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La Duchesse de Milan

LA
DUCHESSE
DE MILAN
DEDIEE
A MADEMOISELLE
DE NANTES.

Vignette. L'empreinte de la Bilbliotheque de France. A PARIS,
AU PALAIS,
Chez CHARLES OSMONT, dans la
grand'Salle, du costé de la Cour des
Aydes, à l’Ecu de France.

Filet simple.
M. DC. LXXXII.
Avec Privilege du Roy.

A MADEMOISELLE DE NANTES. MADEMOISELLE,

Le desir extreme que j’avois d’engager Votre Altesse à lire un de mes livres, m’a obligé à vous dedier la Duchesse de Milan, m’imagi ant que Vous prendrez quelque interest à une Histoire qui sera sous vostre protection. Il n’y a que les loüanges dont il faut remplir une Epistre Dedicatoire; qui m’ont embarassé; car toutes celles qu’on peut donner à une personne de vostre aage ne conviennent point à V. A. & je craignois aussi que la Public n’eust peine à croire que Vous faites déja l’ornement des Balets, que Vous parlez les Langues étrangeres comme la Françoise; que Vous avez une penetration & une presence d’esprit qui surprennent tous ceux qui ont l’honneur de vous approcher; & enfin que les plus petites choses que Vous faites dans vostre enfance, feroient honneur à des personnes d’un aage consommé. On verra quelque jour des effets sur prenans de cet heureuse genie; & je prévoy qu’en tout temps on sera fort embarassé de parler de V. A. assez dignement. De ma part je tascheray toujours à y suppléer par mes profonds respects, & je seray toute ma vie, MADEMOISELLE,
de V. A.
Le tres-humble & tres-
obeïssant serviteur
PRECHAC
Filet simple.
PAR Lettres Patentes données à Fontainebleau le 11. Septembre 1681. signées par le Roy en son Conseil, AKAKIA, registrées sur le Livre de la Communauté le 14. Novembre 1681. signées, ANGOT, Syndic : Il est permis au Sieur Prechac de faire imprimer la La Duchesse de Milan, pour le Temps & espace de six ans. Et deffenses sont faites à toutes personnes d’imprimer, vendre & debiter ledit Livre sans le consentement dudit Prechac, à peine de confiscation des Exemplaires contrefaits, de trios mille livres d’Amen de, & de tous dépens, dommages & interests contre chacun des contrevenans, aux charges & conditions portées par lesdites Lettres.
Et ladit sieur de Prechac a cedé Le present Privilege à Charles Osmont, pour en foüir en sa place, suivant l’accord fait entr’eux.
Achevé d’imprimer pour la premiere fois le 6. Decembre 1681.
Bandeau. 1 Lettrine "L".
L’ITALIE apres avoir long‑tems combattu pour sa liberté contre les Empereurs, l’avoit enfin recouverte, & ils ne conservoient plus qu’une 2 ombre d’autorité dans quelques Estats particuliers, qui les reconnoissoient plûtost pour s’asseurer de leur protection, que par crainte qu’ils eussent de leur pouvoir. Le Milanois estoit le plus considerable de tous.
Les Viscomtis qui de Gouverneurs particuliers s’en estoient faits Ducs, joüissoient d’une authorité legitime par le consente 3 ment des peuples, & par celuy des Empereurs. Mais les mâles de cette famille estans finis, tous ces droits passerent dans la maison d’Orleans par Valentine de Milan, qui avoit épousé ce fameux Duc d’Orleans, qui fut tué par Jean Duc de Bourgogne; l’état pitoyable où la France estoit reduite, à cause des guerres des Anglois, 4 & des factions differrentes dont ce Royaume estoit déchiré, ne permit pas aux enfans du Duc d’Orleans d’aller prendre possession de cette Duché : Les Venitiens qui trouvoient les Milanois à leur bien-seance1 s’en seroient infailliblement emparez, si la Noblesse de Milan n’eût fait des efforts extraordinaires pour les en empescher. Sfor- 5 za ayant acquis beaucoup de reputation dans cette guerre, fut éleu General des Milanois, & prit peu de tems aprés le titre de Duc de Milan, malgré les oppositions de la Maison d’Orleans, qui n’estoit pas en état de l’empescher par les armes. Mais Charles VIII. estant mort sans Enfans, Loüis XII. qui estoit auparavant Duc d’Orleans luy succeda. 6 & ne songea d’abord qu’à s’aller mettre en possession de la Duché de Milan, qui luy appartenoit si legitimement: Les Sforzas luy resisterent quelque tems, mais enfin ils en furent chassez par les François qui demeurerent paisibles possesseurs de la Duché de Milan.
Ludovic Sforza s’imaginant de tirer avantage des dissen 7 tions de Jean Jacques Trivulce, & de d’Aubigni Generaux des François, fit encore de nouvelles tentatives dont le succez luy fut fatal, puis qu’il y fut pris & mené au Chasteau de Loches, où il mourut peu de tems aprés, & laissa en bas âge Maximilian & François Sforza ses enfans.
Maximilian sceut si bien profiter des ini 8 mitiez que le Pape Jules II. avoit excitées contre la France, aprés en avoir receu mille bien-faits, qu’il fut reconnu Duc de Milan, & en chassa les François par le secours de plusieurs Princes, & particulierement par l’assistance des Suisses.
Loüis XII. estant mort sans pouvoir recouvrer le Milanois, Francois I. qui luy 9 succeda, passa les mõts avec une puissante armée, & commença son regne par la fameuse bataille de Marignan, qui mit l’orgueil des Suisses à la raison, & rétablit les François dans le Duché de Milan; le Roy ne laissa pas de faire des conditions fort avantageuses à Maximilian Sforza, & de luy donner un établissement considerable 10 en France, où il passa en repos le reste de ses jours. Le Roy qui cherchoit à gagner les cœurs de ses nouveaux sujets, fit un assez long sejour à Milan, & donna par là occasion aux jeunes gens de la Cour de faire connoistre aux Dames qu’ils estoient aussi galans pendant la paix, qu’ils avoient paru fiers à la bataille de Marignan.
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Parmy le grand nombre de belles personnes qu’il y avoit à Milan en ce tems-là, Clarice Visconti2, fille d’un Cadet de cette illustre Maison, qui avoit peri à la derniere guerre, estoit incomparablement au dessus des autres, sa naissance, son extréme beauté & sa grande vertu obligerent le Roy à la traiter avec beaucoup de distin 12 ction. L’Admiral de Bonivet3, favory de Francois I. fut si vivement touché des charmes de cette aimable personne qu’il en devint éperduëment amoureux dés la premiere fois qu’il la vid. Le desir qu’il avoit de luy plaire l’engagea à procurer plusieurs graces aux parens de la Comtesse Visconti, mere de Clarice, qui estoit de la 13 maison de saint Severin4. La Comtesse en ayant fait remercier l’Admiral, il en prit occasion de l’aller visiter, s’imaginant qu’il luy seroit facile d’apprendre les sentimens de son cœur à la belle Clarice. La Comtesse & sa fille le receurent avec beaucoup de civilité, & luy firent tout l’honneur qu’on peut rendre au favory d’un grand Roy. 14 Quoy que l’Admiral eût bonne mine, une grande vivacité, & beaucoup de hardiesse, la modestie qui paroissoit dans toutes les actions de Clarice, & un air de grandeur qui estoit répandu sur toute sa personne, & qui relevoit extrémement sa grande beauté, imprimerent tant de respect pour elle à ce favory, qu’il n’eut jamais la force de luy 15 parler de son amour, il retourna la visiter plusieurs fois dans la resolution de luy apprendre ce qu’il sentoit pour elle; mais il se retiroit toûjours sans oser dire son secret, & plus amoureux qu’il n’y estoit entré.
Le canal de Milan, qui est l’ouvrage des François, venoit d’estre achevé en ce tems‑là, & les Dames s’y 16 promenoient fort souvent sur des barques. Le Roy qui avoit fait venir les plus fameux Musiciens d’Italie, faisoit mettre presque tous les soirs des illuminations le long du canal, & y donnoit les festes aux Dames. L’Admiral qui ne perdoit point d’occasion de voir Clarice, l’ayant un jour accompagnée à la promenade sur le canal, un matelot qui 17 trouva par hazard posté auprés d’elle, eut tant de plaisir à la regarder, qu’il oublia de faire sa manœuvre, & fut cause que la barque alla choquer rudement contre un grand batteau; le Maistre de la barque reprochant au Matelot sa trop grande application à regarder la belle Clarice, se mit en devoir de le maltraiter; mais l’Admiral l’en empes 18 cha, & ayant tire de sa poche une bourse pleine d’or, il la donna au Matelot; disant qu’un homme qui étoit d’un si bon goût meritoit une meilleure fortune. Il est certain que cette action ne déplut point à Clarice, quoy que d’ailleurs elle ne fust pas trop avantageusement prevenuë en faveur de l’Admiral; car il estoit si troublé toutes les 19 fois qu’il se trouvoit auprés d’elle, & le dessein qu’il avoit de luy parler de son amour, sans qu’il osast l’executer, le rendoit si réveur que Clarice jugeoit que ceux qui luy trouvoient de l’esprit, songeoient plutôt à le flatter qu’à luy rendre justice, les assiduitez & l’ẽpressemẽt qu’- il avoit de luy plaire ne laisserent pas de luy faire soupconner qu’- 20 elle n’eût quelque part à ses réveries; cependant comme elle ne sentoit encore rien pour luy, il luy échapa de dire dans une conversation particuliere, que l’esprit de l’Admiral ne répondoit point à la reputation qu’il avoit dans le monde. L’Admiral qui avoit gagné par ses bien-faits la pluspart des personnes qui approchoient sa Maîtres 21 se, fut bien tost averty de ce discours, & cherchant moins à justifier son esprit qu’à faire connoistre sa passion à Clarice, il hazarda de luy écrire un billet, & s’y détermina particulierement par la facilité qu’il trouva auprés d’une des femmes qui servoient Clarice, qui s’engagea à le luy donner, & luy promit de le servir utilement 22 auprés d’elle; mais par mal-heur Clarice ne se trouva point en volonté de le recevoir, & fit au contraire une severe reprimande à celle qui s’en estoit chargée: La Comtesse Visconti qui entendit que sa fille parloit avec action, luy en demanda le sujet. Clarice sans hesiter luy apprit la cause de sa colere, la Comtesse voulut voir ce billet, & l’a 23 yant leu avec une tranquillité affectée, elle jugea qu’il n’estoit pas necessaire que sa fille fust informée de ce qu’il contenoit; & mesme afin de luy oster l’opinion qu’elle pouvoit avoir que ce billet ne fust une declaration d’amour, cette sage mere eut l’adresse de luy dire qu’elle n’avoit pas eu raison de se fâcher, puisque ce billet ne 24 contenoit autre chose qu’un avis que l’Admiral luy donnoit d’une nouvelle grace que le Roy venoit de faire à son neveu de Saint Severin5: cependant elle serra ce billet sans le donner à sa fille, & peu de jours aprés elle chassa sur d’autres pretextes, la femme qui l’avoit porté.
Clarice qui croyoit avoir remarqué par les actions de l’Admiral 25 qu’il avoit de l’inclination pour elle, & qui s’estoit fait un merite de refuser le billet qu’on avoit vouluy luy rendre de sa part, eut un dépit secret d’apprendre par le discours de sa mere, qu’elle s’estoit trompée, en se flattant qu’- elle avoit donné de l’amour à l’Admiral: neanmoins toutes les fois qu’elle faisoit reflexion à la conduite 26 de sa mere, qui avoit gardé le billet sans le luy faire voir, & qui avoit chassé, quoy que sur d’autres pretextes la femme qui s’en estoit chargée; elle se defioit de l’adresse de sa mere, & dans cette incertitude elle ne laissoit pas de trouver un espece de plaisir à penser qu’elle avoit peut-estre troublé le repos d’un Favory qui faisoit la destinée 27 de l’Europe. Ces reflexions & une curiosité qui est presque inseparable des personnes de ce sexe, luy donnerent envie de s’éclaircir de la verité, & de scavoir ce qu’il y avoit dans ce billet. Ayant remarqué que sa mere l’avoit enfermé fort soigneusement, elle luy prit avec adresse la clef de la cassette où il estoit ; & aprés avoir 28 leu plusieurs autres lettres, elle trouva enfin celle de Bõnivet: où elle leut ces paroles.
Je suis ravy que vous vous soyez apperceue que je n’avois point d’esprit; je vous écris encore pour vous le confirmer, sans que je pretende vous en desabuser jamais ; car aussi-tost que je vous vois, ou que je pense à vous, tous mes sens se troublent, mon 29 cœur est agité de mille pensées differentes, & je me trouve si embarrassé, que je n’ay plus la liberté de parler, ainsi ne me blamez pas d’un défaut dont vous estes la cause; je suis resolu de ne m’en corriger jamais, aimant beaucoup mieux manquer d’esprit toute ma vie, que de cesser de vous aimer.
Clarice qui n’estoit pas accoutumée à un 30 pareil langage, eut beaucoup de confusion en lisant les dernieres paroles de ce billet. D’abord sa pudeur la fit repentir de sa trop grande curiosité; songeant neanmoins que personne n’avoit connoissance qu’elle eût veu cette lettre, & ayant déja meilleur opinion de l’esprit de l’Admiral, elle fut bien aise d’avoir découvert un se 31 cret que sa mere avoit pris tant de soin de luy cacher, & que l’Admiral mesme ne croyoit pas qu’elle sceust, parce que sa Confidente luy avoit dit que la Comtesse s’estoit saisie du Billet, & qu’aprés l’avoir leu, elle avoit fait entendre à sa fille qu’il parloit de toute autre chose.
L’Admiral informé du mauvais succez de 32 son billet, passa deux jours sans pouvoir se consoler de ce malheur. Mais ne trouvant rien de si cruel pour luy, que de vivre sans voir Clarice, il aima mieux s’exposer à tous les reproches qu’il jugea qu’elle luy feroit, que de se priver plus longtemps du plaisir de la voir. La Comtesse Viscomty le receut seule, & défendit à sa fille 33 de paroistre jusqu’à ce que l’Admiral fust sorty. Clarice jugeant bien que la Comtesse avoit quelque dessein dans la teste, & qu’elle auroit beaucoup de part à la conversation particuliere que sa mere vouloit avoir avec l’Admiral, se cacha dans un cabinet, d’où elle entendit les plaints & les reproches que la Comtesse fit à L’Ad- 34 miral sur le billet qu’- elle avoit surpris. Bonnivet qui estoit fort amoureux, l’asseura qu’il n’avoit jamais eu d’autre dessein que de plaire à Clarice pour la demander ensuite à ses parens, & passer sa vie avec elle à Milan, aprés qu’il en auroit obtenu le gouvernement, persuadé que le Roy ne luy refuseroit pas cette grace. La Comtes 35 se touchée de la bonne foy de l’Admiral, & prevoyant d’ailleurs qu’il seroit fort avantageux à toute sa famille, que sa fille épousast le Favory d’un grand Roy, luy témoigna que sa recherche ne luy déplaisoit pas, & luy promit d’y donner les mains, à condition neanmoins qu’il n’auroit point de conversation particuliere a 36 vec Clarice, & qu’il ne luy écriroit jamais que le Roy n’est auparavant agreé son mariage, & qu’il ne luy eût donné le gouvernement de Milan. Il luy fit connoistre à mesme temps qu’il estoit inutile de chercher à plaire à Clarice, estant fort asseurée de la soumission qu’elle auroit à se conformer aux volontez de ses parens.
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Bonnivet penetré de la seule esperance de posseder quelque jour son aimable Maîtresse, consentit à tout ce que sa mere voulut exiger de luy: neanmoins il sceut luy representer avec tant d’esprit la violence de sa passion, & tout ce qu’il alloit souffrir si elle le privoit de voir Clarice, que la Comtesse luy permit de la visiter deux fois la se 38 maine, mais à condition qu’il ne luy parleroit jamais d’amour. Clarice qui ne perdit pas un mot de toute cette conversation fut charmée de l’esprit de l’Admiral, & de l’adresse qu’il avoit eu à obtenir par son eloquence presque tout ce qu’il avoit demandé à sa mere. Elle faisoit mille reflexions differentes sur toutes les choses qu’- 39 elle venoit d’entendre, lors que sa mere qui vouloit renvoyer l’Admiral entierement satisfait, luy fit dire de passer dans la chambre où elle estoit avec ce Favory. Aussi-tost qu’elle parut, l’Admiral demeura interdit, & n’eut plus la force de dire deux paroles de suite. Clarice s’apercevant que le mesme homme qui venoit de luy paroître 40 si eloquent avec sa mere, estoit si embarassé en sa presence, jugea que sa passion estoit fort violente; & sõ peu d’esprit qui luy avoit paru un défaut jusques là, luy devint sur le champ un merite auprés d’elle; & comme toutes les Dames sont ravies d’estre aimées, elle ne fut pas fâchée d’avoir donné de l’amour à l’Admiral qui luy pa 41 roissoit fort honneste homme. Aprés qu’il se fut retire, sa mere l’entretint du merite & des bonnes qualitez de Bonnivet, tâchant de luy persuader que les réveries & les distractions où elle le voyoit quelquefois estoient un effet des grandes affaires qu’il avoit dans la teste, & des desseins du Roy, dont ce Favory estoit l’unique confident. 42 Clarice qui avoit déja du penchant pour luy, & qui donnoit une autre explication à ses réveries fut bien aise que sa mere luy destinât un homme de ce merite.
Pendant que l’Admiral travailloit à s’asseurer le gouvernement de Milan, & à faire agréer au Roy le dessein qu’il avoit d’épouser Clarice, on ne parloit à la Cour 43 que de la surprenante beauté de cette aimable personne. La pluspart des Courtisans jugeoient que le Roy l’aimoit, & que son Favory ne la voyoit que par son ordre. L’Admiral seul se flattoit dans son amour, & attribuoit à la civilité du Roy la consideration que ce Monarque témoignoit déja pour Clarice. Comme il n’a 44 voit point de secret pour le Roy, il luy avoüa un jour qu’il estoit amoureux. Le Roy ravy d’apprendre que son Favory aimoit, ne luy donna pas le temps de continuer, & luy dit en l’embrassant qu’il avoit une pareille confidence à luy faire. Bonnivet allarmé de ce discours craignit d’abord que le Roy n’aimât Clarice, & 45 cette seule pensée l’effraya si fort, qu’il n’eut pas la force de luy demander le nom de la personne qui luy avoit donné de l’amour, aimant beaucoup mieux l’ignorer toute sa vie que de satisfaire sa curiosité, au hazard d’entendre nommer Clarice. Mais le Roy ne le laissa pas joüir long-temps de cette heureuse incertitude; car il luy aprit dans ce 46 moment qu’il aimoit la belle Clarice. L’Admiral étonné & confus de ce qu’il venoit d’apprendre, eut peine à cacher son desespoir ; il le dissimula neanmoins avec esprit, & ne laissa pas d’applaudir au bon goust du Roy, & de lui dire qu’il avoit jetté les yeux sur la personne du monde la plus digne d’estre aimée. Le Roy satisfait 47 de l’approbation de son Favory, voulut à son tour qu’il luy aprît le nom de la personne qu’il aimoit. Bonnivet craignant de troubler la joye de son maistre s’il luy aprenoit qu’il fût son Rival, le pria de l’en dispenser, & luy fit entendre qu’il auroit hõte de dire le nom de sa maîtresse aprés avoir ouï nommer la belle Clarice. Le Roy qui 48 n’estoit occupé que de son amour, ne le pressa pas davantage; mais il le pria de voir ce mesme jour Clarice de sa part, de luy exagerer la violence de sa passion, & de ne rien oublier de tout ce qui pourroit avancer ses affaires auprés de cette aimable personne.
Vous ferez bien mieux de luy parler vous-mesme, Sei 49 gneur, repliqua l’Admiral; car il est constant qu’une jeune personne est toûjours ravie de voir à ses pieds un Roy de bonne mine, qui est le Maistre du monde; & dans ces occasions la vertu n’agit plus que de concert avec l’amour, afin d’augmenter par de foibles resistances la passion du Monarque. Le Roy qui estoit prévenu que Bonivet 50 avoit beaucoup d’esprit, & qu’il estoit d’une humeur fort galante, n’écouta point ses raisons, & le conjura en l’embrassant une seconde fois, de ne perdre point de temps, & de luy faire sçavoir le succez de sa visite le plûtost qu’il pourroit.
Jamais il n’y eut d’embaras pareil à celuy où l’Admiral se trouva aprés que le 51 Roy l’eut chargé de cette cruelle commission, accablé de son amour, & pressé de son devoir, & du souvenir des grandes obligations qu’il avoit à son Maistre, il ne sçavoit à quoy se determiner, tous les partis luy paroissoient également dãgeureux : car il ne vouloit point tromper le Roy qui avoit tant de confiance en luy; & il ne 52 pouvoit se resoudre à informer sa Maistresse de sa nouvelle conqueste, craignant que sa vanité ne luy fist preferer la passion d’un grand Monarque à celle d’un particulier. Enfin aprés plusieurs irresolutions, il aima mieux trahir son amour que son devoir, & trouva une consolation à présentir les sentimens de Clarice en luy apprenant ceux 53 du Roy. Il alla chez elle, & aprés l’avoir entretenu de plusieurs choses indifferentes, il luy dit que le Roy venoit de luy donner une commission dont il alloit s’aquitter, quoy qu’il fust asseuré qu’il luy en cousteroit le repos de toute sa vie. Clarice surprise de ce discours, crut d’abord que cela regardoit quelque amy de l’Admiral, que le 54 Roy avoit peut estre resolu de perdre; & n’osant point penetrer davantage dans un secret qu’elle jugeoit si important, elle se contenta de donner des loüanges à l’Admiral sur la repugnance qu’il avoit à faire du mal, & luy avoüa mesme qu’- elle trouvoit la condition des Favoris malheureuse, en ce qu’ils estoient souvent obligez à consentir à des 55 choses qu’ils avoient voulu empescher, & dont le public ne laissoit pas de leur imputer tout le mauvais succez. Oüy, & plus malheureuse que vous ne pensez, repliqua l’Admiral en soûpirant; jugez-en, Madame, par la cruelle cõmission que le Roy m’a donnée aujourd’huy, lors qu’il m’a chargé de vous apprendre qu’il vous ai 56 me d’une passion la plus violente qu’il y eut jamais. Clarice deconcertée par un discours si peu attendu, se preparoit à luy répondre ce que sa modestie luy auroit inspiré, lors que sa mere, qui entroit dans ce moment dans la chambre où ils estoient, & qui avoit entendu confusément que l’Amiral parloit d’amour à sa fille, la tira de 57 cet embarrass en luy ordonnant de passer dans une autre chambre. Elle s’emporta en suite contre l’Admiral, de ce qu’il ne luy tenoit point la parole qu’il luy avoit donnée, & sans vouloir écouter ses raisons, elle accabla ce malheureux Amant de mille reproches outrageux. Il n’est pas tems de vous emporter, Madame, interrompit 58 l’Admiral penetré de douleur, je ne merite point les reproches que vous me faites, le mal est bien plus grãd que vous ne pensez, & vous devriez plûtost me plaindre que me blamer : le Roy aime vostre fille; & comme si je n’estois pas assez malheureux d’avoir un rival si redoubtable, il m’a encore donné la cruelle commission d’apprendre son a 59 mour à Clarice; & je m’en aquittois lors que vous estes arrivée : n’attendez point de secours de moy, je ne sçaurois trahir le Roy, je suis resolu de preferer mon devoir à mon amour : cependant… si….. Il sortit brusquement sans avoir la force d’en dire davantage, craignant peut‑estre que sa passion ne l’obligeast à donner quelque conseil à la 60 Comtesse contre les interests du Roy. Un procedé si extraordinaire fit juger à la Comtesse que l’Admiral estoit dans de grandes inquietudes, quoy que son devoir le forçast d’agir contre les interests de son amour, elle resolut de prévenir les suites d’une passion qui ne faisoit que de naistre, & qui seroit infailliblement fatale à sa fille, puis 61 que le Roy estoit marié, & que Clarice ne pouvoit pretẽdre tout au plus qu’à devenir sa Maîtresse.
L’Admiral alla trouver le Roy, & l’asseura, en luy rendant compte de sa commission, qu’il avoit appris son amour à Clarice; mais que la Comtesse Visconti, qui étoit arrivée dans ce moment, l’avoit interrompu; & qu’aprés 62 avoir fait retirer sa fille, elle s’estoit emportée à mille reproches contre luy. C’est à vous, Seigneur, continua Bonivet, à achever le reste, & à gagner par vos soins & par vostre amour le cœur de cette belle personne; c’est toûjours une grande avance, puisque Clarice sçait que vous l’aimez. Le Roy satisfait de la réponse 63 de son Favory, luy dit qu’il iroit voir Clarice le jour suivant, & luy témoigna qu’il souhaitoit qu’il l’accompagnast dans cette visite, pour estre témoin de la reception que sa Maistresse luy feroit, & pour luy aider à remarquer si le discours qu’il luy avoit tenu de sa part le jour precedent, ne luy auroit point déplu.
64
Le lendemain l’Admiral ne manqua pas de se rendre auprés du Roy pour l’accompagner chez Clarice : mais dans le moment qu’ils alloient sortir, un homme de qualité avertit le Roy que la Comtesse Visconti étoit partie de Milan le jour precedent, & qu’elle s’estoit retirée avec sa fille dans une maison qu’elle avoit sur le lac de Come. 65 Cette nouvelle surprit differemment le Roy & son Favory. Le Roy parut fort offensé du procedé de la Comtesse, & l’Admiral sentit une joye secrette d’un depart qui flattoit ses esperances, & qui rompoit les mesures que le Roy avoit prises. Il passa dans ce moment mille desseins violens dans l’esprit du Roy : mais à mesure qu’il les proposoit à 66 l’Admiral, ce Favory avoit l’adresse de luy faire trouver mille difficultez dans l’execution. Le Roy voyãt que l’Admiral, bien loin de flatter sa colere, ne cherchoit qu’à détourner tout ce qui auroit pu faire de la peine à Clarice, entra dans quelque soubçon qu’il n’en fust amoureux; & ne put s’empescher de luy témoigner qu’il craignoit 67 qu’un interest secret ne le fist agir, & ne l’obligeast à resister à ses resolutions. Vostre gloire, Seigneur, repartit l’Admiral, est un interest assez pressant pour m’engager à vour parler avec tant de liberté; & je serois indigne de toutes les graces que vous m’avez faites, si je ne vous representois combien il vous seroit honteux de vous servir de vô 68 tre authorité contre une mere qui connoissant la vertu de sa fille, vous épargne, en la faisant retirer à la campagne, les chagrins qu’une longue resistance vous auroit donnez. Le Roy qui ne vouloit point estre contrarié, & qui se défioit toujuors que l’Admiral ne parlast par quelque interest particulier; s’emporta de nouveau contre lui, 69 & l’auroit peut-estre chassé de sa presence, si Loüis de la Tremoille, qui avoit entendu une partie de cette conversation, ne fust entré dans ce temps‑là. C’estoit ce fameux Loüis de la Tremoille qui par son grand âge, par la grandeur de sa naissance, & par les importans services qu’il avoit rendus à l’Etat sous quatre Rois differens, estoit en 70 possession de dire au Roy ses sentimens avec beaucoup de liberté. Il luy representa que toutes les violences qu’il pourroit faire à la Comtesse Visconti, seroient indignes d’une ame aussi genereuse que la sienne, puisque cela ne serviroit qu’à luy faire des ennemis en Italie, & à rendre la domination des François odieuse à tout l’Univers.
71
Le Roy qui naturellement haïssoit les injustices, & qui avoit eu honte d’avoir esté surpris dãs cet emportement par l’homme du monde le plus sage, écouta paisiblement les remonstrances de la Tremoille, & luy promit de faire de serieuses reflexions sur toutes les choses qu’il venoit de luy dire.
Cependant Clarice 72 qui aimoit déja l’Admiral, & qui jugeoit par le desordre où il estoit lors qu’il luy avoit parlé en faveur du Roy, de la repugnance extréme qu’il avoit eu à luy apprendre la passion de son Maistre, ne fut pas fâchée que sa mere l’eut menée à la campagne. La Comtesse qui songeoit à luy procurer des établissemens solides, tâchoit à luy don 73 ner de l’horreur pour la passion du Roy; & comme elle sçavoit que les avis des meres font d’ordinaire peu d’impression sur l’esprit des filles, elle luy conseilla de lire des Maximes écrites à la main6, luy faisant entendre qu’on les luy avoit données lors qu’- elle estoit jeune, & qu’elle venoit de les trouver dans une cassette avec d’autres 74 vieux papiers, Clarice les prit, & s’estant retirée dans sa chambre pour les lire, voicy ce qu’elle trouva.
La vertu doit regler toutes les actions d’une fille.
Aussi-tost qu’elle s’aperçoit que quelqu’un l’aime, elle doit le fuir, éviter sa rencontre, & ne rien oublier de tout ce qui pourroit le rebuter, particulierement si elle 75 juge que cela ne luy convient pas.
Clarice relut deux fois cette maxime, se sçachant bon gré de l’inclination secrette qu’elle avoit pour l’Amiral qui luy convenoit.
Vne fille doit se faire une habitude de soumettre ses volontez à celles de ses parens.
Il est permis à une 76 fille qui a de la naissance & de la beauté d’avoir de l’ambition : car il est certain qu’elle peut pretendre à tout, & qu’il n’y a rien qui soit trop haut pour elle.
Vne fille de qualité doit estre toujours appliquée à tout ce qui peut avoir rapport à son honneur, & penser que si elle estoit d’un autre sexe, elle seroit obligée de s’exposer à mille hazards pour acquerir de la re- 77 putation : ainsi puisque le soin de son honneur luy tient lieu d’armee, de sieges & de batailles, elle doit tout faire & tout souffrir pour le conserver.
Ce n’est pas assez qu’- une fille ait de la vertu, elle doit cela à sa naissance; mais elle se doit à elle-mesme une conduite si concertée, qu’on ne puisse jamais en faire aucun jugement desavantageux.
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La modestie doit estre inseparable de toutes les actions d’une fille; & c’est presque manquer de vertu que de n’avoir point de modestie.
Pendant que Clarice faisoit des reflexiõs sur les maxims que sa mere luy avoit données, le Roy, qui étoit le Prince du monde le plus jaloux de sa gloire, craignant que sa passion ne l’enga 79 geast à quelque foiblesse indigne d’un grand Roy, avoit gagné sur luy de ne songer plus à Clarice; & afin qu’il eust moins de peine à executer ce genereux dessein, il s’étoit determiné à s’éloigner de Milan, & à retourner en France7. Il appella l’Admiral dans son cabinet, pour luy apprendre sa resolution : Mais comme il avoit toûjours dans 80 la teste que son Favory aimoit Clarice, il resolut, avant que de luy apprendre son dessein, de luy faire une petite tromperie, pour découvrir ses veritables sentimens. J’ay fait, luy dit-il, de serieuses reflexions sur toutes les choses que vous & la Tremoille m’avez representées; je me suis mesme determiné à repasser en France pour fuïr Cla 81 rice; neanmoins comme il m’est important d’attacher à mes interests les plus considerables familles de Milan, par des bienfaits ou par des alliances, j’ay resolu avant que de partir, de faire épouser Clarice au Mareschal de Foix qui en est amoureux, & de luy donner en mesme temps le Gouvernement de Milan. Comme vous avez de la 82 cõsideration pour cette famille, j’ay jetté les yeux sur vous, afin que vous alliez trouvez de ma part la Comtesse Visconti, que vous presentiez le Mareschal de Foix à Clarice, & que vous acheviez cette affaire avãt vostre retour; je donneray ordre au reste, & nous partirons incessamment pour retourner en France. L’Admiral demeura si 83 interdit, & changea tant de fois de couleur en apprenant ce cruel discours, que le Roy se confirma dans ses soubçons, & luy demanda malicieusement s’il n’avoit point quelque haine particuliere contre le Mareschal de Foix, qui l’empeschast de le servir dans cette affaire. Seigneur, répondit l’Admiral, vous estes mon Maistre & mon 84 Roy, vous m’avez comblé de bienfaits, & je serois le plus ingrat de tous les hommes, si je n’obeïssois à tous vous ordres sans rien examiner : cependant si vous avez encore quelque reste de bonté pour moy, vous me dispenserez de cette cõmission. Il est vray, repliqua le Roy en riant, que vous avez si mal reüssi dans celle que je vous avois don 85 née, que je devois craindre un pareil succez pour le Mareschal de Foix; & puisque vous y avez de la repugnance, j’en chargeray un autre. L’Admiral agité de mille mouvemens confus, se repentit un moment aprés d’avoir refusé cette commission, & supplia le Roy de trouver bon qu’il s’en chargeast. Le Roy, qui étoit le meilleur Maî 86 tre du monde, fut touché de l’agitation où il le voyoit. Pourquoy, luy dit-il, me déguisez-vous vos sentimens? Avoüez-moy que vous aimez Clarice, & ne me donnez point d’autre raison. Je l’aime, Seigneur, il est vray, reprit l’Admiral; quand vous m’interrompistes pour me faire la mesme confidence, j’estois dans le dessein de vous l’ap 87 prendre; j’avois mesme commencé, mais le respect que j’ay pour vous m’empescha de vous avoüer que j’estois vostre rival; & c’est la seule faute que vous puissiez me reprocher, puisque ma passion, dont je n’ay jamis osé entretenir Clarice, ne m’a pas empesché de l’informer de la vostre. Le Roy touché de ce discours, & du desordre 88 où il le voyoit, n’eut pas la force de pousser son artifice plus loin, & luy avoüa qu’il luy avoit fait cette petite tromperie pour s’éclaircir de ce qu’il soubçonnnoit déja. Il l’assura qu’il vouloit bien, pour l’amour de luy, renoncer à Clarice, à condition neanmoins qu’il y renonceroit luy-mesme, n’étant pas raisonnable qu’il fust plus heureux 89 que son Maistre. L’Admiral penetré des bontez du Roy, se jetta à ses pieds, & accepta le party, malgré la resistance secrette de son cœur.
Le Roy se disposa peu de temps aprés à retourner en France; & afin que l’Admiral eust moins de peine à s’éloigner de sa Maîtresse, il luy dit que l’amitié plûtost que la jalousie l’avoit obligé 90 à exiger de luy qu’il renonceroit à Clarice, prévoyant bien que s’il l’eust épousée, il n’auroit pû s’empescher de haïr le mary d’une personne qu’il auroit aimée; & ne pouvant d’ailleurs se resoudre à le laisser Gouverneur de Milan, ny à se priver d’un Favory qu’il aimoit si cherement, & qui étoit si necessaire dans son Conseil. l’Admi- 91 ral, aprés l’avoir remercié de ses bontez, l’asseura que quoy qu’il aimast beaucoup Clarice, il sentoit bien qu’il n’auroit jamais esté parfaitement heureux loin de sa Majesté. Cependant il ne laissa pas d’écrire à la Cõtesse Visconti tout ce qui s'estoit passé; & pour avoir occasion de continuer ce comerce, il la supplia dans sa lettre de trouver 92 bon qu’il eust soin de ses interests à la Cour, & qu’il luy écrivist quelquefois pour luy en rendre compte.
Le Roy, aprés avoir donné le gouvernement de Milan au Cõnestable de Bourbon, retourna en France, suivi de l’Admiral, qui receut en arrivant à Paris une réponse fort civile à la letter qu’il avoit écrite à la Comtesse Visconti, quoy 93 que sa joye fust imparfaite, puisque cette lettre ne luy apprenoit rien de la belle Clarice, qui luy revenoit incessamment dãs l’esprit. Il ne laissa pas neanmoins d’écrire une seconde fois à la Comtesse, sans luy rien dire de sa fille, de peur d’irriter le Roy, s’il manquoit à ce qu’il luy avoit promis. Mais le le Roy s’estant embarqué à de nouvelles a 94 mours qui l’occuperent entieremẽt, l’Admiral qui aimoit toûjours Clarice avec la mesme passion, crut que ce Prince n’y prendroit plus d’interest, & supplia la Comtesse Visconti, dans la premiere lettre qu’il luy écrivit, de luy permettre d’écrire à l’aimable Clarice. La Comtesse luy fit réponse, & luy refusa la permission qu’il luy demandoit. 95 l’Admiral transporté d’amour, & plein de confiance, ne se rebuta point de ce refus; il écrivit à sa Maistresse, & manda à la Comtesse Visconti, en luy adressant sa lettre ouverte pour Clarice, que n’ayant que des intentions fort droites, il ne faisoit point difficulté, malgré ses deffenses, de luy envoyer une lettre pour sa fille, estant fort per 96 suadé qu’elle estoit trop genereuse pour vouloir le priver de la seule consolation qui luy restoit de donner de ses nouvelles à une personne qui luy étoit plus chere que sa vie. La Comtesse touchée de la confiance & du noble procedé de l’Admiral, fut sur le point de remettre sa lettre à Clarice. Mais soit qu’elle fist d’autres reflexions, ou 97 qu’elle craignist en mere habile, de donner à connoistre à sa fille les soins qu’un homme avoit pour elle; elle changea de dessein, & supprima la lettre. Cependant le hazard fut plus favorable à l’Admiral que la generosité de la Comtesse: car Clarice qui avoit eu quelque plaisir à lire toutes les lettres de sa mere, en luy déro 98 bant la clef de sa cassette, lors qu’elle pouvoit le faire sans crainte d’estre surprise, soit qu’elle cherchast à satisfaire sa curiosité, ou qu’elle prist quelque interest à la personne de l’Admiral, elle ne manquoit point de voir les lettres de sa mere toutes les fois quelle recevoit des nouvelles de la Cour. Ainsi dés le lendemain que la Comtes 99 se eut receu les deux lettres de l’Admiral, Clarice les trouva; & aprés avoir lu celle qui estoit pour sa mere, elle fut fort surprise d’en trouver une qui s’adressoit à ellemesme, qui estoit conceuë en ces termes:
Mon cœur qui n’est occupé que de vous, me presse incessamment de vous rendre compte de ce que vostre absence luy 100 fait souffrir, je m’en suis long-temps deffendu, prévoyant bien que vôtre modestie ne s’accommoderoit point de cette liberté: mais aprés avoir bien examiné tous ses sentimens, ils m’ont paru si dignes de vous, que je n’ay pû luy refuser de vous les apprendre. La France ne me paroist qu’un desert affreux quand je songe que vous estes à Milan, je ne suis point touché 101 des divertissemens de la Cour, & je n’ay de plaisir qu’à penser que je vous aimeray toute ma vie.
Clarice qui estoit dans une surprise extréme de n’entendre plus parler de son Amant, fut bien aise d’apprendre par cette lettre qu’il n’avoit pas changé de sentimens; & bien loin de luy sçavoir mauvais gré de son silence, elle ju 102 gea qu’il luy avoit esté impossible de luy donner de ses nouvelles, puis qu’il s’estoit determiné à hazarder de luy faire rendre une lettre par sa mere.
Cependant l’Admi ral qui avoit des espions à Milan, fut averti que le Connestable de Bourbon visitoit quelquefois la Comtesse Visconti; & rapportant tout à son amour, il craignit que 103 ce Prince n’aimât Clarice; ce simple soubçon l’obligea à employer tout le credit qu’il avoit auprés du Roy, pour le faire rapeller; & mesme sçachant qu’une grande Princesse estoit touchée du merite du Connestable, il eut l’adresse de luy donner de la jalousie, afin qu’elle s’employât aussi pour le faire revenir. Le Connestable 104 fut rappellé; & comme si la jalousie de l’Admiral n’eust pas esté satisfaite par le rappel d’un homme qui luy estoit suspect, il eut encore le credit de faire dõner le gouvernement de Milan au Vicomte de Lautrec, de qui l’humeur peu galante luy faisoit juger qu’il n’avoit rien à craindre de ses soins auprés de Clarice. Toutes ces precau 105 tions n’empescherent pas qu’il ne trouvast des Rivaux en Italie, qui dans les suites luy donnerent de grandes inquietudes.
Maximilian Sforça, qui vivoit en France satisfait des cõditions que le Roy avoit bien voulu luy accorder aprés la bataille de Marignan, n’écouta point les propositions que les envieux de la gloire du Roy luy firent, afin 106 de l’engager à faire de nouvelles tentatives pour rentrer dans la Duché de Milan. Mais Frãçois Sforça son frere n’eut pas la mesme moderation, il implora le secours de plusieurs Princes, & fut si bien secouru par les conseils & par la valeur de Prosper Colonna, General de la Ligue d’Italie8, qu’en fin les François qui avoient d’autres guer 107 res sur les bras, furent obligez de se retirer de Milan. Prosper Colonna y entra à la teste de l’armée de la Ligue9, & y fit recennoistre Duc, François Sforça. Toutes les familles qui estoient dãs les interests du Roy, furent exposées à mille insultes, & le peuple qui en pareilles occasions est toujours fort dangereux, cherchant à marquer sa 108 fidelité au nouveau Duc par quelque action d’éclat, assiegea la maison de la Comtesse Visconti, & voulut la brufler dedans, sous pretexte qu’elle avoit commerce de lettres avec son neveu de S. Severin, qui étoit en France au service du Roy. Prosper Colonna, qui avoit la vertu d’un ancien Romain, y accourut, & exposa plusieurs fois 109 sa vie pour empescher les violences de ce peuple irrité, qu’il appaisa enfin avec beaucoup de peine, en se rendant luy-mesme caution de la fidelité de la Comtesse & de sa fille. Un service si considerable appuyé du merite de Prosper, qui estoit un des plus grand hõmes de son siecle, engagea d’abord la Comtesse & sa fille à de grandes re 110 cõnoissances pour luy. La Comtesse luy fit voir, afin qu’il eust moins de peine à la proteger, qu’elle n’avoit aucun engagement avec les François, & que l’interest de sa patrie luy estoit plus cher que celuy des étrangers. Colonna persuadé de ses raisons, desabusa le Duc, par un mouvement de vertu, de toutes les mauvaises impres 111 sions qu’on luy avoit dõnées contre la Comtesse: mais aprés qu’il eut veu Clarice dans deux ou trois occasions, il s’employa encore plus fortement pour le service de sa mere, & sa vertu n’étoit plus qu’une des plus foibles raisons qui le faisoient agir: car tous les Historiens de ce temps-là conviennent qu’il aima Clarice avec toute la 112 passion dont un homme fort amoureux peut estre capable.10 Clarice qui n’avoit jamais eu d’inclination que pour l’Admiral, ne fut point touchée des soins de Prosper qui e’estoit plus en âge de plaire, & qui mesme estoit marié depuis long-temps. La Comtesse qui n’avoit aucune connaissance des sentimens que Colonna avoit pour sa 113 fille, & qui croyoit toujours que la vertu seule l’obligeoit à prẽdre ses interests avec tant de chaleur, ne luy cachoit rien, & luy demandoit conseil dans toutes ses affaires, mais particulierement sur les choses qui pouvoient donner de la jalousie au nouveau Duc. Prosper qui étoit informé de la forte passion que l’Admiral de Bonnivet avoit 114 eu pour Clarice, & des engagemens où sa mere estoit entrée en sa faveur, sentoit une joye secrette d’estre delivré d’un si dangereux Rival; sa jalousie neanmoins n’estoit pas satisfaite par l’éloignement de Bonnivet, il vouloit encore luy ôter toute sorte d’esperance pour l’avenir. Ce fut dans cette veuë qu’il inspira à la Comtesse de luy écrire, que 115 puisque les affaires des François avoiẽt changé de face, & que François Sforça se trouvoit en état de défendre sa Duché contre tous les Estrangers, il ne luy estoit plus permis de songer à aucune alliance avec les ennemis de sa patrie. La Comtesse qui se conformoit en toutes choses aux conseils de Prosper, écrivit en France de la maniere 116 qu’il le souhaitoit, & tâcha en plusieurs occasions de donner de l’aversion à sa fille pour les François, en luy representant qu’elle estoit obligée d’aimer sa patrie, & de haïr tous ceux qui en troubloient le repos. Clarice qui étoit bien plus sensible au souvenir de l’Admiral qu’aux interests de sa patrie, répondoit à sa mere, que 117 les François estant déja entrez deux fois dans Milan, il n’estoit pas impossible qu’ils ne s’en rendissent maîtres une troisiéme fois ; & qu’ainsi elle croyoit qu’il estoit bien plus à propos de demeurer dans l’indifferẽce, sans rien faire qui pust irriter aucun des deux partis. La Comtesse cherchant à gagner l’esprit de sa fille, feignoit d’entrer dans ses 118 raisons ; mais en particulier elle en faisoit des plaintes à Prosper, & luy demandoit ses avis pour ramener l’esprit de sa fille avec douceur. Prosper qui donnoit une autre explicatiõ aux raisons de Clarice, conseilloit à sa mere de mettre toutes choses en usage pour la faire changer de sentimens, & prenoit soin de l’instruire luy mesme des affaires d’Etat, 119 & du peu d’apparence qu’il y avoit que les François rentrassent jamais dans la Duché de Milan. Cependant il ne perdoit point d’occasion de luy parler de son amour, & de la faire souvenir des grandes obligations qu’elle luy avoit. Clarice qui n’envisageoit que de horreurs dans la passion d’un homme marié, l’asseuroit qu’- elle auroit une eter 120 nelle reconnoissance des services qu’il avoit rendus à sa famille, mais qu’il devoit se desabuser, & n’attendre pas qu’elle eust jamais d’autres sentimens. Prosper voyant le peu de cas que Clarice faisoit de ses soins, jugea que l’inclination qu’elle avoit pour l’Amiral la rendoit si indifferente ; & s’imaginant qu’elle deviendroit plus sensible à 121 son amour lors qu’elle auroit perdu l’esperance de l’épouser, il se mit dans la teste de la marier au Duc de Milan, persuadé qu’un service si important l’engageroit à une éternelle reconnoissance pour luy, & qu’il se delivreroit à mesme temps d’un rival dangereux. S’estant confirmé dans sa resolution, il le proposa à François Sforça ; & a 122 prés luy avoir fait connoistre que cette alliance luy estoit necessaire pour fortifier le droit des Sforças par celuy des Viscontis, il luy parla si avantageusement du merite, de l’extréme beauté & des bonnes qualitez de Clarice, que le Duc, qui luy avoit mille obligations, & qui deferoit beaucoup à ses conseils, le conjura de finir cette af 123 faire, l’asseurant qu’il ne pouvoit jamais luy rendre un service qui luy fust plus agreable. Prosper assuré de la volonté du Duc, en fit la proposition à la Cõtesse Visconti, qui la trouva si avantageuse pour sa fille, qu’elle en versa des larmes de joye. Clarice seule n’estoit point éblouïe de l’éclat d’une fortune si relevée. L’Admiral luy revenoit 124 toujours dans l’esprit, & son amour luy faisoit trouver mille raisons pour se deffendre de donner la main au Duc, qui s’estoit déja rendu fort assidu auprés d’elle : Tantost elle asseuroit sa mere qu’elle estoit soumise à ses volontez ; un moment aprés elle la conjuroit d’attendre du moins ce que deviendroient les grands preparatifs qu’on faisoit 125 en France, de peur qu’elle ne la rendist malheureuse en luy faisant épouser un Prince qui pouvoit se trouver au premier jour sans bien, sans Etats, & peut-estre sans protection. Mais la Comtesse qui craignoit de perdre l’occasion de procurer à sa fille un établissement si considerable, n’écoutoit point ses raisons, & vouloit ab 126 solument finir ce mariage sans differer plus long-temps. Clarice dans cette extremité ne trouva point de meilleur expedient que de prier Colonna de détourner la resolution de sa mere, persuadée qu’un homme ne peut rien refuser à une personne qu’il aime. Prosper qui apprit en ce temps-là que sa femme estoit morte, se flatta qu’il pour 127 toit épouser Clarice, & se repentit de s’estre employé trop fortement en faveur de Sforça ; il n’osa pas neanmoins le témoigner à la Comtesse, de peur qu’elle ne s’aperceust que son interest particulier luy faisoit desapprouver les mesmes choses qu’il avoit conseillées : Mais sçachant la repugnance que Clarice avoit pour ce mariage, il 128 resolut de luy en parler, & de se faire un merite auprés d’elle du dessein qu’il avoit d’y apporter des obstacles. Clarice qui s’étoit déja déterminée à luy faire une pareille priere, l’écouta fort agreablement, & fut si ravie de ce qu’il luy avoit épargné la honte de luy demander une grace, qu’elle luy promit de n’oublier jamais le service qu’- 129 elle attendoit de luy. Il se retira transporté de joye, & sceut si bien representer à la Comtesse qu’une mere ne devoit jamais faire violence à ses enfans, sur tout quand il s’agissoit de leur établissement ; que la Comtesse consentit enfin à differer ce mariage jusqu’à la fin de la guerre ; & François Sforça qui n’étoit pas encore bien 130 le maistre dans Milan, fut obligé des se contenter de mauvaises raisons qu’on luy donna : Il ne laissa pas de continuer à voir Clarice, se flattant qu’il la rendroit sensible à ses soins, puis qu’il n’avoit pû l’éblouïr par l’éclat de sa fortune. Prosper qui pretendoit tirer de grands avantages du service qu’il venoit de rendre, conceut de nouvelles 131 esperances, & ne hesita point de representer à Clarice qu’elle ne devoit plus regarder son amour comme une passion criminelle, puisque par la mort de sa femme il luy estoit permis d’y répondre sans honte. Mais Clarice qui ne songeoit jamais sans horreur que Prosper avoit esté bien aise de la mort de sa femme, dans l’esperance d’en 132 épouser une autre, ne le traita pas mieux qu’aparvant11.
Pendant que François Sforça & Prosper Colonna n’oublioient ny soins ny galanteries pour plaire à Clarice, l’Admiral de Bonnivet allarmé de la lettre que la Comtesse Visconti luy avoit écrite par le conseil de Colonna, feignit un voyage sur les costes de Provence, pour y 133 visiter les vaisseaux. S’estant absenté de la Cour sur un pretexte si vraisemblable, il passa en Italie, & ne trouvant rien de difficile pour voir sa belle Maîtresse, il entra à Milan déguisé, il trouva moyen de se presenter devant Clarice, qui le reconnut aussi-tôt qu’- elle le vid paroistre. D’abord elle luy sceut bon gré d’un déguisement qui luy fai 134 soit voir que sa passion estoit toûjours fort violente, & mesme elle luy parla en des termes assez obligeans : Mais lors qu’- elle fit reflexion à ce qu’elle venoit de faire, elle se trouva embarassée, & se repentit presque de luy avoir parlé si obligeammẽt. Son austere vertu luy representoit qu’il ne luy estoit pas permis de voir à l’insceu de 135 sa mere un homme qui l’aimoit : cependant elle avoit peine à se resoudre de luy découvrir ce secret. Pressée de son devoir, retenuë par son amour, & toûjours incertaine, elle cherchoit à satisfaire à sa vertu sans exposer son Amant. Enfin s’apercevant que son cœur s’interessoit trop pour l’Admiral, elle entra dans quelque défiance contre 136 elle-mesme, & se determina à informer sa mere du déguisement de l’Admiral, persuadée que la Comtesse ne voudroit pas perdre un homme à qui elle avoit tant d’obligation ; & se flattant que l’indulgence de sa mere authoriseroit la sienne, elle luy avoüa en mesme temps qu’elle se trouvoit dans un grand embarras, ayant de la repugnan 137 ce à perdre un homme de ce merite ; & craignant aussi de trahir les interests de sa patrie, si elle n’en donnoit avis au Duc. La Comtesse la blâma d’avoir balancé, & se mit en devoir d’en faire avertir le Duc dans ce moment. Clarice effrayée de cette resolution, n’eut plus la force de deguiser les sentimens de son cœur ; & conjura sa mere les 138 larmes aux yeux de se souvenir des obligations qu’elle avoit à l’Admiral, & de ne contribuer pas à la perte d’un si grand homme, en le faisant tõber entre les mains de ses plus cruels ennemis. La Comtesse surprise de l’interest que sa fille prenoit à l’Admiral, soubçonna que la generosité seule ne la faisoit pas agir avec tant de zele, & 139 ce soubçon avança la perte de l’Admiral : car la Comtesse qui ne vouloit plus de commerce avec les François, donna avis de tout à Prosper, & l’Admiral fut arresté & conduit au Château de Milan.
Clarice qui estoit observée, affecta d’abord de paroistre fort tranquille en apprenant cette cruelle nouvelle : mais lors qu’el 140 le se representa tous les perils où l’Admiral s’estoit exposé pour l’amour d’elle, & que cependant c’estoit elle-mesme qui avoit donné avis de son deguisement, elle n’eut plus la force de cacher sa douleur ; elle s’abandonna à son desespoir, & se fit mille reproches secrets d’avoir trahi son Amant par une delicatesse si hors de saison. Prosper qui 141 remarqua les inquietudes de Clarice, n’eut pas de peine à en deviner le sujet ; comme il estoit continuellement occupé de tout ce qui avoit rapport à son amour, & qu’il jugeoit que le malheur de l’Admiral luy seroit d’un grand merite auprés de sa Maistresse, il tascha de le diminuer, & voulut faire entendre adroitement à Clarice que l’Admi- 142 ral avoit de grandes intelligences dans le païs, & qu’il n’estoit allé à Milan qu’à l’instance des seditieux qui luy avoient fait esperer qu’aussi-tost qu’il paroistroit toute la ville prendroit les armes pour chasser Sforça. Mais Clarice qui sçavoit les intentions de son Amant, & qui ne voyoit pas grande apparence qu’ un homme seul vou 143 lust entreprendre de faire revolter une grãde ville, ne fit pas grand cas de ce discours.
Tous ces mauvais succez ne rebutoient point Prosper, sa passion devenoit chaque jour plus violente, & il meditoit continuellement de nouveaux moyens pour posseder la belle Clarice, & détruire ses rivaux ; il haïssoit égalemẽt Sfor- 144 ça & Bonnivet, & sans songer que l’un étoit haï, & l’autre prisonnier, il suffisoit d’aimer Clarice pour meriter sa haine. L’application qu’il avoit à perdre l'Admiral, & à augmenter l’aversion que Clarice avoit déja pour Sforça, le fit resoudre d’inspirer au Duc de Milan qu’il étoit de son interest de se défaire de l'Admiral, puis qu’il le pou 145 voit sans violer les loix de la guerre, ayant esté pris en qualité d’espion. Mais voyant que les raisons d’Etat ne suffisoient pas pour engager le Duc à faire un coup si hardy, il s’avisa de luy donner de la jalousie ; & aprés luy avoir persuadé que Clarice aimoit l'Admiral, & que c’estoit pour l’amour de luy qu’elle avoit fait naître des difficultez à 146 son mariage, il luy dit qu’il pouvoit d’un mesme coup se venger d’un ennemy dangereux, & perdre un Rival redoutable. Le Duc qui n’avoit pû se determiner à prendre aucune resolution violente contre son ennemi, s’emporta contre son Rival, & le trouva encore plus criminel que Prosper ne vouloit le luy faire paroistre ; outré du 147 mépris qu’on avoit fait de ses soins, agité de mille desseins violens, & toujours fort amoureux, il alla voir Clarice, & la trouvant plus reveuse qu’à l’ordinaire, il expliqua d’abord ses resveries en faveur de l'Admiral : Il ne laissa pas neanmoins de luy parler de son amour en des termes fort respectueux à son ordinaire ; mais 148 Clarice s’en fascha, & le pria de ne luy tenir plus de pareils discours. Non, non, je ne vous en parleray plus, reprit le Duc transporté d’amour & de colere, vous aimez l'Admiral, & vous preferez un étranger qui ne songe qu’à troubler le repos de vostre patrie, à un Prince qui vous aime passionnément ; mais je me vengeray de vostre ingra 149 titude, & j’auray le plaisir de perdre mon Rival. Le Duc sortit en achevant ces paroles, & Clarice fut si interdite & si effrayée de la colere où elle le voyoit contre son Amant, qu’elle demeura long-temps irresoluë ; sa vertu qui se trouvoit interessée dãs ces reproches, & son amour qui estoit intimidé par ces menaces, luy faisoient envisa 150 ger mille horreurs ; persecutée de sa vertu, allarmée de la colere du Duc, & accablée de sa passion, elle cherchoit à justifier sa vertu, à appaiser le Duc, & à sauver son Amant. Comme tous les momens luy estoiẽt chers dans la crainte où elle estoit que le Duc ne s’emportast à quelque resolution violente, elle prit son party, & resolut de se sacrifier 151 elle-mesme en épousant le Duc qu’elle haïssoit, pour détourner la perte de l’Admiral qu’elle aimoit. Aprés cette étrange resolution elle s’abandonna aux larmes, & entra en cét état dans la chambre de sa mere, qui en parut extrémement surprise. Ne soyez point étonnée du desordre où vous me voyez, Madame, luy dit Clarice en en 152 trant, je devrois pleurer des larmes de sang, le Duc outrage ma vertu, & me croit capable d’une foiblesse pour l’Admiral ; je suis resolue de luy justifier mes sentimens d’une maniere si convaincante, qu’il ne puisse plus douter de son injustice : vous m’avez autrefois parlé en sa faveur, si vous estes encore dans la mesme volonté, je vous de 153 clare que je suis preste à luy donner la main, aimant bien mieux hazarder le repos de toute ma vie, que de vivre aprés ce cruel soubçon. La Comtesse Viscõti qui avout toûjours souhaité que sa fille fust Duchesse de Milan, tâcha de la consoler ; & bien loin de la faire changer de sentimens, elle approuva tous les siens, & la confirma dans sa reso 154 lution par mille raisons qu’elle luy donna, & qui estoient fort inutiles pour persuader Clarice, puisque la crainte de voir perir son Amant l’avoit déja déterminée à épouser le Duc.
La Comtesse sans differer davantage, envoya une personne de cõfiance au Duc, pour luy dire qu’elle avoit une affaire importante à luy communi 155 quer, & qu’elle iroit chez luy avec Prosper avant la fin de la journée. Comme elle n’avoit aucune connoissance de la passion de Prosper, & qu’elle se souvenoit qu’il estoit le premier qui avoit proposé le mariage de Clarice avec le Duc, elle le fit prier de l’attendre au Palais du Prince à l’heure qu’elle luy marqua. Mais le Duc de Milan, qui 156 estoit fort amoureux, & qui malgré les mépris de Clarice, se repentoit déja de luy avoir parlé avec trop d’emportement, fut ravi d’avoir occasion d’entretenir sa mere ; & sans attendre qu’elle allast dans son Palais, il se rendit chez elle : Il s’imagina qu’- elle avoit quelque grace à luy demander, & l’asseura par avance qu’il estoit prest à fai 157 re tout ce qu’elle souhaiteroit. Vous n’y aurez pas beaucoup de peine, répõdit la Comtesse, si vous estes encore dans les mesmes sentimens où je vous ay veu ; car ma fille a surmonté en vostre faveur l’aversion extréme qu’elle avoit pour le mariage, & a resolu de suivre mes conseils en profitant de l’honneur que vous voulez bien luy faire. 158 Le Duc ravi & surpris d’une si agreable nouvelle, avoit peine à croire ce qu’il entendoit. Ne soyez point surpris d’un si prompt chãgement, continua la Comtesse ; car aprés l’injuste reproche que vous avez fait aujourd’huy à ma fille, il falloit qu’elle vous donnast la main pour vous desabuser, ou qu’elle renonçast à vous pour toute sa vie. Le party 159 qu’elle a pris justifie assez ses sentimens ; je puis mesme vous assurer que je n’ay aucune part à cette resolution. Le Duc transporté d’amour, la conjura de le presenter à Clarice, sans luy retarder plus long-tems le plaisir qu’il auroit de la voir. La Comtesse l’ayant mené dans la chambre de sa fille, le Duc se jetta aux pieds de sa Maistresse, 160 protestant qu’il ne se releveroit point qu’elle ne luy eust pardonné son emportemẽt. Clarice qui avoit peine à retenir ses larmes, le releva, & luy répondit avec plus de civilité que de tendresse. L’amoureux Duc craignant qu’il n’arrivast encore quelque obstacle à une affaire qu’il desiroit avec tant d’ardeur, conjura Clarice de ne differer plus son 161 bonheur, & de trouver bon qu’il l’épousast ce mesme jour. La Comtesse Viscõti qui avoit une impatience extréme de voir sa fille Duchesse de Milan, ne luy donna pas le temps de répondre, & declara au Duc qu’il estoit le maistre d’avancer ou de differer comme il trouveroit plus à propos. Le Duc voulut toujours que ce fust ce mesme jour. 162 La Comtesse l’ayant agreé sans que Clarice s’y opposast, le Duc retourna dans son Palais pour y disposer toutes choses. Il trouva Prosper qui attendoit depuis long-tems la Comtesse Visconti. Le Duc l’embrassa, transporté de joye, & luy apprit que dans deux heures il alloit épouser Clarice. Prosper qui sçavoit la repugnance que Clarice 163 avoit témoignée pour ce mariage, demeura interdit en apprenant cette surprenante nouvelle, & jugea aprés y avoir fait un peu de reflexion, que le Duc vouloit peut-estre se servir de son authorité pour satisfaire son amour, se proposant déja de rompre avec ce Prince plûtost que de souffrir qu’il entreprist quelque chose contre la volonté de Clarice. 164 Mais voyant que le Duc donnoit plusieurs ordres en sa presence, & qu’il parloit de son bonheur à tous ceux qui se presentoient devant luy, il commença à entrer dans de grãdes inquietudes : il se rendit chez Clarice pour s’éclaircir de tout ; mais il luy fut impossible de la voir, & on l’asseura qu’elle se preparoit pour cette grande ceremonie. Il n’en 165 voulut pas sçavoir davantage, & se retira chez luy, où il s’abandonna à tout ce que son amour, sa jalousie & son desespoir luy inspirerent.
Le Duc & Clarice furent mariez cette mesme nuit. Le lendemain tout le monde s’empressa pour faire des complimens à la nouvelle Duchesse. Prosper seul n’eut pas la force de la voir, & 166 se determina, ne pouvant se consoler de ce mariage, à s’éloigner de Milan, pour fuïr des objets qui luy renouvelloient continuellement ses chagrins. Mais lors qu'il voulut executer sa resolution, il s’aperceut que son cœur n'avoit aucune part à sa colere, & qu’il avoit encore les mesmes sentimens pour la Duchesse de Milan qu’il avoit 167 eu pour Clarice. Comme il sçavoit que l'Admiral aimoit aussi la Duchesse, il resolut de le visiter en secret, par un mouvement naturel à tous les Amans, de se réunir toûjours contre l’heureux. Aprés luy avoir appris le mariage de Clarice, il s’offrit à le servir, pour luy faciliter sa liberté, n’estant pas raisonnable qu’il fust la victime de la Duches 168 se qui l’avoit peutestre sacrificié à son ambition. L’Admiral au desespoir d’apprendre que Clarice estoit mariée, remercia Colonna de ses offres, & luy declara qu’il ne vouloit point sortir de sa prison, ne songeant plus qu’à mourir, puis qu’il voyoit bien par l’action que Clarice venoit de faire, qu’elle ne l’avoit jamais aimé. Prosper voulut 169 inutilement le faire changer de resolution. L’Admiral ne l’écouta point, & dés ce mesme jour il fit dire au Duc de Milan qu’il avoit une affaire importante à luy communiquer. Le Duc luy envoya le Chancelier Moron, qui estoit un des plus habiles Ministres de son siecle, quoy qu’il ne fust pas exemt des foiblesses des autres hommes. L’Ad- 170 miral luy declara qu’il estoit allé à Milan pour faire soûlever le peuple contre le Duc, qu’il avoit un grand party dans la ville, mais qu’il ne declareroit aucun de ses complices qu’il ne fust prest à mourir ; qu’il supplioit le Duc, pour toute grace, de haster son supplice, sans le laisser languir dans une prison qui luy estoit mille fois plus insup 171 portable que la mort. Dés le lendemain on redoubla les gardes de l’Admiral, & tout le monde ne s’entretenoit plus que de ce fameux Criminel qui avoit luy-mesme demandé à mourir, prévoyant bien qu’il ne pouvoit pas l’éviter. La Duchesse seule donnoit une autre explication au desespoir de l’Admiral ; elle ne pouvoit penser sans 172 mourir de douleur, qu’aprés s’estre sacrifiée pour luy, la mesme action qu’elle avoit faite pour le sauver estoit la cause de son desespoir : son courage qui ne luy avoit jamais manqué lors qu’il ne s’agissoit que de son interest particulier, l’abandonna en cette occasion : elle n’envisageoit que des malheurs ; tantost elle songeoit à luy écrire, 173 pour luy apprendre ce qu’elle avoit fait pour le sauver ; mais elle trouvoit mille difficultez à luy faire tenir sa lettre : tantost elle se proposoit de s’aller jetter aux pieds de son mary, pour luy demander la grace de son Amant, & luy dire qu’elle seule estoit coupable de tous les crimes dont l’Admiral s’accusoit luy-mesme. Elle estoit dans ces a 174 gitations lors que Prosper, qui ne pouvoit plus vivre sans la voir, & qui se flattoit de se faire un merite auprés d’elle des offres qu’il avoit faites à l’Admiral, luy fit demander une audiance particuliere. La Duchesse eut quelque peine à se laisser voir dans le desordre où elle estoit ; mais n’ayant rien à ménager lors qu’elle perdoit un homme qui 175 luy estoit si cher, elle receut Prosper. Je viens, luy dit-il, vous importuner pour la derniere fois de ma vie ; vivez heureuse, & jouïssez long-temps du choix que vous venez de faire ; personne à l’avenir ne troublera vostre joye, l’Admimiral qui vous importunoit de son amour, ne demande qu’à mourir, & pour moy qui avois le mesme mal 176 heur, je sens bien que je ne sçaurois plus vivre : J’ay voulu inutilement le détourner de cette resolution, afin que j’eusse seul la gloire de mourir pour vous ; mais il s’accuse luy-mesme d’une infinité de crimes, & le Conseil du Duc l’a déja condamné à la mort. O Ciel! s’écria la Duchesse penetrée de douleur, souffrirez‑vous cette injustice? 177 Les larmes qui étoufferent sa voix, donnerent le temps à Prosper de luy demander d’où luy pouvoit venir ce mouvement de compassion aprés avoir tant contribué au malheur de l’Admiral. Il n’est plus temps de dissimuler, Seigneur, reprit la Duchesse, vôtre vertu m’a donné pour vous toute l’estime dont je pouvois estre capable, & je 178 croy que je serois aisément passée de ce sentiment à d’autres plus favorables pour vous, si je n’eusse cõnu l’Admiral auparavant : mais puis qu’il faut vous l’avoüer, il étoit déja le maistre de mon cœur la premiere fois que je vous vis : son amour l’engagea à se déguiser pour me voir, j’en avertis ma mere, persuadée qu’elle ne le découvriroit point. Il 179 fut arresté le mesme jour. Le Duc voyant le peu de cas que je faisois de ses soins, entra dans quelque soubçon ; & aprés m’avoir reproché que j’aimois l’Admiral, il me menaça de se venger sur luy de mes mépris, & me quitta brusquement. Je fus si effrayée de ses menaces, que j’aimay mieux sacrifier tout le repos de ma vie, que d’exposer cel 180 le de mon Amant. Enfin craignãt tout d’un home irrité qui estoit le Maistre, je me determinay à donner la main au Duc, malgré l’aversion que j’avois pour luy, afin de sauver l’Admiral qui ne m’estoit pas indifferent ; & vous voyez que l’ingrat veut mourir malgré tout ce que j’ay fait pour le faire vivre : de grace, voyez‑le de ma part, appre 181 nez-luy tout ce que je viens de vous dire ; deffendez-luy de mourir, & retirez-le des mains de ses ennemis : vous commandez les trouppes de la Ligue12, faites agir vostre vertu dans cette occasion ; enfin sauvez-le, & souvenez-vous que c’est le plus important service que vous puissiez me rendre : Mais aprés cela dites-luy qu’il me fuye, fuyez-moy vous‑ 182 mesme, & n’attendez jamais rien de moy ny vous ny luy ; je sçay ce que je dois au Duc, & je feray mon devoir pour mon mary comme je l’ay fait pour mon Amant : Allez, Seigneur, ne perdez point de tems, & songez que ma vie depend du service que j’attends de vous. Elle s’abandonna aux larmes en achevant ces paroles, & passa dans 183 une autre chambre sans attendre la réponse de Prosper qui, demeura interdit, & se retira chez luy accablé de mille pensées confuses. Il est constant qu’il n’y eut jamais un état plus digne de compassion que le sien : il luy revenoit incessammẽt dans l’esprit qu’il auroit esté aimé sans l’Admiral, & ce cruel souvenir luy donnoit une aver 184 sion invincible pour luy ; cependant il étoit chargé de sauver ce Rival, & d’employer la force pour le retirer des mains du Duc qui estoit son amy ; sa vertu mesme le pressoit d’agir, & il se voyoit presque forcé de trahir son amy, asseuré qu’il seroit toûjours mal-heureux, n’ayant pas mesme la consolation de pou 185 voir se flater de la moindre lueur d’esperance aprés qu’il auroit rendu un service si difficile. Malgré tous ces raisonnemens il ne laissa pas d’aller trouver l’Admiral, & de luy dire tout ce que la Duchesse luy avoit ordonné de luy apprendre. l’Admiral qui n’estoit occupé que des horreurs de la mort, fut si agreablement surpris en appre 186 nant les obligations qu’il avoit à la Duchesse, qu’il s’accommoda de bon cœur de tous les expediens que le genereux Colonna luy proposa pour le sauver. L’Officier qui le gardoit, qui estoit des trouppes de la Ligue13, obeït sans difficulté aux ordres de Prosper qu’il recõnoissoit pour son General, & ceux mesmes qui estoient preposez pour le gar 187 der le menerent à la porte du Chasteau, d’où il repassa facilement en France. Sa fuite donna beaucoup d’inquietude au Duc, il fit arrester plusieurs personnes sans pouvoir jamais découvrir les coupables, parce que tous les Officiers estoient si affectionnez à Prosper, qu’il ne s’en trouva aucun qui voulust rien dire contre luy. Mais le Chance- 188 lier Moron, qui étoit un des hommes du monde de la plus profonde penetration, & qui agissoit dans cette affaire par un interest plus pressant que celuy du devoir de sa charge, voulut s’éclaircir de la verité. Il examina avec soin tout ce qui s’estoit passé dans l’affaire de l’Admiral, & ne trouvant pas qu’il fust naturel qu’un homme s’accusast luy‑ 189 mesme, & qu’il demandast à mourir, il jugea facilement que l’Admiral n’avoit agi que par un desespoir amoureux, & entra dans quelque soubçon que la Duchesse n’eust eu beaucoup de part à sa fuitte. Comme la Duchesse avoit le malheur de plaire à tous les grands hommes, elle estoit aimée depuis long-temps de ce Ministre, sans qu’il 190 eust jamais osé le luy laisser entendre. Il resolut de se faire un merite de sa penetration auprés d’elle, & s’offrit de la servir dans les affaires les plus secrettes de son cœur. La Duchesse surprise d’un discours si extraordinaire, crut que son mary avoit de nouveaux soubçons, & que ce Ministre cherchoit à s’en éclaircir par son ordre. Elle luy répon 191 dit ce que sa vertu luy inspira, & rompit la conversation, sans vouloir entrer dans des éclaircissemẽs qui blessoient sa pudeur. Le Chancelier ne se rebuta point, & espera de se rendre necessaire à la Duchesse, en donnant de la jalousie au Duc : il luy démesla toute l’intrigue de l’Amiral, & luy persuada par de bonnes raisons que Prosper seul pou 192 voit avoir sauvé l’Admiral, à la priere de la Duchesse. Le Duc qui estoit fort susceptible de pareilles impressions, trouva ce raisonnemẽt fort vraisemblable ; & faisant reflexion à l’humeur particuliere de sa femme, & à la vie languissante qu’elle avoit menée depuis son mariage, il ne douta point qu’elle n’eust quelque chose dans sa teste. Il 193 en fit ses plaintes à la Comtesste Visconti, qui ne pouvant disconvenir que sa fille ne fust fort changée, tâcha inutilement à penetrer le sujet de son chagrin. Elle la conjura de luy avoüer d’où luy venoit cette mélãcolie qui faisoit tant de peine au Duc. La Duchesse luy donna de mauvaises raisõs pour se défaire de ses importunitez, & l’asseu 194 ra qu’elle vivroit à l’avenir d’une maniere que son mary n’auroit plus d’inquietude de sa conduite. En effet elle se priva de voir le monde, & passa plus de six mois sans sortir de sa chambre. La Comtesse qui devinoit la cause des chagrins de sa fille, & qui connoissoit que rien n’é toit capable de la consoler, fut sit touchée de la voir malheureu 195 se, que cela contribua à la resolution qu’elle prit de se retirer dans un Convent pour y passer le reste de ses jours. Prosper qui vivoit sans esperance, faisoit quelquefois des efforts inutiles, & employoit toute sa raison pour vaincre son amour : Un moment aprés il se repentoit de son dessein, prévoyant bien qu’il auroit moins de peine à 196 mourir qu’à renoncer à sa passion. Il se faisoit toûjours un plaisir de penser à la Duchesse, & se flattant que le service qu’il avoit rendu par son ordre à l’Amiral, luy tiendroit lieu de quelque chose auprés d’elle, s’il s’imaginoit que s’il pouvoit la voir encore une fois, il seroit moins malheureux. Prévenu de cette pensée, il cherchoit avec empresse 197 ment les occasions de se satisfaire. Mais comne la Duchesse ne sortoit plus de sa chambre, il luy fut impossible de la voir, quelque soin qu’il se donnast pour y reüssir : de sorte que privé de cette consolation, il traînoit sa vie dans un accablement qui auroit fait pitié aux personnes les plus insensibles.
Le Duc qui estoit assez satisfait de la vie 198 retirée de sa femme, quoy que toûjours incertain de la cause de son humeur melancolique, resolut d’entretenir Prosper sur la fuite de l’Admiral, & de sçavoir de luy s’il y avoit eu quelque part, persuadé qu’il avoit trop de vertu pour luy déguiser la verité. Seigneur, luy dit-il, j’avois cru qu’aprés tout ce que vous avez déja fait pour moy, vous 199 prefereriez mes interests à ceux de l’Admiral qui est nostre ennemi commun : C’est vous qui m’avez rétabli dans Milan, c’est vous qui m’avez proposé le mariage de Clarice, & c’est vous enfin qui m’avez donné des avis contre l’Amiral qui aportoit des obstacles à mon bonheur : Cependant j’apprens que c’est vousmèsme qui avez en 200 levé du Chasteau de Milan, sans que j’en puisse deviner le motif, à moins que vous ne l’ayez fait par complaisance pour la Duchesse. Prosper accablé de reproches, luy répondit froidement. Je vous avouë, Seigneur, que je suis le plus malheureux de tous les hommes. Il le quitta sans avoir la force de luy dire autre chose, & se retira à la 201 campagne, s’imaginant d’y trouver plus de repos ; mais son amour luy representoit toujours les malheurs de la Duchesse, & luy faisoit mille reproches secrets d’y avoir luy‑mesme cõtribué, pour l'avoir trop aimée. Ce cruel souvenir luy donnoit de continuelles inquietudes, sa vertu luy inspiroit de vaincre son amour, & d’employer tous ses 202 soins pour diminuer les chagrins dont il sçavoit que la Duchesse estoit accablée ; & jugeant que puis qu’elle avoit épousé le Duc de Milan, elle ne pouvoit jamais vivre heureuse, si elle n’estoit dans une étroite union avec son mary, il se proposoit quelquefois de travailler à les unir ; mais lors qu’il vouloit chercher des expediens pour lier & en 203 tretenir cette union, son esprit ne luy en fournissoit aucun, sa vertu n’agissoit plus que foiblement, & son amour reprenoit le dessus de tous ses mouvemens : pressé de sa vertu, combatu de son amour, & accablé de mille reproches secrets, tantost il vouloit retourner à Milan, pour entretenir le Duc du merite de sa femme ; un moment aprés 204 il changeoit de dessein, & demeuroit toujours irresolu, sans que son amour pust l’obliger à rien entreprendre contre sa vertu, ny que sa vertu eust assez de force pour étouffer tous les sentimẽs que sa passion luy inspiroit. Ces cruelles agitatiõs le firent tomber dans une langueur qui l’emporta insensiblement. Il fut occupé de sa Maistresse jus 205 qu’à la mort, & trouva mesme une espece de consolation d’écrire en mourant le billet qui suit :
Quoy que la Duchesse de Milan ne souffre point qu’on la regarde impunément, & qu’il en couste toujours la liberté à ceux qui la voyẽt deux fois, assurez-vous, Seigneur, qu’il n’y eut jamais une vertu plus austere que la sienne : 206 mon témoignage ne vous doit pas estre suspect, puisque j’en ay fait l’experience aux dépens de ma vie : joüissez longtemps de vostre bonheur, & ne soyez appliqué à l’avenir qu’à le rendre parfait, de peur que le Ciel ne vous punisse, si vous donnez par vos injustes soubçons le moindre chagrin à la personne du monde la plus digne d’estre aimée.
207
Cette lettre fit beaucoup d’effet sur l’esprit du Duc, qui fut fort touché de la mort de Prosper, il témoigna depuis ce temps-là beaucoup de consideration pour sa femme, & l’obligea mesme à sortir quelquefois avec luy, malgré la resolution qu’elle avoit faite de demeurer toujours dans sa chambre.
Quoy que le maria 208 ge de Clarice eust mis l’Admiral au desespoir, il ne laissoit pas de trouver quelque consolation à penser qu'elle l'avoit aimé, & qu'elle ne s'estoit donnée au Duc de Milan que pour détourner les effets de sa colere : depuis son retour en France, il entretenoit continuellement le Roy des affaires d'Italie, & tâchoit à luy inspirer d'envoyer une 209 armée à Milan, sans souffrir que François Sforça joüist plus long‑temps d'un bien qui appartenoit si legitimement à sa Majesté. Le Roy qui par sa propre inclination estoit assez porté à cette entreprise, avoit d'abord resolu de retourner luy-mesme à Milan à la teste d'une armée : mais le Connestable de Bourbon ayant passé dans ce temps-là au 210 service de l'Empereur Charles-Quint, le Roy fut obligé de changer de dessein ; & aprés plusieurs deliberations il fut enfin resolu dans le Conseil qu'on donneroit cinquante mille hommes à l’Amiral pour la conqueste de Milan : En effet, il passa peu de temps aprés en Italie à la teste d'une belle armée, ayant pour Lieutenans Generaux le fameux la 211 Palisse, & le brave Chevalier Bayard. Cette armée donna l'épouvante à toute l'Italie, & il est certain que si l’Admiral eust eu autant d'aplication aux affaires du Roy qu'à celles de son amour, il auroit facilement conquis la Duché de Milan. Il apprit par un homme de qualité qui fut pris par les siens, que la Duchesse de Milan menoit une 212 vie fort particuliere, & qu'elle ne sortoit jamais qu'elle ne fust accompagnée de son mary. L’Admiral jugeant par là qu'il luy seroit fort difficile de donner de ses nouvelles à sa Maistresse, entra dans de cruelles inquietudes ; La Palisse & Bayard le pressoient inutilement d'assieger quelque place, & de profiter de l'ardeur des Sol 213 dats qui ne demandoient qu'à combattre, il differoit toûjours à se resoudre, & tâchoit cependant à gagner par ses bons traittemens le prisonnier qu'on luy avoit mené, qui luy promit enfin de le servir. L’Amiral vouloit l'engager à rendre un billet de sa part à la Duchesse : mais le Cavalier luy ayant fait connoître qu'il luy estoit im 214 possible de donner un billet à la Duchesse qui ne paroissoit jamais que le Duc ne fust avec elle ; L’Admiral dans cette extremité luy proposa de luy presenter du moins un placet14, puis qu'il pouvoit le faire lors qu'elle sortiroit, sans que personne en eust aucun soubçon. Le Cavalier qui attendoit de grands avantages de la faveur de 215 l’Admiral, se chargea du placet, & promit de le donner à la Duchesse. Il fut renvoyé à Milan, & à la premiere occasion il se mesla dans la foule de ceux qui suivoient le Duc, & donna adroitement son placet à la Duchesse, la suppliant de vouloir jetter les yeux dessus, parce qu'il s'agissoit d'une affaire fort importante. La Duchesse qui 216 estoit extremement bonne, le receut, & le donna d'abord à son mary sans le lire, le priant d'en avoir soin pour l'amour d'elle. Le Duc entra peu de temps après au Conseil, où le Chancelier Moron luy rẽdit compte de plusieurs affaires, & s'estant souvenu du placet que la Duchesse luy avoit recommandé, il le tira de sa poche, & or 217 donna au Chancelier de le lire, témoignant qu'il seroit bien aise de favoriser celuy que sa femme luy avoit recommandé. Le Chancelier le leut, & y trouva ces paroles :
J'ay pasé les monts à la teste d'une armée de cinquante mille hommes, bien moins pour conquerir la Duché de Milan, que pour empescher que vostre Tyran ne profite 218 plus long-temps de vôtre generosité. Je serois indigne du bien que vous m'avez procuré en me sauvant la vie aux dépens de vostre liberté, si je n'employois tous mes soins pour vous mettre en état de pouvoir faire un chois plus digne de vostre cœur. J'attens vos ordres dans mon camp, de grace faites quelque usage des offres que je vous fais, & épargnezmoy la honte de mourir 219 dans le desespoir de n'avoir rien fait pour vôtre service.
Le Duc & le Chancelier se regarderent avec un étonnement reciproque. Ils releurent plusieurs fois ce placet, & comprirent aisément qu'il venoit de l’Admiral. Jamais homme n'a esté agité de tant de sentimens confus que le Duc le fut dans cette occa 220 sion ; il repassa dans son esprit toutes les circonstances de son mariage, & se souvenant que la Duchesse ne s'estoit determinée à luy donner la main qu'aprés qu'il l'eut menacée de perdre l’Admiral, il jugeoit qu'il estoit trahi, & que sa femme estoit d'intelligence avec les François. Mais lors qu'il faisoit reflexion qu'elle luy avoit donné el 221 le-mesme le placet, il trouvoit que ce procedé estoit une preuve infaillible de son innocence : la colere, la crainte & la jalousie luy inspiroient mille desseins differens ; tantost il vouloit punir sa femme comme criminelle, & tantost il vouloit luy demander sa protection, persuadé qu'elle pouvoit tout sur l'esprit de l’Amiral.
222
Le Chancelier qui cherchoit depuis long‑temps les occasions d'avoir quelque sorte de commerce avec la Duchesse, conseilla au Duc de n'entrer point dans une explication si desagreable & si delicate avec sa femme, & l'asseura que s'il ne vouloit point s'en mêler, & ne pas faire semblant de ce qu'il avoit veu, il ménageroit si bien les choses 223 qu'il tireroit peut-estre de grands avantages de la passion de l’Admiral. Le Duc qui avoit une grande confiance à l'esprit de son Ministre, & qui craignoit déja de perdre ses Etats, parce que les trouppes de la Ligue15 s'estoient dispersées depuis la mort de Colonna, s'abandonna à tous les conseils de Moron, & luy dõna pouvoir d'agir com 224 me il trouveroit plus à propos.
Le Chancelier alla trouver la Duchesse, & aprés luy avoir exposé le desordre des affaires de l'Etat, & le peu d'apparence qu'- il y avoit que le Duc pust resister aux François qui avoient une armée de cinquante mille hõmes aux portes de Milan ; il sceut si bien luy representer qu'en pareille occa 225 sion il estoit permis de se servir de toutes sortes de voyes pour détruire son ennemi, que la Duchesse, qui n'envisageoit que son devoir, luy promit de donner toutes ses pierreries pour lever des trouppes, & de sortir elle-mesme contre les François, s'il estoit necessaire. Alors l'adroit Ministre luy donna à lire le placet de l’Admiral, luy faisant 226 entendre qu'on luy avoit mené l'espion qui le portoit, & qu'il l'avoit renvoyé aprés s'estre saisi du placet, de peur que le Duc n'en eust connoissance. La Duchesse demeura dãs une surprise extréme en lisant ce placet, dont elle reconnut l'écriture, parce qu'elle en avoit veu plusieurs fois de celle de l’Admiral. Le Chancelier profitant de sa surpri 227 se, luy dit qu'elle ne pouvoit pas empescher qu'on ne l'aimast, & luy conseilla en suite de faire réponse à l’Admiral, l'asseurant en mesme temps qu'il prenoit beaucoup d'interest à toutes les choses où elle avoit part, & que si elle vouloit l'honorer de sa confiance, il la rendroit la Princesse du monde la plus heureuse. Voudriez-vous, 228 interrompit la Duchesse, me conseiller de répondre à un billet qui m'outrage? Le peril est trop pressant, Madame, repliqua le Chancelier, cette delicatesse est hors de saison lors qu'il s'agit de garantir vos peuples des desordres de la guerre, de sauver vos Etats, & d'empescher la ruine de vostre mary ; un billet de vôtre main arrestera la 229 fureur des François, & nous aurons le tems d'attendre les trouppes que l'Empereur envoye à nostre secours. Non, non, je ne sçaurois, reprit la Duchesse, trahir mes sentimens, ny me servir de moyens si lâches ; levez promptement des trouppes, employez-y toutes mes pierreries, s'il est necessaire, les François n'ont encore rien 230 entrepris, & aprés tout je sçauray mourir quand nous ne pourrons plus leur resister : Mais je ne sçaurois vivre si j'avois fait une action indigne de moy. Le Chancelier se servit encore de plusieurs autres raisons pour l'obliger à écrire ; mais voyant qu'il ne pouvoit la persuader, il s'avisa de luy dire que du moins pour l'interest de sa gloire, 231 elle ne pouvoit pas se dispenser de faire connoistre à l’Admiral qu'elle estoit fort offensée du placet qu'il luy avoit envoyé. La Duchesse qui trouvoit ce dernier avis plus conforme à sa vertu, quoy qu'il ne le fust peut-estre pas aux sentimens de son cœur, le suivit, de peur que Moron ne crust, si elle s'en deffendoit, qu'elle estoit d'intelli 232 gence avec l’Admiral. La Duchesse luy manda en substance, qu'- elle le prioit de ne nommer jamais son nom, & de ne la faire plus servir de pretexte à son ambition. Le Chancelier s'estant chargé de luy envoyer ce billet, le garda, & ayant trouvé moyen d'en faire adroitement imiter la caractere, il donna une Lettre de creance au nom de la 233 Duchesse à un de ses amis qui feignit d'estre mal satisfait du Duc de Milan, & se retira au Camp des François. l’Admiral le receut parfaitement bien, prévenu que cette pretenduë lettre de creance estoit de la Duchesse. Il suivit tous les conseils qu'il luy donna, & le chargea de plusieurs lettres fort passionnées, pour envoyer à la Du 234 chesse. Le Chancelier qui les recevoit, continuoit toûjours à faire imiter le caractere de la Duchesse, & renvoyoit des réponses fort obligeantes à l’Admiral qui differoit toujours à entreprendre quelque chose, de peur de fâcher sa Maistresse. Le Chancelier s'estant asseuré, par cet artifice, de plusieurs lettres de l’Admiral, qui mar 235 quoient que la Duchesse ne desapprouvoit point sa passion, se rendit un jour dans la chambre de cette Princesse ; & aprés luy avoir exageré le profond respect qu'il avoit pour elle, il luy dit que malgré l'attachement qu'il avoit pour le Duc, il s'étoit determiné à le trahir pour l'amour d'elle, de peur que le Duc ne prist quelque resolu 236 tion violente contre elle, s'il voyoit les lettres emportées que l’Admiral luy écrivoit. Il luy presenta à mesme temps plusieurs de ces lettres qui mirent la Duchesse au dernier desespoir, ne pouvant pas comprendre que l’Admiral luy fist des réponses si fortes, puis qu'elle ne luy en avoit jamais donné occasion par sa conduite, 237 ny par ses lettres. Elle donna des loüanges à la prudence de Moron, & l'asseura, les larmes aux yeux, qu'il luy rendoit justice. Le Chancelier ne luy dõna pas le temps de continuer, & luy declara, en se jettant à ses pieds, qu'elle alloit perdre le plus fidelle & le plus utile de tous ses serviteurs, si elle n'avoit pitié de luy. La Duchesse qui 238 ne s'attendoit à rien moins qu'à ce qu'- il vouloit luy dire, luy ordonna de se relever, l'asseurant qu'elle avoit toujours eu beaucoup d'estime pour luy, & qu'elle seroit bien aise d'avoir occasion de luy en donner des marques. C'est trop pour Moron, Madame, reprit le Chancelier, mais ce n'est pas assez pour un homme qui vous aime 239 d'une passion fort violente, & qui mourra à vos pieds, si vous n'avez quelque bonté pour luy. Insolent, repliqua la Duchesse outrée d'un discours si peu respectueux, retirez-vous de devant moy, & ne m'obligez point à appeller des Gardes pour faire punir vostre audace sur le champ. Elle passa dans une autre chambre sans attendre qu'il 240 luy repliquast davantage, où elle fit mille tristes reflexions sur tous les malheurs que sa beauté luy avoit causez, & particulierement sur son mariage, sur la mort de Prosper, & sur la passion de l’Admiral, qui avoit donné lieu à l'insolence de Moron, dont elle ne pouvoit se consoler : cependant elle n'osa jamais s'en plaindre au Duc, soit 241 qu'elle ne voulût point l'obliger à chasser un Ministre qui luy estoit si necessaire, ou qu'- elle esperast que sa réponse le corrigeroit pour l'avenir. Mais le Chancelier ne se rebuta point de la colere de la Duchesse ; & quoy qu'il jugeast qu'il ne devoit rien attendre de ses soins auprés d'elle, il ne laissa pas de chercher de nouveaux moyens pour 242 parvenir à ses desseins ; & comme un crime en attire un autre, il resolut de hazarder tout, & de perdre la Duchesse, ou de satisfaire son amour. Il rendit compte au Duc de tout ce qu'il avoit déja fait pour amuser l’Admiral, & luy laissa entendre malicieusement que la Duchesse n'avoit eu aucune peine à luy écrire des lettres fort obli 243 geantes, comme il pouvoit le juger par les réponses de l’Admiral, qu'il luy fit voir. Le Duc s'emporta, en lisant ces réponses, à des discours outrageans contre sa femme : mais le Chancelier le conjura de dissimuler, l'asseurant qu'il alloit tout perdre, s'il laissoit remarquer à la Duchesse qu'il eust quelque chagrin contre elle. Le 244 Duc luy promit de se contraindre, & luy donna sa parole qu'il auroit une reconnoissance eternelle des importans services qu'il luy rendoit. L’Admiral s'estant laissé amuser par l'homme de confiance que Moron luy avoit envoyé, passa la plus grande partie de cette campagne sans rien entreprendre ; son armée qui étoit déja fort affoiblie 245 par la desertion des soldats, & par les longues maladies, ne se trouva plus en état de resister aux trouppes de l'Empereur, qui arriverent dans ce tems‑là au secours du Duc de Milan. Les François furent obligez de se retirer en desordre ; & ce fut dans cette retraitte que le brave Chevalier Bayard fut tué en donnant des preuves extraordinai 246 res de sa valeur & de sa conduite.
Moron ayant chassé les François par ses artifices, & par le secours des Imperiaux, ne songea plus qu'à satisfaire son amour ; il fit encore de nouvelles tentatives auprés de la Duchesse, & tâcha de se remettre bien avec elle par de grandes soumissions, & par des presens considerables qu'il luy fit 247 offrir : mais la Duchesse qui craignoit son insolence, ne se laissa point ébloüir par ses soumissions, & rejetta ses offres avec le dernier mépris. Alors le Chancelier s'abandonna à sa fureur, & profitant du credit qu'il avoit sur l'esprit du Duc, il l'empescha toujours d'entrer dans aucun éclarcissement avec la Duchesse, & luy inspira mesme 248 de s'en défaire.
Pendant qu'il travailloit à ce cruel dessein, l’Admiral qui malgré le mauvais succez de son entreprise, avoit toujours sa passion dans la teste, persuada au Roy de repasser luy-mesme en Italie à la teste de toute la Noblesse du Royaume, & de chasser les Imperiaux du Milanois. Le Roy qui trouvoit sa gloire in 249 teressée dans la protection que l'Empereur donnoit au Duc de Milan, entra dans ce dessein, & fit de grãds preparatifs pour retourner en Italie. Le Chancelier profita de cette cõjoncture pour persuader au Duc qu'il seroit toujours malheureux, s'il ne prenoit bien-tost une resolution violente contre sa femme qui luy attiroit toutes ces 250 guerres. Il luy representa qu'il devoit également craindre la haine des François, & l'amitié des Imperiaux ; qu'il ne pouvoit se défaire de ces dangereux Protecteurs qu'en empeschant les François de repasser en Italie ; & enfin que l'unique moyen de l'empescher, & de finir la guerre, estoit de se défaire de sa femme, puisque l’Amiral n'in 251 spireroit plus à son Maistre des desseins sur le Milanois lors qu'il auroit perdu l'esperance de posseder la Duchesse, estant déja asseuré de son cœur. Le Duc qui étoit prévenu de la fidelité de son Ministre, se laissa aller à ses raisons : il luy avoüa neanmoins qu'il n'auroit jamais la force d'executer un dessein qui luy faisoit tant 252 d'horreur, & qu'il craindroit de se rendre odieux à tant de monde, s'il venoit à estre trahi par ceux à qui il seroit obligé de le confier. Moron feignant qu'il ne trouvoit rien de difficile pour luy marquer son zele, s'offrit de se charger de l'execution. Le Duc eut beaucoup de peine à y consentir ; mais enfin vaincu par les raisons du 253 Chancelier, & intimidé par les preparatifs qui se faisoient en France, il luy donna pouvoir de faire tout ce qu'il jugeroit plus utile pour son repos, & pour la conservation de ses Etats. Moron ayant obtenu ce pouvoir par ses importunitez, se pressa de s'en servir, de peur que le Duc, qui luy paroissoit encore incertain, ne changeast 254 de resolution. Ayant éloigné avec adresse toutes les femmes de la Duchesse, il entra dans sa chambre, & luy dit en entrant, qu'il estoit là de la part du Duc. La Duchesse qui d'abord avoit voulu s'emporter par la presence d'un homme qui luy estoit si odieux, l'écouta paisiblement. Il est temps de vous declarer, Madame, luy dit Moron, 255 en luy montrant un vase plein de poison, vostre vie est entre mes mains, j'ay ordre de mon Maistre de vous donner ce poison ; cependant j'ay assez de credit sur luy pour le faire changer de resolution, & il est encore à vostre choix de vivre heureuse en répondant à l'amour que vous m'avez donné, ou de mourir par ce poison. 256 Donne, donne, perffide, interrompit la Duchesse en prenant le vase, il n'y a point à choisir entre la mort & toy, trop heureuse lors que je seray delivrée des persecutions d'un monstre tel que toy. En achevant ces paroles elle beut ce qui estoit dans le vase, & continua en suite à dire à Moron toutes les injures que sa colere luy inspira. 257 Le Duc qui se repentoit du consentement qu'il avoit donné, accourut dans la chambre de la Duchesse, pour empescher que Moron n'entreprist rien contre elle. Son arrivée troubla ce cruel Ministre, & il se preparoit déja à s'enfuir, ne doutant point qu'il ne fust convaincu de sa perfidie ; mais la Duches 258 se ne daigna pas l'en accuser, & asseura son mary qu'elle étoit fort persuadée qu'on l'avoit trompé lors qu'on luy avoit arraché ce consentement. Le Duc attendry par ce discours, donna ordre qu'elle fust secouruë ; mais il n'estoit plus temps, le poison qui estoit violent, fit son effet, & elle mourut sans se plaindre 259 d'autre chose que de sa beauté qui avoit esté fatale à tous ceux qui l'avoient aimée, & qui estoit la cause de tous ses malheurs. Le Duc ne se consola jamais de cette perte, & ne se soucia presque plus de ses Etats qui furent depuis la proye des Espagnols. Le Chancelier Moron ne porta pas loin sa perfidie ; 260 car ayant esté arresté par ordre de l'Empereur Charles-Quint, les Espagnols qui exercerent sur luy de grandes cruautez, le punirent de ses crimes ; & l’Admiral qui estoit déja informé que la Duchesse n'avoit point écrit les lettres qu'on luy avoit envoyées de sa part, entra dans un si grand desespoir en apprenãt 261 sa mort, qu'il ne chercha plus qu'à mourir, & se fit tuer à la bataille de Pavie.
F I N.
L'empreinte de la Bilbliotheque Royale

Noms propres

Bataille de Marignan (en ital. Marignano)

Un des épisodes des guerres d'Italie commencées en 1494 par Charles VIII de France au sujet des droits héréditaires sur le duché de Milan et le royaume de Naples. La bataille, qui eut lieu les 13 et 14 septembre 1515 à Marignan, une ville au sud-est de Milan, fut le résultat d'un conflit entre François Ier de France, avec ses alliés vénitiens, et des forces suisses qui défendaient le duché de Milan et Maximilien Sforza. La victoire franco-vénitienne, qui fit environ 16 000 morts, donna à François I le contrôle de la Lombardie et du duché de Milan jusqu'en 1525. Suivant cette bataille, François I contraignit Maximilian Sforza à l'exil, et nomma des nouveaux gouverneurs du duché de Milan: Odet de Foix et Charles III de Bourbon.

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Bataille de Pavie

Bataille décisive en 1525 où la France est défaite par les forces de l'Empereur Charles-Quint dans la Sixième Guerre d'Italie (1521-1526). François Ier cherchait à reprendre le Duché de Milan, perdue par la France en 1521. Après une victoire française en 1524, l'armée française continua jusqu'à Pavie où leur défaite définitive eut lieu et où François Ier fut fait prisonnier.

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Bernard ou Bérault Stuart, Seigneur d'Aubigny

Bérault Stuart, quatrième Seigneur d’Aubigny (c. 1452-1508) était un militaire français appartenant à la famille écossaise Stewart de Darnley. Charles VII attribua à son grand-père John Stewart des terres à Aubigny-sur-Nere et Concressault comme récompense pour son soutien lors de la guerre de Cent Ans.
Aubigny particpa à la prise de Milan par Louis XII en 1499 et par la suite fut nommé gouverneur de Milan pour un temps.
  • Bernard Stewart, 4th Lord of Aubigny, Wikipedia, The Free Encyclopedia (29 décembre 2018), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 17 juin 2019. https://en.wikipedia.org/wiki/Bernard_Stewart,_4th_Lord_of_Aubigny
  • Cust, Lady Elizabeth, Bernard ou Bérault Stuart, Some Account of the Stuarts of Aubigny, in France: 1422-1672. London, Chiswick Press, 1891, p. 33-34. Google Books, Internet, 17 juin 2019.

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Charles III de Bourbon

Né en 1490, Charles III de Bourbon est consideré comme le dernier des grand féodaux français. Second fils de Gilbert comte de Montpensier, de Clermont, et dauphin d'Auvergne, et de Claire de Gonzague, il avait deux frères et trois sœurs. Ses titres incluaient comte de Montpensier, duc de Bourbon, duc d'Auvergne, comte de Clermont, prince de Dombes, seigneur de Beaujeu, gouverneur du duché de Milan (1515-1516) et connétable de France, entre autres. Il soutenait initialement le roi Louis XII de France et combattit les Vénitiens à Agnadel (1509) et les forces de Ferdinand II d’Aragon à Navarre (1512). Puis au nom du roi François Ier de France, il défendit la Bourgogne contre Maximilien I de Habsbourg, dirigea une armée à Marignan et défendit le Milanais contre le Saint-Empire romain germanique. Cependant, suivant la morte de sa femme Suzanne de Bourbon en 1521, la cousine de celle-ci Louise de Savoie (mère du roi François I de France) revendiqua avec succès les fiefs des Bourbon. Face aux affronts, Charles fut obligé de fuir ses térritoires et de se réfugier auprès de l'empereur Charles Quint à Dombes, qui lui nomma lieutenant général en Italie. Il combattit ensuite les Français aux batailles définitives de la Sesia (1524) et de Pavie (1525), et mourut sans héritier en 1527, d'un coup d'arquebuse pendant le siège devant Rome.

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Charles Quint (en esp. Carlos I)

Charles Quint (Charles d’Habsbourg, Charles I d'Espagne, 1500-1558), empereur du Saint-Empire romain germanique et Roi des Espagnes, était considéré le monarque le plus puissant de son temps. C’est le père de Philippe II d’Espagne.

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Charles VIII

(Amboise 1470 - 1498). Fils du roi Louis XI et de Charlotte de Savoie, Charles VIII fut roi de France de 1483 à 1498. À la mort de son père, Charles VIII monta sur le trône à l'âge de 13 ans. Sa sœur Anne de France agit en régente jusqu'en 1491. Pendant la régence de celle-ci, elle lutta contre le Duc d'Orléans (le futur Louis XII) lors de la Guerre folle pendant laquelle les princes se révoltèrent contre le gouvernement d'Anne de France. Cette guerre se termina enfin en 1488 par la victoire de la monarchie sur Louis d'Orléans.
À partir de 1494, Charles partit à la conquête du royaume de Naples. Après plusieurs succès, les Espagnols et le Pape se liguèrent contre lui et il dut bâtir en retraite, perdant ses conquêtes, mais les guerres d'Italie seraient poursuivies par ses successeurs au XVI siècle. À sa mort, il fut succédé par son cousin Louis d'Orléans.
  • Charles VIII, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
  • Charles VIII de France, Wikipédia l'encyclopédie libre (12 août 2009), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 1er octobre 2009. https://fr.wikipedia.org/wiki/Charles_viii_de_france.

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Comté de Provence

La Provence fut une ancienne territoire féodale à l'est du delta du Rhône. Le Comté s'unit à la France en 1487 et le Roi de France devient Comte de Provence, bien que la Provence continue à bénéficier d'un certain degré d'autonomie jusqu'à la Révolution au XVIIIe siècle.
  • Comté de Provence, Wikipédia l'encyclopédie libre (7 mars 2010), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 27 avril 2011. https://fr.wikipedia.org/wiki/Comt%C3%A9_de_Provence.
  • Provence, Le Petit Robert : dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.

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Duché de Milan

État indépendant puis fief du Saint-Empire romain germanique au centre de l'Italie du Nord, les territoires du duché couvraient surtout la Lombardie et les villes de Milan et Pavie. La famille Visconti porta le titre de duc de 1395 jusqu'en 1447 suivant le décès du dernier descendant légitime. En 1447, les Milanais proclamèrent la République ambrosienne qui dura jusqu'en 1450, mais pour éviter la division du duché, ils appelèrent Francesco Sforza, beau-fils du dernier Visconti régnant, à réunir la territoire. Les Sforza gouvernèrent le duché jusqu'en 1535, quand François (Francesco) II Sforza mourut sans héritier. Réclamé par son suzerain, l'empereur Charles Quint, le duché fut dominé par les Espangols jusqu'au traité de Baden en 1714, où il fut cédé à l'Autriche. Puis en 1797, suivant sa conquête par Napoléon Bonaparte, le duché fut cédé encore à la France. À la fin des guerres d'indépendance et d'unité italienne, Milan passa au roi de Sardaigne, qui deviendrait aussi roi d'Italie en 1861.

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Famille Sforza

Famille romagnole et dynastie de codottieri fondée par Giacomo Muzio Attendolo, né en 1369. Doué pour les combats, Attendolo fut surnommé "Sforza" par le condottiere Alberico da Babiano, ce qui signifie "Le Fort." Les fils du premier Sforza héritèrent des seigneuries familiales de Cotignola, Santa Fiora, Castell'Arquato et Pesaro, ainsi que du duché de Milan.

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Famille Visconti

Famille de la noblesse lombarde qui régnait sur Milan de 1277 jusqu'en 1447. Otton Visconti, archevêque de Milan, prit le pouvoir de la seigneurie en 1277 et devint le premier seigneur de Milan. Puis en 1395, ayant grandement étendu le territoire, Jean Galéas Visconti fut nommé le premier duc de Milan. En 1450, ayant obtenu le droit de succession du duc Philippe Marie Visconti et épousé sa fille Blanche Marie, François (Francesco) Sforza devint duc de Milan. Les déscendants des Visconti et des Sforza conservaient le titre de duc jusqu'à la mort de François II Sforza (Francesco Maria Sforza) en 1535.

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Francesco I Sforza

Chef de guerre, Francesco était le fils de condottiere Muzio Attendolo Sforza et Lucia Terzani de Marsciano. En 1441, dans l'intérêt de négocier la paix avec les troupes de Florence et de Rome, Francesco épousa la fille de Philippe Marie Visconti, Blanche Marie, et fut promis le duché de Milan suivant le décès de Philippe Marie. Mais suite à ce décès en 1447, les Milanais proclamèrent la République ambrosienne; cependant, pour éviter la division du duché, Francesco fut appelé à réunir le territoire et fut finalement proclamé seigneur et duc de Milan en 1450.

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François Ier

François (1494-1547) succéda à son beau-père Louis XII comme roi de France en 1515. Sa rivalité avec Charles Quint du Saint-Empire romain entraina la guerre presque continuelle; il fut même fait prisonnier de Charles brièvement en 1525 -- et cet antagonisme entre deux rois catholiques facilite la diffusion de la Réforme protestant en Europe. Le règne de François fut aussi marqué par le renforcement du pouvoir royal et par la construction d'un état puissant. Le développement de la vie de cour favorisa l'essor des arts et des lettres; le règne de François Ier est associé à l'avènement de la Renaissance italienne en France. Il attira à la cour des artistes tels que Léonard de Vinci et il fit construire plusieurs châteaux de la Loire dans le nouveau style qui fait d'eux moins des forteresses que des demeures de luxe.

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François II Sforza (en ital. Francesco Maria Sforza)

Dernier duc de Milan de la famille Sforza. Né en 1495, François était le second fils de Ludovic Sforza et Béatrice d'Este et le frère cadet de Maximilien Sforza. Élévé en exil à la cour de Maximilien I de Habsbourg (époux de sa cousine Blanche-Marie Sforza), son frère Maximilien était duc de 1512 jusqu'à 1515 quand il fut évincé de nouveau par le roi François Ier et les Français. François II Sforza put finalement revenir à Milan en 1521, suivant la reconquête par les forces de l'empereur Charles Quint et du Pape Léon X. Le duché de Milan fut conquis encore en 1524 par les Français, mais en 1525 Charles Quint restaura François II Sforza sur son trône. En 1534, François se maria avec Christine de Danemark, fille de Christian II de Danemark et nièce de Charles Quint, mais il mourut en 1535 sans enfant. Sans héritier direct, ce qui marque la fin de la dynastie des Sforza, le duché de Milan fut annexé par Charles Quint et passa sous le contrôle des Habsbourg.

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Galeazzo da Sanseverino

La grand-mère de Galeazzo da Sanseverino (1460-1525) était Elisa Sforza, la sœur de Francesco I Sforza. Galeazzo servit de courtier au le Duché de Milan à l'époque de Ludovic Sforza, dont il épousa la fille illégitime, Bianca, en 1489. Capté par les Français avec Ludovic en 1500 lors de la bataille de Novara, Galeazzo finit par se rallier aux Français. Il accompagna François Ier à la Bataille de Pavie en 1525 où celui-ci fut fait prisonnier, et où Galeazzo mourut.

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Guerre de Cent Ans

Un conflit entre les royaumes de France et d'Angleterre de 1337 à 1453, sous le prétexte officiel de la question de succession causée par l'interruption de la descendance des rois de France, les Capétiens. Les crises démographiques, économiques et sociales en Europe au XIVe siècle ayant contribué aux tensions, le déclenchement du conflit fut le résultat des conflits croissants entre les rois de France et d'Angleterre sur les territoires de la Guyenne, des Flandres et de l'Écosse.

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Guillaume Gouffier de Bonnivet

Né vers 1482, Guillaume fut ami de François d'Angoulême (futur roi François Ier de France), puis un des principaux conseillers du jeune roi dès le couronnement de celui-ci en 1515 jusqu'à la mort de Bonnivet en 1525 pendant la Bataille de Pavie. Bonnivet fut nommé amiral de France en 1515. Marié une première fois en 1506, de son deuxième mariage en 1517 avec Louise de Crèvecœur furent nés trois fils, tous nommés François en hommage au roi.
Il est à noter que la perte de la Bataille de Pavie, où François Ier fut fait prisonnier, fut attribuée à Bonnivet qui encouragea François Ier à ne pas se retirer quand les généraux les plus experimentés disaient que la défaite était inévitable.

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Jean I de Bourgogne (Jean sans Peur)

Prince de la maison de Valois, duc de Bourgogne, comte de Flandre, entre autres. Ayant commandé l'assassinat de son cousin Louis I d'Orléans (épouse de Valentine Visconti), Jean Ier provoqua une guerre civile entre Armagnacs et Bourguignons, ce qui contribua au relancement de la guerre de Cent Ans. Il fut assassiné en 1419.

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Jean-Jacques de Trivulce (en ital. Gian Giacomo Trivulzio)

Condottiere d'une noble famille de Milan, né en 1440. Connu pour ses compétences militaires, Trivulce fut employé par les rois Louis XI, Charles VIII et Louis XII de France, ainsi que Ferdinand II d’Aragon, roi de Naples. En 1499 sous Louis XII, il conquit le duché de Milan, en renversant le pouvoir de son ancien allié Ludovic Sforza. Trivulce fut nommé maréchal de France en 1499, puis gouverneur de Milan en 1500, gouverneur du Lyonnais et lieutenant en Bourgogne en 1513 et lieutenant-général en Dauphiné en 1515. Il sortit victorieux des batailles d'Agnadel (1509), de Novare (1513) et de Marignan (1515). Il mourut en 1518.

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Jules II (pape)

Né Giuliano della Rovere en 1443, Jules II fut pape de 1503 jusquà sa mort en 1513. Connu pour avoir participé personnellement à ses campagnes militaires, son objectif ultime d'un État pontifical d'une grande puissance lui donna l'image du "pape-soldat". La nature belliqueuse de ce pontificat et la vente des indulgences pour financier la construction de la basilique Saint-Pierre furent deux points qui engendrèrent la Réforme. Il est estimé qu'avant son pontificat, Jules II devint père d'une fille illégitime, la diplomate influente Felice della Rovere, avec Lucrezia Normanni.

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Jérôme Morone

Chancelier de Milan au service de François II Sforza, Morone est surtout connu pour sa tentative de libérer le Duché de Milan de l'emprise de Charles Quint après la Bataille de Pavie en 1525 (une grande défaite pour les Français où François Ier fut fait prisionnier). Morone lui-même fut fait prisonnier quand son complot contre Charles Quint fut révélé.
  • Histoire universelle, depuis le commencement du monde jusqu'au présent, t. 49, Paris, Moutard, 1786, p. 53-56. Livre numérique Google, Internet, 29 janvier 2018. https://books.google.ca/.

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La Palice, Jacques II de Chabannes de

Jacques II de Chabannes de la Palice (ou de La Palisse) fut né en 1470. Maréchal de France ayant participé à toutes les guerres entre la France et l'Italie de l'époque, il fut tué à la Bataille de Pavie en 1525.

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La Trémoille ou de La Trimouille, Louis II de

(1460-1525). Vers l'âge de 14 ans, il fut envoyé comme page à la cour de Louis XI. À l'âge adulte il devint homme d'État et chef de guerre, servant les rois Charles VIII, Louis XII et François Ier.
En 1484, il épousa Gabrielle de Bourbon, cousine du monarque. Ce mariage, arrangé par Anne de France pour mieux attacher La Trémoille à la monarchie, fut long et heureux.
Pendant la Guerre folle, il resta du côté d'Anne de France, alors la régente, remportant la victoire pour la monarchie en 1588 contre Louis d'Orléans, le futur Louis XII.

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Lac de Côme (en ital. lago di Como)

Lac alpin situé en Lombardie, au nord de Milan. En forme d'un Y renversé, les trois branches du lac sont associés aux villes de Côme (Como en ital.), Lecco et Colico.

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Loches

Ch.-l. d'arr. de l'Indre-et-Loire, sur l'Indre. 6 544 hab. (aggl. 10 198) (Lochois). Anc. cité fortifiée conservant deux de ses trois enceintes primitives : porte Royale (XIIIe s.) ; porte Picois et porte des Cordeliers (XVe s.) ; tour Saint-Antoine (XVIe s.), l'un des rares beffrois du centre de la France. Bâti sur un promontoire naturel, le château comprend le donjon (XIe s.) et les logis royaux des XIVe et XVIe., renfermant notamment le tombeau d'Agnès Sorel. Église Saint-Ours du XIIe s. Musée Lansyer : œuvres du paysagiste lochois (1835 - 1893). Musée du Terroir.
  • Loches, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.

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Louis I d'Orléans

Louis I d'Orléans (1372-1407) était le second fils du roi Charles V de France et de Jeanne de Bourbon; frère cadet du roi Charles VI. Prince de la maison de Valois, Louis fut fondateur de la deuxième maison d'Orléans. En 1389, il fut marié à Valentine Visconti. De ce mariage naquirent dix enfants, parmi lesquels Charles, père de Louis XII.

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Louis XII

(Blois 1462 - Paris 1515). Roi de France (1498-1515). D'abord Duc d'Orléans, Louis fut contraint par le roi Louis XI, son cousin, d'épouser la fille de ce dernier, Jeanne de France. Handicapée, Jeanne ne pouvait pas avoir d'enfants: Louis XI entendait mettre fin à la branche Orléans de la famille royale en insistant sur ce mariage. Mais le fils de Louis XI, Charles VIII, mourut sans enfants alors Louis d'Orléans lui succéda.
Pendant le règne de Charles VIII, Louis prit la tête de la guerre contre la monarchie au nom des ducs et princes que Louis XI avait voulu subjuger. Cette Guerre folle entre 1485 et 1488 mena à la défaite et l'emprisonnement de Louis d'Orléans pendant trois ans. Par la suite il se reconcilia avec Charles VIII et prit part au nom de ce roi aux guerres d'Italie, qui continuèrent pendant son règne à lui. Dès son avènement au trône, Louis XII fit annuler son mariage avec Jeanne de France, jamais consommé, pour épouser Anne de Bretagne, veuve de Charles VIII. Il montra une rare clémence vis-à-vis de ses anciens adversaires, et il introduisit des réformes de la justice et des impôts qui lui valurent le nom du Père du peuple.
  • Louis XII, Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
  • Louis XII, Wikipédia l'encyclopédie libre (24 octobre 2016), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 4 décembre 2016. https://fr.wikipedia.org/wiki/Louis_XII.

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Louise-Françoise de Bourbon (Mademoiselle de Nantes)

Princesse de France, Louise-Françoise (1673-1743) était la fille de Louis XIV et de sa favorite Madame de Montespan (Françoise Athénaïs de Rochechouart de Mortemart), légitimée par le Parlement de Paris avec ses frères. Elle fut mariée à douze ans à Louis III de Bourbon-Condé, duc de Bourbon, prince du sang et prince de Condé, d'où elle reçut les titres de duchesse de Bourbon et princesse de Condé.

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Ludovic Sforza, dit le More (en ital. Ludovico Maria Sforza, il Moro)

Le deuxième fils de Francesco Sforza et de Blanche Marie Visconti. Suivant la mort suspecte de Jean Galéas II en 1494, qui avait succédé à son père Galéas Marie (frère aîné de Ludovic), assassiné en 1476, Ludovic fut duc de Milan jusqu'à la conquête française en 1499. Les deux fils légitimes de Ludovic et Béatrice d'Este portèrent aussi le titre de duc de Milan, Maximilien de 1512 à 1515 et encore de 1529 à 1530, puis François II de 1530 à 1535.

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Léon X (pape; Jean de Médicis, en it. Giovanni di Lorenzo de Medici)

(1475 – 1521). 215e pape (1513-1521), fils de Laurent le Magnifique, il reçut une éducation humaniste (Ange Politien fut son précepteur) et resta un homme de cour protecteur des lettrés et des artistes dont Raphaël et Michel-Ange. Il signa le concordat de Bologne avec François Ier (1516) et mit fin au concile du Latran (1517) sans réaliser de véritable réforme ecclésiastique. En 1514, il avait renouvelé les indulgences concédées par Jules II pour financer la reconstruction de Saint-Pierre : Luther s’y attaqua dans ses « thèses » de 1517 ; le pape le condamna par la bulle Exsurge, domine (15 juin 1520) que celui-ci brûla publiquement le 10 décembre suivant, ce qui finit par confirmer le schisme entre les églises catholique et protestantes.
  • Léon X [Jean de Médicis], Le Petit Robert : Dictionnaire illustré des noms propres, Paris, Dictionnaires le Robert, 1994.
  • Léon X, Wikipédia l'encyclopédie libre (11 novembre 2013), Los Angeles, Wikimedia Foundation, Internet, 30 avril 2014. https://fr.wikipedia.org/wiki/Léon_X.

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Maison d'Orléans

La maison d'Orléans comprend quatre branches de la maison royale de France descendues de Hugues Capet (appelées capétiennes). Traditionnellement, le duché d'Orléans était donné au premier fils cadet du roi. La première maison d'Orléans fut fondée par Phillippe VI de France en 1344 (de la maison de Valois); la deuxième par Louis I d'Orléans en 1392 (aussi de la maison de Valois); la troisième issue de Gaston de France (frère de Louis XIII de la maison de Bourbon) en 1626; la quatrième du frère du roi Louis XIV, Philippe 1er (aussi de la maison de Bourbon) en 1661.

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Maximilien Sforza (en ital. Ercole Massimiliano Sforza)

Né en 1493, Maximilien était le premier fils de Ludovic Sforza et Béatrice d'Este et le frère aîné de François (Francesco) II Marie Sforza (dernier duc de Milan des Sforza). Son père évincé du duché en 1500, Maximilien hérita la couronne ducale de Milan en 1512 suivant la mort accidentale de son cousin Francesco, fils de Jean Galéas Sforza (héritier direct du duché), et grâce à la mise en place de la Sainte Ligue du pape Jules II. Suivant la mort du roi Louis XII de France en 1515, François Ier accéda au trône de France. Arrière petit-fils de Louis I d'Orléans et Valentine Visconti, François I lança une campagne pour reprendre le duché de Milan. Concédant sa défaite à la suite de la bataille de Marignan, Maximilien fut exilé en France, où il passa le reste de sa vie.

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Odet de Foix, Maréchal de Lautrec

Né en 1485, Odet de Foix joua un rôle important dans les guerres d'Italie. Il fut nommé maréchal de France en 1511, puis gouverneur du duché de Milan en 1516 par François Ier de France, suivant leur victoire en 1515 à la bataille de Marignan. Ses titres incluaient aussi vicomte de Lautrec (dit Maréchal de Lautrec), comte de Beaufort, seigneur de Lautrec, sire d'Orval et Lesparre (par mariage), gouverneur du Languedoc et amiral de Guyenne, entre autres. Comme lieutenant général, il commanda l'armée de la grande ligue contre l'empereur Charles Quint en 1527, reprit Gênes et Alexandrie et marcha contre Pavie et Naples. Avec sa femme Charlotte d'Albret d'Orval et de Lesparre (fille de Jean d'Albret gouverneur de Champagne et de Charlotte de Bourgogne comtesse de Rethel), il eut quatre enfants: Gaston (mort jeune), Henry (comte de Comminges, de Beaufort en Champagne), François (mort jeune) et Claude (Comtesse douairière de Laval). Il mourut en 1528 d'une fièvre maligne.

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Pierre Terrail de Bayard

Plus connu sous le nom du Chevalier Bayard, Pierre Terrail, né en 1475 ou 1476, s'illustra à l'armée pendant les guerres d'Italie. Il fut tué sur le champs de bataille en Italie en 1524.

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Prospero Colonna

De la famille de noblesse ancienne Colonna, Prospero fut né en 1452. Il était dans le camp du roi Charles VIII de France lors de son invasion de l'actuelle Italie, mais quand l'armée de Charles se retira, Prospero changea d'allégeance, et combattit contre Louis XII lors de son invasion du territoire italien. Un grand seigneur féodal du sud de l'Italie, Prospero participa à la guerre contre la France du temps de François Ier, et il fut fait prisonnier lors de la Bataille de Marignan. Enfin en 1522, l'année avant sa mort, il connut une victoire décisive contre les Français dans la Bataille de Bicocca.

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Saint-Empire romain germanique

Regroupement des états européens occidentaux et centraux, dirigé par l'Empereur des Romains du Xe siècle jusqu'à la montée de Napoléon Bonaparte. Considéré comme la continuation de l'Empire romain et de l'Empire d'Occident des Carolingiens du Moyen Âge.

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Thomas de Foix, Maréchal de Lescun

Frère cadet d’Odet de Foix, Thomas de Foix est comme Odet nommé maréchal de France: on l'appelle maréchal de Lescun pour le distinguer d'Odet, maréchal de Lautrec. Thomas fut d'abord destiné à une carrière ecclésiastique, mais dès 1513 il se joint à son frère comme homme de guerre au service du roi de France, François Ier. Après la conquête du duché de Milan grâce à la bataille de Marignan en 1515, Thomas devint le gouverneur du duché, mais il fut remplacé à ce poste par son frère Odet l'année suivante.

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Valentine de Milan

Princesse milanaise (1368-1408), fille de Jean Galéas Visconti, premier duc de Milan, et d'Isabelle comtesse de Vertus (de la maison de Valois), fille du roi Jean II le Bon de France. Duchesse d'Orléans par son mariage avec Louis de France, duc d'Orléans (frère du roi Charles VI de France).

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Notes

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