Le mariage sous L'Ancien Régime
A Paris, Iouxte la coppie imprimée à Bourdeaux
pour Anthoine Barre, Avec permission.
M. DC.
XIX..
ARREST CONTRE LES Chastrez, accusez du crime de Stellionnat, qui
selon les Sacremens de mariage trompent & abusent les femmes &
les filles.
Le Mariage entre les gens de bien au premier degré, c’est la procreation des enfans,
Croissez, & multipliez, & remplissez la
terre : dit l’Escriture, Genes. 10. Les anciens Patriarches se marioient que
pour cela : & lit on que l’Empereur de Constantinople Isaac, comme ne
pouvant oncques estre persuadé de connoistre sa femme, après qu’il en eut un fils,
combien que les Medecins le luy eussent ordonné pour sa santé, celle des gens
de
bien au second degré est pour se garantir de peché, Car il vaut
mieux se marier que brusler, dit S. Paul I. aux Corinth. 7. & celle
du
commun, la seule intention d’en avoir au plaisir, & de joüir
de la chose aimee. Les deux dernieres causes consiste (sic) en cete joüissance,
& ne peut l’on parvenir à la premiere sans ceste-cy, bien que souventefois
elle soit sans fruict, & qu’il ayt des mariages parfaits entre des personnes
sterilles.
Ce n’est pas une cause legitime de rompre un mariage de ne pouvoir engendrer
& concevoir des enfans n’estant la seule cause finale d’iceluy, il y en a
d’autres plus prochains & qu’on presume plutost, que celle là, il suffit que
l’homme & la femme ayent leurs outils naturels exterieurs preparez pour cet
effet, le reste despend de la grace de Dieu, & non pas de l’homme : que si
l’on ne peut parvenir à la jouissance par l’inhabilité ou la disproportion
desmesuree des membres genitaux, ou si l’homme n’en a point du tout, il n’y peut
point avoir de mariage, il sembleroit toutesfois que le contraire fust vray pour
ceux qui n’ont seulement perdu que les genitoires, par les presuppositions que
j’ay
faicte, les Eunuques & Chastrez ausquels l’on à laissé les membres, pouvant
joüir des femmes comme l’on dit. Cela n’est
pas pourtant ainsi : car
combien que telles manieres d’hommes, puissent jouyr des femmes, ils ne leurs
peuvent pas rendre la pareille, ce sont des mocqueurs & affronteurs, qui ont
commis le crime, de stellionnat, pour avoir supposé de fauces marchandises pour
veritable, & avoir commis imposture in necé alterius,
dit la 1. Stellionatus accusatio au D. de crimi stelliona.
Ceste fille villageoise, qui fut il n’y a pas longtemps condamnée d’avoir le foüet
pour s’estre deguisée en homme, & avoir espousé la fille de son maistre, de
laquelle elle estoit devenuë amoureuse, ne meritoit pas mieux ceste peine que
ces
imposteurs, il y en a qui ont tous leurs membres entiers sans pouvoir executer
l’œuvre de nature, à cause de certaines indispositions naturelles qu’ils ont.
Auquel propos l’on dit, qu’il y eut jadis un Duc de Moscovie qui avoit les Femmes
en
telle horreur, qu’en les voyant il entroit en un mal de cœur, ces personnes ne
peuvent pas se marier par le chap. dernier de frigid. &
maleficiat.
Tous ces accidens empeschent les causes finales du mariage : & toutesfois
s’ils surviennent apres qu’il est contracté, ils
" ne le rompent pas,
quoy que dit nostre glosse, le consentement de deux parties en est la cause
efficiente, je l’advoüe : Mais que le mariage fait par force & sans le
consentement de l’homme & de la femme subsiste, je le nie, si le
consentement subsequent ne le confirme.
C’est pourquoy Cedrenus escrit, que Eusebia femme de l’Empereur Constancius froid
& impuissant, estant encore en la fleur de son aage, & consommée de
l’ardeur de sa jeunesse, tomba és cruelles douleurs & tourmens de sa
Matramonie & mourut peu à peu tout ethiqué, faute d’avoir senty l’aggreable
douceur de la conjonction du mariage.
L’Empereur Pulcheria femme de l’Empereur Marcian, qui pour estre mariée ne perdit
point sa virginité, fut non pas sa femme en verité, mais de nom tant seuelement
:
disoit davantage que si c’est une servitude tres miserable d’avoir un vieil mary,
que l’on doit encore estimer d’avantage, que c’est le comble de tout mal-heur
un
homme chastré, froid, languissant, glacé jusque à la moelle, & qui ne peut
rien faire de ce qu’il a promis à sa femme.
Bref dis-je les femmes que toutes les loix
des Princes, & de
l’Eglise ostent le nom de mari à celuy qui est maigre & sterille de
puissance ne pouvant engendrer son semblable, & non seulement le
contractement de mariage leur est deffendu, mais aussi par la loy de solon, on
avoit
action contre ces imposteurs & chastrés, lesquels apres leurs vies Pitagoras
disoit estre tourmentez aux Enfers des plus cruels tourments du Monde, & par
ces moyens, concluent lesdictes femmes, que tous ceux qui ne peuvent accomplir
les
devoirs de mariage, & qui ont tellement les femmes en horreur, qu’il n’y a
rien de si agreable qu’une couche libre & solitaire, & qui ne
craignent point tant la rencontre des hommes que des femmes ne sont point hommes,
& ne furent jamais maris, & par consequent ne doivent estre receus
en contract de mariage, partant si aucune y en a mariée avec telles personnes,
en
doivent estre separez par justice.
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