Le mariage sous L'Ancien Régime
AVIS
AUX
GENS A MARIER.
CONCLUSION
Des agréemens & des Chagrins
du Mariage.
Vignette, bouquet de tulipes et de roses.
A PARIS,AU PALAIS,
Chez la Veuve de GABRIEL QUINET
dans la Grand'-Salle proche la Chapelle,
vis-à-vis les Requettes de l'Hôtel,
à l'Ange Gabriel.
ET
Chez CHARLES OSMONT du côté de la
Cour des Aydes, à l'Ecu de France. Filet.
M. DC. XCVII.
AVEC PRIVILEGE DU ROY.
AUX JEUNES GENS A MARIER.
MESSIEURS,
COMME J'ay offert aux Femmes
le premier Tôme
des Agréemens & des Cha
grins du Mariage ; aux
Maris le Second, & aux
Filles le Troisiéme, je ne puis
me dispenser de vous presenter le Quatriéme, puis que
vous n’y êtes pas moins interessez qu’eux. Si vous êtes
sages & prudens, vous ferez des reflexions tres-serieuses sur ce que vous y
trouverez, parce que vôtre
honneur & le repos de vôtre vie en dependent : vous
verrez dans l’Histoire d’Antigame, la difficulté de trouver à Paris, tout grand qu’il
est, une femme raisonnable &
telle qu’elle doit être; &
dans celle de Philogame le
malheureux changement que
produit le Mariage dans les
cœurs les plus tendres &
les plus passionnez ; aprés
quoi vous vous determinerez à prendre la condition
qui vous sera la plus avantageuse & que vous souhaite,
MESSIEURS,
VOSTRE tres-humble &
tres obeissant serviteur.
J.D.D.C.
Bandeau fleuri. PHILOGAME ET ANTIGAME, OU LES AGRÉEMENS ET LES CHAGRINS DU MARIAGE. Septiéme Partie.
Antigame après
avoir inutilement tenté tou
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tes sortes de moyens
pour obliger Lesbie à
sortir du Couvent où
elle étoit entrée, & perdant l’esperance d’y pouvoir reüssir, se retira dans
une maison de Campagne qu’il a prés la Ville
de Baugency, où il avoit
resolu de rester, si un
de ses Parens n’étoit venu lui donner avis que
ses Creanciers vouloient
faire vendre ses biens.
Cela obligea Antigame
3
à s’en retourner avec
son ami à Paris, où
quelques messures qu’ils
pûrent prendre, ils ne
trouverent point de plus
seur expedient pour détourner cet orage, que
celui de faire promettre
par Antigame à ses
creanciers de se marier
le plustost qu’il pouroit,
& de les payer des deniers
qu’il toucheroit de la
femme qu’il épouseroit.
Pour leur tenir parole
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il prit le party de voir
à Paris des Filles de toutes sortes de manieres &
de conditions ; mais auparavant que de rien
conclure, il voulut parler à Philogame, sçavoir de luy comment il
se trouvoit du mariage,
& prendre son party là‑dessus.
Lors qu’il lui rendit
visite, il le trouva dans
son logis si triste & si
Abatu qu’il lui fit pitié.
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Fraudelise sa femme étoit
avec lui, mais si changée
qu’il eût de la peine à
la reconnoître ; car au
lieu de cette aimable langueur & de ces agreémens qui paroissoient
autrefois sur son visage,
il n’y vit plus qu’un air
chagrin & bouru, qu’un
teint pâle & livide, &
que des yeux enfoncez
& noyez de chagrin &
de tristesse.
Comment vous trou
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vez-vous du mariage ?
leur dit Antigame, (en
souriant & aprés les avoir
salués.) Ah que j’ay souvent pensé à vous, repartit Philogame en soûpirant, & que j’ay réflechy sur ce que je vous
avois ouy dire contre
cette malheureuse condition ! Vous aviez raison, Antigame, continua
Fraudelise d’un ton malicieux & piquant,
quand vous soûteniez
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qu’il y avoit plus de
chagrins & plus de peines dans le mariage
que d’agréemens & de
plaisirs ; oüy je soûtiens
que le Convent le plus
austere est beaucoup
moins fâcheux pour une
fille que le meilleur mariage du monde ; & je
ne puis pardonner à mes
parens de m’avoir empêchée d’être Religieuse.
C’est une étrange chose
que le cœur de l’hom
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me, & si les filles en
connoissoient comme
moy les inégalitez &
les déreglemens, elles
auroient un grand mépris pour eux, les regarderoient tous comme
leurs plus dangereux &
plus cruels ennemis, &
fuiroient toutes sortes
d’engagemens avec eux.
Philogame voyant que
Fraudelise parloit d’un
air emporté & bilieux,
changea adroitement de
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discours, pour éviter les
suites d’une conversation qui ne pouvoit être
que desagreable & fâcheuse; & il emmena peu
de temps aprés Antigame
dans son cabinet, feignant
d’avoir à luy parler d’affaires de consequence.
Lorsqu’ils y furent seuls
& en liberté, Philogame
interrogea Antigame sur
plusieurs sujets, luy demanda où il avoit été si
long-temps, ce qu’il avoit
10
fait, & les raisons de
son éloignement de Paris. Antigame lui rendit
un compte fidéle de tout
ce qu’il voulut sçavoir;
il lui dit que comme pour
le bien de ses affaires il
falloit qu’il pensât à se
marier, il avoit voulu
sçavoir auparavant comment il se trouvoit du
mariage, & s’il lui conseilloit de s’y engager :
& il finit en lui avouant
qu’il étoit vray qu’il de
11
voit avoir quelque connoissance sur cette matiere, puisqu’il avoit été
marié lui-même ; mais
que comme il étoit alors
fort jeune, il n’étoit pas
capable de juger bien
solidement d’une affaire
aussi serieuse & d’une
aussi grande consequence que celle du mariage.
Philogame surpris qu’-
Antigame eût sitôt changé de sentiment, lui repartit qu’il étoit trop de
12
ses amis pour lui rien
cacher de ce qu’il lui
demandoit ; mais qu’auparavant il le prioit de
lui faire un recit exact
& fidele de tout ce
qui lui étoit arrivé
depuis qu’il ne l’avoit
veu ; ce que Antigame
fit en ces termes.
13
HISTOIRE D’ANTIGAME.
APrès que Lesbie
se fut retirée
dans un Convent, & qu’elle nous eust
écrit à Cleante & à
moy les deux lettres que
vous sçavez ; je tentay
toutes sortes de moyens
pour la voir & pour lui
faire perdre la resolution
14
qu’elle avoit prise d’être
Religieuse : je lui écrivois tous les jours de la
maniere la plus tendre
& la plus passionée que
je pouvois imaginer ; elle
ne voulut jamais voir
mes lettres & me les
renvoya cachetées : je me
presentay souvent au parloir ; mais il me fut impossible de pouvoir obtenir d’elle un moment
de conversation : enfin
desesperé je pris la reso
14
lution d’hasarder le tout
pour le tout, & d’entrer
dans ce Convent à quelque prix que ce fût,
afin de pouvoir parler
à Lesbie, & de décharger mon cœur de tous
les sentimens que sa retraite y avoit fait naître.
L’entrée de cette maison
étoit comme inaccessible, & les moyens de
pouvoir parler à Lesbie
me paroissoient impraticables. Aprés avoir ima
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giné mille & mille expedients fort éloignez du
bon sens & de la vraysemblance, comme un
soir je me promenois autour du clos de ce Convent & que je révois à
la maniere d’y pouvoir
entrer, j’en vis sortir un
Jardinier : il me parut
d’abord que son visage
ne m’étoit pas inconnu;
& à force de reflexions,
je me souvins de l’avoir
eu pour soldat dans la
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Compagnie que vous
sçavez que j’avois il y
a quelques années. Je
renouvellai connoissance
avec luy ; je luy découvris mes intentions, &
je l’engageai sous l’espoir
d’une recompence à
me servir dans cette
occasion. C’étoit un gaillard qui en sçavoit long ;
il étoit jardinier de ce
Convent, & nous convinmes bientost de nos
faits.
18
Le lendemain j’allay
le trouver de grand matin dans sa maison. La
premiere chose qu’il fit,
fut de me deshabiller de
pied en cap, de me mettre un de ses habits, &
de me charger d’un bissac plein de vivres &
d’une calebace pleine
de vin. En cet équipage je m’en allai avec
lui au Convent ; l’on ne
fit point de difficulté de
nous ouvrir les portes
19
& de nous laisser entrer
dans le Jardin. Mon
Maître Jardinier commencea par me donner
un râteau & par m’employer à nettoyer les
allées où les Religieuses
avoient coûtume de se
promener : aprés avoir
attendu quelque temps,
& en avoir vû passer
plusieurs, je vis enfin
Lesbie. Mon cher
Philogame, que ne se
passa-t-il point dans le
20
fond de mon cœur ?
une sueur froide se répandit dans toutes les
parties de mon corps; je
fremis, je tremblai de la
resolution que j’avois
prise & que j’allois
executer ; vingt fois il
me vint dans la pensée
de me retirer sans me
faire connoître à Lesbie;
& j’étois sur le point de
l’executer lorsque jettant
les yeux sur elle, j’y vis
quelque chose de si lan
21
guissant & de si doux
que je repris ma premiere resolution, & que je
me determinai à luy parler. Ce voile de Religieuse
& cet abatement que la
retraite & la penitence
avoient imprimé sur son
visage, luy donnoient un
air de langueur si penetré de douleur & si touchant en même temps,
qu’il étoit impossible de
la voir en cet état sans
émotion & sans ten
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dresse. Aprés l’avoir observée quelque temps,
je vis qu’elle poussoit
de grands soûpirs, &
qu’elle levoit les yeux
au Ciel ; aussi-tost j’allai
me jetter à ses pieds, &
je lui dis : N’attendez
pas, ingrate, que le Ciel
soit sensible aux soûpirs
d’un cœur infidele &
parjure; Ouy, perfide,
continuai-je, il n’est
plus en vostre pouvoir
de disposer de vostre
23
personne & de vostre
cœur. Hé pourquoy
me les avoir donnés
aux pieds des Autels
avec vostre main &
vostre foy ? dénaturée,
étoit-ce pour me les
enlever ainsi, que ne
m’arrachiez-vous en
même temps la vie ?
Juste ciel ! reprit Lesbie,
en reculant deux pas ;
est-ce vous, Antigame,
est-ce vous qui êtes
dans cet equipage ? A
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quoy, grand Dieu, vous
exposez-vous ? à quoy
m’exposez-vous ? Quel
ménagement, repartis-je;
voulez-vous que j’aye,
moi qui ne cherche
qu’à mourir ; & vous
que pouvez-vous craindre, puisque vous êtes
avec vostre Epoux ? Ah
quel indigne & quel
malheureux mariage,
répondit Lesbie, &
qu’il me coûtera de penitence & de larmes !
25
Quoy, des promessses,
repris-je, signées de
nostre sang ; des sermens reciproques reïterez dans les lieux les
plus saints; & ces droits,
ces seuls droits reservez
aux maris, & dont
vous m’avez laissé joüir
si long-temps, ne sont
-ce pas des actes suffisans
pour établir ma qualité
& les droits que j’ay
sur vostre personne ?
Vous n’en avez aucuns,
26
répondit Lesbie ; ces
sortes de droits ne sont
établis & ne subsistent
qu’autant qu’ils sont soûtenus par les loix : vous
n’avez jamais voulu en
subir le joug, quoique
je vous en aie prié mille
& mille fois ; vous avez
refusé le ministere des
Notaires & du Curé ; &
par là, vous m’avez conservé ma liberté, dont j’ai
pû disposer comme j’ai
fait : mais croyez-moi,
27
Antigame, continua-t‑elle, la perte que vous
faites par ma retraite en
cette solitude n’est pas
de si grande consequence
pour vous, que vous
pouvez vous imaginer;
tost ou tard vous vous
seriez detaché de moy,
n’en doutez point ; peut‑estre par un dépit ou par
un dégout, & peut-estre
par une jalousie ou par
quelque autre engagement : mais suposé que
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cela ne fût point arrivé,
il faut convenir que
nos plus beaux jours
sont passez, ou peu s’en
faut : quoy encore dix,
vingt ans, si vous voulez, ce temps fini, que
nous restera-t-il? ce qu’il
nous reste de celui dont
nous avons fait un si
mêchant usage ; un
regret éternel de l’avoir
si mal emploié. Profitons donc, mon cher
Antigame, de ce temps
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à venir, qu’il nous serve
à regagner celui que
nous avons si malheureusement perdu, & pour
y travailler permettez‑moi, ajouta-t-elle, de
vous dire adieu ; Adieu,
& pour toûjours adieu,
acheva-t-elle en me quittant, & en se retirant
avec tant de precipitation, qu’il me fût impossible de la suivre. Dans
ce moment mon Jardinier vint m’avertir qu’il
30
falloit sortir de ce Jardin
sans perdre temps, de
crainte qu’il ne nous y
survînt quelque affaire,
plusieurs Religieuses
m’aiant vû aux pieds
de Lesbie pendant la
conversation que j’avois euë avec elle; ce
que nous fimes, & aprés
avoir été reprendre mes
habits, je me retirai
l’esprit uniquement occupé de ce qui venoit
de m’arriver.
31
Enfin la maniere avec
laquelle Lesbie avoit
quitté le monde ; la
vie austere qu’elle ménoit dans ce Convent,
& que j’aprenois tous
les jours; son visage
abbatu & mortifié, que
mon imagination se
representoit à tout moment, & les dernieres
paroles que Lesbie m’avoit dites en me quittant, firent un effet si
prompt & si surprenant
32
sur mon esprit, que je
devins insensible à tous
les plaisirs de la vie,
& que je ne regardai
plus toutes les choses
du monde qu’avec mépris & comme une pure
vanité ; si bien que rebutté des douceurs de la societé & du séjour de
Paris, & privé de l’esperance de pouvoir jamais parler à Lesbie, je
pris la resolution de me
retirer avec un seul valet,
33
qui me sert depuis
long-temps. Je choisis
pour cet effet une maison de campagne que
j’ai prés d’une Abbaye
de l’Ordre de Cisteaux,
à quatre lieues de Baugency, apellée Hautinville ; je m’y rendis peu
de jours après : mon
plaisir dans ce lieu solitaire, étoit de me promener dans la forest
qui environne cette Abbaye, & de m’entrete
34
nir souvent avec le Pere
Larcher Abbé de ce Convent, de tout ce qui m’étoit arrivé & de la vanité des choses du siecle :
ah l’excellent homme sur
cette matiere ! je voiois
encore souvent le Pere
Texier Procureur de ce
même Convent, le meilleur homme du monde,
& les plus affable pourveu qu’il n’y allât pas
du temporel de l’Abbaye.
Ouy, je vous avoüe,
35
mon cher Philogame,
que j’ai gouté dans cette
solitude des douceurs
qui m’avoient été inconnuës jusqu’alors, &
que je ne l’ai abandonnée qu’avec regret, &
par des raisons que je vais
vous dire.
Un de mes Parens
vint me trouver dans
ce lieu là, pour me donner avis que mes creanciers alloient faire vendre mes biens, & que
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je devois revenir promptement à Paris pour y
mettre ordre : je voulus au commencement
me dispenser de quitter
ce séjour qui me paroissoit si doux & si agreable ; mais quoique j’eusse
deux fois autant de bien
qu’il en falloit pour
m’acquiter, mon parent
me fit comprendre que
si j’en souffrois la saisie
réelle, les frais de justice en consommeroient
37
le prix par la tromperie
& par l’artifice des Procureurs, qui n’agissoient
dans ces sortes d’affaires
avec d’autres veües que
celles de ruïner leurs parties en procedures & en
chicanes ; qu’il ne me
resteroit pas un sol pour
vivre, que les personnes qui m’avoient presté
leur argent de si bonne
foy, ne seroient pas
payées ; qu’il y avoit
de la foiblesse dans mes
38
manieres & dans ma conduite ; qu’un des principaux points de la Religion consistoit à ne pas
retenir le bien d’autrui,
& à payer ses dettes,
ou à faire ses derniers
efforts pour y parvenir ;
& que cette regle étoit
si constante que dans les
Convents bien reglez
l’on ne recevoit point de
Religieux, qu’il n’eust
payé ce qu’il devoit,
de peur que ces Maisons
39
ne devinssent des retraites de faineans & des
aziles contre les poursuites de leurs creanciers. Ces raisons m’obligerent de revenir à
Paris afin de mettre ordre à mes affaires, &
de pouvoir payer mes
Creanciers ; mais il m’a
été impossible d’y trouver de l’argent à emprunter, ni de pouvoir
y vendre une partie de
mes biens, tant l’argent y
40
est rare. Enfin aprés avoir
veu inutilement tous les
Notaires de Paris ; mes
Creanciers & mes amis
n’ont point trouvé d’autre moyen pour me tirer
d’affaires que de me marier & d’employer les deniers de la dot à payer
mes dettes. Il suffit, mon
cher Philogame, continua Antigame, que
vous sçachiez l’aversion,
pour ne pas dire l’antipathie que j’ay pour le
41
mariage pour juger combien j’ay senti d’opposition & de repugnance
à écouter cette proposition : cependant l’on
me fit si bien connoître
qu’il falloit estre reduit
à la derniere necessité,
& voir perdre à mes
Creanciers les sommes
d’argent qu’ils m’avoient
prêtées si honnestement,
ou m’engager dans le
mariage, qu’enfin je m’y
determinay.
42
Paris est bien grand,
& il y a bien des filles à
marier ; cependant si l’on
veut examiner les choses
de bien prés, il est tres
difficile de n’y estre pas
trompé : j’en ay veu de
toutes les façons & de
toutes les conditions ; je
ne scay à quoy me déterminer depuis le temps
que je suis arrivé, &
je n’ay point voulu prendre de resolution là-dessus qu’auparavant je ne
43
sçeusse vostre sentiment.
La premiere personne
que j’ay veuë est la fille
d’un Conseiller ; sa mere
est morte, & elle a la
conduite de la maison
de son pere : elle est
grande & bien-faite,
elle a de l’esprit, un
peu trop d’entestement
sur sa condition, &
sur le credit de sa famille parmy les gens
de Robe1 ; & quoique sa
grande jeunesse soit pas
44
sée, elle ne laisse pas d’avoir de l’agréement &
de plaire. L’on m’avoit
dit que son pere lui donnoit cent-mille-livres
en mariage, le tiers en argent, l’autre tiers en meubles, & l’autre en heritages : quand j’ay voulu
conclure & voir les choses à fonds, j’ay apris que
l’argent étoit aux Consignations, & qu’auparavant que de le toucher
il falloit faire juger un
45
procés qui dure depuis
plus de vingt ans; que les
meubles étoient fort anciens, que c’étoit ceux qui
avoient été trouvez aprés
le deceds de sa grand‑mere, & qu’ils consistoient en Turquoises de
la vieille roche, en Saphirs, en Opales, en
Statues, en bustes, en
Miroirs, en Tableaux
d’Italie, en Tapis de
Turquie, en Cabinets
de la Chine, en vieilles
46
Tapisseries & en d’autres semblables choses,
que l’on vouloit faire
prendre suivant l’estimation qui en avoit été
faite aprés la mort de
cette grand’-mere ; j’appris aussi que les heritages étoient scituez en
Brie, que les bastimens étoient en ruine,
qu’il n’y avoit point de
Bestiaux pour faire valoir les terres & que le
fermier étoit un malheu
47
reux qui devoit plus de
dix années du prix de
sa ferme.
Comme j’ay vu que ce
party là n’accommodoit
pas mes affaires, j’ay pensé
à un autre; c’est à la fille
d’un Avocat riche &
bien employé au Palais ;
elle ne m’a jamais plû,
elle a l’air rude & le
teint jaune comme de
la cire : mais en l’état
où sont mes affaires il
faut renoncer à la deli
48
catesse & penser au bien;
d’ailleurs je m’étois flaté
que l’habileté de mon
pretendu Beau-pere me
sortiroit aisément d’affaires : mais les choses
ont tourné tout autrement que je n’avois
pensé ; car cet Avocat
n’eut pas plûtost apris
le commerce que j’avois
eu avec Lesbie, & que
j’avois des Creanciers,
qu’il me donna mon
congé.
49
J’ay recherché depuis
la fille d’un Marchand
Drapier ; le peu de credit de cet homme & le
bruit qui couroit qu’il
alloit manquer, m’ont
fait lâcher prise. Ensuite la fille unique d’un
gros Marchand de Vin ;
mais la meilleure partie
de sa Marchandise qui
s’est tarée à cause des chaleurs, & un grand nombre de lettres de change
qu’il a laissé protester,
50
m’ont bientost dégouté
de cette fille.
Enfin par la necessité
de mes affaires & par le
conseil de mes amis, j’ay
veu des filles d’Artisans
des mêtiers les plus bas
& les plus mecaniques,
dans la pensée de trouver du bien dans leur alliance ; mais rebuté par
les vilaines manieres de
ces gens là, & par les
méchantes éducations
de leur filles, je les ay
51
abandonnées, & je me
suis adressé à une certaine Normande, dont le
mêtier est de faire des
mariages. La premiere
fois que je vis cette femme, elle debuta par me
faire entrer dans un Cabinet qu’elle a magnifiquement meublé ; &
prenant un gros livre relié, en me regardant fixement, elle me dit,
le droit d’avis ; je ne l’entendois pas, ce qui l’o
52
bligea de me dire que
ceux qui m’avoient
envoié chez elle étoient
des mal-avisez de ne
m’avoir pas appris qu’il
faloit commencer par lui
donner un Louis d’or2
pour le premier avis.
Elle ne l’eût pas sitost
receû qu’elle me demanda en ouvrant le livre,
qu’elle somme je voulois que la fille eût en
mariage ? Cent mille
livres ou environ, luy
53
repartis-je ; aussitost elle
ferma son livre en
me disant brusquement
qu’elle ne se mesloit
point de ces petites
affaires ; pour qui je la
prenois ; & que je pouvois aller chercher de
ces femmes qui font
prester sur gages, & qui
font ces sortes de mariages. Se radoucissant
neanmoins un moment
aprés, elle me dit que
ma Phisionomie luy re
54
venoit, & qu’elle vouloit faire pour moy ce
qu’elle ne feroit pas pour
tout autre. Ensuite elle
commençea par me faire
une exhortation qui tendoit à m’inspirer qu’en
se mariant il ne falloit
pas rechercher la vie
qu’avoit mené la fille
que l’on vouloit épouser, que ce n’estoit
point la mode, & que
les gens de la premiere
qualité en usoient ainsi,
55
parce que ce qui s’est
passé avant nostre bail,
ne doit estre compté
pour rien à nostre égard.
La premiere fille qu’
elle m’indiqua, fut la
fille d’un Banquier de
la ruë Quinquempois.
Je n’ay jamais veu
tant de vanité & tant
d’ambition qu’en avoit
cette petite creature ;
tout son entretien ne
rouloit que sur la magnificence des habits
56
& des dentelles, & sur
la beauté & le prix des
pierreries des nouvelles
mariées ; celle-cy avoit
des habits tout dorés &
des dentelles tres fines &
d’un grand prix ; celle‑là un collier de deux
mille-écus, & cette autre
une croix & des brillans
de mills pistoles. L’on
voioit dans ses yeux
quand elle parloit ainsi,
l’envie qu’elle avoit d’en
avoir de semblables :
57
tous ces discours ne
tendoient qu’à m’engager à luy faire des presens de noces, aussi
riches & aussi beaux; &
pour me l’inspirer plus
adroitement elle me disoit que les femmes dont
elle me parloit n’avoient
pas eu quatre-vingt
mille livres de bien ; ce
qui étoit une somme
moindre que celle que
son pere luy promettoit
en mariage. Ces ma
58
nieres me convenoient
peu ; ce qui acheva de
m’en dégoûter, fut que
Duchesne qui me servoit dans ma solitude
d’Autinville, & que j’ay
gardé depuis, à cause
de l’attachement qu’il a
pour moy, m’aprit qu’-
elle voloit la Caisse de
son pere pour aller
jouër toutes les nuits ;
& comme elle n’avoit
plus sa mere, & qu’elle
ne pouvoit sorter de sa
59
chambre sans passer dans
celle du bon-homme
qui l’observoit de prés,
elle prenoit le temps
pendant qu’il étoit couché pour le tromper,
sous l’habit d’un Laquais, & s’échaper ainsi.
Aprés cette fille j’en ay
veu encore plusieurs autres qui m’ont été indiquées par cette Normande au gros livre : ce qui
est fort plaisant, c’est
qu’aussi-tost que je com
60
mençois à voir une fille,
Duchesne commençoit
aussi de son costé secretement l’information
de ses vie & mœurs ,
l’observoit de fort prés,
& me raportoit tres‑soigneusement ce qu’il
en avoit apris : l’une
étoit dans un commerce
de débauche avec un
Abbé, l’autre avec un
Maltotier3, l’autre avec
un Officier, & l’autre
étoit grosse d’un second
61
enfant ; & voilà les filles
que l’on vouloit me
faire donner pour femme, & qui étoient écrites dans le gros livre.
J’en ay recherché
encore plusieurs autres,
avec qui il m’est arrivé
des avantures si singulieres & si plaisantes que
je ne puis me dispenser
de vous en divertir.
La première est la
petite fille d’un Marchand de Vin, c’est une
62
grosse gaguye, sans soin,
qui ne demande qu’à
rire, ( qu’en penses-tu ?
disois-je un jour à Duchesne ) Si vous l’épousez, Monsieur, re parti-t-il en riant, vous n’avez qu’à faire bonne provision de Vin, car il luy
en faut & du meilleur :
en suite il me fit entendre qu’elle avoit été elevée chez sa grand’-mere
qui avoit été fameuse
Cabaretiere, où elle avoit
63
pris cette inclination, &
que les frequentes migraines dont elle se
plaignoit tous les jours
venoient des vapeurs
du Vin qu’elle beuvoit la
nuit : & comme je traitois de médisances ce
qu’il me disoit, il m’assura qu’il me convaincroit de ce qu’il avoit
avancé, & qu’il me feroit
boire des razades avec
elle si je voulois. J’avois
trop d’interest à cet
64
éclaircissement pour y
manquer ; à une heure
aprés minuit il me conduisit à la porte de la
maison de la grand’-
mere de cette fille : au
premier coup de marteau, une jeune servante qui me parut fort
éveillée & qui ne regardoit pas indifferemment
Duchesne, ouvrit la
porte ; nous montâmes
ensemble à un troisieme étage où je trou
65
vay ma maîtresse assise
dans un grand Fauteüil,
les coudes sur la table,
les yeux & le visage
rouge comme du feu,
tenant un grand verre
de vin & fredonnant
une chanson Bachique;
à quoy trois commeres
mal-mises, de méchant
air, d’un visage rubicond, & dont les yeux
distiloient le vin qu’elles
beuvoient, répondoient
avec leurs verres aussi
66
pleins de vin : leur table n’étoit point garnie de Patisserie, de
confitures, ni de fruits
comme celle des autres
femmes ; elle n’étoit
couverte que de Jambons de Mayence, de
Saucissons de Boulogne4,
Fromages d’Auvergne,
& de Brie, bien affinez.
J’apprehendois dedonner
de la confusion à cette fille, mais elle avoit
bû toute honte : car
67
sans se démonter & sans
sortir de sa place, elle
me presenta un grand
verre, & quoy qu’il
y eût tout autour
les impressions de plusieurs bouches, elle ne
laissa pas sans le faire
laver de le remplir de
vin, & de me presser
de boire : je le bûs, &
aussi-tost, elle & ses commeres commencerent à
saluer mes inclinations,
& à me porter des san
68
tez5, ausquelles il falut
malgré moy faire raison.
De ma vie je n’ay ouy
dire tant de sottises &
de gueullées qu’elles en
debiterent au sujet de
nostre pretendu mariage:
& sans un expedient
que me fournit Duchesne pour me tirer
de cette compagnie, où
il voioit que je m’ennuiois cruellement, je
cois que j’y serois mort.
C’est la derniere fois
69
que j’ay vu cette fille,
& il faudroit que le
hasard s’en meslât pour
que nous nous rencontrassions jamais ensemble.
Si cette fille que je
quittay ainsi, aime le
vin & la goinfrerie,
celle que je vis aprés
n’aime que l’eau, les
tisanes & les remedes :
elle a un feu dans la
poitrine que des seaux
d’eau ne peuvent étein
70
dre, il ne se passe point
de jour qu’elle ne prenne des remedes; & ce qui
me déplaît d’avantage,
c’est qu’elle ne rend pas
l’air avec la même pureté
& la même douceur
qu’elle le reçoit.
J’en vis une autre qui
se croit le plus bel esprit
du monde ; elle emploie
le jour & la nuit à la
lecture des Romans &
des Comedies, & son
plus grand plaisir est de
71
declamer les actes entiers
les plus tendres qu’elle y
peut trouver, & d’y pleurer comme une folle. La
plus forte raison qui m’obligea à la quitter, est
que dans certain temps
de la Lune, elle a des
intervalles si extraordinaires qu’elle s’imagine
estre l’Heroïne de ces
Romans ou de ces Comedies.
Je m’attachay ensuite
à une fausse devote qui
72
est fille d’un Procureur ;
elle est vêtue d’une
maniere singuliere, extraordinaire, & tournée
à faire penser qu’elle est
détachée de toutes les
vanitez du monde ; elle
parle si bien de la pieté
& de la devotion que
vous la prendriez pour
une sainte : cependant
elle n’est rien moins que
ce qu’elle paroist ; car
au fond du cœur elle
crêve d’ambition & de
73
& son plus grand plaisir est de médire des plus
honnestes gens. Duchesne m’aprit qu’elle entretenoit des commerces
secrets avec des faux
devots & avec des gens
fort éloignez des sentimens de pieté qu’ils feignent d’avoir ; & ce que
j’ay trouvé de plus desagreable & de plus dangereux à épouser cette
fille, est que sa passion
dominante est de pren
74
dre & de voler tout ce
qu’elle peut : quand elle
va au Palais, elle n’en
revient gueres sans avoir
escamoté une piece de
ruban, des gands, un
évantail , ou quelqu’autre chose semblable, & quoi qu’elle ait
été surprise plusieurs
fois dans ces sortes de
vols, elle ne se corrige
point ; & la raison qu’-
en donne une vieille
nourrice qu’elle a chez
75
elle, & qui l’a élevée ,
c’est que cette inclination lui vient de ce que
sa mere étant grosse d’elle,
elle ne pouvoit manger
que de ce qu’elle voloit.
S’il y a du danger à
épouser une fille de ce
caractere, il y en a bien
plus à épouser la fille
que je recherchay ensuite, à cause de la violence
de ses passions & de son
mêchant naturel : il n’y
avoit pas long-temps
76
que sa mere étoit morte, & elle est sous la
conduite d’un pere qui
est fort riche & le plus
grand usurier de Paris :
elle a de l’esprit, les manieres engageantes, & à
ne point mentir, elle
m’avoit touché ; ce
qui m’obligea à estre
plus galand & plus passionné auprés d’elle qu’-
auprés des autres. Elle
de son costé m’aimoit
tres violemment comme
77
vous allez voir. Dans le
temps que nous vivions
avec beaucoup d’union
& de tendresse, & que
nous attendions avec
impatience la conclusion
de nostre mariage, son
pere vint à sçavoir la vie
que j’avois menée avec
Lesbie, & que j’avois
nombre de creanciers
qui me pressoient pour
les payer ; ce qui fit qu’il
ordonna à sa fille de rompre tout commerce avec
78
moy : cependant ces deffences ne firent que nous
donner plus d’empressement l’un pour l’autre,
& nous exciter à chercher des moyens de
nous voir plus souvent.
Ce pere étoit si bien servy par ses espions qu’il
sçavoit tous nos rendez‑vous; il en grondoit &
queréloit sa fille, mais
ny ses ménaces ny ses
mauvais traitemens ne
produisirent aucun effet,
79
& n’interrompoient pas
nos frequentes conversations ; si-bien qu’il
se détermina à faire enfermer sa fille dans un
Convent. Elle en fut
avertie & prit la resolution de se meiux ménager avec lui pendant
certain temps, & de
l’empoisonner. Pendant
nos rendez-vous secrets
Duchesne étoit entré
dans nôtre confidence
par la necessité que nous
80
avions de la ménager:
cette fille qui luy avoit
fait plusieurs presens &
même des honestetez &
des caresses ausquelles il
avoit répondu en lui
témoignant beaucoup de
zele & d’affection pour
ses interests, crut qu’elle
pouvoit se servir de lui
plus sûrement que de
tout autre pour l’execution de ses desseins; elle
lui découvrit donc ses intentions; & pour le mieux
81
engager, elle lui promit
de lui donner tout ce qu’il
lui demanderoit, pourveu qu’il voulût lui acheter du poison. Duchesne
me raporta la proposition que cette fille luy
avoit faite. Une conduite si dénaturée & si
cruelle me donna tant
de mépris & d’horreur
pour elle, que je me déterminay à ne la plus
voir; ce que je fis aprés
m’en estre expliqué avec
82
Duchesne, aprés luy
avoir ordonné de se
donner bien garde de
faire ce que cette fille
desiroit de luy. Ce qui
est de fort plaisant est
que Duchesne ne quitta
point prise comme moy;
il continua à voir cette
fille, il luy promit de
luy apporter ce qu’elle
demandoit, pourvû que
de sa part elle voulût
luy accorder ce qu’il desiroit d’elle, l’assurant
83
qu’il seroit discret &
fidele. Enfin la fille
aprés s’estre tres long‑temps deffenduë se rendit à ses empressemens ;
luy de son costé luy donna une certaine doze de
poudre qui pouvoit tout
au plus servir à purger,
& luy dit d’en mettre
dans le boüillon de son
pere, & qu’elle en verroit
les suites. Elle executa
ce que Duchesne luy
avoit dit ; la poudre ne
84
faisoit point l’effet que
cette fille attendoit avec
impatience ; elle s’en
plaignit à Duchesne qui
s’en excusa sur la bonté
du temperament du pere,
& qui lui promit d’augmenter la doze, en lui
disant qu’il ne falloit
point aller si viste, &
qu’il valloit mieux laisser agir le poison lentement, de peur que la
mort prompte & violente de son pere ne fist
85
de l’éclat dans le monde
& ne vînt aux oreilles
des Officiers de Justice ;
& ce qui est de plus divertissant, est que Duchesne toutes les fois
qu’il aportoit de cette
poudre, se faisoit payer
par la fille de la même
monnoye qu’elle l’avoit
fait dés le commencement : foit qu’elle
prît plaisir dans ce payement, ou que la nature
se fût attendrie dans son
86
cœur, elle ne se plaignoit plus à Duchesne
de la lenteur du poison, & fit durer ce commerce jusques à ce que
son pere, irrité de sa conduite & des visites de
Duchesne, la fit enfermer
dans un Convent.
Bandeau.
100
119
PHILOGAME ET ANTIGAME, OU LES AGRÉEMENS ET LES CHAGRINS DU MARIAGE. Huitieme & derniere Partie.
J’Avois résolu ,
continua Antigame, de vous
taire les autres avantures
88
qui me sont survenuës
au sujet des filles que j’ai
veuës dans la pensée de
me marier; mais j’en ay
eu une trop singuliere
& trop divertissante avec
une tres-jolie fille pour
ne vous en pas donner
le plaisir. Ah l’aimable
enfant ! si au fond elle
étoit ce qu’elle paroît :
son pere est Financier,
il est separé d’habitation
d’avec sa femme, il passe dans le monde pour
89
être fort riche ; sa fille est
jeûne, elle a la taille belle
& bien faite, les yeux
bleus, la bouche petite,
le teint vif & brillant,
l’air doux & agreable
& de certaines manieres
ingenuës & enfantines
qui touchent & qui la
font prendre pour une
novice dans le monde ;
elle a la voix douce,
agreable, & chante fort
joliment. Aprés lui avoir
rendu plusieurs visites
90
& observé qu’elles ne
déplaisoient pas à son
pere, comme un jour
j’appris que l’un &
l’autre étoient dans leur
maison de Campagne,
auprés de Paris, j’allay
les voir : le pere m’obligea d’y rester quelque temps, ce qui me
donna occasion de voir
souvent sa fille. Une fois
étant teste à teste avec
elle dans sa chambre, &
lui disant que je l’aimois
91
tendrement, elle me
repartit avec un air ingenu & innocent qu’elle
me prioit de luy dire
sincerement, si cela me
donnoit du plaisir, ou
me faisoit de la peine ;
que si c’étoit du plaisir,
que je lui apprisse à
aimer & qu’elle m’en
auroit obligation ; &
que si au contraire cela
faisoit de la peine, elle
n’en vouloit jamais rien
sçavoir : ensuite elle me
92
pressoit par des manieres
enfantines de luy aprendre comment cela se faisoit. Je vous assure qu’-
elle m’embrassa pour
lors plus que n’auroit fait
une personne plus spirituelle; quand je la regardois quelque fois fixement & entre deux
yeux, elle me regardoit
de même, & comme s’il
y eût eu de son honneur à me faire baisser
la veûe. Un jour que je
93
tenois une de ses mains,
en la serrant, & en la
baisant, elle me demanda, quel plaisir je prenois à baiser ainsi sa
main ; je lui repartis en
riant, qu’il étoit grand:
aussi-tost elle la dégagea
& prit une des miennes
qu’elle baisa plusieurs
fois comme j’avois fait
la sienne : & peu de
temps aprés, quittant
brusquement ma main,
& la repoussant, elle me
94
dit toute en colere &
en grondant, que j’étois
un malicieux, que je
me moquois d’elle, que
je n’avois point de plaisir à luy serrer & à lui
baiser ainsi la main, &
que ce que j’en faisois
n’étoit que pour luy
faire du mal. Elle m’avoit fait cent autres
ingenuïtez semblables
que je raportay à Duchesne, qui me dit malicieusement que les
95
filles de son âge n’étoient point si sottes,
qu’il y avoit quelque
chose de caché la dessus, dont il s’instruiroit
dans la suite, & qu’il
me l’apprendroit. Comme j’aimois cette fille,
& que j’étois prevenu
en sa faveur, je traittai
cette fois Duchesne de
visionnaire & de méchant : il crût qu’il y
alloit de son honneur de
justifier ce qu’il avoit
96
avancé, & pour cet
effet il se mit à examiner de prés les démarches & la conduite de
cette fille; il vint à s’appercevoir qu’elle avoit
souvent des tête-à-têtes
avec le Commis de son
pere, & un jour les
observant sans estre veu,
il remarqua qu’elle lui
lisoit un billet en riant,
& qu’elle le mit ensuite dans sa poche, d’où
pendoient les coins d’un
97
mouchoir ; il jugea que
ce billet pouvoit contenir quelque mystere,
qu’en tirant adroitement ce mouchoir de
cette poche, l’on feroit
tomber aisément ce billet, & qu’en-suite il
seroit facile de l’avoir.
Il alla donc se placer
dans un corridor par où
il sçavoit que cette Demoiselle devoit passer,
& lorsqu’il fut prés
d’elle il prit son temps
98
pour tirer son mouchoir
& faire tomber le billet
comme il l’avoit projetté:
mais au lieu d’un il en
fit tomber deux, qu’il
leva de terre , & qu’il
alla lire aprés que cette
fille fut passée; il trouva
que c’étoient deux chansons l’une qu’elle avoit
écrite de sa main &
qui étoit conceuë en
ces termes.
99
S’Il sort un feu de mes
yeux,
Plus brûlant que la friture ;
Je porte dans d’autres lieux,
Ture-lure7,
De l’onguent pour la brûlure.
Robin ture-lure.
Et l’autre que le Commis
avoit écrit & qui portoit.
Je ne suis pas pour vous,
Nanette,
Vous aimez par trop à causer;
Quand trois fois la nuit j’ay
parlé,
Adieu paniers, Vendanges
sont faites.
Duchesne jugea par
ces deux Chansons qu’il
falloit que ces deux
personnes fussent bien
ensemble & qu’ils eussent quelque commerce
amoureux : aprés les
avoir examinés plusieurs journées sans rien
découvrir, il se mit en
teste de les observer
pendant la nuit ; & pour
cet effet il se placea dans
un endroit caché, d’où il
pouvoit voir tous ceux
101
qui entreroient dans la
chambre de cette belle
& qui en sortiroient.
Il remarqua qu’un soir
en s’allant coucher, elle
avoit ouvert la fenestre
de sa chambre, quoique
la saison ne le permît
pas ; ce qui augmenta
ses soupçons, & l’engagea à veiller toute la
nuit pour observer quelle avoit été son intention, & ce qui se passeroit dans cette chambre;
102
si bien qu’aprés avoir
attendu quelque temps,
il vît venir le Commis,
qui prenant une eschelle
de laquelle on se servoit
à monder les arbres du
Jardin, la posa contre
cette fenestre ouverte,
y monta, & entra ainsi
dans cette chambre, où
il resta jusqu’à ce que
le jour commenceant à
paroître, il en sortit
avec le secours de l’échelle
qu’il porta ensuite dans
103
le lieu où il l’avoit prise.
Duchesne ravy de cette
découverte, vint m’en
avertir ; d’abord j’eus
de la peine à le croire,
mais comme il m’offrit
de me faire voir tout ce
qu’il m’avoit dit, &
même de me faire entrer
dans cette chambre, je
n’en doutay plus, & j’acceptay le party, afin de
convaincre mon infidelle, & de luy faire des
reproches de ses bas &
104
lâches engagemens.
La nuit suivante, le
Commis vint à la même
heure & entra comme
il avoit fait la nuit precedente : Duchesne attendit pour m’en avertir jusqu’à ce qu’il vît
que le jour alloit paroître ; je m’habillay promptement, & suivis Duchesne, il me placea dans
un endroit d’où je pouvois aisément voir ce
petit homme sans estre
105
veu : à peine eus-je attendu quelque moment
que je le vis sortir par la
fenestre de cette chambre & descendre par
cette échelle ; si j’eusse
cru mon courage, j’aurois assommé ce coquin,
mais la crainte que j’eus
d’achever de gaster mes
affaires qui n’étoient pas
déjà en trop bon état,
& l’envie que j’eus de
découvrir à cette artificieuse que je sçavois
106
sa conduite, & d’apprendre quelles raisons elle
pouvoit me donner, me
firent prendre le party
de le laisser aller. Aussi‑tost donc qu’il se fut
retiré, je fis apporter
par Duchesne l’échelle
& montay dans la chambre, comme le Commis
avoit fait : cette friponne
étoit couchée dans son
lit, & entendoit bien
le bruit que je faisois ;
mais elle ne pouvoit
107
s’imaginer dans cette
obscurité qu’il y eût
d’autre personne dans
sa chambre que le Commis : elle croyoit qu’il
y étoit remonté comme il étoit arrivé plusieurs fois lorsqu ’ il
étoit plus matin qu’il
n’avoit crû; si-bien qu’étant persuadé qu’elle
luy parloit, elle commençea par dire qu’il
avoit cette nuit par trop
causé , & qu’il avoit
108
entierement consommé
son onguent pour la brûlure. Je n’osois, comme
vous croyez bien, parler,
de crainte qu’elle ne
reconnût que ce n’étoit
point la voix du Commis, si – bien que sans
dire mot, je m’aprochay de son lit & commencay à promener mes
mains : elle me laissoit
faire, mais reconnoissant
à leur grosseur que ce
n’étoient pas celles du
109
Commis, elle commençea à crier comme une
folle; si bien que je fus
obligé de me découvrir
à elle, & de me faire
connoître. Vous jugez
bien de sa surprise & de
son émotion aprés ce
qui s’étoit passé entre
nous : je commençay
par luy dire , que je
n’ignorois plus son
commerce & toute sa
conduite avec ce Commis, & que je la publi
110
erois, si elle n’en vouloit
pas convenir ; que si au
contraire elle me parloit
de bonne foi, & m’avouoit tout ce qui s’étoit
passé entr’eux, & de
quelle maniere l’engagement qu’elle avoit pris
pour lui, avoit commencé, je lui garderois
le secret, & je l’aiderois
de mes conseils, & de
tout ce que je pourois.
Elle se mit à pleurer, &
ensuite essuiant ses yeux,
111
elle me dit qu’elle me
croioit honneste homme, & qu’elle alloit me
dire ingenûment la verité sans en obmettre
aucune circonstance, ce
qu’elle fit en ces termes.
Comme j’étois encore petite fille ( me dit‑elle ) ce Commis qui
étoit alors Laquais dans
la maison, avoit soin
de me chauffer les matins ; toutes les fois qu’il
le faisoit, il me baisoit les
112
pieds & me faisoit cent
autres semblables badineries ; selon que j’étois
de bonne ou de méchante
humeur, j’en riois &
je le laissois faire ,
ou je l’en empêchois. A
mesure que je devenois
plus grande, ses libertés
augmentoient ; enfin
comme il outroit les
choses, je le traitay fort
rudement: je le chassay
de ma chambre & luy
deffendis d’y mettre ja
113
mais les pieds. J’en eûs
de la douleur peu de
temps aprés, pour luy
il en parut inconsolable ;
& comme nous cherchions tous deux à nous
racommoder , & que
nous étions à la campagne, un jour je le
vis de loing qu’il caressoit une fille & qu’il
luy mettoit la main
sur la gorge: cette veuë
me donna une si grande
jalousie & tant d’émo
114
tion que je ne puis vous
l’expliquer, & pour faire
cesser ces caresses qui me
déplaisoient extrêmement, je me mis à crier
Au Loup, Au Loup8 :
cette fille s’enfuit au
plus viste, & ce Commis vint à moy, & après
cent caresses il…… &
alors elle se teut. Il ( repris-je ) ……… &
comme je voiois qu’elle
ne vouloit pas achever,
pour la rassurer davan
115
tage, je luy dis d’un ton
railleur & goguenard,
qu’elle ne devoit point
s’effraier ; que de semblables avantures étoient
arrivées à des filles d’autre qualité qu’elle, qui
n’en avoient pas été mariées moins avantageusement, & n’en estoient
pas moins considerées
dans le monde ; que ce
n’étoit pas à moy, après
tout ce que j’avois veu,
tout ce que je sçavois,
116
& la parole que je luy
avois donnée de luy garder le secret ) qu’il falloit
faire du mystere; & que
tout au contraire pour
s’assurer de ma discretion, elle devoit m’avouer jusqu’aux moindres particuliarités. Elle
me repartit, qu’elle ne
s’étoit point teû dans
la pensée de me rien
cacher , & que seulement , par pudeur
& par honte elle n’a
117
voit pas eu la force d’achever ; mais qu’une
Chanson qu’elle avoit
faite sur ce sujet &
qu’elle alloit me dire,
m’en apprendroit assez.
Ensuite cette petite folle
commença à me chanter cette Chansson aussi‑gayement comme s’il
ne s’étoit rien passé entre‑nous ; vous serez peut‑être bien aise de sçavoir
les paroles de cette
Chanson. Les voicy.
118
Du haut de cette mon-
tagne,
Un jour gardant mes moutons ;
J’aperceûs qu’à ma compagne
Michaut prenoit les tettons ;
Et pour empêcher son coup,
Je criay Au Loup, Au Loup.
Aussi-tost il quitta prise,
Pour venir me secourir ;
Mais, quelle fut ma sur prise
Lorsqu’il vit que par plaisir,
Où pour empêcher son coup,
Que j’avois crié Au Loup.
Il me retint pour gage,
De son pied me jette à bas;
Mais pour venger cet
outrage,
De force je n’avois pas ;
Et j’eus beau crier Au Loup,
Michaut acheva son coup.
Enfin ( continua-t‑elle ) depuis ce malheureux jour, cet effronté
a pris tant de pouvoir
sur moy, que je ne puis
lui rien refuser de tout
ce qu’il veut, & je crois
120
qu’il m’a ensorcelée.
Elle me dit ensuite par
forme de confidence, &
en se radoucissant la
voix, qu’elle auroit esté
ravie d’estre mariée avec
moy, pour se delivrer
des persecutions de ce
miserable, & pour n’avoir plus de commerce
avec luy : elle me parla
d’une maniere si tendre
& si persuasive, & je vis
sur son visage à la faveur du jour qui com
121
mençoit à paroître quelque chose de si aimable & de si touchant,
que non seulement
j’eûs de la compassion
de la voir en cet état,
mais je me sentis encore de la disposition
à l’aimer ; & je ne sçay
pas si dans ce moment
je n’aurois pas passé sur
tout ce que je venois
de voir, tant ce sexe
artificieux, quand nous
l’aimons, a d’adresse pour
122
nous engager à tout ce
qu’il veut. Mais enfin
comme le jour augmentoit, je trouvay à propos de me retirer promptement, de crainte qu’-
on ne me surprît dans
cette chambre, & qu’-
on ne me fist épouser
cette fille par force, je
me contentay de luy
representer auparavant
qu’elle devoit quitter à
quelque prix que ce fût,
cet honteux & indigne
123
commerce qui la perdroit infailliblement s’il
continuoit.
Le père de cette fille
ne fut pas sitost levé que
je luy dis qu’il m’étoit
survenu une affaire de
consequence, qui m’obligeoit de partir promptement, & pour cet
effet je fis parler Duchesne, si - bien qu’aprés avoir pris congé
du père & de la fille,
je m’en revins à Paris.
124
Que faire, mon
cher Philogame ? continua Antigame ; quel
party prendre ? laquelle
dois-je épouser ? dois-je
encore en voir d’autres,
ou plustost dois-je me
marier ? que me conseillez - vous de faire,
vous qui estes un homme de bon sens, & qui
sçavez par experience,
ce que c’est que le mariage? Je ne veux point,
( repartit Philogame )
125
Vous donner du conseil
là dessus, ny raisonner
avec vous sur ce sujet ,
qu’auparavant je ne
vous aye raconté, ce
qui m’est arrivé depuis
mon mariage, afin que
vous preniez vos mesures là dessus. Ce qu’il
fit en ces termes.
126
HISTOIRE DE PHILOGAME.
APrès que Fraudelise fut revenuë de son indisposition, nous travaillâmes à la conclusion
de nostre mariage ;
127
il est impossible de
concevoir combien
je m’estimois heureux
quand je venois à penser
que j’étois sur le point
de posseder entierement la personne que
j’aimois le plus, & de
qui je me croiois le plus
tendrement chery. Qu’-
on est fol lorsqu’on raisonne ainsi ; & que l’on
connoit peu les femmes
quand l’on s’imagine que
le mariage peut donner
128
des plaisirs veritables &
solides ! voicy quel fût
le commencement, &
quelle a été la suite des
chagrins & des peines
que je souffre dans cette
mal-heureuse condition.
Nos parens & nos amis
communs me firent entendre qu’il falloit envoyer de riches presens
de Nopces à Fraudelise;
& quoyque je leur representasse de bonne foy
que je n’avois point d’ar
129
gent, & que de la maniere dont elle & moy
nous vivions ensemble,
nous ne devions point
être esclaves de ces sortes
de modes, qui ne font que
ruïner ceux qui veulent
s’y assujetir : ils ne laisserent pas de m’obliger à
lui donner un collier de
perles de six cens Pistoles 9,
une croix & des boucles
d’oreilles de Diamants
de huit mille - francs ,
& une bourse de cinq
130
cens Louis10. Je voulois
bien luy envoier le collier de Perles & les Diamants de feu ma mere ;
mais ils s’y opposerent,
à cause que les Perles
étoient jaunes & barocs11,
& que les Diamants
n’étoient plus à la mode
& étoient taillés en
table ; si - bien qu’il m’en
coûta pour les Perles &
pour les Diamants
quatorze cens Pistoles12,
c’est à dire un tiers plus
131
qu’ils ne valoient, parce
que j’avois esté obligé
de les acheter à credit ;
à l’égard des cinq cens
Louis13, un Notaire qui
demeure dans l’Isle me
les fit prêter pour trois
mois, & me fit obliger
pour six cens Louis ; l’on
m’avoit flaté que le lendemain de la Nopce je
trouverois la bource &
l’argent sur la toilette
de la mariée : cependant
je n’en ay jamais veu un
132
sol14, & voilà de quelle
maniere les gens commencent à se ruïner dés
les premiers jours de
leurs mariages.
Jusqu’à la premiere
nuit des Nopces j’avois
crû Fraudelise honnête,
douce, & complaisante ;
mais lors qu’on la coucha & qu’elle fut dans
le lit, ce n’étoit plus
qu’un dragon, ce n’étoit plus qu’une furie :
133
tout autre moins aveugle que moi auroit commencé dés ce jour-là à
reconnoître le malheur
d’estre engagé avec une
semblable femme; mais
la passion & l’amour que
j’avois pour elle, faisoient
que je regardois sa fureur & ses emportemens
comme un témoignage
certain de sa pudeur &
de sa modestie.
Il faut avoüer qu’il
y a quelque chose de fort
134
bizare, & de bien singulier dans ma destinée,
& dans mon temperament : la passion & la
jouissance d’une femme
donnent en peu de temps
à son mary de l’indifference, & souvent même
du dégoût pour elle,
mais pour moi j’étois
devenu par-là plus passionné pour Fraudelise,
& amoureux au de-là
de tout ce que vous pouvez concevoir : Je ne
135
sçai point si l’excés de
cette amour venoit de
ce que le mariage avoit
augmenté sa beauté ;
ou bien si parce que
elle ne répondoit pas
à la violence de ma passion, les oppositions &
les resistances impreveuës qu’elle y aportoit
servoient à croître mon
amoure, & à la rendre
plus vive & plus forte;
quoi qu’il en soit je n’avois l’esprit uniquement
136
occupé que de ce qui
pouvoit plaire à Fraudelise, & j’allois aveuglément au devant de
tout ce qui lui étoit aagréable, & de tout ce
qui pouvoit lui donner
du plaisir : je n’avois pas
plûtost observé que son
gout étoit touché de
quelque friandise, &
de quelque mets délicat
que je le lui achetois,
& que je lui en faisois
sa provision : se vendoit‑
137
il au Palais une coêfure15,
une garniture, ou quelqu’autre ajustement joli
& nouveau ? le lendemain matin elle en trouvoit sur sa toilette ; la
voyois-je chagrine, je n’avois point de repos que
je ne l’eusse menée à la
Comedie, à l’Opera, à
la promenade & dans les
lieux où je croiois qu’elle
pouvoit se divertir. Enfin jamais courtisan n’a
eu plus d’honnesteté &
138
plus de ménagement
pour son Prince & pour
ses favoris que j’en avois
pour elle & pour les
personnes qu’elle consideroit.
Un procedé aussi honneste & aussi obligeant
de la part d’un mari,
devoit sans doute toucher le cœur d’une femme raisonnable, & l’engager à l’aimer plus fortement; cependant tous
mes soins & tous mes
139
empressemens ont fait
des effets tout opposés
dans le cœur de Fraudelise.
Ha ! quel sexe, quel
maudit sexe ! plus un
mari a d’honnesteté &
de tendresse pour sa femme, plus elle devient
fiere, insolente & souvent mesme dénaturée;
les honnestetés & les
complaisances que j’avois pour Fraudelise ne
servoient qu’à me faire
140
perdre l’estime & la consideration qu’elle devoit
avoir pour moi, qu’à
m’attirer ses mépris &
des choses desobligeantes & fâcheuses, & qu’à
l’engager à me traiter
plus indignement qu’un
esclave.
A son gré je ne faisoit jamais rien de bien;
c’estoit une obstination
& une contrarieté perpetuelle de sa part pour
tout ce que je disois, &
141
pour tout ce que je faisois ; à l’entendre parler
je n’étois qu’un innocent
qui se laissoit duper dans
toute sorte d’occasions,
& un ridicule dont tout
le monde se moquoit ;
tout autre mari que moi
auroit esté rebuté d’un
procedé aussi mal-honneste & aussi dur, & en
auroit témoigné de l’indignation & de la colere, mais quand on aime
avec autant de tendresse
142
que je faisois, ces manieres ne servent qu’à
toucher plus sensiblement, & qu’à augmenter la violence de la passion.
Après avoir receu ces
mauvais traittemens ,
j’avois le cœur touché
jusqu’au vif, & je mourois de chagrin & de
douleur : ensuite ma passion ingenieuse à me
tromper & à me tourmenter, me faisoit en
143
tendre que Fraudelise
avoit raison dans tout
ce qu’elle avoit blâmé
dans ma conduite &
dans ma personne, me
faisoit faire des reflexions serieuses sur mes
actions, & prendre la
resolution de devenir
plus prudent & plus
sage, ou plus conforme
à son goût.
C’est une étrange chose qu’une jeune femme
quand elle croit n’avoir
144
point de maître, & qu’elle ne suit dans sa conduite que son humeur
& sa passion ; pendant
que Fraudelise étoit sous
la conduite de sa tante
ou de sa mere, elle étoit
modeste dans ses habits
& dans ses manieres,
& paroissoit éloignée de
toute sorte de vanités ;
elle ne cherchoit point
les grandes compagnies,
les jeux, les repas ni les
cadeaux; son plus grand
145
plaisir étoit d’estre seule
à travailler ou à lire,
encore avoit-elle tourné
sa chambre de maniere
à la faire prendre pour
une cellule de Religieuse : mais quand elle se vît
mariée, qu’elle se crût
libre & maîtresse de ses
actions, & que la tendresse que j’avois pour
elle ne me permettoit
pas de contrarier ses
volontés ; elle commença en méprisant les con
146
seils de la raison & de
la prudence, à écouter
les pernicieux discours
de ces femmes, qui aprés
avoir ruiné la fortune
de leurs maris & les
avoir perdu de reputation & d’honneur, se
divertissent à empoisonner les cœurs des jeûnes
mariées à leur avenement dans le monde ;
& conduite par de si
mauvais guides elle s’abandonna à toute sorte
147
de vanité & à tout ce qu’-
il y a de magnificences
d’habits & d’ameublemens; & elle eut une passion violente & si outrée
pour le jeu, qu’elle y a
consumé la meilleure
partie de nostre bien, &
nous a reduits dans un
tres-fâcheux état.
Gautier n’avoit pas
d’étoffes pour elle assez
belles & assez magnifiques, ny la Picarde de
dentelles & de points
148
assez fins & d’un dessein
assez beau ; ny Bouché
de broderies, & de galons d’or assez riches,
& assez éclatants ; & ce
qu’il y a de fort singulier
est qu’elle s’imaginoit
qu’il y alloit de son
honneur d’en changer
tous les mois.
Je fus obligé de faire
un voyage pour tres‑peu de temps; à mon
retour je ne reconnus
plus ny ma Salle ny mes
149
chambres, elles avoient
entierement changé de
face. Fraudelise en avoit
vendu tous les meubles,
& en avoit mis à leur
place des plus à la mode
& des plus riches de Paris.
Elle ne jouoit point
que dans les gros jeux ;
& souvent son Laquais
à une & deux heures
aprés minuit venoit
m’éveiller pour me dire
d’envoier de l’argent
à Madame ; je luy en ai
150
fourny autant que j’ay
pû, & la tendresse que
j’avois pour elle ne me
permettoit pas de l'exposer à recevoir des
affronts dans les Jeux
faute d’y pouvoir payer,
& aux extremités basses
& honteuses où se portent plusieurs jolies femmes pour avoir de l’argent : j’ay vendu la
meilleure partie de mes
contrats, de mes rentes,
& de mes fermes, &
151
j’ay emprunté de toute
part pour soûtenir cette
dépense, ne pouvant me
deffendre des caresses,
& des flatteries de Fraudelise, & des belles paroles qu’elle me donnoit
de changer de vie, &
d’être plus réglée. Enfin
le credit est venu à me
manquer ; je me suis
veu hors d’état de pouvoir plus fournir, à cette
dépense & de payer les
Creanciers de Fraudelise.
152
Au commencement j’ay
voulu par vanité luy
taire le malheureux état
de nostre fortune; mais
comme elle étoit incessamment à me demander
de l’argent & que ma
maison ne desemplissoit
point de ses Creanciers
ou d’huissiers, je fus à la
fin obligé de lui avouer la
situation fâcheuse de mes
affaires. Elle ne considera point qu’elle en
étoit la seule cause, &
153
sans vouloir écouter aucune de mes raisons, elle
se mit dans une colere
effroiable contre moy ;
& ce qui la piqua plus
sensiblement, fut que
dans la suite me
sentant poursuivy par
ses Creanciers, & à la
veille de voir vendre mes
meubles, je recourus à
un conseil de Palais, &
je me deffendis en Justice
en disant que Fraudelise
étant sous ma puissance
154
& n’étant autorisée de
moy, les dettes qu’elle
avoit contractées étoient
nulles & que je n’étois
pas obligé de les payer.
Vous ne pouvez concevoir tous les emportemens qu’elle eut contre
moy; à l’entendre dire,
j’étois un dissipateur, un
voleur, un mal-heureux,
un gueux, qui avoit
mangé son bien, &
qu’elle avoit tiré de
la necessité : elle poussa
155
sa fureur bien plus avant,
elle voulut se faire separer
d’habitation d’avec moy,
& pour y parvenir elle
me disoit des injures
tres-honteuses & tres‑outrageantes en presence
de plusieurs personnes,
dans la pensée de m’obliger à la frapper &
de se faire par-là un
moyen de separation.
Pour ne vous ennuier
pas davantage par un
recit plus long, je vous
156
diray que Fraudelise ne
sçachant plus de quel
bois faire fléche: elle eut
recours à la consolation
des Joueurs ruïnez ,
c’est à dire qu’elle se
mit en teste qu’elle pouroit regagner l’argent
qu’elle avoit perdu ; &
dans cet espoir, elle fit
de l’argent de ses bijoux
& de ses nippes qu’elle
mit en gage: ensuite de
ses habits, & une partie
de meubles de la mai
157
son, & passoit les jours
& les nuits à le jouer :
elle eût aussi la destinée
des Joueurs ruïnés, c’est à
dire qu’elle perdit generalement tout ce qu’elle
pouvoit perdre, & elle
se trouve à present sans
un sol, sans resource &
réduite à rester dans sa
maison, où elle nous
desole tous ; sa principale occupation est de
me contrarier à tout moment, de me gronder,
158
de me faire des reproches, & de me dire des
injures; aucun domestique ne peut vivre avec
elle ; à tout moment
elle les querelle & les
bat, & nous n’avons
jamais huit jours les
mesmes; elle est devenuë
d’une avarice & d’une
lezine éfroyable, & fait
mourir de faim sa maison, & toutes ses épargnes ne tendent qu’à
faire de l’argent pour
porter au jeu.
159
Quelque forte qu’ait
esté la tendresse que j’ay
eûë pour Fraudelise ;
vous jugez bien, mon
cher Antigame, qu’elle
n’a pû tenir contre un
procedé aussi rude, &
aussi degoûtant, & contre
le changement que sa
maniere de vie dereglée
& sa conduite ont aporté
à l’éclat de son teint &
à sa beauté. Entre nous,
continua Philogame, je
vous avoüe que je me
160
trouverois à present
fort heureux, si je pouvois ne la voir de ma
vie; elle n’approche pas
sitost du lieu où je suis
que je ne sente de l’émotion & du chagrin : j’avois autrefois pour elle
toute la tendresse qu’on
peut avoir pour une
femme ; elle n’y a point
répondu, & elle n’a eû
pour moi que de l’ingratitude & des duretés;
elle a dissipé la meilleure
161
partie de mon bien pour
se satisfaire & pour se
contenter : & aujourd’huy elle me fait l’injustice de me blâmer,
& de me charger des
fautes qu’elle a faites, &
dont je ne suis coupable
que pour avoir eu trop
de complaisance pour
ses volontés & pour ses
plaisirs.
L’on oublie difficilement un procedé aussi
injuste & aussi dur que
162
le sien ; cependant je suis
contraint de vivre avec
elle comme auparavant,
de dissimuler & de cacher mon ressentiment,
autrement ce seroit tout
perdre, j’aigrirois son
esprit, & je l’exciterois
à me tourmenter davantage ; je ne doute
point qu’elle ne fît de l’éclat & du scandale dans
nos familles, dans le
monde & sur tout parmi nos creanciers, qui
163
prévoiants un divorce &
une separation de biens,
ne manqueroient pas
de tout faire saisir, &
de nous en dépouiller.
Vous avez entendu,
mon cher Antigame,
continua Philogame,
des choses que je n’aurois
jamais dites à d’autres
qu’à vous, & que j’ay
crû ne devoir pas vous
cacher à cause de nostre
ancienne amitié, & aprés la priere que vous
164
m’en avez faite : c’est à
vous à present à faire
les reflexions que vous
jugerez necessaires sur
tout ce qui m’est arrivé
avec Fraudelise, avec
cette femme dont je me
flatois d’estre si tendrement aimé, & dont je
croiois que la seule possession devoit faire ma
felicité; & c’est à vous
à choisir ensuite la condition que vous trouverez la plus avanta
165
geuse, du mariage ou du
celibat.
Aprés que Philogame
eût achevé ce discours,
Antigame prenant la
parole luy dit qu’il luy
étoit extrêmement obligé de la sincerité avec
laquelle il luy avoit parlé, & de ce témoignage
qu’il luy avoit donné
par-là de son amitié :
qu’il luy auoüoit de
bonne foy qu’il étoit
extrêmement surpris de
166
tout ce qu’il venoit d’entendre de Fraudelise,
aprés luy avoir veu autrefois un esprit qui
paroissoit si raisonnable
& une humeur si douce
& si affable; & que tous
ses discours ne contribuoient pas peu à luy
donner du dégout pour
le mariage : que si pourtant il vouloit luy permettre de luy parler
franchement, il luy diroit qu’il s’étoit attiré par
167
sa trop grande facilité, &
ses manieres trop indulgentes, les chagrins & les
peines qui luy étoient arrivées; qu’aussitost qu’il
avoit commencé à s’appercevoir que Fraudelise
faisoit un méchant usage
des témoignages qu’il lui
donnoit de son amour
& de sa complaisance,
& qu’elle prenoit trop
de liberté, il devoit devenir plus réservé & plus
severe à son égard, &
168
se servir de cette honnête authorité dont les
maris doivent user envers leurs femmes lors
qu’elles sont im prudentes & déraisonnables.
Quand une femme
veut quelque chose,
interrompit Philogame,
& qu’elle se l’est mis
en tête, que le mari s’en deffende tant
qu’il voudra, elle en
viendra à bout, soit par
ses flateries & ses ca
169
resses, soit par ses fourberies & ses artifices,
soit par son obstination
& son opiniatreté, &
le mary n’aura point
de repos qu’elle n’ait
obtenu ce qu’elle demande.
Toutes les femmes,
reprit Antigame, n’ont
pas les mêmes inclinations, & ne suivent pas
la même conduite que
Fraudelise. Il y en a qui
aiment leurs maris, qui
170
haïssent le jeu & le dépense & qui sont bonnes ménageres. Quoyqu’elles n’ayent pas ces
sortes de defauts, repliqua Philogame, les maris n’en sont pas plus
heureux, & elles en ont
d’autres qui ne sont
gueres moins incommodes : il y a toûjours
de l’excés & quelque
chose d’outré dans ce
qu’elles font ; celles qui
aiment leurs maris sont
171
d’une jalousie insuportable & avec leurs reproches continuels, elles
ne leur donnent de repos ni nuit ni jour ; les
ménageres deviennent
chagrines, bourruës ,
avares, font mourir de
faim toute leur maison,
& tombent dans mille
bassesses & dans mille
vilainies dont elles infectent dans la suite leurs
maris , qu’elles font
tourner en ridicules dans
172
le monde : enfin il n’y
a point de femmes qui
n’aient des imperfections
& des defauts tres fâcheux & tres-insuportables ; elles ne different
entr’elles sur cet article
que du plus ou du moins;
les unes sont coquetes,
débauchées, infidelles ,
& sans honneur : les
autres hipocrites, bigottes, malicieuses, vindicatives & orgueilleuses ;
les autres precieuses, sça
173
vantes-ridicules, & extravagantes, & les autres
quereleuses , emportées
& violentes ; & il n’y
en a point, ou tres-peu,
qui avec leurs manieres
inquietes & insuportables ne chagrinent, &
ne desesperent tous les
jours leurs maris.
Que voulez-vous donc
que je fasse, interrompit
brusquement Antigame,
pour empêcher que mes
creanciers ne fassent ven
174
dre mes biens, & pour
me tirer de la necessité
que je prevois, puisque
je ne sçay point d’autre
moien pour remettre
mes affaires que le mariage & le secours de la
dot d’une femme.
Ne vous y trompez
pas, repartit Philogame ; une femme ruïne
plûtost les affaires de
son mari qu’elle ne les
accommode : quelque
bien qu’elle luy apporte
175
elle fait une dépense
proportionnée à sa fortune, & son mariage
attire aprés elle une
suite tres-grande ; les
presens de nopces, les
habits, les festins, & les
repas, les équipages, les
domestiques, les ameublemens, les grossesses, les
couches, les nourices,
les enfans, leurs éducations, leurs établissemens, & cent autres
dépenses qui ne man
176
quent pas de ruïner entierement un pauvre mari, & de consumer son
bien, aussi-bien que la
dot que sa femme lui
a aportée.
Il est vrai qu’un mari peut se soûtenir quelque temps avec ce secours ; mais il faut toûjours qu’il tombe lors
qu’il n’a pas de bien
pour supporter les charges du mariage ; & ce
qui est de plus fâcheux,
177
c’est que sa chute est
bien plus cruelle &
plus scandaleuse, parce
qu’elle attire aprés elle
celle de sa femme & de
ses enfans, & qu’elle les
rend malheureux le reste
de leurs vies.
Hé bien, interrompit
Antigame, que feriez‑vous, si vous étiez à ma
place?
Moy, reprit Philogame, j’abandonnerois
une partie de mes biens
178
à mes creanciers jusqu’à
la concurence de ce que
je leur dois, & j’obligerois les moins traitables
& les plus durs à accepter mes offres, en les effraiant par des menaces
de faire, comme plusieurs
autres debiteurs, consumer en frais de justice,
& en provisions le prix
de mes biens ; & ensuite
avec ce qu’il m’en resteroit, mes dettes payées,
je me ferois un revenu
179
certain, que j’irois manger dans le lieu où je
me plairois davantage.
C’est à vous, Antigame,
dit Philogame en finissant, à voir si ce conseil vous convient; mais
tout ce que je puis vous
dire, c’est qu’aiant l’esprit aussi bien fait & le
cœur aussi tendre que
vous l’avez, la plus penible & la plus dangereuse de toutes les extrémités que vous puis
180
siez prendre est celle du
mariage.
Antigame aiant rendu mille graces à Philogame de ses bons avis
où il trouva beaucoup
de prudence & de sagesse, les suivit de point
en point ; alla demeurer
dans sa maison d’Autinville, & aprés y avoir
passé quelque temps,
il se retira dans l'Abbaye
de Cisteaux , où il
mene à present une vie
181
exemplaire, & entretient avec Lesbie un
commerce innocent de
lettres remplies de pieté
& de devotion.
Noms propres
Autainville
Tout petite commune qui se trouve dans le département de Loir-et-Cher, dans la région
Centre. Pour obtenir plus d'informations portant sur Autainville, veuillez consulter
le site-web official du village :
https://www.autainville.com/.
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Auvergne
Région administrative située au centre de la France. L'Auvergne compte quatre départements
: Allier, Cantal, Haute-Loire, Puy-de-Dôme.
- Auvergne, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
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Beaugency
Ch.-1. de cant. du Loiret, arr. d'Orléans, sur la rive d. de la Loire. 6 917 hab. (Balgentiens). Vestiges de l'enceinte. Donjon (XIe s.). Anc. abbatiale Notre-Dame (XIIe s., restaurée). Château Dunois du XVe s. (musée de l'Orléanais). Hôtel de ville Renaissance (tentures du XVIIe s.). Pont sur la Loire, en partie gothique. HIST. Un concile s'y tint en 1152 pour prononcer le divorce de Louis VII et d'Aliénor d'Aquitaine.
- Beaugency, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
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Bologne (en it. Bologna)
Ville située dans le nord-est de l'Italie, entre les Appenins et le Pô.
- Bologne en it. Bologna, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
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Brie
Région de l'E. du Bassin parisien, plateau recouvert de limons fertiles, situé entre la Seine et la Marne (Briards). [...] C'est une région de grandes propriétés pratiquant une agriculture mécanisée : culture du blé, de la betterave à sucre, du maïs ; fromages réputés. [...] HIST. Il y eut sous les derniers Carolingiens et les premiers Capétiens une Brie française (cap. : Brie-Comte-Robert) et une Brie champenoise (cap. : Meaux) dont les seigneurs s'intitulaient comtes de Meaux. Celle-cit fut rattachée à la Couronne, avec la Champagne, en 1361.
- Brie, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
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Mayence (en all. Mainz)
Ville d'Allemagne, sur la rive gauche du Rhin, près de son confluent avec le Main
et près de la ville de Francfort.
- Mayence en all. Mainz, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
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Ordre de Cîteaux
- Cîteaux-l'Abbaye :
Hameau de la comm. de Saint-Nicolas-lès-Cîteaux (Côte d'Or), à l'E. de Nuits-Saint-Georges, en Bourgogne. Abbaye fondée en 1098 par Robert de Molesme
. - Cisterciens :
Moines de l'ordre bénédictin réformé de Cîteaux. Fondé par Robert de Molesme en 1098, l'ordre se développa à partir de l'abbatiat d'Étienne Harding (1109-1133) et sous l'impulsion de Bernard de Clairvaux. Le routour à la règle bénédictine appliquée dans toute sa rigueur, l'idéal de retrait du monde et de pauvreté absolue assurèrent le succès de la spiritualité cistercienne. Après la fondation en 1113 - 1115 des abbayes de La Ferté, Pontigny, Clairvaux, Morimond (les « quatre filles de Cîteaux »), qui à leur tour essaimèrent, les cisterciens s'organisèrent en une fédération d'abbayes observant la Charte de charité (1114, confirmation pontificale en 1119) et regroupées en lignes sous la direction d'« abbayes mères ». Ils connurent leur âge d'or aux XIIe-XIIIe s., lorsqu'ils furent appelés à intervenir dans maintes affaires de l'Église, cependant qu'ils constituaient de puissants domaines agricoles
.
- Cîteaux-l'Abbaye, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
- Cisterciens, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
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Robin
ROBIN. s. m. Nom propre qu'on ne met ici, que parce qu'il est employé dans quelques phrases proverbiales. Ainsi en parlant d'Un homme qui revient sans cesse à ses projets, à ses intérêts, à ses anciennes habitudes, on dit, Toujours souvient à Robin de ses flutes. En parlant d'Un homme méprisable, et du témoignage de qui l'on fait pen de cas, on dit, C'est un plaisant Robin.
- Robin, Dictionnaire de l'Académie française en ligne (1798), The ARTFL Project, Department of Romance Languages and Literatures, University of Chicago, Internet, 24 août 2009.
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Rue Quincampoix
Rue qui se trouve dans les IIIe et IVe arrondissements de Paris.
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Notes
- La noblesse de robe occupait les fonctions de gouvernement, principalement dans la justice et les finances (qui pouvaient aussi être occupées par la haute bourgeoisie). La noblesse de robe se définit par opposition à la noblesse d'épée, qui occupait les traditionnelles fonctions militaires de leur groupe social. La noblesse de robe, Wikipédia l'encyclopédie libre (25 mai 2016), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 1er novembre 2016. https://fr.wikipedia.org/wiki/Noblesse_de_robe. ↑
Le louis est la dénomination courante de la monnaie d'or française frappée de 1640 à 1792.
. Louis (monnaie), Wikipédia, L’encyclopédie libreInternet, 1 décembre 2015.↑- Maltotier :
s.m. Celui qui exige des droits qui ne sont point dûs, ou qui ont été imposés sans autorité légitime. C'est un Maltôtier. Il se dit aussi par abus De ceux qui recueillent toute sorte de nouvelles impositions
. Maltôtier, Dictionnaire de l'Académie française en ligne (1762), The ARTFL Project, Department of Romance Languages and Literatures, University of Chicago, Internet, 24 août 2009.↑ - Dubois de Chastignay parle probablement du saucisson de Bologne, ville en Italie ; en français moderne, la locution saucisson de Bologne (baloney) signifie un gros saucisson fait de porc, de veau et de bœuf.↑
- Boire à sa santé. Il fallait qu'il réponde, par politesse, en faisant de même, et en continuant à boire.↑
- Nous lisons la 8e et dernière partie du roman.↑
- "TURELURE. s.f. Refrain de chanson, dont on a fait un substantif féminin, qui ne s' emploie que dans cette phrase familière, C' est toujours la même turelure, pour dire, C' est toujours la même chose, la même façon." Turelure, Dictionnaire de l'Académie française en ligne, Quatrième Édition. T. 2. (1762), The ARTFL Project, Department of Romance Languages and Literatures, University of Chicago, Internet, 17 mars 2017.↑
On dit encore, d'Un homme qui est si enroüé qu'il ne peut presque parler, qu'Il a crié au loup, Et, qu'Il a veu le loup, quand il ne peut parler
.Loup, Dictionnaire de l'Académie française en ligne (1694), The ARTFL Project, Department of Romance Languages and Literatures, University of Chicago, Internet, 24 août 2009.↑- Pistoles :
s. f. Monnoye d'or estrangere du poids du loüis d'or. [...] Ordinairement quand on dit Pistole, sans ajouster d'or, on n'entend que la valeur de dix francs
. Pistole, Dictionnaire de l'Académie française en ligne (1694), The ARTFL Project, Department of Romance Languages and Literatures, University of Chicago, Internet, 24 août 2009.↑ Le louis est la dénomination courante de la monnaie d'or française frappée de 1640 à 1792.
. Louis (monnaie), Wikipédia, L’encyclopédie libreInternet, 1 décembre 2015.↑- Baroque :
ad. Se dit seulement des perles qui sont d'une rondeur fort imparfaite. Un collier de perles baroques.
. Baroque, Dictionnaire de l'Académie française en ligne (1694), The ARTFL Project, Department of Romance Languages and Literatures, University of Chicago, Internet, 7 novembre 2016.↑ - Pistoles :
s. f. Monnoye d'or estrangere du poids du loüis d'or. [...] Ordinairement quand on dit Pistole, sans ajouster d'or, on n'entend que la valeur de dix francs
. Pistole, Dictionnaire de l'Académie française en ligne (1694), The ARTFL Project, Department of Romance Languages and Literatures, University of Chicago, Internet, 24 août 2009.↑ Le louis est la dénomination courante de la monnaie d'or française frappée de 1640 à 1792.
. Louis (monnaie), Wikipédia, L’encyclopédie libreInternet, 1 décembre 2015.↑- Un sou.↑
- Coeffure ou Coiffûre. :
s. f. Couverture, ornement de teste. Le turban est la coeffure des Turcs.
. Coeffure, Dictionnaire de l'Académie française en ligne (1694), The ARTFL Project, Department of Romance Languages and Literatures, University of Chicago, Internet, 7 novembre 2016.↑
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