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Les Lunatiques.

Les Lunatiques.


LA Lune eſtoit en Capricorne
Quand deſſus terre ie naſquis,
Car ſus mon front i’ay double corne
Miſe par mes amis acquis.
Chacun la voit fors que moy-meſme
Et ſi quand ie la verrois bien,
Ie ſuis en bonté ſi extreſme
Qu’auſſi bien ie n’en croirois rien.
Ie voudrois bien qu’vn noſtra-Dame,
M’euſt appris ou la Lune eſtoit,
En la naiſſance de ma femme
Et quel palnette l’aſſiſtoit:
Car elle eſt touſiours bien veſtue
Et ſi ie ne baille dequoy,
Et i’en parle on ſe rit de moy,
Et ſi ie crains qu’on ne me tue.
Mercure eſtoit auec la Lune
Chez Mars en ma natiuité,
Car i’ayme à tirer la pecune
Par dol force ou ſubtilité:
Iamais qu’à profit ie ne iure
Et trompe vn chacun ſi ie puis,
Ie contrefais toute eſcriture,
Et frappe en coin toutes les nuicts.
I’ay une Lune qui me fait
Mettre en priſon mon buffet,
Autant d’argent que i’en attrappe:
Il n’eſt rien ſur quoy ie ne grappe
A toute mal-toute i’ay part,
Heureux qui de ma main eſchappe,
Sans payer pour ſold qu’vn liart.
Par la Lune i’ayme la guerre
Car ſans elle ie meurs de fain,
Tout mon clinquant tombe par terre
Et ſuis contraint rompre mon train:
D’vn crotte laquais ie me paſſe,
Et ſi faut pour n’auoir dequoy
Que bien ſouuvent il ſe pourchaſſe
Chez mes amis ainſi que moy.
Ma Lune eſt de faire grand chere
Paſſer tout le iour au tripot,
Iouer au dez voir la commere,
Carreſser le uerre & le pot,
Goſſer maſquer, mener la dance:
Mais ie crains bien que ma deſpence
Me face enfin faire le ſot.
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