Le mariage sous L'Ancien Régime
DVEL AMOVREUVX DE
Charlot & Margoton la premiere nuit
de leurs Nopces
DIALOGUE.
Charlot & margoton couchez
La nuict qu’il furent attachez
Par le nœud d’himenée ensemble,
Charlot voulut venir au point
Pour lequel il eſtoit enioint.
Mais Margot le repouſſe & tremble.
Mon cœur patientez un peu
Luy diſoit il ie ſuis en feu,
Laiſſez y fondre voſtre glace,
Voſtre mignard attouchement
Par un ardent rauiſſement
Veut qu’a ce coup ie vous embraſſe.
M. Mais ou eſt - ce que vous fouillez,
Ma chemiſe vous me ſouillez,
Ie n’entend point voſtre entrepriſe.
Laiſſez cela arreſtez vous,
Off! Off! quel ieu, ie ſuis deſſous.
Vous me tuez, off! ie ſuis priſe.
Mon cœur vous en aurez le pris,
Prenez un peu de bon courage,
Souffrez cette agreable mort
C’eſt viure que mourir d’accord
En trauerſant ce doux paſſage.
M. Beau charlot vous me rudoyez,
Demy morte vous me voyez,
Iay toute ma force perduë,
Off! off! mamour vous me bleſſez,
Et tellement vous me preſſez
Que morte vous m’avez renduë.
C. Ha! ha! ie meurs, ie meurs mon cœur,
Vaincu vous avez un vaincœur.
Ha! ha! ie ſens nager mon ame
Au lac delicieux d’amour,
Ainſi mon cœur à voſtre tour
Rafraichiſſez y voſtre ame.
M. Ce plaiſant ieu de l’Archerot
Vous faict oublier (mon Charlot)
Le mal qu’en iceluy me faitte,
Maintenant vous eſtes content,
Vous ne le ſeriez eſtre autant
Comme ò m’amour, ie le souhaitte.
C. O que vos plaiſirs doucereux
Me ſont plaiſant & ſauoureux,
O combien d’amour ie leur porte?
Il faut, doux yeux, recommencer,
Et mieux un peu vous agencer,
Vous n’eſtes point bien de la sort.
M. vous auez tort de m’accuſer
Ie ne vous veux rien refuſer,
Mais ie ne sçay que ie doy faire,
Ie ſuis nouvelle en ce ieu cy,
Ie me rangeray tout ainſi
Que vous voudrez pour vous complaire.
C. A ceſte fois ne craignez rien,
Mourons en ce ſouverain bien
Dont vous iouirez à cette heure,
I’y meurs (mon cœur) & ie revy.
Chacun de nous reuiue & meure.
M. M’amour ie fay ce qu’il vous plaiſt,
Ie meurs, & ne scay comme c’eſt
Que voſtre amour me donne vie,
Ne haſtez point voſtre treſpas,
Que voſtre ame d’un meſme pas
De la mienne ne ſoit ſuivie,
Apres ces mots uenant aux ieux,
Voicy le ſommeil ombrageux
Qui ſaiſit leurs douces prunelles,
Dieu vueille, ô amans bien heureux,
Que vos paſſe-temps amoureux
Soyent des delices eternelles.
C.D.B.1
Notes
- Le poème satirique Duel amoureux est également la première satire des Satyres bastardes (1615) ; Signé C.D.B. est Charles de Beauxoncles-Lucas, cousin germain du seigneur de Sigognes, autrement dit Chalres-Timoléon de Beauxoncles, selon Lachèvre (p. 96, p. 345).↑
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