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Contre un cocu

STANCES CONTRE VN COCV ialoux. Par le Sieur Motin.

QUel horrible Demon vous a l’ame tentée
Et fait qu’aux traits d’vn fol vos discours soient pareils?
Vous pensez voir deux corps comme faisoit Penthee
Qui troublé de fureur pensoit voir deux Soleils.
Vostre femme estoit seule vne apparence estrange
Vous a troublé les yeux, & cela n’estoit rien,
C’estoient illusions venant du mauuais ange
Que vous deuez fuir si vous estes Chrestien.
Pere de tout mensonge esprit ie t’exorcise
De quitter ce pauure homme & ne troubler son heur,
Car estant faict ainsi comme l’on peint Moyse
Il croit tant il est sot que c’est vn deshonneur.
Retirez vos pensers loing de ceste imposture,
De peur de pvnir vostre credulité,
Croyant que vostre femme est de chaste nature,
Tant pour vostre repos que pour la verité.
Et si par aduenture autre que vous elle ayme
En prenant tout au pis comme on fait auiourdhuy,
Pensez que chacun doit respondre de soy mesme
Et qu’on n’est point damné pour le peché d’autruy.
Ie voy bien que s’en est vn ombre imaginaire,
Vn honneur vous déçoit & vous rend glorieux,
Vous pechés mon amy comme fait le vulgaire,
Car on n’est point ialoux sans estre ambitieux.
Mais si ce mal secret dont vostre cœur souspire
A des braues guerriers autrefois surmonté
Et d’autres de ce temps que ie n’ose pas dire,
Endurez par exemple & par necessité.
Cest illustre Cesar qui dompta tout le monde
Sans l’effort merueilleux de son bras inuaincu,
Encore que sous luy fussent la terre & l’onde,
Sa femme n’y fut pas, car il estoit cocu.
Bien que ce braue enfant de Mars & de victoire
Fut la peur & l’honneur des plus braves guerriers,
Sur son front, couronné par les mains de la gloire
Les cornes s’eslevoient à l’envy des lauriers.
Vous n’en auez plus mais vous estes moings sage,
Pour en porter le faix & pour n’en dire mot,
Vous auez moins de cœur, il eust plus de courage,
Et ne fut moins cocu, mais vous estes plus sot.
Bien heureux toutefois car le Ciel debonnaire
Vous donne belle femme à contenter vos ans,
Sy vous l’eussiez eu ayde il estoit necessaire
Que pour se faire aimer elle eust fait des presens.
Il ne vous couste rien de la voir bien seruie,
Elle veut au repos vostre corps reseruer,
Puis on dit que l’amour accourcit nostre vie.
Quand elle a des amans c’est pour vous conserver
Sa douceur au contraire allume vostre audace,
La couleur de son teint vous rend pasle & défait,
La grace de ses yeux vous oste toute grace,
Et ses perfections vous rendent imparfaict.
Vous deuenez bourreau par vn mary fidelle
Vous la payez d’iniure & non pas d’amitié,
La beauté don du Ciel est vn malheur en elle
Qui vous serve d’vne esclave & non d’vne moitié.
En la traittant si mal vous estes homicide,
Par la vaine contrainte on ne la doit dompter,
La femme est comparable au cheual fort en bride
Il faut lascher la main à fin de l’arrester.
Je pardonne à l’amant tenté de ialousie
Quand il voit vn riual ses plaisirs retenant,
Encores qu’vn plus fin n’en ait l’ame saisie
A cause que l’amour est vn bien reuenant.
Ne vous en fachez plus c’est à la vieille mode,
Suiuez la destinee & prenez tout au mieux,
Faut-il qu’à vos humeurs le destin s’accommode,
Plustost que vos humeurs s’accomodent aux Dieux ?
Cœur lasche & défiant venez à vous cognoistre,
Et ne vous donnez plus vous mesme de tourment,
Bien vous estes cocu, mais ne pensez pas l’estre
Car l’estre & le penser c’est l’être doublement1.

Notes

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