti-
me & la tendreſſe du
Prince, & ſon amour
luy faiſant trouver
des pretextes de guer-
re aſsez ſpecieux, il
fit comprendre aux
Hollandois que l'aſ-
ſiete de la ville de
Grol coûtoit de gran-
Duché de Gueldres,
& à toute la Friſe a-
vec l'entretien de
huit mille Hollan-
dois pour empeſcher
les courſes de la Gar-
niſon de cette Place.
L'avis du Prince d'O-
range fut ſuivi. Grol
fut aſſiegé & bien-
toſt reduit à ſe ren-
dre2. Dans la priſe
d'une Ville tous les
crimes ſemblent per-
ce victorieux avoit
reſolu d'enlever ſa
Maîtreſſe, mais elle
luy parla avec tant
d'eſprit & d'une ma-
niere ſi forte & ſi tou-
chante, que ce Prince
devint tout d'un
coup reſpectueux &
moderé : Neanmoins
cette ſage fille crai-
gnant toûjours quel-
que retour des ſenti-
mens impetueux du
rechef dans les Car-
melites de Cologne,
c'eſt-là qu'elle con-
ſoloit la Comteſſe
d'Iſembourg : elle
ſçavoit toutes les in-
trigues des Seigneurs
de Flandres & de la
Cour du Prince d'O-
range, & divertiſſant
la Comteſſe par mil-
le contes agreables
elle luy faiſoit mieux
goûter ce qu'elle luy
lide.
qui ſouffroit toutes
les injures de l'air &
toutes les fatigues
de la guerre ſans ſe
plaindre feignoit d'ê-
tre malade dés qu'il
arrivoit à Cologne à
la fin de la campa-
64
La Comtesse
gne. La Comteſſe nebougeoit de ſa cham-
bre & il falloit mal-
gré luy qu'il y vit ſou-
vent le Prince de
Lorraine. Sa naiſ-
ſance & ſa dignité ne
luy permettant pas
de luy faire les mau-
vais tours qu'il fai-
ſoit à d'autres. La
Comteſſe n'avoit la
liberté de ſortir que
pour aller aux Car-
melites viſiter une
ſainte
65
d'Isembovrg.
ſainte Religieuſe quiprenoit mille ſoins
pour ſa conſolation ;
c'eſtoit une fort bel-
le & fort ſpirituelle
perſonne, dont Hen-
ry Prince d'Orange
avoit eſté extreme-
ment amoureux : a-
pres qu'elle eut fait
tous les efforts poſ-
ſibles pour le guerir
d'une paſſion qu'elle
ne pouvoit approu-
ver, elle s'échapa ſe-
F
66
La Comtesse
cretement & s'allajetter dans la ville de
Grol ſous la domi-
nation du Roy d'Eſ-
pagne. Vne action ſi
belle redoubla l'eſti-
me & la tendreſſe du
Prince, & ſon amour
luy faiſant trouver
des pretextes de guer-
re aſsez ſpecieux, il
fit comprendre aux
Hollandois que l'aſ-
ſiete de la ville de
Grol coûtoit de gran-
67
d'Isembovrg.
des contributions auDuché de Gueldres,
& à toute la Friſe a-
vec l'entretien de
huit mille Hollan-
dois pour empeſcher
les courſes de la Gar-
niſon de cette Place.
L'avis du Prince d'O-
range fut ſuivi. Grol
fut aſſiegé & bien-
toſt reduit à ſe ren-
dre2. Dans la priſe
d'une Ville tous les
crimes ſemblent per-
F ij
68
La Comtesse
mis. Ce jeune Prin-ce victorieux avoit
reſolu d'enlever ſa
Maîtreſſe, mais elle
luy parla avec tant
d'eſprit & d'une ma-
niere ſi forte & ſi tou-
chante, que ce Prince
devint tout d'un
coup reſpectueux &
moderé : Neanmoins
cette ſage fille crai-
gnant toûjours quel-
que retour des ſenti-
mens impetueux du
69
d'Isembovrg.
Prince, s'enfuit de-rechef dans les Car-
melites de Cologne,
c'eſt-là qu'elle con-
ſoloit la Comteſſe
d'Iſembourg : elle
ſçavoit toutes les in-
trigues des Seigneurs
de Flandres & de la
Cour du Prince d'O-
range, & divertiſſant
la Comteſſe par mil-
le contes agreables
elle luy faiſoit mieux
goûter ce qu'elle luy
70
La Comtesse
diſoit en ſuite de ſo-lide.
Pour donner quel-
que ſoulagement à la
captivité de la Com-
teſſe, le Ciel permit
que l'Infante Iſabel-
le, Claire, Eugenie,
qui gouvernoit les
Païs bas, pria le Com-
te d'Iſembourg de
trouver bon que ſa
femme allât tenir à
ſa place & faire bap-
tiſer à ſon nom un
Neubourg. Il y con-
ſentit parce qu'il n'o-
ſa pas le refuſer : &
comme ſa mere a-
voit eſté tendre-
ment aimée de l'In-
fante, il donna un
train magnifique à
la Comteſſe, & luy
fit faire tant de libe-
ralitez que l'Infante
meſme n'en eut pas
fait davantage. Le
Duc de Neubourg
en uſage pour diver-
tir la Comteſse, il
avoit des troupes ſur
pied qu'il avoit par-
tagées afin que le
Prince ſon fils en
commandât la moi-
tié ; il voulut lui don-
ner le plaiſir d'une
eſpece de combat.
Le vieux Duc ſe mit
à la teſte de ſes trou-
pes, & le jeune Prince
à la teſte des ſiennes.
au combat comme
on y vient dans un
carrouzel, mais par
quelque accident les
ſoldats s'irriterent ſi
fort les uns contre
les autres qu'ils com-
battirent comme en-
nemis. Le Duc & ſon
fils eurent toutes les
peines du monde de
les arreſter. La Com-
teſse penſa mourir
de frayeur & les Ale-
ſtitieux, on crut d'a-
bord que c'eſtoit un
preſage de la mau-
vaiſe intelligẽce qu'il
y eut bien-toſt apres
entre le Duc & ſon
fils, qui n'eſtoit pas
content depuis que
ſon pere avoit épou-
ſé en ſecondes nop-
ces la fille du Duc des
deux Ponts.
que ſoulagement à la
captivité de la Com-
teſſe, le Ciel permit
que l'Infante Iſabel-
le, Claire, Eugenie,
qui gouvernoit les
Païs bas, pria le Com-
te d'Iſembourg de
trouver bon que ſa
femme allât tenir à
ſa place & faire bap-
tiſer à ſon nom un
71
d'Isembovrg.
enfant du Duc deNeubourg. Il y con-
ſentit parce qu'il n'o-
ſa pas le refuſer : &
comme ſa mere a-
voit eſté tendre-
ment aimée de l'In-
fante, il donna un
train magnifique à
la Comteſſe, & luy
fit faire tant de libe-
ralitez que l'Infante
meſme n'en eut pas
fait davantage. Le
Duc de Neubourg
72
La Comtesse
de ſon coſté mit touten uſage pour diver-
tir la Comteſse, il
avoit des troupes ſur
pied qu'il avoit par-
tagées afin que le
Prince ſon fils en
commandât la moi-
tié ; il voulut lui don-
ner le plaiſir d'une
eſpece de combat.
Le vieux Duc ſe mit
à la teſte de ſes trou-
pes, & le jeune Prince
à la teſte des ſiennes.
Ils
73
d'Isembovrg.
Ils vinrent d'abordau combat comme
on y vient dans un
carrouzel, mais par
quelque accident les
ſoldats s'irriterent ſi
fort les uns contre
les autres qu'ils com-
battirent comme en-
nemis. Le Duc & ſon
fils eurent toutes les
peines du monde de
les arreſter. La Com-
teſse penſa mourir
de frayeur & les Ale-
G
74
La Comtesse
mands eſtant ſuper-ſtitieux, on crut d'a-
bord que c'eſtoit un
preſage de la mau-
vaiſe intelligẽce qu'il
y eut bien-toſt apres
entre le Duc & ſon
fils, qui n'eſtoit pas
content depuis que
ſon pere avoit épou-
ſé en ſecondes nop-
ces la fille du Duc des
deux Ponts.
Cependant la guer-
re duroit toûjours, &
bourg eſtoit trop at-
taché au ſervice de
l'Empereur pour mã-
quer de ſe rendre à
l'Armée au commen-
cement de la campa-
gne. Ainſi le Prin-
temps faiſoit renaî-
tre les innocens plai-
ſirs de la Comteſſe,
& l'Hyver luy rame-
noit ſon vieux mary
plus bizarre & plus
terrible que lors qu'il
injuſtes ſoupçons
s'étoient renouvelez
contre le jeune Maſ-
ſauve, quoy que n'é-
tant plus Page il le
ſuivit toûjours à
l'armée.
re duroit toûjours, &
75
d'Isembovrg.
le Comte d'Iſem-bourg eſtoit trop at-
taché au ſervice de
l'Empereur pour mã-
quer de ſe rendre à
l'Armée au commen-
cement de la campa-
gne. Ainſi le Prin-
temps faiſoit renaî-
tre les innocens plai-
ſirs de la Comteſſe,
& l'Hyver luy rame-
noit ſon vieux mary
plus bizarre & plus
terrible que lors qu'il
G ij
76
La Comtesse
eſtoit party. Sesinjuſtes ſoupçons
s'étoient renouvelez
contre le jeune Maſ-
ſauve, quoy que n'é-
tant plus Page il le
ſuivit toûjours à
l'armée.
La Comteſſe avoit
naturellement une
ſi grande crainte de
la mort que jamais
perſonne ne l'a tant
apprehendée, elle fai-
ſoit de grand cris
ſonner les cloches
pour un enterremẽt,
& ne paroiſſoit ja-
mais ſatisfaite que
lors qu'elle eſtoit
pleinement inſtruite
de la maladie & de la
mort de celuy qu'on
alloit enterrer. Elle
apprit un jour que
trois perſonnes é-
toient mortes d'une
meſme maladie, &
qu'un de ſes domeſ-
qué ; Il ne luy en fal-
lut pas davantage
pour luy faire quitter
Cologne, elle s'en-
fuit d'abord dans
un Chaſteau d'une
Dame de ſes amies,
& cette meſme nuit
le Prince de Lorrai-
ne arriva dans ce
Château. La Com-
teſſe ſe troublant de
cette avanture, luy
demanda dés qu'il
pouvoit l'avoir ame-
né à cette heure en ce
lieu. Mais, vous meſ-
me, Madame, luy dit-
il, feignant d'eſtre
auſſi ſurpris que la
Comteſſe paroiſſoit
interdite, que faites-
vous icy ? Ie fuis la
mort, reprit-elle, qui
ravage tous dans la
ruë que j'habite à
Cologne, & j'ay
choiſi ce lieu parce
pur, deux de mes
domeſtiques ſont
morts de meſme au-
jourdh'uy. Madame,
reſpondit le Prince,
ma maiſon eſt in-
fectée, toute la ville
de Cologne le va
devenir, je crains la
mort comme vous,
adjoûta-t'il en riant,
& je ſuis venu dans
ce lieu connoiſsant
la pureté de l'air que
Prince, luy dit-elle,
il faut vous en re-
tourner, vous ſçavez
à quels égards m'en-
gage le chagrin que
le Comte d'Iſem-
bourg a contre vous.
Quoy, Madame, re-
pliqua le Prince en
riant, toûjours j'i-
rois mourir à Colo-
gne pour faire plai-
ſir au Comte d'Iſem-
bourg, vous me diſ-
plaiſt de cette obeïſ-
ſance. La Comteſse
eut beau parler, le
Prince ne répondoit
qu'en plaiſantant à
tout ce qu'elle luy
diſoit de ſerieux. La
maîtreſse du logis &
deux de ſes amies qui
l'eſtoient auſſi du
Prince de Lorraine
la determinerent à
ſouffrir de bonne
grace ce qu'elle ne
qu'elle avoit ren-
voyé ſon équipage,
& que le Prince ne
luy auroit pas aſſeu-
rément preſté le ſien.
Il ſe rendit donc ga-
lamment le maiſtre
de cette maiſon, &
durãt huit jours l'on
ne vit que ſes Offi-
ciers qui traiterent la
Comteſſe & les au-
tres Dames avec une
magnificence prodi-
gieuſe.
naturellement une
ſi grande crainte de
la mort que jamais
perſonne ne l'a tant
apprehendée, elle fai-
ſoit de grand cris
77
d'Isembovrg.
dés qu'elle entendoitſonner les cloches
pour un enterremẽt,
& ne paroiſſoit ja-
mais ſatisfaite que
lors qu'elle eſtoit
pleinement inſtruite
de la maladie & de la
mort de celuy qu'on
alloit enterrer. Elle
apprit un jour que
trois perſonnes é-
toient mortes d'une
meſme maladie, &
qu'un de ſes domeſ-
G iij
78
La Comtesse
tiques en eſtoit atta-qué ; Il ne luy en fal-
lut pas davantage
pour luy faire quitter
Cologne, elle s'en-
fuit d'abord dans
un Chaſteau d'une
Dame de ſes amies,
& cette meſme nuit
le Prince de Lorrai-
ne arriva dans ce
Château. La Com-
teſſe ſe troublant de
cette avanture, luy
demanda dés qu'il
79
d'Isembovrg.
parut, qu'eſt-ce quipouvoit l'avoir ame-
né à cette heure en ce
lieu. Mais, vous meſ-
me, Madame, luy dit-
il, feignant d'eſtre
auſſi ſurpris que la
Comteſſe paroiſſoit
interdite, que faites-
vous icy ? Ie fuis la
mort, reprit-elle, qui
ravage tous dans la
ruë que j'habite à
Cologne, & j'ay
choiſi ce lieu parce
G iiij
80
La Comtesse
que l'air y eſt bon &pur, deux de mes
domeſtiques ſont
morts de meſme au-
jourdh'uy. Madame,
reſpondit le Prince,
ma maiſon eſt in-
fectée, toute la ville
de Cologne le va
devenir, je crains la
mort comme vous,
adjoûta-t'il en riant,
& je ſuis venu dans
ce lieu connoiſsant
la pureté de l'air que
81
d'Isembovrg.
l'on y reſpire. Ah !Prince, luy dit-elle,
il faut vous en re-
tourner, vous ſçavez
à quels égards m'en-
gage le chagrin que
le Comte d'Iſem-
bourg a contre vous.
Quoy, Madame, re-
pliqua le Prince en
riant, toûjours j'i-
rois mourir à Colo-
gne pour faire plai-
ſir au Comte d'Iſem-
bourg, vous me diſ-
82
La Comtesse
penſerez s'il vousplaiſt de cette obeïſ-
ſance. La Comteſse
eut beau parler, le
Prince ne répondoit
qu'en plaiſantant à
tout ce qu'elle luy
diſoit de ſerieux. La
maîtreſse du logis &
deux de ſes amies qui
l'eſtoient auſſi du
Prince de Lorraine
la determinerent à
ſouffrir de bonne
grace ce qu'elle ne
83
d'Isembovrg.
pouvoit éviter, puisqu'elle avoit ren-
voyé ſon équipage,
& que le Prince ne
luy auroit pas aſſeu-
rément preſté le ſien.
Il ſe rendit donc ga-
lamment le maiſtre
de cette maiſon, &
durãt huit jours l'on
ne vit que ſes Offi-
ciers qui traiterent la
Comteſſe & les au-
tres Dames avec une
magnificence prodi-
gieuſe.
84
La Comtesse
C'eſtoit ſur la fin
de d'Eſté. Le Comte
d'Iſembourg arriva
bien-toſt de l'Ar-
mée, & ſon retour
troubla toutes les
feſtes. Il avoit des
gens gagez pour luy
rendre compte de la
conduite de ſa fem-
me, qui ne manque-
rent pas de luy dire
cette abſence de huit
jours avec toutes ſes
circonſtances. Ia-
ré de mouvemens ſi
violens. Le Comte
forma déslors le deſ-
ſein de faire mourir
ſa femme, il n'avoit
point d'enfans & l'eſ-
poir qui luy reſtoit
encore d'en avoir
combattoit quel-
quefois ce noir deſ-
ſein. Il ne voulut pas
demeurer dans l'irre-
ſolution. Il conſulta
les Medecins qui fi-
medes à la Comteſ-
ſe ſi oppoſez à ſon
temperament qu'elle
en a eſté incommo-
dée toute ſa vie, mais
comme cela ne le
contentoit pas il la
fit déguiſer un jour,
& ſe déguiſant luy-
meſme ſans luy rien
dire de ſon deſſein, il
la mena chez un ha-
bile Iuif qui ſe m'é-
loit de prédire l'ave-
connoiſtre leur de-
clara qu'ils n'au-
roient jamais d'en-
fans. Ils s'en conſo-
lerent tous deux, la
Comteſſe parce qu'el-
le crût qu'on ne la
tourmenteroit plus
par des remedes, &
le Comte par ce qu'il
pouvoit la faire mou-
rir ſans regret. Dés
le lendemain il ne
luy parla plus que de
ſçavoit avec quelle
foibleſſe la Comteſ-
ſe craignoit la mort,
& ſa rage n'euſt pas
eſté ſatisfaite ſi elle
l'euſt ſoufferte ſans
la prévoir.
de d'Eſté. Le Comte
d'Iſembourg arriva
bien-toſt de l'Ar-
mée, & ſon retour
troubla toutes les
feſtes. Il avoit des
gens gagez pour luy
rendre compte de la
conduite de ſa fem-
me, qui ne manque-
rent pas de luy dire
cette abſence de huit
jours avec toutes ſes
circonſtances. Ia-
85
d'Isembovrg.
mais la rage n'a inſpi-ré de mouvemens ſi
violens. Le Comte
forma déslors le deſ-
ſein de faire mourir
ſa femme, il n'avoit
point d'enfans & l'eſ-
poir qui luy reſtoit
encore d'en avoir
combattoit quel-
quefois ce noir deſ-
ſein. Il ne voulut pas
demeurer dans l'irre-
ſolution. Il conſulta
les Medecins qui fi-
86
La Comtesse
rent prendre des re-medes à la Comteſ-
ſe ſi oppoſez à ſon
temperament qu'elle
en a eſté incommo-
dée toute ſa vie, mais
comme cela ne le
contentoit pas il la
fit déguiſer un jour,
& ſe déguiſant luy-
meſme ſans luy rien
dire de ſon deſſein, il
la mena chez un ha-
bile Iuif qui ſe m'é-
loit de prédire l'ave-
87
d'Isembovrg.
nir, & qui ſans lesconnoiſtre leur de-
clara qu'ils n'au-
roient jamais d'en-
fans. Ils s'en conſo-
lerent tous deux, la
Comteſſe parce qu'el-
le crût qu'on ne la
tourmenteroit plus
par des remedes, &
le Comte par ce qu'il
pouvoit la faire mou-
rir ſans regret. Dés
le lendemain il ne
luy parla plus que de
88
La Comtesse
fer & de priſon. Ilſçavoit avec quelle
foibleſſe la Comteſ-
ſe craignoit la mort,
& ſa rage n'euſt pas
eſté ſatisfaite ſi elle
l'euſt ſoufferte ſans
la prévoir.
Vn jour qu'il la
regardoit d'une ma-
niere où la Comteſ-
ſe crût d'entrevoir
quelque choſe de
moins farouche qu'à
ſon ordinaire. Elle
une douceur capable
de toucher le plus
barbare de tous les
hommes. Qu'eſt-ce
qu'elle voyoit dãs ſes
yeux de moins mena-
çãt que de coûtume.
C'eſt que je vous
trouve fort belle au-
jourd'huy, luy dit-
il, & que je prends
plaiſir de m'imaginer
en vous regardant
que quand il me plai-
qu'un objet d'hor-
reur. Quoy que les
termes fuſſent aſſez
intelligibles, & qu'il
ne fut pas mal-aisé
de donner dans le
ſens du Comte, la
Comteſſe ne penetra
pas d'abord cette ré-
ponſe. Son eſprit
quelque éclairé qu'il
fut, ne comprit pas
ce qu'elle avoit d'ef-
froyable : Et par
luy dit-elle en riant,
me pouvez-vous
oſter tout d'un coup
le peu de beauté
que le Ciel m'a don-
née, & uſurper le
droit du temps qui
meſme n'a le pou-
voir que de me l'ô-
ter peu à peu ? Mou
art eſt ſeur, reprit le
Comte, j'ay plus
d'un ſecret pour ce-
teray en femme de
qualité. Ie ne me ſer-
virai que d'une pou-
dre de Diamans qui
donne une colique
toute faite comme
celle qui fit mourir
dans deux heures
Caroline d'Arem-
berg ma premiere
femme Ah ! Ciel,
s'écria la Comteſſe,
qui le comprit enfin,
des cruels deſſeins de
cet inhumain, & ſor-
tant precipitamment
de la chambre du
Comte elle courut
dans la ſienne s'a-
bandonner à la plus
juſte de toutes les
douleurs.
regardoit d'une ma-
niere où la Comteſ-
ſe crût d'entrevoir
quelque choſe de
moins farouche qu'à
ſon ordinaire. Elle
luy
89
d'Isembovrg.
luy demanda avecune douceur capable
de toucher le plus
barbare de tous les
hommes. Qu'eſt-ce
qu'elle voyoit dãs ſes
yeux de moins mena-
çãt que de coûtume.
C'eſt que je vous
trouve fort belle au-
jourd'huy, luy dit-
il, & que je prends
plaiſir de m'imaginer
en vous regardant
que quand il me plai-
H
90
La Comtesse
ra vous ne ſerez plusqu'un objet d'hor-
reur. Quoy que les
termes fuſſent aſſez
intelligibles, & qu'il
ne fut pas mal-aisé
de donner dans le
ſens du Comte, la
Comteſſe ne penetra
pas d'abord cette ré-
ponſe. Son eſprit
quelque éclairé qu'il
fut, ne comprit pas
ce qu'elle avoit d'ef-
froyable : Et par
91
d'Isembovrg.
quel art magique, luy dit-elle en riant,
me pouvez-vous
oſter tout d'un coup
le peu de beauté
que le Ciel m'a don-
née, & uſurper le
droit du temps qui
meſme n'a le pou-
voir que de me l'ô-
ter peu à peu ? Mou
art eſt ſeur, reprit le
Comte, j'ay plus
d'un ſecret pour ce-
H ij
92
La Comtesse
la ; mais je vous trai-teray en femme de
qualité. Ie ne me ſer-
virai que d'une pou-
dre de Diamans qui
donne une colique
toute faite comme
celle qui fit mourir
dans deux heures
Caroline d'Arem-
berg ma premiere
femme Ah ! Ciel,
s'écria la Comteſſe,
qui le comprit enfin,
93
d'Isembovrg.
garantiſſez-moydes cruels deſſeins de
cet inhumain, & ſor-
tant precipitamment
de la chambre du
Comte elle courut
dans la ſienne s'a-
bandonner à la plus
juſte de toutes les
douleurs.
Maſſauve luy eſtoit
toûjours fidelle, &
Delmas n'eſtoit pas
moins dans ſes in-
tereſts aprés un tor-
leur apprit ce que le
Comte venoit de luy
dire, qu'il luy avoit
avoüé qu'il avoit
empoiſonné ſa pre-
miere femme, & qu'il
l'avoit menacée d'un
pareil traitement : Et
là deſſus s'abandon-
nant derechef à ſes
larmes, elle diſoit des
choſes ſi touchantes
que le Comte meſ-
me auroit eu de la
attendry.
toûjours fidelle, &
Delmas n'eſtoit pas
moins dans ſes in-
tereſts aprés un tor-
94
La Comtesse
rent de larmes, elleleur apprit ce que le
Comte venoit de luy
dire, qu'il luy avoit
avoüé qu'il avoit
empoiſonné ſa pre-
miere femme, & qu'il
l'avoit menacée d'un
pareil traitement : Et
là deſſus s'abandon-
nant derechef à ſes
larmes, elle diſoit des
choſes ſi touchantes
que le Comte meſ-
me auroit eu de la
95
d'Isembovrg.
peine à n'en eſtre pasattendry.
Maſſauve & Del-
mas touchez du mal-
heur de leur Maîtreſ-
ſe luy conſeillerent
d'écrire à Meſdames
de Bade & de Furſ-
temberg de la vou-
loir ſecourir & la re-
tirer des mains du
Comte, ce qu'elle
fit. Mais on eſt toû-
jours coupable quãd
on eſt jeune & belle,
mary. Les ſœurs de
la Comteſſe la con-
damnerent, & Ma-
dame de Furſtem-
berg ſçavante & ſpi-
rituelle s'attacha à
luy prouver par bon-
nes raiſons qu'elle a-
voit tort; qu'une jeu-
ne & honneſte fem-
me ne devoit jamais
quitter ſon mary,
qu'elle n'avoit rien
à craindre par cet-
que l'on ne menace
point d'un mal qu'on
veut faire, & que puis
que le Comte par-
loit de poiſon, il fal-
loit conclurre qu'il
ne ſongeoit pas à en
donner.
mas touchez du mal-
heur de leur Maîtreſ-
ſe luy conſeillerent
d'écrire à Meſdames
de Bade & de Furſ-
temberg de la vou-
loir ſecourir & la re-
tirer des mains du
Comte, ce qu'elle
fit. Mais on eſt toû-
jours coupable quãd
on eſt jeune & belle,
96
La Comtesse
& que l'on a un vieuxmary. Les ſœurs de
la Comteſſe la con-
damnerent, & Ma-
dame de Furſtem-
berg ſçavante & ſpi-
rituelle s'attacha à
luy prouver par bon-
nes raiſons qu'elle a-
voit tort; qu'une jeu-
ne & honneſte fem-
me ne devoit jamais
quitter ſon mary,
qu'elle n'avoit rien
à craindre par cet-
te
97
d'Isembovrg.
te maxime generaleque l'on ne menace
point d'un mal qu'on
veut faire, & que puis
que le Comte par-
loit de poiſon, il fal-
loit conclurre qu'il
ne ſongeoit pas à en
donner.
Toutes ces raiſons
ne raſſeurerent pas la
Comteſſe. Elle avoit
inceſſament devant
les yeux l'image de
cette mort qu'elle
n'ayant plus d'eſpe-
rance qu'en la fide-
lité de Maſſauve elle
l'obligea d'écrire à
un de ſes freres qui
étoit plus âge que lui
& qui commandoit
en Lorraine le Regi-
ment de Vaubecourt
depuis la mort de ſon
pere, de d'en venir
inceſſamment pour
une affaire de la der-
niere conſequence. Il
feu Prince de Ho-
henzollern, & la
Comteſſe ne doutoit
pas qu'il n'entraſt
dans ſes intereſts auſ-
ſi bien que ſon pere.
En effet Maſſauve
l'aiſné ſe rendit à
Cologne en diligen-
ce, & aprés avoir eſté
inſtruit par ſon frere,
feignant d'avoir une
méchante affaire ſur
les bras, il demanda
ſembourg qui le luy
accorda de bonne
grace. Il n'euſt pas
plûtoſt appris le dé-
tail des avantures de
la Comteſſe, qu'il par-
tagea d'abord toutes
ſes craintes avec el-
le, il n'oublia rien
pour ſa ſeureté, &
ces deux freres ayant
gagné les Officiers
du Comte ne man-
quoient jamais de
certaines viandes dõt
la Comteſſe man-
geoit lorſqu'ils luy
avoient fait ſigne
qu'elle pouvoit le fai-
re avec aſſeurance.
Maſſauve l'aiſné lia
une ſi étroite amitié
avec un des valets de
chambre du Com-
te, que ce Prince ne
pouvoit plus rien fai-
re que Maſſauve n'en
fut averti. Il ſçavoit
penſées, & ſon ami
luy en rendoit un ſi
bon compte que la
Comteſſe n'ignoroit
plus rien de ce qui ſe
paſſoit ſur ſon ſujet
dans l'ame de ſon
vieux mary. Il luy
bailla même un jour
un papier qu'il diſoit
avoir trouvé dans la
poche d'un habit que
ſon Maiſtre avoit
quitté. Ce papier en-
dre. Maſſauve la mon-
tra à la Comteſſe, &
cette jeune Princeſſe
en qui la crainte de la
mort fit ce qu'elle a
coûtume de faire
dans les ames les plus
timides, ne doutant
pas que ce ne fût cet-
te poudre de diamans
dont le Comte l'a-
voit menacée, decla-
ra dés ce moment
aux deux Maſſauves
lument quitter le
Comte & s'en aller
dans quelque Royau-
me étranger s'ils a-
voient aſſez d'atta-
chement pour elle
pour l'y vouloir con-
duire. Ils s'engage-
rent à tout ce qu'elle
voulut. Ils la fortifie-
rent meſme dans un
deſſein ſi ſurprenant
& ſi dangereux, &
l'on ne ſongea plus
que le Comte ſeroit
party pour l'Armée.
Cependant la Com-
teſſe envoya conſul-
ter l'Vniverſité de
Doüay. Maſſauve
qu'elle employoit à
tout la ſervit ſi uti-
lement en cette af-
faire qu'il luy aporta
un ample avis de cet-
te Faculté pour aller
avec toute ſeureté de
conſcience éviter la
du monde qu'elle
voudroit.
ne raſſeurerent pas la
Comteſſe. Elle avoit
inceſſament devant
les yeux l'image de
cette mort qu'elle
I
98
La Comtesse
craignoit tant, &n'ayant plus d'eſpe-
rance qu'en la fide-
lité de Maſſauve elle
l'obligea d'écrire à
un de ſes freres qui
étoit plus âge que lui
& qui commandoit
en Lorraine le Regi-
ment de Vaubecourt
depuis la mort de ſon
pere, de d'en venir
inceſſamment pour
une affaire de la der-
niere conſequence. Il
99
d'Isembourg.
avoit eſté Page dufeu Prince de Ho-
henzollern, & la
Comteſſe ne doutoit
pas qu'il n'entraſt
dans ſes intereſts auſ-
ſi bien que ſon pere.
En effet Maſſauve
l'aiſné ſe rendit à
Cologne en diligen-
ce, & aprés avoir eſté
inſtruit par ſon frere,
feignant d'avoir une
méchante affaire ſur
les bras, il demanda
I ij
100
La Comtesse
refuge au Comte d'I-ſembourg qui le luy
accorda de bonne
grace. Il n'euſt pas
plûtoſt appris le dé-
tail des avantures de
la Comteſſe, qu'il par-
tagea d'abord toutes
ſes craintes avec el-
le, il n'oublia rien
pour ſa ſeureté, &
ces deux freres ayant
gagné les Officiers
du Comte ne man-
quoient jamais de
101
d'Isembourg.
faire faire l'eſſay decertaines viandes dõt
la Comteſſe man-
geoit lorſqu'ils luy
avoient fait ſigne
qu'elle pouvoit le fai-
re avec aſſeurance.
Maſſauve l'aiſné lia
une ſi étroite amitié
avec un des valets de
chambre du Com-
te, que ce Prince ne
pouvoit plus rien fai-
re que Maſſauve n'en
fut averti. Il ſçavoit
I iij
102
La Comtesse
par là ſes plus ſecretespenſées, & ſon ami
luy en rendoit un ſi
bon compte que la
Comteſſe n'ignoroit
plus rien de ce qui ſe
paſſoit ſur ſon ſujet
dans l'ame de ſon
vieux mary. Il luy
bailla même un jour
un papier qu'il diſoit
avoir trouvé dans la
poche d'un habit que
ſon Maiſtre avoit
quitté. Ce papier en-
103
d'Isembovrg.
fermoit quelque pou-dre. Maſſauve la mon-
tra à la Comteſſe, &
cette jeune Princeſſe
en qui la crainte de la
mort fit ce qu'elle a
coûtume de faire
dans les ames les plus
timides, ne doutant
pas que ce ne fût cet-
te poudre de diamans
dont le Comte l'a-
voit menacée, decla-
ra dés ce moment
aux deux Maſſauves
I iiij
104
La Comtesse
qu'elle vouloit abſo-lument quitter le
Comte & s'en aller
dans quelque Royau-
me étranger s'ils a-
voient aſſez d'atta-
chement pour elle
pour l'y vouloir con-
duire. Ils s'engage-
rent à tout ce qu'elle
voulut. Ils la fortifie-
rent meſme dans un
deſſein ſi ſurprenant
& ſi dangereux, &
l'on ne ſongea plus
105
d'Isembovrg.
qu'à l'executer désque le Comte ſeroit
party pour l'Armée.
Cependant la Com-
teſſe envoya conſul-
ter l'Vniverſité de
Doüay. Maſſauve
qu'elle employoit à
tout la ſervit ſi uti-
lement en cette af-
faire qu'il luy aporta
un ample avis de cet-
te Faculté pour aller
avec toute ſeureté de
conſcience éviter la
106
La Comtesse
mort en tel endroitdu monde qu'elle
voudroit.
Le Comte en par-
tant la menaça de
ſon retour, & la Com-
teſſe crût poſitive-
ment tout ce qu'il lui
dit. Le jeune Maſſau-
ve fut obligé de par-
tir avec le Comte
pour l'Armée & ſon
frere alla en Lorrai-
ne pour faire avan-
cer quelques Com-
ment ſur la frontiere
afin d'eſcorter la
Comteſſe. Mais ſa re-
ſolution s'affoibliſ-
ſoit par l'abſence du
Comte, & dés qu'el-
le ne le voyoit plus,
elle oublioit tout de
luy juſques à ſa fu-
reur. Elle ſe ſeroit di-
vertie de nouveau à
Cologne, ſi le jeune
Maſſauve ne fut venu
déguiſé en pauvre l'a-
ayant receu quelques
nouveaux avis con-
tre elle alloit quitter
l'Armée & revenoit
infailliblement pour
la faire mourir. Ils
arreſterent le jour de
leur fuite, & ils en
donnerẽt avis à Maſ-
ſauve qui n'eſtoit pas
encore de retour, &
qui ne manqua pas
de venir au devant
de la Comteſſe. Il
porter de grandes ri-
cheſſes, puiſque tout
ce qu'il y avoit de pre-
cieux dãs le Château
d'Iſembourg avoit
eſté tranſporté à Co-
logne. Toute la vaiſ-
ſelle d'argent étoit
entre les mains de la
Comteſse, & outre
quantité de pierre-
ries, elle avoit encore
beaucoup d'argent.
tant la menaça de
ſon retour, & la Com-
teſſe crût poſitive-
ment tout ce qu'il lui
dit. Le jeune Maſſau-
ve fut obligé de par-
tir avec le Comte
pour l'Armée & ſon
frere alla en Lorrai-
ne pour faire avan-
cer quelques Com-
107
d'Isembovrg.
pagnies de ſon Regi-ment ſur la frontiere
afin d'eſcorter la
Comteſſe. Mais ſa re-
ſolution s'affoibliſ-
ſoit par l'abſence du
Comte, & dés qu'el-
le ne le voyoit plus,
elle oublioit tout de
luy juſques à ſa fu-
reur. Elle ſe ſeroit di-
vertie de nouveau à
Cologne, ſi le jeune
Maſſauve ne fut venu
déguiſé en pauvre l'a-
108
La Comtesse
vertir que le Comteayant receu quelques
nouveaux avis con-
tre elle alloit quitter
l'Armée & revenoit
infailliblement pour
la faire mourir. Ils
arreſterent le jour de
leur fuite, & ils en
donnerẽt avis à Maſ-
ſauve qui n'eſtoit pas
encore de retour, &
qui ne manqua pas
de venir au devant
de la Comteſſe. Il
109
d'Isembovrg.
leur fut aisé d'em-porter de grandes ri-
cheſſes, puiſque tout
ce qu'il y avoit de pre-
cieux dãs le Château
d'Iſembourg avoit
eſté tranſporté à Co-
logne. Toute la vaiſ-
ſelle d'argent étoit
entre les mains de la
Comteſse, & outre
quantité de pierre-
ries, elle avoit encore
beaucoup d'argent.
L'on chargea deux
mulets que l'on fit
partir ſecretement,
& la Comteſſe fei-
gnant d'aller à quel-
que lieu de devotion
ſe determina à la
choſe du monde la
plus étrange par la
crainte de la mort &
par le cõſeil des Maſ-
ſauves dont la fideli-
té ne pouvoit luy ê-
tre ſuſpecte, puiſ-
qu'elle les voyoit at-
au milieu de ſes diſ-
graces. Elle connoiſ-
ſoit ſi peu l'impor-
tance de ce qu'elle
alloit faire qu'elle
dormoit tranquille-
ment lorſque le jeu-
ne Maſsauve & Del-
mas vinrent l'avertir
qu'il falloit partir. El-
le s'y reſolut, & pour
mieux cacher ſon deſ-
ſein elle ſortit de chez
elle en coiffure de
chambre. Son car-
roſſe l'attendoit à une
des portes de la Vil-
le. Dés qu'elle y fut
arrivée elle s'y jetta
avec Delmas, & le
jeune Maſſauve mon-
ta à cheval pour les
conduire à l'endroit
ou quelques domeſ-
tiques de la Comteſ-
ſe, cinq ou ſix gardes
du Comte que l'on
avoit gagnez & Maſ-
tendoit avec cin-
quante ſoldats. Lorſ-
que l'on s'apperceut
à Cologne que c'é-
toit une fuite & non
pas un voyage, les
amis du Comte d'I-
ſembourg firent un
grand amas de gens
& les ſeparant en plu-
ſieurs bandes on alla
de toutes parts pour
chercher la Comteſ-
ſe. Le ſecond jour de
ſauves prirent garde
qu'ils eſtoient pour-
ſuivis. Quelle fata-
lité ? Dans deux heu-
res de chemin ils en-
troient dans les Eſtats
d'un Comte Souve-
rain où l'on ne pou-
voit les arréter, & où
Maſsauve l'aiſné a-
voit diſpoſé toutes
choſes pour leur ſeu-
reté.
110
La Comtesse
charriots & quatremulets que l'on fit
partir ſecretement,
& la Comteſſe fei-
gnant d'aller à quel-
que lieu de devotion
ſe determina à la
choſe du monde la
plus étrange par la
crainte de la mort &
par le cõſeil des Maſ-
ſauves dont la fideli-
té ne pouvoit luy ê-
tre ſuſpecte, puiſ-
qu'elle les voyoit at-
111
d'Isembovrg.
tachez à ſes intereſtsau milieu de ſes diſ-
graces. Elle connoiſ-
ſoit ſi peu l'impor-
tance de ce qu'elle
alloit faire qu'elle
dormoit tranquille-
ment lorſque le jeu-
ne Maſsauve & Del-
mas vinrent l'avertir
qu'il falloit partir. El-
le s'y reſolut, & pour
mieux cacher ſon deſ-
ſein elle ſortit de chez
elle en coiffure de
112
La Comtesse
nuit & en mulle dechambre. Son car-
roſſe l'attendoit à une
des portes de la Vil-
le. Dés qu'elle y fut
arrivée elle s'y jetta
avec Delmas, & le
jeune Maſſauve mon-
ta à cheval pour les
conduire à l'endroit
ou quelques domeſ-
tiques de la Comteſ-
ſe, cinq ou ſix gardes
du Comte que l'on
avoit gagnez & Maſ-
ſauve
113
d'Isembovrg.
ſauve l'aiſné les at-tendoit avec cin-
quante ſoldats. Lorſ-
que l'on s'apperceut
à Cologne que c'é-
toit une fuite & non
pas un voyage, les
amis du Comte d'I-
ſembourg firent un
grand amas de gens
& les ſeparant en plu-
ſieurs bandes on alla
de toutes parts pour
chercher la Comteſ-
ſe. Le ſecond jour de
K
114
La Comtesse
leur route les Maſ-ſauves prirent garde
qu'ils eſtoient pour-
ſuivis. Quelle fata-
lité ? Dans deux heu-
res de chemin ils en-
troient dans les Eſtats
d'un Comte Souve-
rain où l'on ne pou-
voit les arréter, & où
Maſsauve l'aiſné a-
voit diſpoſé toutes
choſes pour leur ſeu-
reté.
La Comteſſe crai-
née à Cologne pouſ-
ſa des cris qui pene-
trerent toute l'ame
du jeune Maſſauve.
Son grand attache-
ment pour elle & la
veüe du peril inévi-
table qui l'a mena-
çoit luy fit d'abord
former une reſolu-
tion digne de ſa fide-
lité & de ſon coura-
ge. Il s'approche du
carroſse & pour raſ-
Ne craignez rien, Ma-
dame, luy dit-il, j'ex-
poſeray ma vie pour
garantir la vôtre.
Fuyez avec mon fre-
re, tandis qu'avec
nos gens & quelques-
uns de ſes ſoldats je
tiendray ferme con-
tre ceux qui vous
pourſuivent, & vous
donneray le temps
de vous dérober à
leur veuë. Le trouble
doublant par la re-
ſolution de Maſsau-
ve. Non, non, s'é-
cria-elle, nous vi-
vrons ou nous mou-
rons enſemble, fuyõs
tous le plus viſte qu'il
nous ſera poſſible, &
ſi nous ne pouvons
l'éviter vous com-
battrez tous à mes
yeux. Ne craignez
rien pour moy, Ma-
dame, reprit-il, je
reverez bien-toſt.
A ces mots aprés l'a-
voir pourtant regar-
dée comme s'il eut
crû de ne la revoir ja-
mais, il fit ſigne au
cocher de la Com-
teſſe d'aller fort viſte,
& courant embraſ-
ſer ſon frere. Ah ! luy
dit-il, ſauvez la Prin-
ceſſe, ne l'abandon-
nez jamais, & ſur
tout, mon chere fre-
jours en perſonne de
ſa qualitê. A ces mots
tournant ſon cheval
& animant à plu-
ſieurs fois tous ſes
gens par ſa Voix &
par ſes regards, il ſe
mit en eſtat de diſpu-
ter le paſſage d'un
chemin aſſez étroit
& aſſez difficile à prés
de cent cavaliers qui
les pourſuivoient.
115
d'Isembovrg.
gnant d'eſtre reme-née à Cologne pouſ-
ſa des cris qui pene-
trerent toute l'ame
du jeune Maſſauve.
Son grand attache-
ment pour elle & la
veüe du peril inévi-
table qui l'a mena-
çoit luy fit d'abord
former une reſolu-
tion digne de ſa fide-
lité & de ſon coura-
ge. Il s'approche du
carroſse & pour raſ-
K ij
116
La Comtesse
ſeurer la Comteſſe.Ne craignez rien, Ma-
dame, luy dit-il, j'ex-
poſeray ma vie pour
garantir la vôtre.
Fuyez avec mon fre-
re, tandis qu'avec
nos gens & quelques-
uns de ſes ſoldats je
tiendray ferme con-
tre ceux qui vous
pourſuivent, & vous
donneray le temps
de vous dérober à
leur veuë. Le trouble
117
d'Isembovrg.
de la Comteſſe re-doublant par la re-
ſolution de Maſsau-
ve. Non, non, s'é-
cria-elle, nous vi-
vrons ou nous mou-
rons enſemble, fuyõs
tous le plus viſte qu'il
nous ſera poſſible, &
ſi nous ne pouvons
l'éviter vous com-
battrez tous à mes
yeux. Ne craignez
rien pour moy, Ma-
dame, reprit-il, je
118
La Comtesse
vaincray & vous mereverez bien-toſt.
A ces mots aprés l'a-
voir pourtant regar-
dée comme s'il eut
crû de ne la revoir ja-
mais, il fit ſigne au
cocher de la Com-
teſſe d'aller fort viſte,
& courant embraſ-
ſer ſon frere. Ah ! luy
dit-il, ſauvez la Prin-
ceſſe, ne l'abandon-
nez jamais, & ſur
tout, mon chere fre-
119
d'Isembovrg.
re, traittez-la toû-jours en perſonne de
ſa qualitê. A ces mots
tournant ſon cheval
& animant à plu-
ſieurs fois tous ſes
gens par ſa Voix &
par ſes regards, il ſe
mit en eſtat de diſpu-
ter le paſſage d'un
chemin aſſez étroit
& aſſez difficile à prés
de cent cavaliers qui
les pourſuivoient.
Sans vouloir faire
d'un combat verita-
ble que toute l'Ale-
magne & toute la
France ont ſceu. Il
eſt certain que le
jeune Maſsauve fit
des actions d'une va-
leur prodigieuſe. Il
tua pluſieurs hom-
mes de ſa main, il
combatit à genoux
aprés que ſon cheval
eût eſté tué ſous luy.
Ses soldats animez
moignerent un cou-
rage extraordinaire,
& ſi les gardes du
Comte ne l'avoient
lâchement abandon-
né, le vaillant Maſ-
ſauve eut vaincu
malgré l'inégalité du
combat : mais enfin
accablé par le nom-
bre de ſes ennemis, il
mourut percé d'une
infinité de coups. On
ne s'amuſa point à
teſſe, on connut bien
qu'avant qu'on pût
la joindre elle ſeroit
en ſeureté ; l'on mit
ſur un cheval le corps
ſanglant du jeune
Maſsauve, afin que
par cette veuë le
Comte pût aſſouvir
ſon reſſentiment. Il
en fut ſi contant que
quoy qu'il arrivât de
l'Armée peu de jours
aprés, il ne ſe ſoucia
femme, & depuis ce
jour juſques à ſa
mort il ne prononça
plus ny le nom de
Maſſauve, ny celuy
de la Comteſſe.
120
La Comtesse
un recit de Romand'un combat verita-
ble que toute l'Ale-
magne & toute la
France ont ſceu. Il
eſt certain que le
jeune Maſsauve fit
des actions d'une va-
leur prodigieuſe. Il
tua pluſieurs hom-
mes de ſa main, il
combatit à genoux
aprés que ſon cheval
eût eſté tué ſous luy.
Ses soldats animez
par
121
d'Isembovrg.
par ſon exemple té-moignerent un cou-
rage extraordinaire,
& ſi les gardes du
Comte ne l'avoient
lâchement abandon-
né, le vaillant Maſ-
ſauve eut vaincu
malgré l'inégalité du
combat : mais enfin
accablé par le nom-
bre de ſes ennemis, il
mourut percé d'une
infinité de coups. On
ne s'amuſa point à
L
122
La Comtesse
pourſuivre la Com-teſſe, on connut bien
qu'avant qu'on pût
la joindre elle ſeroit
en ſeureté ; l'on mit
ſur un cheval le corps
ſanglant du jeune
Maſsauve, afin que
par cette veuë le
Comte pût aſſouvir
ſon reſſentiment. Il
en fut ſi contant que
quoy qu'il arrivât de
l'Armée peu de jours
aprés, il ne ſe ſoucia
123
d'Isembovrg.
plus de la fuite de ſafemme, & depuis ce
jour juſques à ſa
mort il ne prononça
plus ny le nom de
Maſſauve, ny celuy
de la Comteſſe.
Les chariots & les
mulets furent pris, &
l'infortunée Com-
teſſe n'eut pour tout
biens que ſes pierre-
ries. Cependant Maſ-
ſauve l'aiſné malgré
ſes cris & ſes larmes
vec une vîteſse ex-
tréme. Ah! Maſſau-
ve luy crioit-elle à
tout moment, arré-
tons-nous vôtre fre-
re eſt mort, ou pri-
ſonnier & je ſuis la
cauſe de ſon infor-
tune. Des torrens de
larmes ſuivoient les
triſtes preſſentimens
de la Comteſse, mais
il fallut bien-toſt
pleurer pour un mal-
let échapé du com-
bat les joignit dans
leur route. La Com-
teſse le reconnut d'aſ-
ſez loin, & luy criant
de toute ſa force où
eſt Maſſauve, elle fit
connoître la part
qu'elle prenoit à ce
qu'il eſtoit devenu.
Celuy-cy ne croyant
pas qu'il falut luy dé-
guiſer une choſe
qu'elle luy manque-
luy avoüa ingenû-
ment qu'il eſtoit
mort. La Cõteſſe s'é-
vanoüit à cette nou-
velle, & aprés eſtre
un peu revenuë, elle
dit tout ce que la
douleur la plus vio-
lente put faire dire,
& rendit par là Maſ-
ſauve plus ſenſible au
pitoyable deſtin de
ſon frere. Il eſt cer-
tain qu'elle n'auroit
te d'Iſembourg pour
l'amour du jeune
Maſsauve, quoy que
la médiſance l'ait
ainſi publié, la ſeule
crainte de la mort a-
voit cauſé ſa fuite ;
mais peut-eſtre eût-
elle attendu conſ-
tamment cette mort
ſi elle n'avoit crû
trouver en luy un
guide reſpectueux &
fidele qui pouvoit la
le abandõnoit. Peut-
on s'imaginer un état
plus pitoyable que
celuy où ſe trouvoit
alors la Comteſse.
Dés que les premiers
tranſports de ſa dou-
leur furent un peu
calmez, elle réva
quelques momens, &
puis ſe tournant vers
Maſsauve, tous mes
deſseins changent,
luy dit-elle, par la
il me faut remener à
Cologne, je ne crains
plus la mort, & je me
ſens aſſez de courage
pour aller ſoûtenir
mon innocence &
braver le Comte d'I-
ſembourg. Maſsauve
fremit à ce deſsein, il
en avoit de ſecrets
qui ne s'accordoient
pas avec celuy-la. Il
eſtoit bien fait, il a-
voit de l'eſprit ſur
pour nuire. Il dit à
la Comteſſe que ſa
mort eſtoit inévita-
ble ſi elle retournoit
à Cologne, qu'il va-
loit bien mieux at-
tendre en ſeureté cel-
le du Comte d'Iſem-
bourg, que ſa rage a-
vanceroit peut-eſtre ;
qu'elle pourroit par
des manifeſtes inſ-
truire tout l'Alema-
gne des raiſons de ſa
qui changeoit tou-
tes choſes change-
roit auſſi l'eſtat de ſa
fortune. L'on ſe laiſ-
se facilement perſua-
der de vivre. Le con-
ſeil de Maſsauve pa-
rut bon, & la Com-
teſſe s'abandonnant
à ſes ſoins, il fut con-
clud qu'ils iroient à
Paris, Maſsauve ju-
geant que dans le tu-
multe & l'embarras
le ils ſeroient mieux
cachez qu'en lieu du
monde. Mais il fit ar-
réter quelque temps
la Cõteſse à Rheims,
tandis qu'il fut à la
Cour de France où il
obtint ſecretement
un paſſe-port du feu
Roi Loüis XIII
mulets furent pris, &
l'infortunée Com-
teſſe n'eut pour tout
biens que ſes pierre-
ries. Cependant Maſ-
ſauve l'aiſné malgré
ſes cris & ſes larmes
L ij
124
La Comtesse
la faiſoit éloignér a-vec une vîteſse ex-
tréme. Ah! Maſſau-
ve luy crioit-elle à
tout moment, arré-
tons-nous vôtre fre-
re eſt mort, ou pri-
ſonnier & je ſuis la
cauſe de ſon infor-
tune. Des torrens de
larmes ſuivoient les
triſtes preſſentimens
de la Comteſse, mais
il fallut bien-toſt
pleurer pour un mal-
125
d'Isembovrg.
heur certain. Vn va-let échapé du com-
bat les joignit dans
leur route. La Com-
teſse le reconnut d'aſ-
ſez loin, & luy criant
de toute ſa force où
eſt Maſſauve, elle fit
connoître la part
qu'elle prenoit à ce
qu'il eſtoit devenu.
Celuy-cy ne croyant
pas qu'il falut luy dé-
guiſer une choſe
qu'elle luy manque-
L iij
126
La Comtesse
roit pas d'apprendre,luy avoüa ingenû-
ment qu'il eſtoit
mort. La Cõteſſe s'é-
vanoüit à cette nou-
velle, & aprés eſtre
un peu revenuë, elle
dit tout ce que la
douleur la plus vio-
lente put faire dire,
& rendit par là Maſ-
ſauve plus ſenſible au
pitoyable deſtin de
ſon frere. Il eſt cer-
tain qu'elle n'auroit
127
d'Isembovrg.
point quitté le Com-te d'Iſembourg pour
l'amour du jeune
Maſsauve, quoy que
la médiſance l'ait
ainſi publié, la ſeule
crainte de la mort a-
voit cauſé ſa fuite ;
mais peut-eſtre eût-
elle attendu conſ-
tamment cette mort
ſi elle n'avoit crû
trouver en luy un
guide reſpectueux &
fidele qui pouvoit la
L iiij
128
La Comtesse
conſoler de ce qu'el-le abandõnoit. Peut-
on s'imaginer un état
plus pitoyable que
celuy où ſe trouvoit
alors la Comteſse.
Dés que les premiers
tranſports de ſa dou-
leur furent un peu
calmez, elle réva
quelques momens, &
puis ſe tournant vers
Maſsauve, tous mes
deſseins changent,
luy dit-elle, par la
129
d'Isembovrg.
mort de vôtre frere,il me faut remener à
Cologne, je ne crains
plus la mort, & je me
ſens aſſez de courage
pour aller ſoûtenir
mon innocence &
braver le Comte d'I-
ſembourg. Maſsauve
fremit à ce deſsein, il
en avoit de ſecrets
qui ne s'accordoient
pas avec celuy-la. Il
eſtoit bien fait, il a-
voit de l'eſprit ſur
130
La Comtesse
tout pour tromper &pour nuire. Il dit à
la Comteſſe que ſa
mort eſtoit inévita-
ble ſi elle retournoit
à Cologne, qu'il va-
loit bien mieux at-
tendre en ſeureté cel-
le du Comte d'Iſem-
bourg, que ſa rage a-
vanceroit peut-eſtre ;
qu'elle pourroit par
des manifeſtes inſ-
truire tout l'Alema-
gne des raiſons de ſa
131
d'Isembovrg.
fuite, & que le tempsqui changeoit tou-
tes choſes change-
roit auſſi l'eſtat de ſa
fortune. L'on ſe laiſ-
se facilement perſua-
der de vivre. Le con-
ſeil de Maſsauve pa-
rut bon, & la Com-
teſſe s'abandonnant
à ſes ſoins, il fut con-
clud qu'ils iroient à
Paris, Maſsauve ju-
geant que dans le tu-
multe & l'embarras
132
La Comtesse
de cette grande Vil-le ils ſeroient mieux
cachez qu'en lieu du
monde. Mais il fit ar-
réter quelque temps
la Cõteſse à Rheims,
tandis qu'il fut à la
Cour de France où il
obtint ſecretement
un paſſe-port du feu
Roi Loüis XIII
Lorſqu'ils furent ar-
rivez à Paris Maſsau-
ve prit le nom de Meſ-
plets & la Comteſse
Comme elle n'a ja-
mais pû ſe reſoudre
de vivre obſcure-
ment, elle vendit
des pierreries pour
fournir à une grande
dépenſe. Elle parloit
aſſez bien François
& n'affectant point
de ſe cacher, on ne
ſoupçonna point
qu'elle ne fut pas ce
qu'elle ſemboit être.
Quoy que le ſouve-
la mort du jeune
Maſsauve la troublât
extremement, elle fit
des connoiſsances a-
greables pendant ſon
ſejour à Paris, mais
un accident bizarre
penſa gaſter tout le
miſtere.
rivez à Paris Maſsau-
ve prit le nom de Meſ-
plets & la Comteſse
133
d'Isembovrg.
paſsoit pour ſa ſœur.Comme elle n'a ja-
mais pû ſe reſoudre
de vivre obſcure-
ment, elle vendit
des pierreries pour
fournir à une grande
dépenſe. Elle parloit
aſſez bien François
& n'affectant point
de ſe cacher, on ne
ſoupçonna point
qu'elle ne fut pas ce
qu'elle ſemboit être.
Quoy que le ſouve-
134
La Comtesse
nir de ſa qualité & dela mort du jeune
Maſsauve la troublât
extremement, elle fit
des connoiſsances a-
greables pendant ſon
ſejour à Paris, mais
un accident bizarre
penſa gaſter tout le
miſtere.
Elle eſtoit à la pro-
menade dans un jar-
din d'une Dame de
ſes amies avec plu-
ſieurs perſonnes. Sur
pagnie ſe ramaſsa
dans un cabinet, &
comme la converſa-
tion tombe ſouvent
ſur les choſes que l'on
a le moins preveuës,
l'on vint à parler des
avantures extraordi-
naires qui arrivent
dans le monde. Y en
peut-il avoir dit un
homme de la troupe
de plus ſurprenante
que celle qui eſt arri-
Alemagne à la Com-
teſse d'Iſembourg.
Meſplets trembla à
ces mots & voulut
changer de diſcours,
mais la Comteſse qui
brûloit d'envie de
ſçavoir ce que l'on
diſoit d'elle, prenant
la parole, j'ay enten-
du parler de cette a-
vanture, dit-elle à
cét homme, mais
comment la ſçavez-
Alors cet homme
pour luy obeïr luy
raconta ſes propres
avantures avec de ſi
noires couleurs qu'el-
le n'a jamais tant
ſouffert. Il diſoit que
la Comteſſe d'Iſem-
bourg n'avoit quitté
le Comte ſon mary
que pour aller incon-
nuë & vagabonde
aimer ſans contrain-
te le jeune Maſsauve
Que le Ciel l'avoit
punie, qu'il avoit eſté
tué, & que chacune
des cinq ſœurs de la
Comteſſe ayant en-
voyé de toutes parts
ſans apprendre de ſes
nouvelles, on ne dou-
toit point que Maſ-
ſauve l'ainé aprés s'ê-
tre ſaiſi de ſes pierre-
ries & de ſon argent
ne l'eut jettée dans
quelque riviere. Cõ-
extremement en-
joüée, cette derniere
particularité luy fit
faire un grand éclat
de rire. Elle eſt donc
noyée cette pauvre
Comteſſe, dit-elle,
c'eſt dommage, elle
n'eſtoit pas ſi coupa-
ble que vous penſez :
I'ay ſçeu ſon Hiſtoi-
re, d'un homme qui
avoit eſté à ſon ſer-
vice. En ſuite elle ra-
gnie une avanture
qu'elle ſçavoit tres-
bien, mais avec tant
de vehemence que
Meſplets crût voir
cent fois le moment
où elle alloit ſe dé-
couvrir. Il avoit
beaucoup d'adreſſe,
& tâchoit de racom-
moder ce que la
Comteſſe gâtoit. Il
tenoit le party du
Comte d'Iſembourg,
diſoit-il, de la mort
de la Comteſſe, &
que Maſſauve ne fut
aux extremitez du
monde.
menade dans un jar-
din d'une Dame de
ſes amies avec plu-
ſieurs perſonnes. Sur
135
d'Isembovrg.
le ſoir toute la com-pagnie ſe ramaſsa
dans un cabinet, &
comme la converſa-
tion tombe ſouvent
ſur les choſes que l'on
a le moins preveuës,
l'on vint à parler des
avantures extraordi-
naires qui arrivent
dans le monde. Y en
peut-il avoir dit un
homme de la troupe
de plus ſurprenante
que celle qui eſt arri-
136
La Comtesse
vée depuis peu enAlemagne à la Com-
teſse d'Iſembourg.
Meſplets trembla à
ces mots & voulut
changer de diſcours,
mais la Comteſse qui
brûloit d'envie de
ſçavoir ce que l'on
diſoit d'elle, prenant
la parole, j'ay enten-
du parler de cette a-
vanture, dit-elle à
cét homme, mais
comment la ſçavez-
vous,
137
d'Isembovrg.
vous, ajoûta-t'elle.Alors cet homme
pour luy obeïr luy
raconta ſes propres
avantures avec de ſi
noires couleurs qu'el-
le n'a jamais tant
ſouffert. Il diſoit que
la Comteſſe d'Iſem-
bourg n'avoit quitté
le Comte ſon mary
que pour aller incon-
nuë & vagabonde
aimer ſans contrain-
te le jeune Maſsauve
M
138
La Comtesse
par tout le monde.Que le Ciel l'avoit
punie, qu'il avoit eſté
tué, & que chacune
des cinq ſœurs de la
Comteſſe ayant en-
voyé de toutes parts
ſans apprendre de ſes
nouvelles, on ne dou-
toit point que Maſ-
ſauve l'ainé aprés s'ê-
tre ſaiſi de ſes pierre-
ries & de ſon argent
ne l'eut jettée dans
quelque riviere. Cõ-
139
d'Isembovrg.
me la Comteſſe étoitextremement en-
joüée, cette derniere
particularité luy fit
faire un grand éclat
de rire. Elle eſt donc
noyée cette pauvre
Comteſſe, dit-elle,
c'eſt dommage, elle
n'eſtoit pas ſi coupa-
ble que vous penſez :
I'ay ſçeu ſon Hiſtoi-
re, d'un homme qui
avoit eſté à ſon ſer-
vice. En ſuite elle ra-
M ij
140
La Comtesse
conta à la compa-gnie une avanture
qu'elle ſçavoit tres-
bien, mais avec tant
de vehemence que
Meſplets crût voir
cent fois le moment
où elle alloit ſe dé-
couvrir. Il avoit
beaucoup d'adreſſe,
& tâchoit de racom-
moder ce que la
Comteſſe gâtoit. Il
tenoit le party du
Comte d'Iſembourg,
141
d'Isembovrg.
& il ne doutoit point,diſoit-il, de la mort
de la Comteſſe, &
que Maſſauve ne fut
aux extremitez du
monde.
Lorſque la Com-
teſſe fut de retour
dans ſa chambre
Meſplets voulant luy
faire appercevoir reſ-
pectueuſemẽt le dan-
ger où elle s'eſtoit
expoſée. Quoy Meſ-
plets, luy dit-elle,
déchire en ma pre-
ſence la Comteſſe
d'Iſembourg, & que
je ne la deffende pas ?
La choſe eſt cruelle,
Madame, je l'avoüë,
reprit-il ; mais enfin
l'on trouve voſtre
Hiſtoire plus diver-
tiſsante de la manie-
re dont on la racon-
te ; & mille conver-
ſations comme celle
d'aujourd'huy, &
me ceux que vous
avez envoyez en Ale-
magne ne tourne-
ront pas la choſe au-
trement. S'il eſt ain-
ſi, Meſplets, dit la
Comteſse, & que je
ſois ſi injuſtement
l'opprobre de l'Ale-
magne & de la Fran-
ce, cachez-moy dans
quelque endroit du
monde où je n'en-
tende jamais pro-
veux quitter Paris,
ajoûta-t'elle, aprés
une profonde réve-
rie Il faut Meſplets
que vous alliez dans
vôtre Province de
Languedoc, que l'on
dit eſtre un fort a-
greable païs, m'a
chepter une maiſon
ſolitaire, & dés que
vous l'aurez miſe en
eſtat venez moy que-
rir avec toute la dili-
rez. C'eſtoit juſte-
ment ce que Meſplets
vouloit. Il eſtoit de-
venu amoureux de la
Comteſse ſi-toſt qu'il
l'avoit veuë à Co-
logne, il avoit aug-
menté ſes frayeurs &
contribué à ſa fuite,
dans l'eſperance que
peut-eſtre un évene-
ment ſi extraordinai-
re luy donneroit des
avantages qu'il ne
rer dans le train re-
glé de la vie de la
Comteſse. Il avoit
pris la mort de ſon
frere pour un heu-
reux preſage, & la
reſolution que form-
oit la Comteſſe
d'aller vivre ſeule a-
vec luy dans un de-
ſert luy donna ces eſ-
perances qui le com-
blerent de joye. Il
prit la poſte. Il cher-
guedoc & ne trou-
vant ſon compte
nulle part, il achepta
enfin un petit Châ-
teau nommé la Lon-
gaigne ſitué au mi-
lieu d'un agreable
bois, à une lieuë de
la Ville d'Alby, &
l'ayant meublé fort
proprement il reprit
la poſte pour aller
trouver la Comteſſe
à Paris. Ie n'ay point
Meſplets, luy dit-el-
le, dés qu'il l'appro-
cha pour luy rendre
compte de ſon voya-
ge, partons le plus
viſte que nous pour-
rons, je meurs d'im-
patience d'eſtre loin
d'icy, & je regarde
le moment que je
ſortiray de la plus
belle Ville du monde
comme le commen-
cement de mon bon-
heur.
teſſe fut de retour
dans ſa chambre
Meſplets voulant luy
faire appercevoir reſ-
pectueuſemẽt le dan-
ger où elle s'eſtoit
expoſée. Quoy Meſ-
plets, luy dit-elle,
142
La Comtesse
vous voulez que l'ondéchire en ma pre-
ſence la Comteſſe
d'Iſembourg, & que
je ne la deffende pas ?
La choſe eſt cruelle,
Madame, je l'avoüë,
reprit-il ; mais enfin
l'on trouve voſtre
Hiſtoire plus diver-
tiſsante de la manie-
re dont on la racon-
te ; & mille conver-
ſations comme celle
d'aujourd'huy, &
143
d'Isembovrg.
mille manifeſtes cõ-me ceux que vous
avez envoyez en Ale-
magne ne tourne-
ront pas la choſe au-
trement. S'il eſt ain-
ſi, Meſplets, dit la
Comteſse, & que je
ſois ſi injuſtement
l'opprobre de l'Ale-
magne & de la Fran-
ce, cachez-moy dans
quelque endroit du
monde où je n'en-
tende jamais pro-
144
La Comtesse
noncer mon nom. Ieveux quitter Paris,
ajoûta-t'elle, aprés
une profonde réve-
rie Il faut Meſplets
que vous alliez dans
vôtre Province de
Languedoc, que l'on
dit eſtre un fort a-
greable païs, m'a
chepter une maiſon
ſolitaire, & dés que
vous l'aurez miſe en
eſtat venez moy que-
rir avec toute la dili-
gence
145
d'Isembovrg.
gence que vous pour-rez. C'eſtoit juſte-
ment ce que Meſplets
vouloit. Il eſtoit de-
venu amoureux de la
Comteſse ſi-toſt qu'il
l'avoit veuë à Co-
logne, il avoit aug-
menté ſes frayeurs &
contribué à ſa fuite,
dans l'eſperance que
peut-eſtre un évene-
ment ſi extraordinai-
re luy donneroit des
avantages qu'il ne
N
146
La Comtesse
pouvoit jamais eſpe-rer dans le train re-
glé de la vie de la
Comteſse. Il avoit
pris la mort de ſon
frere pour un heu-
reux preſage, & la
reſolution que form-
oit la Comteſſe
d'aller vivre ſeule a-
vec luy dans un de-
ſert luy donna ces eſ-
perances qui le com-
blerent de joye. Il
prit la poſte. Il cher-
147
d'Isembovrg.
cha dans tout le Lan-guedoc & ne trou-
vant ſon compte
nulle part, il achepta
enfin un petit Châ-
teau nommé la Lon-
gaigne ſitué au mi-
lieu d'un agreable
bois, à une lieuë de
la Ville d'Alby, &
l'ayant meublé fort
proprement il reprit
la poſte pour aller
trouver la Comteſſe
à Paris. Ie n'ay point
N ij
148
La Comtesse
changé de deſſein, Meſplets, luy dit-el-
le, dés qu'il l'appro-
cha pour luy rendre
compte de ſon voya-
ge, partons le plus
viſte que nous pour-
rons, je meurs d'im-
patience d'eſtre loin
d'icy, & je regarde
le moment que je
ſortiray de la plus
belle Ville du monde
comme le commen-
cement de mon bon-
heur.
149
d'Isembovrg.
L'Albigeois eſt à
deux cens lieuës de
Paris, l'endroit par
lequel la Comteſſe
vit la premiere fois
ce petit païs contri-
bua beaucoup à le
luy faire aimer tou-
te ſa vie. Elle eſtoit
fatiguée de la lon-
gueur d'un grand
voyage que la diffi-
culté des chemins a-
voit rendu tres-rude.
La derniere journée
plus faſcheuse que
les autres, parce que
l'Albigeois du côté
qu'elle l'aborda eſt
borné par des mon-
tagnes. Elle n'avoit
veu que des deſerts
& des landes lorſque
tout d'un coup ces
objets laſſans, diſpa-
roiſſans à ſes yeux
elle apperceut la plus
jolie vallée du mon-
de. La diverſité y eſt
grande riviere la
coupe en deux par-
ties preſque égales,
ſes-bords extreme-
ment élevez ſem-
blent des precipices
& des abiſmes, mais
la nature a reparé ce
defaut, elle a planté
des arbres tout le
long du rivage qui
s'élevant à une hau-
teur prodigieuſe ca-
chent ce que ces pre-
ble. Lorſque par des
ſentiers commodes
la Comteſſe fut deſ-
cenduë juſques au
plus bas, elle fut ſur-
priſe de trouver à
meſme temps & en
meſme lieu la ſoli-
tude des foreſts, la
verdure des prairies,
la ruſticité des trou-
peaux, & enfin tout
ce qu'une humeur
gaye ou mélãcolique
plaiſir. Cette veuë ſur-
prenãte fit naître dãs
ſon eſprit un mélan-
ge de joye & de triſ-
teſſe qu'elle ne pou-
voit ſeparer. Il y a
ſans doute un cer-
tain rapport ſecret &
inconnu entre tou-
tes les choſes du
monde qui fait qu'el-
les ſe réveillent mu-
tuellement, & c'eſt
par cette raiſon qu'à
ce qui durant la vie
de la Comteſſe luy
avoit donné du con-
tentement ou de la
douleur ſe preſenta à
elle & luy cauſa un
trouble qui fut re-
marqué de Meſplets.
Quel eſt ce trouble,
Madame, luy dit-il,
qui paroiſt ſur vôtre
viſage. Tous les mal-
heurs de vôtre vie n'y
en ont jamais mis de
quelqu'un qui me
ſoit inconnu dont le
ſouvenir faſſe ce qu'il
n'a pû faire luy-meſ-
me ? Non Meſplets,
reprit la Comteſſe,
ce n'eſt point le ſou-
venir de quelque diſ-
grace que Vous ne
ſçachiez pas qui cau-
ſe mon agitation,
mais en un moment
tout ce qui m'eſt ar-
rivé en ma vie de
a repaſſé dans ma me-
moire. I'ay ſenti des
mouvemens que j'ay
voulu arrêter, la vio-
lence que je leur ay
faite les a irritez, &
vous en voyez pa-
roître l'impreſſion ſur
mon viſage. Il eſt
certain pourtant que
mon cœur panche
plus vers la joye que
vers la douleur, &
ſans en ſçavoir la rai-
quillité qui m'é-
toit inconnuë depuis
long-temps. Ie ne
ſçay ſi c'eſt la beauté
de ce que nous
voyons qui la fait
naître, ou ſi c'eſt le
préſage du repos que
je dois goûter en ce
lieu. Ie commence,
Madame, répondit
Meſplets, à ſentir ve-
ritablement le bon-
heur que j'ay de paſ-
vous. Ie vous avouë
que j'avois craint
juſques icy que vous
vous repentiriez d'a-
voir quitté Paris qui
eſt le ſeul lieu de
France qui a des
charmes capables de
vous arréter agrea-
blement : j'apprehen-
dois que vôtre eſprit
n'eut quelque retour
vers ce lieu, & que
vous voyant proche
vous eſtiez propoſée
vous n'y trouvaſſiez
de nouvelles peines.
deux cens lieuës de
Paris, l'endroit par
lequel la Comteſſe
vit la premiere fois
ce petit païs contri-
bua beaucoup à le
luy faire aimer tou-
te ſa vie. Elle eſtoit
fatiguée de la lon-
gueur d'un grand
voyage que la diffi-
culté des chemins a-
voit rendu tres-rude.
La derniere journée
N iij
150
La Comtesse
avoit meſme eſtéplus faſcheuse que
les autres, parce que
l'Albigeois du côté
qu'elle l'aborda eſt
borné par des mon-
tagnes. Elle n'avoit
veu que des deſerts
& des landes lorſque
tout d'un coup ces
objets laſſans, diſpa-
roiſſans à ſes yeux
elle apperceut la plus
jolie vallée du mon-
de. La diverſité y eſt
151
d'Isembovrg.
merveilleuſe. Vnegrande riviere la
coupe en deux par-
ties preſque égales,
ſes-bords extreme-
ment élevez ſem-
blent des precipices
& des abiſmes, mais
la nature a reparé ce
defaut, elle a planté
des arbres tout le
long du rivage qui
s'élevant à une hau-
teur prodigieuſe ca-
chent ce que ces pre-
N iiij
152
La Comtesse
cipices ont de terri-ble. Lorſque par des
ſentiers commodes
la Comteſſe fut deſ-
cenduë juſques au
plus bas, elle fut ſur-
priſe de trouver à
meſme temps & en
meſme lieu la ſoli-
tude des foreſts, la
verdure des prairies,
la ruſticité des trou-
peaux, & enfin tout
ce qu'une humeur
gaye ou mélãcolique
153
d'Isembovrg.
peut deſirer pour ſonplaiſir. Cette veuë ſur-
prenãte fit naître dãs
ſon eſprit un mélan-
ge de joye & de triſ-
teſſe qu'elle ne pou-
voit ſeparer. Il y a
ſans doute un cer-
tain rapport ſecret &
inconnu entre tou-
tes les choſes du
monde qui fait qu'el-
les ſe réveillent mu-
tuellement, & c'eſt
par cette raiſon qu'à
154
La Comtesse
la vüe de ce païs, toutce qui durant la vie
de la Comteſſe luy
avoit donné du con-
tentement ou de la
douleur ſe preſenta à
elle & luy cauſa un
trouble qui fut re-
marqué de Meſplets.
Quel eſt ce trouble,
Madame, luy dit-il,
qui paroiſt ſur vôtre
viſage. Tous les mal-
heurs de vôtre vie n'y
en ont jamais mis de
155
d'Isembovrg.
ſi grand. Y en-a-t'ilquelqu'un qui me
ſoit inconnu dont le
ſouvenir faſſe ce qu'il
n'a pû faire luy-meſ-
me ? Non Meſplets,
reprit la Comteſſe,
ce n'eſt point le ſou-
venir de quelque diſ-
grace que Vous ne
ſçachiez pas qui cau-
ſe mon agitation,
mais en un moment
tout ce qui m'eſt ar-
rivé en ma vie de
156
La Comtesse
doux & de fâcheuxa repaſſé dans ma me-
moire. I'ay ſenti des
mouvemens que j'ay
voulu arrêter, la vio-
lence que je leur ay
faite les a irritez, &
vous en voyez pa-
roître l'impreſſion ſur
mon viſage. Il eſt
certain pourtant que
mon cœur panche
plus vers la joye que
vers la douleur, &
ſans en ſçavoir la rai-
157
d'Isembovrg.
ſon je ſens une tran-quillité qui m'é-
toit inconnuë depuis
long-temps. Ie ne
ſçay ſi c'eſt la beauté
de ce que nous
voyons qui la fait
naître, ou ſi c'eſt le
préſage du repos que
je dois goûter en ce
lieu. Ie commence,
Madame, répondit
Meſplets, à ſentir ve-
ritablement le bon-
heur que j'ay de paſ-
158
La Comtesse
ſer ma vie auprés devous. Ie vous avouë
que j'avois craint
juſques icy que vous
vous repentiriez d'a-
voir quitté Paris qui
eſt le ſeul lieu de
France qui a des
charmes capables de
vous arréter agrea-
blement : j'apprehen-
dois que vôtre eſprit
n'eut quelque retour
vers ce lieu, & que
vous voyant proche
159
d'Isembovrg.
du terme que vousvous eſtiez propoſée
vous n'y trouvaſſiez
de nouvelles peines.
Tandis que Meſ-
plets parloit la Com-
teſſe qui ne l'écoûtoit
guere, regardoit a-
vec plaiſir que les
prairies, les terres &
les petits bois étoient
ſi bien mélez qu'il
ſembloit que l'artifi-
ce eut fait ce que l'on
ne peut attribuer qu'à
taines couloient par
tout avec une abon-
dance & une pureté,
qui marquoient aſſez
l'excellence de l'air
de cét heureux cli-
mat. Enfin, Mada-,
me, luy dit Meſplets,
en luy montrant une
maiſon parmy des
arbres, voicy l'en-
droit que je vous ay
choiſi, & c'eſt dans
ce deſert que vous
le monde a de plus
admirable & de plus
beau. A la veuë de
cette petite maiſon ſi
differente des ſuper-
bes Palais qu'elle a-
voit habitez, la
Comteſſe leva les
yeux au Ciel laiſſa
couler quelques lar-
mes & donnant la
main à Meſplets pour
entrer dans cette
maiſon, je vous ſuis
le, de m'avoir choiſi
ce lieu, puis que mon
deſtin me l'ordonne,
je ne ſongeray plus
qu'à me dérober à
toute la terre, &
qu'à chercher dans
mon propre cœur de-
quoy me paſſer du
monde tout entier ;
Auſſi bien, Meſplets,
ajoûta-elle en ſoûpi-
rant, je n'ay que de
la haine & du dé-
qui n'eſt pas ce que
j'ay perdu.
plets parloit la Com-
teſſe qui ne l'écoûtoit
guere, regardoit a-
vec plaiſir que les
prairies, les terres &
les petits bois étoient
ſi bien mélez qu'il
ſembloit que l'artifi-
ce eut fait ce que l'on
ne peut attribuer qu'à
160
La Comtesse
la nature. Les fon-taines couloient par
tout avec une abon-
dance & une pureté,
qui marquoient aſſez
l'excellence de l'air
de cét heureux cli-
mat. Enfin, Mada-,
me, luy dit Meſplets,
en luy montrant une
maiſon parmy des
arbres, voicy l'en-
droit que je vous ay
choiſi, & c'eſt dans
ce deſert que vous
allez
161
d'Isembovrg.
allez cacher ce quele monde a de plus
admirable & de plus
beau. A la veuë de
cette petite maiſon ſi
differente des ſuper-
bes Palais qu'elle a-
voit habitez, la
Comteſſe leva les
yeux au Ciel laiſſa
couler quelques lar-
mes & donnant la
main à Meſplets pour
entrer dans cette
maiſon, je vous ſuis
O
162
La Comtesse
obligée, luy dit-el-le, de m'avoir choiſi
ce lieu, puis que mon
deſtin me l'ordonne,
je ne ſongeray plus
qu'à me dérober à
toute la terre, &
qu'à chercher dans
mon propre cœur de-
quoy me paſſer du
monde tout entier ;
Auſſi bien, Meſplets,
ajoûta-elle en ſoûpi-
rant, je n'ay que de
la haine & du dé-
163
d'Isembovrg.
gouſt pour tout cequi n'eſt pas ce que
j'ay perdu.
La Comteſſe trou-
va dans ce lieu quel-
que choſe de ſi char-
mant, ſoit pour ſa
ſituation, pour la
pureté de ſon air, &
pour toutes les com-
moditez qui ſont ne-
ceſſaires pour paſſer
une vie douce & trã
quille, qu'elle n'a-
voit jamais vécu ſi
que la vertueuſe Car-
melite luy avoit dit
en faveur de la vie
ſolitaire luy repaſſoit
dans la memoire, el-
le ſe faiſoit des plai-
ſirs de mille ſecrets
de la nature, & pour
ſe divertir elle apprit
avec le jargon du païs
à filer de quelques paï-
ſannes ſes voiſines.
Elle avoit vẽdu quel-
ques pierreries avant
ris, lorſque l'argent
luy manquoit Meſ-
plets en alloit vendre
d'autres à Thoulou-
ze, & comme les
Heros des Romans
ils faiſoient toutes
leurs affaires avec des
diamans & des rubis.
Meſplets s'occupoit
à peindre. Il eſtoit
ſçavant en cét art &
il peignoit la Com-
teſſe de mille manie-
te occupation con-
tinuelle acheva de
l'enflammer. Son a-
mour devint ſi vio-
lent qu'il n'eut pas
ſeulement la force
de le combatre. Il ne
s'amuſa point à pouſ-
ſer des ſoûpirs qu'il
ſçavoit bien qui ne
ſeroient pas écout-
tez. Les premiers té-
moignages de ſa paſ-
ſion furent des tranſ-
La Comteſſe fut ſi
épouvãtée d'un mal-
heur ſi prêveu qui
venoit troubler le re-
pos dont elle com-
mẽçoit à joüir, qu'el-
le faillit à mourir de
déplaiſir. Elle vit bien
tout d'un coup que
les emportemens ny
les ménaces n'épou-
vanteroient pas un
ſcelerat au pouvoir
duquel ſon deſtin l'a-
ſongea-elle qu'à le
ramener de ſon éga-
rement par des voyes
douces & raiſonna-
bles. Elle verſoit des
larmes, elle le fai-
ſoit ſouvenir de ce
qu'elle eſtoit, & de
ce qu'il luy devoit,
& quelquefois elle
réüſſiſſoit, ſi bien que
Meſplets verſoit des
larmes à ſon tour, &
luy demandoit par-
va dans ce lieu quel-
que choſe de ſi char-
mant, ſoit pour ſa
ſituation, pour la
pureté de ſon air, &
pour toutes les com-
moditez qui ſont ne-
ceſſaires pour paſſer
une vie douce & trã
quille, qu'elle n'a-
voit jamais vécu ſi
O ij
164
La Comtesse
contente. Tout ce que la vertueuſe Car-
melite luy avoit dit
en faveur de la vie
ſolitaire luy repaſſoit
dans la memoire, el-
le ſe faiſoit des plai-
ſirs de mille ſecrets
de la nature, & pour
ſe divertir elle apprit
avec le jargon du païs
à filer de quelques paï-
ſannes ſes voiſines.
Elle avoit vẽdu quel-
ques pierreries avant
165
d'Isembovrg.
que de partir de Pa-ris, lorſque l'argent
luy manquoit Meſ-
plets en alloit vendre
d'autres à Thoulou-
ze, & comme les
Heros des Romans
ils faiſoient toutes
leurs affaires avec des
diamans & des rubis.
Meſplets s'occupoit
à peindre. Il eſtoit
ſçavant en cét art &
il peignoit la Com-
teſſe de mille manie-
166
La Comtesse
res differentes. Cet-te occupation con-
tinuelle acheva de
l'enflammer. Son a-
mour devint ſi vio-
lent qu'il n'eut pas
ſeulement la force
de le combatre. Il ne
s'amuſa point à pouſ-
ſer des ſoûpirs qu'il
ſçavoit bien qui ne
ſeroient pas écout-
tez. Les premiers té-
moignages de ſa paſ-
ſion furent des tranſ-
167
d'Isembovrg.
ports d'un inſenſé. La Comteſſe fut ſi
épouvãtée d'un mal-
heur ſi prêveu qui
venoit troubler le re-
pos dont elle com-
mẽçoit à joüir, qu'el-
le faillit à mourir de
déplaiſir. Elle vit bien
tout d'un coup que
les emportemens ny
les ménaces n'épou-
vanteroient pas un
ſcelerat au pouvoir
duquel ſon deſtin l'a-
168
La Comtesse
voit miſe, auſſi neſongea-elle qu'à le
ramener de ſon éga-
rement par des voyes
douces & raiſonna-
bles. Elle verſoit des
larmes, elle le fai-
ſoit ſouvenir de ce
qu'elle eſtoit, & de
ce qu'il luy devoit,
& quelquefois elle
réüſſiſſoit, ſi bien que
Meſplets verſoit des
larmes à ſon tour, &
luy demandoit par-
don
169
d'Isembovrg.
don de ſa temerité.Mais la ſource du
mal reſtant toûjours
dans ſon cœur, il
n'étoit jamais un
jour dans une meſme
aſſiete, & tantoſt bru-
tal & tantoſt ſoûmis,
il tourmentoit la
Comteſſe d'une ma-
niere effroyable. El-
le n'oublia rien pour
le guerir, & croyant
que la ſolitude nou-
riſſoit ſa paſſion, Meſ-
jour, il me ſemble
qu'il eſt indigne d'un
homme auſſi vaillant
que vous de vous a-
muſer à peindre tan-
dis que tous les Gen-
tilshommes de cette
Province expoſent
leur vie pour vôtre
Roy. Il fut ſenſible à
ce reproche, il étoit
brave, il aimoit la
guerre, & la paſſion
qu'il avoit dans le
gré luy, il fut bien
aiſe d'eſſayer les re-
medes de l'abſence.
La Comteſſe afin de
l'éloigner d'elle luy
donna un équipage
pour aller à Leucate,
où feu Monſieur l'E-
veſque d'Alby plein
d'ardeur pour la gloi-
re de ſon Prince con-
duiſoit toute la No-
bleſſe du païs au ſe-
cours du Mareſchal
quoy que Meſplets
changeât de place il
ne changea point de
ſentiment. L'abſence
redoubla ſon amour,
& la joye qu'il eut de
revoir la Comteſſe a-
cheva de troubler ſa
raiſon. Comme il a-
voit quelquefois hõ
te de ſa conduite, il
faiſoit des foibles ef-
forts pour la chan-
ger. Il fit amitié avec
de ſon voiſinage, &
pour vaincre une paſ-
ſion qui faiſoit le ſu-
plice de la Comteſſe,
il cherchoit mille
amuſemens pour leſ-
quels il n'avoit que
du dégouſt ; mais tous
les remedes eſtoient
inutiles. Meſplets é-
toit toûjours amou-
reux & toûjours inſo-
lent, & la Comteſſe
perdãt tout eſpoir de
plus qu'à ſe faire un
puiſſant protecteur
qui la put garantir
des emportemens de
ce temeraire.
mal reſtant toûjours
dans ſon cœur, il
n'étoit jamais un
jour dans une meſme
aſſiete, & tantoſt bru-
tal & tantoſt ſoûmis,
il tourmentoit la
Comteſſe d'une ma-
niere effroyable. El-
le n'oublia rien pour
le guerir, & croyant
que la ſolitude nou-
riſſoit ſa paſſion, Meſ-
P
170
La Comtesse
plets , luy dit-elle unjour, il me ſemble
qu'il eſt indigne d'un
homme auſſi vaillant
que vous de vous a-
muſer à peindre tan-
dis que tous les Gen-
tilshommes de cette
Province expoſent
leur vie pour vôtre
Roy. Il fut ſenſible à
ce reproche, il étoit
brave, il aimoit la
guerre, & la paſſion
qu'il avoit dans le
171
d'Isembovrg.
cœur y regnant mal-gré luy, il fut bien
aiſe d'eſſayer les re-
medes de l'abſence.
La Comteſſe afin de
l'éloigner d'elle luy
donna un équipage
pour aller à Leucate,
où feu Monſieur l'E-
veſque d'Alby plein
d'ardeur pour la gloi-
re de ſon Prince con-
duiſoit toute la No-
bleſſe du païs au ſe-
cours du Mareſchal
P ij
172
La Comtesse
de Schomberg : Maisquoy que Meſplets
changeât de place il
ne changea point de
ſentiment. L'abſence
redoubla ſon amour,
& la joye qu'il eut de
revoir la Comteſſe a-
cheva de troubler ſa
raiſon. Comme il a-
voit quelquefois hõ
te de ſa conduite, il
faiſoit des foibles ef-
forts pour la chan-
ger. Il fit amitié avec
173
d'Isembovrg.
des Gentils hommesde ſon voiſinage, &
pour vaincre une paſ-
ſion qui faiſoit le ſu-
plice de la Comteſſe,
il cherchoit mille
amuſemens pour leſ-
quels il n'avoit que
du dégouſt ; mais tous
les remedes eſtoient
inutiles. Meſplets é-
toit toûjours amou-
reux & toûjours inſo-
lent, & la Comteſſe
perdãt tout eſpoir de
P iij
174
La Comtesse
le changer ne ſongea plus qu'à ſe faire un
puiſſant protecteur
qui la put garantir
des emportemens de
ce temeraire.
Elle avoit entendu
parler de feu Mon-
ſieur l'Eveſque d'Al-
by. Il eſtoit de l'illu-
ſtre Maiſon de Dail-
lon du Lude. Vne
longue ſuite d'ayeuls
tous grands, ren-
dent cette Maiſon
rables du Royaume.
Vne grande richeſſe
accõpagnoit ſa naiſ-
ſance ; & ſon eſprit
& ſon merite étoient
encore plus grands
que ſa naiſſance & ſa
dignité. Elle ne dou-
ta point qu'un ſi grãd
Prelat ne fut bien ai-
ſe de ſecourir une
Princeſſe infortunée.
Dans cette penſée a-
prés avoir vécu trois
de la Longaigne, el-
le en partit un jour
de Noël & fut ſur-
prendre toute la ville
d'Alby dans un Ser-
mon ſolemnel, par
ſon éclat par ſa bon-
ne mine & par la
quantité des pierre-
ries dont elle eſtoit
parée ; & declarant
le jour meſme à Meſ-
plets qu'elle ne vou-
loit pas retourner de
Longaigne, elle le
mit au deſeſpoir ;
mais la Comteſſe ne
le craignoit pas dans
une Ville comme
dans un deſert, & de
ſon tyran devenu
ſon écuyer, il cher-
cha la conſolation
de ce changement
parmy la débauche
& le jeu. Elle luy
donna tout l'argent
qu'il voulut pour
taire, parce qu'elle
ne vouloit pas enco-
re ſe faire connoître
à tout le monde.
Deux jours aprés ſon
arrivée comme elle
entroit un matin
dans une Egliſe, Mon-
ſieur l'Evêque d'Albi
y entroit auſſi. Il l'a-
voit déja veuë au Ser-
mon, mais la voyant
de plus prés il la trou-
va beaucoup plus
& la curioſité l'obli-
geant de s'arréter,
Madame, luy dit-il,
en luy preſentant de
l'Eau benite, mon
Aumônier ſera s'il
vous plaiſt le vôtre
aujourd'huy, je le
veux bien, Monſieur,
luy dit-elle, en laiſ-
ſant agir tout ſon air
de grandeur qu'elle
avoit ſi long-temps
contraint, & je vais
vous inſpire le deſ-
ſein d'eſtre le Prote-
cteur d'une perſonne
que vous ne trouve-
rez peut-eſtre pas in-
digne de cette grace.
Elle connut bien à la
réponſe de Monſieur
d'Alby qu'il eſtoit
tres-diſpoſé à l'écou-
ter & à la ſervir, auſſi
le viſita-elle le jour-
meſme, ils eurent
une longue conver-
teſſe ne luy cacha que
l'amour de Meſplets.
Il trouva bon qu'el-
le ne ſe fit pas con-
noître, il aimoit les
grands & les petits
ſecrets, & quand la
Comteſſe n'auroit
pas eſté belle & char-
mante il auroit eû de
l'amitié pour elle,
parce qu'il y avoit un
grand myſtere à con-
ſerver.
parler de feu Mon-
ſieur l'Eveſque d'Al-
by. Il eſtoit de l'illu-
ſtre Maiſon de Dail-
lon du Lude. Vne
longue ſuite d'ayeuls
tous grands, ren-
dent cette Maiſon
175
d'Isembovrg.
une des plus conſide-rables du Royaume.
Vne grande richeſſe
accõpagnoit ſa naiſ-
ſance ; & ſon eſprit
& ſon merite étoient
encore plus grands
que ſa naiſſance & ſa
dignité. Elle ne dou-
ta point qu'un ſi grãd
Prelat ne fut bien ai-
ſe de ſecourir une
Princeſſe infortunée.
Dans cette penſée a-
prés avoir vécu trois
P iiij
176
La Comtesse
ans dans la ſolitudede la Longaigne, el-
le en partit un jour
de Noël & fut ſur-
prendre toute la ville
d'Alby dans un Ser-
mon ſolemnel, par
ſon éclat par ſa bon-
ne mine & par la
quantité des pierre-
ries dont elle eſtoit
parée ; & declarant
le jour meſme à Meſ-
plets qu'elle ne vou-
loit pas retourner de
177
d'Isembovrg.
quelque temps à laLongaigne, elle le
mit au deſeſpoir ;
mais la Comteſſe ne
le craignoit pas dans
une Ville comme
dans un deſert, & de
ſon tyran devenu
ſon écuyer, il cher-
cha la conſolation
de ce changement
parmy la débauche
& le jeu. Elle luy
donna tout l'argent
qu'il voulut pour
178
La Comtesse
l'appaiſer & le fairetaire, parce qu'elle
ne vouloit pas enco-
re ſe faire connoître
à tout le monde.
Deux jours aprés ſon
arrivée comme elle
entroit un matin
dans une Egliſe, Mon-
ſieur l'Evêque d'Albi
y entroit auſſi. Il l'a-
voit déja veuë au Ser-
mon, mais la voyant
de plus prés il la trou-
va beaucoup plus
179
d'Isembovrg.
belle. L'admiration& la curioſité l'obli-
geant de s'arréter,
Madame, luy dit-il,
en luy preſentant de
l'Eau benite, mon
Aumônier ſera s'il
vous plaiſt le vôtre
aujourd'huy, je le
veux bien, Monſieur,
luy dit-elle, en laiſ-
ſant agir tout ſon air
de grandeur qu'elle
avoit ſi long-temps
contraint, & je vais
180
La Comtesse
prier le Ciel qu'ilvous inſpire le deſ-
ſein d'eſtre le Prote-
cteur d'une perſonne
que vous ne trouve-
rez peut-eſtre pas in-
digne de cette grace.
Elle connut bien à la
réponſe de Monſieur
d'Alby qu'il eſtoit
tres-diſpoſé à l'écou-
ter & à la ſervir, auſſi
le viſita-elle le jour-
meſme, ils eurent
une longue conver-
181
d'Isembovrg.
ſation, & la Com-teſſe ne luy cacha que
l'amour de Meſplets.
Il trouva bon qu'el-
le ne ſe fit pas con-
noître, il aimoit les
grands & les petits
ſecrets, & quand la
Comteſſe n'auroit
pas eſté belle & char-
mante il auroit eû de
l'amitié pour elle,
parce qu'il y avoit un
grand myſtere à con-
ſerver.
182
La Comtesse
Toute la ville d'Al-
by à l'exemple de ſon
Prelat ne ſongea qu'à
divertir cette belle
inconnuë, & ce ne
furent que bals &
feſtins. La Comteſſe
goûtoit les plaiſirs
comme ſi elle avoit
eſté moins malheu-
reuſe, & s'aſſeurant
de la protection d'un
fort grand Seigneur,
elle commençoit à
vivre ſans inquietu-
fonde tranquillité ;
auſſi eſtoit-elle dans
un lieu où la joye re-
gne inceſſamment, &
où l'on la voit peinte
dans les yeux de tout
le monde. La ville
d'Alby n'eſt pas gran-
de, mais elle plaiſt &
l'on ſe promene à
l'entour agreable-
ment, l'adreſſe des
habitans a fait que
ce qui ſert ſeulement
tres Villes ſert enco-
re d'ornement à cel-
le-cy. De la terre
que l'on a tirée pour
faire des foſſez pro-
fonds on a élevé une
terraſſe qui eſtant
bordée de deux rangs
d'ormes forme une
allée qui n'eſt pas
droitte, puis qu'elle
environne une Ville
qui eſt ronde, mais
qui dans une figure
eſt tout à fait belle. La
Comteſſe paſſoit dãs
cette Ville la plus
douce vie du monde,
& Meſplets alloit ſou-
vent à la Longaigne
ſe divertir avec ſes a-
mis. Quoy qu'ils puſ-
ſent faire pour l'enga-
ger à parler dans la
débauche le ſecret ne
luy échappa jamais.
Il diſoit ſeulement
des choſes qui fai-
qu'il y en avoit de
fort cachées dans les
avantures de la bel-
le inconnuë. L'on
ſe mit en teſte de pe-
netrer ce ſecret, on
leur voyoit des mo-
noyes étrangeres &
une ſource d'argent
qui ne s'épuiſoit
point par de grandes
dépences : les uns di-
ſoient qu'ils eſtoient
les eſpions du Roy
que ce devoient eſtre
des gens de qualité
échapez de quelque
naufrage, ou em-
barraſſez dans des
affaires fâcheuſes, &
d'autres conclurent
qu'ils eſtoient des
faux monnoyeurs,
que c'étoit pour cela
qu'ils avoient de-
meuré ſeuls dans un
Château écarté, &
que Meſplets alloit
debiter ſa fauſſe mo-
noye à Thoulouze.
by à l'exemple de ſon
Prelat ne ſongea qu'à
divertir cette belle
inconnuë, & ce ne
furent que bals &
feſtins. La Comteſſe
goûtoit les plaiſirs
comme ſi elle avoit
eſté moins malheu-
reuſe, & s'aſſeurant
de la protection d'un
fort grand Seigneur,
elle commençoit à
vivre ſans inquietu-
183
d'Isembovrg.
de, & dans une pro-fonde tranquillité ;
auſſi eſtoit-elle dans
un lieu où la joye re-
gne inceſſamment, &
où l'on la voit peinte
dans les yeux de tout
le monde. La ville
d'Alby n'eſt pas gran-
de, mais elle plaiſt &
l'on ſe promene à
l'entour agreable-
ment, l'adreſſe des
habitans a fait que
ce qui ſert ſeulement
184
La Comtesse
de deffence aux au-tres Villes ſert enco-
re d'ornement à cel-
le-cy. De la terre
que l'on a tirée pour
faire des foſſez pro-
fonds on a élevé une
terraſſe qui eſtant
bordée de deux rangs
d'ormes forme une
allée qui n'eſt pas
droitte, puis qu'elle
environne une Ville
qui eſt ronde, mais
qui dans une figure
aſſez
185
d'Isembovrg.
aſſez extraordinaireeſt tout à fait belle. La
Comteſſe paſſoit dãs
cette Ville la plus
douce vie du monde,
& Meſplets alloit ſou-
vent à la Longaigne
ſe divertir avec ſes a-
mis. Quoy qu'ils puſ-
ſent faire pour l'enga-
ger à parler dans la
débauche le ſecret ne
luy échappa jamais.
Il diſoit ſeulement
des choſes qui fai-
Q
186
La Comtesse
ſoient comprendrequ'il y en avoit de
fort cachées dans les
avantures de la bel-
le inconnuë. L'on
ſe mit en teſte de pe-
netrer ce ſecret, on
leur voyoit des mo-
noyes étrangeres &
une ſource d'argent
qui ne s'épuiſoit
point par de grandes
dépences : les uns di-
ſoient qu'ils eſtoient
les eſpions du Roy
187
d'Isembovrg.
d'Eſpagne ; d'autresque ce devoient eſtre
des gens de qualité
échapez de quelque
naufrage, ou em-
barraſſez dans des
affaires fâcheuſes, &
d'autres conclurent
qu'ils eſtoient des
faux monnoyeurs,
que c'étoit pour cela
qu'ils avoient de-
meuré ſeuls dans un
Château écarté, &
que Meſplets alloit
Q ij
188
La Comtesse
de temps en temps debiter ſa fauſſe mo-
noye à Thoulouze.
La Comteſſe en
mariant Delmas a-
vec un homme du
bas Languedoc,
luy avoit donné
quatre cens Piſtoles
& ſubſtitué la Lon-
gaigne aprés ſa mort
& celle de Meſplets :
cét ingrat pour s'en-
richir plûtoſt de
leurs dépoüilles for-
faire perir tous deux.
Le Parlement de
Thoulouze faiſoit a-
lors une exacte re-
cherche des faux
monnoyeurs. Ce traî-
tre donna des indi-
ces ſur leſquels l'on
dénonça Meſplets,
& l'on l'arrêta pri-
ſonnier dans Thou-
louze. Vn Commiſ-
ſaire du Parlement
ſe tranſporta dili-
gaigne, où la Com-
teſſe s'étant trouvée
il la cõduiſit à Thou-
louze comme com-
plice de Meſplets.
Dans le trouble où
la jetta une accuſa-
tion ſi ſurprenante
pour elle, elle eut aſ-
ſez de liberté d'eſprit
pour retirer adroite-
ment d'un de ſes
coffres dont on fai-
ſoit l'inventaire le
qui la nommoit par
ſon veritable nom.
mariant Delmas a-
vec un homme du
bas Languedoc,
luy avoit donné
quatre cens Piſtoles
& ſubſtitué la Lon-
gaigne aprés ſa mort
& celle de Meſplets :
cét ingrat pour s'en-
richir plûtoſt de
leurs dépoüilles for-
189
d'Isembovrg.
ma le deſſein de lesfaire perir tous deux.
Le Parlement de
Thoulouze faiſoit a-
lors une exacte re-
cherche des faux
monnoyeurs. Ce traî-
tre donna des indi-
ces ſur leſquels l'on
dénonça Meſplets,
& l'on l'arrêta pri-
ſonnier dans Thou-
louze. Vn Commiſ-
ſaire du Parlement
ſe tranſporta dili-
190
La Comtesse
gemment à la Lon-gaigne, où la Com-
teſſe s'étant trouvée
il la cõduiſit à Thou-
louze comme com-
plice de Meſplets.
Dans le trouble où
la jetta une accuſa-
tion ſi ſurprenante
pour elle, elle eut aſ-
ſez de liberté d'eſprit
pour retirer adroite-
ment d'un de ſes
coffres dont on fai-
ſoit l'inventaire le
191
d'Isembovrg.
paſſe-port du Royqui la nommoit par
ſon veritable nom.
Monſieur l'Eveſque
d'Alby fort affligé
d'une avanture qu'il
jugea bien qui luy
coûteroit la perte
d'un grand ſecret fit
ſuivre la Comteſſe à
Thoulouze par des
gens habiles & éclai-
rez afin de lui don-
ner conſeil dans une
affaire ſi perilleuſe.
pût pour ſauver tout
enſemble Meſplets &
le ſecret de la Com-
teſſe, mais il fut im-
poſſible. Il répondit
ſi ambiguëment à
tout ce qu'on luy de-
mandoit que l'on
creut qu'il eſtoit cou-
pable, & il eut tant
de fidelité qu'il ne
voulut jamais rien
dire ſans la permiſ-
ſion de la Com-
bonne & trop gene-
reuſe pour le laiſſer
perir. Elle fut au Par-
lement toute allar-
mée & demandant
un moment d'au-
dience, elle juſtifia
Meſplets au dépens
de ſon ſecret. Elle ti-
ra de ſon ſein le paſ-
ſeport du Roy & le
donnant hardiment
à Monſieur le pre-
mier Preſident, il leut
l'avis de l'Vniverſi-
té de Doüay, le Roy
permettoit à la Prin-
ceſſe Marie Anne de
Hohenzollern, de
choiſir tel endroit
de ſon Royaume
qu'il luy plairoit
pour y vivre en ſeu-
reté. L'air noble &
grand de la Com-
teſſe ne permettoit
pas de douter un mo-
ment de la verité de
Par un dénoüement
ſi extraordinaire Meſ-
plets fut élargy. La
Comteſſe aprés luy
avoir ſauvé la vie ne
le vouloit plus voir,
il luy avoit donné
de nouveaux ſujets
de plainte & porté
ſon extravagance,
juſques à publier par
des mouvemens ja-
loux que Monſieur
l'Eveſque d'Alby ê-
Comteſſe. Elle avoit
un reſſentiment ex-
treme de cette con-
duite, mais il lui té-
moigna tant de re-
pentir, il fit tant de
ſermens qu'il ſeroit
le reſte de ſes jours
raiſonnable & ſoû-
mis que la Comteſſe
ſe laiſſa flechir & le
remena à la Lon-
gaigne où elle vou-
loit paſſer le reſte de
ſe reſoudre de vivre
dans Alby depuis
qu'elle eſtoit con-
nuë pour la Com-
teſſe d'Iſembourg.
Pluſieurs Dames de
cette Ville la viſi-
toient ſouvent, &
Monſieur l'Eveſque
d'Alby en faiſoit de
meſme. Comme de-
puis ſon retour de
Thoulouze une mé-
lancolie extréme pa-
ge & dans toutes ſes
actions, il avoit une
grande & ſincere pi-
tié de ſa fortune, &
reſolut fortement de
la tirer d'un lieu qui
nourriſſoit ſa triſteſ-
ſe. Dans cette veüe,
Madame, luy dit-il
un jour, je vous a-
voüe qu'à qui ne veut
qu'un beau ſejour, il
eſt mal aiſé qu'on ſe
puiſſe mieux conten-
lieu ; vôtre ſolitude
a des charmes, mais
Madame, vous n'étes
pas née pour ne te-
nir compagnie qu'
aux arbres & aux fon-
taines, il eſt tẽps que
vous vous aperceviez
combien vôtre dou-
leur eſt inutile, que
vous écoutiez les cõ-
ſeils de vos amis, &
que vous ſouffriez les
remedes que la rai-
neceſſité de ſe conſo-
ler apportent à tou-
tes ſortes de maux.
Ie ſçais que de pre-
ſenter des biens me-
diocres à une perſon-
ne qui en a perdu de
fort grands, c'eſt ai-
grir ſa douleur ; mais
enfin, Madame, je fais
tout ce que je puis
en vous offrant mon
bien & mes ſervices, il
faut quitter vôtre hu-
nir paſſer vos jours
dans une ville, où l'on
vous honore, où
l'on vous aime & où
l'on ne vous trouve
aucun deffaut que ce-
lui d'aimer trop à
eſtre ſeule. Vous oſe-
rai-je dire, Madame,
continua-il, que l'on
explique meſme vô-
tre ſolitude deſa-
vantageuſemẽt pour
vous. On dit que Meſ-
comme vôtre Ecuier
que comme voſtre
Maître, & que vous
le ſouffrez. Si toutes
ces raiſons ne peu-
vent vous obliger à
m'accorder ce que je
vous demande, il
faut que vous le don-
niez au profond reſ-
pect & à la conſide-
ration que j'ay pour
vous. Si vous m'a-
viez plûtoſt parlé de
dit la Comteſſe, j'au-
rois déja quitté ce
lieu. Ie dois tout à la
generoſité de vôtre
procedé, & je vous
ſacrifierois ſans peine
non ſeulement ma
ſolitude, mais encore
ma vie ſi elle pouvoit
vous eſtre utile.
d'Alby fort affligé
d'une avanture qu'il
jugea bien qui luy
coûteroit la perte
d'un grand ſecret fit
ſuivre la Comteſſe à
Thoulouze par des
gens habiles & éclai-
rez afin de lui don-
ner conſeil dans une
affaire ſi perilleuſe.
192
La Comtesse
L'on fit ce que l'onpût pour ſauver tout
enſemble Meſplets &
le ſecret de la Com-
teſſe, mais il fut im-
poſſible. Il répondit
ſi ambiguëment à
tout ce qu'on luy de-
mandoit que l'on
creut qu'il eſtoit cou-
pable, & il eut tant
de fidelité qu'il ne
voulut jamais rien
dire ſans la permiſ-
ſion de la Com-
teſſe
193
d'Isembovrg.
teſſe, elle eſtoit tropbonne & trop gene-
reuſe pour le laiſſer
perir. Elle fut au Par-
lement toute allar-
mée & demandant
un moment d'au-
dience, elle juſtifia
Meſplets au dépens
de ſon ſecret. Elle ti-
ra de ſon ſein le paſ-
ſeport du Roy & le
donnant hardiment
à Monſieur le pre-
mier Preſident, il leut
R
194
La Comtesse
tout haut, que veul'avis de l'Vniverſi-
té de Doüay, le Roy
permettoit à la Prin-
ceſſe Marie Anne de
Hohenzollern, de
choiſir tel endroit
de ſon Royaume
qu'il luy plairoit
pour y vivre en ſeu-
reté. L'air noble &
grand de la Com-
teſſe ne permettoit
pas de douter un mo-
ment de la verité de
195
d'Isembovrg.
ce qu'elle avançoit.Par un dénoüement
ſi extraordinaire Meſ-
plets fut élargy. La
Comteſſe aprés luy
avoir ſauvé la vie ne
le vouloit plus voir,
il luy avoit donné
de nouveaux ſujets
de plainte & porté
ſon extravagance,
juſques à publier par
des mouvemens ja-
loux que Monſieur
l'Eveſque d'Alby ê-
R ij
196
La Comtesse
toit amoureux de laComteſſe. Elle avoit
un reſſentiment ex-
treme de cette con-
duite, mais il lui té-
moigna tant de re-
pentir, il fit tant de
ſermens qu'il ſeroit
le reſte de ſes jours
raiſonnable & ſoû-
mis que la Comteſſe
ſe laiſſa flechir & le
remena à la Lon-
gaigne où elle vou-
loit paſſer le reſte de
197
d'Isembovrg.
ſa vie, ne pouvantſe reſoudre de vivre
dans Alby depuis
qu'elle eſtoit con-
nuë pour la Com-
teſſe d'Iſembourg.
Pluſieurs Dames de
cette Ville la viſi-
toient ſouvent, &
Monſieur l'Eveſque
d'Alby en faiſoit de
meſme. Comme de-
puis ſon retour de
Thoulouze une mé-
lancolie extréme pa-
R iij
198
La Comtesse
roiſſoit ſur ſon viſa-ge & dans toutes ſes
actions, il avoit une
grande & ſincere pi-
tié de ſa fortune, &
reſolut fortement de
la tirer d'un lieu qui
nourriſſoit ſa triſteſ-
ſe. Dans cette veüe,
Madame, luy dit-il
un jour, je vous a-
voüe qu'à qui ne veut
qu'un beau ſejour, il
eſt mal aiſé qu'on ſe
puiſſe mieux conten-
199
d'Isembovrg.
ter ailleurs qu'en celieu ; vôtre ſolitude
a des charmes, mais
Madame, vous n'étes
pas née pour ne te-
nir compagnie qu'
aux arbres & aux fon-
taines, il eſt tẽps que
vous vous aperceviez
combien vôtre dou-
leur eſt inutile, que
vous écoutiez les cõ-
ſeils de vos amis, &
que vous ſouffriez les
remedes que la rai-
R iiij
200
La Comtesse
ſon, le temps & la neceſſité de ſe conſo-
ler apportent à tou-
tes ſortes de maux.
Ie ſçais que de pre-
ſenter des biens me-
diocres à une perſon-
ne qui en a perdu de
fort grands, c'eſt ai-
grir ſa douleur ; mais
enfin, Madame, je fais
tout ce que je puis
en vous offrant mon
bien & mes ſervices, il
faut quitter vôtre hu-
201
d'Isembovrg.
meur ſolitaire & ve-nir paſſer vos jours
dans une ville, où l'on
vous honore, où
l'on vous aime & où
l'on ne vous trouve
aucun deffaut que ce-
lui d'aimer trop à
eſtre ſeule. Vous oſe-
rai-je dire, Madame,
continua-il, que l'on
explique meſme vô-
tre ſolitude deſa-
vantageuſemẽt pour
vous. On dit que Meſ-
202
La Comtesse
plets y agit moinscomme vôtre Ecuier
que comme voſtre
Maître, & que vous
le ſouffrez. Si toutes
ces raiſons ne peu-
vent vous obliger à
m'accorder ce que je
vous demande, il
faut que vous le don-
niez au profond reſ-
pect & à la conſide-
ration que j'ay pour
vous. Si vous m'a-
viez plûtoſt parlé de
203
d'Isembovrg.
cette maniere, luy dit la Comteſſe, j'au-
rois déja quitté ce
lieu. Ie dois tout à la
generoſité de vôtre
procedé, & je vous
ſacrifierois ſans peine
non ſeulement ma
ſolitude, mais encore
ma vie ſi elle pouvoit
vous eſtre utile.
Meſplets qui s'étoit
caché entendoit cet-
te converſation. Dés
que Monſieur d'Al-
rendit le maître ab-
ſolu de cette maiſon,
& perdant toute ſorte
de reſpect, il dit à la
Comteſſe qu'elle n'en
ſortiroit point, &
qu'il s'y oppoſeroit
au peril de ſa vie. Les
inſolẽces de Meſplets
firent oublier ſes ſer-
vices. La Comteſſe
prit ſes dernieres reſo-
lutions, & les fit ſça-
voir à Monſieur l'E-
fut ſurpris ; mais en-
fin aprés pluſieurs cõ-
verſations & plu-
ſieurs lettres, il con-
vint avec la Comteſ-
ſe qu'elle termineroit
tous les grands éve-
nemens de ſa vie par
une action digne d'el-
le. La premiere fois
que Meſplets ſortit de
la Longaigne pour
aller chez un de ſes
voiſins, la Comteſſe
ſieur d'Alby, qui ne
voulant confier qu'à
luy-meſme l'execu-
tion d'un genereux
deſſein, monte en
caroſſe, & ſuivy ſeu-
lement de deux Gen-
tils-hommes & de
quelques Laquais, il
fut au petit château
de la Longaigne. Par
quelque ſecret preſ-
ſentiment Meſplets
y arriva en meſme
la Comteſſe ſe pro-
menoit ſous des ar-
bres lors qu'ils l'a-
borderent tous deux.
Venez, Madame, luy
dit Monſieur d'Alby
en luy preſentant la
main, & regardant
Meſplets d'un air
menaçant, venez
vous mettre à l'abri
des inſolences de ce
miſerable. La Com-
teſſe ſe jetta prom-
roſſe, & le deſeſperé
Meſplets mettant l'é-
pée à la main, en a-
puya la pointe ſur
l'eſtomac de Mon-
ſieur d'Alby. Ren-
dez-moy la Comteſ-
ſe, dit-il, ou je vous
perce le cœur. Faites
ce qu'il vous plaira,
luy répondit Mon-
ſieur d'Alby avec une
fermeté admirable,
je ne crains rien lors
mon devoir. Cepen-
dant les Gentils-hõ-
mes de Monſieur
d'Alby vouloiẽt tuer
Meſplets, & ſes do-
meſtiques qui étoient
accourus ſe mettoiẽt
en état de le deſſen-
dre. La Comteſſe
craignant tout dans
cette confuſion pour
ſon genereux pro-
tecteur, eut recours
à ſes manieres dou-
pece d'enchantement
tiroient tout d'un
coup Meſplets de ſes
plus grands empor-
temens. Meſplets luy
cria-elle en deſcen-
dant du carroſſe, &
luy faiſant ſigne de
s'approcher, ne fai-
tes pas de nouveaux
crimes, je vous en
conjure au nom du
Prince mon pere,
à qui le vôtre &
toute vôtre fortune .
Ah ! Madame, luy
dit-il, je vous ay ſacri-
fié cette fortune que
je tenois du Prince
vôtre pere, & main-
tenant vous m'aban-
donnez. Approchez-
vous reprit-elle &
venez apprendre mes
intentions. Il s'ap-
procha, mais avec
des tranſports de dou-
leur qui ne ſe peu-
prit le deſſein de la
Comteſſe : Il s'y
conforma, parce que
ſon injuſte jalouſie
y trouva ſon com-
pte, & ſe retirant
accablé pourtant d'u-
ne mortelle triſteſſe.
Monſieur d'Alby ſe
mit en carroſſe avec
la Comteſſe, & la
conduiſit dãs le Con-
vent de la Viſita-
tion de la ville d'Al-
by.
caché entendoit cet-
te converſation. Dés
que Monſieur d'Al-
204
La Comtesse
by fut party, il ſerendit le maître ab-
ſolu de cette maiſon,
& perdant toute ſorte
de reſpect, il dit à la
Comteſſe qu'elle n'en
ſortiroit point, &
qu'il s'y oppoſeroit
au peril de ſa vie. Les
inſolẽces de Meſplets
firent oublier ſes ſer-
vices. La Comteſſe
prit ſes dernieres reſo-
lutions, & les fit ſça-
voir à Monſieur l'E-
205
d'Isembovrg.
vêque d'Alby. Il enfut ſurpris ; mais en-
fin aprés pluſieurs cõ-
verſations & plu-
ſieurs lettres, il con-
vint avec la Comteſ-
ſe qu'elle termineroit
tous les grands éve-
nemens de ſa vie par
une action digne d'el-
le. La premiere fois
que Meſplets ſortit de
la Longaigne pour
aller chez un de ſes
voiſins, la Comteſſe
206
La Comtesse
en fit avertir Mon-ſieur d'Alby, qui ne
voulant confier qu'à
luy-meſme l'execu-
tion d'un genereux
deſſein, monte en
caroſſe, & ſuivy ſeu-
lement de deux Gen-
tils-hommes & de
quelques Laquais, il
fut au petit château
de la Longaigne. Par
quelque ſecret preſ-
ſentiment Meſplets
y arriva en meſme
207
d'Isembovrg.
temps que luy, &la Comteſſe ſe pro-
menoit ſous des ar-
bres lors qu'ils l'a-
borderent tous deux.
Venez, Madame, luy
dit Monſieur d'Alby
en luy preſentant la
main, & regardant
Meſplets d'un air
menaçant, venez
vous mettre à l'abri
des inſolences de ce
miſerable. La Com-
teſſe ſe jetta prom-
208
La Comtesse
ptement dans le ca-roſſe, & le deſeſperé
Meſplets mettant l'é-
pée à la main, en a-
puya la pointe ſur
l'eſtomac de Mon-
ſieur d'Alby. Ren-
dez-moy la Comteſ-
ſe, dit-il, ou je vous
perce le cœur. Faites
ce qu'il vous plaira,
luy répondit Mon-
ſieur d'Alby avec une
fermeté admirable,
je ne crains rien lors
qu'il
209
d'Isembovrg.
qu'il s'agit de faire mon devoir. Cepen-
dant les Gentils-hõ-
mes de Monſieur
d'Alby vouloiẽt tuer
Meſplets, & ſes do-
meſtiques qui étoient
accourus ſe mettoiẽt
en état de le deſſen-
dre. La Comteſſe
craignant tout dans
cette confuſion pour
ſon genereux pro-
tecteur, eut recours
à ſes manieres dou-
S
210
La Comtesse
ces, qui par une eſ-pece d'enchantement
tiroient tout d'un
coup Meſplets de ſes
plus grands empor-
temens. Meſplets luy
cria-elle en deſcen-
dant du carroſſe, &
luy faiſant ſigne de
s'approcher, ne fai-
tes pas de nouveaux
crimes, je vous en
conjure au nom du
Prince mon pere,
à qui le vôtre &
211
d'Isembovrg.
vous-meſme devez toute vôtre fortune .
Ah ! Madame, luy
dit-il, je vous ay ſacri-
fié cette fortune que
je tenois du Prince
vôtre pere, & main-
tenant vous m'aban-
donnez. Approchez-
vous reprit-elle &
venez apprendre mes
intentions. Il s'ap-
procha, mais avec
des tranſports de dou-
leur qui ne ſe peu-
S ij
212
La Comtesse
vent exprimer ; il ap-prit le deſſein de la
Comteſſe : Il s'y
conforma, parce que
ſon injuſte jalouſie
y trouva ſon com-
pte, & ſe retirant
accablé pourtant d'u-
ne mortelle triſteſſe.
Monſieur d'Alby ſe
mit en carroſſe avec
la Comteſſe, & la
conduiſit dãs le Con-
vent de la Viſita-
tion de la ville d'Al-
by.
213
d'Isembovrg.
Le lendemain Meſ-
plets luy ayant fait
demander la permiſ-
ſion de la voir, elle
fut au parloir, où
cet homme parut à
ſes yeux dans l'état
du monde le plus pi-
toyable. En une nuit
la douleur l'avoit ſi
fort changé, qu'il n'é-
toit plus reconnoiſ-
ſable. Il ſe mit à ge-
noux, & comme il
étoit naturellement
jura la Comteſſe par
tous ſes ſervices, dont
il luy faiſoit le détail,
par la mort de ſon
frere, & par le ſa-
crifice entier qu'il
luy avoit fait de ſa
fortune, de ne vou-
loir pas ainſi l'aban-
donner ; mais lors
qu'il connut le peu
d'effet de ſes prieres,
la fureur le ſaiſit, il
tira ſon épée, il ſe fit
ſeroit tué ſi l'on n'a-
voit retenu ſon bras.
Il ſe troubla ſi fort
qu'il reprochoit à la
Comteſſe qu'elle luy
avoit promis de l'é-
pouſer bien-toſt.
Moy, dit-elle, en
faiſant un grand cry,
je vous aurois pro-
mis ce que je ne pou-
vois faire. Quand le
ſouvenir de ma naiſ-
ſance ne m'en auroit
ſçay-je pas que le
Comte d'Iſembourg
eſt encor vivãt ? n'eſt-
ce pas aſſez que vos
méchants conſeils
ayent ſurpris ma jeu-
neſſe, & que vous
m'ayez fait faire l'ac-
tion du monde la
plus imprudente, ſans
que vous m'imputiez
le plus abominable
de tous les projects ?
Mais je vous pardon-
pas oublié que vous
avez en effet quitté
pour moy un établiſ-
ſement conſiderable
en Lorraine, & que
vous eſtes le frere, a-
joûta-elle, d'un hõ-
me, dont le ſouve-
nir me ſera toûjours
fort cher. Ie ne veux
point vous faire pu-
nir de vos emporte-
mens, comme il me
ſeroit facile, & com-
vivez le plus content
que vous pourrez,
je vous donne mes
meubles, ma vaiſſel-
le d'argent, & meſ-
me mes pierreries,
continua-elle, en les
luy jettant toutes,
c'eſt tout ce que j'ay
au monde, je ne me
reſerve rien, & je
m'abandonne toute
entiere à la Provi-
dence . En achevant
Meſplets & ne vou-
lut le revoir de ſa vie.
Monſieur le Comte
d'Aubijoux eut pitié
de luy, il luy fit don-
ner une Compagnie
dans le Regiment de
Monſieur le Marquais
de Vardes, & lors
qu'il n'y eut plus de
guerre en France, il
revint à la Longai-
gne, où il finit ſes
triſtes jours.
plets luy ayant fait
demander la permiſ-
ſion de la voir, elle
fut au parloir, où
cet homme parut à
ſes yeux dans l'état
du monde le plus pi-
toyable. En une nuit
la douleur l'avoit ſi
fort changé, qu'il n'é-
toit plus reconnoiſ-
ſable. Il ſe mit à ge-
noux, & comme il
étoit naturellement
214
La Comtesse
fort éloquent, il con-jura la Comteſſe par
tous ſes ſervices, dont
il luy faiſoit le détail,
par la mort de ſon
frere, & par le ſa-
crifice entier qu'il
luy avoit fait de ſa
fortune, de ne vou-
loir pas ainſi l'aban-
donner ; mais lors
qu'il connut le peu
d'effet de ſes prieres,
la fureur le ſaiſit, il
tira ſon épée, il ſe fit
215
d'Isembovrg.
deux bleſſures, & ſeſeroit tué ſi l'on n'a-
voit retenu ſon bras.
Il ſe troubla ſi fort
qu'il reprochoit à la
Comteſſe qu'elle luy
avoit promis de l'é-
pouſer bien-toſt.
Moy, dit-elle, en
faiſant un grand cry,
je vous aurois pro-
mis ce que je ne pou-
vois faire. Quand le
ſouvenir de ma naiſ-
ſance ne m'en auroit
216
La Comtesse
pas empeſché, ne ſçay-je pas que le
Comte d'Iſembourg
eſt encor vivãt ? n'eſt-
ce pas aſſez que vos
méchants conſeils
ayent ſurpris ma jeu-
neſſe, & que vous
m'ayez fait faire l'ac-
tion du monde la
plus imprudente, ſans
que vous m'imputiez
le plus abominable
de tous les projects ?
Mais je vous pardon-
ne
217
d'Isembovrg.
ne, parce que je n'aypas oublié que vous
avez en effet quitté
pour moy un établiſ-
ſement conſiderable
en Lorraine, & que
vous eſtes le frere, a-
joûta-elle, d'un hõ-
me, dont le ſouve-
nir me ſera toûjours
fort cher. Ie ne veux
point vous faire pu-
nir de vos emporte-
mens, comme il me
ſeroit facile, & com-
T
218
La Comtesse
me je l'avois reſolu ;vivez le plus content
que vous pourrez,
je vous donne mes
meubles, ma vaiſſel-
le d'argent, & meſ-
me mes pierreries,
continua-elle, en les
luy jettant toutes,
c'eſt tout ce que j'ay
au monde, je ne me
reſerve rien, & je
m'abandonne toute
entiere à la Provi-
dence . En achevant
219
d'Isembovrg.
ces mots, elle quittaMeſplets & ne vou-
lut le revoir de ſa vie.
Monſieur le Comte
d'Aubijoux eut pitié
de luy, il luy fit don-
ner une Compagnie
dans le Regiment de
Monſieur le Marquais
de Vardes, & lors
qu'il n'y eut plus de
guerre en France, il
revint à la Longai-
gne, où il finit ſes
triſtes jours.
T ij
220
La Comtesse
Il n'y avoit que
fort peu d'années que
les Religieuſes de la
Viſitation étoient é-
tablies dans Alby. La
Communauté n'é-
toit pas grande lorſ-
que la Comteſſe y
entra, mais elle étoit
compoſée de perſon-
nes de beaucoup d'eſ-
prit, de vertu & de
merite. Elles loüe-
rent le dépoüille-
ment entier qu'elle
choſes, & Monſieur
l'Evêque d'Alby é-
galement charmé du
deſintereſſement de
ſes filles, & de la
generoſité de la Com-
teſſe, luy établit une
penſion fort conſi-
derable pour le reſte
de ſes jours. Il luy
donnoit mille mar-
ques d'eſtime, & du-
rant toute ſa vie il
n'a jamais ſuſpendu
eſtre obligé de pren-
dre pour la conſola-
tion d'une grande
Princeſſe, mais elle
n'eut pas long-temps
beſoin de ce ſecours.
Elle goûta bien-toſt
la douceur de la re-
traite, & regardant
ſans peine la priva-
tion de toute ſorte
de biens, elle fut aſ-
ſez ſatisfaite de trou-
ver dans ſon propre
finiment plus pre-
cieuſes.
fort peu d'années que
les Religieuſes de la
Viſitation étoient é-
tablies dans Alby. La
Communauté n'é-
toit pas grande lorſ-
que la Comteſſe y
entra, mais elle étoit
compoſée de perſon-
nes de beaucoup d'eſ-
prit, de vertu & de
merite. Elles loüe-
rent le dépoüille-
ment entier qu'elle
221
d'Isembovrg.
avoit fait de touteschoſes, & Monſieur
l'Evêque d'Alby é-
galement charmé du
deſintereſſement de
ſes filles, & de la
generoſité de la Com-
teſſe, luy établit une
penſion fort conſi-
derable pour le reſte
de ſes jours. Il luy
donnoit mille mar-
ques d'eſtime, & du-
rant toute ſa vie il
n'a jamais ſuſpendu
T iij
222
La Comtesse
les ſoins qu'il croyoiteſtre obligé de pren-
dre pour la conſola-
tion d'une grande
Princeſſe, mais elle
n'eut pas long-temps
beſoin de ce ſecours.
Elle goûta bien-toſt
la douceur de la re-
traite, & regardant
ſans peine la priva-
tion de toute ſorte
de biens, elle fut aſ-
ſez ſatisfaite de trou-
ver dans ſon propre
223
d'Isembovrg.
cœur des choſes in-finiment plus pre-
cieuſes.
La Princeſſe de Ba-
de qui l'aimoit ten-
drement, ayant en-
fin appris qu'elle é-
toit en France, luy
envoya un Gentil-
homme pour la con-
jurer de repaſſer en
Allemagne. Elle luy
offrit toute ſorte de
ſeureté dans ſes Etats,
& que non ſeule-
point remiſe entre les
mains du Comte d'I-
ſembourg, mais mê-
me qu'elle ne verroit
jamais la ſevere Com-
teſſe de Furſtemberg,
qui avoit paru fort
irritée de ſa fuite, &
qui auroit voulu que
la Comteſſe eut eu
le courage d'atten-
dre la mort chez le
Comte d'Iſembourg,
afin de ſoûtenir no-
cation qu'elle luy a-
voit donnée.
de qui l'aimoit ten-
drement, ayant en-
fin appris qu'elle é-
toit en France, luy
envoya un Gentil-
homme pour la con-
jurer de repaſſer en
Allemagne. Elle luy
offrit toute ſorte de
ſeureté dans ſes Etats,
& que non ſeule-
T iiij
224
La Comtesse
ment elle ne ſeroitpoint remiſe entre les
mains du Comte d'I-
ſembourg, mais mê-
me qu'elle ne verroit
jamais la ſevere Com-
teſſe de Furſtemberg,
qui avoit paru fort
irritée de ſa fuite, &
qui auroit voulu que
la Comteſſe eut eu
le courage d'atten-
dre la mort chez le
Comte d'Iſembourg,
afin de ſoûtenir no-
225
d'Isembovrg.
blement la belle édu-cation qu'elle luy a-
voit donnée.
En même temps la
Ducheſſe d'Arſchot
proche parente de la
Comteſſe ayant eu la
permiſſion d'aller en
Eſpagne durant la
priſon du Duc ſon
mary, apprenant ſur
ſa route la retraite de
la Comteſſe, luy fit
écrire par Monſieur
de ſaint Aunais, qui
de l'équipage pour la
conduire en Eſpagne
auprés de cette Du-
cheſſe.
Ducheſſe d'Arſchot
proche parente de la
Comteſſe ayant eu la
permiſſion d'aller en
Eſpagne durant la
priſon du Duc ſon
mary, apprenant ſur
ſa route la retraite de
la Comteſſe, luy fit
écrire par Monſieur
de ſaint Aunais, qui
226
La Comtesse
luy offrit des gens &de l'équipage pour la
conduire en Eſpagne
auprés de cette Du-
cheſſe.
Mais elle répondit
& à ſa ſœur & à la
Ducheſſe qu'elle a-
voit renoncé à toutes
les choſes du monde,
qu'elle les prioit de
trouver bon qu'elle
joüit enfin d'elle mê-
me aprés avoir eſté
tant d'années ſans a-
loiſir de ſe regarder ;
qu'il luy ſembloit qu'-
une certaine obſcu-
rité dont elle avoit
eſté environnée juſ-
qu'alors, s'étoit diſſi-
pée, & qu'elle en-
troit dans un jour
qui n'avoit ny nüa-
ges ny broüillards.
& à ſa ſœur & à la
Ducheſſe qu'elle a-
voit renoncé à toutes
les choſes du monde,
qu'elle les prioit de
trouver bon qu'elle
joüit enfin d'elle mê-
me aprés avoir eſté
tant d'années ſans a-
227
d'Isembovrg.
voir eu ſeulement leloiſir de ſe regarder ;
qu'il luy ſembloit qu'-
une certaine obſcu-
rité dont elle avoit
eſté environnée juſ-
qu'alors, s'étoit diſſi-
pée, & qu'elle en-
troit dans un jour
qui n'avoit ny nüa-
ges ny broüillards.
Le Comte d'Iſem-
bourg, ne vivoit pas
ſi paiſiblement. Pour
n'être pas expoſé à la
la Comteſſe dans la
haute Allemagne, il
quitta incontinent a-
prés ſa fuite, le ſer-
vice de l'Empereur,
il paſsa dans celuy du
Roy d'Eſpagne, & il
ſe trouva Gouver-
neur d'Arras lorſque
malgré ſa valeur &
ſa longue reſiſtance
cette ville fut empor-
tée par nos guerriers
François. La gazette
dans cette croyance
la Comteſse deman-
da ſi inſtament le vio-
le de Religieuſe à
Monſieur l'Evêque
d'Alby, qu'il crût ne
pouvoir pas le luy re-
fuſer. Il voulut le luy
donner luy-meſme ;
mais l'on ſçeut bien-
toſt aprés que le Com-
te vivoit, & qu'il a-
voit eſté ſeulement
bleſſé au viſage.
bourg, ne vivoit pas
ſi paiſiblement. Pour
n'être pas expoſé à la
228
La Comtesse
veüe des parens dela Comteſſe dans la
haute Allemagne, il
quitta incontinent a-
prés ſa fuite, le ſer-
vice de l'Empereur,
il paſsa dans celuy du
Roy d'Eſpagne, & il
ſe trouva Gouver-
neur d'Arras lorſque
malgré ſa valeur &
ſa longue reſiſtance
cette ville fut empor-
tée par nos guerriers
François. La gazette
229
d'Isembovrg.
publia ſa mort, &dans cette croyance
la Comteſse deman-
da ſi inſtament le vio-
le de Religieuſe à
Monſieur l'Evêque
d'Alby, qu'il crût ne
pouvoir pas le luy re-
fuſer. Il voulut le luy
donner luy-meſme ;
mais l'on ſçeut bien-
toſt aprés que le Com-
te vivoit, & qu'il a-
voit eſté ſeulement
bleſſé au viſage.
230
La Comtesse
Mais enfin il mou-
rut à Bruxelles, aprés
avoir vécu prés d'un
ſiecle. Il étoit Cheva-
lier de la toiſon d'or
& Surintandant des
Finances du Roy
d'Eſpagne en Flan-
dres. Son humeur bi-
zarre luy faiſant che-
rir la memoire de ſa
premiere femme de-
puis la fuite de la ſe-
conde ; il fit tranſpor-
ter ces cendres em-
gne à Bruxelles, &
voulut qu'elles fuſſẽt
enfermées avec les
ſiennes dans un ſu-
perbe Mauſolée de
marbre. Il laiſſa dix
mille écus pour les
embelliſſemens de ſa
chapelle, & donna
tous ſes grands biens
au Prince de Simey
ſecond fils du Duc
d'Arſchot.
rut à Bruxelles, aprés
avoir vécu prés d'un
ſiecle. Il étoit Cheva-
lier de la toiſon d'or
& Surintandant des
Finances du Roy
d'Eſpagne en Flan-
dres. Son humeur bi-
zarre luy faiſant che-
rir la memoire de ſa
premiere femme de-
puis la fuite de la ſe-
conde ; il fit tranſpor-
ter ces cendres em-
231
d'Isembovrg.
poiſonnées de Colo-gne à Bruxelles, &
voulut qu'elles fuſſẽt
enfermées avec les
ſiennes dans un ſu-
perbe Mauſolée de
marbre. Il laiſſa dix
mille écus pour les
embelliſſemens de ſa
chapelle, & donna
tous ſes grands biens
au Prince de Simey
ſecond fils du Duc
d'Arſchot.
Dés que la Com-
veritablement mort,
elle fit profeſſion en-
tre les mains de Mon-
ſieur l'Evêque d'Al-
by, aprés avoir eſté
plus de vingt ans No-
vice ; & paſſant tout
d'un coup du Novi-
ciat à la ſuperiorité,
elle gouvernoit ces
ſaintes Religieuſes
lors qu'elle fut attein-
te d'une maladie lan-
guiſsante cauſée par
climat & les troubles
continuels où elle a-
voit eſté expoſée. El-
le ſe démit de ſa char-
ge afin de mourir en
ſimple Religieuſe, &
durant ſept ou huit
mois elle attendit à
tout moment avec
une fermeté mer-
veilleuſe cette mort
qu'elle avoit autre-
fois tant apprehen-
dée.
232
La Comtesse
teſſe ſçeut qu'il étoitveritablement mort,
elle fit profeſſion en-
tre les mains de Mon-
ſieur l'Evêque d'Al-
by, aprés avoir eſté
plus de vingt ans No-
vice ; & paſſant tout
d'un coup du Novi-
ciat à la ſuperiorité,
elle gouvernoit ces
ſaintes Religieuſes
lors qu'elle fut attein-
te d'une maladie lan-
guiſsante cauſée par
le
233
d'Isembovrg.
le changement du climat & les troubles
continuels où elle a-
voit eſté expoſée. El-
le ſe démit de ſa char-
ge afin de mourir en
ſimple Religieuſe, &
durant ſept ou huit
mois elle attendit à
tout moment avec
une fermeté mer-
veilleuſe cette mort
qu'elle avoit autre-
fois tant apprehen-
dée.
V
234
La Comtesse
Ainſi mourut con-
ſtament l'année mil
dix cent ſoixante &
dix, cette innocente
& belle Princeſse,
que l'humeur trop ſe-
vere de ſon mary, les
mauvais conſeils de
ſes domeſtiques, &
peut-être une grande
jeuneſse, & beau-
coup d'enjoüement
ont fait paſser pour
coupable, & rendu
une des plus mal-
de ce ſiecle.
ſtament l'année mil
dix cent ſoixante &
dix, cette innocente
& belle Princeſse,
que l'humeur trop ſe-
vere de ſon mary, les
mauvais conſeils de
ſes domeſtiques, &
peut-être une grande
jeuneſse, & beau-
coup d'enjoüement
ont fait paſser pour
coupable, & rendu
une des plus mal-
235
d'Isembovrg.
heureuſes perſonnes de ce ſiecle.
FIN.
Empreinte (illisible) de la bibliothèque.
EXTRAIT DV PRIVILEGE
du Roy.
du Roy.
P
Ar Grace & Privilege du Roy,
Donné à Verſailles le 14. jour
d'Octobre 1677. Par le Roy en ſon
Conſeil, Signé Des vieux, &
ſcellé du grand Sceau de cire iaune.
Il eſt permis à Claude Barbin,
Marchand Libraire, de faire impri-
mer un Livre intitulé la Princeſſe
d'Iſembourg, pendant le temps
& l'eſpace de ſept années entieres
& conſecutives, à commencer de-
puis le jour que ledit Livre ſera
achevé d'imprimer, & deffences
ſont faites à toutes ſortes de perſon-
nes de quelque qualité & condition
qu'elles ſoient, d'imprimer, faire
imprimer, vendre ny debiter ledit
Livre ſans le conſentement dudit
Barbin, ſur peine de trois mil li-
vres d'amende, & confiſcation des
dommages & intereſts : comme il
eſt plus amplement porté par ledit
Privilege.
Donné à Verſailles le 14. jour
d'Octobre 1677. Par le Roy en ſon
Conſeil, Signé Des vieux, &
ſcellé du grand Sceau de cire iaune.
Il eſt permis à Claude Barbin,
Marchand Libraire, de faire impri-
mer un Livre intitulé la Princeſſe
d'Iſembourg, pendant le temps
& l'eſpace de ſept années entieres
& conſecutives, à commencer de-
puis le jour que ledit Livre ſera
achevé d'imprimer, & deffences
ſont faites à toutes ſortes de perſon-
nes de quelque qualité & condition
qu'elles ſoient, d'imprimer, faire
imprimer, vendre ny debiter ledit
Livre ſans le conſentement dudit
Barbin, ſur peine de trois mil li-
vres d'amende, & confiſcation des
Exemplaires contrefaits, dépensdommages & intereſts : comme il
eſt plus amplement porté par ledit
Privilege.
Regiſtré ſur le Livre de la Com-
munauté des Marchands Libraires
& Imprimeurs de cette Ville de Pa-
ris, le 18. Octobre 1677. ſuivant
l'Arreſt du Parlement du 8. Avril
1653. & celuy du Conſeil Privé du
Roy du 27. Février 1665.
Signé, Couterot, Syndic.
Achevé d'imprimer pour la premie-
re fois le 5. Novembre 1677.
munauté des Marchands Libraires
& Imprimeurs de cette Ville de Pa-
ris, le 18. Octobre 1677. ſuivant
l'Arreſt du Parlement du 8. Avril
1653. & celuy du Conſeil Privé du
Roy du 27. Février 1665.
Signé, Couterot, Syndic.
Achevé d'imprimer pour la premie-
re fois le 5. Novembre 1677.
Noms propres
Aarschot
V. de Belgique (Région flamande), prov. de Braband flamand, arr. de Louvain. 26 327 hab. Église Notre-Dame (chœur du XIVe s.).
- Aarschot, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
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Albi
Ch. -1. du dép. du Tarn, sur le Tarn. 46 579 hab. (aggl. 64 359) (Albigeois). [...] HIST. La ville (Albiga à l'époque gallo-romaine) fut réunie au Xe s. à la maison de Toulouse et rattachée à la Couronne en 1284. Centre actif de l'« hérésie » cathare aux XIIe et XIIIe s..
- Albi, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
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Arras
Ch.-1. du dép. du Pas-de-Calais, dans l'Artois, sur la Scarpe. [...] HISTOIRE. Anc. cap. des Atrébates, la ville fut détruite en 407, relevée par saint Vaast en 500, ravagée par les Normands en 880, puis restaurée à nouveau. Elle resta sous l'autorité des comtes de Flandre jusqu'au XIIe s. Intégrée à la France à la suite du mariage de Philippe Auguste avec Isabelle de Hainaut (1180), elle passa à la Bourgogne en 1384. Louis XI la reprit (1477), mais les Arrageois se rallièrent à Maximilien d'Autriche (1493). Louis XIII la conquit en 1640. Le Grand Condé et les Espagnols l'assiégèrent, mais furent repoussés par Turenne (1654). Le traité des Pyrénées la céda définitivement à la France et Vauban la fortifia (1659). Très disputée en raison de sa situation stratégique, Arras résista aux Allemands pendant la Première Guerre mondiale. Occupée en mai 1940, elle fut libérée en sept. 1944.
- Arras, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
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Aubijoux
Le château d'Aubijoux se situe dans un bourg de Marcenat, commune au nord de Cantal
dans l'Auvergne.
- Marcenat (Cantal), Wikipédia l'encyclopédie libre (5 juin 2016), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 22 juin 2016. https://fr.wikipedia.org/wiki/Marcenat_(Cantal).
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Auvergne
Région administrative située au centre de la France. L'Auvergne compte quatre départements
: Allier, Cantal, Haute-Loire, Puy-de-Dôme.
- Auvergne, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
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Bade (en all. Baden)
Anc. État de l'Allemagne du S.-O. qui s'étendait sur la plaine rhénane de Bâle à Mannheim, et sur le versant occidental de la Forêt -Noire. HISTOIRE. Occupé par les Romains puis par les Alamans, le pays de Bade, partie du duché d'Alémanie ou de Souabe, fut érigé en margraviat v. 1100. Déchiré, pendant la guerre de Trente Ans, entre la ligue catholique de Baden-Baden et la ligue protestante de Baden-Durlach, il fut réunifié par Charles-Frédéric de Baden-Durlach, et, en 1806, constitué en grand-duché (dont le dernier héritier fut Maximilien de Bade). Il adhéra à la Confédération du Rhin (1806) et à la Confédération germanique (1815), puis entra dans l'Empire allemand (1870). La Constitution de 1919 fit du Bade une république. En 1945, le Nordbaden, industriel (Karlsruhe, Mannheim), était en zone d'occupation américaine, le Südbaden autour de Fribourg-en-Brisgau en zone française. Après la fondation de la République fédérale d'Allemagne, le Bade et le Wurtemberg furent réunis pour former le Land de Bade-Wurtemberg.
- Bade en all. Baden, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
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Berg
Anc[ien] État d'Allemagne situé sur la rive d. du Rhin. Assez convoité pour être passé successivement du duché de Clèves et du Palatinat à la Bavière (1777), à Napoléon en 1806 qui en fit pour Murat un grand-duché, enfin à la Prusse en 1815 qui l'incorpora en 1824 à la Rheinprovinz, auj. en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, le pays de Berg offre sur les premières pentes du Massif schisteux rhénan une très forte densité de petites entreprises métallurgiques [...].
- Berg (duché de), Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
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Brandebourg (en all. Brandenburg)
Région historique de l'Allemagne s'étendant sur la partie N. de la grande plaine centrale allemande, entre l'Elbe et l'Oder à l'E. HIST. Occupé jusqu'au IIe s. par des peuples germaniques, puis envahi par les Slaves, le Brandebourg fut constitué en marche par Charlemagne. [...] Passé à la maison de Wittelsbach (1323), érigé en électorat en1361, le Brandebourg leur fut arraché par la maison de Luxembourg en 1373, Sigismond de Luxembourg en fit don en 1415 à son neveu Frédéric de Hohenzollern et lui conféra le titre d'électeur en 1417. Le Brandebourg s'enrichit du duché de Clèves en 1614 et du duché de Prusse en 1618. Frédéric-Guillaume, dit le Grand Électeur, après sa victoire de Fehrbellin (1675), y ajouta la Poméranie suédoise, qu'il fut contraint de rendre en 1679.
- Brandebourg, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
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Carmélite
Nom des religieuses de l'Ordre du Carmel. (Les religieux de cet ordre s'appelaient
des Carmes.) L'Ordre du Carmel fut fondé en 1185 par Berthold de Calabre sur le mont Carmel
en Israël.
- Carmélite, Dictionnaire de l'Académie française en ligne (1694), The ARTFL Project, Department of Romance Languages and Literatures, University of Chicago, Internet, 6 novembre 2009.
- Carmel (le) ou ordre de Notre-Dame du Mont-Carmel, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
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Cologne (en all. Köln)
V. d'Allemagne (Rhénanie-du-Nord-Westphalie), dans une plaine fertile, sur la rive g. du Rhin. [...] Fondée en -38 par les Ubiens sous le nom d'Ara Ubiorum (autel des Ubiens), puis rebaptisée Colonia Agrippinensis par Claude en l'honneur de sa femme Agrippine (49), elle fut agrandie et fortifiée sous Néron. [...] Promue ville impériale au XIIIe s., elle eut durant tout le Moyen Âge une grande prospérité commerciale (verreries, céramique, vins), adhéra à la Hanse et fut en relations avec toutes les grandes cités allemandes. Son éclat artistique et intellectuel était très grand. Thomas d'Aquin, Duns Scott et Albert le Grand enseignèrent à l'université. Elle eut sa propre école de peinture (XIVe - XVIe s.) dont le principal représentant était Lochner. Mais, du XIIIe au XVIIe s., des luttes d'influence opposèrent la riche bourgeoisie commerciale à l'archevêque-électeur. Celles-ci furent marquées par le combad de Worringen (1288) et la guerre de Cologne (1582 - 1584). Prise par les Français en 1794, elle passa à la Prusse en 1815.
- Cologne en all. Köln, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
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Douai
Ch.-1. d'arr. du Nord, sur la Scarpe. [...] HISTOIRE. Duacum à l'époque gallo-romaine, la ville obtint une charte communale au XIIe s. alors qu'elle appartenait aux comtes de Flandre. En 1667, Lous XIV prit Douai qui fut fortifiée par Vauban ; par le traité d'Utrecht (1713), la ville revint définitivement à la France. Fondée par Philippe II, son université joua un rôle important contre le protestantisme. Elle fut transférée à Lille en 1887.
- Douai, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
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Ferdinand II de Habsbourg
Empereur germanique (1619-1637). Succédant à son cousin Mathias II, il se trouva aux prises avec le soulèvement protestant de la Bohême qui fut à l'origine de la guerre de Trente Ans. Déchu et remplacé par l'électeur palatin Frédéric V que la noblesse tchèque avait élu roi, il écrasa son adversaire à la Montagne Blanche (1620). En 1626, Christian IV, qui avait repris la tête du parti protestant en Allemagne, était battu à son tour (Lutter) et Ferdinand imposait la paix de Lübeck (1629). Les excès de la répression (édit de Restitution) provoquèrent une reprise des hostilités, Gustave II Adolphe, poussé par la France, intervint et remporta une suite de victoires (Breitenfeld, le Lech, Lützen), mais sa mort permit à l'empereur un rétablissement (Nördlingen). Ferdinand fut secondé par de brillants généraux (Tilly, Wallenstein, Maximilien de Bavière). On l'accuse généralement d'avoir obéi à un catholicisme et à un autoritarisme excessifs et intransigeants, mais sans doute agissait-il surtout dans le désir de consolider les possessions des Habsbourgs.
- Ferdinand II de Habsbourg, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
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Flandre
- Flandre-Occidentale (en néerl. West-Vlaanderen) :
Prov. de Belgique (Région flamande). [...] LANGUE : néerlandais. Ch.-1. Bruges. La prov. est divisée en 8 arr. : Bruges, Dixmude, Ypres, Courtrai, Ostende, Roeselare, Tielt, Veurne
. - Flandre-Orientale (en néerl. Oost-Vlanderen) :
Prov. de Belgique (Région flamande). [...] LANGUE : néerlandais. Ch.-L. Gand. La prov. est divisée en 6 arr. : Aalst, Dendermonde, Eeklo, Gand, Oudenaarde, Sint-Niklaas
.
- Flandre-Occidentale, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
- Flandre-Orientale, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
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Frise (en néerl. Friesland)
Prov. du N. des Pays-Bas. [...] HISTOIRE. Peuplant un territoire aux contours mal définis, mais beaucoup plus vaste que la Frise actuelle, les Frisons (parents des Saxons) apparurent au début de l'ère chrétienne parmi les tribus germaniques de la côte de la mer du Nord, entre la Meuse et la Weser. [...] Au Moyen Âge, la Frise, faisant partie du Saint-Empire romain germanique se trouva morcelée en de nombreux États (comtés de Hollande et de Zéland, évêché d'Utrecht, seigneurie de Groningue). Sous cette appellation substitaient alors la Frise proprement dite et la Frise-Orientale. La première, longtemps pomme de discorde entre les comtes de Hollande et les ducs de Saxe, échut à ces derniers en 1498 quand l'empereur Maximilien nomma Albert, duc de Saxe, gouverneur perpetuel de Frise. Elle passa ensuite sous l'autorité de Charles, duc de Gueldre, puis, en 1515, du futur empereur Charles Quint. En 1579, la Frise adhéra à l'Union d'Utrecht et suivit désormais le sort des Provinces-Unies.
- Frise (en néerl. Friesland), Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
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Frédéric II de Nuremberg
(1188-1255). Frédéric II de Nuremberg fut le co-burgrave de Nuremberg de 1204 à 1218,
ainsi que le comte de Zollern de 1201 à 1251. Frédéric II appartient à la quatrième
brange de la lignée Hohenzollern-Hechingen, issue de la première branche de l'illustra
Maison de Hohenzollern.
- Frédéric II de Nuremberg, Wikipédia l'encyclopédie libre (12 août 2009), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 1er octobre 2009. https://fr.wikipedia.org/wiki/Frédéric_II_de_Nuremberg.
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Frédéric-Henri d'Orange-Nassau
Orange, près d'Avignon dans le Vaucluse, devint une principauté au XIIIe siècle. Celle-ci
revint, par le jeu des alliances, à la branche hollandaise de la famille de Nassau
en 1544 qui conserve encore le titre de prince d'Orange. La lutte pour le contrôle
de la principauté entre les Princes d'Orange et Louis XIV commença aux années 1640 et finit en 1702 quand le territoire fut formellement annexé
à la France. Cette lutte connut un tournant important en 1673, quand Louis XIV annexa
tout le territoire de la principauté à la France et fit raser le château des princes
d'Orange.
C'est Frédéric-Henri d'Orange-Nassau (1584-1647), un allié de la France, qui mit fin
à l'alliance vers la fin de sa vie en faveur de l'Espagne, qui reconnut l'indépendance
des Provinces-Unies (à partir desquelles furent créés les Pays-Bas actuels) en 1648.
- Orange (province de l'État libre d'), Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
- Orange, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
- Frédéric-Henri d'Orange-Nassau, Wikipédia l'encyclopédie libre (30 septembre 2016), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 21 janvier 2017. https://fr.wikipedia.org/wiki/Fr%C3%A9d%C3%A9ric-Henri_d%27Orange-Nassau.
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Furstenberg
Famille allemande originaire de Souabe, connue surtout par Wilhelm Egon Fürstenberg, évêque de Strasbourg (1684 - 1704). Fidèle allié de Louis XIV, il dut se réfugier en France. Sa candidature à l'électorat de Cologne, soutenue par Louis XIV, fut une des causes de la guerre de la ligue d'Augsbourg.
- Furstenberg, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
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Groenlo (Grolle en français)
Ville située dans la province de Gueldre dans l'est des Pays-Bas, près de la frontière allemande.
- Groenlo, Wikipédia l'encyclopédie libre (6 juillet 2020), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 12 janvier 2021. https://en.wikipedia.org/wiki/Groenlo.
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Gueldre (en néerl. Gelderland)
Prov. des Pays-Bas. [...] HIST. Après avoir appartenu au Saint Empire, la province de Gueldre devint un duché (maison de Nassau), puis passa à Charles le Téméraire de 1472 à 1477 et enfin à l'Autriche et à l'Espagne. La Basse-Gueldre se joignit aux Pays-Bas protestants en 1579 et la Haute-Gueldre passa aux mains de la Prusse lors de la guerre de la Succession d'Espagne. Occupée par la France sous Napoléon, la Gueldre fut divisée entre les Pays-Bas et la Prusse par la paix de Vienne en 1815.
- Gueldre en néerl. Gelderland, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
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Gustave II Adolphe
(Stockholm 1594 - Lützen 1632). Roi de Suède (1611 - 1632). Grâce à l'aide du chancelier
Oxenstierna, il parvint à rétablir la paix entre la Suède et le Danemark, entre la
Suède et la Russie et entre la Suède et la Pologne.
- Gustave II Adolphe, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
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Hohenzollern
Famille allemande qui tire son nom du château de Hohenzollern, près de Sigmaringen, en Souabe.
- Hohenzollern , Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
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Infante
l'Infante d'Espagne, id est, la fille d'Espagne..
- Nicot, Jean, Infante, Le Thresor de la langue francoyse (1606), The ARTFL Project, Department of Romance Languages and Literatures, University of Chicago, Internet, 6 novembre 2009.
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Isabelle-Claire-Eugénie de Habsbourg (l'Infante) (en esp. Isabelle Clara Eugenia)
(1566 - 1633). L'enfant du roi Philippe II d'Espagne ; gouvernante des Pays-bas, duchesse
de Brabant, de Gueldre, de Lothier et de Limbourg, Comtesse d'Artois, de Flandre,
de Hainaut, de Bourgogne et de Namur.
- Philippe II, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
- Isabelle d'Espagne (1566 - 1633), Wikipédia l'encyclopédie libre (12 août 2009), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 1er octobre 2009. https://fr.wikipedia.org/wiki/Isabelle_d'Espagne_)1566-1633).
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Isenbourg
L'une des principautés de la Confédération du Rhin, qui fut fondée en 1806 par seize
princes allemandes. Quoique la Confédération fût protégée par Napoléon, elle s'effondra
en 1813. L'Isenbourg existe de nos jours sous le même nom et constitue plusieurs comtés
du Saint-Empire romain germanique.
- Confédération du Rhin , Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
- Isenbourg, Wikipédia l'encyclopédie libre (12 août 2009), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 1er octobre 2009. https://fr.wikipedia.org/wiki/Isenbourg.
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Isenbourg (Château de)
Le site alsacien du château fut un poste avancé de l'antique Voie romaine commerciale
et militaire. À l'époque mérovingienne, le roi Dagobert II (652-679) céda sa demeure
aux évêques de Strasbourg suite à la guérison miraculeuse de son fils. La petite ville
de Rouffach étant devenu le centre des possessions de l'évêché dans le sud de l'Alsace,
l'édifice servit de résidence aux évêques lors de leur venue dans la région. Le château
existait au 12e siècle, mais fut détruit en 1199. En 1612 la construction d' un nouveau
château fut entreprise au nord de l' ancien. Les travaux eurent lieu de 1612 à 1617,
la décoration intérieure étant à peu près achevée en 1626. Ce château fut endommagé
en 1632 par une troupe française et probablement restauré par l'évêque de l'époque
vers 1664. Les anciennes superstructures furent démolies en 1822, et une restauration
moderne entamée en 1972.
- Isenbourg, Wikipédia l'encyclopédie libre (10 juillet 2015), Internet, 15 mars 2018. https://fr.wikipedia.org/wiki/Isenbourg.
- Château d'Isenbourg : histoire, Grandes Étapes Françaises, Internet, 15 mars 2018. https://www.grandesetapes.com/chateau-hotel-isenbourg-alsace/histoire/.
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Le Languedoc (de la langue d'oc, l'occitan)
Ancienne province dans le sud de France qui aurait compris les régions contemporaines
de Midi-Pyrénées, Languedoc-Roussillon, Rhône-Alpes, Auvergne et une partie de la
Haute-Loire. Le Languedoc appartient à l'Occitanie, ancienne région du sud-ouest de
l'Europe dont les habitants parlèrent occitan comme langue principale.
- Languedoc, Wikipédia l'encyclopédie libre (21 mars 2011), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 21 avril 2011. https://fr.wikipedia.org/wiki/Languedoc.
- Le Languedoc n. m., (d'après la langue où l'on dit oc « oui », c'est-à-dire l'occitan), Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
- Occitanie, Wikipédia l'encyclopédie libre (16 avril 2011), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 21 avril 2011. https://fr.wikipedia.org/wiki/Occitanie.
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Le Neubourg
Le Neubourg est une ville en Normandie, site d'un château médiéval et d'événements
politiques importants depuis le XIIe siècle.
- Le Neubourg, Wikipédia l'encyclopédie libre (1 mai 2016), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 22 juin 2016. https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Neubourg.
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Leucate
Comm. de l'Aude, arr. de Narbonne, au N. de l'étang de Leucate. 2 177 hab. (Leucatois). De part et d'autre du grau de Leucate, s'étend l'ensemble touristique de Leucate-Barcarès comprenant les plages de Leucate et de Barcarès, et les stations balnéaires de Port-Leucate et de Port-Barcarès (Pyrénées-Orientales).
- Leucate, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
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Lorraine
Anc. province de l'E. de la France qui a donné son nom à une région. HISTOIRE. [...] cette région devint le cœur de l'empire carolingien. [...] au XVIe s. [...] la Lorraine joua alors un rôle de premier plan dans la politique française, par l'intermédiaire des Guise, cadets de la maison ducale, se fit le champion du catholicisme [...] et, après sa réconciliation avec Henri IV (1595), connut son apogée, accompagné d'un épanouissement intellectuel et artistique [...].
- Lorraine, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
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Louis XIII le Juste
(Fontainebleau 1601 - Saint-Germain-en-Laye 1643). Fils d'Henri IV et de Marie de Médicis. À l'âge de neuf ans suivant la mort de son père, Louis XIII
prit le trône comme roi de France (1610 – 1643), et sa mère fut proclamée régente.
Puisque sa mère lui exclut du pouvoir, même quand il atteignit l'âge de régner, Louis
finit par exiler Marie de Médicis à Blois. Cependant, à cause de l'instabilité mentale
et la mauvaise santé, le roi restaient incapable d'exercer le pouvoir total. Ainsi,
il compta sur son principal ministre le cardinal de Richelieu pour les conseils politiques.
Ensemble, ils enlevèrent aux Huguenots La Rochelle (1628) ; ils vainquirent les Espagnols
dans la guerre franco-espagnole (1635-1659) ; finalement, ils réussirent à établir
la France comme une grande puissance européenne.
- Louis XIII le Juste, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
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Lude (le)
Ch.-1. de cant. de la Sarthe, arr. de La Flèche. 4 424 hab. (Ludois). Église Saint-Vincent (XIIe et XVIe s.). Château des XIIIe-XIVe s. Maisons anc. Centre touristique. Produits laitiers.
- Lude (le), Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
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Mathias II de Habsbourg
(Vienne 1557 - id. 1619). Empereur germanique, roi de Hongrie et de Bohême (1612 - 1619). Troisième fils de Maximilien II, il succéda à son frère Rodolphe II. L'échec de ses tentatives pour réconcilier catholiques et protestants devint manifeste avec la défenestration de Prague (1618). Il laissa la couronne à son cousin Ferdinand II de Habsbourg.
- Mathias II, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
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Ratisbonne (diète de)
Diète réunie en 1541 par Charles Quint, en présence d'un légat du pape, pour restaurer l'unité entre catholiques et protestants dans l'Empire. Les théologiens catholiques furent Eck, Gropper, J. von Pflug, les protestants Melanchthon et Bucer. S'appuyant sur les résultats du colloque de Worms qui avait précédé, l'entente faillit se faire ; elle échoua pourtant et, après une ultime tentative cinq ans plus tard (colloque de Ratisbonne), Charles Quint s'engagea dans la guerre contre les protestants tandis que la papauté entrait activement dans la Contre-Réforme.
- Ratisbonne (diète de), Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
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Reims
Ch. -1. d'arr. de la Marne, sur la Vesle, en Champagne. [...] HIST. Métropole des Rèmes, la ville eut d'Abord pour nom Durocortorum (« forteresse ronde ») et fut la métropole de la Gaule belgique en 17. Clovis s'y fit baptiser par saint Remi en 496 et les rois de France s'y firent sacrer. La fortification de la ville par Philippe le Bel date de 1295, l'institution de l'université de 1547.
- Reims, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
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Rhin (en all. Rhein, en néerl. Rijn)
Fl. d'Europe occidentale (1 320 km), tributaire de la mer du Nord. Né dans les Alpes suisses de la réunion du Rhin antérieur (Vorderrhein), émissaire du lac Toma (2 341 m), et du Rhin postérieur (Hinterrhein) né dans le massif de l'Adula, à 2 216 m, il se dirige d'abord vers le N., traverse le lac de Constance où il marque la frontière entre la Suisse et l'Autriche et s'enrichit de la Reuss, de la Limmat et de l'Aar. Il prend ensuite la direction de l'o., jusqu'à Bâle et sert de frontière entre la Suisse et l'Allemagne, la première conservant cependant en rive d. l'enclave de Schaffhouse et la fameuse chute du Rhin. [...] Aux Pays-Bas, le fleuve se subdivise en quatre bras : l'IJssel (qui alimente l'IJsselmeer ou ancien Zuiderzee), le Vieux Rhin, le Waal (qui se dirige vers la Meuse) et le Lek qui rejoint Rotterdam.
- Rhin en all. Rhein, en néerl. Rijn, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
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Rodolphe II de Habsbourg
(Vienne 1552 - Prague 1612). Empereur germanique (1576 - 1611), roi de Hongrie (1572 - 1608) et de Bohême (1575 - 1611), fils de Maximilien II. Installant sa capitale à Prague, il protégea la Contre-Réforme catholique, mais assura aussi aux protestants de Bohême la librté de culte (lettre de majesté, 1609). Plus attiré par les arts et les sciences que par la politique (il protégea Tycho Brahé et Kepler), il fut supplanté par son frère Mathias II.
- Rodolphe II de Habsbourg, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
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Siège de Groenlo (Grolle en français)
Frédéric-Henri d'Orange-Nassau attaqua la ville, alors espagnole, en 1627. Après un mois de siège, la ville s'est
rendu aux Hollandais jusqu'à la fin de la guerre de Quatre-Vingts Ans (1568-1648,
avec une trève entre 1609 et 1621). C'est sa position stratégique à la frontière allemande
qui lui vaut plusieurs sièges au cours de cette guerre où les Pays-Bas cherchaient
à se libérer de l'Espagne.
- Siège de Groenlo (1627), Wikipédia l'encyclopédie libre (13 juillet 2020), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 12 janvier 2021. https://fr.wikipedia.org/wiki/Si%C3%A8ge_de_Groenlo_(1627).
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Souabe
Région d'Allemagne méridionale, à cheval sur le Wurtemburg et le plateau bavarois. [...] HIST. En 950, (la Souabe) passa au fils d'Othon le Grand et resta désormais dans la famille impériale (Frédéric Barberousse était duc de Souabe). L'extinction de la maison de Hohenstaufen fut suivie d'une période d'anarchie et de la formation de différentes ligues (1331, 1360, 1376), jusquà la grande ligue de Souabe (1488 - 1533) qui assura l'ordre et seconda l'autorité autrichienne : elle soutint Maximilien Ier dans sa lutte contre la Suisse, puis écrasa Ulrich de Wurtemberg, Franz von Sickingen et les Paysans. Déchirée par la guerre de Trente Ans, la Souabe fut définitivement démantelée lors du traité de Westphalie.
- Souabe, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
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Toulouse
Ch.-1. du dép. de la Haute-Garonne et de la région Midi-Pyrénées, sur la Garonne. [...] HISTOIRE. Anc. cap. du royaume wisigoth, devenue cap. du royaume d'Aquitaine, Toulouse abitra l'Inquisition au XIIIe s. ; l'ordre des dominicains y fut fondé pour combattre l'hérésie. La ville avait subi les effets de la croisade contre les albigeois, et Simon IV de Montfort fut tué en l'assiégeant (1218). Le comté de Toulouse fut intégré au domaine royal en 1249. Après une période de décadence, c'est au XVe s. que Toulouse renaquit et essaya de garder ses traditions jusqu'à la Révolution. Son expansion n'a pas cessé depuis le XIXe siècle.
- Toulouse, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
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Varades
Ch.-1. de cant. de la Loire-Atlantique, arr. d'Ancenis. 3 039 hab..
- Varades, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
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Vaubecour
Régime de Vaubecour : Le régiment de Vaubecour exista aux années 1630 en France.
- Chaumont, Gazette de France, tôme premier, Paris, 1766.
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Élizabeth de Habsbourg
La fille du comte Albert IV de Habsbourg, de la maison d'Autriche, et l'épouse de
Frédéric II de Nuremberg.
- Frédéric II de Nuremberg, Wikipédia l'encyclopédie libre (12 août 2009), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 1er octobre 2009. https://fr.wikipedia.org/wiki/Frédéric_II_de_Nuremberg.
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Notes
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