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Les Agréemens, Parties 5 et 6

LE
MARIAGE,
SES
AGRÉEMENS
ET
SES CHAGRINS.
DEDIÉ AUX FILLES.
Tome troisiéme & dernier.

Vignette fleurie. A PARIS,
AU PALAIS,
Chez MICHEL BRUNET, à l'entrée
de la Salle Neuve, au Mercure Galant.

Filet simple.
M. DC. XCIV.
Avec Privilege du Roy.
Bandeau, cupidon au centre.

AUX FILLES.

Lettrine, "M" blanc sur fond foncé, fleuri.

MESDEMOISELLES,

Aprés avoir dedié le premier tome des Agréemens & des Chagrins du Mariage aux Femmes, & le second aux Marys, je crois être obligé de vous offrir le troisieme, puis que vous pouvez comme eux contribuer aux plaisirs & aux peines du Mariage. Aussi-tôt qu'un homme approche de l'une de vous, dans la pensée du Sacrement, & de devenir son époux, elle commence à se démonter, & à se faire voir toute autre qu'elle n'est ; elle luy paroît douce, honnête, & ennemie des plaisirs, de la galanterie & de la vanité : la bonne duppe donne dans le paneau, se croit tres-heureux de pouvoir la posseder, & presse la conclusion. Est-elle devenuë son épouse ? elle reprend son naturel : ce mal-heureux commence à reconnoître sa faute ; il s'apperçoit bientôt au travers de la pudeur qu'elle affecte les premiers jours, & des artifices qu'elle jouë pour donner bonne opinion de sa vie passée, qu'elle a laissé usurper le plus souvent des droits & des privileges reservés aux seuls Marys ; qu'elle est imperieuse, emportée, aimant les plaisirs jusqu'à la debauche, presomptueuse, vaine, & ne trouvant point de liqueurs & de mets assez delicieux, d'étoffes & d'ajustemens assez beaux & assez riches pour contenter ses sens & sa vanité ; & voila ce qui bannit les agréemens du Mariage, pour y mettre en leur place les chagrins & les peines. Voulés-vous m'en croire, MESDEMOISELLES ? paroissés aux yeux de vos Amans au naturel, & sans déguisement : s'ils ne vous épousent pas, vous n'en seréz pas plus malheureuses, & s'ils vous épousent, à la bonne-heure ; ils vous auront veuës telles que vous êtes, ils ne pourront vous reprocher que vous les avés trompés ; & s'il y a des plaisirs à esperer dans le Mariage, vous en aurés la meilleure part, que je voudrois vous procurer, comme étant,
MESDEMOISELLES, Vôtre tres-obéïssant serviteur, J. D. D. C.
Bandeau.

Extrait du Privilege du Roy.

PAr Lettres de Privilege de sa Majesté, données à Versailles le 19. Juin 1960. Signées BOUCOT, & scellées du grand Sceau de cire jaune. Il est permis au Sieur J. D. D. C. de faire imprimer, vendre & debiter un Livre intitulé, Philogame & Antigame, ou les Agrémens & les Chagrins du Mariage : avec deffenses à tous Imprimeurs, Libraires, & autres personnes, d'imprimer, vendre ny debiter ledit Livre, & ce durant l'espace de six années, à compter du jour qu'il sera achevé d'imprimer, sur les peines y contenuës.
Registré sur le Livre des Libraires & Imprimeurs de Paris le 20 Octobre 1691. Signé, P. AVBOBYN, Syndic.
Les Exemplaires ont été fournis. Achevé d'imprimer le 26. Ianvier 1694.

Bandeau fleuri. PHILOGAME ET ANTIGAME, OU LES AGRÉEMENS ET LES CHAGRINS DU MARIAGE. Cinquiéme Partie.

Lettrine, "P" blanc sur fond décoratif. PHILOGAME sortant du logis de l'Abbé Sophin avec Antigame, luy 2 dit en s'arrêtant, que veut me faire entendre cet Abbé en me conseillant de m'en tenir au premier rapport, & de croire que la Lettre que j'ay interceptée est fausse, & n'est point de Fraudelise ? Quelle a été sa pensée, interrompit Antigame, quand il m'a dit que j'allasse chercher le brin d'olivier1 avec Lesbie, & que je le trouverois ? Aprés ce qu'ont dit les Experts peut-on croire, 3 reprit Philogame, que la Lettre soit de Fraudelise ? Aprés le Rubis trouvé dans mon cabinet, repartit Antigame, peut-on soupçonner que Lesbie l'ait donné à Cleante, & l'accuser d'infidelité ? que dites-vous du jugement de l'Abbé ? continua-t-il. J'en suis tres - mal satisfait, reprit Philogame, & il me sembloit d'entendre un catechiste. Dans le temps qu'ils s'entretenoient ainsi, le Cheva 4 lier qu'ils avoient veu le jour precedent chez la Marquise de Seliny, passant auprés d'eux, & leur voyant un air inquiet & chagrin les aborda, en leur disant qu'il les prendroit pour des Plaideurs qui venoient de perdre leur procés. Vous ne vous y trompez pas, repartit Antigame, nous venons d'être condamnez tous deux. Contre qui plaidiez vous ? dit le Chevalier : l'un contre l'autre, 5 reprit Antigame ; mais j'en appelle, continua‑t-il : & moy aussi, interrompit Philogame. Vous plaidiez l'un contre l'autre, reprit le Chevalier, & vous avez tous deux perdu vôtre procez ; voila qui est extraordinaire : J'ay bien oüi dire, continua-t-il, qu'il y avoit eu autrefois un President qui n'avoit pas de plus grand plaisir que de pouvoir condamner l'une & l'autre partie ; en seroit-il 6 de même de vos Juges ? Mais quelle étoit, ajoûta‑t-il, la matiere de vôtre procez, & dans quel Tribunal plaidiez-vous ? Il s'agissoit de sçavoir, repartit Antigame, s'il y a plus d'agréemens dans le Mariage que de chagrins, & nôtre Juge étoit l'Abbé Sophin. Vous vous ruïnerez en frais, interrompit le Chevalier en soûriant, si vous continuez à plaider ainsi : Mais où aviez vous pris ce 7 beau Juge ? la matiere n'est point de la competance d'un Abbé : A la bonne heure si c'étoit une question de l'Ecole, & de Philosophie. Quel Juge auriez-vous donc pris ? répondit Philogame : Des gens, repliqua le Chevalier, consommez dans les affaires du monde, qui sçavent tout ce qui se passe de plus particulier entre le mary & la femme, le pere & les enfans ; d'habiles Avocats 8 qui écoutent tous les jours leurs plaintes, & qui ne s'étudient qu'à leur donner de bons avis. Ensuite le Chevalier leur dit qu'il en devoit consulter ce jour là deux des plus celebres sur une affaire fâcheuse qu'on lui avoit faite ; que l'un étoit marié, & que l'autre ne l'étoit point ; qu'il leur donneroit à dîner aprés la consultation ; que s'ils vouloient être du repas ils luy feroient plaisir ; 9 qu'ils pouroient les prendre pour Juges, & qu'ils en étoient plus capables que l'Abbé Sophin & que tous autres, par les connoissances qu'ils avoient du monde, & de l'un & de l'autre état. Ils accepterent le party avec plaisir, & demanderent au Chevalier quelle étoit l'affaire qu'on luy avoit faite. Il leur apprit que le Baron de Lupane avoit formé une accusation d'adultere contre luy avec sa 10 femme. Voila, interrompit Philogame, où sont exposés les gens à bonne fortune ; nous vous servirons, continua-t-il, mais il faut, s'il vous plaît, que vous nous instruisiez de vôtre affaire, afin que nous puissions solliciter vos Juges. Le Chevalier luy repartit, que dans ses Caravanes il n'avoit point appris à parler procez ; que la Baronne de Lupane l'attendoit au Palais pour la consulta 11 tion qu'ils devoient faire, & que s'ils vouloient y venir ils auroient du plaisir de la connoître, & de l'entendre raisonner sur cette matiere. Ils l'y suivirent ; le Chevalier les presenta à la Baronne, luy dit qu'ils étoient ses meilleurs amys, qu'ils étoient parens, ou alliez des Officiers de Robbe dans les premieres Charges, qu'ils pouvoient leur rendre de tres-grands services, & qu'elle devoit 12 avoir une confiance entiere en leur probité. A ces dernieres paroles, il les quitta, & s'en alla avertir les Avocats pour la consultation.
Antigame dit mille choses obligeantes à la Baronne, la loüa sur son merite & sur sa beauté, & luy demanda quel étoit le sujet de son procez. La Baronne commença par luy dire qu'elle n'avoit pas encore seize ans lors qu'elle fut mariée 13 avec le Baron de Lupane, qu'il avoit alors plus de trente ans : j'ay comme vous voyez, dit elle avec un petit faucet, en ajustant ses coëffes2, & en resserrant ses lévres, la bouche petite, les yeux gros, le nez grand & bien tiré, le teint blanc, & l'air doux, enjoüé & touchant. Monsieur le Baron de Lupane au contraire, a la bouche grande, les yeux petits, le nez court & écrasé, le teint jaune, 14 & l'air chagrin & rude : Vous jugez bien, qu'avec tant de contrarietez nous ne pouvions pas bien vivre ensemble. Voicy bien d'autres sujets de haine & de division ; j'aime la Comedie, l'Opera, le jeu, la bonne chere, la dépense, & sur tout à changer souvent de bas de soye & de souliers, parce que j'ay la jambe bien faite, & le pied fait au tour ; & Monsieur le Chevalier m'a avoüé 15 vingt fois, qu'li n'en avoit jamais veu de semblables : Cependant de tout l'hyver Monsieur le Baron de Lupane ne m'a mené que quatre fois à la Comedie & à l'Opera ; nous n'avons donné à manger que trois fois ; j'ay manqué souvent d'argent, de sorte que je n'ay pû joüer aussi gros jeu que les autres femmes ; & ce qui est de plus cruel pour moy, c'est qu'il a fallu que j'aye porté 16 mes bas de soye & mes souliers des quinze jours entiers, pendant que ce malheureux mary employoit vilainement son argent à bâtir dans ses maisons & dans ses fermes, & à faire façonner ses terres. Elle finit en disant que sa vertu n'ayant pû tenir contre un procedé si malhonnête & si dur, elle s'en étoit plaint à Monsieur le Chevalier, par le conseil duquel elle avoit demandé en Justice 17 d'être separée de ce vilain & degoutant mary ; que luy de son côté l'avoit accusée d'adultere avec Monsieur le Chevalier, & avoit fait faire une grosse information contr'eux. Bon bon ! repartit Antigame on va chercher des temoins dans ces sortes de rencontres. Deux coquins, reprit la Baronne, ont déposé des faussetez qui nous embarassent ; sur quoy, elle dit qu'elle étoit venuë au 18 Palais pour prendre conseil. Elle se deffendit au commencement de luy dire ce qu'ils avoient deposé : Mais il la tourna de tant de côtez, & il luy fit tant de protestations d'amitié, & tant d'offres de services qu'elle ne put s'en deffendre. Ces deux témoins, dit-elle, déposent qu'un jour du Printems, ils m'ont veu promener avec Monsieur le Chevalier dans une allée du jardin de Ram- 19 boüillet ; qu'ils avoient remarqué que nous parlions tous deux avec beaucoup de chaleur & d'émotion ; & que curieux de sçavoir ce que nous disions, ils s'étoient approchez derriere nous, & avoient entendu que je luy disois, ha ! mon cœur, mon cher cœur, ha ! Monsieur le Chevalier, vous ne m'aimez gueres, vous n'aimez que vôtre plaisir, puisque vous voulez ainsi m'ex 20 poser. Vous voyez bien, continua la Baronne, la malice de ces deux temoins ; & ce qu'ils veulent faire penser de Monsieur le Chevalier, (luy qui est l'homme du monde le plus discret & le plus respectueux auprés des Dames.) Vous la decouvrirez mieux dans la suite de leur déposition. Ils disent qu'environ une heure aprés, comme ils marchoient pour sortir de Ramboüillet par une 21 porte derobée, passant auprés d'une touffe d'arbres, qui formoit un cabinet rustique fort épais, ils y avoient entendu ma voix sans qu'ils eussent pû me voir, ny avec qui j'étois, à cause de l'épaisseur & du nombre des petits arbres qui formoint ce cabinet, & que je disois, arrête-toy donc, donne-moi un peu de repos, quel baiseur, quel baiseur ! ne veux tu pas finir ? & qu'entendant du 22 bruit, de craint d'être surpris en écoutant, ils s'étoient retirez. Comme elle parloit ainsi, le Chevalier vint l'avertir que les Avocats l'attendoient ; ce qui fit qu'elle le suivit aprés avoir salué Antigame & Philogame, & aprés leur avoir promis de venir leur dire ce que porteroit la consultation.
Avec tout nôtre credit & nos sollicitations, dit Philogame à Antigame, 23 cette femme pouroit bien prendre le chemin des Madelonnettes, & le Chevalier celuy de Malthe ; car les voila tous deux engagez dans une tres-fâcheuse affaire. Ce que je viens d'entendre, reprit Antigame en souriant, me fait prendre la resolution de me marier pour avoir une semblable femme, & pour faire parler de moy dans le monde. En verité, continua-t-il, le Baron de 24 Lupane est bien déraisonnable d'avoir la bouche grande, les yeux petits, le nez court & écrasé, le teint jaune, & l'air chagrin & rude ; & d'avoir épousé une femme qui a la bouche petite, les yeux gros, le nez grand & bien tiré, le teint blanc & l'air doux, enjoüé, & touchant ; comment cet étourdi, ce malhonnête homme de mari pouvoit-il esperer de bien vivre avec cette 25 femme aprés de semblables contrarietez ? ce vilain mary qui employe son argent à faire bâtir dans ses maisons, & dans ses fermes, & à faire façonner ses terres, & au lieu de l'employer à faire changer souvent de bas de soye & de souliers à cette belle jambe, & à ce joly petit pied, dont Monsieur le Chevalier est charmé. Pendant tout ce discours, Philogame ne disoit mot, & lisoit atten 26 tivement une affiche qui étoit contre un pillier de la salle du Palais. Antigame eut curiosité de la lire ; c'étoit un Ecrivain qui avoit fait afficher qu'il étoit tres - habile dans le fait des écritures & des verifications : Voulez vous faire voir à cet Expert, dit Antigame à Philogame, la lettre que vous avez interceptée, & que vous avez cruë de la main de Fraudelise. Philogame luy témoigna 27 qu'il en avoit envie : ils y allerent, & malheureusement pour elle, c'étoit justement l'Ecrivain qui avoit imité sa lettre, & pour comble de disgraces, il laissa voir sans y penser, en cherchant dans son porte-feüille son verre optique, la coppie de la lettre de Fraudelise sur laquelle il avoit imité celle que Philogame avoit interceptée, & qu'elle luy avoit imprudemment laissée. Cet Ex 3 30 écrit à Philabel, & de vous faire revenir des impressions que vous aviez receuës d'elle. Voilà, poursuivit-il, cette fille sincere, & dans l'ame de laquelle brillent mille vertus, & mille qualités : cette fille que Philabel a aimée jusqu'à la folie, & qu'elle a chassé de son logis à cause de ses manieres libres, & de ses discours à double sens, qui faisoient rougir si souvent ce pauvre enfant : 31 cette fille qui ne pouvoit s'imaginer qu'il y eût des femmes capables de faire des infidelitez à leurs marys, & à qui la pudeur & la modestie ne permettoient pas de vous donner des marques de toute la tendresse & de tout l'amour qu'elle a pour vous. Ha ! que vous allez mener avec une semblable femme, poursuivit-il en raillant, une vie tranquille, heureuse, & éloignée de toute sorte d'in 32 fidelités, pendant que je passeray mal-heureusement la mienne avec Lesbie, c'est-à-dire avec une fille infidelle, sans foy, que je ne puis estimer par sa fidelité, & qui ne peut me faire goûter les veritables plaisirs de l'amour : mais seulement ceux de la debauche où les sens trouvent seuls du plaisir sans que l'ame y participe.
Non, non, interrompit brusquement Philo 33 game, il n'en sera jamais rien, & je n'épouseray de ma vie Fraudelise. JusteCiel ! reprit-il en soûpirant, qui n'auroit pas été trompé avec cet air modeste & reservé ; cette pudeur étudiée, cette feinte devotion, cette chambre tournée en forme de cellule de Religieuse, ces têtes de morts, ces Histoires des Anachoretes & des Peres du desert, & avec ces mépris & ces dégoûts affectés 34 du monde ? Vous verrez, repartit Antigame, qu'elle étoit alors broüilliée avec Philabel, & que ce n'étoit qu'un dépit amoureux qui la faisoit agir ainsi.
Cette conversation fut interrompuë par l'arrivée de la Baronne de Lupane, qui en les abordant en riant & avec beaucoup d'enjouëment, commença à crier, Victoire, Victoire ; j'ay gagné mon procés, ou peu s'en faut. Ha ! la belle chose, con 35 tinua-t-elle, que l'imagination d'un Avocat bien payé ! ha ! la jolie loi, ha la jolie loi que je viens d'apprendre ! elle veut qu'une femme qui a été accusée par son mary d'adultere, qui ne peut la convaincre, soit separée de luy, & qu'elle reprenne tout le bien qu'il en a receu : mon mary, reprit-elle, m'a accusée d'adultere, il luy est impossible de trouver des preuves. Ainsi me voilà 36 separée. Ha ! que je seray heureuse, s'ecria-t-elle ; je seray maîtresse de mes actions ; je ne feray que ce que je voudray, je ne recevray chez moy que les personnes qui me plairont ; & je seray delivrée de la veuë & de la presence de mon desagreable & bouru mary. Au moins Messieurs, reprit-elle, aprés avoir rêvé un moment, & d'un air modeste & serieux, ce n'étoit point avec Monsieur le Cheva 37 lier avec qui j'étois dans le cabinet rustique de Ramboüillet, lorsque les deux témoins m'entendirent parler ; j'étois avec mon petit chien qui me caressoit, qui me baisoit, & à qui, en joüant, je disois de me donner du repos ; suis-je la seule femme qui parle à son chien ? quel mal y-a-t-il, continua-t-elle en se radoucissant d'un air simple & innocent, de caresser ce petit animal qui est si 38 flateur & si doux : & est‑ce-là un sujet pour me faire mon procés ?
Antigame prenant la parole luy dit, Madame, de quelle espece est vôtre chien, est-ce un bichon, une levrette, un doguin, ou un épagneul ? Je ne crois pas, repartit-elle toute embarassée, que de quelque espece qu'il soit, cela fasse rien à mon procés ; & ensuite elle les quitta, & tourna ses pas du côté du Pillier des Consulta 39 tions ; ce qui fit qu'ils penserent, que ce qu'elle venoit de leur dire de son petit chien, étoit un Conseil des Avocats qu'elle venoit de consulter, à cause de ce qu'elle leur avoit dit que c'étoit une belle chose que l'imagination d'un Avocat bien payé, & ce qui fit qu'ils la suivirẽt. Ils la trouverent placée derriere l'un de ces Avocats, qui parloit alors à une fille qui se cachoit avec un grand 40 soin dans ses coëffes. Philogame observa attentivement cette fille ; il luy sembla que c'étoit Lesbie : il s'approcha d'Antigame pour l'en avertir, mais cette fille s'étant apperçûë de l'action de Philogame, quitta promptement cet Avocat, & s'étant mise dans la foule des gens qui étoient au Palais, disparut bientôt aux yeux de Philogame, qui n'avoit pû la faire voir que par 41 derriere, & de fort loin à Antigame, qui convint que cette fille avoit une taille à peu-prés semblable à celle de Lesbie, & étoit vétuë de même ; & qui soûtint au surplus que ce n'étoit point Lesbie, & qu'il l'avoit laissée tellement malade & dans un état si abattu & si voible, qu'il luy étoit impossible de pouvoir sortir de la chambre de long-temps.
Dans le temps de 42 Philogame & Antigame suivoient cette fille dans la foule du Palais, & raisonnoient ensemble sur son chapitre ; ils rencontrerent le Chevalier qui les cherchoit pour les mener dîner. Hé bien ! luy dit Antigame en souriant, de quelle espece de chiens est celuy qui baisoit Madame la Baronne dans le cabinet de verdure ? Male peste 4 soit des chiens & des Avocats, repartit le Che 43 valier ; je croiois de ne voir jamais finir : mais comme il se faisoit tard la conversation cessa, & le Chevalier conduisit Philogame & Antigame dans le lieu où il devoit leur donner à dîner ; un moment aprés les Avocats s'y trouverent, & le Chevalier y fit servir un grand repas. Philogame & Antigame étoient dans l'admiration de voir si bien manger ces deux Avo 44 cats : des Chasseurs ne devorent pas avec plus d'appetit. Le Chevalier se seroit fait un grand scrupule de les interrompre, & ne s'ocuppoit qu'à les servir ; comme il vit dans la suite qu'ils se rendoient, il fit apporter le fruict, & s'étant fait donner du vin, il voulut chanter une chanson à boire. Il ne s'agit point de chanter, dit Antigame, mais de juger, continua‑t-il, la contestation que 45 nous avons Philogame & moy : il faut, dit le plus ancien Avocat, passer un compromis, & y mettre une peine ; il n'est pas necessaire, reprit le Chevalier en riant : ces Messieurs sont honnêtes gens, ils s'en tiendront sûrement à vôtre jugement, & quand vous sçaurez de quoy il s'agit, vous en conviendrez.
L'état de la contestation, continua-t-il, est de sçavoir s'il est avantageux 46 à un homme de se marier : Philogame est pour le mariage, & Antigame soûtient le party contraire. Voilà, Messieurs, ce que vous avez à juger, dit le Chevalier en levant gravement son chapeau, & en saluant ces Avocats, de la même maniere qu'il avoit vû faire à celui qui avoit raporté son affaire dans la Chambre des Consultations.
Cette Question est traitée, dit le plus ancien 47 des Avocats, qui n'étoit point marié, dans Rabelais ; & sa décision est, que mariez-vous, ne vous mariez point, de l'un & de l'autre vous vous repentirez 5
Pour moy, continua‑t-il, j'ay voulu trop raisonner & trop rafiner sur le mariage ; c'est ce qui a fait que je ne me suis point marié : mais je ne suis pas à m'en repentir, & si j'étois dans l'âge competant je le ferois. 48 Quelle vie chagrine & mal-heureuse mene un homme avancé en age qui n'est point marié ? s'il a du penchant pour le Sexe, il est à tout moment exposé à ses infidelitez, & à ses trahisons, & nonobstant l'habilité de son Chirurgien, il portera jusqu'au tombeau les blessures qu'il en aura receuës ; il a toutes les plus mêchantes servantes de Paris qui ne pensent qu'à le voler, il est la 49 plûpart du temps seul & sans societé dans sa maison, ou environnné de flateurs interessez qui couchent en veuë sa succession, ou d'escrocs affamez qui ne le suivent que pour avoir de bons repas. Il n'a pas le plaisir & la consolation, en amassant du bien, de penser, comme font les peres de famille, qu'il le laissera à des enfans qu'il aime, & qui font une partie de lui-même ; mais 50 au contraire il a le chagrin & la douleur de voir que ce bien passera à des collateraux, qui murmurent tous les jours contre la longueur de sa vie, & qui commettent tres-souvent dans le fond de leurs cœurs des assassinats de sa personne. Dans sa grande vieillesse, il n'a point d'enfans pour le divertir, pour le con soler, & dans lesquels il puisse se flatter de revivre aprés sa mort : au 51 contraire ce sont des domestiques infideles qui ne pensent qu'à le voler impunément, ou à tirer de lui des dispositions en leur faveur ; des parens de divers côtez & lignes qui l'environnent, qui consultent à tout moment ses yeux & l'état où il est, avec une curiosité avare, & qui sur le premier avis qu'il ne peut en revenir, & qu'il a perdu connoissance, se saisissent de ses clefs, 52 commencent à contester par avance leurs pretendus droits dans la succession d'un homme vivant, & sont resolus, au cas que leurs interests ayent receu la moindre atteinte par quelque disposition, de dechirer sa vie & sa memoire dans les plus fameux Tribunaux : ce sont, Messieurs, ces considerations qui m'obligent à me declarer en faveur du mariage.
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Pour moy, dit le plus jeune Avocat, quoique j'aye tous les sujets du monde de me loüer de ma femme, de mes enfans & de mon mariage, je ne laisse pas d'être d'avis, qu'un homme qui veut vivre heureux ne doit point se marier. Oüi je pose en fait, continua-t-il en s'adressant à son confrere, qu'il y a des suites & des inconveniens plus fâcheux dans le mariage, que 54 ceux que vous venez de dire ; & que la condition d'un homme avancé en âge & qui n'est point marié, est beaucoup moins malheureuse que celle d'un homme âgé qui est marié : & je pretends vous le faire voir, dit-il, par l'experience & par les reflexions que je fais vous faire faire sur les affaires que nous avons euës ensemble.
Vous dites qu'un homme avancé en âge, qui 55 n'est point maré & qui aime les femmes, est exposé tous les jours à leurs infidelitez, à leurs trahisons & à des suites tresfâcheuses. Un homme qui a ces sortes d'inclinations & qui est marié, n'en est pas plus à couvert avec sa femme : ils ne sentent rien de doux & d'agreable l'un pour l'autre ; leurs longues frequentations, & la parfaite connoissance qu'ils ont de leurs defauts & 56 de leurs infirmitez, leur donnent à tous deux un si grand mépris & un si grand dégoût, qu'ils ne se souffrent que par bien - seance & par politique. La femme est-elle vieille ou laide ? elle est jalouse, inquiette, & incessamment occupée à épier les actions de son mary, à qui elle ne donne ni repos ni tréve, & à qui elle ôte la liberté de pouvoir entretenir une inclination raisonnable : si bien que s'il ne 57 peut se passer du sexe, il sera reduit à quelque malheureuse, chez qui l'interest seul tiendra lieu de merite, & avec laquelle sa santé sera tous les jours en peril ; enfin il aura peut-être même le chagrin de voir que sa femme par ressentiment ou par droit de represailles, se servira de quelque malheureux domestique, qu'elle comblera de bienfaits & de presens.
Jamais servante n'a 58 pillé son maître d'une maniere si avide & si outrée, que font les femmes de ce temps pour faire leur bource, pour entretenir leurs galans, ou pour fournin aux depenses excessives de leur jeu & de leurs habits magnifiques : Elles gagnent sur tout, sur la table, sur les habits, sur les provisions, sur les fournitures de la maison, sur les meubles, sur les fermiers, & sur les do 59 mestiques ; & si ce gain n'est pas suffisant, elles vendent tout ce qu'elles peuvent dans la maison à vil prix, & dans la suite elles l'achettent fort chérement aux depens du mary, sous pretexte de se mettre à la mode ; & voila ce qui ruïne la plûpart des maisons : Temoin le mauvais ménage de la femme d'un de nos Confreres ; il avoit du bien, il a beaucoup gagné au Palais, & 60 cependant il se trouve hors d'état de pouvoir substister commodément.
A l'égard de ce que vous dites, continua-t-il, qu'un homme qui n'est point marié est seul & sans societé dans sa maison, ou environné de parens & de flateurs qu couchent en veuë sa succession, ha ! quelle compagnie que celle d'une femme, quelle compagnie que celle des enfans ! une femme bouruë, in 61 quiette, d'un esprit contrariant, qui se plaint, qui gronde, qui crie à tout moment, qui n'a d'autre veuë dans tout ce qu'elle fait que l'interest & l'avarice, & qui ne medite que les moïens de tirer de l'argent de son mary. Quelle compagnie grand Dieu, que celle de vos enfans ! s'ils sont jeunes, & en petit nombre, les infirmitez & les maladies dont leur enfance est souvent atteinte, & 62 la crainte de les perdre & de ne pouvoir les élever à cause de vôtre vieillesse, ou à cause de la foiblesse de leur temperament, vous donnent mille ennuis & mille peines. Sont‑ils formez & en âge d'être établis dans le monde ? ce sont bien d'autres plus grandes inquietudes, & d'autres plus sensibles chagrins qui vous attendent. Il faut penser à les établir, dites-vous, vôtre fils aîné est un libertin & 63 un faineant, qui s'adonne au jeu & à la debauche ; il faut l'en tirer prompetement avec une charge & avec une femme, autrement il se perdra. Ce fils de famille vôtre voisin, qui est sans charge & sans femme, pendant que son pere étoit à la campagne, a vendu sa vaisselle d'argent, sa tapisserie & ses meubles les plus précieux ; cet autre a forcé le cofre fort de son pere, 64 & a enlevé tout son argent ; cet autre emprunte de tout part, & est à la veille de finir ses jours dans une prison, si son pere ne compose avec ses creanciers ; & cet autre ne frequente que des gens de mauvaise vie, & se broüille tous les jours avec la Justice. Vôtre fille aînée est coquette, vous dit-on ; elle aime la compagnie des hommes, elle en reçoit souvent des billets doux, elle y ré 65 pond ; l'on ne sçait le plus souvent où elle va ; on l'a vûë dans un carosse, dans un jardin, ou ailleurs, avec un avanturier qui la suit par tout : prenez-y garde, veillez-y ; il y a des exemples fâcheux dans les plus illustres familles. Combien un pauvre pere soufre-t-il dans cette occasion ? son cœur ne lui donne ni repos ni tréve sur le chapitre de ses enfans : Je dois, dit‑il, les établir avantageu 66 sement, sacrifier tout ce que j'ay de bien au monde pour cela, & m'exposer à mourir dans la necessité. Voicy un autre nouveau soin pour le choix des personnes avec qui il les placera. Il faut qu'elles ayent du bien, qu'elles soient de famille, & qu'elles soient sages : où les trouver ? Paris le plus souvent est trop petit, si on veut les examiner de bien prés. Cependant il faut le faire ; com 67 bien de maris ont mangé le bien de leurs femmes, & les ont reduites dans la derniere necessité ? & combien de femmes ont perdu leurs maris de reputation, & les ont fait passer dans le monde pour des ridicules & des originaux ? Mais si vôtre fortune est mediocre & ne peut seconder vôtre vanité & vôtre ambition, que faire, quel parti prendre ? laisserez-vous vieillir vos fils sans charges, 68 & vos filles sans marys ? Vous sçavez une voye pour les établir avantageusement : elle est à la verité mal-honnête, & vôtre honneur repugne à la suivre ; mais un si grand nombre de gens & des plus qualifiez de la robe, l'ont si bien frayée, que ce pere de famille s'y engage, & leve le masque comme ils ont fait : Il commence par employer toutes sortes d'artifices pour se faire passer 69 dans le monde pour un homme riche ; il emprunte de toutes parts, & interesse à cet effet les Notaires ; il achete ensuitte des charges à ses enfans, & les marie avec de grosses dotes, aux depens de ses creanciers. Voit-il son credit épuisé ? il ne leur paye plus leurs arrerages ; est-il à la veille d'en être poursuivi ? avec une feinte separation de biens d'avec sa femme, avec un decret fait à la 70 requête d'un creancier simulé sur ses biens, avec le bail judiciaire qu'il en prend sous le nom d'un tiers, avec de pretendus creanciers dont il fait renaître les anciennes dettes de sa famille aquitées, & avec mille autres chicanes il impose la loy à ses malheureux creanciers, qui sont contraints de luy relâcher sa vie durant, la jouissance de ses biens, sur la bonne foy d'un contrat frauduleux 71 qui leur en abandonne la proprieté. Cette conduite luy paroît malhonnête & blâmable ; son cœur en murmure de temps en temps, & luy en fait des reproches ; il travaille à s'en consoler ; il se flatte que l'honneur & la gloire des grandes charges dans lesquelles il a placé ses enfans, lavent sa honte & son infamie : il fait bien plus, il va chercher dans leurs cœurs de la consolation ; il s'y trouve 72 trompé, ce sont les premiers à insulter à sa douleur & à sa honte ; ils en parlent comme d'un dissipateur, & ne le ménagent qu'autant qu'ils en attendent quelque chose. Aprés toutes ces considerations ne vaut-il pas bien mieux, mon cher confrére, être seul, sans societé, & en repos, que d'avoir de semblables compagnies, & que d'être exposé à ces sortes de peines & de chagrins ? 73 Vous ressouvenez-vous, continua-t-il, de ce fils de famille qui nous avoit pris pour Juges des differens qu'il avoit avec son pere, & de l'emportement avec lequel il vint m'embrasser au Palais, aprés que son pere fut mort, en me disant, réjouïssance, réjouïssance il est mort, nous n'aurons plus de guerre ? Pour moy, continua cet Avocat en riant, je crûs qu'il parloit de la mort du 74 Prince d'Orange. Ne vous ressouvenez-vous pas aussi de l'ingenuité de cette femme qui en nous demandant ce qu'- elle avoit à faire pour la conservation de ses droits aprés la mort de son mary qui étoit alors dangereusement malade, nous dit les larmes aux yeux en nous quittant, qu'elle apprehendoit, tant elle étoit malheureuse, que nos avis luy fussent inutiles, & que son mary n'en 75 réchapât ? de cette autre qui ne pouvant joüir des revenus de son bien à cause que son mary étoit détenu prisonnier pour quelque crime dont il étoit accusé, nous avoüa franchement qu'elle aimeroit mieux que les Juges le fissent mourir tout d'un coup, que de tirer plus long-temps l'affaire en longueur ? & enfin de cette autre artificieuse separée en Justice de son mary, qui se voyant 76 grosse, pour se mettre à couvert des suites fâcheuses de sa prostitution, suscita à son mary une calomnie tres-noire, & le fit mettre dans une prison d'où elle ne le laissa sortir que lorsqu'elle fut accouchée ? Aprés cela, finit le jeune Avocat, avoüez mon cher confrere, bõne foy du Palais, que les femmes & les enfans sont la plûpart d'un tres‑méchant naturel, donnent mille fois plus de 77 chagrins & de peines que de plaisirs, & que c'est prendre le mauvais party pour vivre heureux que de se marier. Toutes les femmes & tous les enfans n'ont pas le cœur si dénaturé que vous dites, répondit l'ancien Avocat ; & suposé que cela fût, les raisons de bienseance, d'honneur & d'interest qui les engagent, & qui les lient avec leurs maris & leurs peres, sont 78 bien plus pressantes & les retiennent plus fortement dans leur devoir, que celles d'une simple amitié, & d'une passion amoureuse : Chez les gens mariez & dans les familles, l'honneur de l'un fait l'honneur de l'autre ; leurs interests sont si unis & si communs, que c'est à peu prés la même chose, & qu'il nest pas même en leur pouvoir d'y renoncer : à la difference 79 des engagemens d'une simple amitié & d'une passion amoureuse dans lesquels aussitôt que l'un se dégoûte, il a la liberté de se dégager de l'autre, de rompre les liens qui le retiennent, & de se pourvoir ailleurs selon son panchant & son inclination volage, sans que l'autre soit en droit de le retenir ; ce qui fait que ces sortes d'attachemens sont passagers & durent tres-peu de temps. 80 Par Exemple, cette jolie fille qui nous est venu consulter sur la promesse de mariage que son amant luy a faite ; qui ne voit pas qu'à present elle en est dégoûtée, qu'il y en a un nouveau sur les rangs qui luy plaît davantage, & que son intention n'est autre que de tirer une somme considerable de ce premier, pour épouser le nouveau venu ? Si cette fille avoit été mariée avec son pre 81 mier amant, reprit-il, elle n'auroit jamais conçu la pensée de le quitter pour un autre ; elle l'auroit éloignée, & se seroit uniquement attachée à son mary sans aucune diversion, & sans penser à le vouloir changer. Elle est revenuë vous parler, repartit le jeune Avocat, aprés nous avoir quitté ; que vous a-t-elle dit, & quel conseil luy avez-vous donné ? De se retirer, repli 82 qua l'ancien, dans une maison religieuse, & de citer son amant à l'Officialité6, pour l'execution de sa promesse de mariage. Je luy ay fait concevoir que s'il étoit vray, comme elle me disoit, que son amant refusât de l'épouser, l'Official declareroit la promesse de mariage nulle, & renvoiroit les parties pardevant le Juge seculier pour la condamnation des dommages & interests, 83 qui iroient à une somme tres - considerable contre l'amant. Lorsqu'il a signé la promesse de mariage, repliqua le jeune Avocat, il étoit mineur ; ainsi la condamnation sera modique. Oüi interrompit l'ancien, si cet homme n'avoit point été émancipé & maître de ses droits par le mariage d'une premier femme ; si la fille n'avoit pas été dans une grande jeunesse lors du pretendu rapt de 84 seduction, si elle n'étoit point d'une qualité distinguée & du moins égale à la sienne, si l'homme dans les commencemens ne l'avoit pas veuë dans la pensée du mariage, & enfin si dans sa majorité il n'avoit pas aprouvé par diverses lettres qu'il luy a écrites la promesse de mariage. Pour moy, finit l'ancien avocat, ma pensée est qu'à peine le bien de l'homme pourra suffire 85 pour payer les dommages & interests ; & c'est nôtre dernier Jurisprudence, de condamner les hommes à des sommes si considerables qu'ils soient obligez d'épouser les filles.
Philogame se resouvenant d'avoir vû une fille de taille de Lesbie, vestuë comme elle, & de son air, parler à cet ancien avocat, & de l'avoir veuë se sauver dans la foulle du Palais, lors 86 qu'il avoit commencé à l'observer, ne douta point que cette fille dont parloient ces Avocats ne fût Lesbie. Il regardoit de moment en moment Antigame, pour luy faire entendre sa pensée ; ce qui les jettoit tous deux dans des inquietudes & dans des chagrins qui se decouvroient aisément sur leurs visages. Le Chevalier s'en étant aperceu le premier, & ne pouvant en penetrer la 87 cause, voulut finir la conversation, & les renvoyer en liberté chez eux ; & pour cet effet il pria ces deux Avocats de juger leur contestation. Ils luy representerent, qu'ils ne le pouvoient pas faire ; qu'ils étoient partagez, & que dans ces sortes de rencontres, l'ordre étoit de nommer un tiers par l'avis duquel ils passoient. Le Chevalier s'impatientant de retenir plus long‑temps Philogame & An 88 tigame en l'état où ils étoient, pria ces Avocats d'en convenir promptement, & sur tout que ce ne fût point de quelque vieux radoteur, qui à cause de sa grande vieillesse pût avoir oublié les plaisirs & les chagrins qu'il avoit eus dans le mariage. Ces Avocats le luy promirent. Il n'y a rien de si plaisant que les difficultez qu'ils firent là-dessus, les moiens bizarres de recusation qu'ils al 89 leguerent, & qui n'auroient pas été pardonnables ailleurs qu'à la table. L'ancien commenca par proposer Monsieur A * *. ou M. B. * *. Monsieur A * *. dit le jeune, n'est qu'un novice dans le mariage & dans le Palais ; & pour Monsieur B * *. Il ne connoît que ses livres & son cabinet, & les femmes sont des terres inconnuës pour luy. Le jeune à son tour nomma Monsieur C * *. ou 90 Monsieur D * *. La femme du premier, dit l'ancien le chagrine & le desespere avec ses controverses & ses opiniastrez ; & celle du second avec son gros jeu & sa dépense, ce qui peut les avoir prevenus contre le mariage. Le jeune proposa ensuite Messieurs F * *. G * *. H * *. qui furent également suspects à l'ancien, parce que la femme de l'un est dégoutante & 91 laide à faire peur ; la femme du second est folle à lier ; & celle du dernier est une bigote qui le fait mourir de faim & toute sa maison. Messieurs L * * *. M * * *. R * * *. S * * *. furent aussi recusés par l'ancien à cause de leurs femmes ; parce que celle de Monsieur L * *. le desole avec sa méchante humeur & son avarice ; celle de Monsieur M * *. avec sa coquetterie & sa vanité ; celle de 92 R * *. à cause qu'elle ne luy a rien apporté en mariage & qu'il n'a point été payé de sa dot ; & celle de Monsieur S * *. parce qu'elle se pique d'être belle, bien faite & spirituelle, & le méprise par sa petite taille, sa mine basse & son air pedant. Enfin l'ancien presenta Monsieur P * * *. qu'il disoit que son confrere devoit accepter, puisque n'étant point marié, il y avoit bien des presomp 93 tions qu'il étoit contre le mariage ; Le jeune le recusa en disant que s'il ne l'étoit point, ce n'étoit pas à cause qu'il n'aimoit pas le mariage ; mais parce que son avarice & son libertinage l'avoient tellement décrié dans le monde, qu'il n'y avoit pû trouver de femme. Pour conclusion, l'on ne peut imaginer des moyens plus singuliers & plus extravagans, que ceux que dirent ces deux 94 Avocats, pour convenir d'un tiers ; ils passerent en reveuë tous les Avocats : & comme le Chevalier les pressoit fort de finir, ils en nommerent enfin un qui avoit été marié, & qui étoit alors veuf, en disant qu'il étoit fort habile, de bon sens qu'il avoit gouté de l'un & de l'autre état, & qu'il pouvoit en parter un jugement plus solide que tout autre ; & ils prirent une heure de la 95 même journée pour se faire regler. Le Chevalier se chargea de retirer le jugement, & de le remettre à Philogame & à Antigame : Ensuite ces Avocats se retirerent dans leurs cabinets ; le Chevalier alla chercher la Barone de Lupane pour travailler à leur affaire ; & Philogame s'en alla dans son logis & y conduisit avec luy Antigame pour y raisonner ensemble sur tout ce qu'ils venoient 96 d'apprendre, & pour y resoudre ce qu'ils avoient à faire.
Cul de lampe, tête ailée couronnée de fleurs. 97 Bandeau.

PHILOGAME ET ANTIGAME. OU LES AGRÉEMENS ET LES CHAGRINS DU MARIAGE. Sixiéme & derniere Partie.

Lettrine, "P" en blanc sur fond fleuri. PHILOGAME ne fut pas si-tôt arrivé dans son logis avec Antigame, qu'ils 98 s'enfermerent pour parler avec plus de liberté de Fraudelise & de Lesbie, & pour y prendre ensemble les resolutions qu'ils avoient à executer sur leur chapitre.
Il faut avoüer, dit Philogame en soûpirant, que nous sommes bien malheureux d'avoir eû à faire à des cœurs si ingrats & si infideles. Tout beau ! tout beau ! repartit Antigame, ne condamnez point si legere 99 ment Lesbie : il se peut faire qu'une jolie fille, de la taille de Lesbie, & vétuë de la même maniere, ait demandé avis à ces deux Avocats comment elle devoit se prendre pour faire executer à un homme une promesse de mariage qu'il luy a faite, sans qu'il s'ensuive que ce soit Lesbie. Combien ya-t-il de filles à Paris, qui en sont reduites-là ? Ce ne suffit pas pour condamner Lesbie ; il faut 100 quelque chose de plus fort & de plus convincant. Vous vous flatez, repartit Philogame ; c'est surement de Lesbie & de vous dont ces deux Avocats ont voulu parler : Avez-vous pris garde, continua-t-il, à ce que l'un a dit, que l'homme avoit été marié, que sa femme étoit morte, qu'il étoit Maître de ses droits, que la fille étoit dans une grande jeunesse, d'une qualité égale à la sienne, 101 que l'homme étoit à présent majeur, &qu'il avoit approuvé par diverses Lettres la promesse de mariage. Joignez & rassemblez toutes ces circonstances ensemble, & vous verrez, mon cher Antigame, que ce ne peut être d'autre que de vous & de Lesbie dont ces deux Avocats ont voulu parler. Que répondez-vous, repartit Antigame, à ce que j'ay laissé ce matin Lesbie 102 dans son lit avec une grosse fiévre & dangereusement malade ? d'où auroit pû venir une guerison si prompte, & si impreveuë ? Lesbie ne sort jamais de mon logis, elle ne voit personne, & n'a de commerce avec qui que ce soit ; comment auroit elle pû prendre des mesures avec un homme pour l'épouser ? Non ! vous dis-je, continua-t-il, ces Avocats ont voulu surement parler de 103 quelqu'autre. Je le souhaite, repartit Philogame avec un air serieux ; mais j'apprehende fort le contraire : Que cet homme ne soit ce Cleante que nous avons rencontré dans ce Cabaret ; que la fille qui devoit lui donner les deux mille loüis ne soit Lesbie ; & qu'aprés avoir appris que vous aviez decouvert ses intentions, elle n'ait retiré le rubis qu'elle lui avoit donné, pour vous 104 le faire trouver dans vôtre cabinet. Ha ! que vous connoissez mal Lesbie. Ha ! que vous connoissez mal les sentimens qu'elle a pour moi, interrompit brusquement Antigame, & avec un ton d'aigreur, quand vous la croïez capable de tous ces artifices & de toutes ces infidelitez. J'ai eû aussi bonne opinion de Fraudelise, reprit Philogame, que vous pouvez l'avoir de Lesbie : 105 vous voyez comment j'y ay été trompé ; prenez garde à vous, & que vous n'ayez la même destinée que moi. A quoi vous determinez vous, repartit Antigame, sur le chapitre de Fraudelise, voulez vous encore l'épouser ? Dieu m'en garde, repliqua Philogame ? quoi passer ma vie avec cette infidelle, avec cette artificieuse qui m'a traité si indignement ! plûtôt la mort mille fois : 106 quelle douceur, continua-t-il, quel repos, quelle confiance pourrois-je avoir avec une semblable femme, aprés un tel procedé ? Vous avez raison, repartit Antigame, quelque prévention avantageuse que nous puissions avoir en faveur d'une fille en l'épousant, elle nous en fait tant voir dans le suite du mariage, qu'il faut en revenir. Vous jugez bien, continua-t-il, que le retour 107 seroit plus prompt & plus fâcheux, si avant que de l'épouser nous l'avions convaincuë d'infidelité, & de perfidie. De quelle maniere, reprit-il, pretendez vous rompre avec elle ? Si vous l'aimez, croyez-moi, elle vous fera revenir à elle, & vous trompera avec tant d'adresse qu'elle regagnera vôtre estime, & vôtre tendresse, tant il est aisé de nous persuader ce que nous souhaitons. Philo 108 game dit à Antigame, qu'il ne pretendoit point s'exposer à un semblable peril, qu'il étoit resolu de ne voir de sa vie Fraudelise, & qu'il alloit sur le champ, (en lui renvoyant la copie de la Lettre qu'elle avoit écrite à Philabel & qu'elle avoit oubliée chez le Maître Ecrivain7) lui écrire une Lettre d'une stile si fort & si irrité, qu'elle perdroit toute sorte d'esperance de pouvoir jamais 109 se racommoder avec lui ; & ensuite prenant du papier & une plume il luy écrivit en ces termes.

PHILOGAME A FRAUDELISE.

LIsez, ingrate, lisez cette copie où sont tracez les caracteres de la plus noire des infidelitez dont vôtre sexe soit capable ; quelque fecond que soit vôtre esprit en artifi 110 ces, il ne peut vous défendre dans cette occasion, m'empêcher de rompre pour jamais les nœuds qui nous lioient ensemble, ny de renoncer à toute la tendresse que j'ay euë pour vous. Vivez heureuse avec Philabel ; vos cœurs sont d'une même trempe : pour moy qui en ay un d'une autre delicatesse que les vôtres, je vous quitte pour toûjours. Je sçay bien que je n'y survivray pas ; mais que m'importe de 111 conserver une vie que je ne puis jamais passer avec vous, & que vous m'avez renduë odieuse par vôtre ingratitude, & par vos trahisons ?
Philogame cacheta cette Lettre aprés avoir mis dedans la copie que Fraudelise avoit oubliée chez le Maître Ecrivain8 ; & la lui envoya porter par son laquais avec ordre de la lui remettre en main propre. Elle n'eût 112 pas si-tôt lû cette Lettre qu'elle s'évanouït, & resta immobile dans les bras de sa Gouvernante qui étoit auprés d'elle. Ce laquais vint le rapporter à son Maître, qui le querella de ce qu'il n'étoit pas resté auprés d'elle pour lui rendre ses services : Il vouloit le renvoyer sur ses pas pour aller en apprendre des nouvelles, lors qu'Antigame lui dit, qu'il voyoit bien qu'il n'étoit pas encore 113 gueri de la passion qu'il avoit pour Fraudelise, puisqu'il s'interessoit si fortement dans sa santé ; qu'il devoit oublier cette perfide, & ne penser à elle que pour exciter dans son cœur des mouvemens de mépris & d'indignation contre sa conduite ; & que si Lesbie lui en avoit autant fait, il ne penseroit à elle que pour la haïr & pour detester son ressouvenir.
Dans le temps qu'An 114 tigame parloit ainsi, son laquais vint lui dire que Lesbie étoit sortie de son logis, & s'étoit retirée dans un Couvent, où elle avoit fait porter tout ce qu'elle avoit chez lui, & que peu de temps aprés un homme, figure d'Huissier, lui avoit apporté un papier qu'il remit dans le même moment à Antigame : il le lut, & vit que c'étoit une citation que Lesbie lui faisoit donner à l'Offi 115 cialité9 pour l'éxecution de la Promesse de mariage qu'il lui avoit faite. Le laquais retiré, Philogame dit à Antigame qu'il avoit eû raison lors qu'il lui avoit soûtenu que c'étoit Lesbie qu'il avoit vûë au Palais, & que c'étoit d'elle & de lui que ces deux Avocats avoient voulu parler. Vous allez donc, continua-t-il, haïr Lesbie, & detester son ressouvenir ? Ha ! que je suis malheureux, s'écria 116 Antigame ; ha ! que je suis à plaindre : Non Cleante, reprit-il, tu n'épouseras pas Lesbie, non tu ne l'épouseras pas. Il n'y a cependant, interrompit Philogame, qu'un seul moyen pour l'en empêcher, que je suis bien seur que vous ne suivrez pas, qui est de l'épouser vous - même ; Que sçai-je, repartit Antigame, ce que je feray en l'état où je suis, pouray-je voir, continua‑ 117 t-il, des Avocats se joüer dans une fameuse Audience de l'amour que j'ay eû pour Lesbie ? pourai-je soûtenir avec assurance la lecture de la Promesse de mariage que je luy ay faite, & des Lettres que je luy ay écrites, & les plaisirs que le public se donnera sur mon chapitre ? Enfin pourai-je voir Cleante maître absolu de la personne & du cœur de Lesbie, la posseder toute entiere, & 118 mener avec elle une vie douce & commode à mes depens, puisqu'il est vray, comme a dit cet Avocat, & comme je n'en doute point, que les dommages & interests absorboient la meilleure partie de mon bien ? ainsi donc, vous voyez, mon cher Philogame, continua Antigame, que le meilleur party que je puisse suivre dans cette fâcheuse conjoncture est d'épouser Lesbie. Hé quel chan 119 gement, quel surprenant changement ! s'écria Philogame, vous cet homme si delicat sur le point de l'honneur, cet ennemy declaré du mariage, qui déclamiez si fortement contre les femmes, contre leurs artifices & leurs infidelitez ; vous qui ne pouviez concevoir qu'un homme de bon sens pût se marier ; vous qui avez refusé d'épouser Lesbie dans le temps qu'elle vous en 120 prioit les larmes aux yeux, & que vous la croyiez fidelle ; vous même vous pouvez vous resoudre d'épouser cette même Lesbie, aujourd'huy que vous apprenez qu'elle vous fait une infidelité, qu'elle est sortie de vôtre logis sans vôtre aveu, & qu'elle vous a fait un procez pour tirer de l'argent de vous, afin de le donner à un autre pour l'épouser ; quel fondement pouvez vous faire à l'avenir 121 sur sa fidelité, & qui vous assurera qu'étant vôtre femme elle vous sera plus fidele, & sera insensible à la passion de celui qu'elle a choisi pour son époux ? Que sont-ils devenus, continua-t-il, ces sentimens si delicats & si fiers sur cette matiere, & d'où vient qu'ils sont si-tôt changez ? Si j'épouse Lesbie, repartit Antigame, je ne dois rien craindre de sa vertu, & de sa fidelité ; elle aime trop son 122 devoir, & je ne suis persuadé que ce ne sont que les remors de sa conscience qui l'ont engagée à me faire un procés, à me quitter, & à épouser Cleãte. Il faut se faire justice, continua-t-il ; je n'ay rien obtenu de Lesbie que sur la bonne foy de la Promesse de mariage que je luy ay donnée, & de mes sermens mille fois reïterés de l'épouser. Oüy je l'ay vû souvent à mes pieds les larmes aux yeux, 123 me demander ou de l'épouser, ou la liberté de se renfermer dans un Convent pour y passer le reste de sa vie, en me disant qu'elle ne pouvoit plus tenir contre les bourelemens de son honneur & de sa conscience.
Antigame dit ensuite à Philogame, que la repugnance & l'antipathie qu'il avoit euë contre le mariage, l'avoient rendu insensible aux prieres de Lesbie & l'avoient empê 124 ché de l'epouser, & qu'il ne doutoit point que ce ne fût ce qui l'avoit rebutée de luy, & qui luy avoit fait prendre le party de le poursuivre en Justice pour l'execution de sa Promesse de mariage : & aprés luy avoir dit quantité d'autres raisons pour luy faire approuver son mariage avec Lesbie, il le quitta & alla dans son logis où il écrivit à Lesbie une Lettre conçeuë en ces termes.
125

ANTIGAME A LESBIE.

IL n'est pas besoin, aimable Lesbie, de la Sentence de l'Official10, pour m'obliger à vous épouser ; l'amour qui est un Juge plus puissant sur moy me l'a ordonné dés que j'ay commencé à vous connoître ; je ne refuseray jamais d'executer son Jugement, puisqu'il me ren 126 dra le plus heureux de tous les hommes.
Antigame envoya porter cette Lettre à Lesbie, dans le Convent où elle s'étoit retirée, par un laquais qui luy raporta qu'il l'avoit trouvée avec Cleante.
Ce raport donna de la jalousie & du chagrin à Antigame. Il ne pouvoit concevoir de quelle maniere Lesbie qui ne voïoit personne & qui ne sor 127 toit jamais de son logis avoit pû connoître Cleante, & avoit pû entretenir avec lui un cõmerce qui étoit allé si avant : & s'il avoit suivi son premier mouvement il auroit été en tirer l'éclaircissement de la bouche de Cleante. Il ne fut pas long-temps dans cette inquietude ; car Cleante qui avoit vû la Lettre qu'Antigame avoit écrite à Lesbie, par laquelle il luy témoignoit qu'il vouloit l'épouser, 128 vint trouver Antigame, & debuta en luy disant : qu'il connoissoit & qu'il aimoit Lesbie long-temps avant luy, & que sans une maladie qui luy étoit survenuë à Roüen, elle seroit à present sa femme. Il luy fit connoître qu'il avoit bien veu par la Lettre qu'il avoit écrite à Lesbie, qu'il alloit l'épouser & la luy ravir ; qu'il ne pouroit survivre à une semblable perte ; qu'il vouloit se batre contre 129 luy, & qu'il luy donnoit le choix du lieu du combat, de l'heure, & des armes. Antigame luy témoigna qu'il n'accaptoit point d'appel ; qu'il sçavoit les deffenses severes sur les duels : & neanmoins il luy fit entendre que ce même jour il devoit aller à certaine heure à la ruë de Tournon. Cleante comprit bien que la grosse fortune d'Antigame l'empêchoit d'accepter un appel qui pour 130 roit avoir des suites fâcheuses, & que son intention étoit qu'il l'attaquât au lieu qu'il luy avoit marqué ; ce qui fit qu'il s'y rendit à la même heure : En l'y voyant arriver, il alla au-devant de luy l'épée à la main. Antigame le pria de se retirer, & aprés quelques eptites façons pour se sauver des formes, ils se battirent tous deux avec beaucoup de courage & de vigueur. Cleãte s11 sen 131 tant blessé & voyant couler son sang, fît une passe sur Antigame, le desarma, & luy tenant la pointe de son épée contre le cœur, luy rendit la sienne en luy disant : va, je te donne la vie que tu m'as ôtée ; mais souviens-toy que c'est à condition que tu ne la passeras point avec Lesbie, & que tu ne l'épouseras pas. Les forces diminuãt à Cleante, Antigame le conduisit chez un Chirurgien, 132 où il s'évanouït au premier appareil, ce qui fit beaucoup apprehender de sa blessure : Ensuite Antigame aprés y avoir donné les ordres necessaires pour le faire bien traiter, se retira dans le Luxembourg12, de crainte d'être arresté par les Officiers de Justice. Peu de temps aprés, Cleante étant revenu de son évanouissement, fît une declaration par laquelle il reconnoissoit qu'il avoit 133 attaqué Antigame, & qu'il ne vouloit pas que l'on fît de poursuitte en Justice contre lui au cas qu'il vînt à mourir, & la lui envoya porter.
Cette derniere action de Cleante toucha plus sensiblement Antigame que toutes les autres : il le regardoit comme un homme à qui il avoit donné la mort, & qui non seulement avoit eu dans le même temps la generosité de lui donner 134 la vie, mais encore qui avoit prevenu les suittes fâcheuses que sa mort pouvoit lui attirer. D'un autre côté il le regardoit comme un rival barbare & cruel, qui ne lui avoit donné la vie que pour le faire soufrir davantage, & sous une condition honteuse & mille fois plus cruelle que la mort. Il ne pouvoit se soufrir luimême ; il se haïssoit, il se regardoit comme un lâche, perdu de reputation 135 dans le monde & dans l'esprit de Lesbie ; il se repentoit d'avoir receu la vie sous une semblable condition, & d'avoir sacrificé sa Maîtresse pour conserver la vie ; il vouloit se tuer ou aller rendre à Cleante la vie qu'il lui avoit donnée ; enfin il étoit agité de tant de troubles, qu'il est comme impossible de pouvoir bien les exprimer.
Pendant qu'Antigame étoit ainsi ocupé par tou 136 tes ces diverses avantures, & agité si cruellement, Philogame avoit les siennes qui ne lui donnoient gueres plus de repos. Il s'entretenoit seul dans sa chambre sur les artifices & les infidelitez qu'il pretendoit que Fraudelise lui avoit faites ; il la detestoit dans le fond de son cœur comme une ingrate, & cõme une perfide qu'il ne vouloit voir de sa vie ; & il se fortifioit dans cette resolu 137 tion, lorsqu'un de ses amis & parent de Fraudelise, vint le trouver pour lui dire qu'elle étoit dans un état à donner de la compassion aux cœurs les plus insensibles & les plus durs ; qu'elle le demandoit de moment en moment, & qu'à moins d'avoir des sentimẽs sans humanité & barbares, il ne pouvoit se dispenser de la voir, & de l'écouter dans sa justification ; qu'il avoit vû la Lettre 138 qu'il lui avoit écrite, & la copie de celle qu'elle avoit écrite à Philabel ; que les presomptions à la verité étoient tres - violentes contre Fraudelise, mais qu'il devoit l'entendre & que l'on ne refusoit pas même aux accusez des plus grands crimes, de les entendre dans leur justification ; que Fraudelise pretendoit lui faire voir son innocence plus claire que le jour, & qu'en l'état où elle é 139 toit, & dans le peril où sa profonde douleur avoit reduit sa vie, il ne pouvoit retarder un moment à la voir, à moins que de se rendre complice de sa mort, & de vouloir passer pour le plus dur de tous les hommes.
Quelque resolution que Philogame eût prise de ne voir de sa vie Fraudelise, il ne put resister aux prieres de son amy, & à l'état où elle étoit & aux mouvemens de son 140 cœur. Il la trouva dans une fiévre tres-violente. Tout le monde s'étant retiré & Fraudelise se voïant seule avec Philogame lui parla ainsi.
Vous me traitez avec des noms d'ingrate & d'infidele ; cependant Philogame, jamais fille au monde n'a jamais merité ces noms injurieux. Ces reproches dans la bouche d'une fille que Philogame croïoit coupable & convaincuë de la plus 141 noire de toutes les perfidies, lui donnerent un chagrin qu'il ne pût dissimuler. Fraudelise s'en aperceut & continua à lui dire : Oüi, quelque prevention que vous puissiez avoir contre moy, & quelque dur que soit vôtre cœur, vous ne pouvez vous dispenser de m'écouter, puisque vous me faites mourir par vos injustices & par vos cruautez, & que je ne demande qu'à vous faire voir la 142 verité des choses, & comment elles se sont passées. Aprés quoy elle luy raconta la violente passion que Philabel lui avoit témoignée ; de la maniere qu'il avoit feint d'être tombé malade pour quelques rigueurs qu'il pretẽdoit qu'elle luy avoit faites ; avec combien d'artifices sa gouvernante lui avoit persuadé qu'il en mourroit, si elle ne le consoloit promptement par ses Lettres : Ensuite elle 143 lui avoüa de bonne foy qu'elle lui en avoit écrit plusieurs, dont le sens étoit qu'elle avoit une violente passion pour lui, une tres-grande envie de lui en donner des marques, & de tout faire plûtôt que de le voir plus long-temps malade ; que c'étoit sa gouvernante qui avoit composé les Lettres, & qu'elle ne les avoit écrites que parce qu'elle s'étoit imaginé sotement qu'il s'agissoit de 144 sauver la vie à un homme : enfin elle finit, en lui disant comment tout d'un coup la resolution de se faire Religieuse lui avoit prise ; comment elle avoit congedié Philabel, & le desespoir qu'il en avoit temoigné ; comment elle lui avoit promis, qu'au cas que sa resolution changeât, elle n'auroit d'autre époux que lui ; & comment Philabel sachant leur mariage, lui avoit écrit une 145 Lettre pleine de colere & de menaces, qu'elle remit à Philogame, & qui étoit conçûë en ces termes :

PHILABEL A FRAUDELISE.

L'On dit que vous allés vous marier avec Philogame ; souvenésvous de la parole que vous m'avés donnée d'être à moy si vous n'étiés point 146 Religieuse : n'y manqués pas je vous prie, autrement je ferai voir à Philogame les Lettre que vous m'avés écrites ; je les publierai dans le monde & je vous y perdrai entierement de reputation, ne me croïant pas obligé de garder le secret à une infidele qui m'auroit manqué la premiere.
La lecture de cette Lettre ne fit pas entierement changer de sen 147 timent à Philogame, & son chagrin continua à paroître sur son visage. Fraudelise s'en appercevant voulut continuer son discours ; mais ses larmes & ses soûpirs lui couperent pendant certain temps, la voix & la parole. Enfin, faisant un effort sur elle-même, elle lui dit tendrement : Regardez-moi du moins, écoutez-moi ; s'il n'y alloit que de mes interêts propres, je soufrirois plus 148 patiemment vos injustices, mais il y va de vôtre repos : ainsi écoutezmoi pour l'amour de vous-même, si vous ne le voulez faire pour moi & pour ma propre gloire ; & je suis persuadée qu'avec toutes les veritez que j'ai à vous dire, je vous ferai voir mon innocence. Hé, que ne le faites-vous ? interrompit Philogame, vous me rendriez la vie ; mais non, c'est trop me flatter & 149 vous ne le pouvez pas : Que répondez-vous, continua-t-il, à la Lettre que vous avez écrite à Philabel, & à la copie que vous avez fait imiter pour me surprendre & pour me tromper ? Helas, reprit Fraudelise, si c'est là où vous mettez tout mon crime, il est facile de me justifier. Ensuite elle lui dit, que la Lettre de Philabel & les menaces qui étoient dedans, l'avoient tellement 150 effraïée, que ne sçachant que faire, elle s'étoit adressée à sa gouvernante, qui luy avoit conseillé d'écrire à Philabel qu'elle n'aimoit que luy, qu'elle n'épousoit Philogame que pour obéïr aux ordres d'un pere qu'elle craignoit beaucoup : que sa gouvernante avoit composé la Lettre, qu'elle n'avoit fait que la copier, & que c'étoit cette même Lettre qu'il avoit intercep 151 tée dans ce Cabaret. Elle lui raconta comment Lesbie ayant apris d'un laquais d'Antigame, que cette Lettre étoit entre les mains de Philogame, & comment elle y étoit passée, étoit venu l'en avertir chez elle ; que dans ce même temps la veuve d'un Marchand Joüaillier s'y étoit trouvée, & luy avoit conseillé de faire imiter cette même Lettre par un Ecrivain qu'elle connois 152 soit, & de supposer la copie contrefaite en la place de sa veritable Lettre, afin de ne pouvoir être convaincuë de l'avoir écrite.
Pendant que Fraudelise parloit ainsi, sa gouvernante qui étoit dans un cabinet à côté de sa chambre, entendant tout ce qu'elle disoit à Philogame, vint se jetter à leurs pieds, confirma à Philogame tout ce que Fraudelise venoit de luy 153 dire sur son chapitre, leur en demanda pardon, les pria de ne la point perdre, & leur avoüa que son but n'avoit été que d'empêcher que Philogame n'épousât Fraudelise, & de faire en sorte que ce fût Philabel ; parce qu'il luy avoit promis, au cas qu'elle pût y réüssir, de luy faire épouser son Valet de chambre qu'elle aimoit, & de faire leur fortune.
Cette gouvernante 154 ayant cessé de parler, & s'étant retirée, Fraudelise demanda pardon à Philogame, & convint de bonne-foy qu'elle n'avoit pas eu raison de suivre les méchans conseils qu'on luy avoit donnés, & de luy avoir fait un semblable mystere. Elle le pria de se ressouvenir, que ce qu'elle en avoit fait, n'avoit été que pour se conserver son estime & son cœur ; & dit ces dernieres paroles d'une 155 maniere si sincere & si tendre, que Philogame en fut sensiblement touché.
Pour conclusion, la lecture que Philogame venoit de prendre de la Lettre de Philabel, l'ingenuité avec laquelle cette gouvernante luy avoit parlé, cette quantité de larmes dont Fraudelise étoit baignée, & toutes ces manieres naturelles & veritables, qui persuadent même les choses 156 qui ont le moins de vraisemblance, firent tant d'effet sur l'esprit de Philogame, qu'il fut convaincu de tout ce que Fraudelise venoit de luy dire : il s'en expliqua avec elle, il l'assura qu'il étoit entierement persuadé de son innocence & de sa fidelité, luy jura plusieurs fois qu'il ne l'avoit jamais tant aimée, luy demanda pardon de l'injustice qu'il luy avoit faite, & la pria pour un 157 témoignage assuré de ce qu'elle luy pardonnoit, de reprendre promptement sa premiere santé, afin de le rendre en l'épousant, le plus heureux de tous les hommes. Dans le temps que Philogame & Fraudelise s'entretenoient ainsi, le Medecin survint, qui défendit à la malade de parler, & qui obligea Philogame de se retirer chez luy.
Il est impossible de 158 pouvoir bien expliquer la diversité des pensées & des sentimens de Philogame pendant toute la nuit : il étoit dans des ravissemens de joïe & des plaisirs inconcevables, d'avoir trouvé Fraudelise innocente & fidele, & de se voir reconcilié avec elle; & dans des inquietudes & des chagrins tres-sensibles de l'injustice qu'il luy avoit faite, des maux qu'il luy avoit fait souffrir, de la 159 maladie qu'il luy avoit causée, & de l'incertitude de sa guerison.
Le lendemain matin Philogame envoya sçavoir l'état de la santé de Fraudelise ; on luy raporta qu'elle se portoit mieux ; & comme il avoit apris l'affaire qu'Antigame avoit euë avec Cleante, & qu'il s'étoit retiré dans le Luxembourg13, il alla le voir, & sceut jusqu'aux plus petites particularitez de ce qui 160 s'étoit passé. Antigame luy exagera son malheur, de ne pouvoir jamais épouser Lesbie, & le pria de voir de sa part Cleante, & de s'informer en quel état étoit sa santé. Philogame trouva Cleante sans fiévre, hors de danger, & dans d'autres sentimens que ceux qu'il avoit eûs la veille : il dit à Philogame, qu'il ne s'oposoit plus à ce qu'Antigame épousât Lesbie, si elle le 161 vouloit ; qu'il avoit pensé qu'il y auroit de la mal-honnêteté & de la dureté de sa part à contraindre les volontez de Lesbie, qu'il la rendroit maîtresse de choisir celuy qu'elle voudroit, & qu'il alloit luy écrire sur ce choix ; qu'Antigame en pouvoit faire autant, & que s'il arrivoit que Lesbie se declarât contre luy, sa resolution étoit prise de se mettre dans le service du Roy, & 162 d'aller y chercher une mort prompte & glorieuse.
Philogame raporta à Antigame ce qu'il avoit veu de la santé de Cleante, & ce qu'il luy avoit dit : Que je suis mal-heureux, & que je suis à plaindre avec une destinée aussi singuliere & aussi bizarre que la mienne ! J'ay été maître absolu du cœur & de la personne de Lesbie, j'ay 163 pû l'épouser, elle m'en a vingt fois prié les larmes aux yeux : cependant j'ay toûjours été insensible à ses prieres & à ses larmes ; & à present que j'aprens qu'elle me veut faire une infidelité, & qu'elle prefere Cleante à moy, je change de sentiment ; ma jalousie excite ma tendresse, & veut que je l'arrache des bras d'un Rival qu'elle aime, pour en faire me femme ; d'un 164 Rival que je dois estimer par sa generosité ; d'un Rival qui m'a donné la vie, dans un temps où il croyoit que je luy avois arraché la sienne ; & enfin d'un Rival, qui renonçant à tous les avantages qu'il a sur moy, remet les choses dans l'égalité, & veut s'en raporter à Lesbie pour disposer de nôtre fortune. Pourquoy, continua-t-il, serai-je moins genereux que luy, & pourquoy 165 luy disputerai-je un bien qu'il a gagné aux dépens de son sang, & auquel j'ay renoncé par ma lâcheté, & pour avoir eû trop d'attachement pour la vie. Mais comment pourray-je, belle Lesbie, reprit-il, vous abandonner à mon Rival, & me détacher pour jamais des prétentions que j'ay sur vôtre cœur & sur vôtre personne ? que ce cruel Rival reprenne plûtôt la vie qu'il m'a donnée, je 166 n'en veux point à ce prix-là. Philogame representa à Antigame, qu'il devoit être plus maître de luy-même, attendre le jugement de Lesbie sur le choix d'un époux, & luy en écrire comme Cleante ; que si elle se declaroit pour Cleante, elle seroit obligée de renoncer au procez qu'elle luy avoit fait, & de luy rendre sa promesse de mariage ; que l'avantage qu'il en tireroit seroit 167 considerable, puisqu'il n'auroit plus de procez, qu'il ne luy en coûteroit rien, qu'il ne perdroit qu'une fille qui en aimoit un autre que luy ; qu'il en seroit bien vangé dans la suite ; qu'elle tomberoit infailliblement en épousant Cleante, dans la necessité & dans la privation des biens necessaires pour substister dans le monde, & pour soûtenir les charges & dépenses du Mariage ; 168 qu'elle ne manqueroit point de devenir par là mal-heureuse, & d'avoir un repentir éternel de son méchant choix ; & que si au contraire elle le preferoit à Cleante, il auroit l'avantage de connoître qu'elle l'aimoit plus que luy, & pourroit justifier par là l'amour qu'il avoit pour elle & sa conduite en l'épousant. Antigame se rendit à ces raisons, & écrivit à Lesbie en ces termes :
169

ANTIGAME A LESBIE.

JE ne doute point que vous ne sçachiez tout ce qui s'est passé entre Cleante & moy, & que nous vous avons renduë maîtresse absoluë de nos destinées : si vous ne deviez regler votre choix que par le seul merite, j'aurois tous les sujets du monde d'aprehender ; mais 170 nos promesses & nos sermens reciproques, faits aux pieds des Autels, & les avances obligeantes que vous m'avez faites en cette consideration, me rassurent de cette crainte, & me font esperer, que puisque vous ne pouvez, sans choquer vôtre devoir, vôtre honneur, & vôtre religion, choisir un autre Epoux que moy, je dois me flater de ce choix.
171
Antigame fit voir cette Lettre à Philogame, & l'envoya porter par un Laquais à Lesbie, dans le Convent où elle s'étoit retirée, avec ordre d'en demander la réponse ; & en attendant, il demanda à Philogame, en quel état étoient les sentimens de son cœur, sur le chapitre de Fraudelise : Philogame luy repartit, qu'ils étoient tels, qu'il l'aimoit plus qu'il n'avoit jamais fait. 172 Antigame le pria de luy dire le sujet d'un changement si prompt & si impreveu : Philogame luy raconta tout ce qui s'étoit passé, & luy dit, qu'il n'attendoit que le retour de sa santé pour l'épouser.
Dans le temps que Philogame parloit ainsi, la réponse de Lesbie arriva. Antigame l'ouvrit, & trouvant dedans la Promesse de Mariage qu'il luy avoit donnée, 173 en fremit de crainte : Voicy les termes de cette réponse.

LESBIE A ANTIGAME.

MOn choix est tombé sur un autre que sur vous, & je n'étois destinée que pour luy ; il ne me demande pour dot que mon cœur : il a accordé à mon repentir & à mes larmes le pardon des in 174 fidelitez que vous me luy avez fait faire ; & pourveu qu'à l'avenir je luy sois plus fidele, il m'aimera toûjours également, que je sois laide, ou belle, vieille ou jeune, & rien ne le peut faire changer que le déreglement de mon cœur : vous voulez bien qu'avec tous ces avantages je vous le prefere, & qu'en rompant pour jamais les nœuds qui nous lioient ensemble, je vous ren 175 voye vôtre Promesse de Mariage, que je vous fasse porter les deux mil loüis d'or que vous m'avez donné à garder, & que je vous dise un éternel adieu.
Non, Philogame, s'écria Antigame aprés la lecture de cette Lettre, je ne suis pas à l'épreuve de ce dernier coup ; jamais desespoir au monde n'égala le mien, je n'y puis survivre, & j'en 176 mourray : Ha ! trop heureux Cleante, continua‑t-il, que ta destinée me fait d'envie ! pourquoy, cruel, me donner la vie, pour me la faire passer d'une maniere si malheureuse ? & pourquoy ne me l'arrachois-tu point ? tu n'es qu'un traître, qu'un bourreau, qui ne me l'as donnée que pour me faire souffrir davantage, & pour te vanger de moy : Reprens, barbare, reprens 177 tes funestes presens, je n'en veux point à ce prix-là. Philogame luy representa qu'il pouvoit bien se tromper ; qu'il se pouvoit faire que ce ne fût point Cleante que Lesbie eût choisi pour époux, & dont elle parloit dans sa Lettre ; car, disoit-il, quelle necessité à Lesbie voulant épouser Cleante, d'aller luy raporter les faveurs qu'elle vous a fiates, pour luy en demander par 178 don ? ne les auroit-elle pas plûtôt ensevelies dans un éternel oubly ? Qui luy peut répondre, continua-t-il, que Cleante l'aimera également, laide ou belle, vieille ou jeune ? n'a-t-elle pas assez d'esprit & assez d'experience dans le monde, pour sçavoir que cela ne peut pas être, qu'il n'y en a pas d'exemple, & qu'une chose si extraordinaire ne peut arriver en sa faveur ? il finit en 179 disant, qu'il faloit qu'il y eût quelque chose de mysterieux & de caché dans cette Lettre ; ce qui fit qu'Antigame le pria de voir Cleante là‑dessus, & d'en tirer adroitement la vérité.
Philogame trouva Cleante aussi desesperé qu'Antigame, à cause d'une Lettre qu'il avoit receuë de Lesbie, par laquelle elle luy mandoit, qu'elle avoit fait choix d'un autre époux 180 que de luy. Cleante s'étoit imaginé que le choix étoit tombé en faveur d'Antigame ; ce qui fit qu'il dit à Philogame, si Antigame n'étoit pas satisfait de luy avoir enlevé Lesbie ? s'il l'envoyoit encore pour insulter à sa disgrace & à son mal-heur. Philogame luy repartit, qu'Antigame n'étoit point l'époux que Lesbie avoit choisi ; qu'il étoit aussi mal-heureux & aussi à 181 plaindre que luy, & luy raporta ce que contenoit en partie la Lettre que Lesbie luy avoit écrite. Cleante fut extrêmement surpris de ce discours ; & comme il venoit pour découvrir quel pouvoit être cet époux, Philogame prit son temps pour luy demander à voir la Lettre que Lesbie luy avoit écrite, & luy dit, que peut-être il pourroit le reconnoître. Cleante la 182 luy remit ; elle étoit conceuë en ces termes :

LESBIE A CLEANTE.

IL est vray que vous étes le premier pour qui mon cœur a senti de l'amour ; mais les mal-heureux engagemens dans lesquels je suis entrée avec Antigame, m'ont renduë indigue d'être vôtre épouse ; & vous-même 183 revenant dans la suite de la passion que vous avez pour moy, vous me jugeriez telle, & vous ne me regarderiez qu'avec indignation & qu'avec mépris. Pour me mettre à couvert de ces fâcheux inconviens, j'ay trouvé à propos de choisir un autre époux, avec lequel je ne puisse rien craindre là-dessus : Ie l'ay trouvé, il ne me demande que mon cœur ; & ma fortune & ma felicité sont 184 certaines avec luy : ce sont ces sortes d'avantages qui m'engagent à vous quitter & à vous le preferer. Mais comme je suis cause que vous avez perdu le bien de vôtre Oncle, agréez que je vous fasse part de celuy qui me reste, & permettez-moy de vous l'envoyer ; apres quoy ne pretendez plus rien de moy qu'un éternel adieu.
Philogame ayant lû 185 cette Lettre, dit à Cleante, qu'il voyoit bien que l'époux que Lesbie avoit choisi, n'étoit ny luy ny Antigame, & dequel époux elle vouloit parler. Quel peut être, interrompit Cleante, cet heureux époux ? ne me flatez point, je vous en conjure, & me tirez de cette mal-heureuse incertitude. Philogame luy repartit, qu'il n'y avoit qu'à lire la Lettre de Lesbie, & en peser at 186 tentivement les termes, pour voir que son intention étoit de se faire Religieuse.
Il est impossible de pouvoir exprimer la diversité des mouvemens dont Cleante fut agité à ce discours. Vous m'avez donc condamné, dit-il, cruelle Lesbie, à ne vous voir de ma vie, dans le temps que je croïois de devenir vôtre époux, c'est à dire, le plus heureux de tous les 187 hommes. Pourquoy, infidele, me flatter de ce doux espoir, lorsque vous pretendiés m'abandonner pour toûjours ? gardés, gardés, s'écria‑t-il, vos funestes presens, je n'en veux point, & j'y renonce pour toûjours : Helas ! qu'ay-je besoin de bien, quand je ne pense qu'à finir une vie mille fois plus cruelle que la mort ? Cleante dit quantité d'autres choses fort tou 188 chantes. Philogame luy representa tout ce qu'il put pour le consoler : mais comme il vid que ses discours ne servoient qu'à aigrir sa douleur, il le laissa avec un de ses parens, qui vint dans ce même temps le voir, pour aller trouver Antigame, & luy rendre comte de tout ce qui s'étoit passé.
Antigame ne le vid pas si-tôt entrer dans sa chambre, qu'il courut 189 les yeux baignés de larmes & en soûpirant, l'embrasser en luy disant : Helas ! je n'ay que trop conçû le sens cruel de la Lettre de Lesbie, & quel est l'époux dont elle veut parler. Pouvez-vous encore douter à present, mon cher Philogame, de sa vertu, & n'avoir pas de l'estime pour elle ? Je ne la verray plus, continua‑t-il, je ne la verray plus ; elle est morte au monde ; 190 elle est morte pour moy. Non, non, s'écria-t-il, je n'en étois pas digne, & j'en mourray. Aprés cela il se tut ; & puis de moment en moment, repetant : elle est morte, je ne la verray plus, il revint aux soûpirs & aux larmes, comme s'il avoit entierement perdu la raison. Ensuite se remettant de ses emportemens, il se mit à raconter à Philogame avec quelle douceur & 191 avec quelle complaisance elle avoit toûjours vêcu avec lui ; de quelle maniere un jour fondant en larmes elle s'étoit jettée à ses pieds, & lui avoit demandé la liberté de se retirer dans un Convent, pour y psser le reste de sa vie ; & comment avec des suppositions & des artifices, il avoit éludé sa demande, & l'avoit trompée ; puis tout d'un coup transporté de fu 192 reur contre lui-même, il s'appella vingt fois perfide, scelerat, parjure ; se reprocha qu'il avoit perdu Lesbie par sa propre faute ; se fit cent reproches, se dit cent injures, & se menaça de se poignarder & s'arracher la vie.
Philogame aïant laissé passer ses premiers mouvemens, & le voïant plus tranquile, profita de cette occasion pour lui dire, que pendant 193 que sa douleur avoit eû des bornes, il y étoit entré, & y avoit compâti ; mais qu'il ne le plaindroit plus s'il s'abandonnoit ainsi au desespoir, & s'il n'étoit plus maître de lui‑même ; que sûrement il n'étoit pas si mal-heureux qu'il s'imaginoit ; que si Lesbie étoit restée dans le monde, il auroit fallu, ou qu'il l'eût épousée, ou soûtenir un procez qui lui auroit donné beaucoup de chagrin & de peine, qui l'auroit fait 194 timpaniser dans une Audience, & qui auroit entierement ruiné sa fortune ; qu'en l'épousant il se seroit engagé à des suites fâcheuses, puisqu'elle n'avoit pas de bien ; qu'il auroit été obligé à faire de grosses dépenses, tant pour soûtenir un ménage, que pour élever une famille ; & que ne recevant aucuns secours de la dot d'une femme, il auroit été incommodé & exposé à beaucoup de peines & de fatigues : que 195 dans la suite sa destinée auroit été égale à celle des autres marys ; que la tendresse & les empressemens qu'il avoit pour Lesbie, se seroient ralentis & éteints ; qu'alors il l'auroit veuë avec d'autres yeux que ceux d'un Amant, & qu'infailliblement il se seroit repenti d'avoir épousé une femme sans bien, au lieu d'une riche qu'il auroit pû trouver : qu'en l'état où il étoit, il ne connoissoit pas son bon-heur dans 196 toute son étenduë, qu'il avoit eu le plaisir de posseder entierement Lesbie, & sans partage ; qu'il ne la perdoit pas pour la voir passer dans les bras d'un Rival qu'elle luy preferoit, mais dans un Cloître, & dans des occupations de pieté & de devotion ; & que meritant par là son estime, il conserveroit toute sa vie son ressouvenir avec d'autant plus de constance, que ses sentimens n'étant remplis que d'honnêteté & 197 de vertu, & n'y entrant ni frequentation ni commerce des sens, il étoit à l'abri des dégoûts & des mépris qui suivent ces sortes d'attachemens, & que par là il pouroit se garantir de tous autres engagemens, qui ne pourroient jamais que lui être funestes & mal-heureux. Philogame dit ces paroles avec tant de fermeté & de vigueur, qu'elles firent une forte impression dans l'esprit & dans le cœur d'Anti 198 game, & qu'elles lui rendirent sa premiere raison.
Dans le même temps que Philogame parloit ainsi, le Chevalier qui sçavoit le combat d'Antigame & de Cleante, & qu'Antigame s'étoit retiré dans le Luxembourg14, vint le voir & lui faire offre de ses services. Philogame lui apprit que Cleante étoit hors de danger, & qu'il n'y avoit eû aucune procedure criminelle ; ce qui fit que le 199 Chevalier se mit à railler, & dit à Philogame, que son procez étoit jugé, qu'il l'avoit gagné, & que l'on avoit jugé en faveur du Mariage. Par quelle raison ? sur quel motif ? interrompit Antigame. Parce que vos Juges, repartit le Chevalier, pretendant qu'il est necessaire de donner une occupation douce & honnête au cœur de l'homme, pour le fixer & pour l'empêcher de se corrompre & de se per 200 dre par des attachemens honteux & illegitimes ; & que le Mariage seul peut luy donner des enfans & une femme, qui sont les seuls sujets propres & convenables pour nourrir & consommer agreablement & avec hõneur toute sa tendre sse : & parce que quelque resolution que puisse prendre l'homme, de ne point se marier, il est si foible sur cette matiere, que lorsqu'il tombe dans la vieillesse, il se marie le 201 plus souvent desavantageusement, & épouse une flateuse & adroite Coquette, qui le perd de reputation dans le monde, & qui lui fait passer malheureusement le reste de sa vie.
Ce ne sont pas ces raisons-là, repartit Antigame, qui ont engagé ces Avocats à juger en faveur du Mariage, ce sont plûtôt des raisons d'interêts secrets. Quels interêts, dit Philogame, pourroient-ils y avoir ? 202 Parce que, reprit Antigame, sans le Mariage, ils n'auroient pas quantité de grandes affaires ; sçavoir les liquidations des droits des Veuves, les supplémens de legitime des enfans, & les plaintes contre les testamens de leurs peres, qu'ils jugent tous les jours par arbitrage, & pour lesquelles ils prennent des sommes tres-considerables qui les enrichissent. Philogame interrompant Antigame, lui dit en rail 203 lant, qu'il étoit encore dans le temps de pouvoir pester contre ses Juges : puis se tournant vers le Chevalier, il lui demanda son jugement, puisqu'il avoit gagné son procez. Le Chevalier lui répondit, qu'il ne l'avoit pas levé, parce qu'il y avoit vingt écus15 d'épices. Male-peste 16, vingt écus d'épices ! reprit Antigame, quelle volerie ! Il faut que tout le monde vive, dit le Chevalier ; Messieurs les Avocats le 204 portent à present de l'air de Messieurs les Conseillers ; ils ont grandes maisons, portes cocheres, riches ameublemẽs, gros équipages, Laquais, Clercs, Valets de chambre ; ce sont la pluspart des gens sans bien, & qui n'ont que leurs talens ; comment voudriez-vous qu'ils pûssent fournir à cette dépense sans quelque secours ? & où voulez-vous qu'ils le prennent, que dans la bourse de leurs Cliens, aux in 205 terêts & aux passions desquels ils s'abandonnent aveuglémẽt & sans raison. Le Chevalier dit quantité d'autres plaisanteries sur ce sujet ; mais comme il se faisoit tard, la conversation finit, & chacun se retira chez soy.
Enfin, pour conclusion, la Barone de Lupane fut déchargée de l'accusation d'adultere formée contr'elle par son mary, & condamnée à retourner avec lui, & à ne plus frequenter le Che 206 valier, qui s'en consola aisement avec une nouvelle inclination. Philogame épousa Fraudelise, nonobstant la malice & les artifices de Philabel, qui vid ce Mariage avec beaucoup de chagrin & de douleur. Lesbie envoya à Antigame les deux mille loüis qu'il avoit donné à garder ; fit porter ses pierreries & son argent comptant à Cleante, & s'engagea dans un Convent de Religieuses, où elle passa le reste de ses 207 jours dans la mortification & dans la penitence. Antigame tenta plusieurs moyens de la voir & de lui parler, mais inutilement ; & la seule consolation qui lui resta, fut de demeurer insensible pendant sa vie à toute autre beauté, & de conserver pour elle une grande estime & une grande inclination. Et à l'égard de Cleante, il se mit dans la Maison du Roy ; y chercha dans les occasions les plus perilleuses 208 à finir sa vie, que la perte de Lesbie lui avoit renduë si odieuse : & s'étant heureusement trouvé dãs la Bataille de Nervvinde, & dans l'endroit où le courage de Monsieur le Duc de Chartres l'avoit engagé si avant parmi les ennemis ; il eut l'honneur, aprés avoir fait de tresbelles actions, d'y mourir pour la gloire, & pour la conservation de la personne de ce genereux Prince, & en sa presence.
FIN.

Noms propres

Bataille de Nerwinde

L'an 1693, le 29 juillet, Bataille de Nerwinde, gagnée par le maréchal de Luxembourg contre le prince d'Orange.
Cette bataille fut la plus meurtrière de toutes celles qui furent données pendant la guerre de 1688. Le maréchal de Luxembourg entra deux fois, l'épée à la main, dans le village de Nerwinde. Le duc de Villars fut le premier qui sauta dans les retranchements des ennemis. Deux fois le village fut emporté et repris.
  • Noël, François, et Joseph Planche, Éphémérides, politiques, littéraires et religieuses, Paris, Le Normant, H. Nicolle, 1812.

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François Rabelais

(La Devinière v. 1482 - Paris 1553). Écrivain humaniste et médecin français à qui on doit les romans satiriques Pantagruel (1532), Gargantua (1534), Le Tiers Livre (1546) et Le Quart Livre (1548).
C'est dans Le Tiers Livre où le personnage Panurge discourt longuement sur le mariage, en essayant de décider s'il faut se marier ou non.
  • François Rabelais, Wikipédia l'encyclopédie libre (12 août 2009), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 4 novembre 2009. https://fr.wikipedia.org/wiki/Rabelais.
  • Joukovsky, Françoise, Rabelais François (1483 env.-1553), Encyclopédie Universalis (2009), Paris, Encyclopædia Universalis, Internet, 20 mai 2009.
  • Rabelais (François), Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.

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Guillaume III d'Orange

Orange, près d'Avignon dans le Vaucluse, devint une principauté au XIIIe siècle. Celle-ci revint, par le jeu des alliances, à la branche hollandaise de la famille de Nassau en 1544 qui conserve encore le titre de prince d'Orange. La lutte pour le contrôle de la principauté entre les Princes d'Orange et Louis XIV commença en 1648 et connut un tournant important en 1673, quand Louis XIV annexa tout le territoire de la principauté à la France et fit raser le château des princes d'Orange.
Guillaume III d'Orange (1650-1702), qui devint aussi roi d'Angleterre en 1689, entretint des relations complexes avec la France, s'alliant parfois avec Louis XIV contre l'Espagne ou et le Saint Empire Romain, parfois en guerre contre lui, par exemple pendant la Guerre de la Ligue d'Augsbourg en 1688 et 1697. C'est à la mort de Guillaume qu'Orange fut formellement annexée à la France.
  • Orange (province de l'État libre d'), Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
  • Orange, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
  • Guillaume III d'Orange-Nassau, Wikipédia l'encyclopédie libre (14 janvier 2017), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 21 janvier 2017. https://fr.wikipedia.org/wiki/Guillaume_III_d'Orange-Nassau.

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Madelonnettes

MADELONNETTES (ma-de-lo-nè-t') s. f. pl. Sorte de religieuses établies dans le XIVe et le XVe siècles, dont les maisons servaient de retraite aux pécheresses. Aujourd'hui, maison de détention pour les filles de mauvaise vie .
  • Madelonnettes, Dictionnaire de la lange française, (1872-7), The ARTFL Project, Department of Romance Languages and Literatures, University of Chicago, Internet, 4 novembre 2009.

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Ordre de Malte

L’ordre de Malte est un ordre catholique laïc fondé vers 1080. À l'origine l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem, il avait pour objectif la création d'hôpitaux, d’où l’autre nom d'« Hospitaliers ». L’ordre finit par établir des prieurés et des hôpitaux dans toute l’Europe catholique, et il assuma rapidement une fonction militaire pour défendre les pèlerins qu'il accueillit sur les chemins de la Terre Sainte. Il participa activement aux Croisades du Moyen Âge et devint l'ordre le plus puissant de la chrétienté dès le XIVe siècle. L’ordre s’installe à Malte en 1530 ; au XVIIe siècle, les chevaliers de Malte sont connus surtout comme des corsaires qui avaient transformé Malte en magasins d'échanges du commerce méditerranéen. Sous l’Ancien Régime, il était surtout composé des cadets des familles nobles qu’il fallait placer soit comme militaires, soit comme religieux. L’ordre de Malte représentait la convergence de ces deux voies.
De nos jours, son successeur principal est l'ordre souverain militaire hospitalier de Saint-Jean de Jérusalem, de Rhodes et de Malte, fondé en 1961.

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Pères du Désert

Représentants du clergé de l'Antiquité tardive (IIIe et IVe siècles) qui vécurent dans les déserts de l'Égypte, en hermites.

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Ramboüillet

[Commune française], dans la forêt de Rambouillet. Ville résidentielle et touristique animée par quelques industries. [...] Château de Rambouillet. Il fut édifié en 1375 sur des fondations anciennes. Le comte de Toulouse, fils de Louis XIV et de Mme de Montespan, en modifia la structure : deux ailes furent construites, dont une disparut sous Napoléon Ier. Louis XIV érigea la terre en duché-pairie. Louis XVI acheta le château en 1783 et fit construire la ferme (aujourd'hui Ferme nationale) et la laiterie de la Reine. [...] Forêt de Rambouillet, forêt domaniale s'étendant autour de Rambouillet sur 13 000 ha. Parc national de chasse, domaine résidentiel. Chasses à courre.
  • Ramboüillet, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.

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Rouen

La ville, à l'époque romaine, s'appelait Rotomagus. Elle fut la capitale des Véliocasses. La fabrication des draps, le commerce avec l'Angleterre se développèrent au Xe s. La Normandie fut longuement et âprement disputée entre les rois de France et d'Angleterre. En 1204, Philippe Auguste s'empara de Rouen. En 1419, la ville tomba aux mains des Anglais : le 30 mais 1431, Jeanne d'Arc y fut brûlée. Les Anglais furent chassés de la ville en 1449. Rouen a beaucoup souffert des guerres de Religion. À l'époque contemporaine, elle a été très atteinte par les bombardements, lors de la Deuxième Guerre mondiale.
  • Rouen, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.

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Notes

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