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Le reconfort des femmes


Le reconfort des femmes qui se plaignent de l'absence et deffaut de leur mary.

Si ton mary ça et là se pourmeine
Pour changer d'air, n'en ayez pensement :
Il faict cela pour ton soulagement
Et pour dispos te relever de peine.
Mais, s'il prend chose que dire il n'ose,
Pour avoir, sot, en eau trouble pesché,
Le voilà bien puny de son peché!
Laisse-le à part, sa santé se repose.
S'il a perdu en son aage d'enfance
Un grain des siens, tu n'y prens pas plaisir,
Tu m'entens bien ; mais il vaut mieux choisir
Un bon tesmoing que deux sans souvenance.
Si ton mary va son argent despendre
A la taverne, il a quelques raisons :
On ne despend pas tant à la maison,
Et l'ordinaire en est quelque peu moindre.
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Si tous les jours comme insencé il crie,
Tempestatif, cholère, sans repos,
Faisant mestier de battre à tous propos,
Endure tout : bien ayme qui chastie.
Si, chargé d'ans, il s'accoustume au jeusne,
Ne pouvant plus à la chasse trotter,
Tu sais qu'il faut vieillesse supporter;
Sois patiente : après le vieil un jeune.
Si à pourvoir sa maison il ne pense,
En temps & lieu, de charbon & de bois,
Tu n'en mettras pas tant à chasque fois
En ton fouyer, pour eviter despense.
Si tu pretens l'accuser d'avarice,
D'autant qu'il veut son argent espargner,
C'est qu'il a eu de peine à le gaigner;
Ne t'en soucie : espargner n'est pas vice.
Si, soupçonneux, il n'a ny goust ny grace,
Ne s'esmouvant pour gay te caresser,
Repose-toy, tu en seras plus grasse.
Si à jouer son argent il s'adonne,

Il a desir de riche devenir;
Mais il ne veut jamais se souvenir
Que l'homme droict ne fait tort à personne.
S'il est parfois chagrin et fantastique,
Il doit avoir quelque perfection
Pour contre-poids de l'imperfection :
L'homme d'esprit est souvent lunatique.
Si de bonne heur en soudaine maniere
Il a son bien et le tien despendu,
N'en fais semblant, tu n'as pas tout perdu :
Tu t'es aidée à en faire grande chère.
Si par excès l'humeur froide le tourmente,
Pour aller doux il laisse le courir,
Ne te pouvant au besoin secourir :
Femme d'honneur de bien peu se contente.
S'il ne faict cas d'ouir ta remonstrance,
Voulant tousjours à sa teste obeir,
Si mal luy vient, ne te veuille esbahir :
Conseil de femme est meilleur qu'on ne pense.
S'il a esté forgé du costé gauche,
Et toy lignée à rebours de raison,
Vous n'aurez point de bruit en la maison;
Quant à ce poinct, vous vivrez sans reproche.
Quand un homme mal plaisant le resveille,
Luy demandant quelque debte payer,
S'il est fasché, ne t'en veuille esmayer :
Faute d'argent es douleur non pareille!2
S'il va faignant une folle simplesse

En tems et lieu, il n'y a nul danger;
Asseure-toy que , pour s'advantager,
Il convertit sa folie en sagesse.
Si sous son ongle un glus tirant s'amasse,3
Tu mangeras du gibier appresté,
Car par malheur l'homme au droict arresté
Ne prend plus rien s'il ne va à la chasse.
S'il est un sot superbe sans doctrine,
Voilà le train des jeunes maintenant,
Il parviendra, mais qu'il soit souvenant
De parler peu et tenir bonne mine.
Mais, s'il dispute, il tombera en friche.
Pauvrette, helas! de quoy te fasches-tu?
Tout le sçavoir n'y sert pas d'un festu,
Il gaignera moyennant qu'il soit riche.
Si bien pensant il s'adonne à l'estude,
Il pincera (sans rire) l'argent et l'or;
Tu garderas la clef de son thresor,
Prenant repos ans grand'sollicitude.

S'il est soldat et amy de la guerre,
Par son respect on te respectera.
A son retour, brave, il t'apportera
Quelque joyau venant d'estrange terre.
Si quelquefois le rheume le tourmente,
Tel humeur vient ses poulmons arrouser,
Ce rheume peut à la mort s'opposer,
Coupant le chemin à une fièvre ardente.
S'il est vexé d'une morne paresse,
Il s'en ira de bonne heure coucher :
Tu ne craindras qu'il te vienne empescher
Le doux effect d'une libre promesse.
Si, impudent, sans mesure il se prise,
Entrant partout comme un audacieux,
Laisse-luy faire, il n'en vaudra que mieux :
A telles gens fortune favorise.
Si, affronteur, il vante sa richesse,
Il te fera tousjours brave marcher ;
Quand il s'ira par contrainte cacher,
Tu demeureras du bien d'autruy maistresse.
Si à mal faire hardy is se dispose,
N'estant jamais d'aucun bien desireux,
Pense qu'il n'est homme si malheureux
Qui, employé, ne serve à quelque chose.

Notes

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