Le mariage sous L'Ancien Régime
LE
MARIAGE,
SES
AGRÉEMENS
ET
SES CHAGRINS.
DEDIÉ AUX FILLES.
Tome troisiéme & dernier.
Vignette fleurie.
A PARIS,AU PALAIS,
Chez MICHEL BRUNET, à l'entrée
de la Salle Neuve, au Mercure Galant.
Filet simple.
M. DC. XCIV.
Avec Privilege du Roy.
Bandeau, cupidon au centre.
AUX FILLES.
Lettrine, "M" blanc sur fond foncé, fleuri.MESDEMOISELLES,
Aprés avoir dedié le
premier tome des Agréemens & des Chagrins du
Mariage aux Femmes,
& le second aux Marys,
je crois être obligé de vous
offrir le troisieme, puis
que vous pouvez comme
eux contribuer aux plaisirs & aux peines du
Mariage. Aussi-tôt qu'un
homme approche de l'une
de vous, dans la pensée
du Sacrement, & de devenir son époux, elle commence à se démonter, &
à se faire voir toute autre qu'elle n'est ; elle luy paroît douce, honnête, &
ennemie des plaisirs, de la
galanterie & de la vanité : la bonne duppe donne
dans le paneau, se croit
tres-heureux de pouvoir la
posseder, & presse la conclusion. Est-elle devenuë
son épouse ? elle reprend son
naturel : ce mal-heureux
commence à reconnoître sa
faute ; il s'apperçoit bientôt au travers de la pudeur qu'elle affecte les premiers jours, & des artifices
qu'elle jouë pour donner
bonne opinion de sa vie
passée, qu'elle a laissé usurper le plus souvent des
droits & des privileges reservés aux seuls Marys ;
qu'elle est imperieuse, emportée, aimant les plaisirs
jusqu'à la debauche, presomptueuse, vaine, &
ne trouvant point de liqueurs & de mets assez
delicieux, d'étoffes &
d'ajustemens assez beaux
& assez riches pour contenter ses sens & sa vanité ;
& voila ce qui bannit les
agréemens du Mariage,
pour y mettre en leur place
les chagrins & les peines.
Voulés-vous m'en croire,
MESDEMOISELLES ? paroissés aux yeux de vos
Amans au naturel, &
sans déguisement : s'ils ne
vous épousent pas, vous
n'en seréz pas plus malheureuses, & s'ils vous
épousent, à la bonne-heure ; ils vous auront veuës
telles que vous êtes, ils ne
pourront vous reprocher
que vous les avés trompés ;
& s'il y a des plaisirs à esperer dans le Mariage,
vous en aurés la meilleure
part, que je voudrois vous
procurer, comme étant,
MESDEMOISELLES,
Vôtre tres-obéïssant
serviteur,
J. D. D. C.
Bandeau.
Extrait du Privilege du Roy.
PAr Lettres de Privilege de sa Majesté,
données à Versailles le 19. Juin 1960.
Signées BOUCOT, & scellées du grand
Sceau de cire jaune. Il est permis au Sieur
J. D. D. C. de faire imprimer, vendre &
debiter un Livre intitulé, Philogame &
Antigame, ou les Agrémens & les Chagrins
du Mariage : avec deffenses à tous Imprimeurs, Libraires, & autres personnes, d'imprimer, vendre ny debiter ledit Livre, &
ce durant l'espace de six années, à compter
du jour qu'il sera achevé d'imprimer, sur
les peines y contenuës.
Registré sur le Livre des Libraires & Imprimeurs de Paris le 20 Octobre 1691.
Signé, P. AVBOBYN, Syndic.
Les Exemplaires ont été fournis.
Achevé d'imprimer le 26. Ianvier 1694.
Bandeau fleuri. PHILOGAME ET ANTIGAME, OU LES AGRÉEMENS ET LES CHAGRINS DU MARIAGE. Cinquiéme Partie.
Lettrine, "P" blanc sur fond décoratif.
PHILOGAME
sortant du logis
de l'Abbé Sophin avec Antigame, luy
2
dit en s'arrêtant, que veut
me faire entendre cet
Abbé en me conseillant
de m'en tenir au premier
rapport, & de croire que
la Lettre que j'ay interceptée est fausse, & n'est
point de Fraudelise ?
Quelle a été sa pensée,
interrompit Antigame,
quand il m'a dit que j'allasse chercher le brin
d'olivier1 avec Lesbie, &
que je le trouverois ?
Aprés ce qu'ont dit les
Experts peut-on croire,
3
reprit Philogame, que la
Lettre soit de Fraudelise ?
Aprés le Rubis trouvé
dans mon cabinet, repartit Antigame, peut-on
soupçonner que Lesbie
l'ait donné à Cleante, &
l'accuser d'infidelité ? que
dites-vous du jugement
de l'Abbé ? continua-t-il.
J'en suis tres - mal satisfait, reprit Philogame, &
il me sembloit d'entendre un catechiste. Dans
le temps qu'ils s'entretenoient ainsi, le Cheva
4
lier qu'ils avoient veu le
jour precedent chez la
Marquise de Seliny, passant auprés d'eux, & leur
voyant un air inquiet &
chagrin les aborda, en
leur disant qu'il les prendroit pour des Plaideurs
qui venoient de perdre
leur procés. Vous ne vous
y trompez pas, repartit
Antigame, nous venons
d'être condamnez tous
deux. Contre qui plaidiez vous ? dit le Chevalier : l'un contre l'autre,
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reprit Antigame ; mais
j'en appelle, continua‑t-il : & moy aussi, interrompit Philogame. Vous
plaidiez l'un contre l'autre, reprit le Chevalier,
& vous avez tous deux
perdu vôtre procez ; voila
qui est extraordinaire :
J'ay bien oüi dire, continua-t-il, qu'il y avoit
eu autrefois un President
qui n'avoit pas de plus
grand plaisir que de pouvoir condamner l'une &
l'autre partie ; en seroit-il
6
de même de vos Juges ?
Mais quelle étoit, ajoûta‑t-il, la matiere de vôtre
procez, & dans quel Tribunal plaidiez-vous ? Il
s'agissoit de sçavoir, repartit Antigame, s'il y a
plus d'agréemens dans le
Mariage que de chagrins,
& nôtre Juge étoit l'Abbé Sophin. Vous vous
ruïnerez en frais, interrompit le Chevalier en
soûriant, si vous continuez à plaider ainsi : Mais
où aviez vous pris ce
7
beau Juge ? la matiere
n'est point de la competance d'un Abbé : A la
bonne heure si c'étoit une
question de l'Ecole, & de
Philosophie. Quel Juge
auriez-vous donc pris ?
répondit Philogame :
Des gens, repliqua le
Chevalier, consommez
dans les affaires du monde, qui sçavent tout ce
qui se passe de plus particulier entre le mary & la
femme, le pere & les
enfans ; d'habiles Avocats
8
qui écoutent tous les
jours leurs plaintes, &
qui ne s'étudient qu'à
leur donner de bons avis.
Ensuite le Chevalier leur
dit qu'il en devoit consulter ce jour là deux des
plus celebres sur une affaire fâcheuse qu'on lui
avoit faite ; que l'un étoit
marié, & que l'autre ne
l'étoit point ; qu'il leur
donneroit à dîner aprés
la consultation ; que s'ils
vouloient être du repas
ils luy feroient plaisir ;
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qu'ils pouroient les prendre pour Juges, & qu'ils
en étoient plus capables
que l'Abbé Sophin & que
tous autres, par les connoissances qu'ils avoient
du monde, & de l'un &
de l'autre état. Ils accepterent le party avec plaisir, & demanderent au
Chevalier quelle étoit
l'affaire qu'on luy avoit
faite. Il leur apprit que le
Baron de Lupane avoit
formé une accusation d'adultere contre luy avec sa
10
femme. Voila, interrompit Philogame, où sont
exposés les gens à bonne
fortune ; nous vous servirons, continua-t-il, mais
il faut, s'il vous plaît,
que vous nous instruisiez
de vôtre affaire, afin que
nous puissions solliciter
vos Juges. Le Chevalier
luy repartit, que dans
ses Caravanes il n'avoit
point appris à parler
procez ; que la Baronne
de Lupane l'attendoit au
Palais pour la consulta
11
tion qu'ils devoient faire,
& que s'ils vouloient y
venir ils auroient du plaisir de la connoître, & de
l'entendre raisonner sur
cette matiere. Ils l'y suivirent ; le Chevalier les
presenta à la Baronne,
luy dit qu'ils étoient ses
meilleurs amys, qu'ils
étoient parens, ou alliez
des Officiers de Robbe
dans les premieres Charges, qu'ils pouvoient leur
rendre de tres-grands services, & qu'elle devoit
12
avoir une confiance entiere en leur probité. A
ces dernieres paroles, il
les quitta, & s'en alla
avertir les Avocats pour
la consultation.
Antigame dit mille
choses obligeantes à la
Baronne, la loüa sur son
merite & sur sa beauté,
& luy demanda quel étoit
le sujet de son procez.
La Baronne commença
par luy dire qu'elle n'avoit pas encore seize ans
lors qu'elle fut mariée
13
avec le Baron de Lupane,
qu'il avoit alors plus de
trente ans : j'ay comme
vous voyez, dit elle avec
un petit faucet, en ajustant ses coëffes2, & en
resserrant ses lévres, la
bouche petite, les yeux
gros, le nez grand & bien
tiré, le teint blanc, &
l'air doux, enjoüé & touchant. Monsieur le Baron
de Lupane au contraire,
a la bouche grande, les
yeux petits, le nez court
& écrasé, le teint jaune,
14
& l'air chagrin & rude :
Vous jugez bien, qu'avec
tant de contrarietez nous
ne pouvions pas bien vivre ensemble. Voicy bien
d'autres sujets de haine
& de division ; j'aime la
Comedie, l'Opera, le jeu,
la bonne chere, la dépense, & sur tout à changer souvent de bas de
soye & de souliers, parce
que j'ay la jambe bien
faite, & le pied fait au
tour ; & Monsieur le
Chevalier m'a avoüé
15
vingt fois, qu'li n'en
avoit jamais veu de semblables : Cependant de
tout l'hyver Monsieur le
Baron de Lupane ne m'a
mené que quatre fois à
la Comedie & à l'Opera ;
nous n'avons donné à
manger que trois fois ;
j'ay manqué souvent
d'argent, de sorte que je
n'ay pû joüer aussi gros
jeu que les autres femmes ; & ce qui est de plus
cruel pour moy, c'est qu'il
a fallu que j'aye porté
16
mes bas de soye & mes
souliers des quinze jours
entiers, pendant que ce
malheureux mary employoit vilainement son
argent à bâtir dans ses
maisons & dans ses fermes, & à faire façonner
ses terres. Elle finit en disant que sa vertu n'ayant
pû tenir contre un procedé si malhonnête & si
dur, elle s'en étoit plaint
à Monsieur le Chevalier,
par le conseil duquel elle
avoit demandé en Justice
17
d'être separée de ce vilain
& degoutant mary ; que
luy de son côté l'avoit
accusée d'adultere avec
Monsieur le Chevalier,
& avoit fait faire une
grosse information contr'eux. Bon bon ! repartit
Antigame on va chercher des temoins dans
ces sortes de rencontres.
Deux coquins, reprit la
Baronne, ont déposé des
faussetez qui nous embarassent ; sur quoy, elle
dit qu'elle étoit venuë au
18
Palais pour prendre conseil. Elle se deffendit au
commencement de luy
dire ce qu'ils avoient deposé : Mais il la tourna
de tant de côtez, & il
luy fit tant de protestations d'amitié, & tant
d'offres de services qu'elle
ne put s'en deffendre. Ces
deux témoins, dit-elle,
déposent qu'un jour du
Printems, ils m'ont veu
promener avec Monsieur
le Chevalier dans une
allée du jardin de Ram-
19
boüillet ; qu'ils avoient
remarqué que nous parlions tous deux avec
beaucoup de chaleur &
d'émotion ; & que curieux de sçavoir ce que
nous disions, ils s'étoient
approchez derriere nous,
& avoient entendu que
je luy disois, ha ! mon
cœur, mon cher cœur,
ha ! Monsieur le Chevalier, vous ne m'aimez
gueres, vous n'aimez
que vôtre plaisir, puisque
vous voulez ainsi m'ex
20
poser. Vous voyez bien,
continua la Baronne, la
malice de ces deux temoins ; & ce qu'ils veulent faire penser de Monsieur le Chevalier, (luy
qui est l'homme du monde le plus discret & le
plus respectueux auprés
des Dames.) Vous la decouvrirez mieux dans la
suite de leur déposition.
Ils disent qu'environ une
heure aprés, comme ils
marchoient pour sortir
de Ramboüillet par une
21
porte derobée, passant
auprés d'une touffe d'arbres, qui formoit un cabinet rustique fort épais,
ils y avoient entendu ma
voix sans qu'ils eussent
pû me voir, ny avec qui
j'étois, à cause de l'épaisseur & du nombre des petits arbres qui formoint
ce cabinet, & que je disois, arrête-toy donc,
donne-moi un peu de repos, quel baiseur, quel
baiseur ! ne veux tu pas
finir ? & qu'entendant du
22
bruit, de craint d'être
surpris en écoutant, ils
s'étoient retirez. Comme
elle parloit ainsi, le Chevalier vint l'avertir que
les Avocats l'attendoient ;
ce qui fit qu'elle le suivit
aprés avoir salué Antigame & Philogame, &
aprés leur avoir promis
de venir leur dire ce que
porteroit la consultation.
Avec tout nôtre credit
& nos sollicitations, dit
Philogame à Antigame,
23
cette femme pouroit bien
prendre le chemin des
Madelonnettes, & le
Chevalier celuy de Malthe ; car les voila tous
deux engagez dans une
tres-fâcheuse affaire. Ce
que je viens d'entendre,
reprit Antigame en souriant, me fait prendre la
resolution de me marier
pour avoir une semblable femme, & pour faire
parler de moy dans le
monde. En verité, continua-t-il, le Baron de
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Lupane est bien déraisonnable d'avoir la bouche grande, les yeux petits, le nez court & écrasé, le teint jaune, &
l'air chagrin & rude ; &
d'avoir épousé une femme qui a la bouche petite, les yeux gros, le nez
grand & bien tiré, le teint
blanc & l'air doux, enjoüé, & touchant ; comment cet étourdi, ce
malhonnête homme de
mari pouvoit-il esperer
de bien vivre avec cette
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femme aprés de semblables contrarietez ? ce vilain mary qui employe
son argent à faire bâtir
dans ses maisons, & dans
ses fermes, & à faire façonner ses terres, &
au lieu de l'employer à faire
changer souvent de bas
de soye & de souliers à
cette belle jambe, & à
ce joly petit pied, dont
Monsieur le Chevalier est
charmé. Pendant tout ce
discours, Philogame ne
disoit mot, & lisoit atten
26
tivement une affiche qui
étoit contre un pillier de
la salle du Palais. Antigame eut curiosité de la
lire ; c'étoit un Ecrivain
qui avoit fait afficher
qu'il étoit tres - habile
dans le fait des écritures
& des verifications : Voulez vous faire voir à cet
Expert, dit Antigame à
Philogame, la lettre que
vous avez interceptée,
& que vous avez cruë
de la main de Fraudelise.
Philogame luy témoigna
27
qu'il en avoit envie : ils y
allerent, & malheureusement pour elle, c'étoit justement l'Ecrivain
qui avoit imité sa lettre,
& pour comble de disgraces, il laissa voir sans
y penser, en cherchant
dans son porte-feüille son
verre optique, la coppie
de la lettre de Fraudelise
sur laquelle il avoit imité
celle que Philogame
avoit interceptée, &
qu'elle luy avoit imprudemment laissée. Cet Ex
3
30
écrit à Philabel, & de
vous faire revenir des
impressions que vous
aviez receuës d'elle.
Voilà, poursuivit-il, cette
fille sincere, & dans
l'ame de laquelle brillent
mille vertus, & mille
qualités : cette fille que
Philabel a aimée jusqu'à
la folie, & qu'elle a chassé
de son logis à cause de ses
manieres libres, & de ses
discours à double sens,
qui faisoient rougir si souvent ce pauvre enfant :
31
cette fille qui ne pouvoit
s'imaginer qu'il y eût des
femmes capables de faire
des infidelitez à leurs marys, & à qui la pudeur & la
modestie ne permettoient
pas de vous donner des
marques de toute la tendresse & de tout l'amour
qu'elle a pour vous. Ha !
que vous allez mener avec une semblable femme, poursuivit-il en
raillant, une vie tranquille, heureuse, & éloignée de toute sorte d'in
32
fidelités, pendant que je
passeray mal-heureusement la mienne avec
Lesbie, c'est-à-dire avec
une fille infidelle, sans
foy, que je ne puis estimer par sa fidelité, &
qui ne peut me faire goûter les veritables plaisirs
de l'amour : mais seulement ceux de la debauche où les sens trouvent
seuls du plaisir sans que
l'ame y participe.
Non, non, interrompit brusquement Philo
33
game, il n'en sera jamais
rien, & je n'épouseray de
ma vie Fraudelise. JusteCiel ! reprit-il en soûpirant, qui n'auroit pas
été trompé avec cet
air modeste & reservé ;
cette pudeur étudiée,
cette feinte devotion,
cette chambre tournée en
forme de cellule de Religieuse, ces têtes de morts,
ces Histoires des Anachoretes & des Peres du desert, & avec ces mépris
& ces dégoûts affectés
34
du monde ? Vous verrez,
repartit Antigame, qu'elle étoit alors broüilliée
avec Philabel, & que ce
n'étoit qu'un dépit amoureux qui la faisoit agir ainsi.
Cette conversation fut
interrompuë par l'arrivée
de la Baronne de Lupane,
qui en les abordant en
riant & avec beaucoup
d'enjouëment, commença à crier, Victoire,
Victoire ; j'ay gagné mon
procés, ou peu s'en faut.
Ha ! la belle chose, con
35
tinua-t-elle, que l'imagination d'un Avocat bien
payé ! ha ! la jolie loi, ha
la jolie loi que je viens
d'apprendre ! elle veut
qu'une femme qui a été
accusée par son mary
d'adultere, qui ne peut
la convaincre, soit separée de luy, & qu'elle reprenne tout le bien qu'il
en a receu : mon mary,
reprit-elle, m'a accusée
d'adultere, il luy est impossible de trouver des
preuves. Ainsi me voilà
36
separée. Ha ! que je seray
heureuse, s'ecria-t-elle ;
je seray maîtresse de mes
actions ; je ne feray que
ce que je voudray, je ne
recevray chez moy que
les personnes qui me plairont ; & je seray delivrée
de la veuë & de la presence de mon desagreable
& bouru mary. Au moins
Messieurs, reprit-elle, aprés avoir rêvé un moment, & d'un air modeste
& serieux, ce n'étoit point
avec Monsieur le Cheva
37
lier avec qui j'étois dans
le cabinet rustique de
Ramboüillet, lorsque les
deux témoins m'entendirent parler ; j'étois avec
mon petit chien qui me
caressoit, qui me baisoit,
& à qui, en joüant,
je disois de me donner du
repos ; suis-je la seule femme qui parle à son chien ?
quel mal y-a-t-il, continua-t-elle en se radoucissant d'un air simple &
innocent, de caresser ce
petit animal qui est si
38
flateur & si doux : & est‑ce-là un sujet pour me
faire mon procés ?
Antigame prenant la parole luy dit, Madame, de
quelle espece est vôtre
chien, est-ce un bichon,
une levrette, un doguin,
ou un épagneul ? Je ne crois
pas, repartit-elle toute
embarassée, que de quelque espece qu'il soit, cela
fasse rien à mon procés ;
& ensuite elle les quitta,
& tourna ses pas du côté
du Pillier des Consulta
39
tions ; ce qui fit qu'ils
penserent, que ce qu'elle
venoit de leur dire de
son petit chien, étoit
un Conseil des Avocats
qu'elle venoit de consulter, à cause de ce qu'elle
leur avoit dit que c'étoit
une belle chose que l'imagination d'un Avocat
bien payé, & ce qui fit
qu'ils la suivirẽt. Ils la trouverent placée derriere l'un
de ces Avocats, qui parloit alors à une fille qui se
cachoit avec un grand
40
soin dans ses coëffes.
Philogame observa attentivement cette fille ;
il luy sembla que c'étoit
Lesbie : il s'approcha
d'Antigame pour l'en avertir, mais cette fille
s'étant apperçûë de l'action de Philogame, quitta
promptement cet Avocat, & s'étant mise dans
la foule des gens qui étoient au Palais, disparut
bientôt aux yeux de
Philogame, qui n'avoit
pû la faire voir que par
41
derriere, & de fort loin
à Antigame, qui convint
que cette fille avoit une
taille à peu-prés semblable à celle de Lesbie, &
étoit vétuë de même ; &
qui soûtint au surplus
que ce n'étoit point
Lesbie, & qu'il l'avoit
laissée tellement malade
& dans un état si abattu
& si voible, qu'il luy étoit
impossible de pouvoir
sortir de la chambre de
long-temps.
Dans le temps de
42
Philogame & Antigame
suivoient cette fille dans
la foule du Palais, &
raisonnoient ensemble
sur son chapitre ; ils rencontrerent le Chevalier qui les cherchoit
pour les mener dîner.
Hé bien ! luy dit Antigame en souriant, de quelle espece de chiens est
celuy qui baisoit Madame
la Baronne dans le cabinet de verdure ? Male peste 4
soit des chiens & des
Avocats, repartit le Che
43
valier ; je croiois de ne
voir jamais finir : mais
comme il se faisoit tard
la conversation cessa,
& le Chevalier conduisit Philogame & Antigame dans le lieu où il
devoit leur donner à dîner ; un moment aprés
les Avocats s'y trouverent, & le Chevalier y
fit servir un grand repas.
Philogame & Antigame étoient dans l'admiration de voir si bien
manger ces deux Avo
44
cats : des Chasseurs ne
devorent pas avec plus
d'appetit. Le Chevalier
se seroit fait un grand
scrupule de les interrompre, & ne s'ocuppoit
qu'à les servir ; comme il
vit dans la suite qu'ils se
rendoient, il fit apporter
le fruict, & s'étant fait
donner du vin, il voulut
chanter une chanson à
boire. Il ne s'agit point de
chanter, dit Antigame,
mais de juger, continua‑t-il, la contestation que
45
nous avons Philogame &
moy : il faut, dit le plus
ancien Avocat, passer un
compromis, & y mettre
une peine ; il n'est pas necessaire, reprit le Chevalier en riant : ces Messieurs sont honnêtes gens,
ils s'en tiendront sûrement à vôtre jugement,
& quand vous sçaurez
de quoy il s'agit, vous en
conviendrez.
L'état de la contestation, continua-t-il, est de
sçavoir s'il est avantageux
46
à un homme de se marier :
Philogame est pour le
mariage, & Antigame
soûtient le party contraire. Voilà, Messieurs, ce
que vous avez à juger,
dit le Chevalier en levant
gravement son chapeau,
& en saluant ces Avocats,
de la même maniere qu'il
avoit vû faire à celui qui
avoit raporté son affaire
dans la Chambre des
Consultations.
Cette Question est
traitée, dit le plus ancien
47
des Avocats, qui n'étoit
point marié, dans Rabelais ; & sa décision est,
que mariez-vous, ne
vous mariez point, de l'un
& de l'autre vous vous
repentirez 5
Pour moy, continua‑t-il, j'ay voulu trop raisonner & trop rafiner
sur le mariage ; c'est ce
qui a fait que je ne me
suis point marié : mais je
ne suis pas à m'en repentir, & si j'étois dans l'âge
competant je le ferois.
48
Quelle vie chagrine &
mal-heureuse mene un
homme avancé en age
qui n'est point marié ? s'il
a du penchant pour le
Sexe, il est à tout moment exposé à ses infidelitez, & à ses trahisons,
& nonobstant l'habilité
de son Chirurgien, il portera jusqu'au tombeau
les blessures qu'il en aura
receuës ; il a toutes les
plus mêchantes servantes
de Paris qui ne pensent
qu'à le voler, il est la
49
plûpart du temps seul &
sans societé dans sa maison, ou environnné de
flateurs interessez qui
couchent en veuë sa
succession, ou d'escrocs
affamez qui ne le suivent
que pour avoir de bons
repas. Il n'a pas le plaisir
& la consolation, en
amassant du bien, de penser, comme font les peres de famille, qu'il le
laissera à des enfans qu'il
aime, & qui font une
partie de lui-même ; mais
50
au contraire il a le chagrin & la douleur de
voir que ce bien passera
à des collateraux, qui
murmurent tous les jours
contre la longueur de sa
vie, & qui commettent
tres-souvent dans le
fond de leurs cœurs des
assassinats de sa personne.
Dans sa grande vieillesse,
il n'a point d'enfans pour
le divertir, pour le con
soler, & dans lesquels il
puisse se flatter de revivre aprés sa mort : au
51
contraire ce sont des domestiques infideles qui ne
pensent qu'à le voler
impunément, ou à tirer
de lui des dispositions en
leur faveur ; des parens
de divers côtez & lignes
qui l'environnent, qui
consultent à tout moment ses yeux & l'état
où il est, avec une curiosité avare, & qui sur
le premier avis qu'il ne
peut en revenir, & qu'il
a perdu connoissance, se
saisissent de ses clefs,
52
commencent à contester
par avance leurs pretendus droits dans la succession d'un homme vivant, & sont resolus, au
cas que leurs interests
ayent receu la moindre
atteinte par quelque disposition, de dechirer sa
vie & sa memoire dans
les plus fameux Tribunaux : ce sont, Messieurs, ces considerations qui m'obligent à
me declarer en faveur du
mariage.
53
Pour moy, dit le plus
jeune Avocat, quoique
j'aye tous les sujets du
monde de me loüer de
ma femme, de mes enfans & de mon mariage,
je ne laisse pas d'être
d'avis, qu'un homme qui
veut vivre heureux ne
doit point se marier. Oüi
je pose en fait, continua-t-il en s'adressant à
son confrere, qu'il y a
des suites & des inconveniens plus fâcheux
dans le mariage, que
54
ceux que vous venez de
dire ; & que la condition
d'un homme avancé en
âge & qui n'est point marié, est beaucoup moins
malheureuse que celle
d'un homme âgé qui est
marié : & je pretends
vous le faire voir, dit-il,
par l'experience & par
les reflexions que je fais
vous faire faire sur les
affaires que nous avons
euës ensemble.
Vous dites qu'un homme avancé en âge, qui
55
n'est point maré & qui
aime les femmes, est exposé tous les jours à leurs
infidelitez, à leurs trahisons & à des suites tresfâcheuses. Un homme
qui a ces sortes d'inclinations & qui est marié,
n'en est pas plus à couvert avec sa femme : ils
ne sentent rien de doux
& d'agreable l'un pour
l'autre ; leurs longues
frequentations, & la parfaite connoissance qu'ils
ont de leurs defauts &
56
de leurs infirmitez, leur
donnent à tous deux un
si grand mépris & un
si grand dégoût, qu'ils
ne se souffrent que par
bien - seance & par politique. La femme est-elle
vieille ou laide ? elle est
jalouse, inquiette, &
incessamment occupée à
épier les actions de son
mary, à qui elle ne donne ni repos ni tréve, &
à qui elle ôte la liberté
de pouvoir entretenir
une inclination raisonnable : si bien que s'il ne
57
peut se passer du sexe, il
sera reduit à quelque
malheureuse, chez qui
l'interest seul tiendra lieu
de merite, & avec laquelle sa santé sera tous
les jours en peril ; enfin
il aura peut-être même
le chagrin de voir que sa
femme par ressentiment
ou par droit de represailles, se servira de quelque
malheureux domestique,
qu'elle comblera de bienfaits & de presens.
Jamais servante n'a
58
pillé son maître d'une
maniere si avide & si outrée, que font les femmes de ce temps pour
faire leur bource, pour
entretenir leurs galans,
ou pour fournin aux depenses excessives de leur
jeu & de leurs habits
magnifiques : Elles gagnent sur tout, sur la
table, sur les habits, sur
les provisions, sur les
fournitures de la maison,
sur les meubles, sur les
fermiers, & sur les do
59
mestiques ; & si ce gain
n'est pas suffisant, elles
vendent tout ce qu'elles
peuvent dans la maison
à vil prix, & dans la
suite elles l'achettent fort
chérement aux depens
du mary, sous pretexte
de se mettre à la mode ;
& voila ce qui ruïne la
plûpart des maisons :
Temoin le mauvais ménage de la femme d'un
de nos Confreres ; il
avoit du bien, il a beaucoup gagné au Palais, &
60
cependant il se trouve
hors d'état de pouvoir
substister commodément.
A l'égard de ce que
vous dites, continua-t-il,
qu'un homme qui n'est
point marié est seul &
sans societé dans sa maison, ou environné de parens & de flateurs qu
couchent en veuë sa succession, ha ! quelle compagnie que celle d'une
femme, quelle compagnie que celle des enfans !
une femme bouruë, in
61
quiette, d'un esprit contrariant, qui se plaint,
qui gronde, qui crie à
tout moment, qui n'a
d'autre veuë dans tout
ce qu'elle fait que l'interest & l'avarice, & qui
ne medite que les moïens
de tirer de l'argent de son
mary. Quelle compagnie
grand Dieu, que celle de
vos enfans ! s'ils sont jeunes, & en petit nombre,
les infirmitez & les maladies dont leur enfance
est souvent atteinte, &
62
la crainte de les perdre &
de ne pouvoir les élever
à cause de vôtre vieillesse,
ou à cause de la foiblesse
de leur temperament,
vous donnent mille ennuis & mille peines. Sont‑ils formez & en âge d'être
établis dans le monde ?
ce sont bien d'autres plus
grandes inquietudes, &
d'autres plus sensibles
chagrins qui vous attendent. Il faut penser à les
établir, dites-vous, vôtre
fils aîné est un libertin &
63
un faineant, qui s'adonne au jeu & à la debauche ; il faut l'en tirer
prompetement avec une
charge & avec une femme, autrement il se perdra. Ce fils de famille vôtre voisin, qui est sans
charge & sans femme,
pendant que son pere
étoit à la campagne, a
vendu sa vaisselle d'argent, sa tapisserie & ses
meubles les plus précieux ; cet autre a forcé
le cofre fort de son pere,
64
& a enlevé tout son argent ; cet autre emprunte de tout part, & est à
la veille de finir ses jours
dans une prison, si son
pere ne compose avec ses
creanciers ; & cet autre
ne frequente que des
gens de mauvaise vie, &
se broüille tous les jours
avec la Justice. Vôtre fille
aînée est coquette, vous
dit-on ; elle aime la compagnie des hommes, elle
en reçoit souvent des
billets doux, elle y ré
65
pond ; l'on ne sçait le plus
souvent où elle va ; on
l'a vûë dans un carosse,
dans un jardin, ou ailleurs,
avec un avanturier qui
la suit par tout : prenez-y
garde, veillez-y ; il y a
des exemples fâcheux
dans les plus illustres familles. Combien un pauvre pere soufre-t-il dans
cette occasion ? son cœur
ne lui donne ni repos ni
tréve sur le chapitre de
ses enfans : Je dois, dit‑il, les établir avantageu
66
sement, sacrifier tout ce
que j'ay de bien au monde pour cela, & m'exposer à mourir dans la
necessité. Voicy un autre
nouveau soin pour le
choix des personnes avec
qui il les placera. Il faut
qu'elles ayent du bien,
qu'elles soient de famille,
& qu'elles soient sages :
où les trouver ? Paris le
plus souvent est trop petit, si on veut les examiner de bien prés. Cependant il faut le faire ; com
67
bien de maris ont mangé
le bien de leurs femmes,
& les ont reduites dans
la derniere necessité ? &
combien de femmes ont
perdu leurs maris de reputation, & les ont fait
passer dans le monde pour
des ridicules & des originaux ? Mais si vôtre fortune est mediocre & ne
peut seconder vôtre vanité & vôtre ambition,
que faire, quel parti prendre ? laisserez-vous vieillir vos fils sans charges,
68
& vos filles sans marys ?
Vous sçavez une voye
pour les établir avantageusement : elle est à la
verité mal-honnête, &
vôtre honneur repugne
à la suivre ; mais un si
grand nombre de gens &
des plus qualifiez de la
robe, l'ont si bien frayée,
que ce pere de famille s'y
engage, & leve le masque comme ils ont fait :
Il commence par employer toutes sortes d'artifices pour se faire passer
69
dans le monde pour un
homme riche ; il emprunte de toutes parts, & interesse à cet effet les Notaires ; il achete ensuitte
des charges à ses enfans,
& les marie avec de grosses dotes, aux depens de
ses creanciers. Voit-il
son credit épuisé ? il ne
leur paye plus leurs arrerages ; est-il à la veille
d'en être poursuivi ? avec
une feinte separation de
biens d'avec sa femme,
avec un decret fait à la
70
requête d'un creancier
simulé sur ses biens, avec
le bail judiciaire qu'il en
prend sous le nom d'un
tiers, avec de pretendus
creanciers dont il fait renaître les anciennes dettes de sa famille aquitées,
& avec mille autres chicanes il impose la loy à
ses malheureux creanciers, qui sont contraints
de luy relâcher sa vie durant, la jouissance de ses
biens, sur la bonne foy
d'un contrat frauduleux
71
qui leur en abandonne la
proprieté. Cette conduite luy paroît malhonnête
& blâmable ; son cœur en
murmure de temps en
temps, & luy en fait des
reproches ; il travaille à
s'en consoler ; il se flatte
que l'honneur & la gloire des grandes charges
dans lesquelles il a placé
ses enfans, lavent sa honte & son infamie : il fait
bien plus, il va chercher
dans leurs cœurs de la
consolation ; il s'y trouve
72
trompé, ce sont les premiers à insulter à sa douleur & à sa honte ; ils en
parlent comme d'un dissipateur, & ne le ménagent qu'autant qu'ils en
attendent quelque chose.
Aprés toutes ces considerations ne vaut-il pas
bien mieux, mon cher
confrére, être seul, sans
societé, & en repos, que
d'avoir de semblables
compagnies, & que d'être
exposé à ces sortes de
peines & de chagrins ?
73
Vous ressouvenez-vous,
continua-t-il, de ce fils
de famille qui nous avoit
pris pour Juges des differens qu'il avoit avec son
pere, & de l'emportement avec lequel il
vint m'embrasser au Palais, aprés que son pere
fut mort, en me disant,
réjouïssance, réjouïssance il est mort, nous n'aurons plus de guerre ? Pour
moy, continua cet Avocat en riant, je crûs qu'il
parloit de la mort du
74
Prince d'Orange. Ne
vous ressouvenez-vous
pas aussi de l'ingenuité
de cette femme qui en
nous demandant ce qu'-
elle avoit à faire pour la
conservation de ses droits
aprés la mort de son mary qui étoit alors dangereusement malade, nous
dit les larmes aux yeux
en nous quittant, qu'elle
apprehendoit, tant elle
étoit malheureuse, que
nos avis luy fussent inutiles, & que son mary n'en
75
réchapât ? de cette autre
qui ne pouvant joüir des
revenus de son bien à
cause que son mary étoit
détenu prisonnier pour
quelque crime dont il
étoit accusé, nous avoüa
franchement qu'elle aimeroit mieux que les Juges le fissent mourir tout
d'un coup, que de tirer
plus long-temps l'affaire
en longueur ? & enfin de
cette autre artificieuse
separée en Justice de son
mary, qui se voyant
76
grosse, pour se mettre
à couvert des suites fâcheuses de sa prostitution, suscita à son mary
une calomnie tres-noire,
& le fit mettre dans une
prison d'où elle ne le laissa sortir que lorsqu'elle
fut accouchée ? Aprés cela, finit le jeune Avocat,
avoüez mon cher confrere, bõne foy du Palais, que
les femmes & les enfans
sont la plûpart d'un tres‑méchant naturel, donnent mille fois plus de
77
chagrins & de peines
que de plaisirs, & que
c'est prendre le mauvais
party pour vivre heureux que de se marier.
Toutes les femmes &
tous les enfans n'ont pas
le cœur si dénaturé que
vous dites, répondit
l'ancien Avocat ; & suposé que cela fût, les
raisons de bienseance,
d'honneur & d'interest
qui les engagent, & qui
les lient avec leurs maris & leurs peres, sont
78
bien plus pressantes &
les retiennent plus fortement dans leur devoir, que celles d'une simple amitié, & d'une passion amoureuse : Chez
les gens mariez & dans
les familles, l'honneur
de l'un fait l'honneur
de l'autre ; leurs interests sont si unis & si
communs, que c'est à
peu prés la même chose,
& qu'il nest pas même
en leur pouvoir d'y renoncer : à la difference
79
des engagemens d'une
simple amitié &
d'une passion amoureuse dans
lesquels aussitôt que l'un
se dégoûte, il a la liberté de se dégager de l'autre, de rompre les liens
qui le retiennent, & de
se pourvoir ailleurs selon
son panchant & son inclination volage, sans
que l'autre soit en droit
de le retenir ; ce qui fait
que ces sortes d'attachemens sont passagers &
durent tres-peu de temps.
80
Par Exemple, cette jolie
fille qui nous est venu
consulter sur la promesse
de mariage que son
amant luy a faite ; qui
ne voit pas qu'à present
elle en est dégoûtée,
qu'il y en a un nouveau
sur les rangs qui luy plaît
davantage, & que son
intention n'est autre que
de tirer une somme considerable de ce premier,
pour épouser le nouveau
venu ? Si cette fille avoit
été mariée avec son pre
81
mier amant, reprit-il,
elle n'auroit jamais conçu la pensée de le quitter pour un autre ; elle
l'auroit éloignée, & se
seroit uniquement attachée à son mary sans aucune diversion, & sans
penser à le vouloir changer. Elle est revenuë
vous parler, repartit le
jeune Avocat, aprés nous
avoir quitté ; que vous
a-t-elle dit, & quel conseil luy avez-vous donné ? De se retirer, repli
82
qua l'ancien, dans une
maison religieuse, & de
citer son amant à l'Officialité6, pour l'execution
de sa promesse de mariage. Je luy ay fait concevoir que s'il étoit vray,
comme elle me disoit,
que son amant refusât de
l'épouser, l'Official declareroit la promesse de
mariage nulle, & renvoiroit les parties pardevant le Juge seculier pour
la condamnation des
dommages & interests,
83
qui iroient à une somme
tres - considerable contre
l'amant. Lorsqu'il a signé
la promesse de mariage,
repliqua le jeune Avocat, il étoit mineur ; ainsi
la condamnation sera
modique. Oüi interrompit l'ancien, si cet homme n'avoit point été
émancipé & maître de
ses droits par le mariage
d'une premier femme ;
si la fille n'avoit pas été
dans une grande jeunesse
lors du pretendu rapt de
84
seduction, si elle n'étoit
point d'une qualité distinguée & du moins égale à la sienne, si l'homme dans les commencemens ne l'avoit pas veuë
dans la pensée du mariage, & enfin si dans sa
majorité il n'avoit pas
aprouvé par diverses lettres qu'il luy a écrites la
promesse de mariage.
Pour moy, finit l'ancien
avocat, ma pensée est
qu'à peine le bien de
l'homme pourra suffire
85
pour payer les dommages & interests ; & c'est
nôtre dernier Jurisprudence, de condamner les
hommes à des sommes si
considerables qu'ils soient
obligez d'épouser les filles.
Philogame se resouvenant d'avoir vû une
fille de taille de Lesbie,
vestuë comme elle, &
de son air, parler à cet
ancien avocat, & de l'avoir veuë se sauver dans
la foulle du Palais, lors
86
qu'il avoit commencé à
l'observer, ne douta
point que cette fille dont
parloient ces Avocats ne
fût Lesbie. Il regardoit
de moment en moment
Antigame, pour luy faire entendre sa pensée ;
ce qui les jettoit tous
deux dans des inquietudes & dans des chagrins
qui se decouvroient aisément sur leurs visages.
Le Chevalier s'en étant
aperceu le premier, & ne
pouvant en penetrer la
87
cause, voulut finir la conversation, & les renvoyer en liberté chez eux ;
& pour cet effet il pria
ces deux Avocats de juger leur contestation. Ils
luy representerent, qu'ils
ne le pouvoient pas faire ;
qu'ils étoient partagez,
& que dans ces sortes de
rencontres, l'ordre étoit
de nommer un tiers par
l'avis duquel ils passoient.
Le Chevalier s'impatientant de retenir plus long‑temps Philogame & An
88
tigame en l'état où ils
étoient, pria ces Avocats
d'en convenir promptement, & sur tout que
ce ne fût point de quelque vieux radoteur, qui
à cause de sa grande
vieillesse pût avoir oublié les plaisirs & les chagrins qu'il avoit eus dans
le mariage. Ces Avocats
le luy promirent. Il n'y
a rien de si plaisant que
les difficultez qu'ils firent
là-dessus, les moiens bizarres de recusation qu'ils al
89
leguerent, & qui n'auroient pas été pardonnables ailleurs qu'à la table.
L'ancien commenca par
proposer Monsieur A * *.
ou M. B. * *. Monsieur
A * *. dit le jeune, n'est
qu'un novice dans le mariage & dans le Palais ;
& pour Monsieur B * *.
Il ne connoît que ses livres & son cabinet, &
les femmes sont des terres inconnuës pour luy.
Le jeune à son tour nomma Monsieur C * *. ou
90
Monsieur D * *. La femme du premier, dit l'ancien le chagrine & le
desespere avec ses controverses & ses opiniastrez ; & celle du second avec son gros jeu
& sa dépense, ce qui
peut les avoir prevenus
contre le mariage. Le
jeune proposa ensuite
Messieurs F * *. G * *.
H * *. qui furent également suspects à l'ancien,
parce que la femme de
l'un est dégoutante &
91
laide à faire peur ; la femme du second est folle à
lier ; & celle du dernier
est une bigote qui le fait
mourir de faim & toute sa maison. Messieurs
L * * *. M * * *. R * * *.
S * * *. furent aussi recusés par l'ancien à cause de
leurs femmes ; parce que
celle de Monsieur L * *.
le desole avec sa méchante humeur & son avarice ; celle de Monsieur
M * *. avec sa coquetterie & sa vanité ; celle de
92
R * *. à cause qu'elle ne
luy a rien apporté en mariage & qu'il n'a point
été payé de sa dot ; &
celle de Monsieur S * *.
parce qu'elle se pique
d'être belle, bien faite &
spirituelle, & le méprise
par sa petite taille, sa
mine basse & son air pedant. Enfin l'ancien presenta Monsieur P * * *. qu'il
disoit que son confrere
devoit accepter, puisque
n'étant point marié, il y
avoit bien des presomp
93
tions qu'il étoit contre
le mariage ; Le jeune le
recusa en disant que s'il
ne l'étoit point, ce n'étoit pas à cause qu'il n'aimoit pas le mariage ;
mais parce que son avarice & son libertinage
l'avoient tellement décrié dans le monde, qu'il
n'y avoit pû trouver de
femme. Pour conclusion,
l'on ne peut imaginer des
moyens plus singuliers
& plus extravagans, que
ceux que dirent ces deux
94
Avocats, pour convenir
d'un tiers ; ils passerent
en reveuë tous les Avocats : & comme le Chevalier les pressoit fort de
finir, ils en nommerent
enfin un qui avoit été
marié, & qui étoit alors
veuf, en disant qu'il étoit
fort habile, de bon sens
qu'il avoit gouté de l'un
& de l'autre état, &
qu'il pouvoit en parter
un jugement plus solide
que tout autre ; & ils
prirent une heure de la
95
même journée pour se
faire regler. Le Chevalier se chargea de retirer
le jugement, & de le remettre à Philogame & à
Antigame : Ensuite ces
Avocats se retirerent dans
leurs cabinets ; le Chevalier alla chercher la Barone de Lupane pour travailler à leur affaire ; &
Philogame s'en alla dans
son logis & y conduisit
avec luy Antigame pour
y raisonner ensemble sur
tout ce qu'ils venoient
96
d'apprendre, & pour y
resoudre ce qu'ils avoient à faire.
Cul de lampe, tête ailée couronnée de fleurs.
97
Bandeau.
PHILOGAME ET ANTIGAME. OU LES AGRÉEMENS ET LES CHAGRINS DU MARIAGE. Sixiéme & derniere Partie.
Lettrine, "P" en blanc sur fond fleuri.
PHILOGAME
ne fut pas si-tôt arrivé dans son logis
avec Antigame, qu'ils
98
s'enfermerent pour parler avec plus de liberté
de Fraudelise & de Lesbie, & pour y prendre
ensemble les resolutions
qu'ils avoient à executer
sur leur chapitre.
Il faut avoüer, dit Philogame en soûpirant, que
nous sommes bien malheureux d'avoir eû à
faire à des cœurs si
ingrats & si infideles.
Tout beau ! tout beau !
repartit Antigame, ne
condamnez point si legere
99
ment Lesbie : il se peut
faire qu'une jolie fille, de
la taille de Lesbie, & vétuë de la même maniere,
ait demandé avis à ces
deux Avocats comment
elle devoit se prendre
pour faire executer à un
homme une promesse de
mariage qu'il luy a faite,
sans qu'il s'ensuive que ce
soit Lesbie. Combien ya-t-il de filles à Paris,
qui en sont reduites-là ?
Ce ne suffit pas pour
condamner Lesbie ; il faut
100
quelque chose de plus
fort & de plus convincant. Vous vous flatez,
repartit Philogame ; c'est
surement de Lesbie &
de vous dont ces deux Avocats ont voulu parler :
Avez-vous pris garde,
continua-t-il, à ce que
l'un a dit, que l'homme
avoit été marié, que sa
femme étoit morte, qu'il
étoit Maître de ses droits,
que la fille étoit dans une
grande jeunesse, d'une
qualité égale à la sienne,
101
que l'homme étoit à présent majeur, &qu'il avoit
approuvé par diverses
Lettres la promesse de
mariage. Joignez & rassemblez toutes ces circonstances ensemble, &
vous verrez, mon cher
Antigame, que ce ne
peut être d'autre que de
vous & de Lesbie dont
ces deux Avocats ont
voulu parler. Que répondez-vous, repartit
Antigame, à ce que j'ay
laissé ce matin Lesbie
102
dans son lit avec une
grosse fiévre & dangereusement malade ? d'où
auroit pû venir une guerison si prompte, & si
impreveuë ? Lesbie ne
sort jamais de mon logis,
elle ne voit personne, &
n'a de commerce avec
qui que ce soit ; comment
auroit elle pû prendre
des mesures avec un
homme pour l'épouser ?
Non ! vous dis-je, continua-t-il, ces Avocats ont
voulu surement parler de
103
quelqu'autre. Je le souhaite, repartit Philogame avec un air serieux ;
mais j'apprehende fort le
contraire : Que cet homme ne soit ce Cleante
que nous avons rencontré dans ce Cabaret ;
que la fille qui devoit lui
donner les deux mille
loüis ne soit Lesbie ; &
qu'aprés avoir appris que
vous aviez decouvert ses
intentions, elle n'ait retiré le rubis qu'elle lui
avoit donné, pour vous
104
le faire trouver dans vôtre cabinet. Ha ! que
vous connoissez mal Lesbie. Ha ! que vous connoissez mal les sentimens
qu'elle a pour moi, interrompit brusquement
Antigame, & avec un
ton d'aigreur, quand
vous la croïez capable de
tous ces artifices & de
toutes ces infidelitez. J'ai
eû aussi bonne opinion
de Fraudelise, reprit Philogame, que vous pouvez l'avoir de Lesbie :
105
vous voyez comment j'y
ay été trompé ; prenez
garde à vous, & que
vous n'ayez la même
destinée que moi. A quoi
vous determinez vous,
repartit Antigame, sur le
chapitre de Fraudelise,
voulez vous encore l'épouser ? Dieu m'en garde, repliqua Philogame ?
quoi passer ma vie avec
cette infidelle, avec cette
artificieuse qui m'a traité si indignement ! plûtôt la mort mille fois :
106
quelle douceur, continua-t-il, quel repos, quelle confiance pourrois-je
avoir avec une semblable femme, aprés un tel
procedé ? Vous avez raison, repartit Antigame,
quelque prévention avantageuse que nous
puissions avoir en faveur
d'une fille en l'épousant,
elle nous en fait tant voir
dans le suite du mariage,
qu'il faut en revenir.
Vous jugez bien, continua-t-il, que le retour
107
seroit plus prompt & plus
fâcheux, si avant que de
l'épouser nous l'avions
convaincuë d'infidelité,
& de perfidie. De quelle
maniere, reprit-il, pretendez vous rompre avec
elle ? Si vous l'aimez,
croyez-moi, elle vous
fera revenir à elle, &
vous trompera avec tant
d'adresse qu'elle regagnera vôtre estime, & vôtre
tendresse, tant il est aisé
de nous persuader ce que
nous souhaitons. Philo
108
game dit à Antigame,
qu'il ne pretendoit point
s'exposer à un semblable
peril, qu'il étoit resolu
de ne voir de sa vie Fraudelise, & qu'il alloit sur
le champ, (en lui renvoyant la copie de la Lettre qu'elle avoit écrite à
Philabel & qu'elle avoit
oubliée chez le Maître
Ecrivain7) lui écrire une
Lettre d'une stile si fort
& si irrité, qu'elle perdroit toute sorte d'esperance de pouvoir jamais
109
se racommoder avec lui ;
& ensuite prenant du papier & une plume il luy
écrivit en ces termes.
PHILOGAME A FRAUDELISE.
LIsez, ingrate, lisez
cette copie où sont
tracez les caracteres de la
plus noire des infidelitez
dont vôtre sexe soit capable ; quelque fecond que
soit vôtre esprit en artifi
110
ces, il ne peut vous défendre dans cette occasion,
m'empêcher de rompre pour
jamais les nœuds qui nous
lioient ensemble, ny de
renoncer à toute la tendresse que j'ay euë pour
vous. Vivez heureuse
avec Philabel ; vos cœurs
sont d'une même trempe :
pour moy qui en ay un
d'une autre delicatesse que
les vôtres, je vous quitte
pour toûjours. Je sçay bien
que je n'y survivray pas ;
mais que m'importe de
111
conserver une vie que je
ne puis jamais passer avec
vous, & que vous m'avez
renduë odieuse par vôtre
ingratitude, & par vos
trahisons ?
Philogame cacheta
cette Lettre aprés avoir
mis dedans la copie que
Fraudelise avoit oubliée
chez le Maître Ecrivain8 ;
& la lui envoya porter
par son laquais avec ordre de la lui remettre en
main propre. Elle n'eût
112
pas si-tôt lû cette Lettre
qu'elle s'évanouït, &
resta immobile dans les
bras de sa Gouvernante
qui étoit auprés d'elle.
Ce laquais vint le rapporter à son Maître, qui
le querella de ce qu'il
n'étoit pas resté auprés
d'elle pour lui rendre ses
services : Il vouloit le renvoyer sur ses pas pour aller en apprendre des nouvelles, lors qu'Antigame
lui dit, qu'il voyoit bien
qu'il n'étoit pas encore
113
gueri de la passion qu'il
avoit pour Fraudelise,
puisqu'il s'interessoit si
fortement dans sa santé ;
qu'il devoit oublier cette
perfide, & ne penser à
elle que pour exciter dans
son cœur des mouvemens de mépris & d'indignation contre sa conduite ; & que si Lesbie
lui en avoit autant fait, il
ne penseroit à elle que
pour la haïr & pour detester son ressouvenir.
Dans le temps qu'An
114
tigame parloit ainsi, son
laquais vint lui dire que
Lesbie étoit sortie de son
logis, & s'étoit retirée
dans un Couvent, où elle
avoit fait porter tout ce
qu'elle avoit chez lui, &
que peu de temps aprés
un homme, figure
d'Huissier, lui avoit apporté un papier qu'il remit dans le même moment à Antigame : il le
lut, & vit que c'étoit une
citation que Lesbie lui
faisoit donner à l'Offi
115
cialité9 pour l'éxecution
de la Promesse de mariage qu'il lui avoit faite. Le
laquais retiré, Philogame
dit à Antigame qu'il avoit
eû raison lors qu'il lui
avoit soûtenu que c'étoit
Lesbie qu'il avoit vûë au
Palais, & que c'étoit
d'elle & de lui que ces
deux Avocats avoient
voulu parler. Vous allez
donc, continua-t-il, haïr
Lesbie, & detester son
ressouvenir ? Ha ! que je
suis malheureux, s'écria
116
Antigame ; ha ! que je
suis à plaindre : Non Cleante, reprit-il, tu n'épouseras pas Lesbie, non
tu ne l'épouseras pas. Il
n'y a cependant, interrompit Philogame, qu'un
seul moyen pour l'en
empêcher, que je suis
bien seur que vous ne
suivrez pas, qui est de
l'épouser vous - même ;
Que sçai-je, repartit Antigame, ce que je feray
en l'état où je suis, pouray-je voir, continua‑
117
t-il, des Avocats se joüer
dans une fameuse Audience de l'amour que
j'ay eû pour Lesbie ? pourai-je soûtenir avec assurance la lecture de la
Promesse de mariage que
je luy ay faite, & des Lettres que je luy ay écrites,
& les plaisirs que le public se donnera sur mon
chapitre ? Enfin pourai-je
voir Cleante maître absolu de la personne & du
cœur de Lesbie, la posseder toute entiere, &
118
mener avec elle une vie
douce & commode à mes
depens, puisqu'il est vray,
comme a dit cet Avocat,
& comme je n'en doute
point, que les dommages
& interests absorboient
la meilleure partie de
mon bien ? ainsi donc,
vous voyez, mon cher
Philogame, continua Antigame, que le meilleur
party que je puisse suivre
dans cette fâcheuse conjoncture est d'épouser
Lesbie. Hé quel chan
119
gement, quel surprenant
changement ! s'écria Philogame, vous cet homme si delicat sur le point
de l'honneur, cet ennemy declaré du mariage,
qui déclamiez si fortement contre les femmes,
contre leurs artifices &
leurs infidelitez ; vous
qui ne pouviez concevoir qu'un homme de
bon sens pût se marier ;
vous qui avez refusé d'épouser Lesbie dans le
temps qu'elle vous en
120
prioit les larmes aux yeux,
& que vous la croyiez
fidelle ; vous même
vous pouvez vous resoudre d'épouser cette même
Lesbie, aujourd'huy que
vous apprenez qu'elle
vous fait une infidelité,
qu'elle est sortie de vôtre
logis sans vôtre aveu, &
qu'elle vous a fait un procez pour tirer de l'argent
de vous, afin de le donner
à un autre pour l'épouser ; quel fondement pouvez vous faire à l'avenir
121
sur sa fidelité, & qui vous
assurera qu'étant vôtre
femme elle vous sera plus
fidele, & sera insensible à
la passion de celui qu'elle
a choisi pour son époux ?
Que sont-ils devenus,
continua-t-il, ces sentimens si delicats & si fiers
sur cette matiere, & d'où
vient qu'ils sont si-tôt
changez ? Si j'épouse Lesbie, repartit Antigame,
je ne dois rien craindre
de sa vertu, & de sa fidelité ; elle aime trop son
122
devoir, & je ne suis persuadé que ce ne sont que les
remors de sa conscience
qui l'ont engagée à me
faire un procés, à me
quitter, & à épouser Cleãte. Il faut se faire justice,
continua-t-il ; je n'ay rien
obtenu de Lesbie que sur
la bonne foy de la Promesse de mariage que je
luy ay donnée, & de
mes sermens mille fois
reïterés de l'épouser. Oüy
je l'ay vû souvent à mes
pieds les larmes aux yeux,
123
me demander ou de l'épouser, ou la liberté de
se renfermer dans un
Convent pour y passer
le reste de sa vie, en me
disant qu'elle ne pouvoit
plus tenir contre les bourelemens de son honneur
& de sa conscience.
Antigame dit ensuite
à Philogame, que la repugnance & l'antipathie
qu'il avoit euë contre le
mariage, l'avoient rendu
insensible aux prieres de
Lesbie & l'avoient empê
124
ché de l'epouser, & qu'il
ne doutoit point que ce
ne fût ce qui l'avoit rebutée de luy, & qui luy
avoit fait prendre le party de le poursuivre en Justice pour l'execution de
sa Promesse de mariage :
& aprés luy avoir dit
quantité d'autres raisons
pour luy faire approuver
son mariage avec Lesbie,
il le quitta & alla dans
son logis où il écrivit à
Lesbie une Lettre conçeuë en ces termes.
125
ANTIGAME A LESBIE.
IL n'est pas besoin, aimable Lesbie, de la
Sentence de l'Official10, pour
m'obliger à vous épouser ;
l'amour qui est un Juge
plus puissant sur moy me
l'a ordonné dés que j'ay
commencé à vous connoître ; je ne refuseray
jamais d'executer son Jugement, puisqu'il me ren
126
dra le plus heureux de tous
les hommes.
Antigame envoya porter cette Lettre à Lesbie,
dans le Convent où elle
s'étoit retirée, par un
laquais qui luy raporta
qu'il l'avoit trouvée avec
Cleante.
Ce raport donna de la
jalousie & du chagrin à
Antigame. Il ne pouvoit
concevoir de quelle maniere Lesbie qui ne voïoit
personne & qui ne sor
127
toit jamais de son logis
avoit pû connoître Cleante, & avoit pû entretenir
avec lui un cõmerce qui
étoit allé si avant : & s'il
avoit suivi son premier
mouvement il auroit été
en tirer l'éclaircissement
de la bouche de Cleante.
Il ne fut pas long-temps
dans cette inquietude ;
car Cleante qui avoit vû
la Lettre qu'Antigame
avoit écrite à Lesbie, par
laquelle il luy témoignoit
qu'il vouloit l'épouser,
128
vint trouver Antigame,
& debuta en luy disant :
qu'il connoissoit & qu'il
aimoit Lesbie long-temps
avant luy, & que sans
une maladie qui luy étoit
survenuë à Roüen, elle
seroit à present sa femme.
Il luy fit connoître qu'il
avoit bien veu par la Lettre qu'il avoit écrite à
Lesbie, qu'il alloit l'épouser & la luy ravir ; qu'il ne
pouroit survivre à une
semblable perte ; qu'il
vouloit se batre contre
129
luy, & qu'il luy donnoit
le choix du lieu du combat, de l'heure, & des
armes. Antigame luy témoigna qu'il n'accaptoit
point d'appel ; qu'il sçavoit les deffenses severes
sur les duels : & neanmoins il luy fit entendre
que ce même jour il devoit aller à certaine heure à la ruë de Tournon.
Cleante comprit bien que
la grosse fortune d'Antigame l'empêchoit d'accepter un appel qui pour
130
roit avoir des suites fâcheuses, & que son intention étoit qu'il l'attaquât au lieu qu'il luy
avoit marqué ; ce qui fit
qu'il s'y rendit à la même
heure : En l'y voyant arriver, il alla au-devant de
luy l'épée à la main. Antigame le pria de se retirer, & aprés quelques
eptites façons pour se
sauver des formes, ils se
battirent tous deux avec
beaucoup de courage &
de vigueur. Cleãte s11 sen
131
tant blessé & voyant couler son sang, fît une passe
sur Antigame, le desarma, & luy tenant la pointe de son épée contre le
cœur, luy rendit la sienne
en luy disant : va, je te
donne la vie que tu m'as
ôtée ; mais souviens-toy
que c'est à condition que
tu ne la passeras point
avec Lesbie, & que tu
ne l'épouseras pas. Les
forces diminuãt à Cleante, Antigame le conduisit chez un Chirurgien,
132
où il s'évanouït au premier appareil, ce qui fit
beaucoup apprehender
de sa blessure : Ensuite
Antigame aprés y avoir
donné les ordres necessaires pour le faire bien
traiter, se retira dans le
Luxembourg12, de crainte
d'être arresté par les Officiers de Justice. Peu de
temps aprés, Cleante étant revenu de son évanouissement, fît une declaration par laquelle il
reconnoissoit qu'il avoit
133
attaqué Antigame, &
qu'il ne vouloit pas que
l'on fît de poursuitte en
Justice contre lui au cas
qu'il vînt à mourir, &
la lui envoya porter.
Cette derniere action
de Cleante toucha plus
sensiblement Antigame
que toutes les autres : il
le regardoit comme un
homme à qui il avoit
donné la mort, & qui
non seulement avoit eu
dans le même temps la
generosité de lui donner
134
la vie, mais encore qui
avoit prevenu les suittes
fâcheuses que sa mort
pouvoit lui attirer. D'un
autre côté il le regardoit
comme un rival barbare
& cruel, qui ne lui avoit
donné la vie que pour le
faire soufrir davantage, &
sous une condition honteuse & mille fois plus
cruelle que la mort. Il
ne pouvoit se soufrir luimême ; il se haïssoit, il se
regardoit comme un lâche, perdu de reputation
135
dans le monde & dans
l'esprit de Lesbie ; il se
repentoit d'avoir receu
la vie sous une semblable
condition, & d'avoir sacrificé sa Maîtresse pour
conserver la vie ; il vouloit se tuer ou aller rendre à Cleante la vie qu'il
lui avoit donnée ; enfin
il étoit agité de tant de
troubles, qu'il est comme impossible de pouvoir bien les exprimer.
Pendant qu'Antigame
étoit ainsi ocupé par tou
136
tes ces diverses avantures,
& agité si cruellement,
Philogame avoit les siennes qui ne lui donnoient
gueres plus de repos. Il
s'entretenoit seul dans sa
chambre sur les artifices
& les infidelitez qu'il
pretendoit que Fraudelise lui avoit faites ; il la
detestoit dans le fond de
son cœur comme une ingrate, & cõme une perfide qu'il ne vouloit voir
de sa vie ; & il se fortifioit dans cette resolu
137
tion, lorsqu'un de ses
amis & parent de Fraudelise, vint le trouver pour
lui dire qu'elle étoit dans
un état à donner de la
compassion aux cœurs
les plus insensibles & les
plus durs ; qu'elle le demandoit de moment en
moment, & qu'à moins
d'avoir des sentimẽs sans
humanité & barbares, il
ne pouvoit se dispenser
de la voir, & de l'écouter dans sa justification ;
qu'il avoit vû la Lettre
138
qu'il lui avoit écrite, &
la copie de celle qu'elle
avoit écrite à Philabel ;
que les presomptions à la
verité étoient tres - violentes contre Fraudelise,
mais qu'il devoit l'entendre & que l'on ne refusoit pas même aux accusez des plus grands crimes, de les entendre dans
leur justification ; que
Fraudelise pretendoit lui
faire voir son innocence
plus claire que le jour,
& qu'en l'état où elle é
139
toit, & dans le peril où
sa profonde douleur avoit
reduit sa vie, il ne pouvoit retarder un moment
à la voir, à moins que de
se rendre complice de sa
mort, & de vouloir passer pour le plus dur de
tous les hommes.
Quelque resolution que
Philogame eût prise de
ne voir de sa vie Fraudelise, il ne put resister
aux prieres de son amy,
& à l'état où elle étoit &
aux mouvemens de son
140
cœur. Il la trouva dans
une fiévre tres-violente.
Tout le monde s'étant
retiré & Fraudelise se
voïant seule avec Philogame lui parla ainsi.
Vous me traitez avec
des noms d'ingrate &
d'infidele ; cependant Philogame, jamais fille au
monde n'a jamais merité
ces noms injurieux. Ces
reproches dans la bouche d'une fille que Philogame croïoit coupable
& convaincuë de la plus
141
noire de toutes les perfidies, lui donnerent un
chagrin qu'il ne pût dissimuler. Fraudelise s'en
aperceut & continua à
lui dire : Oüi, quelque
prevention que vous
puissiez avoir contre moy,
& quelque dur que soit
vôtre cœur, vous ne
pouvez vous dispenser de
m'écouter, puisque vous
me faites mourir par vos
injustices & par vos cruautez, & que je ne demande qu'à vous faire voir la
142
verité des choses, & comment elles se sont passées.
Aprés quoy elle luy raconta la violente passion
que Philabel lui avoit témoignée ; de la maniere
qu'il avoit feint d'être
tombé malade pour quelques rigueurs qu'il pretẽdoit qu'elle luy avoit faites ; avec combien d'artifices sa gouvernante lui
avoit persuadé qu'il en
mourroit, si elle ne le consoloit promptement par
ses Lettres : Ensuite elle
143
lui avoüa de bonne foy
qu'elle lui en avoit écrit
plusieurs, dont le sens
étoit qu'elle avoit une
violente passion pour lui,
une tres-grande envie de
lui en donner des marques, & de tout faire
plûtôt que de le voir plus
long-temps malade ; que
c'étoit sa gouvernante
qui avoit composé les
Lettres, & qu'elle ne les
avoit écrites que parce
qu'elle s'étoit imaginé sotement qu'il s'agissoit de
144
sauver la vie à un homme : enfin elle finit, en
lui disant comment tout
d'un coup la resolution
de se faire Religieuse lui
avoit prise ; comment elle
avoit congedié Philabel,
& le desespoir qu'il en
avoit temoigné ; comment elle lui avoit promis, qu'au cas que sa resolution changeât, elle
n'auroit d'autre époux
que lui ; & comment
Philabel sachant leur mariage, lui avoit écrit une
145
Lettre pleine de colere
& de menaces, qu'elle
remit à Philogame, &
qui étoit conçûë en ces
termes :
PHILABEL A FRAUDELISE.
L'On dit que vous allés vous marier avec
Philogame ; souvenésvous de la parole que vous
m'avés donnée d'être à
moy si vous n'étiés point
146
Religieuse : n'y manqués
pas je vous prie, autrement je ferai voir à Philogame les Lettre que
vous m'avés écrites ; je
les publierai dans le monde & je vous y perdrai
entierement de reputation,
ne me croïant pas obligé
de garder le secret à une
infidele qui m'auroit manqué la premiere.
La lecture de cette
Lettre ne fit pas entierement changer de sen
147
timent à Philogame, &
son chagrin continua à
paroître sur son visage.
Fraudelise s'en appercevant voulut continuer
son discours ; mais ses
larmes & ses soûpirs lui
couperent pendant certain temps, la voix & la
parole. Enfin, faisant un
effort sur elle-même, elle lui dit tendrement :
Regardez-moi du moins,
écoutez-moi ; s'il n'y alloit que de mes interêts
propres, je soufrirois plus
148
patiemment vos injustices, mais il y va de vôtre repos : ainsi écoutezmoi pour l'amour de
vous-même, si vous ne
le voulez faire pour moi
& pour ma propre gloire ; & je suis persuadée
qu'avec toutes les veritez que j'ai à vous dire,
je vous ferai voir mon
innocence. Hé, que ne
le faites-vous ? interrompit Philogame, vous me
rendriez la vie ; mais non,
c'est trop me flatter &
149
vous ne le pouvez pas :
Que répondez-vous, continua-t-il, à la Lettre que
vous avez écrite à Philabel, & à la copie que
vous avez fait imiter
pour me surprendre &
pour me tromper ? Helas, reprit Fraudelise, si
c'est là où vous mettez
tout mon crime, il est
facile de me justifier. Ensuite elle lui dit, que la
Lettre de Philabel & les
menaces qui étoient dedans, l'avoient tellement
150
effraïée, que ne sçachant
que faire, elle s'étoit adressée à sa gouvernante, qui luy avoit conseillé d'écrire à Philabel
qu'elle n'aimoit que luy,
qu'elle n'épousoit Philogame que pour obéïr
aux ordres d'un pere
qu'elle craignoit beaucoup : que sa gouvernante avoit composé la
Lettre, qu'elle n'avoit
fait que la copier, & que
c'étoit cette même Lettre qu'il avoit intercep
151
tée dans ce Cabaret. Elle
lui raconta comment Lesbie ayant apris d'un laquais d'Antigame, que
cette Lettre étoit entre
les mains de Philogame,
& comment elle y étoit
passée, étoit venu l'en
avertir chez elle ; que
dans ce même temps la
veuve d'un Marchand
Joüaillier s'y étoit trouvée, & luy avoit conseillé de faire imiter cette
même Lettre par un Ecrivain qu'elle connois
152
soit, & de supposer la
copie contrefaite en la
place de sa veritable Lettre, afin de ne pouvoir
être convaincuë de l'avoir écrite.
Pendant que Fraudelise parloit ainsi, sa gouvernante qui étoit dans
un cabinet à côté de sa
chambre, entendant tout
ce qu'elle disoit à Philogame, vint se jetter à
leurs pieds, confirma à
Philogame tout ce que
Fraudelise venoit de luy
153
dire sur son chapitre,
leur en demanda pardon,
les pria de ne la point
perdre, & leur avoüa que
son but n'avoit été que
d'empêcher que Philogame n'épousât Fraudelise, & de faire en sorte
que ce fût Philabel ; parce qu'il luy avoit promis,
au cas qu'elle pût y réüssir, de luy faire épouser
son Valet de chambre
qu'elle aimoit, & de
faire leur fortune.
Cette gouvernante
154
ayant cessé de parler, &
s'étant retirée, Fraudelise demanda pardon à
Philogame, & convint
de bonne-foy qu'elle n'avoit pas eu raison de suivre les méchans conseils
qu'on luy avoit donnés,
& de luy avoir fait un
semblable mystere. Elle
le pria de se ressouvenir,
que ce qu'elle en avoit
fait, n'avoit été que pour
se conserver son estime
& son cœur ; & dit ces
dernieres paroles d'une
155
maniere si sincere & si
tendre, que Philogame
en fut sensiblement touché.
Pour conclusion, la
lecture que Philogame
venoit de prendre de la
Lettre de Philabel, l'ingenuité avec laquelle cette gouvernante luy avoit
parlé, cette quantité de
larmes dont Fraudelise
étoit baignée, & toutes
ces manieres naturelles
& veritables, qui persuadent même les choses
156
qui ont le moins de vraisemblance, firent tant
d'effet sur l'esprit de Philogame, qu'il fut convaincu de tout ce que
Fraudelise venoit de luy
dire : il s'en expliqua avec elle, il l'assura qu'il
étoit entierement persuadé de son innocence &
de sa fidelité, luy jura
plusieurs fois qu'il ne l'avoit jamais tant aimée,
luy demanda pardon de
l'injustice qu'il luy avoit
faite, & la pria pour un
157
témoignage assuré de ce
qu'elle luy pardonnoit,
de reprendre promptement sa premiere santé,
afin de le rendre en l'épousant, le plus heureux
de tous les hommes.
Dans le temps que Philogame & Fraudelise
s'entretenoient ainsi, le
Medecin survint, qui défendit à la malade de parler, & qui obligea Philogame de se retirer chez
luy.
Il est impossible de
158
pouvoir bien expliquer
la diversité des pensées
& des sentimens de Philogame pendant toute la
nuit : il étoit dans des
ravissemens de joïe & des
plaisirs inconcevables,
d'avoir trouvé Fraudelise innocente & fidele,
& de se voir reconcilié
avec elle; & dans des
inquietudes & des chagrins tres-sensibles de
l'injustice qu'il luy avoit
faite, des maux qu'il luy
avoit fait souffrir, de la
159
maladie qu'il luy avoit
causée, & de l'incertitude de sa guerison.
Le lendemain matin
Philogame envoya sçavoir l'état de la santé de
Fraudelise ; on luy raporta qu'elle se portoit
mieux ; & comme il avoit
apris l'affaire qu'Antigame avoit euë avec Cleante, & qu'il s'étoit retiré
dans le Luxembourg13,
il alla le voir, & sceut
jusqu'aux plus petites
particularitez de ce qui
160
s'étoit passé. Antigame
luy exagera son malheur, de ne pouvoir jamais épouser Lesbie, &
le pria de voir de sa part
Cleante, & de s'informer en quel état étoit
sa santé. Philogame trouva Cleante sans fiévre,
hors de danger, & dans
d'autres sentimens que
ceux qu'il avoit eûs la
veille : il dit à Philogame, qu'il ne s'oposoit
plus à ce qu'Antigame
épousât Lesbie, si elle le
161
vouloit ; qu'il avoit pensé qu'il y auroit de la
mal-honnêteté & de la
dureté de sa part à contraindre les volontez de
Lesbie, qu'il la rendroit
maîtresse de choisir celuy qu'elle voudroit, &
qu'il alloit luy écrire sur
ce choix ; qu'Antigame
en pouvoit faire autant,
& que s'il arrivoit que
Lesbie se declarât contre
luy, sa resolution étoit
prise de se mettre dans
le service du Roy, &
162
d'aller y chercher une
mort prompte & glorieuse.
Philogame raporta à
Antigame ce qu'il avoit
veu de la santé de Cleante, & ce qu'il luy avoit
dit : Que je suis mal-heureux, & que je suis à
plaindre avec une destinée aussi singuliere &
aussi bizarre que la mienne ! J'ay été maître absolu du cœur & de la
personne de Lesbie, j'ay
163
pû l'épouser, elle m'en a
vingt fois prié les larmes aux yeux : cependant j'ay toûjours été
insensible à ses prieres &
à ses larmes ; & à present que j'aprens qu'elle
me veut faire une infidelité, & qu'elle prefere
Cleante à moy, je change de sentiment ; ma jalousie excite ma tendresse, & veut que je l'arrache des bras d'un Rival qu'elle aime, pour en
faire me femme ; d'un
164
Rival que je dois estimer
par sa generosité ; d'un
Rival qui m'a donné la
vie, dans un temps où il
croyoit que je luy avois
arraché la sienne ; & enfin d'un Rival, qui renonçant à tous les avantages qu'il a sur moy,
remet les choses dans l'égalité, & veut s'en raporter à Lesbie pour disposer de nôtre fortune.
Pourquoy, continua-t-il,
serai-je moins genereux
que luy, & pourquoy
165
luy disputerai-je un bien
qu'il a gagné aux dépens
de son sang, & auquel
j'ay renoncé par ma lâcheté, & pour avoir eû
trop d'attachement pour
la vie. Mais comment
pourray-je, belle Lesbie,
reprit-il, vous abandonner à mon Rival, & me
détacher pour jamais des
prétentions que j'ay sur
vôtre cœur & sur vôtre
personne ? que ce cruel
Rival reprenne plûtôt la
vie qu'il m'a donnée, je
166
n'en veux point à ce
prix-là. Philogame representa à Antigame, qu'il
devoit être plus maître
de luy-même, attendre
le jugement de Lesbie
sur le choix d'un époux,
& luy en écrire comme
Cleante ; que si elle se
declaroit pour Cleante,
elle seroit obligée de renoncer au procez qu'elle
luy avoit fait, & de luy
rendre sa promesse de
mariage ; que l'avantage
qu'il en tireroit seroit
167
considerable, puisqu'il
n'auroit plus de procez,
qu'il ne luy en coûteroit
rien, qu'il ne perdroit
qu'une fille qui en aimoit
un autre que luy ; qu'il
en seroit bien vangé dans
la suite ; qu'elle tomberoit infailliblement en épousant Cleante, dans
la necessité & dans la
privation des biens necessaires pour substister
dans le monde, & pour
soûtenir les charges &
dépenses du Mariage ;
168
qu'elle ne manqueroit
point de devenir par là
mal-heureuse, & d'avoir
un repentir éternel de
son méchant choix ; &
que si au contraire elle
le preferoit à Cleante,
il auroit l'avantage de
connoître qu'elle l'aimoit
plus que luy, & pourroit justifier par là l'amour qu'il avoit pour elle
& sa conduite en l'épousant. Antigame se rendit
à ces raisons, & écrivit à
Lesbie en ces termes :
169
ANTIGAME A LESBIE.
JE ne doute point que
vous ne sçachiez tout
ce qui s'est passé entre
Cleante & moy, & que
nous vous avons renduë
maîtresse absoluë de nos
destinées : si vous ne deviez regler votre choix
que par le seul merite,
j'aurois tous les sujets du
monde d'aprehender ; mais
170
nos promesses & nos sermens reciproques, faits
aux pieds des Autels, &
les avances obligeantes
que vous m'avez faites
en cette consideration, me
rassurent de cette crainte,
& me font esperer, que
puisque vous ne pouvez,
sans choquer vôtre devoir, vôtre honneur, &
vôtre religion, choisir un
autre Epoux que moy,
je dois me flater de ce
choix.
171
Antigame fit voir cette Lettre à Philogame,
& l'envoya porter par un
Laquais à Lesbie, dans
le Convent où elle s'étoit retirée, avec ordre
d'en demander la réponse ; & en attendant, il
demanda à Philogame,
en quel état étoient les
sentimens de son cœur,
sur le chapitre de Fraudelise : Philogame luy
repartit, qu'ils étoient
tels, qu'il l'aimoit plus
qu'il n'avoit jamais fait.
172
Antigame le pria de luy
dire le sujet d'un changement si prompt & si
impreveu : Philogame
luy raconta tout ce qui
s'étoit passé, & luy dit,
qu'il n'attendoit que le
retour de sa santé pour
l'épouser.
Dans le temps que
Philogame parloit ainsi,
la réponse de Lesbie arriva. Antigame l'ouvrit,
& trouvant dedans la
Promesse de Mariage
qu'il luy avoit donnée,
173
en fremit de crainte :
Voicy les termes de cette
réponse.
LESBIE A ANTIGAME.
MOn choix est tombé
sur un autre que sur
vous, & je n'étois destinée que pour luy ; il ne
me demande pour dot que
mon cœur : il a accordé
à mon repentir & à mes
larmes le pardon des in
174
fidelitez que vous me luy
avez fait faire ; & pourveu qu'à l'avenir je luy
sois plus fidele, il m'aimera toûjours également, que je sois laide,
ou belle, vieille ou jeune,
& rien ne le peut faire
changer que le déreglement de mon cœur : vous
voulez bien qu'avec tous
ces avantages je vous le
prefere, & qu'en rompant pour jamais les
nœuds qui nous lioient
ensemble, je vous ren
175
voye vôtre Promesse de
Mariage, que je vous
fasse porter les deux mil
loüis d'or que vous m'avez donné à garder, &
que je vous dise un éternel adieu.
Non, Philogame, s'écria Antigame aprés la
lecture de cette Lettre,
je ne suis pas à l'épreuve
de ce dernier coup ; jamais desespoir au monde n'égala le mien, je
n'y puis survivre, & j'en
176
mourray : Ha ! trop heureux Cleante, continua‑t-il, que ta destinée me
fait d'envie ! pourquoy,
cruel, me donner la vie,
pour me la faire passer
d'une maniere si malheureuse ? & pourquoy
ne me l'arrachois-tu
point ? tu n'es qu'un traître, qu'un bourreau, qui
ne me l'as donnée que
pour me faire souffrir
davantage, & pour te
vanger de moy : Reprens, barbare, reprens
177
tes funestes presens, je
n'en veux point à ce
prix-là. Philogame luy
representa qu'il pouvoit
bien se tromper ; qu'il se
pouvoit faire que ce ne
fût point Cleante que
Lesbie eût choisi pour
époux, & dont elle parloit dans sa Lettre ; car,
disoit-il, quelle necessité
à Lesbie voulant épouser Cleante, d'aller luy
raporter les faveurs qu'elle vous a fiates, pour
luy en demander par
178
don ? ne les auroit-elle
pas plûtôt ensevelies
dans un éternel oubly ?
Qui luy peut répondre,
continua-t-il, que Cleante l'aimera également,
laide ou belle, vieille ou
jeune ? n'a-t-elle pas assez d'esprit & assez d'experience dans le monde,
pour sçavoir que cela ne
peut pas être, qu'il n'y
en a pas d'exemple, &
qu'une chose si extraordinaire ne peut arriver
en sa faveur ? il finit en
179
disant, qu'il faloit qu'il
y eût quelque chose de
mysterieux & de caché
dans cette Lettre ; ce
qui fit qu'Antigame le
pria de voir Cleante là‑dessus, & d'en tirer adroitement la vérité.
Philogame trouva
Cleante aussi desesperé
qu'Antigame, à cause
d'une Lettre qu'il avoit
receuë de Lesbie, par
laquelle elle luy mandoit, qu'elle avoit fait
choix d'un autre époux
180
que de luy. Cleante s'étoit imaginé que le choix
étoit tombé en faveur
d'Antigame ; ce qui fit
qu'il dit à Philogame,
si Antigame n'étoit pas
satisfait de luy avoir enlevé Lesbie ? s'il l'envoyoit encore pour insulter à sa disgrace & à
son mal-heur. Philogame luy repartit, qu'Antigame n'étoit point l'époux que Lesbie avoit
choisi ; qu'il étoit aussi
mal-heureux & aussi à
181
plaindre que luy, & luy
raporta ce que contenoit en partie la Lettre
que Lesbie luy avoit écrite. Cleante fut extrêmement surpris de ce
discours ; & comme il
venoit pour découvrir
quel pouvoit être cet époux, Philogame prit
son temps pour luy demander à voir la Lettre
que Lesbie luy avoit écrite, & luy dit, que
peut-être il pourroit le
reconnoître. Cleante la
182
luy remit ; elle étoit conceuë en ces termes :
LESBIE A CLEANTE.
IL est vray que vous
étes le premier pour qui
mon cœur a senti de l'amour ; mais les mal-heureux engagemens dans
lesquels je suis entrée avec Antigame, m'ont renduë indigue d'être vôtre
épouse ; & vous-même
183
revenant dans la suite de
la passion que vous avez
pour moy, vous me jugeriez telle, & vous ne
me regarderiez qu'avec
indignation & qu'avec
mépris. Pour me mettre
à couvert de ces fâcheux
inconviens, j'ay trouvé à propos de choisir un
autre époux, avec lequel
je ne puisse rien craindre
là-dessus : Ie l'ay trouvé,
il ne me demande que
mon cœur ; & ma fortune & ma felicité sont
184
certaines avec luy : ce
sont ces sortes d'avantages qui m'engagent à vous
quitter & à vous le preferer. Mais comme je
suis cause que vous avez
perdu le bien de vôtre
Oncle, agréez que je
vous fasse part de celuy
qui me reste, & permettez-moy de vous l'envoyer ; apres quoy ne pretendez plus rien de moy
qu'un éternel adieu.
Philogame ayant lû
185
cette Lettre, dit à Cleante, qu'il voyoit bien que
l'époux que Lesbie avoit
choisi, n'étoit ny luy
ny Antigame, & dequel
époux elle vouloit parler. Quel peut être, interrompit Cleante, cet
heureux époux ? ne me
flatez point, je vous en
conjure, & me tirez de
cette mal-heureuse incertitude. Philogame luy
repartit, qu'il n'y avoit
qu'à lire la Lettre de
Lesbie, & en peser at
186
tentivement les termes,
pour voir que son intention étoit de se faire Religieuse.
Il est impossible de
pouvoir exprimer la diversité des mouvemens
dont Cleante fut agité
à ce discours. Vous m'avez donc condamné,
dit-il, cruelle Lesbie, à
ne vous voir de ma vie,
dans le temps que je
croïois de devenir vôtre
époux, c'est à dire, le
plus heureux de tous les
187
hommes. Pourquoy, infidele, me flatter de ce
doux espoir, lorsque
vous pretendiés m'abandonner pour toûjours ?
gardés, gardés, s'écria‑t-il, vos funestes presens, je n'en veux point,
& j'y renonce pour toûjours : Helas ! qu'ay-je
besoin de bien, quand
je ne pense qu'à finir
une vie mille fois plus
cruelle que la mort ?
Cleante dit quantité
d'autres choses fort tou
188
chantes. Philogame luy
representa tout ce qu'il
put pour le consoler :
mais comme il vid que
ses discours ne servoient
qu'à aigrir sa douleur,
il le laissa avec un de
ses parens, qui vint dans
ce même temps le voir,
pour aller trouver Antigame, & luy rendre
comte de tout ce qui
s'étoit passé.
Antigame ne le vid
pas si-tôt entrer dans sa
chambre, qu'il courut
189
les yeux baignés de larmes & en soûpirant,
l'embrasser en luy disant : Helas ! je n'ay que
trop conçû le sens cruel
de la Lettre de Lesbie,
& quel est l'époux dont
elle veut parler. Pouvez-vous encore douter
à present, mon cher Philogame, de sa vertu,
& n'avoir pas de l'estime pour elle ? Je ne la
verray plus, continua‑t-il, je ne la verray plus ;
elle est morte au monde ;
190
elle est morte pour moy.
Non, non, s'écria-t-il,
je n'en étois pas digne,
& j'en mourray. Aprés
cela il se tut ; & puis de
moment en moment,
repetant : elle est morte,
je ne la verray plus, il
revint aux soûpirs &
aux larmes, comme s'il
avoit entierement perdu
la raison. Ensuite se remettant de ses emportemens, il se mit à raconter à Philogame avec quelle douceur &
191
avec quelle complaisance elle avoit toûjours vêcu avec lui ; de quelle
maniere un jour fondant en larmes elle s'étoit jettée à ses pieds, &
lui avoit demandé la liberté de se retirer dans
un Convent, pour y
psser le reste de sa vie ;
& comment avec des
suppositions & des artifices, il avoit éludé sa
demande, & l'avoit
trompée ; puis tout d'un
coup transporté de fu
192
reur contre lui-même,
il s'appella vingt fois
perfide, scelerat, parjure ; se reprocha qu'il
avoit perdu Lesbie par
sa propre faute ; se fit
cent reproches, se dit
cent injures, & se menaça de se poignarder &
s'arracher la vie.
Philogame aïant laissé
passer ses premiers mouvemens, & le voïant
plus tranquile, profita
de cette occasion pour
lui dire, que pendant
193
que sa douleur avoit eû
des bornes, il y étoit entré, & y avoit compâti ;
mais qu'il ne le plaindroit
plus s'il s'abandonnoit
ainsi au desespoir, & s'il
n'étoit plus maître de lui‑même ; que sûrement il
n'étoit pas si mal-heureux qu'il s'imaginoit ;
que si Lesbie étoit restée
dans le monde, il auroit
fallu, ou qu'il l'eût épousée, ou soûtenir un procez qui lui auroit donné
beaucoup de chagrin &
de peine, qui l'auroit fait
194
timpaniser dans une Audience, & qui auroit entierement ruiné sa fortune ; qu'en l'épousant il se
seroit engagé à des suites
fâcheuses, puisqu'elle n'avoit pas de bien ; qu'il
auroit été obligé à faire
de grosses dépenses, tant
pour soûtenir un ménage, que pour élever une
famille ; & que ne recevant aucuns secours de la
dot d'une femme, il auroit été incommodé &
exposé à beaucoup de peines & de fatigues : que
195
dans la suite sa destinée
auroit été égale à celle
des autres marys ; que la
tendresse & les empressemens qu'il avoit pour
Lesbie, se seroient ralentis & éteints ; qu'alors il
l'auroit veuë avec d'autres yeux que ceux d'un
Amant, & qu'infailliblement il se seroit repenti
d'avoir épousé une femme sans bien, au lieu d'une riche qu'il auroit pû
trouver : qu'en l'état où
il étoit, il ne connoissoit
pas son bon-heur dans
196
toute son étenduë, qu'il
avoit eu le plaisir de posseder entierement Lesbie,
& sans partage ; qu'il ne
la perdoit pas pour la voir
passer dans les bras d'un
Rival qu'elle luy preferoit, mais dans un Cloître, & dans des occupations de pieté & de devotion ; & que meritant par
là son estime, il conserveroit toute sa vie son
ressouvenir avec d'autant
plus de constance, que
ses sentimens n'étant remplis que d'honnêteté &
197
de vertu, & n'y entrant
ni frequentation ni commerce des sens, il étoit
à l'abri des dégoûts & des
mépris qui suivent ces
sortes d'attachemens, &
que par là il pouroit se
garantir de tous autres
engagemens, qui ne
pourroient jamais que lui
être funestes & mal-heureux. Philogame dit ces
paroles avec tant de fermeté & de vigueur,
qu'elles firent une forte
impression dans l'esprit
& dans le cœur d'Anti
198
game, & qu'elles lui rendirent sa premiere raison.
Dans le même temps
que Philogame parloit
ainsi, le Chevalier qui
sçavoit le combat d'Antigame & de Cleante, &
qu'Antigame s'étoit retiré dans le Luxembourg14,
vint le voir & lui faire
offre de ses services. Philogame lui apprit que
Cleante étoit hors de
danger, & qu'il n'y avoit
eû aucune procedure criminelle ; ce qui fit que le
199
Chevalier se mit à railler, & dit à Philogame,
que son procez étoit jugé,
qu'il l'avoit gagné, &
que l'on avoit jugé en faveur du Mariage. Par
quelle raison ? sur quel
motif ? interrompit Antigame. Parce que vos Juges, repartit le Chevalier, pretendant qu'il est
necessaire de donner une
occupation douce &
honnête au cœur de
l'homme, pour le fixer &
pour l'empêcher de se
corrompre & de se per
200
dre par des attachemens
honteux & illegitimes ;
& que le Mariage seul
peut luy donner des enfans & une femme, qui
sont les seuls sujets propres & convenables pour
nourrir & consommer
agreablement & avec hõneur toute sa tendre sse :
& parce que quelque resolution que puisse prendre l'homme, de ne point
se marier, il est si foible
sur cette matiere, que
lorsqu'il tombe dans la
vieillesse, il se marie le
201
plus souvent desavantageusement, & épouse une
flateuse & adroite Coquette, qui le perd de reputation dans le monde,
& qui lui fait passer malheureusement le reste de
sa vie.
Ce ne sont pas ces raisons-là, repartit Antigame, qui ont engagé ces
Avocats à juger en faveur du Mariage, ce sont
plûtôt des raisons d'interêts secrets. Quels interêts, dit Philogame,
pourroient-ils y avoir ?
202
Parce que, reprit Antigame, sans le Mariage,
ils n'auroient pas quantité de grandes affaires ;
sçavoir les liquidations
des droits des Veuves,
les supplémens de legitime des enfans, & les
plaintes contre les testamens de leurs peres, qu'ils
jugent tous les jours par
arbitrage, & pour lesquelles ils prennent des
sommes tres-considerables qui les enrichissent.
Philogame interrompant
Antigame, lui dit en rail
203
lant, qu'il étoit encore
dans le temps de pouvoir
pester contre ses Juges :
puis se tournant vers le
Chevalier, il lui demanda son jugement, puisqu'il avoit gagné son procez. Le Chevalier lui répondit, qu'il ne l'avoit
pas levé, parce qu'il y
avoit vingt écus15 d'épices.
Male-peste 16, vingt écus
d'épices ! reprit Antigame, quelle volerie ! Il
faut que tout le monde
vive, dit le Chevalier ;
Messieurs les Avocats le
204
portent à present de l'air
de Messieurs les Conseillers ; ils ont grandes maisons, portes cocheres,
riches ameublemẽs, gros
équipages, Laquais,
Clercs, Valets de chambre ; ce sont la pluspart
des gens sans bien, & qui
n'ont que leurs talens ;
comment voudriez-vous
qu'ils pûssent fournir à
cette dépense sans quelque secours ? & où voulez-vous qu'ils le prennent, que dans la bourse
de leurs Cliens, aux in
205
terêts & aux passions desquels ils s'abandonnent
aveuglémẽt & sans raison.
Le Chevalier dit quantité d'autres plaisanteries
sur ce sujet ; mais comme
il se faisoit tard, la conversation finit, & chacun
se retira chez soy.
Enfin, pour conclusion, la Barone de Lupane fut déchargée de
l'accusation d'adultere
formée contr'elle par son
mary, & condamnée à
retourner avec lui, & à
ne plus frequenter le Che
206
valier, qui s'en consola
aisement avec une nouvelle inclination. Philogame épousa Fraudelise,
nonobstant la malice &
les artifices de Philabel,
qui vid ce Mariage avec
beaucoup de chagrin &
de douleur. Lesbie envoya à Antigame les deux
mille loüis qu'il avoit
donné à garder ; fit porter ses pierreries & son
argent comptant à Cleante, & s'engagea dans un
Convent de Religieuses,
où elle passa le reste de ses
207
jours dans la mortification & dans la penitence.
Antigame tenta plusieurs
moyens de la voir & de
lui parler, mais inutilement ; & la seule consolation qui lui resta, fut de
demeurer insensible pendant sa vie à toute autre
beauté, & de conserver pour elle une grande estime & une grande
inclination. Et à l'égard
de Cleante, il se mit dans
la Maison du Roy ; y
chercha dans les occasions les plus perilleuses
208
à finir sa vie, que la perte
de Lesbie lui avoit renduë si odieuse : & s'étant
heureusement trouvé dãs
la Bataille de Nervvinde,
& dans l'endroit où le
courage de Monsieur le
Duc de Chartres l'avoit
engagé si avant parmi les
ennemis ; il eut l'honneur,
aprés avoir fait de tresbelles actions, d'y mourir
pour la gloire, & pour la
conservation de la personne de ce genereux
Prince, & en sa presence.
FIN.
Noms propres
Bataille de Nerwinde
L'an 1693, le 29 juillet, Bataille de Nerwinde, gagnée par le maréchal de Luxembourg contre le prince d'Orange.
Cette bataille fut la plus meurtrière de toutes celles qui furent données pendant la guerre de 1688. Le maréchal de Luxembourg entra deux fois, l'épée à la main, dans le village de Nerwinde. Le duc de Villars fut le premier qui sauta dans les retranchements des ennemis. Deux fois le village fut emporté et repris.
- Noël, François, et Joseph Planche, Éphémérides, politiques, littéraires et religieuses, Paris, Le Normant, H. Nicolle, 1812.
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François Rabelais
(La Devinière v. 1482 - Paris 1553). Écrivain humaniste et médecin français à qui
on doit les romans satiriques Pantagruel (1532), Gargantua (1534), Le Tiers Livre (1546) et Le Quart Livre (1548).
C'est dans Le Tiers Livre où le personnage Panurge discourt longuement sur le mariage, en essayant de décider s'il faut se marier ou
non.
- François Rabelais, Wikipédia l'encyclopédie libre (12 août 2009), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 4 novembre 2009. https://fr.wikipedia.org/wiki/Rabelais.
- Joukovsky, Françoise, Rabelais François (1483 env.-1553), Encyclopédie Universalis (2009), Paris, Encyclopædia Universalis, Internet, 20 mai 2009.
- Rabelais (François), Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
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Guillaume III d'Orange
Orange, près d'Avignon dans le Vaucluse, devint une principauté au XIIIe siècle. Celle-ci
revint, par le jeu des alliances, à la branche hollandaise de la famille de Nassau
en 1544 qui conserve encore le titre de prince d'Orange. La lutte pour le contrôle
de la principauté entre les Princes d'Orange et Louis XIV commença en 1648 et connut un tournant important en 1673, quand Louis XIV annexa
tout le territoire de la principauté à la France et fit raser le château des princes
d'Orange.
Guillaume III d'Orange (1650-1702), qui devint aussi roi d'Angleterre en 1689, entretint
des relations complexes avec la France, s'alliant parfois avec Louis XIV contre l'Espagne ou et le Saint Empire Romain, parfois en guerre contre lui, par exemple pendant la Guerre de la Ligue d'Augsbourg
en 1688 et 1697. C'est à la mort de Guillaume qu'Orange fut formellement annexée à
la France.
- Orange (province de l'État libre d'), Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
- Orange, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
- Guillaume III d'Orange-Nassau, Wikipédia l'encyclopédie libre (14 janvier 2017), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 21 janvier 2017. https://fr.wikipedia.org/wiki/Guillaume_III_d'Orange-Nassau.
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Madelonnettes
MADELONNETTES (ma-de-lo-nè-t') s. f. pl. Sorte de religieuses établies dans le XIVe et le XVe siècles, dont les maisons servaient de retraite aux pécheresses. Aujourd'hui, maison de détention pour les filles de mauvaise vie.
- Madelonnettes, Dictionnaire de la lange française, (1872-7), The ARTFL Project, Department of Romance Languages and Literatures, University of Chicago, Internet, 4 novembre 2009.
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Ordre de Malte
L’ordre de Malte est un ordre catholique laïc fondé vers 1080. À l'origine l'ordre
de Saint-Jean de Jérusalem, il avait pour objectif la création d'hôpitaux, d’où l’autre nom d'« Hospitaliers
». L’ordre finit par établir des prieurés et des hôpitaux dans toute l’Europe catholique,
et il assuma rapidement une fonction militaire pour défendre les pèlerins qu'il accueillit
sur les chemins de la Terre Sainte. Il participa activement aux Croisades du Moyen
Âge et devint l'ordre le plus puissant de la chrétienté dès le XIVe siècle. L’ordre
s’installe à Malte en 1530 ; au XVIIe siècle, les chevaliers de Malte sont connus
surtout comme des corsaires qui avaient transformé Malte en magasins d'échanges du
commerce méditerranéen. Sous l’Ancien Régime, il était surtout composé des cadets
des familles nobles qu’il fallait placer soit comme militaires, soit comme religieux.
L’ordre de Malte représentait la convergence de ces deux voies.
De nos jours, son successeur principal est l'ordre souverain militaire hospitalier
de Saint-Jean de Jérusalem, de Rhodes et de Malte, fondé en 1961.
- Ordre de Saint-Jean de Jérusalem, Wikipédia, The Free Encyclopedia (20 octobre 2016), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 15 novembre 2016. https://fr.wikipedia.org/wiki/Ordre_de_Saint-Jean_de_J%C3%A9rusalem.
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Pères du Désert
Représentants du clergé de l'Antiquité tardive (IIIe et IVe siècles) qui vécurent
dans les déserts de l'Égypte, en hermites.
- Pères du désert, Wikipédia l'encyclopédie libre (31 mars 2016), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 22 juin 2016. https://fr.wikipedia.org/wiki/P%C3%A8res_du_d%C3%A9sert.
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Ramboüillet
[Commune française], dans la forêt de Rambouillet. Ville résidentielle et touristique animée par quelques industries. [...] Château de Rambouillet. Il fut édifié en 1375 sur des fondations anciennes. Le comte de Toulouse, fils de Louis XIV et de Mme de Montespan, en modifia la structure : deux ailes furent construites, dont une disparut sous Napoléon Ier. Louis XIV érigea la terre en duché-pairie. Louis XVI acheta le château en 1783 et fit construire la ferme (aujourd'hui Ferme nationale) et la laiterie de la Reine. [...] Forêt de Rambouillet, forêt domaniale s'étendant autour de Rambouillet sur 13 000 ha. Parc national de chasse, domaine résidentiel. Chasses à courre.
- Ramboüillet, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
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Rouen
La ville, à l'époque romaine, s'appelait Rotomagus. Elle fut la capitale des Véliocasses. La fabrication des draps, le commerce avec l'Angleterre se développèrent au Xe s. La Normandie fut longuement et âprement disputée entre les rois de France et d'Angleterre. En 1204, Philippe Auguste s'empara de Rouen. En 1419, la ville tomba aux mains des Anglais : le 30 mais 1431, Jeanne d'Arc y fut brûlée. Les Anglais furent chassés de la ville en 1449. Rouen a beaucoup souffert des guerres de Religion. À l'époque contemporaine, elle a été très atteinte par les bombardements, lors de la Deuxième Guerre mondiale.
- Rouen, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
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Notes
- Chercher à se réconcilier avec quelqu'un.↑
COEFFE, ou Coiffe. s. f. Espece de couverture de teste qui est de toile, ou de soye &c. Coiffe de nuit, ou de bonnet de nuit. coiffe à dentelle. coiffe de chapeau. coiffe de femme, que portent les femmes.
. Coiffe, Dictionnaire de l'Académie française en ligne (1762), The ARTFL Project, Department of Romance Languages and Literatures, University of Chicago, Internet, 4 novembre 2009.↑- Les pages 28 et 29 manquent.↑
- Male peste :
Imprécation qui emporte une sorte d'étonnement. Malepeste que ce potage est chaud! Il est familier
. Malepeste, Dictionnaire de l'Académie française en ligne (1762), The ARTFL Project, Department of Romance Languages and Literatures, University of Chicago, Internet, 29 octobre 2009.↑ - Le célèbre personnage du Tiers Livre de Rabelais, Panurge, demande s'il faut se marier. L'auteur traite des anecdotes désagréables concernant les femmes mais également, il démontre l'influence d'Érasme en reconnaissant que certaines unions entre homme et femme peuvent mener à des progrès spirituels. (François Rabelais, Encyclopédie Universalis (2009), Paris, Encyclopædia Universalis, Internet, 4 novembre 2009.)↑
- L'officialité est le tribunal ecclésiastique chargé de rendre la justice au nom de celui qui exerce le pouvoir judiciaire dans l'Église catholique romaine.Officialité, Wikipédia, The Free Encyclopedia (6 juin 2016), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 28 octobre 2016. https://fr.wikipedia.org/wiki/Officialit%C3%A9.↑
- Aux XVIe et XVIIe siècles, les maîtres écrivains faisaient leur métier de bien écrire et d'enseigner cet art. Ils étaient regroupés dans des corporations où il fallait qu’ils soient reçus maîtres. Maître écrivain, Wikipédia, The Free Encyclopedia (26 septembre 2016), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 28 octobre 2016. https://fr.wikipedia.org/wiki/Ma%C3%AEtre_%C3%A9crivain.↑
- Aux XVIe et XVIIe siècles, les maîtres écrivains faisaient leur métier de bien écrire et d'enseigner cet art. Ils étaient regroupés dans des corporations où il fallait qu’ils soient reçus maîtres. Maître écrivain, Wikipédia, The Free Encyclopedia (26 septembre 2016), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 28 octobre 2016. https://fr.wikipedia.org/wiki/Ma%C3%AEtre_%C3%A9crivain.↑
- L'officialité est le tribunal ecclésiastique chargé de rendre la justice au nom de celui qui exerce le pouvoir judiciaire dans l'Église catholique romaine.Officialité, Wikipédia, The Free Encyclopedia (6 juin 2016), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 28 octobre 2016. https://fr.wikipedia.org/wiki/Officialit%C3%A9.↑
- L'officialité est le tribunal ecclésiastique chargé de rendre la justice au nom de celui qui exerce le pouvoir judiciaire dans l'Église catholique romaine.Officialité, Wikipédia, The Free Encyclopedia (6 juin 2016), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 28 octobre 2016. https://fr.wikipedia.org/wiki/Officialit%C3%A9.↑
- se↑
- Il est évident aux p. 171-172 que le Luxembourg dont il s'agit n'est pas le pays du Luxembourg mais plutôt le Palais de Luxembourg dans l'actuel 6e arrondissement de Paris, construit entre 1615-1631 pour Marie de Médicis. Le duel ayant été interdit au début du XVIIe siècle, le palais sert d'asile à Antigame qui doit se cacher des autorités en attendant de savoir si Cléante mourra de sa blessure. Antigame n'aurait pas pu envoyer une lettre à Lesbie et en recevoir la réponse en quelques minutes s'il avait quitté Paris.↑
- Il est évident aux p. 171-172 que le Luxembourg dont il s'agit n'est pas le pays du Luxembourg mais plutôt le Palais de Luxembourg dans l'actuel 6e arrondissement de Paris, construit entre 1615-1631 pour Marie de Médicis. Le duel ayant été interdit au début du XVIIe siècle, le palais sert d'asile à Antigame qui doit se cacher des autorités en attendant de savoir si Cléante mourra de sa blessure. Antigame n'aurait pas pu envoyer une lettre à Lesbie et en recevoir la réponse en quelques minutes s'il avait quitté Paris.↑
- Il est évident aux p. 171-172 que le Luxembourg dont il s'agit n'est pas le pays du Luxembourg mais plutôt le Palais de Luxembourg dans l'actuel 6e arrondissement de Paris, construit entre 1615-1631 pour Marie de Médicis. Le duel ayant été interdit au début du XVIIe siècle, le palais sert d'asile à Antigame qui doit se cacher des autorités en attendant de savoir si Cléante mourra de sa blessure. Antigame n'aurait pas pu envoyer une lettre à Lesbie et en recevoir la réponse en quelques minutes s'il avait quitté Paris.↑
- Une pièce de monnaie d'or ou d'argent. Écu, Dictionnaire de l'Académie française en ligne (1762), The ARTFL Project, Department of Romance Languages and Literatures, University of Chicago, Internet, 24 août 2009.↑
- Male-peste :
Imprécation qui emporte une sorte d'étonnement. Malepeste que ce potage est chaud! Il est familier
. Malepeste, Dictionnaire de l'Académie française en ligne (1762), The ARTFL Project, Department of Romance Languages and Literatures, University of Chicago, Internet, 29 octobre 2009.↑
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