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Le Comte D'Amboise. Nouvelle. Livre Second.

LE
COMTE
D'AMBOISE.
NOUVELLE.
LIVRE SECOND.

Vignette, feuilles, fleurs et plumes. L'impreinte de la Bilbliotheque de l'Arsenal A PARIS,
Chez Claude Barbin, au
Palais, sur le Second Perron de la
Sainte Chapelle.
Filet simple.
M. DC. LXXXIX.
Avec Privilege du Roy. 1
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Bandeau, figures féminines et masculines. LE COMTE D'AMBOISE. Filet simple. NOUVELLE. LIVRE SECOND.

MAdemoiselle de Roye vint enfin les joindre ; ils n'estoient pas loin de la porte du 4 Jardin, & ils allerent au devant d'elle jusque-là : Elle felicita le Comte de ce qu'il estoit en si bonne Compagnie, & crut par là l'obliger à dire quelque chose de flateur pour Mademoiselle de Sansac ; mais il affecta d'abord de justifier son intention d'une maniere qui fit craindre à Mademoiselle de Roye, qu'il ne des-obligeast son Amie ; elle prit un pretexte pour retourner sur le champ, & emmena Ma 5 demoiselle de Sansac. Je veux, dit-elle à Monsieur d'Amboise, vous l'enlever, pour vous punir de vostre dissimulation. En achevant ces parolles, elle monta en Carrosse avec tant de precipitation, qu'il n'eut pas le loisir de répondre.
Il estoit au desespoir de voir l'opiniâtreté de Mademoiselle de Roye, à se persuader une chose qu'il sçavoit pourtant bien qui ne la fâcheroit pas ; soit 6 qu'il apprehendast de luy donner le moindre sentiment de jalousie, soit qu'il apprehendast de ne luy en donner aucun, il ne pouvoit s'en consoler, le chagrin, la joye, ou l'indifference de cette belle personne devenoient également cruels pour luy.
Il fut sur le point de courir apres elle, & de ne la point quitter qu'il ne fût pleinement justifié ; mais le pretexte qu'elle avoit pris pour retourner, luy 7 donnant lieu de croire qu'elle ne seroit pas si-tost chez elle, il alla chez le Roy, & il laissa malgré luy ces deux Amies en liberté.
Lors qu'elles furent retournées au logis de Mademoiselle de Roye, & entrées dans sa Chambre, elle se trouva embarassée. Le peu de succez qu'elle prévoyoit à la passion de Mademoiselle de Sansac, luy faisoit apprehender de la mettre sur ce sujet ; cepen 8 dant elle s'apperceut que son silence l'affligeoit encore davantage ; de sorte qu'elle la fit parler pour luy laisser prendre quelque soulagement, si ce n'estoit plus pour la consoler.
Si l'on osoit, luy dit elle, vous demander par quelles manieres le Comte d'Amboise a pû s'attirer des sentimens dont il est si peu digne... Je sçay que j'ay tort, interrompit Mademoiselle de Sansac : mais je puis cependant m'excuser ; je 9 voyois incessamment le Comte d'Amboise avec vous ; je le trouvois aimable par l'ardeur avec laquelle il aimoit ; j'estois charmée de sa delicatesse. Vous ne l'aimiez pas ; & quoy que cette pensée me donnast un plaisir secret, je blâmois vostre injustice, & j'allay trop loin en voulant l'éviter. Quand je parlay à la Reine pour empescher vostre Mariage avec luy, je croyois m'y engager pour l'amour de vous, 10 ou pour l'amour de mon frere ; cependant j'ay connu depuis que c'estoit mon interest seul qui me faisoit agir ; Madame de Roye rendit tous mes projets inutiles, par sa fermeté dans ses premiers sentimens pour le Comte ; j'eus du dépit d'avoir mal réüssi. Vous retournastes à la Campagne, le Comte vous alloit voir souvent ; je ne le voyois presque plus, cela me fit sentir à quel point il m'estoit cher ; je voulus 11 m'opposer à mon penchant, mais ce fut inutilement, & mesme en cherchant à rappeller ma raison, je songeois sans cesse à luy, & j'achevay de la perdre.
Elle se teut durant quelque temps ; puis elle poursuivit, voyant que Mademoiselle de Roye ne parloit pas. Je sentis distinctement la jalousie ; j'eus des remords d'avoir essayé de vous oster au Comte, puisqu'il n'en estoit pas plus à 12 moy : mais je fus au desespoir, quand il songea une seconde fois à vous épouser, & je n'eus de repos que lors que par un excez d'amour extraordinaire, il vous eut cedée à son Rival. Cette action augmenta beaucoup mon estime, il me sembla qu'elle authorisoit ce que je sentois pour luy,& mesme ce que j'avois fait contre luy ; quoy que cét exemple de generosité me condamnast ; je ne vis point la difference 13 de son procedé & du mien; je crûs que ma conduite estoit justifiée par ce desinteressement, & par vostre indifference ; mais ce n'étoit en effet qu'un peu d'esperance qui justifioit tout. Helas ! je ne fus pas long‑temps dans cette situation ; si j'eus des momens moins des-agreables, ce ne furent que des momens, vous sçavez si j'ay eu lieu de me flater.
Mademoiselle de Sansac ne pût continuer un tel 14 discours, & jettant un torrent de larmes, elle contraignit Mademoiselle de Roye à luy parler. Je suis plus mal-heureuse que vous, luy dit-elle, je sens tous vous maux comme vous mesme, & j'ay encore le chagrin de vous les avoir causez ; c'est par moy que vous avez connu particulierement le Comte d'Amboise, c'est peut-estre pour l'amour de moy qu'il ne prend pas les sentimens qui sont deûs à vostre me 15 rite ; enfin c'est mon indifference pour luy, qui a donné lieu à vostre pitié ; tout vous devient un poison, je n'ose rien entreprendre, & apres avoir fait tous vos chagrins, j'ay la douleur de ne pouvoir vous en tirer ; vous ne devez plus avoir d'amitié pour moy ; vous me regardez comme une Rivalle, peut-estre vous me haïssez. Non, interrompit Madeoiselle de Roye, c'est d'Amboise qu'il faut haïr, 16 & ce n'est point vous ; mais je ne puis mesme avoir le soulagement de haïr l'un ou l'autre. Que m'a-t-il fait ? il ne m'a point trahie, puisqu'il ne m'a jamais aimée ; helas ! faut-il que ce soit là ce qui m'oste le droit de me plaindre?
Ses pleurs qui redoublerent, l'obligerent une seconde fois au silence ; & Mademoiselle de Roye voyant de l'alteration sur son visage, craignit qu'elle ne se portast mal, & l'o 17 bligea de se mettre sur un lit ; Elle passa en suite dans son Cabinet pour parler à un de ses Gens, on l'avertissoit de la part de Madame de Roye, que le Comte d'Amboise devoit venir, & qu'elle eût à le recevoir s'il arrivoit avant son retour. Il vint en ce moment ; & n'ayant veu personne dans l'Anti‑chambre, n'y mesme dans la Chambre, parce que Mademoiselle de Roye avoit ordonné à ses Fem 18 mes lors qu'elle estoit entrée avec Mademoiselle de Sansac, de passer dans son Cabinet, qui en estoit assez éloigné, afin qu'elles ne fussent pas témoins de leur conversation. Il alloit sortir, mais Mademoiselle de Sansac s'estant tournée avec quelque bruit pour voir qui arrivoit, il s'approcha du lit dont les rideaux estoient à demy fermez. Il ne la reconnut point, elle avoit une partie de ses coëffes sur son vi 19 sage ; il crût que c'estoit Mademoiselle de Roye qui se reposoit sur son lit ; de sorte que l'esprit encore tout remply de l'Avanture du Jardin, & craignant mesme de perdre l'occasion de luy parler, Mademoiselle, luy dit-il, je ne puis differer un moment à me justifier, auriez-vous bien la dureté de croire que je pourrois aimer Mademoiselle de Sansac ? je n'eus pas hier de loisir de vous répondre sur ce que 20 vous me voulûtes : faire penser de ses sentimens, mais en estoit-il besoin ? Si vostre indifference ne m'a pas fait changer, toute la passion qu'on pourroit avoir pour moy ne le feroit pas davantage.
Mademoiselle de Roye qui comprit que quelqu'un entroit, & que mesme on vint avertir par un autre costé que c'estoit Monsieur d'Amboise, revint dans la Chambre, & luy dit à demy bas, qu'une 21 Dame de ses amies dormoit sur ce lit, & qu'elle alloit le recevoir dans une autre chambre, mais elle ne sçavoit pas qu'il en avoit déja trop dit.
Mademoiselle de Sansac en avoit esté frapée comme d'un coup de foudre, & ce dernier malheur estoit si affreux, qu'il n'y avoit que la mort qui pût luy en oster la honte & la douleur. Elle demeura sur le lit de Mademoiselle de Roye, accablée de mille pensées diffe 22 rentes, sans prendre aucune resolution.
Monsieur d'Amboise estoit avec Mademoiselle de Roye ; il luy disoit les mesmes choses qu'il avoit crû luy dire, lors qu'il avoit parlé à Mademoiselle de Sansac ; mais elle luy marqua, qu'elle prenoit peu de plaisir à les entendre, & que si quelque chose estoit capable de la toucher, ce ne seroit que les sentimens qu'il prendroit pour son Amie. Il fut 23 outré de cette indifference, & il demeura saisi d'une si vive douleur, qu'il cessa de luy parler.
Madame de Roye revint plustost qu'elle n'avoit pensé, & Mademoiselle de Roye alla retrouver Mademoiselle de Sansac, dont le desespoir redoubla par sa presence. Elle fit un cry douleureux lors qu'elle la vit ! Ha ! vous m'avez trahie, luy dit-elle, j'esperois du moins que le Comte ignoreroit ma foi 24 blesse ; mais il manquoit quelque chose à vostre victoire, vous avez trouvé de la gloire au sacrifice qu'il vous a fait de moy. Je vous demande pardon de vous soupçonner de cette pensée ; mais pourquoy luy dire que je l'aimois, puisqu'il vous aime ? Elle n'eut pas la force de poursuivre, ses larmes couloient en abondance, & elle ne pouvoit que pleurer.
Mademoiselle de Roye 25 comprit une partie de ce qui s'estoit passé ; elle n'avoit rien à luy réponddre, & il n'estoit pas temps de justifier son intention, quand elle estoit coupable par de si tristes effets ; tout ce qu'elle pouvoit faire, estoit de l'asseurer qu'il seroit aisé de desabuser le Comte de la pensée d'estre aimé ; mais le remede n'etoit point encore du goust de Mademoiselle de Sansac: Non, dit-elle, qu'il le sçache, & je ne le verray 26 jamais. Là-dessus elle se leva de dessus le lit où elle estoit, elle sortit de chez Madame de Roye dans le dessein de n'y revenir plus, & le lendemain elle alla à une maison de campagne que son Pere avoit auprés de Tours. Là elle essaya d'oublier tout le monde, elle abandonna le dessein de poursuivre le mariage de son frere avec Mademoiselle de Roye, quoy qu'il pût servir à la vanger de d'Amboise ; & tous ses 27 sentimens cederent à sa honte ; ainsi elle ne laissa à cette Amie que le chagrin d'avoir perdu une personne à qui elle confioit ses sentimens, & de conserver toûjours un Amant mal-heureux.
La constance de Monsieur d'Amboise estoit si cruelle à Mademoiselle de Roye, par les suites qu'elle avoit eues, qu'elle commença à luy en faire un crime ; elle ne luy parloit plus qu'avec une sor 28 te d'aigreur, contre laquelle il n'estoit point preparé. Il n'avoit pas pensé qu'elle le traiteroit plus mal, parce qu'il ne pouvoit aimer qu'elle. Il entroit dans cette nouvelle rigueur une sorte d'injustice & de mépris, qui ne luy parut pas supportable ; il pensa qu'il pourroit vivre sans aimer une personne dont l'ingratitude meritoit sa haine, ou plusost son oubly, & il recommença à 29 l'éviter plus qu'il n'avoit jamais fait.
Sansac fut au desespoir de l'absence de sa Sœur ; il n'avoit plus personne auprés de son Pere qui parlast pour luy, de sorte qu'aprés avoir écrit inutilement à Mademoiselle de Sansac, il alla la trouver au lieu où elle estoit. Il fit tous ses efforts pour l'obliger à revenir, mais il n'obtint rien d'elle, & il ne la tira pas un moment de l'accablement 30 mortel où elle esoit plongée.
Madame de Tournon qui le voyoit tres affligé, & qui méditoit les moyens de le retirer d'auprés Mademoiselle de Roye, feignit une nouvelle chaleur pour ses interests, elle luy dit qu'un de ses amis qui pouvoit tout sur l'esprit du Comte de Sansac, seroit bien-tost à Paris, & qu'elle employeroit tout le credit qu'elle avoit sur cét Amy, pour 31 faire réüssir le dessein du Marquis.
Sansac sçavoit qu'en effet celuy dont elle parloit, estoit fort consideré de son Pere. Quel plaisir d'envisager un moyen de parvenir au bon heur qu'il attendoit depuis si long temps ! La force de ses sentimens luy redonna de l'amitié pour cette Comtesse. Il luy promit une reconnoissance eternelle, & il retourna chez elle avec assiduité. 32
Elle avoit introduit le Comte de Sancerre chez Madame de Roye : il estoit d'un caractere d'es prit à faire plaisir à tous ceux qu'il voyoit ; il y alloit souvent, & son amour s'augmentoit tous les jours par la connoissance particuliere de l'esprit de Mademoiselle de Roye ; cette passion estoit mesme irritée par celle qu'il luy connoissoit pour le Marquis de Sansac. Bien souvent un Rival 33 fait valoir le merite d'une Maistresse, & quand il ne sçauroit la faire haïr, il la fait infiniment aimer.
Quoy que Monsieur d'Amboise évitast Mademoiselle de Roye, il n'étoit pas possible qu'il ne la rencontrast jamais, & il y avoit un mois qu'il ne l'avoit veuë, lors qu'il se trouva auprés d'elle un jour que la Reine Regente recevoit des Ambassadeurs d'Espagne. D'a 34 bord qu'il apperceut Mademoiselle de Roye, son premier mouvement fut de changer de place, mais elle le salüa d'une maniere, qui bien qu'assez indifferente, avoit un charme par lequel il se sentit arresté ; il n'osa cependant luy parler, mais lors que la Ceremonie fut achevée, les Hommes donnerent la main aux Dames pour les remettre dans leur Carrosse. Le Marquis de Sansac fut 35 obligé de prendre celle de Madame de Roye, & Monsieur d'Amboise dit à Mademoiselle de Roye qu'il n'osoit luy offrir la sienne ; elle ne luy répondit rien, & luy tendit la main avec assez de civilité.
Jamais Mademoiselle de Roye n'avoit esté si parée ny si belle ; les applaudissemens qu'elle avoit receus, faisoient paroistre sur son visage une joye modeste, qui auroit ex 36 cité de l'amour dans les cœurs les plus insensibles. Quoy que la passion de Sansac fût au point de ne pouvoir augmenter, il avoit neantmoins senty un nouveau plaisir à la regarder. D'Amboise se souvint des premieres fois qu'il l'avoit veuë ; il fit un profond soûpir, & il la regarda avec des yeux moüillez de larmes.
Comme il y avoit de grands Appartemens à traverser, & que beau 37 coup de gens s'estoient mis entre Madame & Mademoiselle de Roye, il eut le loisir de luy parler. Je suis honteux Mademoiselle, luy dit-il, de vous marquer que vos mépris & vostre haine ne sçauroient m'empes cher de vous aimer ; quels remedes tenterez vous encore ? ils seront inutiles, il n'y a que ma mort qui puisse vous défaire de moy. Vous m'aviez promis, luy dit Mademoi 38 selle de Roye, que vous ne me tiendriez plus de pareils discours, que voulez-vous que je vous y réponde ? Rien, Mademoiselle, luy dit-il d'un air indigné, je n'ay merité que vostre indifference. Hé bien, adjoûta-t-il tout transporté, rendez-la moy, puisque je suis assez malheureux pour croire que vostre colere m'est encore un plus grand mal. Mais, luy dit Mademoiselle de Roye, devez‑ 39 vous estre surpris de mon ressentiment ? vous estes cause que j'ay perdu mon Amie. Mademoiselle, interrompit-il, dequoy pouvez-vous m'accuser ? ai-je pris soin de toucher son cœur ? m'estoit-il possible d'aimer autre chose que vous ? Non, Mademoiselle, adjoûta-t-il comme hors de luy, vous ne me devez point de tendresse, je deteste la mienne ; mais je vous aime, & je suis digne de vostre pitié. 40 Ne vous plaignez donc point, luy dit Mademoiselle de Roye, je vous ay donné ce que j'ay pû vous donner, & hors l'amour vous avez eu tous mes autres sentimens ; je vous en promets la continuation, & ne nous faisons plus de reproches.
Le Comte n'avoit pas lieu d'estre content, mais il n'avoit pas droit de se plaindre. Il la remit au Carrosse de sa mere, où 41 Sansac estoit qui l'attendoit. Ces deux Amans se salüerent avec un soûris, qui exprimoit tous les mouvemens de leur cœur. D'Amboise qui avoit feint de ne pas regarder Mademoiselle de Roye, l'avoit cependant remarqué, & il en fut penetré d'une douleur mortelle ; alors son mal fut extrême, puisqu'il resolut de se guerir. Il sentit qu'il seroit toûjours exposé à chercher Mademoiselle de 42 Roye, à la rencontrer, & à souffrir tout ce que l'amour desesperé & la jalousie ont de plus affreux. De sorte que voyant qu'il luy estoit necessaire de quitter Paris, il alla à une Terre qu'il avoit proche de Reims, & il se promit de ne plus revenir, qu'il n'eût éteint tous les restes de sa mal-heureuse passion ; ainsi Mademoiselle de Roye fut délivrée pour quelque temps d'unAmant 43 qui commençoit à l'importuner, parce qu'elle avoit des égards pour luy, & qu'elle n'osoit le maltraiter.
Mais c'estoit le Comte de Sancerre & Madame de Tournon, dont elle n'avoit rien apprehendé, qui devoient causer tous les mal heurs de sa vie. Sancerre vouloit l'engager avant que de se declarer son Amant ; de sorte qu'il avoit commencé à entrer en liaison avec 44 elle, en luy parlant souvent de Sansac, & à la faveur de ce nom il se rendoit aimable ; elle le voyoit avec un plaisir qui estoit mesme suspect à Sansac, il craignoit de trouver un Rival dans un homme qui luy paroissoit redoutable, & qui estoit assidu chez Mademoiselle de Roye ; il luy avoüa ses soupçons, mais elle l'asseura si fortement qu'il n'estoit qu'Amy, & elle en estoit si persuadée, 45 qu'elle ne fit mesme point de reflection aux inquietudes de Sansac. Il avoit aussi tant de raisons de s'asseurer de l'inclination de Mademoiselle de Roye, qu'il voulut bien d'abord luy soûmettre sa jalousie.
Madame de Tournon qui par les promesses qu'- elle luy avoit faites de s'employer pour son Mariage, l'avoit engagé à luy rendre des soins, fit semer par le Comte de 46 Sancerre que ce Marquis estoit devenu amoureux d'elle. Quoy que Mademoiselle de Roye eût esté avertie des raisons qu'il avoit de la ménager, cette Comtesse estoit encore assez aimable pour pouvoir donner des inquietudes à une Rivale.
Mademoiselle de Roye apprit à Sansac ce qu'on disoit de luy ; il demeura dans une surprise qui parut naturelle ; il luy répondit d'une maniere si 47 tendre, & il l'aimoit si veritablement, qu'il ne pouvoit manquer d'estre bien-tost justifié. Il luy offrit de rompre avec Madame de Tournon, mais ils croyoient tous deux avoir le mesme interest à la conserver pour Amie. Elle le pria à la fin de ne point changer de conduite, & elle l'asseura que jamais elle n'en auroit de chagrin.
Sa jalousie parut si tendre à son Amant, que 48 dans ce moment il perdit celle qu'il avoit euë de Sancerre ; il fut mesme si honteux d'avoir pû soupçonner d'infidelité un cœur si delicat, qu'il craignit de la faire souvenir des craintes qu'il luy avoit marquées ; mais cette paix ne dura pas long-temps, Madame de Tournon voulant qu'ils prissent en mesme temps de l'ombrage, gagna celle des Femmes de Mademoiselle de Roye, en qui 49 elle avoit le plus de confiance ; elle luy donna une Lettre qui s'adressoit à Mademoiselle de Roye, mais elle la pria de ne la luy montrer pas, & de faire en sorte que Sansac la lût, sans qu'il parût qu'on eût eu le dessein de la luy laisser voir.
Le hazard favorisa son intention peu de jours apres, & la chose fut ponctuellement executée. Sansac vint le soir 50 chez Madame de Roye, elle n'y estoit pas ; ses amis attendoient quelquefois son retour, mais ce jour-là elle devoit soupper avec sa Fille chez Madame de Tournon ; cependant cette femme feignit de l'ignorer, elle dit à Sansac qu'elles alloient revenir, & elle voulut le faire entrer dans l'Appartement de Madame de Roye, dont elle avoit exprés égaré la clef, pour avoir 51 lieu de le mener dans celuy de Mademoiselle de Roye. Elle venoit d'y porter promptement le Billet dont elle estoit chargée, il estoit sur la table décacheté, & paroissoit y avoir esté oublié. Elle y laissa le Marquis seul, il leut le billet qui estoit de la main du Comte de Sancerre, dont Sansac connoissoit l'écriture. Sancerre par ce Billet, avoüoit à Mademoiselle de Roye qu'il 52 avoit crû long-temps n'estre que son Amy ; qu'en suite il luy avoit déguisé ses veritables sentimens à la faveur de ce nom, & qu'enfin il ne pouvoit plus s'empescher de les luy faire connoistre. Sansac le leut avec le mesme chagrin, que si en apprenant l'amour du Comte il eût appris qu'il estoit aimé.
Cette femme rentra dans la Chambre, lors qu'elle jugea qu'il auroit 53 lû le Billet, & elle luy dit que Madame de Roye venoit de renvoyer ses gens, & qu'elle passoit le soir chez Madame de Tournon. Il y alla aussi tost, sans douter que Sancerre ne s'y trouvast ; cependant ayant reconnu de loin ses livrées à la porte, il fut frapé de cette veuë comme s'il ne s'y estoit pas attendu. Il entra chez Madame de Tournon, pour voir de quelle ma 54 niere Mademoiselle de Roye se conduiroit avec son nouvel Amant ; mais comme elle n'avoit pas veu la Lettre qui pouvoit l'instruire des sentimens de ce Comte, elle ne changeoit point de conduite avec luy.
Sansac estoit au desespoir de luy trouver sa vivacité ordinaire ; la jalousie luy faisoit mesme croire qu'elle estoit encore augmentée ; jamais il n'avoit trouvé les cho 55 ses que Sancerre disoit, si peu propres à plaire, & jamais il n'avoit tant craint qu'elles ne plûssent, enfin il sortit dans le plus furieux chagrin où il eut esté de sa vie. Le lendemain il ne put voir Mademoiselle de Roye en particulier, & le jour suivant on partit pour aller à Reims au Sacre de Charles Neuf.
Un temps considerable s'estoit déja écoulé depuis la mort de Fran 56 çois Second ; les plaisirs renaissoient à la Cour, & mesme ils n'avoient presque pas discontinué, parce que la Reine Regente qui vouloit estre absoluë, entretenoit tous dans l'oisiveté & la molesse ; elle rendoit chaque jour celebre par quelque Feste ; & estant toûjours suivie des plus belles Femmes qui faisoient agir leurs Amans à son gré, elle regnoit avec une pleine authori 57 té par le moyen de la galanterie.
Madame de Roye, qu'une legere indisposition obligeoit à demeurer à Paris, voulut retenir sa Fille auprés d'elle, mais la Reine la pria de ne les point priver d'une personne qui embellissoit sa Cour ; de sorte qu'elle la confia à Madame de Tournon, qu'- elle croyoit toûjours la plus sincere de ses Amies. Sa Fille ne luy avoit 58 point dit les soupçons qu'elle avoit eus de cette Comtesse, de peur qu'elle ne les eût trouvez trop peu raisonnables.
Durant le Voyage, Madame de Tournon obsedoit Mademoiselle de Roye, & sur le pretexte d'amitié ne la quitta pas un moment ; comme la Lettre que Sansac avoit veuë n'avoit esté écrite qu'afin qu'il la vît, Mademoiselle de 59 Roye n'en avoit point entendu parler, Sancerre se gardoit bien de luy laisser soupçonner encore qu'il l'aimast. Il faloit que son Rival fût détruit auparavant, & il se contentoit de travailler de concert avec Madame de Tournon à broüiller ces deux Amans, & à les empescher de s'éclaircir.
Madame de Tournon avoit dit à Sanfac, qu'encore qu'elle voulût bien 60 le servir dans son Mariage auprés de son Pere, elle ne vouloit point entrer avec Mademoiselle de Roye dans la confidence de son amour, & qu'il ne luy convenoit point de prendre ces sortes de manieres avec une jeune personne. Il ne pouvoit la blasmer de cette reserve, & il en soupçonnoit d'autant mois qu'elle fût capable de prendre un autre interest en luy, que 61 celuy de l'amitié. Ce Marquis entretenoit toûjours sa jalousie dans son cœur. Il voyoit que Mademoiselle de Roye ne rompoit point avec Sancerre, & il la trouvoit déja trop coupable pour meriter ses reproches, mais il luy marquoit une froideur extraordinaire ; elle l'attribuoit à sa nouvelle passion pour la Comtesse, & elle en conservoit au dépit qui ne parut aussi d'abord 62 que par sa froideur, mais il estoit impossible qu'ils demeurassent long‑temps dans cét estat. Ils avoient des souçons mutuels qui devoient se tourner en certitude, ou il faloit qu'ils s'éclaircissent de leurs doutes ; il leur arriva une Avanture qui acheva de les broüiller.
La Reine donna le Bal à Reims le soir du Sacre de Charles Neuf ; comme c'estoit la Saison des 63 Masques, elle fit le plan d'une Mascarade ; elle ordonna qu'une Troupe de Bohémiens & une Troupe de Bohémiennes, vinssent separément prédire la bonne fortune du jeune Roy ; qu'en suite chaque Bohémien prendroit une Bohémienne, & qu'ils danseroient ensemble pour se réjoüir de s'estre rencontrez à dire des choses agreables.
La Comtesse de Tour 64 non & Mademoiselle de Roye estoient de la Mascarade ; leur taille estoit à peu prés égale, leurs cheveux estoient d'un brun fort approchant, & dont le peu de difference ne se remarquoit point aux flambeaux ; l'habillement de ces Bohémiennes estoit mesme ordonné d'une maniere à ne laisser presque pas distinguer celles qui avoient le moindre rapport ; de grandes robbes volantes 65 leur couvroient toute la gorge, & descendoient jusqu'à terre, sans que rien marquast la taille ; leurs cheveux qui retomboient sur les épaules, estoient renoüez avec quantité de rubans, & les Dames faisoient part à leurs Amans de ceux dont elles devoient porter le jour de la Feste ; parce que la Reine qui vouloit entretenir tout dans la galanterie, l'avoit ainsi souhaité, afin 66 que ceux qui avoient des Maistresses dançassent avec elles. Mademoiselle de Roye se trouva embarrassée dans cette conjoncture, la froideur qui estoit entre Sansac & elle, luy donnoit de la repugnance à luy faire cette sorte de faveur, cependant il luy estoit impossible de la faire à un autre, elle luy paroissoit peu considerable en soy, & c'estoit trouver une occasion de se plaindre 67 qu'elle ne put negliger ; elle luy envoya de ses rubans, & elle luy écrivit avec tant de dépit, de douleur & de tendresse, que cette Lettre auroit necessairement produit un éclaircissement entre-eux, si l'artifice de Madame de Tournon n'avoit prévalu.
Le Billet ayant passé par les mains de cette femme que Madame de Tournon avoit gagnée, il luy fut montré ; cette 68 Comtesse vit quelque ouverture à joüer un mauvais tour à ces deux Amans, elle garda les rubans de Mademoiselle de Roye, & elle en envoya d'autres au nom de cette jeune personne, c'estoit de ceux dont elle-mesme devoit porter. Son intention estoit de tromper Sansac, & de passer pour Mademoiselle de Roye à la faveur du déguisement, de mettre cette Amante dans la 69 derniere colere contre luy, & de les empescher autant qu'elle pourroit de s'éclaircir, enfin de rejetter la méprise des rubans sur les femmes qui les servoient, si l'on en venoit à l'éclaircissement. Cependant elle trouvoit elle-mesme l'artifice grossier, & elle en esperoit peu de chose ; mais elle avoit commencé à semer la mes-intelligence entre-eux, il faloit hazarder tout ce qui pou 70 voit l'augmenter ; & leurs cœurs estant déja prévenus de jalousie, les moindres apparences pouvoient achever de les revolter.
Sansac receut les rubans de Madame de Tournon, qu'on luy envoya de la part de Mademoi selle de Roye, & il écrivit à celle-cy avec tant d'amour & tant de jalousie, que Madame de Tournon à qui cette Lettre fut montrée, ap 71 prehenda & espera tout en mesme temps de cette disposition ; elle pria cette femme qu'elle avoit gagnée de faire dire à Sansac que Mademoiselle de Roye luy parleroit le soir apres la Mascarade, & elle avoit resolu de luy dire sous le Masque des choses qui le persuaderoient que son Rival estoit aimé ; on supprima les Lettres qu'ils s'écrivoient de part & d'autre, & on dit seulement à 72 Mademoiselle de Roye que Sansac luy estoit tres-obligé de ses rubans ; ce mépris qu'elle avoit si peu merité, l'a mit dans une colere inconcevable. D'abord elle fut surprise de ce procedé, mais son esprit estoit aigry de longue main par la froideur extraordinaire qu'on luy marquoit, & tout paroist vray-semblable à la jalousie. Combien s'accusa-t-elle de l'âcheté, d'avoir pû faire une démarche si 73 mal receuë ; ce qui luy avoit d'abord paru si leger, luy parut alors terrible ; & sa douleur l'auroit empeschée de se trouver à la Mascarade, si elle n'avoit encore voulu voir de quelle maniere il s'y conduiroit.
Les Masques danserent ; chaque Bohémienne avoit un Bohémien qui portoit sa couleur. Mademoiselle de Roye vit quelqu'un qui por 74 toit la sienne, & d'abord elle ne le reconnut pas pour estre le frere de Madame de Tournon qui devoit danser avec cette Comtesse, mais elle remarqua aisément que ce n'estoit point Sansac qui dançoit avec elle.
Ce Marquis n'estoit pas fait d'une maniere à pouvoir estre confondu avec les autres, il estoit plus grand que tous ceux qui estoient de la Mascarade, de sorte 75 qu'elle l'apperceut avec les couleurs de Madame de Tournon, qu'elle ne pouvoit méconnoistre parce qu'elle s'estoient habillées ensemble. Sansac qui la prenoit pour Mademoiselle de Roye, trompé par les rubans qu'on luy avoit envoyez de sa part, dança toûjours avec elle, & elle affecta si bien l'air de la danse de celle qu'elle vouloit representer, que le Marquis n'ayant au 76 cun soupçon de l'artifice, s'y méprit absolument.
Mademoiselle de Roye sentoit le plus violent dépit qu'elle eût eu de sa vie, elle ne douta point que la Comtesse n'eût aussi envoyé de ses rubans à Sansac pour avoir le plaisir de se voir preferer hautement ; dans la disposition où elle estoit, il ne luy en faloit pas tant pour la convaincre que Sansac & Madame de Tournon estoient dans 77 une parfaite intelligence, & le trouble de son esprit la fit danser avec tant de desordre, que personne ne soupçonna que ce fût elle.
Apres qu'elle eut fait une reveuë de tous les personnages de la Mascarade, elle connut que c'estoit avec le frere de Madame de Tournon qu'elle avoit dansé, elle n'examina point si Sansac avoit voulu la tromper en mettant quelqu'un à 78 sa place, ou s'il n'avoit songé qu'à se tirer d'affaire ; mais toûjours elle se croyoit traitée d'une maniere si fâcheuse, que son amour propre estoit presque aussi blessé que sa tendresse.
Si-tost que la Mascarade fut finie, elle se coula doucement vers la porte, & sortit sans estre remarquée que de Sancerre, qui avoit toûjours eu les yeux sur elle, & qui la reconnoissoit aux 79 rubans que Madame de Tournon avoit interceptez, & qu'elle luy avoit montrez. Il sortit aussi pour luy donner la main, & elle luy fut obligée de cette honnesteté ; elle luy dit qu'elle ne rentreroit pas, de sorte qu'il la conduisit jusque chez elle. Il avoit trop d'interest à sçavoir ce qui se passoit dans son cœur à l'occasion de Sansac, pour ne luy en parler pas, & il faloit dans ce desordre 80 porter les derniers coups à son Rival ; il feignit d'un air misterieux de n'estre point tout à fait surpris de ce qui estoit arrivé ; c'en estoit assez pour engager Mademoiselle de Roye mal-gré elle à luy faire plusieurs questions, ausquelles il répondit d'une maniere qui augmentoit infiniment sa jalousie & sa douleur ; quoy qu'elle eut eu mille soupçons, elle s'accusa en elle-mes 81 me de s'estre aveuglée, & d'avoir conservé trop de tranquillité dans le temps qu'on la trahissoit. Elle ne se lassoit point de luy faire de nouvelles demandes, & il demeura plus long temps avec elle qu'elle ne luy auroit permis d'y demeurer, si elle avoit esté moins agitée.
Sansac apres avoir dansé avec Madame de Tournon, qu'il prenoit toûjours pour Mademoiselle 82 de Roye, la mena en un coin de la Salle pour luy parler ; elle n'ostoit point son Masque qui tenoit à sa coëfure2, de sorte qu'il ne se détrompoit point. Il luy dit qu'il estoit desesperé, qu'il sçavoit que Sancerre luy avoit écrit, & avoit osé luy faire connoistre sa passion, que cependant elle ne l'en avoit pas plus mal traité, qu'elle le voyoit avec plaisir, & qu'enfin il ne pouvoit plus vivre si elle 83 continuoit d'avoir le mesme procedé avec luy. Madame de Tournon feignant un ton embarrassé, luy dit qu'il estoit difficile qu'elle rompît avec un amy de sa Mere. Ha ! Mademoiselle, luy dit-il, que me faites-vous envisager ? Pourquoy vous allarmer, luy dit-elle d'un ton encore plus embarrassé qu'auparavant ? quand il seroit vray que Sancerre auroit d'autres sentimens pour moy que 84 ceux de l'estime & de l'amitié, vous ne devez point penser que j'en aye d'autres pour luy. Quoy ? Mademoiselle, reprit-il, est-il possible que vous ayez de l'estime & de l'amitié pour un homme qui se declare vostre Amant ? je suis perdu si vous ne vous dédites de ces cruelles paroles. Je ne m'en dédiray point, luy dit Madame de Tournon, il y a de l'injustice à ce que vous demandez. 85 C'en est trop, interrompit Sansac, ou trompez‑moy mieux, ou achevez de me détromper, je ne sçaurois demeurer dans l'incertitude où je suis ; dites que vous aimez Sancerre, que vous ne sçauriez rompre avec luy, & je ne vous importuneray plus de ma jalousie, ny de mes reproches. Madame de Tournon ne luy répondit rien. Je vous entends, Mademoiselle, luy dit Sansac trans 86 porté de fureur, vous n'aurez plus à souffrir mes plaintes, mais ce seroit en vain que vous auriez attendu de moy de la moderation, & tant qu'il me restera de la vie, j'empescheray que mon Rival ne soit plus heureux que moy. Là-dessus il la quitta brusquement, & elle ne fit aucune démarche pour le retenir.
Madame de Tournon estoit dans une joye ex 87 traordinaire, jamais elle n'auroit osé esperer un tel succez, & tous ses artifices estoient si heureux, qu'ils ne luy donnoient aucun remords. Quoy que la Mascarade fût finie, le Bal continuoit ; Madame de Tournon apres avoir changé d'habits, rentra dans la Salle où l'on dançoit ; Sansac y estoit allé pour chercher Sancerre, & pour l'obliger à se venir battre, mais il ne l'y 88 trouva pas, & il entendit que Madame de Tournon disoit que Mademoiselle de Roye s'étoit retirée avec un grand mal de teste. En effet, Mademoiselle de Roye l'avoit fait dire, afin qu'on ne fût pas surpris de ce qu'elle ne venoit point au Bal. Comme ce Marquis ne voyoit point Sancerre, il pensa qu'il pouvoit l'avoir suivie, & il ne luy fut pas possible de ne point cher 89 cher à s'en éclaircir. Il alla chez Mademoiselle de Roye, sur le pretexte de demander des nouvelles de sa santé ; & ayant sçeu par les gens de Sancerre qu'il y estoit, il demanda à la voir, pour luy faire mal-gré sa promesse tous les reproches qu'il croyoit qu'elle meritoit ; mais la colere où estoit Mademoiselle de Roye l'empescha de le recevoir, elle luy envoya dire qu'elle ne pouvoit 90 parler à cause de son mal de teste, dans le mesme moment elle renvoya Sancerre ; mais comme il comprenoit que Sansac avoit remarqué ses gens, & qu'il jugea que peut‑estre ce Rival auroit la curiosité de sçavoir s'il seroit long-temps avec Mademoiselle de Roye, il demeura dans l'Anti‑chambre avec celle de ses Femmes que Madame de Tournon avoit gagnée, sans que Made 91 moiselle de Roye sçeût qu'il y estoit, & sans qu'elle y songeast.
Sansac l'attendoit sur son passage, agité de tout ce que la rage a de plus affreux ; il vit venir le Comte d'Amboise, & dans le trouble où il estoit, il ne put se deffendre de luy parler. D'Amboise ayant esté obligé de se trouver à Reims pour le Sacre de Charles Neuf, avoit entendu dire que Made 92 moiselle de Roye se portoit mal, & s'estoit trouvé encore assez sensible à ce qui la regardoit pour venir avec empressement s'informer de sa santé. Vous voyez un homme desesperé, luy dit Sansac si-tost qu'il l'apperceut, vous m'avez plongé dans l'abisme où je suis, & vous vous en estes retiré ; vous m'avez cedé une personne qui fait tout le mal heur de mes jours, elle aime Sancerre, il est 93 presentement avec elle, & elle refuse de me voir. Je n'ay rien à vous répondre, luy dit Monsieur d'Amboise, j'ay oublié Mademoiselle de Roye en vous la cedant ; là‑dessus il vit sortir le Comte de Sancerre de chez elle, & il quitta Sansac brusquement, de peur que son air ne démentît les paroles qu'il venoit de luy dire.
Dans quelle bizarre jalousie ce Comte entra-t-il 94 alors ? il luy sembla que Mademoiselle de Roye luy faisoit une seconde infidelité, elle avoit esté forcée par son inclination à aimer Sansac ; d'Amboise commençoit à croire qu'elle aimeroit toûjours celuy qu'elle luy avoit d'abord preferé, & cela avoit en quelque sorte assoupy la premiere ardeur de ses sentimens ; mais ce changement le réveilla, luy redonna des desirs, du dépit & de 95 l'emportement. Il pensoit qu'elle pouvoit estre inconstante, & il l'estimoit moins, mais il en avoit une nouvelle vivacité ; il se sentoit prest à se vanger de celuy qui luy enlevoit un bien qu'il avoit crû perdu pour luy, mais il trouvoit qu'il y avoit une sorte d'amour à se vanger, qui ne convenoit point à un homme qui n'avoit jamais esté aimé ; il avoit honte d'estre encore tour 96 menté par les démélez de Sansac & de Sancerre, pour Mademoiselle de Roye, & il retourna à la Campagne dés le mesme moment.
Sansac ayant marqué à Sancerre que son dessein estoit de se battre contre luy, ils allerent assez loin du lieu où ils se trouvoient, de peur d'estre détournez ils se battirent avec une égale impetuosité, & ils auroient terminé leur querelle par la 97 fin de leur vie, si leurs gens à qui ils avoient deffendu de les suivre, ne se fussent doutez de leur intention, & n'en eussent averty quelques‑uns de leurs amis qui les trouverent, & qui les separerent.
Mademoiselle de Roye fut quelques jours sans sortir de la chambre, sur le pretexte de son mal de teste, de sorte qu'elle ne voyoit point Sansac. Le combat de ce Marquis 98 avec Sancerre faisoit beaucoup de bruit à la Cour, mais on n'en disoit point le sujet ; Sancerre avoit de trop grandes raisons de le cacher, tant qu'il ne seroit point étably auprés de Mademoiselle de Roye. Madame de Tournon entra dans cette affaire avec Sansac, & l'engagea au secret, luy disant qu'il devoit des égards à une personne qu'il avoit si long-temps aimée, mais en effet, c'é 99 toit pour empescher que Mademoiselle de Roye n'approfondît ce démélé, si elle avoit sçeu la part qu'elle y avoit. Sansac suivit les conseils de cette Comtesse, quoy que sa colere contre Mademoiselle de Roye ne fût point diminuée. Cét Amant essayoit en vain d'étouffer sa passion ; il haïssoit Mademoiselle de Roye, mais il songeoit incessamment à elle, & c'est l'oubly qui fait la guérison. 100
Mademoiselle de Roye ayant demandé à Sancerre le sujet de son combat avec Sansac, il luy dit que le Marquis l'avoit querellé sur un pretexte assez leger ; mais que la veritable cause de sa haine pour luy, estoit qu'il l'avoit rencontré trop souvent à son gré chez Madame de Tournon, pour qui il ne pouvoit se persuader qu'on n'eût qu'une simple amitié. Mademoiselle de Roye ava 101 loit ce poison sans resistance, rien ne deffendoit plus Sansac dans son cœur contre ces sortes de surprises, & elle avoit une facilité à croire toutes les choses qu'on disoit de luy au sujet de Madame de Tournon, qui donnoit beaucoup d'esperance à son Rival.
Madame de Tournon marquoit toûjours à Mademoiselle de Roye la mesme amitié, mais on la recevoit avec une 102 grande froideur ; ces deux Rivales ne se parloient plus du Marquis de Sansac, & ce n'estoit que par leur affectation à éviter de prononcer son nom, qu'elles se faisoient de la peine l'une à l'autre.
Le Comte de Sansac, pere du Marquis, estoit Gouverneur de Touraine ; il estoit malade à Tours, & dans cét âge où l'on n'espere plus de guerir ; la survivance de 103 son Gouvernement fut en ce temps-là donnée à son fils, par le credit de Madame de Tournon ; comme il ignoroit qu'elle fût la cause de tous ses déplaisirs, il voulut bien luy avoir cette obligation ; neantmoins il falut qu'il s'éloignast ; il luy dit la necessité où il estoit de fuïr Mademoiselle de Roye, & cette Comtesse ne s'opposa point au dessein qu'il avoit d'aller à Tours, 104 l'absence devoit l'empescher de s'éclaircir avec Mademoiselle de Roye, & le guérir de sa passion.
Ce Marquis partit promptement de Reims, & peu de jours apres la Cour retourna à Paris. Madame de Tournon prit de grands soins de faire informer Mademoiselle de Roye de la part qu'elle avoit euë à ce qu'on avoit fait pour Sansac ; en effet, il avoit 105 falu une personne qui eût du credit sur l'esprit de la Reine, pour l'engager à faire quelque grace à cette Famille.
Mademoiselle de Roye fut remise entre les mains de sa mere, à qui elle apprit que Madame de Tournon estoit sa Rivale, & l'avoit trahie. Madame de Roye eut du chagrin du changement de Sansac ; l'engagement où beaucoup de gens sçavoient qu'il estoit avec 106 Mademoiselle de Roye ; avoit éloigné les partis, & cette infidelité luy faisoit quelque tort ; Mademoiselle de Roye sentoit vivement cét affront, & ne se consoloit pas de n'avoir point aimé d'Amboise, qui avoit une si veritable passion pour elle, & dont les grandes qualitez & la constance devoient l'avoir arrachée à l'inclination qu'- elle avoit pour Sansac.
Le Comte de Sancerre 107 qui estoit toûjours attaché à elle sous le nom d'amy, crut que le temps estoit favorable pour avoüer sa tendresse, mais il resista à l'envie de se faire un merite auprés d'elle de l'avoir toûjours cachée. Il craignit de se charger des chagrins qu'- elle avoit eus contre Sansac, s'il faisoit voir qu'il avoit toûjours esté son Rival, & de rendre suspectes les choses qu'il avoit dites de luy ; 108 de sorte qu'il feignit un commencement de passion, que l'occasion de voir tous les jours une belle personne sans engagement, faisoit naistre.
Mademoiselle de Roye s'estoit trop mal trouvée de l'amour, pour le suivre une seconde fois ; & si son cœur pouvoit encore estre entraîné, ce n'estoit que par la reconnoissance du costé de Monsieur d'Amboise ; elle répondit à Sancerre avec 109 cette indifference, qu'un Amant trouve plus insupportable que la colere. Aussi comprit-il dés ce moment tout ce qu'il en devoit attendre ; cependant il ne se rebuta point, il luy parla plus d'une fois.
Son amour estoit las de se contraindre, il importunoit s'il ne pouvoit plaire ; de sorte que Mademoiselle de Roye fut obligée de luy marquer que s'il continuoit ces 110 discours, elle ne le verroit jamais. Elle le luy dit d'un air si tranquille, qu'il ne douta point qu'- elle n'executast la menace, & il en eut un si cruel dépit, qu'il cessa luy-mesme de la voir.
C'estoit en vain que le Comte d'Amboise cherchoit à la campagne un repos qu'il n'y avoit pas trouvé la premiere fois, une nouvelle raison de se guérir ne faisoit qu'augmenter son mal ; 111 le Comte de Sancerre, Mademoiselle de Roye & Sansac se presentoient sans cesse à son imagination, & le tourmentoient. Il retourna à Paris entraîné par son inquiétude, & sans sçavoir ce qu'il y vouloit faire. D'abord il n'alla point chez Madame de Roye, & il estoit tout à fait resolu à éviter sa Fille ; cependant s'estant informé de ce qu'elle faisoit, il sçeut que Sancerre avoit cessé 112 de la voir, & on luy dit en mesme temps que c'étoit parce que ce Comte estoit devenu amoureux d'elle ; que sa passoin l'avoit importunée, & qu'enfin elle l'avoit en quelque sorte banny. Comme on cache peu les choses qui sont indifferentes, Mademoiselle de Roye avoit avoüé la verité à quelques amies qui luy avoient demandé pourquoy Sancerre ne la voyoit plus ; & d'Am 113 boise qui cherchoit à le sçavoir, ne pouvoit manquer d'en estre instruit ; il perdit par là toute sorte d'ombrage du Comte de Sancerre, de l'idée duquel il avoit esté plus importuné, que veritablement jaloux ; il pensa que Mademoiselle de Roye avoit seulement voulu chagriner Sansac, plustost que de le trahir lors qu'elle avoit refusé de le voir, apres la Mascarade qui s'estoit faite 114 à Reims, & qu'elle avoit receu Sancerre ; qu'enfin ce pourroit estre la suite de quelque querelle d'Amans qu'il n'avoit point sçeuë, & il ne luy estoit que trop aisé de ramener toute sa haine du costé de Sansac ; mais il apprit bien-tost aussi, que ce Marquis estoit devenu amoureux de Madame de Tournon, & cette nouvelle produisit en luy plusieurs mouvemens, entre lesquels il ne déméla 115 d'abord que la curiosité de sçavoir ce que pensoit Mademoiselle de Roye ; il retourna chez elle avec empressement.
Madame de Roye le receut avec ses honnestetez ordinaires ; Mademoiselle de Roye luy parut mélancolique, mais civile & pleine d'égards ; comme il y avoit du monde dans la chambre, il ne put entrer dans aucune conversation particuliere avec elle ce jour‑là, mais 116 elle ne laissa pas de remarquer qu'il l'aimoit encore, elle fit reflection sur le procedé de ce Comte, & sur celuy de Sansac ; elle opposoit la constance de l'un à la legereté de l'autre ; & quoy que des pensées si avantageuses pour d'Amboise n'entraînassent point encore le cœur de Mademoiselle de Roye, c'étoit cependant beaucoup qu'elle luy donnast une si entiere preference dans son esprit.
117
La premiere fois qu'il la vit seule, il luy voulut parler de Sansac, mais elle en évita d'abord le discours, par une confusion secrette de luy paroître abandonnée d'un homme qu'elle luy avoit preferé ; cependant il luy fit connoistre qu'il n'ignoroit pas ce qu'on disoit du changement de Sansac, & ce fut d'une maniere qui en ostoit en quelque façon la honte à Mademoiselle de Roye ; 118 elle estimoit assez ce Comte pour prendre le party de la sincerité avec luy. Ayez le plaisir de vous vanger de moy, luy dit‑elle, je dois vous laisser joüir de ce triomphe ; hé bien ? il est vray que Sansac me quitte pour Madame de Tournon. Est-il possible, Mademoiselle, interrompit-il, cela peut-il estre ? quoy qu'on me l'ait dit, quoy que vous me le confirmiez, je connois trop l'impossibilité de cesser de vous aimer, 119 pour le pouvoir croire. Rien n'est plus vray, luy dit Mademoiselle de Roye; mais qu'y a-t-il là qui soit incroyable ? on ne voit que des exemples d'inconstance. Mademoiselle, luy dit-il, n'en voyez‑vous point d'autres ? ne connoissez-vous point un Amant méprisé, haï & constant ? Je ne le connois point méprisé ni haï, luy dit Mademoiselle de Roye, d'un air qu'il ne luy avoit pas encore veu, je commence à faire 120 la difference de luy au reste des hommes ; j'étois destinée peut-estre à luy rendre justice un jour, & ce jour pourroit estre arrivé. Helas ! Mademoiselle, luy dit-il, ne vous y trompez point, ce jour est encore de ceux que vous donnez à Sansac, & c'en seroit le plus heureux, s'il sçavoit goûter son bon-heur ; quand vous voudriez me faire servir à vostre vengeance, ce seroit sans songer 121 à moy ; Sansac vous est bien cher, puisque son crime vous engage à dire des choses flateuses à son Rival. C'estoit ainsi que le Comte d'Amboise faisoit connoistre à Mademoiselle de Roye qu'- elle avoit moins d'envie de luy marquer sa reconnoissance, que de faire encore quelque déplaisir à Sansac ; neantmoins l'esperance rentroit dans le cœur de ce Comte ; c'étoit déja un grand point, Empreinte de la BIBLIOTHEQUE DE L'ARSENAL 122 que de n'avoir plus à craindre la tendresse d'un Rival, & de n'avoir à combattre que celle de Mademoiselle de Roye, qu'elle combatoit elle‑mesme.
Madame de Tournon entretenoit un commerce de Lettres avec ce Marquis, insensiblement elle en estoit venuë jusqu'à luy faire comprendre, qu'elle auroit voulu le consoler de l'infidelité de Mademoiselle de 123 Roye, il avoit saisi cette occasion de l'oublier, l'envie qu'il en avoit luy faisoit quelquefois croire qu'il y avoit réüssi, & donnoit un air d'ardeur à ses Lettres, dont Madame de Tournon estoit contente. Il avoit cependant bien moins d'envie de la persuader qu'il l'aimoit, que d'en persuader Mademoiselle de Roye, qu'il osoit encore revoir.
La maladie du Comte 124 de Sansac son pere estoit une raison pour le retenir à Tours ; il écrivoit à ses amis, qu'il estoit amoureux de cette Comtesse, & ils ne luy parloient plus de Mademoiselle de Roye, parce qu'- il les en avoit priez sans leur en dire la raison. Dans le temps que Sancerre estoit encore des amis de Mademoiselle de Roye, Madame de Tournon luy avoit écrit qu'ils estoient dans une parfai 125 te intelligence, & depuis personne ne l'en avoit des-abusé. Cette Comtesse qui recevoit souvent des Lettres de Sansac, parce qu'elle luy écrivoit tous les jours, faisoit montrer à Mademoiselle de Roye les plus tendres de celles qu'elle avoit de luy, comme si on les avoit surprises.
Mademoiselle de Roye entroit dans une colere inconcevable lors qu'elle les voyoit, & l'incon 126 stance de Sansac faisoit plus auprés d'elle pour Monsieur d'Amboise, que tous les services de cét Amant n'avoient pû faire. Le Comte de Sansac mourut dans ce tempslà, & sa mort mettoit son Fils en liberté d'achever son Mariage avec Mademoiselle de Roye ; mais il n'en profita pas. Madame de Tournon qui n'y voyoit plus d'obstacles que ceux qu'elle y apporteroit, redoubla ses 127 artifices ; elle fit dire par tout qu'elle épouseroit ce Marquis si-tost qu'il seroit de retour à Paris, où il devoit revenir dans peu pour prendre les ordres du Roy. Le dessein de Madame de Tournon estoit d'engager avant cela Mademoiselle de Roye à prendre un party. Madame de Roye ne pouvoit soûtenir l'affront qu'on faisoit à sa Fille, elle luy dit qu'il estoit de leur gloire de prévenir 128 Sansac. Mademoiselle de Roye estoit encore plus irritée, & ne cherchoit qu'à se vanger. Le Mareschal de Cossé fit faire dans ce temps-là des propositions pour l'épouser ; mais la disproportion de leur âge faisoit balancer Mademoiselle de Roye mal-gré les avantages de cét establissement. Le Comte d'Amboise avoit toûjours la mesme passion pour Mademoiselle de Roye, mais il avoit 129 plus d'une fois renoncé à elle. Il est vray que les raisons qu'il en avoit euës ne subsistoient plus, rien ne convenoit mieux à cette belle personne, qu'un Amant qui l'avoit toûjours tendrement aimée, & qu'elle estimoit plus que tous les autres hommes. Madame de Roye demanda conseil à ce Comte comme à un amy, sur les desseins du Mareschal de Cossé, il fut saisi d'un trouble qui 130 l'empescha de répondre. Je vois avec surprise, luy dit-elle, que ce qui regarde ma Fille ne vous est pas encore indifferent, cependant tout ce que vous avez déja fait me donnoit lieu de croire que vous la verriez sans peine en épouser un autre ; vous sçavez que je vous l'avois destinée, & que je vous eusse preferé à tous les hommes, si vous aviez voulu profiter de mes sentimens. Je 131 n'ay rien à vous répondre, Madame, luy dit-il, vous ne sçauriez ignorer les dispositions où je seray toute ma vie pour Mademoiselle de Roye, je ne m'asseure point qu'il y ait moins d'obstacles pour moy dans son cœur, mais je m'en flate, & il n'en faut pas tant pour rendre ma passion extraordinaire ; si vous y aviez quelque égard, vous souffririez que je consultasse Mademoiselle 132 de Roye pour la derniere fois. Hé bien ! consultez-la, luy dit cette Comtesse, j'ay pour vous la mesme consideration que j'ay toûjours euë.
La conjoncture estoit delicate pour le Comte d'Amboise, il s'estoit déja engagé deux fois avec Mademoiselle de Roye, une troisiéme devoit le faire trembler, mais la concurrence du Mareschal de Cossé le 133 déterminoit à épouser Mademoiselle de Roye pour la luy oster ; il alla se jetter aux peids de cette belle personne. Mademoiselle, luy dit-il, vous voyez le plus amoureux de tous les hommes, cous sçavez que vos rigueurs ne m'ont point empesché de l'estre, & que n'ont point fait vos honnestetez ? j'aurois dû mal-gré elles estre seur que vous ne m'aimerez jamais, & cependant el 134 les m'ont fait esperer, ou elles m'ont tenu lieu de bon-heur, tant que vous n'avez esté à personne ; mais vous ne sçauriez plus éviter d'estre à quelqu'un, & je crains que vous n'en trembliez. Ce ne serõt point les engagemens qui me feront peur, luy dit Mademoiselle de Roye, ce ne pourroient estre que les gens avec qui je serois obligée à m'engager. Hé ! Mademoiselle, luy dit-il, estes‑ 135 vous en estat de faire des differences ? j'apprehende que quelque fâcheux souvenir ne vous rende toûjours le choix d'un Mary des-agreable, ou du moins indifferent ; tout vous sera égal. Mais, adjoûta-t-il, pourquoy vous presser de vous declarer ? vos bontez ne me donnent point assez de hardiesse pour me faire croire que si vous estiez capables de distinctions, elle fussent en 136 ma faveur ; vous m'avez trop accoûtumé à estre mal-heureux, pour me laisser prendre des esperances.
Vous m'offensez, luy dit-elle, par ces souvenirs que vous voulez que j'aye, cependant je veux bien vous répondre precisément sur le reste ; vous avez d'ailleurs assez merité que je m'expliquasse avec vous sans détour ; & puisque je ne sçaurois me dispenser 137 d'entrer dans quelque liaison, je serois fâchée que ce ne fût pas avec vous. Quelles paroles pour Monsieur d'Amboise ? pouvoit-il faire des reflections contraires à son bon-heur ? Il pria Madame de Roye de le preferer au Mareschal de Cossé ; & comme elle y avoit beaucoup de penchant, son Mariage fut une troisiéme fois resolu. Il sembla alors à cét Amant, qu'il n'avoit plus 138 rien à redouter, & qu'il estoit au dessus de tous ses mal-heurs. Plus de Rival. Plus d'obstacles. Il alloit estre uny pour jamais à une personne qu'il avoit long-temps aimée, & dont il croyoit enfin estre aimé. Son mal-heur avoit tant duré, qu'il ne vouloit plus retarder son bon-heur ; il supplia Madame de Roye de ne point faire differer la Ceremonie de ses Nopces. Mademoiselle de 139 de Roye, qui par estime pour Monsieur d'Amboise, & par un secret dépit contre Sansac, s'estoit resoluë à ce mariage, n'eut pas de peine à consentir qu'il fût achevé promptement, & il le fut à deux jours de là.
Quand il avoit esté arresté, les amies de Sansac le luy avoient écrit, non pas comme une chose qui l'interessast, mais comme une nouvelle. Quel coup de foudre pour 140 luy ? & quels sentimens se réveillerent dans son cœur ? Il sentit que le dépit, le temps, & l'absence, n'avoient fait que les assoupir, & qu'ils ne les avoient point affoiblis. Il ne concevoit pas qu'elle eût aimé Sancerre, & qu'elle épousast si-tost d'Amboise, & cette reflection le portoit insensiblement à douter qu'elle eût aimé ce premier ; cependant il pensoit qu'- elle luy en avoit fait l'a 141 veu par son silence ; il avoit veu sortir Sancerre de chez elle, on luy en avoit refusé l'entrée ; & quoy que toutes ces circonstances rappellées dans sa memoire, le fissent encore fremir, il se disoit que ce n'estoit point des certitudes, que peut-estre quelque chose qu'il ignoroit avoit donné lieu à ces irregularitez ; il redonnoit du prix à Mademoiselle de Roye dans son imagination, à mesure 142 qu'il craignoit de la perdre ; tout ce qui pouvoit la justifier luy venoit dans la pensée, comme tout ce qui pouvoit la rendre coupable, s'y estoit autrefois presenté ; la bizarrerie d'épouser d'Amboise dans le temps qu'- elle devoit épouser Sancerre, si elle l'eût aimé, le mettoit hors de mesure, & luy faisoit croire tout possible, jusqu'à n'avoir point esté trahy. Il s'accusoit déja d'avoir 143 peut-estre donné trop tost de la jalousie à Mademoiselle de Roye par Madame de Tournon. D'Amboise qu'il avoit toûjours veu si éloigné d'estre aimé de Mademoiselle de Roye, ne luy paroissoit point avoir dû s'emparer avec tant de promptitude d'un cœur qui s'estoit toûjours refusé à luy : cependant dans quelques momens il pensoit que la mesme inconstance qui l'avoit portée à aimer 144 Sancerre, pouvoit l'avoir portée aussi à aimer d'Amboise, mais cette idée luy sembloit si cruelle, qu'il la rejettoit d'abord ; enfin il ne déméloit plus rien, sinon qu'il ne pouvoit souffrir que quelqu'un fût heureux en épousant Mademoiselle de Roye. Il ne croyoit point que son Mariage se deust faire avec tant de precipitation, & il espera d'y mettre encore des obstacles, neantmoins il ne 145 pouvoit retourner à Paris comme il l'auroit souhaité, parce que les Huguenots3 avec qui on avoit fait un Traité de Paix l'avoient rompu, & s'estoient emparés de plusieurs Villes, ils avoient mesme des Troupes proche de Tours, de sorte qu'il ne luy estoit pas possible de quitter son Gouvernement ; mais il ne voulut point differer de faire sçavoir à Mademoiselle de Roye 146 l'estat où son Mariage l'alloit reduire, quoy qu'il ignorast les dispositions où elle estoit pour luy. Il alla chez Mademoiselle de Sansac sa sœur, qui n'estoit qu'à deux lieuës de là, il luy apprit ce Mariage qu'il sçavoit bien qui la devoit toucher autant que luy, il la conjura de partir sur le champ, de donner à Mademoiselle de Roye une Lettre qu'il luy écrivoit, & de mettre en 147 usage tout ce qui pouvoit l'empescher d'épouser le Comte d'Amboise.
La passion de Mademoiselle de Sansac estoit de celles que rien ne peut guerir, elle fut saisie d'étonnement & de douleur ; & quoy qu'elle essayast de cacher ces mouvemens, elle asseura son frere qu'il pouvoit se reposer sur elle du soin de cette affaire, dont elle viendroit infailliblement à bout si quelqu'un y 148 pouvoit réüssir, & qu'elle n'oublieroit rien pour le servir. Il retourna à Tours apres cette asseurance, & elle ne songea plus qu'aux moyens de luy tenir parole.
Elle ne balança point à choisir les voyes les plus promptes, & qui luy parurent les plus seures, il luy sembla que ce seroit en vain que Mademoiselle de Roye seroit persuadée de la tendresse de Sansac, & que quand 149 elle rentreroit dans ses premiers sentimens pour luy, ils seroient inutiles, parce que sa timidité l'emporteroit toûjours sur son inclination, & qu'enfin il seroit plus aisé de jetter dans l'esprit de d'Amboise des scrupules qui l'obligeassent à prendre le party qu'il avoit pris plus d'une fois, que d'entreprendre aucune autre chose pour rompre son Mariage ; qu'apres tout, ce ne luy seroit pas un mal 150 heur de n'épouser point une personne qui avoit esté si long-temps prévenuë pour Sansac ; qu'il n'y avoit presque pas lieu de douter que sa tendresse ne se réveillast, lors qu'elle le verroit revenir à elle.
Mademoiselle de Sansac écrivit à Monsieur d'Amboise, & elle luy envoya la Lettre que Sansac écrivoit à Mademoiselle de Roye ; elle déguisa son écriture, afin 151 qu'on ne sçeût pas que ces Lettres vinssent de sa part, & elle partit quelques momens apres pour apprendre l'effet qu'ellles auroient produit. D'Amboise les receut le lendemain de son Mariage, & lors qu'il croyoit que sa felicité ne seroit jamais troublée ; il ouvrit celle de Mademoiselle de Sansac, dont il ne connut point le caractere, & qui estoit conceuë en ces termes.
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Bandeau. LETTRE.

IE n'ignore point vôtre delicatesse ; puisque vous épousez Mademoiselle de Roye, vous croyez estre Maître de son cœur ; je vous donne un moyen de vous en asseurer, voicy une Lettre que Sansac luy 153 écrit, puisqu'il l'aime encore, il peut en estre encore aimé, consultez‑la sur cette Lettre ; si elle la reçoit avec indifference, vous n'en aurez que plus de repos dans vostre Mariage ; & si vous vous appercevez que sa passion ne soit pas éteinte, vous pourrez éviter un engagement qui ne feroit jamais vostre bon-heur.
154
Il leut en suite celle de Sansac dont il connoissoit l'écriture, & il y trouva ces paroles.
Bandeau.
155

Motif géométrique A MADEMOISELLE DE ROYE

ON m'apprend que vous allez épouser Monsieur d'Amboise, & cette nouvelle fait une impression si vive sur moy, que je ne sçaurois m'empescher de vous 156 écrire, mal-gré tous les sujets que j'ay de me plaindre de vous. Ie ne suis pas en estat de vous faire des reproches ; je vous aime, & je vous perds, c'est à moy de me justifier, & de vous demander grace ; j'ay feint d'aimer Madame de Tournon ; j'ay voulu me guerir ou plustost me vanger, mais je n'ay fait qu'entretenir ma 157 passion par cette esperance. Peut-estre aussi que ma conduite vous a déplû. Peut-estre a-t elle precipité la resolution que vous prenez. Helas ! je me flate, je serois encore trop heureux d'avoir part aux raisons de vostre Mariage, tout funeste qu'il est pour moy. Non, vous aimez d'Amboise comme vous en avez aimé un 158 autre. Ie vous demande pardon si je vous offense ; je souhaite de vous offenser, faites cesser ce reproche s'il vous est trop sensible ; faites revivre cette inclination dont vous m'aviez flaté, & qui devoit durer toûjours. Quoy ? vous la porteZ à d'Amboise, apres que vostre cœur m'avoit distingué de luy d'une maniere si 159 obligeante ; je m'oppose à vostre Mariage, par le droit que m'ont donné sur vous vos premiers sentimens ; & s'il vous en reste quelque chose, je vous aime asseZ, pour pouvoir pretendre de les rappeller tous. Vous croyiez autrefois que nous en estions nez l'un pour l'autre ; pourquoy nous separer, quand je vous aime encore ? Ha ! 160 quittez la pensée d'entrer dans un nouvel engagement, sinon, craignez la fureur d'un Amant qui perdra tout, plustost que de perdre un bien qu'il a merité par sa tendresse & par la vostre.
Quel effet produisit la lecture de ces Lettres dans le cœur de Monsieur d'Amboise ? il se voyoit contraint de dou 161 ter s'il estoit aimé, dans le temps qu'il estoit possesseur de la personne qu'il aimoit. Quelle horreur se presentoit à son esprit ? il demeuroit accablé de cette idée, & son Mariage estoit encore le plus funeste de tous ses maux. Tant qu'il n'avoit esté qu'Amant, l'entiere asseurance de n'estre pas aimé luy avoit paru moins cruelle, que l'incertitude où il se voyoit alors reduit ; comme il n'avoit 162 jamais aimé si vivement, jamais il n'avoit esté si sensible aux atteintes de la jalousie ; estre au comble de ses vœux, & voir renverser tout son bonheur par des pensées insupportables, par des doutes dont il ne pouvoit s'éclaircir, ne pouvoir abandonner ny haïr la Comtesse d'Amboise, n'y l'aimer, estoit l'estat où il se trouvoit, & auquel il n'y avoit point de remede.
La Comtesse d'Amboise 163 s'apperceut de sa froideur & de son chagrin ; elle luy en demanda la cause d'une maniere qui devoit le rasseurer, mais ses amitiez luy devenoient suspectes, ou plustost il luy sembloit qu'il n'en joüissoit que par surprise ; il fut plusieurs fois sur le point de luy montrer la Lettre de Sansac, pour n'avoir plus à douter du mal-heur qu'il apprehendoit, & pour se faire s'il se pouvoit là-dessus un 164 triste repos ; mais il se retint autant de fois, & il sentit qu'il avoit encore à en craindre la certitude ; il ne répondit à cette Comtesse que des choses qui ne la satisfaisoient pas, & qui la mettoient dans une inquietude extraordinaire.
Lors que Mademoiselle de Sansac fût arrivée à Paris, elle apprit que Mõsieur d'Amboise estoit marié avec Mademoiselle de Roye ; elle comprit 165 tout le desordre que les Lettres qu'elle avoit envoyées avoient dû faire, & le chagrin de son imprudence joint à celuy qu'elle avoit de ce Mariage, luy fit prendre dés ce mesme jour le party de se mettre dans un Convent, tant pour éviter les reproches de son frere, que pour se faire une vertu capable de surmonter la passion qu'elle avoit dans le cœur ; elle écrivit cependant au Marquis de 166 Sansac avant que d'y entrer, elle luy apprenoit que Mademoiselle de Roye estoit mariée ; elle luy avoüoit aussi que croyant le servir, & ignorant que le Comte d'Amboise fût déja hors d'état de profiter des avis qu'on luy donnoit, elle luy avoit envoyé la Lettre qu' il écrivoit à Mademoiselle de Roye, avec un Billet d'un caractere inconu, qui pouvoit le porter à rompre encore luy‑ 167 mesme son mariage ; enfin elle prioit ce Marquis de la laisser en repos, & de ne luy parler jamais de cette faute, qu'elle alloit expier toute sa vie.
Sansac ne receut point cette Lettre à Tours, parce que les Troupes du Prince de Condé qui avoient eu dessein de surprendre la Ville, en ayant esté empeschées par la vigilance du Gouverneur, s'estoient jettées dans Orleans, & luy 168 donnoient lieu de revenir à Paris. Il apprit en arrivant que Mademoiselle de Roye estoit mariée, & il en eut autant de surprise que de douleur ; quoy qu'il eût craint ce Mariage, il n'avoit pû se persuader qu'il se feroit ; mesme ses reflections n'avoient fait qu'attendrir son cœur, & le rendre plus capable de sentir cette perte ; bien loin de le preparer à la supporter, il s'abandonna à tout ce que 169 le desespoir a de plus affreux ; mais il ne fut pas long-temps dans cette peine, d'Amboise estoit destiné à mourir de chagrin au milieu de son bonheur, & on apprit bien‑tost le peril où estoit ce Comte.
Monsieur d'Amboise n'avoit pû soûtenir les diverses agitations de son esprit, la fiévre luy prit avec une violence si extraordinaire, que dés les premiers jours sa vie fut 170 en danger ; la Comtesse d'Amboise estoit incessamment auprés de luy, fondant en larmes ; l'affliction qu'elle luy faisoit paroistre, & les soins qu'- elle prenoit pour sa conservation, le touchoient sensiblement, mais ils le desesperoient quand il songeoit qu'il n'osoit les prendre pour des marques d'amour ; cependant il ne pouvoit se deffendre d'en avoir de la reconnoissance, il voyoit que Mada 171 me d'Amboise estoit digne d'une estime infinie, & que s'il n'avoit pû toucher son cœur, il faloit en mourir sans se plaindre d'elle ; il sentit qu'il n'avoit que peu de jours à vivre, & il resolut de ne luy parler point des Lettres qui luy donnoient la mort, de peur de luy marquer de la jalousie, & de luy oster peut-estre par là la liberté de suivre son inclination quand il ne seroit plus. Cét effort 172 de generosité luy coûtoit neantmoins encore, ses sentimens n'étoient pas assez affoiblis pour ne point s'opposer à une resolution qui leur estoit si contraire, & ses delires découvroient quelquefois ce qu'il vouloit cacher.
Madame d'Amboise qui cherchoit à penetrer la cause de son affliction & de sa maladie, déméla enfin que la jalousie le tourmentoit. L'estime & 173 l'amitié qu'elle avoit pour son Mary, ce qu'elle se devoit à elle-mesme, ne luy permettoient pas de le laisser vivre ou mourir avec des pensées si des-avantageuses pour elle ; elle se jetta plus d'une fois à ses pieds, luy disant que le mépris qu'il luy faisoit paroistre en la privant de sa confiance, luy estoit insupportable. Madame, luy dit-il, que cherchez-vous à sçavoir ? croyez que la tendresse 174 que j'ay pour vous est la cause du secret que je vous fais. Vous ne sçauriez m'entendre, adjoûta-t-il en soûpirant, & je perds tout le plaisir que j'aurois à me faire un merite auprés de vous de ce dernier Sacrifice, mais c'est pour vous laisser plus de repos & de tranquillité.
Ces paroles augmenttoient encore l'inquietude de Madame d'Amboise, & luy faisoient re 175 doubler ses instances, tant qu'enfin la mort de ce Comte d'estant plus incertaine & les Medecins l'ayant annoncée à sa femme, la douleur extraordinaire qu'elle luy faisoit paroistre jusques‑là, & la maniere dont elle le pressoit, eut le pouvoir de luy arracher ce qu'il avoit gardé jusques-là. On croit que vostre mal redouble, luy dit-elle en l'embrassant, sans doute vostre inquie 176 tude y contribuë. Je ne vous parle point de la mienne, vous m'avez découvert mal-gré vous, une partie de ce que vous pretendiez me cacher ; je sçais que vous avez des pensées injustes de moy, vous ne voulez pas me donner lieu de me justifier, & vous negligez d'estre content d'une personne que vous n'aimez plus ; j'ay avec la crainte de vous perdre, la certitude d'avoir déja perdu 177 vostre amitié ; mais je vous l'ay dit, je ne pretens point vous toucher par mes douleurs. Il ne s'agit icy que de vous‑mesme, plaignez-vous de moy pour vous soulager, & vous éclaircissez pour vous mettre plus en repos. Peut-estre ne me trouverez-vous pas coupable, si vous me faites parler. Hé bien ! Madame, luy dit Monsieur d'Amboise, puisque mes resveries ont commencé 178 à me trahir, & vous ont chagrinée, il faut vous apprendre tout, & reparer ce qu'elles ont fait. Lisez ces Lettres, luy dit‑il en luy presentant celles qu'il avoit receuës, voila ce qui cause mes maux, je n'ay pû vivre & douter que je fusse aimé de vous, je meurs pour vous laisser à un autre qui ne vous aimera jamais comme moy, mais avec qui vous serez plus heureuse, parce que vous 179 l'aimerez davantage.
Madame d'Amboise trembla de l'imprudence ou de la malice de ceux qui avoient envoyé la Lettre d'avis à son Mary ; elle ne les devinoit point, & elle estoit si occupée de le voir mourant pour elle, que mesme dans ce moment la Lettre de Sansac ne fit aucune impression sur son esprit ; Monsieur d'Amboise qui estoit appliqué mal-gré luy à examiner les mouvemens 180 de son visage, ne la vit point changer de couleur. Hé bien ! luy dit‑elle, Monsieur, vous avez donc crû que je ne pourrois recevoir une Lettre de Sansac, sans reprendre pour luy des sentimens qui vous fussent des-agreables ; je voudrois qu'on me l'eût donnée, je vous l'aurois remise entre les mains comme je l'y remets presentement. Ha ! s'il est vray, Madame, luy dit-il avec 181 un transport qui abregea encore ses jours, faut-il mourir ? Quoy ! vous auriez oublié Sansac, adjoûta-t-il avec des yeux où l'amour n'estoit pas éteint ? Je suis honteuse, luy dit-elle, d'avoir à vous en donner de nouvelles asseurances, mais j'en seray contente si elles peuvent vous tirer de l'estat où vous estes. Non, Madame, luy dit‑il, je meurs avec autant de satisfaction que de re 182 gret ; mais enfin vos premiers sentimens ont esté pour Sansac, je ne suis point injuste ny Tyran, c'est beaucoup pour moy que d'avoir pû les éteindre un moment durant ma vie, ils se rallumeront apres ma mort ; je n'en murmure pas, ne leur opposez point ma memoire, vous sçavez que tant que je l'ay pû, j'ay preferé vostre bonheur au mien, & j'envisage avec quelque sorte 183 de joye que vous serez parfaitement heureuse, sans que j'en sois malheureux. A peine eut-il achevé ces parolles, qu'il s'évanoüit ; on mena la Comtesse d'Amboise hors de la chambre, mal-gré ses pleurs & ses cris. Madame de Roye qui n'étoit guére moins affligée de l'estat où elle voyoit ce Comte, taschoit neantmoins à la consoler au - tant qu'il luy estoit possible.
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Monsieur d'Amboise revint de son évanoüissement, il fit prier sa femme de ne plus entrer dans sa chambre, afin qu'elle s'épargnast un spectacle affligeant, & parce que sa veuë luy faisoit quitter la vie avec trop de regret ; il mourut le lendemain.
Madame de Roye mena la Comtesse d'Amboise dans un Convent, où elle demeura quinze jours, & en suite elles 185 allerent ensemble à la campagne. L'affliction de cette veuve ne se moderoit point, il luy sembla qu'elle ne consoleroit jamais de la mort de son Mary ; elle connut tout le prix de l'affection qu'il luy avoit portée, & combien son cœur & son merite estoient au dessus de celuy des autres hommes ; elle alloit jusqu'à l'admiration pour luy, & elle estoit bien éloignée de soupçonner qu'elle 186 pût jamais avoir de sentimens plus vifs pour quelqu'un ; elle ne croyoit mesme point en avoir eu d'aussi vifs, elle évitoit de penser à la Lettre du Marquis de Sansac, il luy sembloit que c'estoit par indifference, mais elle songeoit incessamment à la generosité qu'avoit euë son Mary, de consentir en mourant qu'elle l'épousast, quoy qu'elle n'eust pas dessein d'en profiter.
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Sansac avoit repris des esperances par la mort de Monsieur d'Amboise, mais il comprit qu'il seroit quelque temps sans oser voir sa veuve, & il alla à Tours lors qu'elle partit pour la campagne, où elle demeura trois mois sans recevoir personne ; cependant ses affaires l'obligerent de retourner à Paris , & il y revint aussi dés le moment qu'il le sçeut ; quoy qu'il n'osast aller chez 188 elle, il cherchoit les promenades solitaires dans la veuë de l'y rencontrer. En effet, il ne fut pas long-temps sans avoir ce plaisir, ny mesme sans se faire remarquer. La Comtesse d'Amboise se sentit émeuë la premiere fois qu'elle le revit, il luy sembla que la presence d'un homme qui l'avoit offensée pouvoit luy causer ce trouble ; comme elle estoit avec une Dame de ses parentes à qui 189 elle ne vouloit point faire connoistre qu'elle avoit remarqué Sansac, elle fut contrainte de continuer son chemin. Sansac la suivoit toûjours, & enfin elle retourna le plustost qu'il luy fut possible.
Lors qu'elle fut revenuë chez elle, elle entra dans son Cabinet, & elle ne pût s'empêcher de lire la Lettre que Monsieur d'Amboise luy avoit donnée de ce Marquis, 190 & qu'elle avoit gardée ; elle la trouva pleine de passion, & elle la releut encore, en suite elle entra dans une profonde resverie, dans laquelle elle ne vouloit point distinguer ses propres pensées.
Quelques jours apres Monsieur de Sansac ayant gagné quelques-uns de ses gens, pour sçavoir de quel costé elle devoit se promener, la devança, parce qu'elle ne vint que 191 tard ; & lors qu'il la rencontra, il la salüa d'une maniere triste & respectueuse, qui luy donna encore plus d'émotion que la premiere fois. Elle estoit descenduë de son Carrosse pour prendre l'air ; mais apres avoir salüé ce Marquis, elle y remonta avec precipitation ; cependant à peine eut-elle fait quelques pas, que son Carrosse rompit ; il estoit tard, elle estoit assez loin de Paris, & elle 192 se trouva dans un tresgrand embarras.
Monsieur de Sansac qui vit de loin le desordre qui estoit arrivé à son équipage, s'approcha ; & n'osant parler à Madame d'Amboise, il pria une des Femmes qui accompagnoient cette Comtesse, de luy offrir de sa part son Carrosse pour la remener. Madame d'Amboise ne put se dispenser de répondre à cette honnesteté, elle le remercia, 193 & elle luy dit qu'on alloit chercher des gens pour raccommoder son Carrosse. En effet, elle y envoya à l'heure mesme ; il luy dit qu'il estoit bien mal-heureux d'estre refusé dans une occasion où il estoit presque impossible de ne pas accepter le party qu'il proposoit ; que le Carrosse de Madame d'Amboise ne pouvoit estre en estat d'aller que la nuit ne fût fort 194 avancée ; qu'il alloit attendre le retour de ceux qu'elle envoyoit, & que peut-estre la necessité vaincroit la repugnance qu'elle avoit à luy faire une grace. Madame d'Amboise tascha à luy répondre sans incivilité, mais sans luy promettre aussi qu'elle se serviroit de son secours ; insensiblement ils entrerent en conversation, Monsieur de Sansac trouva l'art de la fai 195 re durer, en disant à Madame d'Amboise des choses qui l'obligeoient à répondre ; les gens qu'on estoit allé querir pour raccommoder le Carrosse arriverent, & dirent qu'il estoit impossible qu'on le menast à Paris ce jour‑là.
Madame d'Amboise esoit dans une furieuse inquietude, la nuit estoit commencée ; Sansac offroit de luy donner son 196 Carrosse, & d'attendre en ce lieu qu'il fût de retour. Il y auroit eu de la mal-honnesteté à l'y laisser, elle avoit cependant de la peine à se resoudre de se mettre dans le mesme Carrosse, avec un homme qui l'avoit aimée, & qu'elle craignit qui ne luy fût pas encore indifferent. A la fin la necessité l'obligea de le prier de la mener jusqu'aux premieres mai 197 sons, en attendant qu'- elle envoyast querir un Carrosse à Paris. Comme ces maisons estoient tres-éloignées, elle ne pouvoit avec bien-séance le laisser dans la campagne, & il trouvoit trop de plaisir à accompagner Madame d'Amboise pour s'en deffendre un moment ; de sorte qu'il la mena avec deux de ses femmes jusqu'au village prochain. Quel charme pour luy de se retrouver 198 avec elle ? il n'osoit luy dire que des choses indifferentes, mais il luy parloit, il la voyoit, & il esperoit que cette rencontre ne seroit pas sans suites ; mesme l'air de mistere qui se trouvoit par hazard dans cette avanture, luy donnoit beaucoup de plaisir.
Les raisons qui faisoient la joye de cét Amant, allarmoient la severité de Madame d'Amboise ; elle esoit si agitée de ses pen 199 sées differentes, qu'elle ne parla qu'en desordre. Ce Marquis qui s'en apperceut, n'en tiroit pas un méchant augure ; cependant il n'osa luy demander la permission de la voir plus long-temps, apres qu'il l'eût mise où elle souhaitoit d'aller, mais il demeura aux environs de la maison jusqu'à ce qu'elle en fût partie.
Le lendemain il luy écrivit, pour luy deman 200 der une heure d'audience, avant qu'il allast à Chartres où le Roy l'envoyoit avec un renfort de quatre mille hommes, qui devoient se jetter dans la ville, que les Huguenots4 avoient assiegée.
Cette Comtesse fut embarrassée de la conduite qu'elle devoit tenir dans cette occasion ; toute la nuit elle avoit esté occupée de la rencontre qu'elle avoit faite, Sansac luy avoit paru plus 201 amoureux que jamais, mais elle n'osoit le trouver aussi aimable ; cependant il esoit presque justifié dans son esprit, au sujet de Madame de Tournon, par sa Lettre qu'elle avoit releuë plusieurs fois. Monsieur d'Amboise bien loin de craindre qu'elle ne l'épousast, le luy avoit en quelque sorte ordonné en mourant, toutefois il luy sembloit que ce n'estoit point assez pour l'épouser, mais que 202 c'estoit assez pour le voir sans scrupule ; qu'il faloit qu'elle luy parlast, & qu'- elle sçeût qui avoit envoyé à Monsieur d'Amboise les Lettres qui avoient causé tant de desordres ; qu'enfin elle devoit apprendre à Sansac la resolution qu'elle avoit faite de demeurer veuve ; dans cette pensée elle luy fit dire qu'il pouvoit la voir.
Avec quelle joye revint-il chez elle, & se re 203 trouva-t-il en liberté de luy parler de ses sentimens ? Il luy sembla que sa beauté estoit encore augmentée ; ses habits de deüil, & l'émotion qui paroissoit sur son visage, luy donnoient mille charmes. Il se jetta à ses pieds, sans pouvoir prononcer une seule parolle, & sans songer mesme à ce qu'il faisoit.
Madame d'Amboise l'obligea de se relever, avec un serieux qui le glaça 204 de crainte ; il prit un siege comme elle luy ordonnoit, & il fut long‑temps sans oser lever les yeux sur elle ; ce respect la toucha plus que le transport de son amour n'avoit fait.
J'ay eu la hardiesse de demander à vous voir, Madame, luy dit-il, sans presque la regarder, mais j'en suis assez puny, & vostre air m'annonce des mal-heurs que j'avois évité de prévoir. Mada 205 me d'Amboise d'abord ne luy répondit point. Vous ne me dites rien, Madame, adjoûta-t-il ? parlez, desesperez-moy ; les duretez que vous me direz, me seront moins cruelles que vostre silence. Je vous parleray aussi, luy répondit-elle, je ne vous aurois pas laissé venir, si je n'avois eu beaucoup de choses à vous dire, & je suis seulement embarrassée par où je commenceray. Je croy que je ne dois 206 point me réjoüir, Madame, luy dit-il, des choses que vous avez à me dire, il m'est aisé de prévoir qu'elles ne me seront pas avantageuses, & vous diminuez beaucoup la grace que vous me faites, qui auroit esté trop grande si vous n'aviez eu qu'à m'entendre. Je ne feray point de difficulté de vous avoüer, luy dit‑elle, que j'ay veu la Lettre que vous m'avez écrite à l'occasion de mon 207 Mariage, & qui fut envoyée à Monsieur d'Amboise, il faut que je sçache de vous à qui vous l'aviez donnée, & comment fut conduite une affaire si mal-heureuse pour moy, par la mort de Monsieur d'Amboise.
Sansac luy conta que luy estant impossible de revenir à Paris, parce qu'on craignoit une entreprise des Huguenots5 sur Tours, il avoit confié sa Lettre à sa Sœur, 208 qui luy promettoit de la luy remettre entre les mains ; que Mademoiselle de Sansac ignorant aussi bien que luy que son Mariage fût déja fait, avoit crû que les plus seur moyen de l'empêcher, estoit d'envoyer ces Lettres à Monsieur d'Amboise : mais, Madame, adjoûta-t-il, je vois que leur méchant succez m'est imputé, & que mesme quand ma Lettre n'auroit esté veuë que de vous, 209 je n'en devois attendre que vostre colere. Sans doute, luy dit-elle, puisque j'estois femme de Monsieur d'Amboise, mais j'avois eu lieu de croire que Madame de Tournon vous auroit consolé de mon Mariage, ou plustost qu'il ne vous auroit point affligé. Madame de Tournon, s'écria-t-il ? Est-il possible, Madame, que vous croyez qu'elle ait pût me consoler un moment de vous ! 210 Madame d'Amboise ne pût s'empêcher de luy parler de la préference qu'il avoit donnée à cette Comtesse le jour de la Mascarade ; mais il luy protesta avec tant d'ingenuité qu'il avoit crû danser avec elle, & la conversation qu'il pensoit avoir euë avec elle aussi, sur le sujet de Sancerre, les embarrassant l'un & l'autre, ils démélerent enfin que Madame de Tournon les avoit joüez. 211 La verité se montroit à eux à mesure qu'ils se parloient ; il se retrouvoient innocens, une douce joye rentroit dans leurs cœurs, que de long‑temps ils n'avoient sentie.
Lors qu'ils n'eurent plus de plaintes à faire, ils se regarderent quelque temps. Mais, Madame, reprit le Marquis de Sansac, que me sert-il que vous n'ayez point aimé Sancerre, si je vous suis 212 indifferent ? Du moins vous me le devez estre, interrompit Madame d'Amboise, j'avois épousé le Mary le plus digne d'estre aimé qui fut jamais. Ses dernieres parolles meritent que je sois eternellement occupée de luy. J'estois resoluë à vous en faire un secret, mais je me sens engagée à vous les dire, pour vous marquer mieux l'obligation où je suis de l'aimer toûjours. Elle luy fit un 213 recit de la conversation que Monsieur d'Amboise avoit euë avec elle sur son sujet, en adoucissant neantmoins les termes qui pouvoient trop le flater ; mais cét Amant ne laissa pas d'estre charmé de cette confidence. Ha ! Madame, luy dit-il en se jettant encore une fois à ses pieds, executez les dernieres volontez de Monsieur d'Amboise ; j'ay merité de luy succeder, puisque je suis choisi par 214 luy, il n'y a que vostre indifference qui puisse m'en rendre indigne ; Mais, adjoûta-t-il, pourquoy vous serois-je indifferent ? je n'ay pas cessé un moment d'estre le plus amoureux de tous les hommes ; je suis autorisé à vous le dire, & vous ne devez plus faire de scrupule que de ne m'aimer pas. Je vois que je vous en ay trop dit, interrompit - elle en rougissant, & en l'obligeant 215 à se lever avec plus de douceur que la premiere fois, il n'est plus temps de déguiser avec vous. Hé bien ! sçachez que mon inclination n'est pas éteinte. Que n'ay-je plustost appris vostre innocence? je n'aurois point esté à Monsieur d'Amboise, il ne seroit point mort, & rien ne m'auroit empeschée d'estre à vous ; mais puisque je l'ay épousé, ie luy dois un sacrifice pour tous ceux 216 qu'il m'a faits, j'ay par cette raison formé le dessein de demeurer veuve ; & si j'avois assez de foiblesse pour ne le pas executer, je ne serois point heureuse en vous épousant ; quelque amitié que j'eusse pour vous, mes reflections m'empescheroient de joüir de la vostre, & m'osteroient peut-estre la mienne à la fin. Ah ! Madame, luy dit-il, avec le desespoir dans l'ame, je vois que 217 vous ne m'avez jamais aimé. Je voudrois qu'il fût vray, luy dit-elle en soûpirant. Hé ! Madame, s'il ne l'est pas, reprit-il, pourquoy me dire des choses si cruelles, & pourquoy vouloir que je renonce à vous ? je ne sçaurois le faire, il m'est plus aisé de mourir. Quoy ? interrompit-elle, vous ne sçauriez faire un effort pour me laisser à moy-mesme, comme Monsieur d'Amboise en 218 a fait pour me laisser à vous. Non, luy dit-il, Madame, ne me proposez point d'exemples, j'ay trop d'amour pour songer seulement à vous perdre ; & si vous m'ôtez l'esperance, les perils où je vais estre exposé, & où je ne me ménageray point, vous délivreront d'un Amant trop passionné, pour vaincre ses sentimens, ou pour les cacher. Répondez moy encore une fois, Mada 2296 me, ma vie ou ma mort sont entre vos mains. Ha ! que me dites-vous, luy dit Madame d'Amboise avec des yeux grossis de larmes, pourquoy voulez-vous que je me determine ? laissez moy du moins irresoluë, puisque vous ébranlez déja ma resolution. Sansac voulut l'engager à luy donner parolle positive de l'épouser, mais elle en demeura à ce qu'elle venoit de dire. Il fut obli 230 gé de prendre congé d'elle, & il alla à Chartres avec les quatre mille hommes qu'il conduisoit.
Lors qu'il fut party, Madame d'Amboise vit combien elle avoit déja fait de chemin ; que les soupçons que Sansac avoit dissipez, luy estoient devenus, pour ainsi dire, un merite auprés d'elle, & qu'elle avoit trouvé un grand sujet de se loüer de luy, à n'avoir 231 pas un grand sujet de s'en plaindre ; elle crût qu'elle s'estoit démentie trop aisément & trop tost ; & que lors qu'il seroit des retours sur cette conduite, il auroit moins d'estime pour elle que d'amour ; cette pensée la chagrina, elle se dit mesme qu'un Mary comme celuy qu'elle avoit eu, meritoit une femme capable de grands sentimens & de fermeté ; qu'enfin le plaisir de pen 232 ser à luy, & d'estre contente d'elle, devoit l'occuper toûjours.
Mais elle fit bien-tost apres d'autres reflections ; Monsieur de Sansac fut tué devant Chartres, en faisant une sortie sur les Huguenots7, & elle en eut une douleur si cruelle, qu'elle jugea qu'il ne luy auroit pas esté possible de vouloir meriter long-temps son estime aux dépens de la tendresse qu'elle avoit pour 233 luy ; elle retourna à la campagne, où elle passa le reste de ses jours, remplie de ses diverses afflictions, & sans oser les déméler, de peur de reconnoistre la plus forte.
FIN.
L'empreinte de la BIBLIOTHEQUE DE L'ARSENAL
Cul de lampe. Extrait du Privilege du Roy.
PAr Grace & Privilege du Roy, donné à Versailles le 17. jour de May 1688. Signé, Noblet: Il est permis à Catherine Bernard de faire imprimer un Livre intitulé, Le Comte D'Amboise, Nouvelle, & ce pendant le temps de huit années consecutives, à compter du jour qu'il sera achevé d'imprimer pour la premiere fois ; Et deffenses sont faites à tous autres de l'imprimer, vendre ni distribuer, sans le consentement de l'Exposante, ou de ses ayans cause, à peine de confiscation des Exemplaires, de tous dépens, dommages & interests, ainsi qu'il est plus au long porté par ledit Privilege.
Ladite Catherine Bernard a cedé & transporté son droit de Privilege à Claude Barbin, Marchand Librarie, suivant l'accord fait entre-eux.
Registré sur le Livre de la Communauté des Imprimeurs & Libraries de Paris, le 17. Septembre 1688. suivant l'Arrest du Parlement du 8. Avril 1653. celuy du Conseil Privé du Roy du 27. Février 1665. & l'Edit de Sa Majesté donné à Versailles au mois d'Aoust 1685. Le present Enregistrement fait à la charge que le debit dudit Livre se fera par un Imprimeur ou Librarie, suivant l'Edit, Statuts & Reglemens.
J.B. Coignard, Syndic. Achevé d'imprimer pour la premiere fois, le 4. Octobre 1688.
Filet simple. De l'imprimerie de Iacques Langlois.

Noms propres

Catherine de Médicis

Cette célèbre reine de souche italienne, né en 1519 et morte en 1589, était la femme d'Henri II et la mère de François II, de Charles IX et de Henri III sur qui elle exerça une influence politique importante.

Liens à cette référence dans les documents

Charles IX

Second fils d'Henri II et de Catherine de Médicis, il devint roi de France (1560-1574) à l'âge de dix ans sous la régence da sa mère. Son règne fut dominé par les guerres de religion entre les catholiques et les protestants. Ses efforts de réconcilier les deux factions finirent par entraîner plus d'hostilité. En particulier, sous la pression des catholiques et sa mère, Charles IX ordonna le massacre de la Saint-Barthélemy (1572), dans lequel des milliers de protestants furent tués.
  • Charles IX, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
  • Charles IX de France, Wikipédia l'encyclopédie libre (17 mai 2010), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 19 mai 2010. https://fr.wikipedia.org/wiki/Charles_IX_de_France.
  • Saint-Barthélemy (massacre de la), Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.

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François II

Le fils aîné d'Henri II et de Catherine de Médicis, François II devint le roi de France à l'âge de 15 ans lors de la mort accidentelle de son père. De santé faible, il décéda seulement dix-sept mois plus tard. Ayant doté de pouvoir les frères Guise, les oncles de sa femme Marie Stuart, sous François II la suppression dure des protestants déclencha plusieurs décennies de guerres de religion en France.

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Henri IV

Chef du parti des protestants qui devint roi de Navarre (1572-1610) et de France (1589-1610). En 1572, il épousa Marguerite de Valois, sœur de Charles IX, dans l'espoir de réconciler les catholiques et les protestants, mais ce mariage fut suivi du massacre de la Saint Barthélemy dans lequel milliers de protestants furent assassinés. En 1576, Henri IV reprit la tête de l'armée protestante; en 1593, il se convertit définitivement au catholicisme pour réunir son peuple. Il promulgua en 1598 l’Édit de Nantes, un édit de tolérance qui mit fin aux guerres de religion. Sans héritiers légitimes, Henri IV épousa Marie de Médicis en deuxième noces en 1600 après l’annulation de son mariage avec Marguerite. Le futur Louis XIII naquit de cette union. Henri IV fut assassiné en 1610 par le fanatique catholique Ravaillac.
  • Henri IV, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
  • Henri IV de France, Wikipédia l'encyclopédie libre (17 mai 2010), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 20 mai 2010. https://fr.wikipedia.org/wiki/Henri_IV_de_France.

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Louis Ier de Bourbon-Condé

Louis 1er de Bourbon (1530-1569), prince de Condé et duc d'Enghien, était le principal chef protestant pendant les guerres de religion (1562-1598) en France.

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Notes

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