 Le mariage sous L'Ancien Régime
Le mariage sous L'Ancien RégimeChanſon d’vn mary qui auoit
                     l’eſguillette noüee.
                  IL n’eſt eſtat plus heureux
                     
                     Que d’vne ieune eſpouſee
                     
                     Il n’eſt rien plus malheureux,
                     
                     Qu’vn malheureux Hymenee,
                     
                     Il n’eſt ſi faſcheux tourment
                     
                     Que de languir en aimant.
                     Ie ne me plains ſans raiſon,
                     
                     Puis qu’vn mary me fait plaindre
                     
                     Qui voit bruler la maiſon
                     
                     Et n’a point d’eau pour l’eſtaindre.
                     
                     Il n’eſt si faſcheux.
                     I’ay beau d’vn doux maniement
                     
                     Forcer le n’œud qui l’engage
                     
                     I’accrois, helas, mon tourment
                     
                     Au lieu d’enfler ſon courage.
                     
                     Il n’eſt de ſi faſcheux.
                     En vain le veux-ie eſmouuoir
                     
                     Par me ſouspirs & mes larmes
                     
                     Les pleurs n’ont point de pouuoir
                     
                     Sur le lien de ces charmes.
                     Que feroy-ie à ce mal là
                     
                     Dites le moy ie vous prie
                     
                     Puis que ie meurs pour cela
                     
                     Qui me deuſt rendre la vie.
                     
                     Il n’eſt de ſi faſcheux.
                     I’ay veu que i’euſſe enchanté
                     
                     Toute ame d’amour exempte
                     
                     Mais las mon charme eſt dompté
                     
                     Par vn plus fort qui l’enchante.
                     
                     Il n’eſt.
                     Dæmon tu lie en moy
	
                     
                     Amour qui deſia m’enſerre,
                     
                     Il eſt Dæmon comme toy
                     
                     Pourquoy luy fais tu la guerre.
                     
                     Il n’eſt.
                     Vous qui n’auez ces ennuis
                     
                     Hé que vous eſtes heureuſes
                     
                     De paſſer toutes les nuicts
                     
                     En delices amoureuſes.
                     
                     Il n’eſt.
                     Et moy qu’vn ardent deſir
                     
                     Brule d’vne lente flame
                     
                     Suis contrainte de geſir
                     
                     Pres d’vn corps qui n’a point d’ame.
                     
                     Il n’eſt ſi faſcheux.
                     Mais quoy, mes vœux ne font rien
                     
                     Et faut qu’ainſi je demeure,
                     
                     I’ay trop veſcu ſans ce bien,
                     
                     Il faut que ſans luy ie demeure.
   
                     Il n’eſt de ſi faſcheux.
                     
                     Ie ne crains ce dernier iour,
                     
                     Tant pour mourir deuant l’aage
                     
                     Que pour voir qu’au lieu d’amour
                     
                     La mort ait mon pucelage.
                     
                     Il n’eſt de ſi faſcheux tourment,
                     
                     Que de languir en aimant.
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